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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Problèmes expérimentaux en sciences de la vie – Analyse de dynamiques et de quelques contraintes

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Academic year: 2021

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P

ROBLÈMES EXPÉRIMENTAUX EN SCIENCES DE LA VIE

:

A

NALYSE DE DYNAMISMES ET DE QUELQUES CONTRAINTES

Maryline Coquidé

J’ai retenu dans ce séminaire, une perspective dynamique pour aborder les problèmes expérimentaux en sciences de la vie, c’est-à-dire que j’ai examiné, principalement, les multiples mises en tension, les évolutions et les modifications qui interviennent dans toute investigation expérimentale.

J’ai tenté par ailleurs, une approche typologique des problèmes, en considérant, sous le terme de « problèmes expérimentaux », les problèmes scientifiques qui nécessitent une investigation expérimentale, mais aussi les difficultés et les contraintes relatives à l'expérimentation du vivant.

Le cadre, essentiellement épistémologique, de ces analyses, pourrait contribuer à une analyse didactique, afin d’aider à penser les problèmes expérimentaux scolaires.

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1. PROBLÈME SCIENTIFIQUE ET INVESTIGATION EXPÉRIMENTALE 1.1. Toute investigation du vivant n’est pas expérimentale

Nous pouvons en premier lieu, rappeler plusieurs considérations concernant l’investigation expérimentale du vivant.

Tout d’abord, tout problème scientifique de la connaissance du vivant ne fait pas nécessairement intervenir une investigation expérimentale. Les différentes approches naturalistes, analytiques, systémiques et historiques se complètent et les différentes branches de la biologie développent des méthodologies différentes, chacune ajustée à un niveau d’organisation du vivant. Ainsi, l’investigation expérimentale, qui se caractérise par une approche analytique, est plus utilisée en génétique, en physiologie et en biologie générale, tandis que l’écologie a plus souvent recours a une approche systémique. L’agronome Jean-Marie Legay, dans son analyse des méthodes menée dans « L’expérience et le modèle » (1997), estime, par ailleurs, indispensable pour les recherches biologiques actuelles, de dépasser le paradigme bernardien de sciences expérimentales qui examine de strictes relations causales linéaires et des interventions du type « supprimons la cause pour constater la suppression d’effet ». Dans les investigations biologiques actuelles, en effet, les « expériences » se présentent comme un recueil de données dans un but précis, et dans lesquelles interagissent fortement enquête, observation, expérimentation et modélisation, il apparaît donc nécessaire de les considérer dans un sens élargi.

Enfin, un travail de laboratoire ne peut se restreindre à des phases de validation : moments d’exploration et moments de validation s’articulent, et toute expérimentation nécessite des moments empiriques, parfois très longs, comme nous le reprendrons plus loin.

1.2. Dynamismes de la problématisation et de la résolution de problème

Christian Orange (2000) vient de discuter de l’importance de la problématisation en sciences, qu’il présente comme une « mise en tension entre un registre empirique et un registre des modèles ». Importance également des interactions et des dynamismes de ces interactions,

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pourrions-nous compléter, pour alimenter la discussion. La construction du problème, en effet, connaît des transformations, une nécessité de mise en interaction avec un registre empirique, et une évolution. Le problème n’apparaît-il pas vraiment clair que quand il est résolu ?

1.3. Importance de la matérialité

Il m’apparaît en fait, difficile de considérer les problèmes en sciences expérimentales de manière uniquement formelle. Contrairement aux mathématiques, les problèmes des sciences expérimentales ne peuvent se réduire à des questions de logique et nécessitent la confrontation à de la matérialité. Ainsi, l’ouvrage, dirigé par Clarke et Fujimura (1996), présente, à travers plusieurs études de cas, l’importance de cette matérialité dans les sciences de la vie, et conduit à l’analyse de la construction en synergie d'une problématique, d’une théorie, des tâches et des outils.

Le vivant ne se laissant ni conceptualiser, ni manipuler facilement, nous avons estimé cette « résistance du réel » comme constante dans tout problème expérimental (Coquidé, Bourgeois-Victor, Desbeaux-Salviat, 1999). Nous avons analysé la résistance provenant de l’objet biologique lui-même, celle concernant l’instrumentation, et, en reprenant le schéma de modélisation de Martinand (1994), la résistance liée à la sollicitation d’un référent empirique et celle relative au développement de la matrice cognitive.

2. PROBLÈMES, CONTRAINTES ET DIFFICULTÉS RELATIVES À L’EXPÉRIMENTATION DU VIVANT

L’investigation du vivant nécessite en effet, une mise en interaction entre un système matériel et un système intellectuel, ce qui est à l’origine de plusieurs problèmes, contraintes et difficultés. Les uns peuvent être considérés comme « généraux » à toute science expérimentale : on peut rappeler ici, les analyses relatives à la physique, et concernant l’importance de la standardisation et de la stabilisation des éléments d'une situation expérimentale (voir Hacking d’un point de vue épistémologique, et Licoppe d’un point de vue historique). D’autres semblent plus spécifiques aux sciences de la vie.

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2.1. Problème scientifique et obstacle

Il est nécessaire tout d’abord, de considérer les relations entre problème scientifique et obstacle épistémologique. Bachelard reconnaît dans la construction et la résolution de problèmes, les caractéristiques d’une démarche scientifique. Il envisage comme problème scientifique, les problèmes explicatifs qui nécessitent le dépassement d’un obstacle. Il est donc important de retenir dans ce cadre théorique, la relation essentielle que Bachelard envisage entre problème et obstacle.

Dans une investigation du vivant, les problèmes peuvent être multiples. En outre, de nombreux biologistes, de Claude Bernard à Hopkins, mettent en avant la capacité du vivant à « créer de l’inattendu » et ils soulignent la nécessité d’être particulièrement attentif à l’imprévisible dans les investigations. Mais comment, face à un résultat expérimental inattendu, pouvoir séparer ce qui relève d’un simple artefact ou ce qui peut conduire à revoir le cadre théorique ? Pasteur observa par exemple, dans le cadre de ses investigations relatives aux fermentations butyriques, que les bactéries en périphérie de la préparation microscopique devenaient immobiles (Balibar et Prévost, 1995). Ce résultat inattendu le conduisit à envisager que l’oxygène, dans certaines conditions, pût être toxique. Cette hypothèse était en totale contradiction avec les savoirs scientifiques, l’oxygène étant considéré jusqu’alors comme uniquement vital et indispensable au vivant. Pour pouvoir penser l’oxygène comme toxique, il fut nécessaire de dépasser les connaissances de l’époque, qui fonctionnaient comme un obstacle à la construction d’un nouveau problème scientifique et à la compréhension du phénomène.

2.2. Des problèmes qui ne sont pas toujours explicatifs

La résolution d’un problème spéculatif doit conduire à des explications ou à des modélisations. Par exemple, « d'où vient le carbone des molécules élaborées lors de la photosynthèse ? », ou bien « comment la température d'un animal est-elle régulée ? » Mais, rappelons qu’il y a aussi des investigations expérimentales du vivant sans réel problème explicatif, et avec essentiellement un projet de description. On peut considérer cette description comme une étape nécessaire, pour pouvoir envisager des projets ultérieurs d’explication (par exemple pour le projet

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« génome humain », qui vient de se terminer, et qui se présente comme un immense projet de technologie appliquée).

2.3. Des défis théoriques, éthiques et pratiques

De plus, comme le souligne Georges Canguilhem (1965), l’investigation du vivant nécessite de relever de multiples obstacles théoriques, éthiques et pratiques, ce qui conduit le biologiste à concevoir, à inventer ou à adapter l’instrumentation, à mettre au point un protocole, à prendre en compte des questions éthiques et sécuritaires.

On peut évoquer ici la nécessité de choisir un modèle d’étude, celle de maintenir la « vitalité » (par exemple dans la culture in vitro), celle d’éviter la souffrance animale. On peut rappeler aussi des techniques typiquement biologiques comme les greffes, le recours aux poisons, utilisés comme véritables « scalpels chimiques », ou bien encore l’adaptation ou la conception d’une instrumentation spécifique (par exemple, l’adaptation de microrespiromètres pour l’étude du métabolisme, la conception de micromanipulateurs pour l’embryologie expérimentale). Soulignons que de nombreux problèmes pratiques sont donc en interaction avec des problèmes épistémologiques et éthiques. Par ailleurs, l’investigation expérimentale est à l’origine de nombreux problèmes pragmatiques. Si toute expérience mobilise un ensemble de routines, elle soulève aussi un ensemble de difficultés empiriques. Voici, à titre d’exemple, quelques difficultés rencontrées par des élèves de première S, lors d’investigations sur le métabolisme des ectothermes et celui des chlorelles.

Expérimentation sur les ectothermes

 Comment changer la température ?

 Comment mesurer le volume d’air d’une boîte de forme complexe ?  Comment peser un poisson rouge ?

 Comment évaluer les échanges respiratoires du poisson ?

 Comment évaluer la quantité de nourriture consommée par les phasmes ou par les vers de farine ?

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Expérimentation sur les algues

 Comment éclairer sans chauffer ?

 Comment agiter la suspension d’algues sans faire trembler la sonde oxymétrique ?

 Comment injecter des substances dans le milieu de culture sans perturber l’enregistrement ?

Pour une expérimentation biologique véritable, il est nécessaire d’intervenir, mais en tentant de ne pas altérer. L’expérimentateur doit contrôler et analyser, mais sans être toujours capable de bien séparer des facteurs. L’instrumentation et la mesure sont indispensables, mais les phénomènes biologiques ne sont pas toujours facilement quantifiables. Il est nécessaire également de rendre visibles ou lisibles les phénomènes, les inscriptions graphiques provenant de la technique permettant d’ailleurs des comparaisons multiples.

3. POUR DÉBATTRE

J’ai souhaité dans ce court exposé, mettre l’accent sur la nécessité, dans toute investigation expérimentale, de la construction d’un problème à sa résolution, d’être attentif au processus, de distinguer des évolutions et différents moments.

D’un point de vue didactique, on constate que, sans doute pour des raisons de contraintes de temps, les travaux pratiques scolaires non seulement prennent peu en compte ces dynamismes, mais proposent le plus souvent un réel très aménagé, tendent à gommer toute difficulté empirique, et n’abordent que très rarement les questions éthiques.

Si on considère que les pratiques scientifiques peuvent servir de cadre de référence aux pratiques scolaires, comment peut-on envisager une réelle transposition des pratiques d’investigation ? Ce sont les enjeux d’une éducation scientifique, avec la contribution des activités expérimentales à une formation épistémologique, et dans la construction d’un rapport expérimental au vivant (Coquidé, 2000), qui seraient également à débattre. Comment sont abordés les interdits relatifs à l’expérimentation du vivant dans l’enseignement ? Quelles seraient les caractéristiques et les fonctions didactiques des différents problèmes, scientifiques,

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pragmatiques et empiriques ? Quelles seraient les contraintes et les limites ? Quels seraient les enjeux didactiques ? Conviendrait-il de les laisser gérer par les élèves ou non (Coquidé, Bourgeois-Victor et Desbeaux-Salviat, 1999) ? Comment aider l’enseignant à considérer une « échelle des problèmes » et une hiérarchisation ?

RÉFÉRENCES ET ÉLÉMENTS DE BIBLIOGRAPHIE

BALIBAR, F. & PREVOST, M.-L. (coord.) (1995). Pasteur Cahiers

d’un savant. Paris : CNRS éditions.

CANGUILHEM, G. (1965). La connaissance de la vie. Paris : Vrin (2e éd. 1980).

CLARKE, A. & FUJIMURA, J. (dir.) (1996). La matérialité des

sciences. Savoir-faire et instruments dans les sciences de la vie.

Paris : Synthélabo.

COQUIDÉ, M. (2000). Le rapport expérimental au vivant. Mémoire d'HDR. Université d'Orsay Paris-sud.

COQUIDÉ, M. (1999). Pratiques expérimentales et perspectives curriculaires en biologie. Actes des premières rencontres

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COQUIDÉ, M., BOURGEOIS-VICTOR, P., DESBEAUX-SALVIAT, B. (1999). "Résistance du réel" dans les pratiques expérimentales.

Aster, 28, 57-78.

DEBRU, C. (1998). Philosophie de l'inconnu : le vivant et la recherche. Paris : PUF.

GINGRAS, Y., & GODIN, B. (1997). Expérimentation, instrumentation et argumentation. Didaskalia, 11, 151-162.

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LATOUR, B., WOOLGAR, S. (1979). La vie de laboratoire, la

production des faits scientifiques. Paris : La Découverte (traduction

1988).

LEGAY, J.-M. (1997). L'expérience et le modèle. Un discours sur la

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LICOPPE, C. (1996). La formation de la pratique scientifique. L e

discours de l'expérience en France et en Angleterre (1630-1820).

Paris : La Découverte.

MARTINAND, J.-L. (1994). Nouveaux regards sur l’enseignement et

l’apprentissage de la modélisation en sciences. Paris : INRP.

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SÉRÉ, M.-G. (coord.) (1998). Labwork in Science education. Final Report. Commission européenne.

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Références

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