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Bibliographie
1 Swisstransplant. Rapport annuel 2012.
2 Martin PY, Saudan P, Burnier M. Insuffisance rénale terminale et patients âgés : l’âge est-il une limite à un trai- tement de substitution rénale ? Rev Med Suisse 2004;
62:112-6.
3 Imhoff O, Caillard S, Moulin B. «Le receveur limite» : existe-t-il encore des freins à l’inscription des patients sur liste d’attente de transplantation rénale ? Nephrol Ther 2007;58:S282-8.
4 Carrasco FR, Moreno A, Ridao N, et al. Kidney trans-
plantation complications related to psychiatric or neuro- logical disorders. Transplant Proc 2009;41:2430-2.
5 Le consentement présumé en matière de don d’or- ganes, Considérations éthiques de la Commission natio- nale d’éthique pour la médecine humaine, 2012.
pas se baser sur des critères plus sélectifs pour des raisons éthiques.
Tous nos intervenants s’accordent à dire qu’en réponse à la pénurie existante, ce n’est pas du côté de la demande qu’il faut agir mais plutôt au niveau de l’offre en soutenant le don d’organes.
Le consentement présumé pourrait ap
paraître comme la solution évidente. Toute personne serait réputée donneuse d’orga
nes, sauf s’il est établi qu’une opposition a été exprimée de son vivant. Pourtant, les étu
des menées dans différents pays tendent plutôt à démontrer l’inefficacité de cette me
sure si elle n’est pas accompagnée d’autres restructurations. En effet, «si le taux de dons est augmenté dans certains pays qui ont introduit le consentement présumé, notam
ment en Belgique, il est resté inchangé dans d’autres, par exemple en Suède, et il a même diminué au Danemark. A l’inverse, certains pays, comme l’Australie et les EtatsUnis, ont vu le taux de dons augmenter avec l’in
troduction du consentement explicite.»5 Un autre élément également discuté com
me solution est l’existence de campagnes de l’OFSP. Cependant, cellesci ne pouvant être incitatives, il semble que la population,
face au libre arbitre exposé dans ces cam
pagnes, peine à se positionner en faveur du don et va même jusqu’à le refuser expli
citement. C’est pourquoi, ces deux mesures ne suffisent pas à lutter contre la pénurie.
D’autres perspectives à favoriser le don d’organes sont apparues à l’issue de notre travail. La première serait de développer une meilleure information à la population et au corps médical. La seconde serait une meil
leure coordination intrahospitalière s’éten
dant à toute la Suisse. Le Programme latin du don d’organes (PLDO) en est un bon exem
ple. Celuici regroupe la Suisse romande et le Tessin et son but principal est de favoriser le don d’organes. Dans l’idéal, ce type de programme devrait englober tout le pays.
Finalement, l’instauration d’un financement cantonal obligatoire en faveur de la trans
plantation serait probablement bénéfique, car aucune loi n’oblige les cantons à prévoir un budget pour les hôpitaux en ce qui con
cerne la problématique de la transplantation.
conclusion
Notre objectif était d’interroger les ac
teurs ayant un rôle dans le domaine de la
transplantation, et plus particulièrement celle de la greffe rénale, pour investiguer les fron
tières entre une personne transplantable ou non. Nous nous sommes aussi demandé comment réduire le fossé entre l’offre et la demande et s’il fallait une sélection plus sévère ou une meilleure promotion du don d’organes.
Notre recherche a mis en évidence l’im
portance de la multidisciplinarité dans la prise de décision de mise en liste. Ainsi, le patient doit impérativement être considéré dans une approche biopsychosociale. Limi
ter les paramètres de mise en liste pour la greffe ne semble pas constituer une solu
tion valable. Promouvoir et améliorer le don d’organes permettraient de lutter contre la pénurie de manière plus juste.
Remerciements
A notre tuteur, Serge de Vallière, aux intervenants : Drs J.-P. Venetz, S. Oggier, F. Immer et I. Rossi, Prs L. Benaroyo et M. Pascual, Mmes G. Ludwig, N. Pilon et E. Ghanfili, MM. Y. Seydoux et M. Chabbey.
• • •
Travailleuses du sexe clandestines : complexité de l’accès aux soins
Jonathan Frauenknecht, Ana Lopes, Marie-Pierre Mathey, Megan Pannatier, Leslie Rausis, étudiants en troisième année bachelor de la Faculté de biologie et de médecine de Lausanne
introduction
La prostitution est une activité légale en Suisse depuis 1942. Une loi spécifique, définissant la prostitution, a été rédigée dans le canton de Vaud (Loi sur l’exercice de la prostitution du 30 mars 2004 – LPros).
La police évalue à 250 le nombre de travail
leuses du sexe dans les rues lausannoises, dont 96% sont des migrantes et la majorité (66%) sans droit de séjour.1
Suite à la mauvaise conjoncture écono
mique et aux récentes facilités de franchis
sement des frontières européennes, le nom
bre de travailleuses du sexe a augmenté, entraînant une concurrence accrue entre elles et l’augmentation des prises de risque telles que la difficulté d’imposer le port du préservatif.2 Ces tendances entraînent des risques sanitaires élevés pour les travailleu
ses du sexe, pour les consommateurs, et leur partenaire. Inquiétant lorsqu’on sait que 19% de la population masculine auraient recours au moins une fois dans sa vie à des prestations sexuelles tarifées.3
Notre travail s’est centré sur la prise en charge médicale des travailleuses du sexe
clandestines (TSC), la finalité étant de dé
couvrir un éventuel écart dans l’offre mise à disposition et son usage par les TSC.
méthodologie
A l’aide d’entretiens semistructurés, nous avons recueilli l’avis d’un médecin de la PMU à Lausanne, d’une infirmière du centre Point d’Eau, d’une représentante de Fleur de Pavé, d’une avocate spécialiste en droit de la responsabilité civile et des assuran
ces, ainsi que de deux représentantes du
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service juridique du CHUV. Un questionnaire a été envoyé par courrier électronique à huit compagnies d’assurance, dont deux ont ré
pondu à nos questions.
résultats
Les principaux résultats de notre enquête sont représentés dans la figure 1.
Contexte
Toute personne résidant en Suisse plus de trois mois a l’obligation de s’assurer, quel que soit son statut légal (LAMal, art. 3). Les assureurs sont tenus d’une part, d’affilier tout demandeur pour les soins de base (LAMal, art. 4) et d’autre part, de ne pas dénoncer une personne en situation illégale. Une adresse de facturation ainsi qu’un compte bancaire sont les seuls critères indispen
sables pour contracter une assurancema
ladie. Dès lors, la prise en charge médicale est garantie comme tout un chacun une fois que ces conditions sont remplies. En situa
tion d’urgence, le traitement n’est pas limité, quelle que soit la situation assécurologique.
La possibilité d’obtenir des subsides se fait par demande écrite auprès de l’Office
vaudois de l’assurancemaladie. En cas de ressources financières insuffisantes, des structures basseuil, tel que Point d’Eau, proposent des soins à moindre prix.
L’association Fleur de Pavé informe les TSC sur l’organisation du système de soins et sur les comportements à risque. Elle four
nit également du matériel de protection, un soutien psychologique et les accompagne personnellement auprès des structures de soins ou de conseil juridique.
En théorie, le cadre légal, social et médi
cal semble idéal à une prise en charge com
plète pour des patientes telles que les TSC.
limitations
De par leur double statut, prostitution et clandestinité, les TSC cumulent les facteurs de risque sanitaire, physique et psychique.
Malgré cela, elles consultent peu les ré
seaux de soins. De nombreux obstacles limitent leur volonté et leur possibilité de consulter : le manque d’information juridique, la peur de l’expulsion, le coût des soins, les pressions externes (proxénète, famille, etc.), mais également l’insuffisance de l’offre pour les TSC.
conclusion
Notre recherche révèle un écart de per
ception entre les intervenants questionnés.
La majorité s’accorde sur le fait que les TSC restent une population sousinformée en ce qui concerne leurs droits et leurs possi
bilités d’accès aux soins et que de ce fait, elles en profitent peu. Cependant, selon certains, les TSC seraient plutôt bien ren
seignées et la difficulté pour ces dernières demeurerait dans la complexité liée à leur prise en charge. Comment réellement dis
cerner la vérité chez une population qui vit dans l’ombre et dont l’avis n’est pas claire
ment demandé ? Malgré une volonté com
mune d’améliorer la prise en charge des TSC, quels seraient les retombées écono
miques et les profits sanitaires engendrés si le nécessaire était fait ? La problématique future résiderait donc dans l’étude détaillée des souhaits des TSC afin d’adapter le cadre actuel à leurs besoins.
Remerciements
Nous remercions tous ceux qui ont participé d’une manière ou d’une autre à ce projet.
Figure 1. Facteurs influençant le non-accès aux soins pour les travailleuses du sexe clandestines TSC : travailleuses du sexe clandestines.
Résultats
Une adresse et un compte bancaire sont obligatoires afin de contracter une assurance. Si ce n’est pas le cas, tout soin doit être payé en liquide
L’association Fleur de Pavé s’assure principalement d’informer les TSC concernant l’organisation du système de soins. Elle les accompagne dans les différentes démarches
• Subsides obtenus sur demande par les TSC auprès des instances étatiques
• Financement des structures bas-seuil par des mécènes
• Les assureurs sont tenus par la LAMal (art. 4) d’accepter toute demande d’affiliation quel que soit le statut légal
• Les compagnies d’assurances n’ont pas le droit de dénoncer les TSC
• Domicile incertain
• Localisation difficile d’accès des instances publiques
• Petit revenu
• Pressions extérieures (proxénète et famille)
• Obligation de travailler en toutes circonstances (imposée par le proxénète ou par nécessité de rendement)
• Peu d’importance accordée à la santé
Assureurs :
• Discrimination illégale en refusant d’affilier les TSC TSC :
• Coûts importants (prime, franchise, quote-part)
• Manque de connaissances
• Peur de l’expulsion
• Pas de domiciliation et de compte bancaire
• Difficulté de créer une alliance thérapeutique à long terme
• Limitation à une prise en charge aiguë
• Débordement des structures bas-seuil
• Horaires de consultation inadéquats
• Difficulté à identifier cette population par les médecins et le personnel d’accueil
• Absence d’un espace de parole
• Cherté des soins
• Limitations du financement des structures bas- seuil R personnel insuffisant
• Langue maternelle
• Analphabétisme
• Niveau d’éducation
Mauvaises connaissances des droits civiques R Peur de consulter, d’être dénoncées
La LAMal (art. 3) oblige toute personne résidant en Suisse depuis plus de trois mois à s’assurer. Elle lui garantit l’accès aux soins de base. Le service juridique est tenu au secret professionnel
Les soins aigus sont prodigués quel que soit le statut assécurologique ou légal. Le secret médical protège les TSC. Les structures bas-seuil proposent des soins à des prix plus accessibles
Socio- économique
Assécurologique
Juridique
Médical
Etatique Informations
Facteurs influençant le
non-accès aux soins
Contexte Limitations
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problématique
Le mélanome est le quatrième cancer le plus fréquent en Suisse, et son incidence ne fait qu’augmenter (doublement de l’inci
dence tous les quinze ans).1 Le comporte
ment individuel face à l’exposition au soleil est un facteur de risque important. 2 La publi
cité omniprésente pour les crèmes solaires laisse croire à leur efficacité, alors qu’il a été démontré qu’elles ne protégeaient pas du mélanome. Ce message estil passé ?
objectifs
S’informer de la prévention actuelle ; con
naître le niveau et les sources d’information de la population s’exposant au soleil ; démon
trer les stratégies de protection adoptées ; discuter ces résultats avec les profession
nels concernés.
méthodologie
Nous avons, dans un premier temps, créé un questionnaire visant à apprécier les con
naissances et les stratégies de prévention de la population jeune lausannoise. Puis, nous avons discuté de ces résultats avec cinq médecins généralistes et trois derma
tologues, un représentant de la Ligue vau
doise contre le cancer (LVC), un expert en santé publique et une journaliste d’un ma
gazine féminin.
résultats
Nous avons interrogé 87 étudiants, âgés de 18 à 30 ans. Plus de la moitié (49/87 ; 56,3%) a remarqué une prévention contre les dangers du soleil (affiches, spots TV, presse) mais elle n’a eu d’influence que sur 20% des étudiants. Nous pensons que ceux
ci ont préalablement été sensibilisés par leur entourage (figure 1).
La majorité d’entre eux est consciente des effets néfastes du soleil : les cancers de la peau, le vieillissement cutané et les brûlures solaires ont été évoqués par 70% des étu
diants. Nonobstant ces quelques connais
sances, les étudiants interrogés se protègent de manière inadéquate : 77% utilisent de la crème solaire et, parmi eux, 65,5% pensent que les produits solaires sont un moyen efficace de protection contre le mélanome (figure 2).
Les recommandations principales de la
LVC sont de limiter l’exposition et de porter des vêtements, la crème solaire étant une mesure additionnelle.3
Les médecins généralistes interrogés mé
connaissent l’inefficacité des produits so
laires dans la prévention contre le mélanome.
Pourtant, ces derniers ont un rôle central dans la sensibilisation de la population aux méfaits du soleil. Clarifier l’usage et les indi
cations des produits solaires devrait faire partie des sujets abordés lors de leurs con
sultations.
Les dermatologues interrogés appliquent adéquatement les principes de prévention.
Toutefois, leur population cible est limitée à leur clientèle et les personnes sensibilisées par la maladie (principalement les person
nes ayant une peau à risques, celles ayant eu un mélanome ou celles dont un membre de la famille a souffert de la maladie).
Quant à la LVC, elle manque de ressour
ces (humaines et financières) pour faire passer ses messages de prévention alors que le marché des produits solaires dispose d’importants moyens publicitaires, ce qui perpétue l’association erronée entre crème solaire et protection contre le mélanome.
Outre le rôle des médecins, des derma
tologues et de la LVC dans la prévention du mélanome, il faut garder à l’esprit que la res
ponsabilité individuelle (comportement res
ponsable face au soleil) est un pilier central dans la prévention de ce cancer.4 Selon le Dr Guggisberg, dermatologue installé à Neu
châtel, «les personnes les plus réceptives à la prévention sont celles concernées par la maladie (les personnes ayant une peau à risques, celles ayant eu un mélanome ou celles dont un membre de la famille a souf
fert de la maladie). Il faudra attendre encore quinze à vingt ans pour que les comporte
ments prennent un autre tournant, les habi
tudes de vie face à l’exposition solaire étant difficiles à modifier.»
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Bibliographie
1 Gloor E, Meystre-Augustoni G, Ansermet-Pagot A, et al. Travailleuses du sexe : un accès aux soins limité ? Rev Med Suisse 2011;7:1429-33.
2 Meystre-Augustoni G, Voellinger R, Balthasar H,
Dubois- Arber F. Comportements par rapport au VIH/
sida et autres infections sexuellement transmissibles dans l’univers de la prostitution féminine. Lausanne : Institut universitaire de médecine sociale et préventive, 2008
(Raison de santé, 139).
3 Lerion H, Zesson G, Hubert M. The Europeans and their sexual partners. Sexual Behaviour and HIV/AIDS in Europe. London: 1998
• • •
Mélanome : un cancer qui bronze
Simone Ackermann, Claudia Rebell, Sébastien Vedani, Anne Vuadens, Adrian Wolfensberger, étudiants en troisième année bachelor de la Faculté de biologie et de médecine de Lausanne
Figure 1. Prévention contre les dangers du soleil : connaissances et impact sur le comportement
N’a pas remarqué de prévention
A remarqué une prévention
Pas d’impact sur
le comportement Impact sur le comportement 0 20 40 60
Nombre de personnes
Figure 2. Avis de notre échantillon au sujet de l’efficacité de la crème solaire contre le mélanome
Utile 66%
Inutile 23%
Ne sait pas 11%
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