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Reconnaissance et non-reconnaissance de statuts familiaux

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Reconnaissance et non-reconnaissance de statuts familiaux

ROMANO, Gian Paolo

ROMANO, Gian Paolo. Reconnaissance et non-reconnaissance de statuts familiaux. In:

Colloque international de la Haye du 18 janvier 2013 organisé dans le prolongement du prix de La Haye de droit international décerné en 2011 au Professeur Paul

Lagarde sur « La reconnaissance des situations en droit international privé », La Haye, 13 janvier 2013, 2013, p. 1-9

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:135082

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Reconnaissance et non-reconnaissance de statuts familiaux

Gian Paolo Romano

Professeur à l’Université de Genève intervention prononcée dans le cadre du

Colloque international de la Haye du 18 janvier 2013

organisé dans le prolongement du prix de La Haye de droit international décerné en 2011 au Professeur Paul Lagarde

« La reconnaissance des situations en droit international privé » La Haye, 18 janvier 2013

Mesdames et Messieurs, Chers Collègues,

Je tiens à remercier le Professeur Paul Lagarde de m’avoir associé à cette journée de réflexion.

Son invitation à me joindre à vous m’honore au plus haut point.

***

Comme l’a évoqué M. Hartley, les situations juridiques familiales se fondent sur un statut : époux, partenaire, parent, enfant, etc.

Je souhaiterais me pencher sur les conséquences de la non-reconnaissance dans un Etat, que j’appellerai « requis » ou « B », du statut attribué dans un autre E- tat, que j’appellerai « d’origine » ou « A ».

Un regard porté sur ce qui se passe à la suite de la négation de la reconnaissance me paraît jeter quelques lumières sur les tréfonds rationnels de la faveur contemporaine pour la reconnaissance et la « circulation » des statuts familiaux (II).

Voilà qui invite du même coup à prendre conscience des différentes « grada- tions » – le mot est de M. Lagarde – que peut prendre la reconnaissance (III).

Je m’autoriserai d’abord – histoire d’avoir une vue général du phénomène – un bref rappel des modes d’attribution d’un statut et de ses effets (I).

***

[I. – L’attribution d’un statut familial]

L’attribution d’un statut peut jaillir de plusieurs sources.

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- D’abord de la décision d’un juge prise à la suite d’un procès. Le dé- fendeur s’oppose ici à l’attribution du statut.

On peut citer la constatation judiciaire de paternité.

- Un statut peut tirer son origine d’un acte public non-juridictionnel, c’est-à-dire émanant d’une autorité administrative ou d’une autorité judiciaire mais oeuvrant en dehors d’un procès.

Les intéressés s’accordent pour vouloir le statut de même que la compé- tence de l’autorité qu’ils ont saisis.

Evoquons la célébration du mariage et l’enregistrement du partenariat.

- La création d’un statut peut enfin avoir lieu ope legis sans l’intervention d’une autorité.

Exemple : attribution à l’époux de la mère du statut de père légitime de l’enfant né pendant le mariage.

Il est en général question de reconnaissance d’un statut lorsque celui-ci résulte d’une décision de justice ou d’un acte public non juridictionnel.

On peut penser que c’est la décision ou l’acte public émanant de l’Etat A qui fait l’objet de la reconnaissance dans l’Etat B.

La réception du contenant emporte la réception du contenu.

***

Un mot sur les effets d’un statut.

Car un statut se définit par les conséquences qu’il produit.

Tout statut figure dans le présupposé de nombre de règles dont la mise en œu- vre crée à la veur des titulaires un faisceau de prérogatives juridiques : droits, obligations, facultés, charges, etc.

Il peut s’analyser en la somme des prérogatives qu’il engendre.

On peut dire qu’il est aux prérogatives qui en découlent ce que le tronc d’un arbre est à ses branches ou ramifications.

Toutes les prérogatives ne se produisent bien sûr pas du seul fait et au moment de la création du statut.

La réunion d’autres conditions est souvent nécessaire.

Certaines de ces conditions peuvent se réaliser bien après l’attribution du statut.

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Au moment de cette attribution, de telles prérogatives ne sont que latentes et éventuelles.

Permettez-moi d’évoquer deux exemples banals.

Pour que l’obligation alimentaire d’un partenaire enregistré envers l’autre pren- ne naissance, il faut non seulement le statut des intéressés, mais également que le partenaire créancier n’ait pas de ressources suffisantes.

Pour que le droit de succéder ab intestat en tant que partenaire survivant se concrétise, il faut également le décès du de cujus et l’absence de testament, etc.

Les prérogatives juridiques dépendant d’un statut peuvent être de plusieurs types.

- Il peut s’agir de ce que Jean Dabin qualifiait de droits de liberté. Lesquels consistent souvent en le droit de créer d’autres statuts.

La personne dont le mariage a été annulé a le droit de se (re)marier.

A l’exercice d’un droit de liberté ne correspond en général pas l’obligation d’une autre personne, du co-titulaire du statut notamment, tout au plus celle des autorités publiques de concourir à sa réalisation.

- Mais la majorité des prérogatives de droit privé ont un contenu direc- tement ou indirectement patrimonial.

Il s’agit de prétentions que le titulaire d’un statut invoque à l’encontre du titulaire du même statut (ou du statut réciproque), qui à l’obligation cor- respondante.

Même les prérogatives qui ont une teneur non pécuniaire – tel le devoir de fidélité, de prendre soin de l’enfant, etc. – sont telles que leur violation les convertit en droits et obligations pécuniaires.

***

[II. – Les conséquences du refus de reconnaissance d’un statut]

Ce que je viens de rappeler nous aide – enfin j’espère – à mieux apprécier les conséquences d’un refus de reconnaissance.

Lorsque la décision ou l’acte public attributif du statut émanant de l’Etat A n’est pas reconnu dans l’Etat B, le statut n’y est pas reconnu non plus.

La non-réception du contenant emporte la non-réception du contenu.

La conséquence immédiate est que la personne est, pour l’Etat A, titulaire du statut qu’il lui a attribué, alors qu’elle ne l’est pas pour l’Etat B.

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Prenons un mariage polygame célébré au Pakistan entre Monsieur X, et Madame Z, l’un et l’autre pakistanais.

Le mariage est polygame car Monsieur est, au moment du mariage avec Z, déjà uni dans les liens du mariage avec Madame Y, elle aussi pakistanaise.

Je supposerai que ces trois personnes sont domiciliées en Angleterre au moment du mariage litigieux.

Le mariage litigieux – entre X et Z – n’est pas reconnu en Angleterre.

Résultat : Madame Z est titulaire du statut d’épouse pour le Pakistan et non pour l’Angleterre.

Citons également une affaire tranchée il y a peu par le Tribunal de Bari.

Cette fois c’est l’Angleterre qui attribue le statut : celui de fils légitime de Madame X à un enfant né en Angleterre d’une mère porteuse, Madame Y.

L’acte anglais dont résulte la maternité légitime n’est pas reconnu en Italie.

L’enfant n’est pas, pour l’Italie, le fils de Madame X.

La non-reconnaissance d’un statut génère un conflit de statuts.

Ajoutons que le conflit est ici international car les deux statuts incompatibles sont attribués par deux Etats.

Il peut y avoir de conflits internes de statuts.

En Suisse, il arrivait souvent jusqu’à la réforme du droit de la filiation, qu’un homme était considéré le père d’un enfant aux fins alimentaires mais que la paternité, pour ce qui était de la responsabilité parentale, était attribuée à un autre homme.

Le conflit international de statuts serait évité si l’Etat A qui a créé le statut est prêt à l’éliminer du fait que l’Etat B s’est refusé à le reconnaître.

Cela n’arrive – me semble-t-il – que rarement.

Une affaire helvético-serbe nous en offre un exemple.

Le Tribunal fédéral a récemment refusé la reconnaissance d’une adoption pro- noncée en Serbie car contraire à l’intérêt de l’enfant.

A la demande des intéressés l’adoption a été révoquée en Serbie :

révocation d’un statut par l’Etat qui l’a créé pour cause de non-reconnaissance dans un autre Etat.

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Cela me paraît digne d’intérêt.

L’incompatibilité des deux statuts entraîne que les prérogatives juridiques qui résultent de l’un d’eux sont incompatibles avec celles qu’engendre l’autre.

Autrement dit, un conflit de statuts est générateur d’un conflit de prérogatives juridiques.

Le type le plus récurrent est celui où un Etat A attribue à une personne un droit subjectif et à une autre l’obligation correspondante ; et qu’un Etat B n’attribue à la première aucun droit pas plus que d’obligation à la seconde.

Or, un conflit de ce type est tel que les deux prérogatives (deux couples de droits et obligations) ne peuvent être l’une et l’autre réalisée dans ce monde.

L’une d’elles est vouée à l’inefficacité.

S’y oppose le principe de non-contradiction, parfois qualifié de premier principe de l’ontologie juridique.

Le Pakistan accorde à Madame – deuxième épouse – le droit à l’entretien à l’en- contre de Monsieur.

L’Angleterre lui nie un tel droit.

Eh bien, des deux choses l’une : soit Madame parviendra à recevoir l’argent (et alors c’est le statut pakistanais qui aura été efficace), soit Monsieur réussira à retenir cet argent (et c’est alors le statut anglais qui l’aura été).

Le droit de Madame de recevoir et le droit de Monsieur de retenir, ne peuvent pas être l’un et l’autre efficaces.

Eh bien, peut penser que l’existence de ce conflit de situations juridiques est la négation de l’harmonie de solutions, de la coordination des systèmes.

Un tel conflit représente semble-t-il l’échec du règlement du conflit de lois qui vise à une telle coordination.

Mais je vous propose d’affirner un peu la réflexion.

La reconnaissance intégrale du statut n’est peut-être pas le seul moyen d’épargner aux justiciables un conflit de prérogatives juridiques.

***

[III. – Les gradations dans la reconnaissance et dans la non-reconnaissance]

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Une coordination pourrait se réaliser en dépit de la dualité des statuts par le biais de ce que l’on peut appeler reconnaissance partielle, d’une part, et reconnais- sance atténuée, d’autre part.

Un statut peut être reconnu à certains effets et non à d’autres.

Si l’on envisage le statut comme un tout, c’est alors d’une reconnaissance par- tielle qu’il est question.

On peut aussi parler de reconnaissance limitée.

Certes, le conflit de situations juridiques subsiste à l’égard des effets non-recon- nus.

Ceci n’est vrai que lorsqu’à l’égard de ces effets, l’Etat A d’origine du statut n’accepte pas de se plier à la non-reconnaissance du statut dans l’Etat B.

Si tel est le cas, on assiste à une démarche d’ajustement mutuel des deux ordres juridiques :

- pour certains effets, c’est l’Etat B qui s’impose et l’Etat A s’y adapte ; - pour d’autres, c’est l’Etat A de création du statut qui se coordonne au point

de vue de l’Etat B par le biais de ce qu’on peut appeler « renonciation partielle » au statut qu’il a créé.

L’Angleterre peut, sur le terrain alimentaire, se plier au statut d’épouse légitime créé par le Pakistan ;

mais, sur le terrain successoral, ce peut être le Pakistan qui accepte de s’ajuster à la position de l’Angleterre, notamment lorsque celle-ci découle d’une décision anglaise, qui dénie à Madame la qualité d’épouse sous l’angle de la vocation successorale.

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C’est ce qui me conduit à relever un autre aspect de la gradation de la recon- naissance.

Il est tentant de parler de « reconnaissance atténuée » ou sens par exemple où l’on parle d’ « ordre public atténué ».

La disponibilité d’un Etat à reconnaître un effet particulier découlant du statut créé dans un Etat dépend de l’intensité du concours que les intéressés sollicitent des autorités de l’Etat requis pour en tirer profit.

Selon les circonstances, le refus de reconnaissance peut – ou peut ne pas – générer un conflit de situations juridiques.

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Monsieur X, italien, et Monsieur Y, belge, se sont mariés en Belgique.

Ils y habitent pendant quelques années puis s’installent en Italie. Monsieur X décède ab intestat. Il laisse des biens dans les deux pays.

Monsieur Y les réclame en profitant de la qualité de conjoint survivant que lui a accordée la Belgique. Les frères et sœurs y opposent l’inefficacité du statut du point de vue de l’Italie.

Or l’Italie pourrait mettre en place un système de reconnaissance « graduée ».

Elle pourrait s’opposer à la reconnaissance du statut lorsque Monsieur Y l’invo- que – à titre de question préalable – devant les juges italiens saisis d’une ins- tance directe.

Le juge italien rendra une décision qui refuse à Monsieur Y la vocation succes- sorale.

Si la Belgique reconnaît la chose jugée italienne, le conflit de situations juri- diques sera tranché.

Le Belgique aura en quelque sorte, pour éviter un conflit, « reconnu la non-re- connaissance » en Italie et le statut de non-époux aux fins successorales.

Je ne pense pas que le motif tiré d’une contrariété de décisions – entre la décision italienne et acte public belge de création du statut – puisse être invoqué en Belgique.

Si l’Italie ne reconnaît pas le statut afin de l’exercice de la juridiction, elle peut le reconnaître dès lors que la vocation successorale du conjoint homosexuel a été déclarée par une décision belge dont est sollicitée l’exécution en Italie.

L’Italie ne reconnaîtrait pas ici le statut général résultant de l’acte belge de mariage mais l’effet particulier sur le terrain successoral tiré par une décision de justice belge passée en force.

Le statut d’époux a un double contenant : acte public belge qui le créé en général et décision judiciaire belge qui développe un effet particulier après avoir constaté que les conditions sont réunies.

L’Italie peut encore refuser d’exécuter la décision belge tout en acceptant de ne pas se saisir d’une action visant à la restitution de ce qui a été versé en Belgique en exécution de celle-ci.

La décision que Monsieur a obtenu en Belgique y a été exécutée : les biens belges étaient suffisants à cet effet.

Supposons qu’il en rapatrie en Italie une partie.

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Et que les frères et sœurs intentent une action en Italie en vue de la restitution de l’équivalent de ces biens recueillis sans cause – soutiennent-ils – du point de vue italien.

Si le juge italien n’accepte pas de s’en saisir, il me semble qu’il a reconnu à la décision belge un effet atténué.

C’est en donnant suite à une sorte d’exception de chose jugée et – l’ajout me paraît important – exécutée à l’étranger, que l’Italie finit par reconnaître la vocation successorale de Monsieur Y et le statut qui en est la source.

Chose jugée et exécutée.

* * *

Si la reconnaissance atténuée est plus satisfaisante que la non-reconnaissance du tout, elle se heurte à des graves réserves.

Car la coordination qu’elle génère menace de ne se réaliser qu’après et par la saisine d’un juge : coordination postjudiciaire qui porte atteinte à la prévisibilité du droit.

Les justiciables risquent d’être tenus dans l’ignorance quant à celui des Etats – Italie et Belgique dans l’exemple – qui imposera son statut et auquel l’autre s’ajustera.

Ils sont incités à se faire un procès.

Résultat qui risque, en Europe, d’être contraire à l’objectif de la création d’un espace de liberté, sécurité et justice.

Un tel objectif prescrit de rechercher une coordination préjudiciaire des systè- mes juridiques et d’une sécurité juridique préjudiciaire.

Mesdames et Messieurs, je vous remercie.

Références

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