A NNALES DE L ’I. H. P., SECTION B
G ILLES R OYER
Croissance exponentielle de produits markoviens de matrices aléatoires
Annales de l’I. H. P., section B, tome 16, n
o1 (1980), p. 49-62
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Croissance exponentielle de produits markoviens
de matrices aléatoires
Gilles ROYER
Équipe
d’analyse et de théorie du potentiel (n° 294 au C. N. R. S.), Université Pierre et Marie Curie, Tour 46, 4, Place Jussieu, 75005 Paris Ann. Inst. Henri Poincaré,Vol. XVI, n° 1, 1980, p. 49-62.
Section B : Calcul des Probabilités et Statistique.
RÉSUMÉ. - Nous montrons que le théorème de
Furstenberg
concernantla croissance
exponentielle
deproduits
infinis de matrices aléatoiresindépendantes
s’étend à une vaste classe de processus de Markov.Ce résultat est obtenu en
généralisant
une méthode donnée par Gui- varc’h dans le cas del’indépendance.
SUMMARY. -
Furstenberg’s
theorem onexponential growth
of inde-pendent
random matricesproducts
is extended to a broad class of Markov processes. This result is obtainedby generalizing
a methodgiven by
Gui-varc’h in the
independent
case.INTRODUCTION
Notons SL le groupe des matrices carrées de déterminant
1,
la dimen- sion d étant fixée une fois pour toute, rl’espace (SL)~
des suites de matrices etMn
la nièmeapplication
coordonnée : r -~ SL. On suppose donnéeune
probabilité Q
sur r invariante etergodique
pardécalage
àgauche (shift)
et telle quelog+
soitintégrable, ) [ . [ désignant
une normesur
l’espace
vectoriel des matrices d x d. On sait alors(d’après [3 ],
théo-rème
2)
que la suite de variablesaléatoires 1 log M n
...M o ~ ~ )
convergen
Annales de l’Institut Henri Poincaré-Section B-Vol. XVI, 0020-2347/1980/49 $ 5.00/
© Gauthier-Villars.
49
50 G. ROYER
presque sûrement vers une constante J
qui
estpositive
ou nulle à cause del’hypothèse
sur lesdéterminants ;
cette constante est leplus grand exposant caractéristique
deLjapunov
au sens d’Oseledec(voir [12 ])
et nousl’appel-
lerons indice de
Ljapunov.
Pour certaines études( [4 ], [7], [10 ])
il estessentiel d’obtenir la stricte
positivité
deJ ;
dans l’article[2] (démonstra-
tion du théorème
8.6) Furstenberg
a donné un critère depositivité
strictedans le cas où
Q
est une mesureproduit,
autrement ditlorsque
les variables aléatoiresMn
sontindépendantes :
si J est nul il existe une mesure de Radon surl’espace projectif
laissée presque sûrement invariante par la matriceMo.
Le but du
présent
article est de montrer que ce critère reste valablelorsque
le processus(Q, Mn)
est un processus de Markov suffisamment aléatoire(voir
enparticulier plus
loin le corollaire2.12).
Pour le montrernous suivrons pas à pas la méthode donnée par Guivarc’h dans
[5 pour
le cas
indépendant,
en calculant non pas surl’espace projectif
mais surson
produit
avec le groupe SL(je
ne sais pasadapter
la méthodeemployée
par
Furstenberg
sans introduired’importantes hypothèses
derégularité).
Je remercie F.
Ledrappier,
B. Souillard et J.-P. Thouvenot pour de fructueuses conversations sur cesquestions.
§
l.PRÉLIMINAIRES
On
désigne
par J1 laprobabilité Mo(Q)
sur SL et par oc laprobabi-
lité
(Mo, M 1 )Q
sur SL xSL ;
cx seprojette
évidemment suivant ,u surchaque
facteur.1.1. Pour commencer on va fixer une fois pour toutes une
désintégra-
tion
N(g, dg’)
de cx par rapport à lapremière projection
de SL x SL sur SL.Nous voulons dire par là que
N(g, dg’)
est une famille deprobabilités
sur SL telle que
N(g, x)
soit une fonction boréliennede g
pour toute fonc-tion x
borélienne bornée sur SL et telle quedg’)
=N(g,
c’est-à-dire que
pour toute
fonction t/J 03B1-intégrable.
De même on fixera unedésintégra-
tion
N*(g’, dg)
de ex par rapport à la secondeprojection.
Le noyau marko- vien N laisse ,uinvariante ;
il enrésulte, d’après l’inégalité
deJensen,
quece noyau définit une contraction de
l’espace L2(,u),
que l’on notera encoreN ;
Annales de l’Institut Henri Poincaré-Section B
CROISSANCE EXPONENTIELLE DE PRODUITS DE MATRICES ALÉATOIRES 51 1
de même N* définit une contraction de
L2{,u) qui
estl’adjointe
de laprécé-
dente. On
rappelle
le résultatsuivant,
dont une démonstration se trouve dans[9 ],
page 158 :1. 2. PROPOSITION. - Les deux
propriétés
suivantes sontéquivalentes :
1 ° Le
décalage agit ergodiquement
surl’espace
r muni de la mesureQ.
2° L’unité est valeur propre
simple
pour l’action de N dansL2(~u).
1.3. Dans les conditions de la
proposition précédente
on dira quel’opérateur
N estergodique.
On note que cetopérateur
N estindépendant
du choix
qu’on
vient de faire de ladésintégration N(g, dg’)
mais faireun choix est commode pour l’intuition et les calculs. On
pourrait adopter
le
point
de vuelégèrement
différent de se donner apriori
un noyau marko- vien N admettant uneprobabilité invariante ,u
et construireQ
àpartir
de ces
données ;
on sait alors queQ
estergodique
si et seulement si ,u estun
point
extrémal du convexe desprobabilités
invariantes parN ;
cepoint
de vuetransparaît
un peu dans les théorèmes 2.11 et 3 . 3 ci-dessous.1.4. Introduisons maintenant comme dans
[2] ]
lesobjets
suivants :1 °
l’espace projectif
que l’on noterasimplement P ;
le groupe SLa une action naturelle sur P notée
(g, ç)
-g~ ;
2° la mesure de
probabilité
naturelle (D surP,
c’est-à-dire la seulequi
soit invariante par l’action du sous-groupe de SL formé par les
rotations ;
3° la fonction
a(g, ç)
sur SL x Pqui
est obtenue par passage auquotient
à
partir
de la fonction sur SL x0),
endésignant par ( ( Il (
la norme euclidienne de
~d.
On
emploiera
la notation pourdésigner
la mesure translatéede par
(g)-1.
1.5. LEMME. - La mesure ce est
quasi-invariante
par l’action du groupe SL et admet a comme module dequasi-invariance,
autrement dit :bg
E SL~~~(a~l~)
-==a(g~
Démonstration. Pour toute
partie
A deP, cv(A)
n’est riend’autre,
àune constante de normalisation
près
que l’on va omettre, que la mesure deLebesgue
de l’ensembleÀ
despoints x
de la boule unité B de ~d tels que la direction de Oxappartienne
à A. Par toute matrice unimodu- laire g,À
est transformée en l’ensembleg qui
a la même mesure deLebesgue ;
comme d’autre partw(gA)
estégal
à la mesure deLebesgue
Vol.
52 A. ROYER
de
gÂ
nB,
il suffit de calculer en coordonnéespolaires
pour établir la formule annoncée.1.6. A
partir
de maintenant on utiliserauniquement
la norme suivantesur
l’espace
des matrices :les
inégalités
suivantes danslesquelles g désigne
une matrice unimodulairequelconque
seront utiles :2°
Il g Il (
~ 1 et il existe un nombre cindépendant de g
tel quegl
1.7.
Rappelons
enfin leshypothèses
de base de ce travail :(Ho)
le processusMn
est un processus de Markovstationnaire ; l’opé-
rateur N est
ergodique ;
enfin(on
note quelog ( Il g !! )
estpositif grâce
au choix de lanorme).
§
2.POSITIVITÉ
STRICTE DE L’INDICE DE LJAPUNOV 2.1.D’après l’équation
dequasi-invariance
vérifiée par w, pour tout g fixé dansSL, l’opérateur qui
à la fonctioncp(ç) appartenant
à faitcorrespondre al/2(g, ç)cp(gç)
est unitaire. Les méthodes de Guivarc’h vontpouvoir
s’étendre en introduisant unopérateur
«produit
croisé »de cet
opérateur
unitaire avec N. Pour ~’ borélienne sur SL x P(bornée
pour
commencer)
définissons la fonction par :l’inégalité
de Jensen nous donne :Annales do l’Institut Henri Poincaré-Section B
CROISSANCE EXPONENTIELLE DE PRODUITS DE MATRICES ALÉATOIRES 53
Ainsi, après
identification de deux fonctionségales
presquepartout ri
devient une contraction de
l’espace
de Hilbert @ce).
2.2. LEMME. - Si r est le rayon
spectral
del’opérateur F,
l’indice deLjapunov majore - (2/d) log (r).
Démonstration. On
part
del’inégalité log (r) lim(1 n lo g (n1, 1~));
par un calcul immédiat utilisant la
propriété
decocycle
du module dequasi-invariance a,
c’est-à-dire~)
=a(gl,
on prouveque
la mesure
n’étant rien d’autre que la
probabilité marginale (Mi, ... , Mn)Q
duprocessus de Markov
Mm
on obtient :puis
en utilisant1.6,
et
enfin, d’après l’inégalité
deJensen,
pour terminer il suffit de remarquer que la dernière
intégrale
convergevers J
puisque (lIn) log ( ~ ~ M~
... tend presque sûrement vers J(le
théorème deLebesgue
estapplicable
à cause del’hypothèse Ho).
2.3. Il est temps d’introduire
l’hypothèse
essentielle de ce travail :(Hi)
l’unité est unpoint
isolé du spectre del’opérateur
N et leprojec-
teur
spectral correspondant
est laprojection
sur le sous-espace de formé des fonctions constantes.Vol. XVI, n° 1-1980.
54 G. ROYER
2 . 4 . THÉORÈME. - Les
hypothèses Ho
etH 1
étantvérifiées,
supposons que l’indice deLjapunov
J soitnul ;
il existe alors une famillerable
03C0(g), g E SL,
deprobabilités
sur P telle que03C0(g) = ( g’) -
pour ex-presque toutcouple (g, g’).
Démonstration. Comme
d’après
le lemme 2.2 le rayonspectral
devaut
1,
il existe unpoint À
du spectre de fi dont le module soit 1. On sait que l’alternative suivante est uneconséquence
facile de la définition du spectre : ou bien il existe une suite ~pn de vecteurs de norme 1 appartenant àL2(,u
@ telsque Il
converge vers0,
ou bienl’opéra-
teur
(~ - ~,I)
a uneimage
nondense ;
mais on peut ici se désintéresser de la deuxième éventualité : en effet si il existe un vecteur ~p de norme 1orthogonal
à cetteimage
ona ( ~p ~ _ ~, ~ ~p, ~p ~ _ ~,,
donc doitêtre colinéaire à ~p
puisque ~, j =
1et [
~1,
d’où =Dire
[
converge vers 0 revient àdire, puisque ~
estune
contraction, que (
convergevers À ;
posant=
ceciimplique
immédiatementque ( ~n ~
converge vers1,
c’est-à-dire quel’intégrale
converge vers 1.
B~J /
en supposant que l’on a choisi un
représentant de fn qui
ne s’annule pas, la formuledéfinit une fonction normalisée de Introduisons aussi
en
appliquant l’inégalité
deSchwarz,
compte tenu de laquasi-invariance
de on obtient
Jn(g, g’)
1 pourp-presque
tout g, p-presque toutg’,
1 dans
l’espace
D’autre part,toujours d’après l’inégalité
deSchwarz, O fn Il ~ 1,
cette fois dansL1(ex);
la convergence deIn
=g’)a(dg, dg’)
vers 1implique
donc la convergence de la norme defn
(8)fn
dans vers 1. Cette norme est d’ailleurségale
au
produit scalaire ( Nfn,
et on va obtenir une convergence bienplus
forte :
2.5. LEMME. - La suite de
fonctions £
tend vers 1 dansAnnales de l’Institut Henri Poincaré-Section B
55
CROISSANCE EXPONENTIELLE DE PRODUITS DE MATRICES ALÉATOIRES
Démonstration. Il nous suffit d’établir
que ( f ’n, 1 ~
converge vers1 ;
en supposant le
contraire,
on peut extraire une sous-suitefn
telle quecn = ~ fn, 1 >
converge vers un nombre c1 ;
on voit alors que la normeIl ln -
cnIl I
tend vers(1
-c2) 1 ~2
et si l’on poseque ( Nun,
tend vers 1 et que Un estorthogonal
à la fonction 1. D’autre part, commeL2(,u)
est somme directe de sessous-espaces Cl
et 11qui
sonttous deux stables par
N,
lespectre
de N contient lespectre
6’ de la restric- tion N’ de N à11;
en outre 6’ contient 1puisque
la convergencede un
vers 1
implique
cellede ) Nun - un I I
vers0 ;
enfin 1 étant isolé danso-’,
définit unprojecteur spectral
non nul(voir [1 ],
p.573),
cequi
contreditl’hypothèse H 1 puisque
=+ ( ., 1 >
1.2.6. Suite de la démonstration du théorème 2.4.
On déduit du lemme que
fn
0fn
converge vers 1 dansL 1 (ex),
cequi entraîne,
en reportant dansl’expression
deIn
queg’)a(dg, dg’)
tendvers
1 ;
on peut donc par extraction de sous-suites se ramener au cas oùJn
etln
ont presque partout pour limite1,
par rapport aux mesures ex et ,urespectivement.
Introduisons des mesures de
probabilité
sur P par la formulePn(g, d~)
=Yn(g,
siIl . Il I désigne
la norme de la variation totale des mesures on a :ou encore, en posant pour
simplifier vn(g’, ç)
=a 1 ~2(g’, ~) yn(g’,
ainsi on voit que
pn(g) - (g’)-1 pn(g’)
converge vers 0 sauf sur un ensemble03B1-négligeable.
La fin de la démonstration est fournie par le lemme suivant : 2 . 7 . LEMME. - Soit une suite de fonctionsp-mesurables
à valeursdans l’ensemble des
probabilités
sur le compact P. On peut alors construireune autre suite
nn(g)
telle que :1° pour tout n, la fonction 1[n est combinaison convexe d’un nombre fini de fonctions p p d’indices p > n,
56 G. ROYER
2° pour p-presque tout g, la suite de
probabilités nn(g)
converge vague- ment vers uneprobabilité
n(g).
Démonstration. - Fixons une suite qi de fonctions continues sur P
qui
soit dense dans
l’espace
de Banach pourchaque
i fixé considérons la suite de fonctions n - zi,n définie par :cette suite étant bornée dans
L2(,u)
contient une sous-suitequi
converge faiblement dans cet espace ; par unprocédé diagonal
on peut donc seramener au cas où pour tout i la suite
(en n)
zi,n converge faiblement dansL2(~c).
Ceci revient à dire
qu’on
considère une suite zn dansl’espace
localementconvexe Z =
(L2(,~))~
convergeant faiblement dans cet espace vers un certain élément u de coordonnées ui. Par le théorème de Hahn-Banachon peut trouver une suite xn convergeant fortement vers u telle que xn soit
une combinaison convexe d’un nombre fini de zp d’indices p
majorant n (car l’enveloppe
convexe de l’ensemble des zp, p > n, admet la même fermeture au sens faiblequ’au
sensfort).
Il existe manifestement desproba-
bilités
n(g)
sur P telles que, pour tout i,n(g, qi)
=u;(g)
pour presque tout g, et de même desprobabilités nn(g)
vérifiantqi)
= Pardes extractions successives de
sous-suites,
onpeut
s’assurer que pour touti,
la suite de fonctions converge vers ui presquepartout
et nonplus
seulement dans
L2(,u),
cequi implique
quenn(g)
converge pour latopologie
vague vers
n(g),
pour presque tout g.2. 8. Introduisons une nouvelle
hypothèse :
(H2)
les seules fonctions deL2(,u) qui
soient invariantes parl’opéra-
teur N*N sont les constantes.
Comme N est une
contraction, H~
est vraie si et seulement sil’égalité Il implique que §
est une constante. La formeadoptée plus
haut pour cette
hypothèse
permet de la vérifierplus
aisément(voir plus
bas
2 . I l),
suivant unesuggestion
de Mokobodzki.2.9. LEMME. -
L’hypothèse H~
est vérifiée si et seulement si aucuneégalité ~p(g) _
ne peut être vraie en dehors d’un ensemblenégligeable
pour ce sans que 03C6
et 03C8
soient des constantes(essentiellement
par rapport à,u).
Annales de l’Institut Henri Poincaré-Section B
57
CROISSANCE EXPONENTIELLE DE PRODUITS DE MATRICES ALÉATOIRES
Démonstration. - Partons de
H~
et soient ~pet §
deux éléments norma-lisés de
L2(,u)
tels que(~p(g) - dg’)
=0 ;
on a alorson en tire
1/1) Il > 1,
doncque 1/1
est constante. Pour la réci- proque, on partde [[ § [[ N~ ~ ~ ,
on pose ~p =N~
et onprocède
ensens inverse
(on
peuttoujours supposer § réel).
De ce lemme et du théorème 2.4 découle immédiatement le critère de
Furstenberg :
.’2.10. THÉORÈME. -
Supposons
que leshypothèses Ho, Hi, H2
sontvérifiées et
qu’il
n’existe aucuneprobabilité
sur Pqui
soit invariante par toute transformationappartenant
au support de ,u. Alors J est strictementpositif.
Remarques.
- 1 ° On peut enparticulier appliquer
ce critère dans lecas
simple
où le groupe ferméengendré
par lesupport
de ,u estégal
à SL.De
plus Furstenberg
a montré que, pour touteprobabilité n
surSL,
legroupe des matrices unimodulaires conservant n est
compact
oupossède
un sous-groupe d’index fini
réductible,
c’est-à-dire laissant invariant unsous-espace propre de ce
qui
fournit un critèreplus approfondi (dont
une
application
est donnée dans[8 ]).
2° Le théorème 2.4 peut
permettre
de conclure que J est non nul sansque
l’hypothèse H2
soitvérifiée ;
parexemple,
supposons que le support S de ~c est un ensemble fini etqu’une partie
1 de Spossède
lapropriété
sui-vante : d’un élément
quelconque
de(I
xI)
n(supp (ce))
onpeut
passer à tout autre par deschangements
successifs de l’une ou l’autrecoordonnée,
les
points
intermédiaires restant dans le support de ex(toujours
dans lecas où S est fini
H2 équivaut
en fait à cettepropriété exprimée
pour 1 =S) ;
alors la nullité de J
implique, d’après
le théorème2 . 4, qu’il
existe n invariante par tout g appartenant àI,
cequi
peut être contradictoire.Pour la vérification
pratique
des diverseshypothèses,
nousdisposons
du résultat suivant :
2.11. PROPOSITION. - 1° Soit K le noyau markovien
58 G. ROYER
et soit aussi
si,
pour p-presque tout g, la mesureJl(dy)
est absolument continue par rapport àK(g" dy), (respectivement :
par rapport àK(g, dy)), l’opérateur
Nagit ergodiquement
dans(respectivement : l’hypothèse H2
estvérifiée).
2°
Supposons qu’il
existe un entier p, un réel b >0,
une fonction h appartenant à 0,u)
et un noyaupositif R(g, dg’)
tels queet que
l’hypothèse Hi
1équivaut
alors àl’ergodicité.
Démonstration. Si une fonction
f
deL2(~c)
est invariante parN,
elleest aussi invariante par N*
(d’après
les relationsdonc par K. On note que, si
f
est invariante parK,
il en est de mêmede
f +,
cequi
permet de se ramener au cas oùf
estpositive (a priori
K f + f +,
maisl’égalité
découle de la relationSoit C le convexe faiblement compact formé des fonctions de
L2(~c) qui
sont
positives, d’intégrale
1 et invariantes parK ;
pour établir lapremière partie
de laproposition,
il suffit de montrer que toutpoint
extrémalf
de C est
égal
à1 ;
supposons le contraire. La fonctionf ’
= inf( f, 1)
estune fonction invariante et on est sûr alors que
l’intégrale
ex def ’
est stricte-ment
comprise
entre 0 et1 ;
comme on peut écrirel’hypothèse
d’extrémalitéimpose f ’
=ce£
cequi
n’estpossible
quesi j’
ne
prend
que les valeurs 0 et(1/ce). Or, d’après
la formuleAnnales de l’Institut Henri Poincaré-Section B
59 CROISSANCE EXPONENTIELLE DE PRODUITS DE MATRICES ALÉATOIRES
et
l’hypothèse
surK,
la fonctionf
doit être strictementpositive
presque partout. On aboutit donc à une contradiction.Pour démontrer l’assertion du
2°,
on va établir que sous seshypothèses,
1
n’appartient
pas au spectre de la restriction de N à11,
cequi impli-
quera
H 1.
Si l’on suppose lecontraire,
il existe une suitet/1n
de fonctions normalisées etorthogonales
à 1 telleque ! ! I ~n - I
converge vers 0(en
utilisant le même argumentqu’au
début de la démonstration du théo- rème2 . 4).
Il est clairque ! ! I ~n - I
converge aussi vers0,
et doncque Il
tend vers 1. D’autre part, en extrayant unesous-suite,
on peut se ramener au cas où la suite admet une limitefaible 03C8
dansL2(,u) ;
on a alors =
t/1,
et, comme la valeur propre 1 estsimple, 03C8
est uneconstante
qui
ne peut être que0, puisque 03C8
estorthogonale
à 1. Parhypo- thèse, l’opérateur
H défini par le noyau fonction h est unopérateur
deHilbert-Schmidt,
donc unopérateur
compact(voir [ll ],
p.210) ;
parconséquent
la suiteHt/1n
tendfortement
vers 0. On aboutit a une contra-diction
puisque NPt/1n
=Ht/1n
+Rt/1n
et que deplus Il
1 - b(le
concept utilisé ici est celui
d’opérateur quasi-compact, qu’on
trouvedans
[6 ],
p.200).
2.12. COROLLAIRE. - Le critère de
Furstenberg
estapplicable
si lamesure a est
égale
auproduit
de ~cQ ,u
par une fonction strictementposi-
tive et bornée.
Remarque.
Pastur a donné une méthode pour démontrer la strictepositivité
de J pour des chaînes de Markov de matrices de la forme(x
-1)1 0 ;
mais ses calculs semblent nécessiter des
hypothèses plus
fortesque celles
proposées
ici(voir [10]).
§
3.COMPLÉMENT
SUR L’INDICE DE LJAPUNOV 3.1. Dans son article[2 ], Furstenberg
aégalement
étudié le comporte-ment de la norme du vecteur aléatoire
Mn
...Mox lorsqu’on
a fixé unvecteur x dans
~d ;
ses résultats et méthodes segénéralisent
facilement au cas markovien et même trouvent là leur cadre naturel comme nous allonsl’indiquer ci-dessous ;
nousrappellerons simplement
lesgrandes lignes
desa démonstration en
signalant
les détailsqu’il
faut modifier. Introduisonsune autre
hypothèse :
(H3)
la mesure ,u estirréductible ;
autrementdit,
aucun sous-espaceVol. 1-1980.
60 G. ROYER
non trivial de R4 n’est laissé invariant par le groupe fermé
qu’engendre
lesupport de jM.
Les deux résultats
qui
suivent nedépendent
pas del’hypothèse Hi.
3 . 2. THÉORÈME. - Sous les
hypothèses Ho, H2, H3,
pour tout vecteur xnon nul de la variable aléatoire
(1/n) log Mn
... converge presque sûrement vers Jlorsque n
tend vers l’infini.La démonstration de ce théorème
(voir plus bas) suggère
d’énoncerdes résultats d’un
type
un peudifférent;
supposons donné un noyauN(g, dg’)
sur unepartie
compacte K de SL(qu’on pourrait
évidemmentprolonger
en un noyau sur SL tout entier si l’on voulait avoir une nota- tionparfaitement
cohérente avec le reste del’article) ;
supposons aussi que N transforme toute fonction continue sur K en une fonction continuesur
K,
que Npossède
uneprobabilité
invarianteunique ,u
et enfin que sont vérifiées leshypothèses H~
etH3.
3 . 3 . THÉORÈME. - Sous les conditions
précédentes,
soitZn
un processus de Markov(qu’on
ne suppose passtationnaire)
à valeurs dans K et admet- tant N pour noyau detransition ;
alors(1/n) log ( Il Zn
... converge presque sûrement vers J pour x non nul.3.4. PRINCIPE DE DÉMONSTRATION. - On commence par supposer que le
point
dedépart x
est lui-même aléatoire ou,plus précisément,
estune variable aléatoire
Xo
à valeurs0, globalement indépendante
des
Mn pour n >
1(on
exclutMo) ;
autrementdit,
on munit r x(~d - 0)
d’une
probabilité
en formant leproduit
d’une mesure deprobabilité
sur SL x
((~d - 0)
par la mesureimage canonique
deQ
surSL~~’ - °~.
On poseX"
=Mn-l
...MoXo
et on considère laclasse ~"
deXn
dansl’espace projectif.
On voit alors que lecouple (Mn, çn)
est un processus de Markov de noyau de transitionoù E
désigne
la mesure de Dirac aupoint g~.
Le noyau admet desproba-
bilités
invariantes ;
pour levoir,
on note que l’ensemble desprobabilités
sur SL x P
qui
seprojettent suivant ,u
est un convexe compact invariantpar N lorsqu’on
le munit de latopologie
de la convergencesimple
pour la dualité avec les fonctions de~(P)), topologie
que m’asignalé Ledrappier.
Choisissons la loi de(Mo, ço)
comme étant unpoint
extrémal TIdu convexe des
probabilités
invariantes par ~,~ et seprojetant
suivant ~c ; le processus(Mn, çn)
est alors stationnaire etergodique ;
enappliquant
Annales de l’Institut Henri Poincaré-Section B
61
CROISSANCE EXPONENTIELLE DE PRODUITS DE MATRICES ALÉATOIRES
le théorème
ergodique,
on obtient la convergence presque sûre de(lin) log Il), qui
estégal
àvers la constante
où p est la fonction provenant par passage au
quotient
de la fonctionIl gx I I / ( I x I ~ (on
note la relation a =p-d,
fondamentale pour la démons- tration parFurstenberg
de soncritère).
Pour
continuer,
l’essentiel est de prouver queJn
nedépend
pas den ;
on remarque pour cela que l’ensemble des éléments
(g, x)
tels que(1/n) log ( ~~ ~ Mn
... tende presque sûrement versJn
a uneimage
dans SL x P dont la mesure pour II vaut
1 ;
cequi
va permettre de montrer queJn majore
tout autreJn.,
compte tenu de lapropriété
suivante : soit ngune
désintégration
de TI selon lapremière projection
etVg
leplus petit
sous-espace
projectif
portant ng, alors p-presque sûrementVg
=P ;
cettepropriété
se démontre comme suit : de l’invariance de la mesure IIpar N
et du lemme
2.9,
on déduitque Vg
nedépend
pas de g, cequi
conduit àVg
= P à cause de l’irréductibilité de ,u.Pour terminer on montre que si le théorème 3.2 était faux on
pourrait construire,
en utilisant des moyennes de Césaro convenables(voir [2],
p. 409 et
suivantes),
uneprobabilité
FI invariante et seprojetant suivant ,u
telle que
Jn
s’écarte de la valeur commune mise en évidence auparavant(qu’on
identifie à l’indice deLjapunov) ;
cette construction utilise enparti-
culier le fait que
l’espace ~(P)), qui
s’identifie à un espace de fonctionssur SL x
P,
est laissé invariant par~V’ ,
cequi
permet de construire IIcomme forme linéaire sur cet espace. Pour le théorème 3.3 la méthode
est la
même,
mais pour finir on trouve II comme forme linéaire surn
(SL
xK),
en se servant du faitque (1/n) 03A3 f(Zk)
converge presque sûre-k=0
ment vers
,u( f )
pour toute fonction continuef
sur K.BIBLIOGRAPHIE
[1] N. DUNFORD, J. T. SCHWARTZ, Linear operators, New York, John Wiley and Sons, 2e édition, t. 1, 1964.
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62 G. ROYER
[2] H. FURSTENBERG, Noncommuting random products. Trans. Amer. Math. Soc.,
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[3] H. FURSTENBERG, H. KESTEN, Products of random matrices. Ann. Math. Statis.,
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[10] L. A. PASTUR, Spectre des matrices de Jacobi aléatoires et équations de Schrô- dinger aléatoires sur l’axe entier. Preprint, institut des basses températures,
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[11] M. REED, B. SIMON, Methods of modern mathematical physics, t. 1, New York, Academic Press, 1972.
[12] D. RUELLE, Ergodic theory of differentiable dynamical systems. Preprint I. H. E. S., 1978, Bures-sur-Yvette, France.
Note. 2014 Les trois articles suivants me furent signalés après une première diffusion
du présent travail. Ils contiennent des études de l’indice de Ljapunov pour des produits
markoviens de matrices et le troisième de ces articles est très proche du mien. Les
méthodes de démonstration sont cependant assez différentes.
[13] S. A. MOL010CANOV, The structure of eigenfunctions of one-dimensional unordered structures. Math. U. S. S. R. Izvestija, vol. 12-1, 1978, p. 69-101.
[14] Y. GUIVARC’H, Marches aléatoires à pas markovien. C. R. Acad. Scien., Paris, 1979.
[15] A. D. VIRSTER, Sur les produits de matrices et les opérateurs aléatoires. Th. of
Proba. and Appl., t. 24-2, 1979, p. 361-370.
(Manuscrit reçu le 23 novembre 1979)
Annales de l’Institut Henri Poincaré-Section B