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Gessner balnéologue

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Academic year: 2022

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Gessner balnéologue

DANZI, Massimo

Abstract

La tradition thermale, telle qu'elle nous est connue à travers les textes de la Renaissance, trouve en Conrad Gessner (Zurich 1516-1565) son premier texte scientifique suisse. Cette contribution colloque le traité "De Germaniae et Helvetiae thermis" (paru à Venise en 1553) dans le contexte du discours thermal renaissant suisse, italien et allemand.

DANZI, Massimo. Gessner balnéologue. In: Leu U.; Ruoss M. Conrad Gessner 1516-2016. Zurich : Verlag Neue Zürcher Zeitung, 2016.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:84155

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Conrad Gessner n’est pas particulièrement connu pour son traité sur les ther- mes, qu’il n’a publié qu’une seule fois en 1553 et qui, par rapport à ses autres œuvres, est passé relativement inaperçu dans les monographies le concernant.

Le texte du De Germaniae et Helvetiae thermis avec la description des lieux et des eaux curatives illustre, en grande partie, le savoir médical que l’humaniste zurichois exerça jusqu’à devenir, en 1554, « Oberstadtarzt » de la ville de Zurich.

Mais tandis que ledit savoir a été relativement bien exploré sur la base de la riche correspondance que Gessner entretint avec ses collègues médecins ainsi que de ses œuvres de médecine pratique, en particulier le Thesaurus de remedi­

is secretis publié en 1552 [fig. 46a],1 le traité sur les thermes, paru à Venise l’année suivante dans une grande collection de textes thermaux, n’a pas, dès le début, attiré la même attention. Si le Thesaurus, qui appartient à l’an cienne tradition de secretis et touche aux aspects pratiques de la préparation et fabrication des remèdes pour médecins et apothicaires, eut dans la seconde partie du XVIe siècle une vingtaine d’éditions et de traductions, le De Germaniae et Helvetiae thermis ne fut plus édité après l’édition vénitienne de 1553 [fig. 52].2 Une seule année sépare ces deux livres, que Gessner construit d’ailleurs avec le même procédé humaniste des centones, une technique qui permet d’insérer des citations et même de longues pages d’autres auteurs tant classiques que modernes, produisant un texte qui relève du « patchwork ». La technique est ancienne et fut employée, par exemple, dans certains textes médicaux tels que celui du grec Oribasius au IVe siècle apr. J.-C. Mais un tel procédé, adopté au XVIe siècle, provoqua quelques critiques de la part de ceux qui y voyaient, par le cumul des autorités réunies, un manque d’originalité et un style « non satis elegans et or- natus ». Un écho de ce débat demeure chez Josias Simmler, le théologien auteur, en 1566, d’une Vita Conradi Gessneri. Dans cette biographie, Simmler prit, à propos de l’Historia animalium, la défense de Gessner, démontrant par contre le sérieux d’une « méthode » qui avait, de par la collation des témoignages re- cueillis sur les problèmes spécifiques étudiés, finalement beaucoup d’une

« méthode » philologique.3

On doit à un important article de Bernhard Milt, historien de la médecine à Zurich, un regain d’intérêt, en 1945, pour le texte thermal de Gessner, dont la tradition scientifique sur les eaux avait fait, avec le grand Johann Jakob Scheuchzer (1672–1733), l’une de ses sources d’études.4 Bien que certains textes lui aient

Gessner balnéologue

Massimo Danzi

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Fig. 52

Première page du De Germaniae et Helvetiae thermis avec épître dédicatoire de Gessner à Giunta.

Ce texte est édité à Venise en 1553 par Tommaso Giunta dans le De Balneis, une grande collection de textes thermaux.

ZBZ, Md U 2, f. 289r.

échappé, notamment l’important De balneis naturalibus de Felix Hemmerli (1450) que Milt croyait perdu, son article reste encore aujourd’hui important.

Inséré dans un large corpus de textes et de lieux thermaux,5 Gessner y était pro- clamé le fondateur de la tradition balnéologique à Zurich. Force est de constater que, par la suite, les contributions scientifiques sur le balnéologue se sont presque entièrement appuyées sur cet article, qui faisait de Gessner le fondateur d’une tradition balnéologique, sans grande ou, parfois, sans aucune nouveauté si l’on excepte quelques articles sur les rapports du Zurichois avec des médecins ou humanistes de son temps (en particulier Paracelse, étudié par Milt en 1929, ou Agricola, étudié par Epprecht en 1955) et, plus près de nous, le remarquable travail d’habilitation d’Adrian Hardmeyer resté malheureusement inédit.6

Plus récent, par contre, est l’intérêt pour le texte, dont une édition critique avec traduction italienne et un riche commentaire des sources exploitées par Gessner est en préparation.7 Anticipant ici quelques éléments de ce travail, il faut remarquer tout d’abord que ce texte ne traite pas seulement des thermes suisses et allemands, comme le titre le laisse supposer, mais également des eaux curatives d’Autriche, de Hongrie, de Bohême, etc. et donc d’une région qu’on pourrait qualifier, en gros, d’Europe centrale. De plus, contrairement à ce qu’il avait fait jusqu’alors, ce n’est pas à Bâle ou à Zurich, ou encore à Strasbourg, que Gessner le publie, mais à Venise, dans le plus important recueil thermal qui ait jamais été constitué : quelque soixante-dix textes qui jettent un pont, dans ce domaine du savoir, entre l’Antiquité arabe et gréco-romaine et les contemporains de Gessner, suisses, italiens ou allemands, en passant par le Moyen Age et l’Huma- nisme. Le De Balneis omnia quae extant apud Graecos, Latinos et Arabas, tam medicos quam quosqumque cęterarum artium probatis scriptores : qui vel integris libris, vel quoquo alio modo hanc materiam tractaverunt … [fig. 53] est l’œuvre de l’éditeur vénitien Tommaso de Lucantonio Giunta (1494–1566), bien connu pour ses textes liturgiques et scolastiques, mais aussi de médecine, science et géographie, domaines dans lesquels il avait publié les œuvres de Galien (1541), le De sympathia et antipathia rerum du véronais Girolamo Fracastoro (1546) ou encore les Navigationi et viaggi du vénitien Giambattista Ramusio (1550–1559), texte tout aussi « fondateur » que le recueil thermal de 1553, mais dans un do- maine géographique complètement renouvelé après les grandes découvertes de la fin du XVe siècle. Issu d’une famille florentine transplantée à Venise, Tommaso Giunta est un éditeur dépourvu de tentations réformatrices et pourtant il ne sortira pas indemne du climat des années 1540 qui annonce le « divorce », à Trente, entre mondes réformé et catholique. A l’instar des ouvrages de bon nombre d’éditeurs, ses livres subiront la censure ecclésiastique ; en 1551, Giunta sera in- terrogé sur ses relations avec Pietro Perna, éditeur d’origines lucquoises ayant fui entre-temps à Bâle.8

Gessner, on le sait, fut un savant humaniste qui ajouta à la connaissance du grec et du latin l’apprentissage de l’hébreu. Non seulement il fut appelé à ensei- gner le grec dans la naissante université de Lausanne (1537–1540), mais il fut éga- lement l’éditeur de nombreux textes grecs anciens, notamment de Galien, Marc Aurèle et d’autres. En tant que médecin, il maintint tout au long de sa carrière professionnelle une haute considération pour la tradition hippocratique et galé- nique qui, avec sa théorie des humeurs, était à la base d’une bonne santé et qu’il

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Fig. 53

Page de titre du De Balneis, édité par Tommaso Giunta à Venise en 1553. ZBZ, Md U 2.

accompagnait de la connaissance des textes médicaux successifs. Les bains cura- tifs chauds ou froids, tout comme l’alimentation et l’exercice, ne constituaient qu’une partie de cette théorie qu’un « régime » correct pouvait contribuer à régler.

On trouve ainsi des pages – en réalité assez prudentes – sur l’emploi des bains, dans le Régime des maladies aiguës d’Hippocrate (Ve­IVe siècle av. J.-C.) ou dans son Traité des airs, eaux et des lieux et ensuite, au IIe siècle apr. J.-C., dans le corpus de Galien, qui fut commentateur d’Hippocrate. Ou encore dans l’im- portant De medicina de Celse au tournant de l’ère chrétienne. Mais c’est surtout dans le monde romain que l’hydrothérapie et les bains se développent et ac- quièrent une structure destinée à se maintenir dans le temps selon une progres- sion de locaux tels que le calidarium, letepidariumou lefrigidarium, qui mar- quent le parcours du baigneur allant du chaud au froid en passant par des eaux tièdes.9 C’est une structure que Gessner rappelle à la fin du premier chapitre (§ 10 : je cite l’édition en préparation) et donc une tradition à laquelle on doit le rapporter, bien que sa préoccupation première soit de décrire les lieux et les ver- tus des eaux thermales de son temps, s’inscrivant ainsi dans une bataille sur l’utilité thérapeutique des eaux qui était loin d’être gagnée à cette époque encore.

Galien, et ensuite Oribasius, dont nous savons qu’il consulta l’œuvre dans la célè- bre bibliothèque vénitienne de Diego Hurtado de Mendoza (Bibliotheca univer­

salis, cc. 527v–528v), sont donc des auteurs qu’il connaît bien, sans oublier qu’à partir de 1549 il supervise pour Froben à Bâle une série d’éditions du médecin grec, dont il devient l’éditeur en 1562. A cette tradition médicale, on peut ajouter des textes scientifiques plus répandus, tels que le De Architecturade Vitruve (Ier siècle av. J.-C.) et la Naturalis historiade Pline(Ier siècle apr. J.-C.). Dans son livre VIII, Vitruve exprimait un intérêt pour les structures architecturales des bains, qu’il décrivait dans le détail, tandis que Pline abordait, dans son livre XXXI consacré aux eaux, les aspects thérapeutiques liés au thème du « merveilleux » (les miracula) : c’est là une catégorie pas tout à fait absente même de Vitruve et qu’on retrouve chez Gessner. Les deux auteurs livraient par ailleurs leur propre liste de bains anciens et une typologie des eaux basée sur leur nature – sulfureuse, alumineuse, bitumineuse, alcaline ou plus généralement acide –, que nous retrouverons de nouveau, mise à jour, chez Gessner ou dans les textes qu’il cite.10 Ces textes étaient naturellement bien connus de Gessner, qui de plus pouvait suivre l’émer- gence d’éléments monumentaux à caractère thermal chez les humanistes italiens, au sein d’une tradition qui s’étendait de l’architecture d’Alberti aux textes romains sur les « ruines » de Flavio Biondo. Mais si Gessner possédait l’excellente culture classique que l’on sait, son habit d’humaniste l’amenait à vérifier constamment ses sources et à les corriger si nécessaire. C’était une attitude autorisée par la redé- couverte des anciens auteurs qui, après Pétrarque, avait occupé les humanistes habitués à comparer les diverses sources de savoir, surtout à l’époque des manuscrits, et à en corriger les textes, progressant ainsi dans la connaissance de l’Antiquité. Gessner devait certainement avoir en mémoire les célèbres contro- verses, qui autour de la Naturalis historia de Pline avaient été à l’origine de la publication, en 1492 à Ferrare, du De Plinii in medicina erroribus de Niccolò Leoniceno. Ainsi, par sa propre expérience de vie comme par la collation des plus récents textes médicaux et thermaux à sa disposition, il était amené à sou- mettre toute autorité ancienne ou moderne utilisée dans son traité au filtre de

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la philologie. Dans le premier livre consacré aux thermes suisses, on remarquera l’apport amené par le témoignage direct de l’antiquaire, qui vérifie personnelle- ment les sites, les lieux et goûte éventuellement les eaux dont il parle pour en attester les effets, une sorte d’ « autopsie » pratiquée par la vue (parfois par le goût) mieux que par l’ouïe, exactement comme le prescrivait le prince des histo- riens Hérodote.11 Par contre, dans le deuxième livre, qui traite des thermes alle- mands, autrichiens et de Bohême, l’autopsie n’a plus raison d’être car Gessner ne les avait en général pas connus directement. Ici, le témoignage de l’auteur est remplacé par celui de nombre d’humanistes allemands que Gessner fait parler à sa place : Walther Ryff, Leonhart Fuchs, Wolfgang Winterberger, Wenceslaus Payer, Georgius Agricola et autres.

L’un des lieux thermaux les plus fréquentés, à l’époque romaine comme à celle de Gessner, était le littoral au nord de Naples.12 La présence d’eaux curati- ves y était bien connue et la région était vite devenue lieu de séjour et de plaisir pour les riches aristocrates et les empereurs romains, qui y avaient construit leurs villas. Baia, Cuma, Pozzuoli étaient non seulement des sites archéologi- ques célèbres, mais aussi des centres thermaux réputés, qui avaient en quelque sorte survécu à la ruine plus générale des bains survenue à la fin de l’Empire romain. Au début du XIIIe siècle, les eaux de Pozzuoli avaient même fait l’objet d’éloges de la part du médecin Pietro da Eboli dans son De Balneis Puteolanis, recueil poétique d’une trentaine d’épigrammes chantant, chacune, un bain et ses vertus thermales ; à la fin du XVe siècle, ces bains constituaient le décor de la grande poésie latine de Pontano. Gessner connaissait le recueil de Pietro da Eboli, qui non seulement eut un succès considérable pendant trois siècles (avec ses vingt-sept manuscrits et nombre d’anciennes éditions), mais marqua également le début, en Europe, d’une « renaissance » moderne des établissements thermaux.

L’érudit zurichois le cite comme étant l’œuvre d’Eustasio de Matera, auquel certaines éditions l’attribuaient.

On trouve dans son traité d’autres citations d’auteurs italiens. Ayant accom- pli une partie de ses voyages d’études en Italie, et particulièrement à Padoue, à l’époque où Vésale, médecin destiné à reformer par la voie de l’anatomie du corps humain la tradition galénique, y enseignait, il n’est guère surprenant qu’il connaisse les textes de Tura di Castello sur les bains de Porretta (qui, selon Filarete, « o egli t’uccide o e’ ti netta »13) ou ceux de Bartolomeo da Montagnana sur Abano, d’Antonio Guaineri sur les bains de Monferrato ou encore de Mi- chele Savonarola sur les bains padouans ainsi que d’autres moins connus.14

Gessner construit son texte à l’aide de deux traditions littéraires : d’une part, la production florissante de textes géographiques dont l’un des plus connus est le De prisca ac vera alpina Rethia du glaronais Aegidius Tschudi (1538), d’autre part des textes médico-thermaux qui, entre Zurich, Berne et Einsiedeln, avaient entre autres pour auteurs Felix Hemmerli (1388–1459), Henricus Gundelfinger (mort en 1489) et Paracelse (1493–1541). Parmi ceux-ci, Hemmerli est particu- lièrement important, car c’est avec son De balneis naturalibus (1450–1452) que la tradition balnéologique suisse commence.15

Le texte de Gessner débute, comme l’enseignaient les classiques, par la dé- finition de therma à l’aide de quelques humanistes italiens versés en grec et en latin tels que Lorenzo Valla et Celio Rodigino ; il évoque ensuite le problème

Fig. 54 

Installation pour le réchauffement des eaux aux bains de Fideris dans la vallée du Prättigau aux Grisons.

Illustration dans le De Germaniae et Helvetiae thermis, 1553.

ZBZ, Md U 2, f. 295r.

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des origines des thermes et donc de la cause de la chaleur, éclairci par les témoi- gnages recueillis dans les ouvrages des auteurs « modernes » italiens et alle- mands (§§ 11–20), après quoi Gessner présente les vertus des bains et leurs propriétés médicales. Au début, ce sont des bains italiens pour lesquels il ren- voie à quelques collègues italiens : Luigi Mondella, Tura di Castello, Antonio Guaineri ou encore Cardane (§§ 21–28). Mais au § 29 apparaît la première citation de Leonhart Fuchs, médecin allemand qui avait transposé dans ses Errata medicorum recentiorum LX, parus à La Haye en 1530, la méthode inau- gurée par Leoniceno dans ses De Plinii in medicina erroribus de 1492. 16 Tout de suite après, viennent les principaux bains suisses : tout d’abord Baden, dé- crit à l’aide de la célèbre lettre de Poggio Bracciolini de 1416 et d’un fragment du chanoine bernois Gundelfinger (respectivement §§ 40–53 et 54–69), un éta- blissement thermal qui par son régime de tranquille mixité sexuelle suscitait la curiosité de l’humaniste italien, lequel voyait dans la vie ouverte et libre menée par ces hommes et ces femmes un signal de liberté citoyenne. Ensuite, le bain de Pfäffers dans le canton de Saint-Gall (§§ 96–109), que les témoignages de nombreux humanistes allemands et suisses, y compris Paracelse, rendaient à ses yeux grandiose. Suivaient les eaux de Fideris, seule station d’eaux froides de la région du Prättigau dans les Grisons (§§ 110–114), dont il admire le mé- canisme de réchauffement [fig. 54] des eaux et finalement les thermes valaisans de Brigue, Loèche et Sion (§§ 115–124). La partie finale du premier livre touche à la région de Zurich, dont Gessner cite les bains d’Urdorf, de Wengibad près de Aeugst, de Grüningen et de Hinteregg (bon nombre d’entre eux ont disparu déjà au XVIe siècle) ou encore, par exemple, ceux de Soleure et des Grisons.

L’auteur introduit les bains de Schaffhouse et de Bâle dans le deuxième livre, consacré aux thermes allemands, autrichiens et d’Europe centrale (Bohême, Hongrie) ; le livre se termine, un peu à l’instar du traité de Hemmerli, avec une liste quelque peu confuse de bains islandais, britanniques, espagnols, français, belges et suisses (Livre II, §§ 46–50).

Pour comprendre la hardiesse de Gessner dans le domaine médical, il faut rap- peler que si la tradition hippocratique et galénique mentionnait les thermes, la valeur curative des eaux était loin de faire l’unanimité auprès des médecins. Bon nombre de traités rédigés à l’époque de Gessner montrent d’ailleurs une certaine prudence à cet égard, décrétant une série de sévères restrictions en ce qui concerne l’emploi des bains. On évoquera notamment les recommandations de Michele Savonarola qui, dans son De omnibus Italiae balneispublié à Venise en 1497, dresse une liste de quinze points à observer par l’aspirant baigneur.17 Gessner, qui croyait en les vertus curatives des eaux, n’échappe pas à cette règle et dresse lui aussi, mais cette fois à sa manière (c’est-à-dire, par le biais d’éléments em- pruntés à Hemmerli et à Gundelfinger), son propre décalogue des bains (Livre I,

§§ 61 et 66–69).

Finalement, le dialogue que son De thermis entame avec les médecins de l’Europe entière nous montre aujourd’hui au moins deux choses : la richesse du paysage scientifique dans lequel Gessner évoluait et l’engagement, au seuil des grandes révolutions scientifiques, afin que les bienfaits des eaux soient reconnus.

En effet, pourrait-on conclure, les bains, les thermes et les eaux curatives n’ont jamais possédé uniquement un caractère thérapeutique ; ils ont toujours repré-

Fig. 55

Baigneurs se divertissant aux thermes de Loèche en Valais, tableau peint en 1597 par Hans Bock l’Ancien (1550/52–1624), artiste

actif à Bâle. Kunstmuseum Basel, Inv. 87.

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senté, depuis le temps des empereurs romains jusqu’à la Bade de Poggio Brac- ciolini, un lieu de sociabilité et de plaisir, souvent de rencontres amoureuses, mais aussi de séjour pour tout le monde : hommes politiques, princes et reli- gieux qui s’y retrouvaient pour discuter autant des affaires d’Etat que de leurs états d’âme.18 Un beau tableau de Hans Bock, conservé aujourd’hui au Kunst- museum de Bâle, représente bien, autour de 1597, la vie animée du bain de Loèche en Valais [fig. 55].

1 Gessner (1552). Le nom grécisant de « Evonimus Philiatrus » fait allusion au « bien dit ami de la médecine » qu’était l’auteur.

2 Gessner (1553a) ; Milt (1953) ; pour les éditions de Gessner Wellisch (1984).

3 Simmler (1566), f. 12v–13v: pour ce débat, voir Danzi (2012).

4 Milt (1945) ; Scheuchzer (1717).

5 Milt (1945), p. 5 : «In Zürich begründete Gessner geradezu eine balneologische Tradition.»

6 Milt (1929) ; Epprecht (1955). La remarquable étude de Fischer (1966) dépend par contre, pour la partie balnéologique (pp. 90–91), expressément de Milt (1945) et le beau livre de Braun (1990), quant à lui, presque entièrement de Fischer (1966), réduisant lui aussi la partie balnéologique (pp. 130–131). Il faut par contre signaler l’importance du travail avant–gardiste de Hardmeyer (1980), qui donna une traduction allemande brièvement commentée du texte gessnerien.

7 Danzi (2004) ; Danzi (2012 et 2012a).

8 Ceresa (2001).

9 Jakson (1990) ; Milt (1945), p. 9 ; Melillo (1995), pp. 474–475.

10 Vitruve VIII 4–5 et 17 ; Pline XXXI 3–8 et 32–33.

Gessner §§ 29–37.

11 Sur le rapport existant entre témoignage « antiquaire » et

« autopsie », et sur la supériorité de l’œil sur l’oreille dans Hérodote, v. Canfora (2002), p. 48.

12 Andrioli/Casale/Viti (2004) ; Palmer (1990).

13 Filarete (1972), livre XXI: vol. II, p. 636.

14 Pour les auteurs présents dans le recueil vénitien de Tommaso Giunta, v. Stefanizzi (2011).

15 Felix Hemmerli, Tractatus de balneis naturalibus, vers 1450 ; voir Fürbeth (2004).

16 Samoggia (1964).

17 Agasse (2004), pp. 124–126.

18 Agasse (2008) souligne bien l’aspect du « plaisir » inscrit dans la pratique thermale. Pour le voyage et le séjour dans les principaux bains suisses à cette époque, leur dimension sociale et de lieux de

« rencontre » pour tout « le grand peuple des bains », voir Kaufmann (2011), pp. 147–315 et plus particulièrement pp. 274–280.

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