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Qui aime bien, châtie bien !

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le praticien et les abus

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24 août 2010 Revue Médicale Suisse

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Qui aime bien, châtie bien !

ou les méfaits de la violence éducative ordinaire (2)

Résumé de la première partie *

Enfants, la plupart d’entre nous avons reçu des coups de nos parents ou autres membres de notre entourage dans un but éducatif. Alors que les adultes confondent éducation avec dressage, leurs enfants intègrent ce mode d’éducation comme étant nor­

mal. C’est ce que l’on nomme la violence éducative ordinaire.

A sa naissance, le bébé humain se trouve totalement dépendant de son entourage et n’est pas préparé à re­

cevoir cette violence qui l’atteint dans sa base de sécurité. Son système nerveux est encore immature et il n’est pas en mesure d’en tirer une quelconque leçon. Il ne peut donc que la subir et l’intégrer en dévelop­

pant un mécanisme de déni. L’ex­

périence de la violence à son jeune âge va interférer avec le bon déve­

loppement de son cerveau et ainsi

entraîner des perturbations au long cours de son état de santé physi­

que et psychique.

Lorsque le jeune adulte aura per­

du l’empathie pour le petit enfant qu’il était en banalisant les violen­

ces subies, il sera prêt à reproduire ces comportements sur ses propres enfants.

conséquencesphysiques

L

es conséquences physiques di­-

­rec­tes des maltraitances sont bien évidemment les contusions, plaies, hématomes et fractures. Une claque mal­

placée peut occasionner des lésions oculaires ou une perforation du tympan.

Quant à la fessée, lorsqu’elle est don­

née à l’aide d’un bâton, elle peut léser les nerfs sciati ques, le coccyx et parfois même les organes génitaux. Les mains des enfants sont par ticulièrement vulné­

rables parce que les ligaments, nerfs, tendons et vaisseaux sanguins se trou­

vent juste sous la peau, sans aucun tis­

su protecteur. Chez les petits enfants, les coups peuvent léser les plaques de croissance osseuses. Quant aux bébés secoués, ils risquent des lésions céré­

brales irréversibles et par fois même la mort.

Les effets indirects, secondaires à des abus physiques, seront dus au stress qu’ils occasionnent et se manifesteront par l’apparition de maladies psychoso­

matiques.

La­maladie­est­une­réponse­au­stress­

créée­par­l’impossibilité­de­fuir­ou­de­

combattre.

Henri Laborit Si les maltraitances perdurent, les épi­

sodes de stress aigus vont se muer en stress chronique. Les fréquentes déchar­

ges d’adrénaline seront la genèse de contractions involontaires et inconscien­

tes des muscles qui, elles, seront à l’ori­

gine de nombreux symptômes doulou­

reux réunis sous le terme de troubles so­

matoformes. Quant à l’excès du cortisol plasmatique, il induira des perturbations métaboliques, des épigastralgies et fra­

gilisera les patients face aux survenues de maladies infectieuses et au dévelop­

pement de certains cancers. Et s’il se produit un effondrement subit du corti­

sol plasmatique, ces personnes seront également à risque de développer des maladies auto­immunes.

conséquencespsychiques

«Les premiers coups reçus de leurs parents apprennent aux enfants qu’ils ont tort et que les parents ont raison, que les coups douloureux qu’on leur donne leur font du bien… Cette inversion des va­

leurs… devient le fondement de toute leur pensée, un fondement inaccessible à toute remise en question parce qu’il s’est établi à une époque de leur vie dont ils n’ont gardé aucun souvenir con scient».1

Jusqu’à l’âge de 5­6 ans, l’enfant fonc­

tionne selon un système binaire, c’est­à­

dire que pour lui le monde est bon­mau­

vais, beau­vilain, gentil­méchant. Si son entourage proche auquel il a besoin de s’attacher est méchant, il est en danger d’insécurité affective grave. Son seul choix est alors d’opter pour le clivage, un phé­

nomène psychologique qui scinde la per­

sonnalité en deux parties, l’une qui tient compte de la réalité pendant que l’autre la dénie. Le mécanisme qui sous­tend ce dysfonctionnement relève d’un blocage­

émotionnel nécessaire à l’enfant, autant pour garder à ses yeux une image idéale du parent abuseur que pour se protéger lui­même de la solitude et du sentiment d’abandon. Le déni qui en résulte relève d’une recherche d’évitement de la souf­

france. Mais, couplé au sentiment pro­

fond d’insécurité, il est à la base d’une dépendance relationnelle. Les coups ne détruisent pas l’instinct d’attachement,

C. Gauthier

Dr Cornelia Gauthier Médecine générale FMH

Médecine pychosomatique ASMPP Chemin de Bédex 16B

1226 Thônex

corgauthier@bluewin.ch www.formation-emotions.ch Rev Med Suisse 2010 ; 6 : 887-9

* Paru dans la Revue médicale suisse : Rev med suisse 2010;

6:589-91.

1 Maurel, 2009 ; p. 322.

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mais en pervertisse les liens. Il s’en suit l’équivalent du syndrome de Stockolm, à savoir, le développement de la con fian­

ce et de la sympathie face aux abuseurs, la bienveillance et la protection de leurs agresseurs et l’hostilité face à ceux qui remettent en question ces comporte­

ments abusifs. Ainsi, les parents maltrai­

tants pensent que les coups ne trauma­

tisent pas leurs enfants puisque ces der­

niers recherchent leur affection et parfois même la claque (lorsqu’elle est le seul moyen de communiquer). «Si des adul­

tes en pleine maturité peuvent voir leur vie définitivement modifiée parce qu’ils ont été pendant quelques jours dans la dépendance totale de leurs abuseurs et qu’ils ont développé à leur égard une sympathie malgré ce qu’ils ont subi, on peut imaginer pour les enfants la difficul­

té à remettre en question le comporte­

ment de leurs parents».2

Ces conditions de vie, particulièrement difficiles au départ de la vie, prédispose­

ront par la suite ces enfants à développer toutes sortes de troubles anxieux, dé­

pressifs, phobiques, obsessionnels, voire psychotiques.

conséquences comportementales

Il­est­normal­de­réagir­anormalement­

à­une­situation­anormale.

V. Frankl Tous les enfants qui ont subi des vio­

lences non reconnues et non réparées vont devenir des victimes. Toutefois, en raison du comportement d’imitation pro­

voquant l’identification à l’agresseur, ils développeront aussi en eux­mêmes une partie abusive. Ainsi, on observera chez les enfants maltraités cette dualité qui conditionnera tous leurs futurs compor­

tements. Leur avenir ne sera plus une potentialité neutre, mais un futur hypo­

théqué. Selon l’importance des préju­

dices subis, ces enfants deviendront soit des victimes abusives, soit des abuseurs victimes. Les uns comme les autres dé­

velopperont des troubles du compor­

tement qui induiront à leur tour des si­

tuations abusives et c’est ainsi que se perpétue le cercle vicieux des violences (ce concept est développé dans l’ou­

vrage cité en références3).

Les troubles du comportement des victimes se résument par l’incapacité de se protéger, de s’affirmer et d’oser dire non. Elles ont un réflexe de soumission immédiate et inconsciente à n’importe quel abuseur. C’est le seul mode relation­

nel qu’elles connaissent. Cette manière de vivre les épuisera de plus en plus, leur enlevant progressivement toute pos­

sibilité de réagir et d’inverser la vapeur.

Quant aux abuseurs, ils fonctionnent dans un continuel dépassement de limi­

tes. Le cumul du blocage émotionnel, du manque d’empathie, du déni, de l’égoïs­

me et d’un mécanisme de projection en sont les caractéristiques. L’admiration et la fascination que la violence de l’abuseur suscite chez le jeune enfant, doublées de l’apprentissage de cette même violence par le comportement d’imitation et l’iden­

tification à l’agresseur ainsi que le désir inconscient de se venger, font que ces enfants ont de grands risques de repro­

duire des violences semblables à celles qu’ils ont subies et qui sont à l’origine de leur nouvelle identité abusive. C’est ainsi que, de générations en générations, «on se passe la patate chaude».

Un­abuseur­est­avant­tout­­

une­victime­qui­s’ignore.

Léon Renard On observe autant chez les victimes abusives que chez les abuseurs victimes une propension à diriger les abus contre soi d’une part, et contre les autres, d’au­

tre part. D’ailleurs, des études ont mis en évidence que les enfants violentés ont plus de risques d’accidents, soit parce qu’ils s’exposent davantage ou parce qu’ils se protègent moins. Selon la Dr Jacqueline Cornet : «ce sont les coups qui sont primordiaux… Les agressions purement verbales n’ont pas le même impact sur les taux d’accidents».

Une conséquence très fréquente des maltraitances est le recours aux abus de substances. Mais on formule aujourd’hui également l’hypothèse que la pratique de la violence serait à l’origine d’une ad­

diction sans substances, produite par le déclenchement de la sécrétion d’endor­

phines4 qu’on appelle la «toxicomanie endogène».

inefficacitéetnocivité

delaviolence

Depuis des millénaires, on frappe les enfants pour les éduquer. Force est de constater que la méthode n’est pas très efficace. D’ailleurs, la plupart des per­

sonnes qui ont été frappées dans leur enfance ont oublié ce que les coups de­

vaient leur apprendre. Une enquête ef­

fectuée aux Etats­Unis a démontré que les Etats dans lesquels les châtiments corporels sont employés dans les écoles sont aussi ceux qui comportent les plus importants taux de criminalité. Une autre enquête précise que 90% des détenus des prisons américaines ont été maltrai­

tés dans leur enfance. Dans une enquê te faite par l’Inserm en 1994, les informa­

tions recueillies auprès de 12 391 enfants ont mis en évidence une forte liaison entre toutes les formes de violences. Violen ces subies, violences agies.

Les très sérieuses recherches qu’Ali ce Miller 5 a entreprises ont mis en évidence que tous les tyrans et dictateurs, de Sta­

line à Hitler, de Mao à Saddam, de Ceau­

cescu à Milosevic ont été élevés dans un climat de froideur affective, sans qu’ils n’aient trouvé personne sur leur chemin pour compenser la brutalité des coups subis et leur prêter une main secourable.

Ce même vécu abusif et totalement des­

tructeur se retrouve chez les tyrans et dictateurs actuels, mais, bien sûr, égale­

ment dans les histoires de vie de tous les monstres dont l’histoire regorge.

quelestle rôle

desmédecins

?

Toutes les personnes abusées consul­

tent une fois ou l’autre un médecin. En tant que tels, nous nous trouvons être le pivot central autour duquel tous ces dra­

mes s’articulent. En cela, nous avons un important rôle de détection. Il importe d’apprendre à dépister le mal à sa ra­

cine, avant que la cascade des réactions physiologiques et psychologiques ne rende nos patients malades. «Le rôle d’une bonne médecine est d’identifier les causes profondes des pathologies, de dénoncer les incohérences à l’origine des pollutions, des intoxications, et des trau­

matismes responsables des maladies».6 Mais bien sûr, lorsque les patients consultent tardivement pour les consé- quences des violences qui se manifestent par des maladies physiques et psychi­

ques ainsi que par des troubles compor­

... ...

2 Ibid, p. 114.

3 Gauthier, 2008 ; p. 113.

4 Favre, 2007 ; p. 60.

5 Miller, 2004 ; p. 75-9.

6 Jansen, 2008 ; p. 304.

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tementaux, notre rôle de soignants est bien sûr avant tout celui de les traiter.

Dans un premier temps, il sera indispen­

sable de prescrire un traitement sympto- matique (un anti­inflammatoire contre une inflammation, un anti­hypertenseur contre une hypertension, un antidiabétique con­

tre un diabète, un anti­infectieux contre une infection, un antidépresseur contre une dépression, etc.). A l’instar d’un coupe­

feu, la médecine symptomatique tente d’éteindre les incendies allumés, entre autres, par les méfaits de la violence édu­

cative ordinaire. Mais la médecine symp­

tomatique, par définition, n’a pas le pou­

voir de s’attaquer à ces causes, souvent très anciennes et inconscientes, enregis­

trées dans notre cerveau émotionnel ar­

chaïque.

Dans la mesure où les violences phy­

siques ont atteint nos patients dans leurs corps également, en y inscrivant des tra­

ces indélébiles qu’on nomme commu­

nément la mémoire­du­corps, il est né­

cessaire de leur apporter les moyens de faire­le­lien de cause à effet entre les vio­

lences subies et les maladies vécues. Il

est indispensable pour réparer, sinon adou cir quelque peu ces dégâts, d’y ré­

pondre également par une approche psycho­corporelle. Pour éviter un tou­

risme médical et la prise en charge cor­

porelle par les seules médecines com­

plémentaires, de nouvelles approches thé rapeutiques médicales nécessitent en­

core d’être développées et enseignées aux praticiens.

Il­devient­vital­et­urgent­de­penser­

autrement­l’éducation,­sachant­qu’il­ne­

pèse­aucun­déterminisme­biologique­

condamnant­les­hommes­à­la­violence.

Daniel Favre

... ...

résumé

• La violence éducative est considérée comme normale, donc ordinaire.

• Les adultes confondent éducation avec dressage.

• Les violences faites aux enfants com­

mencent très tôt.

• Les maltraitances interfèrent avec le bon développement du cerveau.

• La violence éducative est à l’origine de nombreuses maladies psychosoma­

tiques.

• Elle induit des troubles du compor­

tement chez les enfants qui la subis­

sent.

• L’avenir des enfants maltraités n’est pas une potentialité neutre, mais un futur hypothéqué.

• Toutes les personnes abusées con­

sultent une fois un médecin.

• Les médecins ont un important rôle de détection et de prévention.

• Les traitements symptomatiques ne trai tent pas les problématiques causales.

• Il est nécessaire de faire le lien entre les abus subis et les symptômes res­

sentis.

• Il faut développer de nouvelles thé­

rapies qui libèrent la mémoire du corps.

Bibliographie

• Campbell C. La violence familiale et l’abus des sub- stances. Feuillet du Centre national d’informations sur la violence dans la famille. Ottawa : Santé Canada.

• Cornet J. Faut-il battre les enfants ? Paris : Ed. Hommes et Perspectives, 1997.

• Damasio A. L’erreur de Descartes. Paris : Ed. Odile, Jacob, 2006.

• Damasio A. Spinoza avait raison. Paris : Ed. Odile Jacob, 2003.

• Favre D. Transformer la violence des élèves. Paris : Ed.

Dunod, 2007.

• Gauthier C. Sommes-nous tous des abusés ? Chêne- Bourg : Ed. Georg, 2008.

• Jansen T. La maladie a-t-elle un sens ? Paris : Ed. Fayard, 2008.

• LeDoux J. Neurobiologie de la personnalité. Paris : Ed.

Odile Jacob, 2003.

• Manciaux M, Gabel M. Enfance en danger. Paris : Ed.

Fleurus, 1998.

• Maurel O. Oui, la nature humaine est bonne ! Paris : Ed.

Robert Laffont, 2009.

• Miller A. Notre corps ne ment jamais. Paris : Flamma- rion, 2004.

• Rapoport D, Roubergue-Schlumberger A. Blanche- Neige, les sept nains et… autres maltraitances. Paris : Ed.

Belin, 2003.

• Robert Ouvray SB. Enfant abusé, enfant médusé. Paris : Ed. Desclée de Brouwer, 2001.

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