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Tests moléculaires multiplex : de nouveaux outils pour le diagnostic des pathologies infectieuses respiratoires

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MISE AU POINT

Tests moléculaires multiplex : de nouveaux outils pour

le diagnostic des pathologies infectieuses respiratoires

Multiplex molecular assays: new tools for the diagnosis of infectious respiratory diseases

S. Pillet*, J. Le Goff**

* Laboratoire des agents infectieux et hygiène, CHU de Saint-Étienne.

** Laboratoire de microbiologie, hô- pital Saint-Louis, AP-HP, université Paris Diderot, Paris.

L

es infections respiratoires sont très fréquentes et représentent un coût important pour la société et la santé publique. Elles regroupent des patho- logies allant du simple rhume à la pneumopathie aiguë, voire au syndrome de détresse respiratoire aiguë. De nombreux agents pathogènes sont impli- qués, et compte tenu du manque de spécificité des données cliniques pour orienter le diagnostic étiolo- gique, l’identification du ou des agents responsables par le laboratoire de microbiologie est indispensable pour un traitement anti-infectieux optimal (1). Cette notion a été soulignée en 2009 lors de la période de prépandémie grippale à virus A H1N1 pdm09 durant laquelle de nombreux patients suspects de grippe étaient infectés par d’autres agents pathogènes, notamment par des rhinovirus (2). Cependant, la détection des pathogènes respiratoires (bactéries, virus, champignons et parasites) repose encore très largement sur l’utilisation d’un éventail de tech- niques de diagnostic direct, c’est-à-dire la recherche de l’agent pathogène ou de ses constituants dans les prélèvements respiratoires (écouvillon nasal sur milieu de transport [ESwab™], aspiration nasopha- ryngée, crachats, lavage bronchoalvéolaire, etc.) : observation au microscope après coloration, culture bactérienne, culture cellulaire classique ou culture rapide, détection d’antigènes par des tests rapides (immunofluorescence, technique ELISA, immuno- chromatographie avec ou sans système de lecture objectif), identification des pathogènes par des méthodes biochimiques ou par spectrométrie de masse. À ces techniques de diagnostic direct s’as- socient des techniques de diagnostic indirect qui

consistent en la détection des anticorps dans le sérum du patient par des techniques plus ou moins automatisées et qu’il faut effectuer sur 2 prélève- ments sanguins, à 15 à 30 jours d’intervalle, pour mettre en évidence une séroconversion ou une ascension des anticorps. Toutes ces techniques sont souvent fastidieuses, coûteuses, réalisées dans des laboratoires différents et pour certaines, peu sensibles (tests rapides de première génération pour la détection des virus grippaux par exemple) et très longues (culture de virus sur différentes lignées cellulaires) pour obtenir un résultat. Ce délai entre le prélèvement et l’identification du ou des patho- gènes respiratoires, ainsi que la multiplication des comptes-rendus envoyés au clinicien expliquent très largement l’utilisation de schémas de traitement anti-infectieux probabilistes, qui le plus souvent ne seront pas ou peu modifiés après la réception plus ou moins tardive des résultats microbiologiques.

L’approche syndromique pour le diagnostic respi- ratoire consiste donc à utiliser des tests multiplex de diagnostic direct qui recherchent la plupart des agents respiratoires potentiellement impliqués dans la pathologie du patient. Depuis l’apparition du premier test multiplex respiratoire (Hexaplex, Prodesse) il y a plus de 15 ans, le marché s’est enrichi de nombreuses techniques moléculaires multiplex permettant l’identification simultanée de plusieurs agents pathogènes dans le même prélèvement et ce, dans un délai très court (1, 3). L’utilisation de ces tests révolutionne la prise en charge des infections respiratoires, en particulier celle des pathologies les plus graves.

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72 | La Lettre de l'Infectiologue • Tome XXXII - n° 2 - mars-avril 2017

Qu’est-ce qu’un test moléculaire multiplex ?

Depuis quelques années, la biologie moléculaire, en particulier des techniques fondées sur l’ampli- fication génique (notamment la PCR [Polymerase Chain Reaction]), a pris une place très importante dans l’identification des pathogènes respiratoires, en particulier les virus et les bactéries dites “atypiques”

(Mycoplasma pneumoniae, Chlamydophila pneumo- niae, Legionella pneumophila) ainsi que Bordetella pertussis et parapertussis. Cette technologie est en effet plus sensible et permet d’identifier l’agent pathogène plus rapidement que la culture, long- temps considérée comme la technique de référence.

Cependant, la PCR impose de cibler la recherche sur le pathogène suspecté, et non de façon aléatoire, “à l’aveugle”, comme on peut le faire avec l’isolement en culture bactérienne ou virale. Par conséquent, la recherche d’un panel d’agents pathogènes respira- toires devra associer plusieurs tests unitaires ciblés sur chaque agent. De nombreux virus respiratoires possèdent un génome ARN, ce qui nécessite une étape de reverse transcription (RT) avant la réalisation de la réaction de PCR ; les étapes de RT et de PCR se font généralement dans le même tube contenant un unique mélange réactionnel de RT-PCR.

La PCR multiplex (et RT-PCR pour les virus à ARN) associe dans une même réaction plusieurs couples d’amorces ; chaque couple d’amorces va s’accro- cher sur le génome d’un seul agent pathogène et va générer un produit d’amplification (ou amplicon) qui sera révélé par différentes technologies expo- sées dans le tableau et permettra l’identification de l’agent pathogène détecté. L’avantage principal de ces tests multiplex est de rechercher plusieurs agents pathogènes en une seule réaction, ce qui simplifie les manipulations au laboratoire et raccourcit considérablement le délai de rendu des résultats. L’inconvénient majeur de la PCR multi- plex par rapport aux tests unitaires (monoplex) est parfois son manque de sensibilité ; cet inconvénient peut être corrigé par l’utilisation d’astuces technolo- giques. Par extension, dans cette revue, nous citerons également des trousses ne ciblant qu’un nombre restreint de pathogènes dans la même réaction mais qui sont compatibles après une étape d’extraction

et un programme d’amplification commun et qui peuvent être effectués en même temps (tableau) ; leur association permet ainsi une prise en charge globale du prélèvement au laboratoire dans une stratégie syndromique. L’avantage de ces trousses est leur flexibilité, permettant de détecter les agents pathogènes recherchés en fonction de la période épidémique.

Les différents tests disponibles sur le marché

Plusieurs tests sont actuellement commercialisés en France (tableau). La liste évolue en permanence, ce secteur d’activité diagnostique étant très actif, et de nombreux tests sont actuellement en cours de développement. Les tests moléculaires détec- tant uniquement les virus grippaux A et B (Alere™ i influenza A & B), ou simultanément les virus grip- paux et le virus respiratoire syncytial (VRS) [Xpert®

Flu/RSV XC, Cepheid ; Simplexa™ Flu A/B & RSV, Focus Diagnostics] ne sont pas listés dans le tableau.

Ils sont intéressants pour un premier dépistage, notamment en période épidémique hivernale, mais leur utilisation en dehors des secteurs d’urgence complique l’organisation du laboratoire en néces- sitant la mise en œuvre de différentes stratégies pour détecter les autres pathogènes respiratoires dans une approche syndromique globale.

Caractéristiques générales

Les tests multiplex utilisent plusieurs technolo- gies et ciblent soit un panel de virus respiratoires uniquement, soit un panel de virus respiratoires et de bactéries atypiques. Ces tests sont qualitatifs, c’est-à-dire qu’ils rendent un résultat “absence” ou

“présence” pour chacun des pathogènes testés ; un seul test permet actuellement une quantification des bactéries classiques commensales de la sphère ORL (Streptococcus pneumoniae et Haemophilus influenzae notamment).

Tous incluent au moins un contrôle interne afin de détecter la présence d’inhibiteurs de PCR et de valider l’ensemble des étapes du test. Certains comportent plusieurs tests très simples sont disponibles, qui permettent un diagnostic en moins de 2 heures, et une réaction rapide dans des situations d’urgence comme les infections respiratoires graves.

» La place de ces tests dans la prise en charge des différentes pathologies respiratoires doit être évaluée par des études médico-économiques sérieuses.

» Le résultat qualitatif de ces tests doit inciter à l’interprétation prudente des résultats et de la mise en cause de l’agent infectieux dans l’infection respiratoire, notamment en cas de codétection de plusieurs virus.

PCR

Étude médico- économique

Highlights

»Several fastidious techniques are usually required for the diagnosis of respiratory infec- tions with variable times to get results.

»Multiplex PCR assays detect several pathogens in a unique reaction, enabling a syndromic approach for the diagnosis of respiratory infections.

»Beside highly complex assays accessible to specialized labo- ratories, new unitary assays easy to perform provide results in less than 2h and make the diagnosis of severe respiratory infections more attainable in any clinical setting.

»Controlled medico-economic studies are needed to define the real place of these new tests in patient care.

»Results are expressed as qualitative only and should be interpreted with caution espe- cially in case of simultaneous detection of several viruses.

Keywords Syndromic approach Atypical bacteria Respiratory viruses PCR

Medico-economic study

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MISE AU POINT

Tableau. Tests multiplex détectant les pathogènes respiratoires et disponibles sur le marché en 2016.

Nom du test

(fournisseur)* Temps de réalisation

**

Cibles détectées***

Typage des virus grippaux H3, H1 et H1N1pdm09

Différenciation

VRS A et B Différenciation des virus parainfluenza

Détection différenciation et

coronavirusdes

Détection bocavirusdu

Autres cibles virales détectées ou différenciées

Cibles virales non

détectées

Détection des bactéries

atypiques

Autres cibles détectées

Tests multiplex “clés en main” utilisables dans les laboratoires d’urgence FilmArray®

respiratory panel (bioMérieux)

< 1 h 30 Oui Non Oui 229E

OC43NL63 HKU1

Non B. pertussis

M. pneumoniae, C. pneumoniae

ePlex™

Respiratory Pathogen Panel (GenMark Dx)

< 2 h Oui Oui Oui 229E

OC43NL63 HKU1

Oui Différenciation des adénovirus de types B/E

et C

B. pertussis M. pneumoniae C. pneumoniae L. pneumophila Trousses réservées aux laboratoires entraînés au diagnostic moléculaire (par ordre alphabétique des fournisseurs)

Trousses RealStar®

(Altona) 4 h H1N1pdm09

uniquement Non Non Non Non Grippe A H7N9

MERS-CoV Picornavirus B. pertussis

B. parapertussis P. jirovecii Trousses Argene®

Respiratory Multi Well System (MWS) r-gene™

(bioMérieux)

4 h Non Non Non Oui sans

différenciation Oui B. pertussis

B. parapertussis M. pneumoniae,

C. pneumoniae L. pneumophila

Resp’Easy et trousses de PCR en temps réel (Diagenode) –

4 h Non Non Oui Oui sans

différenciation B. pertussis

B. parapertussis M. pneumoniae C. pneumoniae L. pneumophila

Fast-Track Diagnostics (FTD) pathogène respiratoire 21 plus (Launch Diagnostics) –

4 h H1N1pdm09

uniquement Oui Oui 229E

OC43 HKU1NL63

Oui Différenciation des hMPV A et B Différenciation des rhinovirus et

entérovirus Paréchovirus

M. pneumoniae

C. pneumoniae S. pneumoniae H. influenzae B

S. aureus

CLART® PneumoVir (Genomica, distribué par R-Biopharm)

6 h Oui Oui Oui, et

différenciation des sous- types A et B

de virus parainfluenza 4

229E

uniquement Oui Détection virus grippal C Différenciation des hMPVA et B Différenciation des rhinovirus et entérovirus

Autres

Coronavirus Non

Allplex™

Respiratory Full Panel Assay (Seegene, distribué par Eurobio)

4 h Oui Oui Oui 229E

OC43 NL63

Oui Différenciation des rhinovirus et entérovirus

Coronavirus

HKU1 B. pertussis B. parapertussis M. pneumoniae C. pneumoniae L. pneumophila

S. pneumoniae et H. influenzae

RespiFinder® 2SMART (Eurogentec)

4 h H1N1pdm09

uniquement Oui Oui 229E,

OC43 NL63/

HKU1

Oui B. pertussis

M. pneumoniae, C. pneumoniae L. pneumophila NxTAG® Panel

de pathogènes respiratoires (Theradiag)

4 h H1N1pdm09

uniquement Oui Oui 229E

OC43NL63 HKU1

Oui M. pneumoniae

C. pneumoniae L. pneumophila

* Ne sont listés que les tests incluant la détection de plus de 3 cibles par la même technologie.

** Temps estimé depuis le traitement de l’échantillon jusqu’au rendu du résultat.

*** Sauf exception précisée, tous les tests présentés détectent les virus grippaux A et B, le virus respiratoire syncytial (VRS), le métapneumovirus, les picornavirus (rhinovirus et entérovirus), les virus parainfluenza et les adénovirus. Seules les spécificités de chaque test sont indiquées.

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74 | La Lettre de l'Infectiologue • Tome XXXII - n° 2 - mars-avril 2017 Prélèvement respiratoire

Extraction

des acides nucléiques ❒ Extraction

❒ PCR

❒ Interprétation Système intégré 1 h-2 h

1 h-2 h 20-30 mn

2 h 30-9 h 50 mn-2 h 30

Temps de manipulation technique Durée de réalisation

< 5 mn

Interprétation des résultats PCR multiplex

Figure. Traitement d’un prélèvement respiratoire dans les tests de PCR multiplex

“ classiques” ou “clés en main”.

également la détection d’un gène cellulaire qui permet de contrôler la cellularité et ainsi la qualité du prélèvement analysé (les virus et les bactéries atypiques étant des pathogènes intra cellulaires) [4].

Étape d’extraction

Avant tout test moléculaire, le prélèvement respira- toire subit une étape d’extraction durant laquelle le génome des agents pathogènes doit être purifié. Cette étape est incluse dans certains tests multiplex “clés en main”, limitant ainsi les manipulations et permettant leur utilisation dans des laboratoires non équipés en biologie moléculaire, en particulier les laboratoires d’urgence (figure). Pour d’autres, cette étape doit être effectuée par le technicien de laboratoire en amont du test multiplex, ce qui augmente la technicité du test et allonge le délai de rendu des résultats.

Détection des virus respiratoires

En général, les tests respiratoires multiplex détectent :

➤ les virus grippaux A et B, avec ou sans sous- typage des virus grippaux A “saisonniers” circulants (actuellement H1N1pdm09 et H3N2) ;

➤ le VRS, avec ou sans différenciation des types A et B ;

➤ le métapneumovirus (hMPV) ;

➤ les picornavirus, avec souvent une réponse de type “rhinovirus/entérovirus” en raison de la grande parenté génétique de ces virus ;

➤ les virus parainfluenza, avec différenciation ou non des 4 types ;

➤ les coronavirus (CoV), avec différenciation totale ou partielle entre OC43, 229E, NL63 et HKU1 ;

➤ les adénovirus (ADV), avec différenciation ou non de certains types.

La détection du bocavirus est incluse uniquement dans certaines trousses. Aucun test ne détecte les polyomavirus récemment identifiés (WU et KI).

Détection des bactéries respiratoires

Certains tests incluent la détection de l’ensemble ou d’une partie des bactéries atypiques :

Mycoplasma pneumoniae ;

Chlamydophila pneumoniae ;

Bordetella pertussis et parapertussis ;

Legionella pneumophila.

La plupart des tests multiplex ne détectent pas les bactéries “classiques”.

Détection des champignons et parasites

Aucun des tests multiplex actuellement disponibles n’inclut la détection des champignons et parasites ; une seule trousse détecte Pneumocystis jirovecii et peut être associée à d’autres trousses pour la détec- tion d’autres pathogènes respiratoires (tableau, p. 73). Un nouveau test FilmArray® destiné à détecter les pathogènes des infections respiratoires basses inclura un panel large de bactéries (avec quan- tification), de champignons et de parasites et sera commercialisé prochainement.

Praticabilité et rendu des résultats

Le tableau (p. 73) différencie les tests utilisables dans les laboratoires d’urgence de ceux réservés aux laboratoires équipés d’un secteur de biologie moléculaire. La tendance est à la simplification des tests et leur miniaturisation avec résultat obtenu en moins de 2 heures. Seuls 2 tests sont très faciles à utiliser et nécessitent une formation minimale (voir cependant les précautions à respecter exposées ci-dessous). Ces tests sont utilisables en “random access”, au coup par coup, pour apporter une réponse très rapidement au clinicien. Les incon- vénients principaux sont qu’ils ne sont utilisables que sur des machines captives très sophistiquées et que la composition du panel est imposée par le fabricant.

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MISE AU POINT

Ces tests les plus “clés en main” sont validés sur écou- villons nasals (ESwab™) par les fournisseurs, mais peuvent être facilement adaptés aux prélèvements plus visqueux après fluidification au laboratoire. Une étape d’extraction préalable permet de travailler sur n’importe quel type d’échantillon respiratoire (crachats, liquide bronchoalvéolaire [LBA], etc.).

À côté de ces tests, il existe de nombreuses trousses d’amplification génique utilisables après extrac- tion du prélèvement. Ces tests nécessitent plusieurs manipulations, une expertise en biologie molécu- laire, du personnel entraîné et des locaux adaptés.

De plus, ils ne sont réalisables que dans le cadre de séries de plusieurs prélèvements, afin de partager les contrôles de validation et de limiter les coûts, ce qui allonge le délai de rendu des résultats et empêche leur utilisation en urgence.

Précautions à l’utilisation

Qualité du prélèvement

La technologie ne peut pas tout. Bien que les tech- niques moléculaires aient accru de manière consi- dérable la sensibilité des tests, le prélèvement reste une étape critique dans le diagnostic. Il doit être adapté à l’agent recherché et à l’état du patient.

Alors que pour les infections respiratoires de l’arbre respiratoire supérieur, un écouvillon nasal profond ou une aspiration nasopharyngée suffit pour rechercher l’agent étiologique, il sera plus pertinent en cas de pneumopathie, dans la mesure du possible, d’effec- tuer un prélèvement plus profond rapportant des sécrétions de l’arbre respiratoire inférieur.

Les virus sont des parasites intracellulaires et leur détection nécessite le recueil de cellules. Un prélè- vement respiratoire de qualité doit donc être riche en cellules de l’arbre respiratoire. Les méthodes de détection des antigènes viraux par immunofluores- cence permettaient de valider la qualité du prélève- ment avec l’observation des cellules au microscope.

La plupart des techniques multiplex de pathogènes respiratoires n’incluent pas la détection de gènes cellulaires. Un prélèvement de mauvaise qualité représente un risque d’interpréter à tort un résultat négatif comme une absence d’infection. La mise à disposition d’outils performants et rapides doit s’accompagner d’une exigence sur la qualité du prélèvement. Des instructions sur les méthodes de prélèvement doivent être fournies aux services cliniques. Le personnel médical et soignant doit en prendre connaissance et se former aux techniques.

Règles d’hygiène et de sécurité

La facilité d’utilisation de certains de ces tests risque de faire oublier que ce sont des tests moléculaires avec génération d’amplicons sur des prélèvements respi- ratoires pour lesquels certaines précautions doivent être appliquées. Il est ainsi indispensable de mani- puler les prélèvements potentiellement infectieux sous poste de sécurité microbiologique pour protéger les techniciens et l’environnement du laboratoire.

Les prélèvements ainsi que les déchets contaminés générés par le test doivent être fermés et éliminés dans des boîtes à DASRI (déchets d’activités de soins à risques infectieux). La neutralisation du prélèvement dans un laboratoire de sécurité avant la réalisation du test multiplex devra également être discutée en cas de suspicion d’agent pathogène émergent (cf. infra).

Évolution rapide des tests face

à l’émergence d’un nouveau pathogène

Certains pathogènes sont très variables, et de nouvelles souches émergent. C’est le cas notamment des virus grippaux. L’ajout ou la modification d’une cible nécessite une revalidation complète du test par le fournisseur, ce qui limite l’adaptation rapide de ces tests à la circulation des agents pathogènes.

De plus, en dehors du virus grippal A H1N1pdm09, les pathogènes émergents (coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère [SRAS-CoV] ou Middle East Respiratory Syndrome Coronavirus [MERS-CoV] par exemple) ne sont détectés que par un nombre limité de tests (tableau, p. 73). De plus, leurs perfor- mances vis-à-vis de la détection de nouveaux virus grippaux (H5N1, H7N9 ou H2N2) ou de l’entérovirus D68, pour ne citer que les virus récemment émer- gents, méritent également d’être évaluées.

En cas de suspicion d’infection par de tels agents, un test ciblant l’agent émergent doit être prescrit en accord avec le laboratoire, d’autant que les condi- tions d’hygiène et de sécurité de prélèvement, de transport et de prise en charge au laboratoire (type L3 notamment), à respecter devant une telle suspicion, sont beaucoup plus contraignantes et les laboratoires doivent être agréés pour le diagnostic. Ces tests multi- plex ont malgré tout leur place pour éliminer d’autres agents pathogènes que l’agent émergent suspecté en première intention. Ainsi, encore récemment, les suspicions d’infection par le MERS-CoV chez des patients de retour du pèlerinage de La Mecque se sont révélées être des cas d’infection par des rhinovirus, des coronavirus non MERS ou des virus grippaux (5).

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76 | La Lettre de l'Infectiologue • Tome XXXII - n° 2 - mars-avril 2017

Interprétation des résultats

Ces tests moléculaires multiplex détectent un frag- ment du génome des pathogènes testés. En aucun cas, ces tests n’apportent la preuve de la viabilité du pathogène ni de son caractère infectieux ou réplicatif. Ces tests sont qualitatifs, et l’accès aux données sur l’intensité du signal est parfois diffi- cile, voire impossible. Ces tests doivent être utilisés uniquement pour un dépistage, mais pas pour le suivi de la charge infectieuse pour mesurer l’efficacité du traitement antimicrobien.

Le résultat qualitatif de ces tests doit inciter à l’in- terprétation prudente des résultats et de la mise en cause de l’agent infectieux dans l’infection respira- toire, notamment en cas de codétection de plusieurs virus. Ainsi, certains virus, comme les rhinovirus et le bocavirus, ont été détectés chez des patients asymptomatiques (6), surtout chez les enfants chez qui ces infections sont très fréquentes ; leur responsabilité dans les symptômes respiratoires du patient, notamment s’ils sont détectés en plus d’autres agents respiratoires, doit être discutée. Ces tests retrouvent parfois 3, 4, voire 5 agents infec- tieux, et il n’est donc pas facile de faire le tri en l’absence de résultat quantitatif. Des études sont en cours pour apprécier le caractère de gravité de ces co-infections, et les fournisseurs font évoluer leurs tests qualitatifs en tests quantitatifs.

De nombreuses bactéries sont également commen- sales des voies respiratoires et ne sont considérées comme pathogènes qu’à partir d’un seuil exprimé en nombre de colonies poussant sur milieu de culture en boîte de Petri. Un test positif devra donc être considéré avec précaution pour attribuer la causa- lité de l’agent détecté à la pathologie observée, et seuls les tests quantitatifs permettent d’en apprécier le caractère pathogène. De plus, aucun des tests actuellement disponibles ne permet de détecter les gènes de résistance aux antibiotiques. Ils pourront être associés à l’utilisation de tests antigéniques urinaires pour la détection de L. pneumophila et de S. pneumoniae.

Enfin, l’utilisation de ces tests multiplex ne doit pas faire oublier la recherche d’autres agents patho- gènes qui ne sont pas inclus dans ces tests, comme Mycobacterium tuberculosis dans les atteintes pulmonaires, les virus de la famille des Herpesviridae (Herpes simplex virus, cytomégalovirus et virus de l’herpès de type 6), les parasites et champignons chez les patients immunodéprimés, ou encore certaines bactéries impliquées dans les pneumo- pathies nosocomiales.

Validation analytique

Les performances analytiques de ces tests sont globalement difficiles à évaluer et à accréditer selon la norme ISO 15189 pour chaque laboratoire utili- sateur. De nombreuses évaluations en comparaison de techniques conventionnelles non moléculaires (culture et détection d’antigènes) ou de technique de PCR “maison” ont été publiées. Quelques études comparant ces trousses entre elles montrent globale- ment des performances similaires (7-9). Les contrôles moléculaires de qualité externe ne sont disponibles que pour certains pathogènes. De plus, les contrôles commercialisés sont monoparamétriques et aucun ne permet la validation de la détection simultanée de plusieurs cibles (8). Il est également difficile de déterminer la limite de détection pour chacun des pathogènes (9-11), d’autant que celle-ci peut varier dans un contexte de co-infection, et que la dose infectieuse minimale n’a souvent pas été déterminée.

Coût et mode de remboursement en France

Se pose le problème de l’organisation de la réali- sation de ces tests qui implique plusieurs disci- plines biologiques fréquemment séparées dans nos hôpitaux et surtout le mode de rembourse- ment en France de ces tests ; ils sont actuellement facturés en B hors nomenclature et souvent de façon différente en fonction des laboratoires. Tous ces tests multiplex sont relativement chers, même si on rapporte le coût au nombre de pathogènes détectés et si on compare à la juxtaposition des réactifs nécessaires aux techniques “classiques”

qu’ils peuvent remplacer (12). Une clarification de la cotation est indispensable. Les études médico- économiques en cours pour évaluer la place de ces tests dans la prise en charge globale des patients aideront à clarifier leur cotation.

Place de ces tests dans la prise en charge des infections respiratoires

Les tests moléculaires multiplex restent à ce jour des examens biologiques relativement coûteux, à la charge des laboratoires, et sont le plus souvent réservés à la prise en charge des infections graves. De nombreux laboratoires réservent ainsi le test FilmArray® pour les

(7)

MISE AU POINT

demandes urgentes de soirée et de week-end, et pour les diagnostics d’infections sévères à type de détresse respiratoire aiguë. D’autres tests plus flexibles sont utilisés en fonction de l’épidémiologie : ils permettent de ne détecter dans une première intention que les rhinovirus/entéro virus en période estivale, et les virus grippaux et VRS/hMPV en période hivernale, avec la possibilité d’effectuer les autres tests sur le même prélèvement extrait si ces premiers tests de dépistage sont négatifs. Chaque laboratoire élabore des stra- tégies en collaboration avec ses services cliniques et en fonction de son organisation et de la technologie avec laquelle il peut s’équiper.

L’utilisation plus large de ces tests multiplex dans le cadre d’études épidémiologiques a montré la fréquence des infections virales (avec une responsa- bilité variable des différents virus) dans les pathologies respiratoires, y compris les pneumopathies aiguës, ainsi que la fréquence des co-infections virus-virus et des co- infections virus-bactéries (2, 7, 13). Il n’est pas rare de détecter au moins 2 agents infectieux diffé- rents dans un même prélèvement (9, 13, 14). L’uti- lisation de plus en plus large de ces tests permettra ainsi de mieux connaître l’épidémiologie de tous ces pathogènes respiratoires (15, 16). Elle apportera égale- ment des données supplémentaires pour le pronostic de certaines infections, les co-infections représentant certainement un facteur de gravité comme cela a déjà été évoqué pour les bronchiolites associant le VRS à un second virus (17). Des études récentes ont montré notamment que l’étiologie la plus fréquemment retrouvée dans les pneumopathies de l’enfant et de l’adulte nécessitant une hospitalisation aux États-Unis était le rhinovirus (18, 19). Cette famille très large, généralement associée à des infections bénignes, est divisée en 3 espèces et présente une grande diversité.

Les rôles pathogènes respectifs doivent encore être précisés. Leur recherche est donc intéressante et leur mise en évidence mérite d’être considérée.

Des études sont en cours pour démontrer leur place d’aide diagnostique à la thérapeutique, ou

“theranostic”, dans la prise en charge des patients, notamment en adaptant le type d’antibiotique si une bactérie atypique est retrouvée et en évitant l’utilisation systématique d’antibiotiques en cas de détection de virus par le test multiplex (associé à des tests antigéniques urinaires pour éliminer une infection à L. pneumophila de type 1 et pneumo- coque dans une moindre mesure) [1]. Des études nord-américaines ont ainsi montré leur intérêt dans la réduction de la prescription d’antibiotiques dans les pneumonies de l’enfant, les neutropénies fébriles, la mucoviscidose et les bronchopneumo-

pathies chroniques obstructives, dans la préven- tion des infections nosocomiales dans les unités de néonatalogie et d’immunodéprimés (20). Une étude américaine récente montre aussi que l’implémen- tation d’un test multiplex respiratoire a permis de réduire le délai de rendu des résultats, d’obtenir un résultat lorsque le patient est encore aux urgences, de réduire la durée de l’anti biothérapie, surtout si le résultat du test était obtenu dans les 4 heures, et de réduire la durée de séjour et d’isolement du patient si le test était positif (21). Peu d’études ont été réalisées à ce jour en France. Un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) national (OptiPAC) débutera cette année pour évaluer la place de ce type de test multiplex dans la prise en charge globale des pneumopathies de l’enfant, en termes notamment d’optimisation du traitement antibiotique et antiviral, et de réduction de la durée d’hospitalisation, cette pathologie étant fréquem- ment d’étiologie virale (13, 22).

Conclusion et perspectives

L’utilisation de plus en plus large des tests multiplex a montré leur intérêt dans la détection des patho- gènes respiratoires, souvent en association, hors des périodes épidémiques habituelles ou encore dans des situations cliniques où certains pathogènes n’étaient pas soupçonnés en première intention. La simplifica- tion technique de ces tests est en faveur de leur usage dans les laboratoires d’urgence en tant que test de type

“Point-of-Care”, en relation étroite avec les unités de soins, afin d’avoir un effet directement sur la prise en charge du patient. L’approche syndromique respiratoire est séduisante, en regroupant dans un même test la détection des agents impliqués dans la pathologie, et elle s’élargit par la commercialisation de tests pour détecter les pathogènes impliqués dans le sepsis, les gastro- entérites ou encore les infections du système nerveux central à type de méningite et méningo- encéphalite. Ces tests améliorent la compréhension de l’épidémiologie de tous ces agents pathogènes et leurs interactions dans une même pathologie. Leur utilisation est encore très variable en France d’un centre à l’autre en fonction des stratégies diagnostiques et des choix économiques de chaque centre. L’impact médicoéconomique doit encore être consolidé dans nos pratiques pour justifier la place de ces tests multiplex respiratoires dans la prise en charge des patients, en termes de réduction de la durée d’hospitalisation, de prescription d’antibiotiques et d’examens biologiques

et radiologiques. ■

S. Pillet déclare avoir des liens d’intérêts avec Abbott, bioMérieux et Eurogentec (prise en charge pour des congrès).

J. Le Goff déclare avoir des liens d’intérêts avec Abbott et bioMérieux (prise en charge pour des congrès).

Références bibliographiques

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