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Vieillissement et classes sociales
BURNAY, Nathalie (Ed.), HUMMEL, Cornelia (Ed.)
Abstract
Quelles réalités recouvre l'image, souvent uniformisante, des transformations récentes des conditions de vie des retraités ? Certes, la pauvreté a reculé chez les personnes âgées, leur état de santé s'est amélioré et la retraite ne rime plus avec exclusion sociale. Pourtant, dans les coulisses des tendances générales, d'anciennes vulnérabilités persistent et de nouvelles inégalités émergent. Mêlant contributions théoriques et empiriques, cet ouvrage porte sur un aspect largement occulté en sociologie de la vieillesse, celui des inégalités sociales dans la dernière étape du parcours de vie. Il interroge notamment les nouveaux modèles du « bien vieillir » et du « vieillissement actif » en portant l'attention sur les conditions de réalisation socialement situées de ces modèles. Il propose également un regard réflexif sur les travaux sociologiques dans le domaine du vieillissement en questionnant, du point de vue historique, leur rôle dans le processus d'invisibilisation des effets de classe dans ce champ d'étude et en montrant comment les perspectives issues des études de genre ouvrent [...]
BURNAY, Nathalie (Ed.), HUMMEL, Cornelia (Ed.). Vieillissement et classes sociales . Bern : Peter Lang CH, 2017, 249 p.
DOI : 10.3726/b11548
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:120732
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Volume
2/
Edited bylEdité por Michel0ris
Êditoriol Boord
/
Coni!é de lertureGuy BruneT (Démogrophie historique, Université Lyon ll) Mortin Dribe (Economic Hi$ory, Lund Univenity) Georg Fertig (Geschichte, UniversitiiT Mûnsier) Vincent Gourdon (Histoire, Université de PorirSorbonne)
Motteo Monfredini (Biology ond Demogrophy, Universilù degli Studi di Pormo) Jon Mothieu (Geschichte, Universitiil Luzern)
Muriel Neven (Hisroire, UniversiTê de Liège) Emiko 0chioi (Sociology, Kyoto University)
Diego Romiro Forinos (Demogrophy, Sponish Notionol Reseorch Council) Gilbert Ritschord (Econométrie, Université de Genève)
Clémentine Rosier (Dêmogrophie, Universitê de Genève)
Poul Servois (Histoire, Université cotholique de Louvoinlo-Neuve) Frons von Poppel (Demogrophy, Ihe Hogue)
Philippe Wonner (Dêmogrophie, Univenilé de Genève) Eric D. Widmer (Sociologie, UniversiÏé de Genève)
Populotion, Fomily, ond Society Populorion, Fomille et Société
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NoTholie Burnoy et Cornelio Hummel (éd.)
Vieillissement et closses socioles
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6
PETER LANG
Bern . Berlin . Bruxelles' Fronkfurt om Moin 'New York'0xford'Wien
PETER I-ANG Bern . Berlin . Bruxelles . Fronkfurt om Moin . liew York. Oxford . Wien
Inlormotion bibliogrophique publiée por <rDie Deutsthe l{otionolbibliothekr
<Die Deutsche Notionohibliothek> répertorie rette publicolion dons lo <DeuÏsche Nolionolbibliogrofie>;
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CeTle publicolion o foit l'obiet d'une évoluoÏion por les poirs.
Tous droils résetvês.
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@ Peter Long SA, Editions scientifiques inlernotionoles, Berne 201
/
Wobernstrosse 40, Cll'300/ Berne, Suisse bern@peterlong.com, ww.peTerlong.com
Table des matières
N.mrurrc
BurNg
Comrnrra HunMsr IntroductionPartie
I.
Des cadres théoriques IsannrrnMlrr,oN
Les classes sociales dans les analyses sociologiques du vieillissement ArBx.cNoRE Prrr,oxer
Au croisement des classes
Ixcnro VorEnv
Le < bien
vieillir
>> à l'épreuve des rapports sociaux de classe, d'âge et de génération...Partie
II.
Des expériences de terrain multiplesSrÉps,rNB ArvLpsz
La politique de prévention en vue de < bien
vieillir
>VrncnnpVrNnr
Générations, genre et classe sociale M,IRE B.qnnrswvr
Participations sociales au temps de la retraite...
Jn.cN-PN[ S,c,NDnnsoN
Mobilité résidentielle au moment de la retraite ...
lllusfiorion de couverture : @ Sophie Clio Rithord, < Iourlido
-
Grèce >, 2009Publiê ovec l'oppui de lo SociéÎé ocodêmique de Genève.
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63
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ISBN 9/B'3-0343t0210 br
DOr r0.3726^11387
ISBN 978-3-0343-3023-7 eBook tsBN 978t-03433024-4 IPUB rsBN 9/8-3-0343-3025-l MoBl
lmprimé en Suisse
....1.71
6 Thble des matières
Var,Énrn HucruronrnR, CoRn.ôIE
Dlunru'
Tous égaux face à la relation d'aide et de soins à domicile ?
...'."""""
193Neurarrn BunNlv, ConNerr,l HuulrBr
Introduction
Au
cours des deux dernières décennies du XX" siècle, les analyses en termes de classes étaient réputées obsolètes pour une partie signiûcative des sociologues, notamment les plus visibles ou les plus audibles (Pfefferkorn, 2007 , p. 34).Pourquoi donc s'obstiner alors
à
vouloir proposerun
ouwage sur les processus de vieillissement à partir d'une analyse en termes de classes sociales en20l7 ? Il est wai que notre réflexion collective s'inscrit quelque peu à contre-courant de la sociologie contemporaine en mettant en avant un concept qui peut apparaître heuristiquement dépassé, voire obsolète.Les raisons de cette obsolescence sont multiples et variées, dépassant largement le champ scientifique de la sociologie. Ainsi, pour Claude Dubar (2003), trois facteurs contextuels doivent être épinglés : l'effondrement de l'idéologie communiste, la transformation radicale de la classe ouwière ainsi que
le
développement de nouvelles pratiques managériales. La chute du mur de Berlin, l'effondrement du bloc communiste et la perte d'influence dela
Russieà la fin
des années 1980 participent donc de I'abandon progressif du concept de classes sociales. Ces changements géostratégiques doivent être couplés aux mutations importantes du monde du travail survenant au même moment et qui ont comme corolaire la mise à distance des collectifs de travail et l'effacement dela
culture ouvrière (Schwartz, 1990 ;Terrail, 1990).Mais au-delà de ces considérations, c'est la sociologie elle-même qui, à la même période, opère un changement de programme de recherche, pour reprendre la terminologie d'Imre Lakatos (1978), c'est-à-dire qui voit dans
la terminologie mamiste l'impossibilité de rendre compte des bouleverse- ments culturels et sociaux de la crise des années 1970. Eéptrsement du prograûrme de recherche et son impossibilité à expliquer les réalités sociales conduisent les sociologues à abandonner massivement le recours à la grille mamiste, voire même structuraliste. IJanalyse proposée par Louis Chau- vel (2004) montre combien les revues scientifiques traduisent de
facto
cetAr.rNrcr ANcttsl, Llrlp.nNr Aurorrn-Sucnnr, CrauoIl voN B,lr-ruoos
Dépendance et visibilité.
Les auteurs...
..22t 247
8 Nathalie Burnay, Cornelia Hummel Introduction
cette multiplication des inégalités ouvre la porte au développement d'une sociologie des individus, chacun, porteur d'une panoplie d'inégalités en fonction de leur propre expérience de vie.
Dans
ce
contexte général,la
sociologiedu
vieillissementne
sedémarque guère. Si, au fondement de la gérontologie des années 1970 et 1980 résidait la question durôlejoué parla classe sociale dans l'expérience du vieillissement (Townsend 1981
;
Walker, 1981), sous I'impulsion des théories de l'individualisme,la
sociologiedu
vieillissement s'est progressivement détournéede
cette problématiquepour
se consacrer davantage aux questions de réflexivité ou d'agentivité (Formosa et Higgs, 2013) pourtant intrinsèquement liées à la question des classes sociales. Le développement des théories du < vieillissement réussi >> en gérontologie en estI'un
des exemples les plus frappants. Ces théories, issues de la prise en compte de l'hétérogénéité des processus de vieillissement, ont curieusement renforcé le manque d'attention aux inégalités sociales au lieu d'ouvrir la voie au questionnement sur les conditions déterminant un vieillissement < réussi > (ou non). La sociologie du vieillissement, dans cette perspective, s'évertue alors à présenterla
personne âgée comme unique, indiftrenciée et détachée de toute appartenance sociale. C'est I'hypothèsede
l'homogénéitéde la
cohortequi
primeau
détriment d'une hétérogénéité de positions sociales. Presque conrme dans un projet évolutionniste, les survivants ne seraient que des élus sélectionnés par la nature et résistants aux aftes du temps, donc semblables.Et
pourtant! Les diftrentes
contributions rassemblées dans cet ouwage montrent avec acuitéla
force du projet structuraliste et toute sa pertinence heuristique dans l'appréhension des phénomènes sociaux contemporains. Toutes soulignent en effet I'importance dela
structure sociale et pointent les effets toujours prégnants de l'appartenance sociale, y compris dans I'analyse du vieillissement. Certes, I'apport des diftrents autews ne se situe pas directement dans une posture néomamiste, mais montre très bien combien l'analyse des différenciations sociales ne peut se réduire à une variable d'ajustement. Ainsi, les rapports de domination et la violence symbolique qui y sont associés pointent avec insistance combien les rapports sociaux structurent les expériences de la vieillesse et rendent cette population fragile sur bien des aspects.Notre ouwage se propose donc de mettre le champ du vieillissement
à l'épreuve du concept de classe sociale et d'ouwir la voie à l'émergence de nouvelles formes d'observation de leurs réalités empiriques. Ainsi, 9 gffacement progressif dès res années r9g0, au profit de l'émergence et du
développement d'une sociologie des individus.
ce
changem"ito" pu*-
digme implique alors ,ne redéfinition conceptuelle, mais aussi une trans- formation des méthodes et techniques propres à la sociologie en prônant rme sociologie de la proximité, de l'expériènce et de la subiectivité. c,est probablement dans la sociologie du travail que se concrétiJe avec re plus d'acuité cette mutation : ainsi, les travarx portant sur la condition ouwière (Friedman, 1956) et sur re mouvement
ou*i",
(Touraine, 1965) laissent le pas à une sociologie_des professions (Demazière&
Gadea, 2009) et de l'entreprise (Segrestin, Ig92).-
Deux types de justifi cation peuvent être identifiés pour répondre de ces changements d'orientation. La première renvoieau-trava'x
précurseurs de J,ohn Golthorpe (1968)et d'Henri
Mendras(rggs) qui
montrent combien la disparition de la classe ouwière ouwe sur un émiettement dela société et sur une forme de moyennisation de la société. Ainsi, pour chauvel (2006), près de 65 %de l'espace productif français est occupé par la classe moyenne. Dans ces conditions, ra probrémat'rsation des classes sociales ne peut que disparaître, faute de combattants. ce raisonnement est quelque peu repris par ulrich Beck (2001) lorsqu'il évoque I'amélioration substantielle des niveaux de
vie
d'une large populatiônqui
conduit à I'effacement progressif des écarts entre les classes.^ Le
second type de justification repose sur rme multiplication des formes d'inégalités sociales.Ainsi,
François Dubet lzoo'ô; farticipe-t-il
àla
réflexion en montrant combien les inégalité,n" ,.por"nt
prus principalement sur une différenciation du capital économique, mais sur d'autres formes d'inégalités tout aussi pertinentes dans|aniyse
:IJanalyse de ces multiples inégalités a sensiblement transformé le regard des sociologues parce que la plupart d'entre elles ne se réduisent ni à la naissancà ni à ta position de classe ; elles résultent de la conjugaison d'un ensemble complexe de factegrs et souvent même, elles apparaissent comme re produit plus ou moins pervers de pratiques ou de politiques sociales qui ont, justement, pour objectif de les limiter (200q O.
,rl.
Pour lui, cette multiplication des inégalités enlève defactola légitimité liée à une approche en termes de classes sociales, la réduisant à
ùe
variablecontextuelle parmi d'autres. D'un projet scientifique fort, r,anaryse des classes sociales s'en trouve réduite
à la
prise en consiâération d,uneyari{19
sociodémographique, au mieux signitcative,pow
appiéh"rrderles réalités sociales, ce qui scelle la victoire dè weber
r*^Muo iÉ*
"orro",
10 Nathalie Burnay, Cornelia Hummel
les questions posées sont à la fois théoriques et empiriques : quels sont
les
cadres théoriques relevantde la
tradition sociologique mobiliséspour
expliquerles diftrents
parcoursde
vieillissement?
Comment renouveler la question des classes sociales dans le champ de la sociologie du vieillissement ? Quels sont les ancrages du concept de classe sociale dans la réalité empirique des processus de vieillissementdiftrentiels
?Comment les discours responsabilisant masquent-ils des différences dans I'expérience du vieillissement ? Il ne s'agit plus tant de connaître l'étendue des inégalités, mais de comprendre comment celles-ci s'instaurent et perdurent.
Organisation
deI'ouwage
Trois
textes consolidentle
diagnosticporté sur la
sociologie du vieillissement. Le premier nous est proposé par Isabelle Mallon qui dresse un portrait tout en nuances de la sociologie de la vieillesse à l'intérieur de la discipline en montrant combien on a assisté progressivement à un effacement dela
question des classes socialesà
l'intérieur du champ sociologique et, plus particulièrement, de la sociologie du vieillissement.À
son tour, Alexandre Pillonel reprend le propos en montrant combien I'usagedu
concept de classe sociale dans I'analyse des processus de vieillissement n'existe qu'à I'intérieur de la gérontologie critique, courant né dans les années 1970 aucceur des transformations de l'État-Providence en proie à un délitement des politiques publiques et à un vieillissement de la population : la vieillesse émerge alors comme un problème social important. Mais le programme de recherche marxiste peine à se mettre en place dans une population sortie dumarché dutravail. C'est en effettoute la grille conceptuelle qui soufte de ce contexte d'inactivité : commentpenser la question des rapports de classes dans un contexte nonproductif;
par quels indicateurs pouvoir les saisir ? Le glissement théorique opéré prend au sérieux la montée des individualismes en proposant dès le début des années 1990 une réflexion sur la construction des trajectoires individuelles par le biais du paradigme des parcours vie. Cette nouvelle perspective permet dès lors de développer une analyse en termes de générations, voire de cohortes, mais aussi de fournir des analyses en termes de destinsIntroduction 11
individuels, dans une conception plus large et plus ouverte du déroulement de l'existence : des trajectoires standardisées aux rôles déterminés vers des parcours de vie inscrits dans des logiques sociales et des dynamiques individuelles. Ce changement de perspective ouwe alors
la
porte audiscours bourdieusien, faisant passer l'analyse de rapports d'exploitation
à une analyse de rapports de domination.
Mais pour Ingrid Volery cette relation entre individu et société, entre individualisation des parcours et appartenance sociale, doit également être questionnée à partir des enjeux culturels autour de la vieillesse. Ainsi, faut-il interroger les représentations collectives du corps vieillissant et leur association massive aux aftes du temps, notamment pour une classe ouwière marquée par I'effort physique, la fatigue et la mobilisation pro- fessionnelle des corps. Mais, en même temps, et face à ces images de corps défaillants, se joue la mise en place d'un référentiel puissant prônant une vieillesse active et en santé. Cette injonction au < bien-vieillir > sym- bolise alors la toute-puissance de la maîtrise de soi face à la maladie, aux handicaps... et aux inégalités sociales. Tirée d'une logique néolibérale, soutenue par un marketing senior en pleine expansion, le bien-vieillir nie avec aplomb les inégalités sociales, mais aussi d'âge et de genre, en pro- posant une image del'àgé unique, dynamique et engagé.
Stéphane Alvarez va alors démontrer, avec précision, comment ce
réferentiel du < bien-vieillir > s'impose progressivement dans le paysage français à partir du début des années 2000, en montrant les diftrentes
étapes politiques et institutionnelles de son établissement. Ce réferentiel, véritable machine à produire du sens, << contamine > ainsi les différents niveaux de pouvoir et se répand dans la population par strates successives.
Dans
une
perspective d'analyse cognitive des politiques publiques, I'auteur montre comment I'expansion de ce réferentiel global est portée politiquement et idéologiquement, et commentil
se décline à travers les diftrentes arènes publiques jusqu'à imposer des politiques de prévention spécifiques ou à induire des comportements jugés responsables chez les âgés. On assiste dès lors à la fois à une uniformisation de la categorie< âgé > ainsi qu'à une responsabilisation individuelle du vieillissement.
Et pourtant ! Les textes suivants montrent tous, dans diftrents champs de recherche, combien les rapports de domination perdurent et se durcissent, mais aussi combien leur analyse ne peut se détacher d'une perspective plus vaste en termes de genre, de race et d'âge. Le vieillissement est loin d'être un processus qui se décline au singulier. Tous les auteurs, dans des
t2 Nathalie Burnay, Cornelia Hummel
terrains très diftrents, mettent en évidence la disparité des situations de ire,lacomplexité des parcours et I'hétérogénéilté de cette population âgée.
Virginie Vinel va alors montrer combien le monde rural est encore dominé paf, un rapport à la santé très loin des prescriptions du bien-vieillir et de la vision biomédicale qui
s'y
réfère. Ainsi, la figure du médecin généraliste est fortement implantée et le suivi médical réalisé par celui-ci est régulier et témoigne d'un attachement interpersonnel et symbolique important aux patients âgés : les décisions en matière de santé transitent majoritairement par cet acteur central. À travers une ethnographie détaillée et riche, I'auteure met en avant les différences de genre qui président aux relations avec les professionnels ainsi que des rapports sociaux diftrenciésavec les autres prestataires de soin. Implanté dans une culture rurale forte, le soin constitue un révélateur important du jeu incessant entre tradition et modernité, entre pratiques ancestrales et prise en charge technicisée.
Ceffe hétérogénéité des pratiques se dévoile également à travers les travaux de Marie Baeriswyl portant sur la participation sociale des aînés en Suisse. Reposant sur de solides analyses statistiques et une robuste empirie, I'auteure questionne les pratiques formelles ou informelles qui impliquent la présence d'un lien social. À nouveau, même si la participation sociale est en hausse depuis plusieurs années pour tous les seniors, de réelles différences sociales continuent de séquencer la population au niveau de la diversité des pratiques et de la modernité de celles-ci. Ainsi, la pratique religieuse, apanage des classes populaires et des femmes, est en nette diminution. Elle témoigne d'un monde
qui
change et qui est traversé, de manière inégale entre les cantons urbains et ruraux, par des logiques d'auto-réalisation et d'épanouissement personnel. Mais ces logiques ne s'inscrivent pas portr autant dansle
réferentiel du vieillissement actif prôné notamment par les instances européennes depuis une quinzaine d'années. Seules les classes sociales dominantes sont réceptives au chant de I'activation.La
contribution suivanteest
apportéepar
Jean-Paul Sanderson.Dans une perspective démographique, I'auteur questionne
la
mobilité résidentielle à travers le passage à la retraite et les logiques sociales quiy
président : qui veut migrer, pour quelles raisons ? Les résultats présentés pour la Belgique, et statistiquement très forts, font apparaître un hiatus important entre le désir de migration et les réalités de migration. Tout se passe comme si seules les classes sociales dominantes pouvaient réaliser leur rêve migratoire, à la fois dans les possibilités qui leur sont offertes etIntroduction 13
dans les lieux choisis pour leur nouvelle résidence. Les classes populaires ne disposant que rarement des ressources nécessaires à la concrétisation de leurs ambitions.
Les deux derniers textes mettent I'accent sur la grande vieillesse, celle qui échappe totalement aux prescriptions normatives et autre réfé- rentiel. Ici, le bien-vieillir ne peut s'appliquer et les logiques néolibérales sont absentes de ces derniers moments vie. Dans cette dernière étape de la vie, les inégalités sociales et les rapports de classe continuent d'être opé- rants, montrant par-là combien, dans des univers très diftrents, les traces de vie passée continuent de témoigner de l'importance des ressources éco- nomiques disponibles, mais aussi des capitaux sociaux et culturels.
Ainsi,
pour Valérie Hugentobler et Corinne Dallera, analysant les transformations de la société helvétique, I'arrivée et le développement de prestataires de services marchands transformentl'ofte
de service aux plus âgés mais avec deux conséquences presque inhérentes : le risque de choix de la prestation à effectuer, en fonction de critères du marché, et du béné- ficiaire lui-même, en fonction des moyens financiers dontil
dispose. Bien que promu par les pouvoirs publics, le maintien à domicile fonctionne sur une logique consumériste qui renforce les inégalités dans une population déjà dépendante.Enfin, la contribution proposée par Annick Anchisi, Laurent Amiotte- Suchet
et
Claudiavon
Ballmoos nousfait
entrer dans I'univers très fermé des communautés religieuses catholiques. Le vieillissement de la population de ces congrégations pose avec acuité la nécessité de trouver des solutions soutenables pour assurer un vieillissement et une fin de vie dans la dignité et le respect d'une vie passée au service de Dieu. À partir d'une double étude ethnographique réalisée en établissements d'hébergement en France et en Suisse, les auteurs s'attachent à analyser les modes de régulation entre congrégations religieuseset
États dans des contextes politiquesdiftrents.
Cette contributionest
importante parce qu'elle soulève la question des inégalités sociales à travers un questionnement sur le collectif : faut-il, cornme le prévoient les règles cornmunautaires, gérer le vieillissement des religieuses de manière collective-
et, donc, dans unsouci d'équité et de partage des ressources
-
ou, au contraire, faire resurgir les diftrences sociales par rme prise en charge individualisée ? Cette question est d'autant plus importante que le nombre de congrégations confrontées à ces situations est appelé à s'accroître ces trente prochaines années.14 Nathalie Burnay, Cornelia Hummel
Les différents terrains présentés dans ce manuscrit dévoilent combien les processus de vieillissement n'effacent en rien les inégalités sociales et les rapports de domination. Au contraire, ils montrent avec acuité combien la question de la structuration du social continue à générer des inégalités sociales importantes et combien
il
est nécessaire de pouvoir les analyser dans une perspective intersectionnelle forte, c'est-à-dire en considérant cette structuration sociale également au regard des inégalités de genre, de race, d'âge et de territorialité.c'est
seulement par I'entrecroisement de ces dimensions que pourra se révéler toute la complexité des processus de vieillissement à l'æuwe.Pour terminer cette introduction, nous reprendrons les propos de Dubar qui concluait en 2003 (2003,p. 43) :
Nos sociétés ne sont pas sans classes, mais sans discours de classe articulant, de manière nouvelle, r.rne explication théorique de ces inégalités à un projet politique de transformation sociale crédible et vérifiable. C'est une urgence de contribuer à le rétablir.
Nous espérons que cet ouwage puisse y contribuer
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