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Tensions entre attachements locaux et nouveaux attachements

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Academic year: 2021

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Séminaire « Ancrage territorial des spécificités » Projet ANR - Med-Inn-Local

Corti, 13 et 14 janvier 2015 Atelier Vivre l’ancrage

Vivre l’ancrage

Tensions entre « attachements locaux » et nouveaux attachements Jean-Michel Sorba

Laboratoire de Recherches sur le Développement de l’Elevage - INRA - S.A.D Corte Vivre l’ancrage ! Généreuse, la formule restitue toute l’épaisseur sociale qui fonde le rapport au territoire mais, ce faisant, elle réintroduit une difficulté majeure. De quelles façons s’articulent et se combinent les activités humaines, vécues au sein de l’espace territorial, pour ancrer des biens ? Ce sont en tout premier lieu les relations entre les activités économiques et la société qui sont le plus souvent interrogées. De nombreux travaux notamment en économie territoriale ont concerné les rapports entre les comportements de la firme, le marché et les administrations d’un coté et la société de l’autre. Peu ou prou, tous retiennent l’idée d’activités économiques encastrées dans le social (Granovetter, 1985 ; Raffestin, 1980 ; Zimmermann, 1998 ; Beccatini, 1990, …).

Pour expliquer le dynamisme et les performances - inattendus du point de vue des modèles de l’économie-standard - des entreprises ainsi localisées, ces cadres ont recours à des « forces sociales » de proximité à l’origine de ressources qui répondent aux besoins de l’entreprise. Ce rapport au territoire est exprimé par des notions telles que « l’atmosphère industrielle »,

« l’imprégnation », « l’encastrement » ou l’effet de « solidarités locales».

La communication propose dans un premier temps d’interroger la réalité des relations qui se cachent derrière ces notions. En effet, en ré-immergeant l’ancrage des biens dans toutes les épaisseurs d’un vécu territorial, il n’est plus possible d’appréhender la valorisation des biens sous le seul rapport utilitariste (Fraissygnes, 2005) en terme de « besoins », de « ressource » ou « d’actif spécifique ». Une fois éclaircie la question de la nature des liens et des liants qui constituent l’ancrage, il devient possible d’examiner les conditions de l’articulation de la sphère productive et des dynamiques territoriales. En reprenant la discussion à partir du vécu, il est suggéré ici de comprendre la valorisation des spécificités territoriales comme des interactions et des apports réciproques entre deux logiques d’ancrage au territoire.

La figure de l’acteur-ancreur est proposée dans le texte de présentation de l’atelier pour explorer les articulations entre ces deux « champs » de l’activité territoriale. La nature et l’action de l’acteur-ancreur posé comme l’opérateur des relations entre les spécificités locales et le territoire sont discutées. Un déplacement conceptuel de l’acteur-ancreur vers l’acteur réseau (Callon, 2006) oriente la discussion vers la prise en compte du caractère non personnalisé, collectif et distribué de l’ancrage.

Comment vit-on l’ancrage ? Quels sont les rapports pratiques qui rendent possible la constitution de liens entre des biens, des acteurs et des espaces ?

La difficulté tient ici à la définition d’une valorisation univoque des biens à partir à la fois de la relative fixité des liens territoriaux et du caractère dynamique de l’ancrage. Comment stabiliser les liens au territoire alors que leur construction est soumise aujourd’hui à une intense mobilité des biens et des personnes et à une recomposition des espaces significatifs (Stock, 2006). Ces questions qui concernent le changement et l’innovation territoriale sont abordées en mobilisant les notions d’attachement et de détachement, de cadrage et de débordement (Callon, 2006).

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La communication s’appuie sur trois expériences de recherche-action portant sur des modalités différentes de l’ancrage.

- La première présente le projet d’adoption d’un moule à fromage commun par un groupe de producteurs de fromages fermiers de la région de Sartène. Leur objectif est de doter le produit de leur région d’une identité visible et stabilisée. Le choix du moule s’avère être un bon véhicule de l’origine par les traces qu’il laisse sur les fromages. Son usage met en évidence de quelles façons les inscriptions sur la surface des produits signifient aux clientèles locales l’ancrage des produits au territoire (Sorba, 2010).

- Une deuxième opération de recherche porte sur la capacité de cadrage des activités visant à définir les goûts des produits. La recherche prend ici pour thème un concours de fromages fermiers organisé à Venaco (Haute-Corse) par un collectif d’amateurs et de professionnels. Le concours fonctionne comme un dispositif de cadrage et d’ancrage qui associe des logiques productives à des logiques d’usages. Ce dispositif a enclenché un processus de territorialisation des fromages de Corse exprimé par le dépôt de cinq dossiers de demande d’AOP (Sorba et al., 2004).

- Enfin, un troisième éclairage est fourni par la prise en compte du marché comme une activité sociale (Cochoy, 2011) qui oriente les modalités et le choix des composantes de l’ancrage. L’examen sur plusieurs années des foires de Corse met en évidence de quelles façons ces manifestations sont des opérateurs de l’ancrage en connectant des choix techniques à des usages des produits en relation avec les territoires de production (Sorba, à paraître).

Ces trois expériences de recherche enseignent que l’ancrage des produits procède d’une saisie collective et de la mise en œuvre de dispositifs qui débordent largement la sphère productive.

La question de la durabilité et de la pertinence de l’ancrage du point de vue du développement local est redevable d’une double inscription des biens au territoire par les activités de production d’une part et par les usages des produits d’autre part. Dans cette perspective, la notion de ressource entendue comme un moyen de l’ancrage s’avère trop lâche pour rendre compte de la complexité des composantes territoriales mobilisées et de leur combinaison.

La double inscription de l’ancrage suppose la production de liens à l‘origine manifestée par des traces interprétables par les usagers locaux. C’est-à-dire des repères et des indices significatifs - les plis de l’histoire des pratiques de production - suffisamment explicites pour traduire les usages locaux et fournir les prises nécessaires à l’évaluation de la nature et de la force de l’ancrage. La plasticité de ces relations entre les traces et leur interprétation explique que l’ancrage demeure assuré en dépit de la mobilité généralisée évoquée plus haut et des dynamiques d’innovation.

Enfin, loin d’être un moment ou une instance autonome, le marché concret comme le montrent les foires de Corse, est le produit d’agencements complexes (Callon, 2012) qui réalisent plus ou moins fortement l’ancrage au territoire. Les notions de cadrage et de débordement rendent compte de la maitrise locale des connexions entre les pratiques productives et les usages des biens.

Repères bibliographiques

- Granovetter, M. (1985). Economic Action And Social Structure: The Problem Of Embeddedness. American Journal of Sociology 91, 481-510.

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- Frayssignes J., 2005, Les AOC dans le développement territorial – une analyse en termes d'ancrage appliquée aux cas français des filières fromagères, thèse de doctorat en Études Rurales, mention Géographie, INP – ENSAT, 469 p. (2 volumes).

- Beccatini G., « The marshallien industrial districts as a socio-economic notion », Industrial districts and interfirm cooperation in Italy F. Pyke, G. Becattini and W.

Sengenberger (eds), International Institute for labour studies, 1990, p. 37-52.

- Callon M., 2006, Sociologie de la traduction : Textes fondateurs (Anglais) Relié – 16 novembre 2006, Ed. Mines Paris. Madeleine Akrich (Auteur), Michel Callon (Auteur), Bruno Latour (Auteur).

- Chatibi S. et Sorba JM, Quels sens donner à la dégustation des produits de terroir ?Le cas du chevreau de l’arganier : enseignements et perspectives.

- Dubeuf Brigitte et Sorba Jean Michel, 2002. La qualification locale des productions patrimoniales : Un dialogue entre pratiques productives et usages locaux de consommation, Colloque SYAL, Montpellier 16-17-18 octobre 2002.

- Sorba jean Michel, 2008. Du goût de l'origine aux origines des goûts : Le goût, un opérateur actif de la qualification des produits référés à une origine - Rencontre Laboratoire de Dynamiques Rurales – LRDE Toulouse avril 2008.

- Michon Geneviève, Simenel Romain, Sorba J.M., 2012. Forêts domestiques, savoir- faire et savoirs naturalistes : quelles natures, quelles démarches, pour quels patrimoines ?. In : Fazi A. (dir.), Furt J.M. (dir.) Vivre du patrimoine : un nouveau modèle de développement ? Paris : L'Harmattan, 2012, p. 533-552. ISBN 978-2-296- 54964-7

- Stock M., 2006, Espace temps. Net. « L’habiter comme pratique des lieux géographiques.

- Cochoy Franck, 2012, Du lien marchand : Comment le marché fait société, Franck Cochoy (dir.).

Références

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