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Endocardite à germe inhabituel : Abiotrophia defectiva

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REVUE MÉDICALE SUISSE

WWW.REVMED.CH 22 juin 2016

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Endocardite à germe inhabituel : Abiotrophia defectiva

Cet article détaille l’un des rares cas d’endocardite à Abiotrophia defectiva, en l’absence de maladie valvulaire préexistante. Il dé- crit un homme de 63 ans initialement hospitalisé en raison d’un sepsis pulmonaire compliqué d’une défaillance cardiaque aiguë.

Les hémocultures et l’échocardiographie révèlent une endocar- dite à A. defectiva. Le patient suit une évolution favorable avec un traitement par aminoglycoside et céphalosporine, suivi plus tard par un remplacement valvulaire. A. defectiva est un micro- organisme du groupe des variants nutritionnels streptococciques (NVS) dotés d’une mortalité élevée et fréquemment résistants aux antibiotiques. Malgré la rareté de ces infections, une identifi- cation précoce et une antibiothérapie adéquate sont essentielles au pronostic de ces patients.

Abiotrophia defectiva : an unusual cause of endocarditis

This article reports one of the rare cases of Abiotrophia defectiva endocarditis with no underlying valvular condition. A sixty-three years old man was hospitalized because of complicated respiratory sepsis with acute heart failure. Hemocultures and echocardiogram enabled the diagnosis of A. defectiva endocarditis. The clinical course was favorable under combined aminoglycoside and cephalosporin.

The patient ultimately required valvular replacement. A. defectiva is a micro-organism part of the Nutritionnaly Variant Streptococci (NVS) associated with a high mortality rate and often resistant to antibiotics. Although A. defectiva is a rare cause of endocarditis, prompt recognition and appropriate antibiotic treatment are essen- tial to clinical course.

IntroductIon

Décrits pour la première fois en 1961, Abiotrophia spp et Gra­

nulicatella spp étaient, jusqu’en l’an 2000, considérés comme des nouveaux types de streptocoques, caractérisés par leur déficience nutritionnelle et un phénotype pléomorphe inhabi­

tuel. Ils sont aujourd’hui classés comme deux genres distincts sur la base du séquençage d’ARN ribosomaux 16s. Proches des individus du groupe des streptocoques viridans, les strep­

tocoques déficients nutritionnels (NVS – Nutritionnaly Variant Streptococci) sont responsables de rares endocardites poten­

tiellement difficiles à traiter et souvent méconnues des clini­

ciens.1,2 Les éléments de la littérature, encore peu nombreux, ont mis à jour quelques caractéristiques 3-5 de ces infections et ont récemment suggéré l’existence de facteurs prédisposants,

Drs FRÉDÉRIC BAROZ a, PRISCILE CLÉMENT a, MONICA LEVY a et HERVÉ DUPLAIN a Rev Med Suisse 2016 ; 12 : 1242­4

a Service de médecine interne, Hôpital du Jura, 2800 Delémont herve.duplain@h-ju.ch

comme les cancers ou l’immunosuppression due à la chimio­

thérapie.6

Rapport de cas

Monsieur J. B., 63 ans, présentait une dyspnée en aggra­

vation rapide depuis trois jours, évoluant dernièrement au repos. Il rapportait également des œdèmes des mem­

bres inférieurs et de la fièvre. Il n’y avait ni toux ni ex­

pectorations purulentes. Les antécédents sont notables en raison d’un myélome multiple, diagnostiqué en 1994 et traité par autogreffes puis par divers immunosuppres­

seurs et enfin par corticostéroïdes. Dans les suites de la maladie, il faut citer un plasmocytome L4 et des séances de radiothérapie antalgique, ainsi que deux complications throm boemboliques suivies d’une anticoagulation au long cours. Aucun bilan cardiologique n’a jamais été réalisé.

M. J. B. se présente fébrile à 40º, tachycarde et tachy­

pnéique. Il reste normotendu et sature à 95 % à l’air am­

biant. L’auscultation cardiaque révèle des bruits régu­

liers et un souffle systolique grade 3 / 6, maximal à l’apex.

On constate d’importants œdèmes et on trouve des râles fins bilatéraux à l’auscultation pulmonaire. L’examen des membres ne met aucune lésion cutanée en évidence.

Sur le plan biologique, on trouve une anémie à 85 g / l, une thrombocytopénie à 85 G / l, une CRP à 107,5 mg / l, une procalcitonine à 0,34 mg / l et une légère leucocytose à 9,9 G / l sans déviation gauche. Le BNP est à 1570 pg / ml, l’albumine à 27 g / l ; le reste du bilan ne montre rien d’anormal. La radiographie du thorax révèle des signes de surcharge cardiaque et le scanner thoracique montre des épanchements pleuraux et des infiltrats alvéolaires bilatéraux.

Le diagnostic initial d’un sepsis sévère à point de départ pulmonaire et compliqué d’une défaillance cardiaque aiguë est retenu. Une antibiothérapie par pipéracilline­

tazobactam et clarithromycine est débutée et la défail­

lance cardiaque est traitée par diurétiques auxquels le patient présente une bonne réponse initiale.

Devant une insuffisance cardiaque nouvelle chez un pa­

tient sans maladie cardiaque préexistante et sans facteur de risque particulier, la probabilité élevée d’une endocar­

dite bactérienne est confirmée par la présence d’une vé­

gétation mitrale à l’échocardiographie transthoracique.

La régurgitation mitrale est jugée sévère et on découvre également une insuffisance valvulaire aortique significa­

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rapport de cas

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tive. Quarante­huit heures après leur prélèvement, les hémocultures se positivent pour Abiotrophia defectiva (CMI pénicilline : 0,006 mg / ml). A posteriori, le patient signale une intervention dentaire qui avait eu lieu trois mois auparavant.

L’antibiothérapie est modifiée au bénéfice d’une asso­

ciation de ceftriaxone pendant quatre semaines et de gentamycine pendant deux semaines, sous laquelle le patient montre une bonne évolution. Il ne souffre d’au­

cune complication embolique et peut être compensé efficacement sur le plan cardiaque. Les hémocultures de contrôle à deux semaines sont négatives. Une échocar­

diographie de contrôle montre une nette régression de la végétation sur la valvule mitrale et une correction complète de la fuite. Il persiste cependant une insuffi­

sance aortique significative, sans végétation visible. Le patient est transféré dans un centre universitaire hos­

pitalier pour un remplacement valvulaire aortique. Au bilan postinterventionnel, il présente une insuffisance cardiaque chronique, classe fonctionnelle NYHA I à II.

A l’échocardiographie, le remplacement valvulaire est satisfaisant. Il persiste cependant une dilatation ventri­

culaire et une dysfonction diastolique.

dIscussIon

Les NVS font partie de la flore commensale de la bouche qui constitue leur porte d’entrée classique.4,7 D’autres localisa­

tions incluent le tube digestif et les voies urinaires.1,6 Les en­

docardites et bactériémies, manifestations les plus graves des infections à NVS,3,4 ont peu attiré l’attention de la commu­

nauté scientifique jusqu’à récemment.3 En cause, les difficul­

tés de mise en culture et d’identification posées par ces ger­

mes.5 Le séquençage d’ARNr 16s a permis une classification précise des variants nutritionnels. Toutefois, la majorité des données à notre disposition sont issues d’études basées sur des méthodes phénotypiques plus anciennes, et abordent les NVS de manière générale.

Jusqu’en janvier 2014, il existe à peine plus de 120 cas décrits d’endocardites à NVS.2,3 Il s’agit de cas considérés comme rares, représentant environ 5 à 6 % de tous les cas d’endocar­

dites streptococciques.8,9 Cependant, en raison de leur diffi­

culté d’identification, il est probable que ce chiffre soit sous­

estimé, et que les endocardites à NVS soient responsables d’une fraction significative des endocardites dites à cultures négatives.2,3,8 D’autres types d’infections ont été observés de manière sporadique en présence de NVS, notamment des ostéomyélites, des arthrites septiques et des formations d’abcès cérébraux et pancréatiques.1,4,10 Fréquemment, il existe une histoire de manipulation dentaire dans les quelques mois pré­

cédant les premiers symptômes (7 / 23 cas dans une revue ré­

trospective entre 2002 et 2012).5,6 Dans les premières séries, les endocardites à NVS semblaient se déclarer presque exclu­

sivement sur valves endommagées. Cependant, des analyses récentes montrent une incidence grandissante d’infections sur valves saines.3

Les endocardites à NVS ont communément été considérées comme responsables d’une mortalité plus élevée que celle des endocardites à d’autres streptocoques viridans 3 (13­17 % vs 0­12 % 1). Le taux de complications emboliques s’élève à près d’un tiers des cas.1,3 Le recours à la chirurgie valvulaire est fré­

quent,3 variant de 27 à 38 % 1,2 ou davantage.8 Son indication est le plus souvent posée pour défaillance cardiaque ou suite à des manifestations emboliques. Le taux d’échecs bactério­

logiques a été rapporté à 40 % des cas et celui de récidives à 17 %.5,9,11 In vivo, les NVS se sont fréquemment révélés résis­

tants aux antibiotiques, en particulier à la pénicilline, malgré une susceptibilité démontrée in vitro.4,5 Des cas de résistance aux céphalosporines et aux macrolides ont également été dé­

crits.5,12 Ces phénomènes ont été associés à divers facteurs de virulence microbiologiques 1,2,4 (temps de division prolongé,a protéines de liaison à un milieu extracellulaire autoconstitué, pléomorphisme cellulaire).3,4 De plus, l’identification difficile de ces germes s’oppose généralement à un délai de prise en charge optimal.1 A l’heure actuelle, les recommandations in­

ternationales proposent de traiter ces infections au même titre que les endocardites à Enterococcus spp, rendant compte du haut taux de tolérance bactériologique exprimé par les NVS.11,12 Elles préconisent une association de pénicilline G, ceftria xione ou vancomycine pour une durée de quatre à six semaines, avec un aminoglycoside pour les deux premières semaines au moins.

Dernièrement, deux séries, l’une à Taiwan 2 et l’autre à Lau­

sanne,6 ont étudié huit, respectivement onze cas d’infections endovasculaires à NVS, parmi lesquels cinq Abiotrophia spp et quatorze Granulicatella spp. Le taux de complications et la fré­

quence du recours à la chirurgie valvulaire se sont révélés similaires à ceux observés plus anciennement. Au contraire, la mortalité ainsi que le taux d’échec bactériologique étaient nuls, suggérant qu’aujourd’hui, l’identification précoce de ces infections, suivie d’une stratégie thérapeutique adéquate, abou­

tit à un devenir clinique favorable chez une proportion signi­

ficative de cas.3 Certains auteurs suggèrent que l’immunosup­

pression lors des cancers ou au décours des chimiothérapies, et en particulier, l’état de neutropénie fébrile, constituent des facteurs de risque pour les infections à Granulicatella spp mais pas à Abiotrophia defectiva, qui n’a été découverte jusqu’à pré­

sent que chez des hôtes immunocompétents.6 Cette associa­

tion pourrait résulter de la haute prévalence de la colonisa­

tion orale par Granulicatella spp comparée à Abiotrophia spp (88 % vs 12 %).

conclusIon

Le cas discuté ci­dessus rapporte l’un des rares patients at­

teints d’endocardite à NVS sans maladie valvulaire préexis­

tante documentée. Dans la ligne des observations antérieures, montrant un recours fréquent à la chirurgie, un remplace­

ment valvulaire aortique a dû être pratiqué. Les taux élevés de mortalité et de complications qui ont été décrits invitent les cliniciens à porter ce micro­organisme à leur connaissance, ainsi que son traitement adéquat. L’immunosuppression lors des maladies cancéreuses et au décours de chimiothérapies pourrait constituer un facteur de risque pour les endocardites à Granulicatella spp, dont l’incidence reste plus élevée que celles causées par A. defectiva. Nous rapportons cependant ici

a 2-3 heures contre 40-50 minutes pour les autres S. viridans.3

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un cas d’endocardite à A. defectiva chez un patient immuno­

supprimé, non neutropénique.

Conflit d’intérêts : Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.

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* à lire

** à lire absolument

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Références

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