FICHE À DÉTACHER
La Lettre du Neurologue • Vol. XX - n° 5 - mai 2016 | 137
f i c h e t e c h n i q u e
Sous la responsabilité de ses auteurs
n° 141
L
es neurones sont des cellules polarisées comprenant un compartiment somatodendritique, qui intègre les signaux reçus par la cellule, et un axone, qui permet la génération et la propagation du signal nerveux, codé sous la forme de potentiels d’action (figure 1).Les nœuds de Ranvier
A. Desmazières*, T. Roux*, N. Sol-Foulon*, M. Thetiot*, C. Lubetzki*
* Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), CNRS UMR 7225, Inserm U 1127, UPMC-P6 UMR S 1127, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
Figure 1. A. Organisation d’un neurone myélinisé. Le message nerveux est propagé le long de l’axone sous la forme de potentiels d’action, initiés au segment axonal initial et régénérés aux nœuds de Ranvier. B. La conduction saltatoire rapide repose sur la dépolarisation de la membrane au niveau des nœuds de Ranvier. En cas de dégradation de la myéline, la conduction saltatoire est remplacée par une conduction continue lente ou des blocs de conduction.
Corps cellulaire Dendrites
Potentiel d’action
Myéline Segment
axonal
initial Nœud de
Ranvier
Axone
Propagation
Propagation
Initiation
Axone démyélinisé Axone myélinisé
B A
– – –
– – – – –
+ + + +
+ + + +
Le processus de myélinisation permet une propagation rapide, saltatoire, des potentiels d’action le long des axones. Cette conduction rapide s’explique par l’alternance de segments axonaux recouverts de myéline, laquelle joue un rôle d’isolant, et des nœuds de Ranvier.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec l’article.
0137_LNE 137 23/05/2016 14:25:48
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FICHE À DÉTACHER
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dans la prévention de la neurodégénérescence et du handicap neuro- logique irréversible qui lui est associé (3). Comme l’a montré l’analyse des lésions de SEP, cette réagrégation nodale est un événement précoce qui peut, dans certains cas, précéder la remyélinisation.
Cette reformation des nœuds de Ranvier pourrait ainsi jouer un rôle dans le déclenchement de la réparation myélinique (1). De façon intéressante, des données récentes obtenues en réalisant des enregistrements électrophysiologiques sur des neurones en culture ont démontré que la présence de structures nodales avant la myélinisation était associée à une accélération de la vitesse de conduction. Par analogie, ces “prénœuds” pourraient donc avoir un impact fonctionnel dans les phases précoces de la réparation (4).
Les nœuds de Ranvier pourraient aussi représenter une cible privi- légiée du processus pathologique dans les maladies inflamma- toires du système nerveux. En effet, des anticorps dirigés contre les protéines des nœuds de Ranvier ont été détectées chez des patients atteints de SEP, mais également dans le syndrome de Guillain-Barré (5-7).
En conclusion, les nœuds de Ranvier sont des structures clés des processus de démyélinisation et de remyélinisation. Caractériser leurs mécanismes d’altération et de reformation pourrait ouvrir la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques. ■
1. Coman I, Aigrot MS, Seilhean D et al. Nodal, paranodal and juxtaparanodal axonal proteins during demyelination and remye- lination in multiple sclerosis. Brain 2006;129(Pt 12):3186-95.
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5. Desmazières A, Sol-Foulon N, Lubetzki C et al. Changes at the nodal and perinodal axonal domains: a basis for
multiple sclerosis pathology? Mult Scler 2012;18(2):133-7.
6. Lim JP, Devaux J, Yuki N. Peripheral nerve proteins as poten- tial autoantigens in acute and chronic inflammatory demyeli- nating polyneuropathies. Autoimmun Rev 2014;13(10):1070-8.
7. Uncini A, Kuwabara S. Nodopathies of the peripheral nerve: an emerging concept. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2015;86(11):1186-95.
Références bibliographiques
Ces derniers sont de petits domaines amyéliniques enrichis en canaux sodiques dépendants du voltage. Ces canaux ioniques, qui permettent la régénération et la propagation des potentiels d’action, sont ancrés à la fois au cytosquelette et à la matrice extracellulaire (figure 2). La formation et le maintien des nœuds de Ranvier dépendent des jonctions axogliales, ou paranœuds, situés de part et d’autre des nœuds de Ranvier, et qui jouent un rôle de barrière. Ces processus dépendent aussi de facteurs sécrétés par les cellules gliales myélinisantes (oligodendrocytes dans le système nerveux central et cellules de Schwann dans le système nerveux périphérique).
Dans la sclérose en plaques (SEP), maladie auto-immune démyéli- nisante du système nerveux central, la destruction de la myéline s’accompagne d’une disparition des nœuds de Ranvier, avec diffusion des protéines nodales le long de l’axone dénudé. Cette modification de la distribution des protéines nodales supprime la conduction saltatoire, qui est remplacée par une conduction lente, voire par un bloc de conduction à l’origine des symptômes neurologiques (1, 2).
La remyélinisation, dont l’efficacité semble varier selon les individus mais aussi selon le stade de la maladie, s’accompagne d’une refor- mation des nœuds de Ranvier, et donc du rétablissement de la conduction saltatoire, qui participe à la résolution des symptômes.
Remyélinisation et reformation des nœuds sont également impliqués
Figure 2. A. Image d’une fibre nerveuse myélinisée après marquage immunohistochimique. Le nœud de Ranvier (en rouge) est entouré par les paranœuds (en bleu). La myéline apparaît en vert. B. Représentation schématique de la composition moléculaire de la région nodale dans le système nerveux périphérique (SNP) et le système nerveux central (SNC). Les canaux sodiques dépendants du voltage (Nav) permettant la dépolarisation membranaire sont stabilisés aux nœuds par interaction directe avec des protéines d’adhésion cellulaire (Nfasc186, contactine) et des protéines d’ancrage au cytosquelette, ainsi que par les jonctions axogliales qui forment une barrière latérale. Le complexe nodal est également assemblé et stabilisé sous l’influence de facteurs gliaux (gliomédine, NrCAM dans le SNP) et de la matrice extracellulaire. Des canaux potassiques dépendants du voltage (KCNQ et Kv) sont localisés au niveau des nœuds et des juxtaparanœuds. Ils jouent notamment un rôle dans la repolarisation de la membrane plasmique après le passage du potentiel d’action.
Myéline
Myéline
Boucles paranodales
Microvillosités Matrice
extracellulaire
Contactine Nfasc186
Nfasc186
Nav
Nav KCNQ
KCNQ
Gliomédine NrCAM
Protéines d’ancrage
au cytosquelette Protéines d’ancrage
au cytosquelette Canaux potassiques Kv
Axone
Jonction axogliale
Juxtaparanœud Paranœud Nœud (SNP) Nœud (SNC)
Paranœud Nœud
2,5 µm
B A
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