• Aucun résultat trouvé

Le rôle de la technologie dans la construction des représentations et des pratiques de la relation client : le cas des progiciels CRM

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Le rôle de la technologie dans la construction des représentations et des pratiques de la relation client : le cas des progiciels CRM"

Copied!
390
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: tel-01127130

https://pastel.archives-ouvertes.fr/tel-01127130

Submitted on 7 Mar 2015

HAL is a multi-disciplinary open access

archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Le rôle de la technologie dans la construction des

représentations et des pratiques de la relation client : le

cas des progiciels CRM

Bénédicte Grall

To cite this version:

Bénédicte Grall. Le rôle de la technologie dans la construction des représentations et des pratiques de la relation client : le cas des progiciels CRM. Gestion et management. HEC, 2014. Français. �NNT : 2014EHEC0011�. �tel-01127130�

(2)

     

ECOLE DES HAUTES ETUDES COMMERCIALES DE PARIS

Ecole Doctorale « Sciences du Management/GODI » - ED 533

Gestion Organisation Décision Information

« Le rôle de la technologie dans la construction des

représentations et des pratiques de la relation client : le cas des

progiciels CRM »

THESE  présentée et soutenue publiquement le 10 novembre 2014  en vue de l’obtention du 

DOCTORAT EN SCIENCES DE GESTION 

Par   

Bénédicte DOAN-GRALL

 

JURY 

Président du Jury :      Monsieur Jérôme MERIC

Professeur des Universités, 

        Institut d’Administration des Entreprises, Poitiers – France 

 

Directeur de Recherche :    Madame Eve CHIAPELLO

Directrice d’Etudes, 

        Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris – France 

 

Rapporteurs :       Monsieur Nicolas BERLAND

Professeur  des Universités,  

Université Paris Dauphine, Paris – France   

Monsieur Patrick GILBERT

Professeur des Universités,  

        Institut d’Administration des Entreprises, Paris – France

       

Suffragants :       Madame Claire DAMBRIN

Professeur Associé, HDR  ESCP Europe, Paris – France   

Madame Hélène LÖNING

(3)

                 

(4)

             

Ecole des Hautes Etudes Commerciales

   

 

 

 

   

Le Groupe HEC Paris n’entend donner aucune approbation ni improbation aux

opinions émises dans les thèses ; ces opinions doivent être considérées

comme propres à leurs auteurs.

             

(5)
(6)

                                                    A Baptiste, Valentine et Paul, mes enfants,  A Pierre-Olivier, mon mari,  A Nicole, ma mère,  A la mémoire de mon père.             

(7)
(8)

 

Remerciements 

   

Alors que ce travail de thèse s’achève, je voudrais remercier sincèrement et chaleureusement  toutes  les  personnes  qui  m’ont  soutenue,  d’une  façon  ou  d’une  autre,  tout  au  long  de  ce  parcours passionnant mais parfois aussi un peu tumultueux et très exigeant… 

 

Parce que sans elle, cette thèse ne serait pas (et ce n’est pas une simple formule), je voudrais  tout  d’abord  adresser  mes  immenses remerciements à ma directrice de thèse,  Eve Chiapello.  Elle m’a non seulement donné l’envie d’entamer ce doctorat mais elle m’a aussi guidée sur ce  long chemin de transition professionnelle. Merci Eve, pour ton soutien sans faille, la liberté et  l’autonomie  que  tu  m’as  consenties,  tes  relectures  minutieuses  et  surtout  pour  nos  échanges  toujours stimulants qui m’ont permis de me dépasser. 

 

Je  voudrais  également  remercier  Hélène  Löning  pour  m’avoir  donné  l’occasion  d’enseigner  avant  que  je  n’intègre  le  programme  doctoral  d’HEC.  Le  plaisir  éprouvé  lors  des  premiers  cours donnés a été un élément décisif dans ma décision de reconversion professionnelle.   

Je remercie aussi  l’ensemble des professeurs en charge du programme du Master  Recherche  de l’IAE de Paris pour avoir su développer mon intérêt pour la recherche. Je tiens à remercier  tout particulièrement Patrick Gilbert et Géraldine Schmidt. 

 

Je souhaite adresser mes sincères remerciements aux membres de mon jury : Nicolas Berland,  Patrick Gilbert, Claire Dambrin, Hélène Löning et Jérôme Méric. Je les remercie par avance  pour  le temps qu’ils consacreront à  la  lecture  de  mes travaux (que  j’espère denses  mais pas  indigestes)  et  pour  l’ensemble  de  leurs  critiques  et  suggestions  qui  seront  sans  aucun  doute  une  aide  précieuse  pour  l’avenir.  Je  voudrais  ajouter  des  remerciements  tout  particuliers  à  Nicolas Berland et Hélène Löning pour les commentaires réalisés lors de ma pré-soutenance.  Ils ont indéniablement contribué à l’amélioration de ce manuscrit. 

 

Pour  leurs  commentaires  aux  différents  stades  de  mes  travaux  et  nos  échanges  toujours  constructifs au cours de ces cinq dernières années, je remercie très sincèrement les différents  professeurs  du  département  « Accounting  &  Management  Control »  d’HEC,  et  notamment  Diane-Laure  Arjaliès,  Sebastian  Becker,  Hélène  Löning,  Véronique  Malleret,  Daniel  Martinez,  Afshin  Mehrpouya,  Martin  Messner,  Carlos  Ramirez.  Je  tiens  à  remercier  tout  spécialement Claire Dambrin et Caroline Lambert pour leur soutien sans faille, leurs conseils  avisés et nos nombreux échanges particulièrement précieux. 

 

Bien  sûr  ce  parcours  doctoral  n’aurait  pas  eu  la  même  saveur  sans  les  doctorants  qu’il  m’a  donné  l’occasion  de  rencontrer :  ceux  d’HEC  mais  aussi  ceux  rencontrés  lors  de  cours,  de  séminaires, de conférences, de groupes de réflexion comme l’AMO. Je pense en particulier à  mes  co-doctorants  du  département  « Accounting  &  Management  Control » :  Luis  Cuenca,  Claire  Garnier,  Delphine  Gibassier  et  Liivar  Leppik.  Merci  Delphine,  pour  ton  énergie,  ta  volonté et ton enthousiasme, qui m’ont toujours impressionnée mais aussi pour ton soutien et  tes encouragements.  Luis,  tu resteras définitivement,  l’une des  belles rencontres de ces cinq  dernières  années.  Claire,  tu  as  été  la  co-doctorante  que  tout  le  monde  rêve  d’avoir  et  ton  amitié  est  l’une des  plus  belles  surprises de ce doctorat. Je pense également à Céline Baud,  Nathalie Lallemand-Stempak, Isabel Pedraza et Tiphaine Jérome qui nous ont montré la voie, 

(9)

Flachère,  Fabien  Gélédan,  Fabien  Hildewein,  Laetitia  Legalais,  Marion  Ligonie,  Lucrèce  Mattei, Lucie Noury, Sébastien Stenger, Thomas Roulet, Frédéric Gracias, et j’en oublie…   

Je  voudrais  adresser  ma  très  grande  reconnaissance  à  la  société  qui  sous  le  nom  de  code  « Alpha » m’a permis de réaliser cette recherche. Je tiens à remercier en particulier Pascal et  Arnaud  pour  m’avoir  accordé  leur  confiance  et  ouvert  grand  les  portes  d’Alpha.  Je  suis  également très reconnaissante à toutes les personnes rencontrées pour le temps qu’elles m’ont  consacré et l’enthousiasme qu’elles y ont mis. 

 

Je remercie bien évidemment HEC Paris pour  m’avoir permis de réaliser cette thèse dans de  bonnes conditions. Je voudrais remercier particulièrement toute l’équipe du doctorat, l’équipe  de  la  bibliothèque,  et  notamment  Lydie  Tournaire,  mais  aussi  Jocelyne  Jegouzo,  Laurence  Thevenoux et Delphine Vilain du département « Accounting  &  Management Control » pour  leur gentillesse et leur soutien logistique. Je tiens également à remercier  la fondation d’HEC  pour la bourse d’étude octroyée. 

 

Enfin,  je  voudrais  remercier  ma  famille  et  mes  amis,  qui  au  travers  des  bons  moments  partagés,  ont  contribué  indirectement  à  cette  thèse  en  m’apportant  des  moments  de  respiration, ô combien importants. 

 

Je  terminerai  par  les  personnes  qui  me  sont  les  plus  chères,  Pierre-Olivier,  mon  mari  et  Baptiste, Valentine, et Paul, mes enfants. « Mes loulous », vous avez été à la fois mon moteur,  ma  source  d’équilibre  et  d’apaisement.  Pierre-O,  les  mots  me  manquent…  Mais  merci  pour  ton soutien inconditionnel lors de cette aventure incroyable…. 

   

(10)

SOMMAIRE   Liste des acronymes ... 11 INTRODUCTION ... 13 La littérature dédiée aux projets CRM et ses limites ... 18  Un positionnement ancré dans les approches « institutionnalistes » et « interactionnelles »  des outils de gestion ... 23  Les deux « états » de l’outil étudiés ... 25  Choix théoriques ... 26  Plan et sous- questions de recherche ... 32 

PREMIERE  PARTIE :  L’ETUDE  DES  PROGICIELS  CRM  SOUS  une  FORME  CIRCULANTE ... 38

1 CHAPITRE  1 :  Un  éclairage  théorique  au  travers  des  théories  néo-institutionnalistes et outils de gestion ... 41 1.1  Les concepts fondamentaux des théories néo-institutionnalistes : champ, institution,  isomorphisme ... 41  1.2  L’intégration de nouveaux concepts pour prendre en compte le rôle des acteurs et  rendre compte de l’hétérogénéité : traduction/édition,  isonymisme/isomorphisme/isopraxisme et logiques institutionnelles ... 45  1.3  Les outils de gestion et les théories néo-institutionnalistes ... 50 

2 CHAPITRE  2 :  Un  éclairage  empirique  au  travers  de  l’analyse  historique  d’une  revue professionnelle ... 77

2.1  La méthode de recherche : une approche qualitative longitudinale fondée sur  l’analyse d’Action Commerciale, le magazine des dirigeants commerciaux de France ... 77 

2.2  Les principaux résultats ... 83 

2.3  Conclusion ... 129 

DEUXIEME  PARTIE :  L’ETUDE  D’UN  PROGICIEL  CRM  SOUS  UNE  FORME  INSCRITE ET SITUEE ... 134

(11)

3.1  L’ANT et les outils de gestion ... 136 

3.2  L’étude des CRM et ERP dans les approches interactionnelles ... 166 

3.3  La méthode de recherche ... 182 

4 Chapitre  4 :  Les  caractéristiques  du  processus  de  traduction  qui  accompagne  le  processus d’adoption d’un progiciel CRM : le cas du projet Cont@ct ... 206 4.1  L’histoire de la mise en œuvre de Cont@ct et de ses évolutions au cours du temps ....     ... 206  4.2  La création d’une asymétrie et le poids du progiciel... 217  4.3  L’adoption de Cont@ct est passée par un changement d’approche ... 228  4.4  La « sous-utilisation » de Cont@ct et l’étiolement du processus de traduction ... 235  4.5  Conclusion ... 248  5 CHAPITRE 5 : Dans quelle mesure la mise en place d’un progiciel CRM modifie-t-elle les pratiques des acteurs au sein de l’entreprise ? ... 251 5.1  Le rôle attribué à Cont@ct ... 252  5.2  L’évolution de l’utilisation de Cont@ct au cours du temps ... 259  5.3  Les transformations des pratiques concomitantes à la mise en œuvre de Cont@ct . 281  5.4  Conclusion ... 298  CONCLUSION GENERALE ... 303 Enjeux et principaux résultats ... 303  Les contributions principales de notre thèse ... 307  Limites et perspectives de recherche ... 316  BIBLIOGRAPHIE ... 320 ANNEXES ... 327 Index des schémas et tableaux ... 381  

 

(12)

Liste des acronymes 

ABC : Activity Based Costing  ANT : Actor Network Theory  ASSCO : Assistante Commerciale  ATC : Attachés commerciaux  CA : Chiffre d’affaires  CAD : Commerciaux à Distance  CC : Conseiller Clientèle  CDV : Chef des Ventes  COPIL : Comité de Pilotage  COPRO : Comité Projet  CRC : Centre de la relation Client  CRM : Customer Relationship Management  CSC : Chargé de la Satisfaction Client  DB : Directeur de Bassin  DC : Direction Commerciale  DCF : Association des Dirigeants Commerciaux de France  DG : Directeur Général  DR : Directeur Régional  DSI : Direction des Systèmes d’Information  DVGCN : Directeur des Ventes Grands Comptes Nationaux  EMA : Enterprise Marketing Automation  ERP : Enterprise Resource Planning  FSI : Fiche de Signalement d’Incidents  GRC : Gestion de la Relation Client  KMS : Knowledge Management System  KPI : Key Performance Indicators  MOA : Maitrise d’Ouvrage  MOE : Maitrise d’œuvre  NTIC : Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication  PAC : Plan d’Actions Commerciales  PME : Petites et Moyennes Entreprises 

(13)

RDV : Rendez-Vous  RGCN : Responsable Grands Comptes Nationaux  RGCR : Responsable Grands Comptes Régionaux  RSE : Responsabilité Sociale et Environnementale  SCM : Supply Chain Management  SFA : Sales Force Automation  SI : Système d’Information  SRC : Semaine de la Relation Client   TPE : Très Petites Entreprises  TQM : Total Quality Management      

(14)

INTRODUCTION 

«-C’était juste incroyable, la société, elle faisait +100, +110% mais tous les trimestres. +100% à l’année, ça paraît déjà fou, mais c’était tous les trimestres…Quarter, sur quarter +100, +110%, c’était incroyable, ils surfaient sur la tendance du CRM [Customer Relationship Management], qui était, il fallait faire du CRM sinon on était mort…

[....] 

- un projet CRM, c’est un projet qui vise à avoir une meilleure connaissance du client et à fournir une vision transverse du client, une cohérence transverse à l’ensemble des processus. On gère la relation client sur tout le cycle de vie.  

[….]

-Pour les commerciaux, c’est un vrai changement aussi, ils ont l’impression d’être… euh… fliqués -Le flicage, vous l’avez souvent constaté ?

-Ah, oui, oui, sur la partie commerciale, oui. Après, ça dépend un peu des populations commerciales, ça dépend un peu du discours mais il y a souvent un vrai changement dans ce domaine. Quelqu’un qui est obligé, enfin…Un commercial qui, du jour au lendemain, va devoir rentrer toutes les activités qu’il a avec ses clients, faire des rapports d’activité, des comptes-rendus de visite qu’il va rentrer dans l’outil, et qui va devoir planifier ses RDV dans l’outil. […]. C’est plus tout à fait le même métier »  (propos recueillis auprès d’un ancien  cadre de Siebel France1, en novembre 2010) 

 

Nous avons  fait  le choix d’introduire  notre  thèse  en citant ces trois  extraits d’entretien pour  souligner  la  multiplicité  et  la  complexité  des  interactions  qui  peuvent  exister  entre  la  technologie,  la société,  les organisations  et  les  individus.  Selon ces  extraits,  ces  interactions  peuvent  intervenir  à  différents  niveaux  et  leurs  conséquences  ne  sont  pas  toujours  celles  attendues.  Par  exemple,  dans  le  cas  mentionné  des  progiciels  CRM,  ces  extraits  mettent  en  évidence que ces derniers semblent avoir une influence à un niveau « macro » celui du monde  économique (cf extrait 1« il fallait faire du CRM sinon, on était mort »), à un niveau « meso »,  celui  des  organisations  (cf extrait  2)  et  enfin  à  un  niveau  « micro »,  celui  de  l’individu  (cf. extrait 3). De plus, ils soulignent aussi qu’au-delà du rôle attendu (amélioration de la gestion  de la relation client grâce à « une meilleure connaissance client », « une vision transverse du

      

1

(15)

client »,  et  « une gestion de la relation client sur tout le cycle de vie »),  ces  progiciels  sont  susceptibles  d’interagir  de  façon  multiple  et  variée  avec  leur  environnement.  Selon  notre  interlocuteur,  ils  peuvent  induire  chez  les  commerciaux  un   sentiment  de  flicage  (« ils ont l’impression d’être… euh…fliqués »),  un  changement  de  métier  (« c’est plus tout à fait le même métier ») et sont considérés d’une manière générale par les praticiens comme des outils  indispensables pour une gestion performante de l’entreprise (« ils surfaient sur la tendance du CRM, qui était, il fallait faire du CRM sinon on était mort »). 

 

L’étude  du  rôle  de  la  technologie,  définie  comme  l’ensemble  des  outils  et  matériels  utilisés  dans un domaine donné, au travers de l’analyse des interactions qui peuvent exister entre une  technologie particulière, la société, les organisations et les individus constitue l’enjeu de cette  thèse.  Comme  le  mettent  en  évidence  quelques  chercheurs,  la  technologie  est  l’objet  d’un  paradoxe :  elle  est  omniprésente  dans  notre  société  mais  relativement  négligée  par  la  recherche sur les organisations (Baxter et Chua 2003 ; Chiapello et Gilbert 2013 ; Rafaeli et  Pratt  2013),  son  rôle  est  encore  peu  étudié  ou  de  façon  partielle.  La  grande  majorité  des  recherches  ont  souvent  vis-à-vis  de  la  technologie  une  approche  fonctionnaliste,  c’est-à-dire  qu’elles considèrent qu’elle remplit fidèlement son rôle, les fonctions qui lui sont attribuées et  par  là-même  ne  mérite  pas  une  attention  particulière.  Nous  considérons  qu’au  vu  de  la  multiplicité  et  de  la  complexité  des  interactions  auxquelles  donnent  lieu  la  technologie,  décrire  et  analyser  ces  dernières  constitue  un  point  d’entrée  fécond  dans  la  quête  de  compréhension du fonctionnement de la société. Nous appliquons ce raisonnement aux outils  de gestion qui peuvent être définis comme  l’ensemble des outils et matériels utilisés dans  le  domaine de  la gestion des entreprises dans  le  but, comme  le  soulignent Chiapello et Gilbert  (2013),  de  coordonner  l’activité  organisationnelle  et  de  contrôler  les  résultats,  et  nous  proposons d’approfondir la compréhension des organisations à partir des outils de gestion.  

 

Dans  notre  thèse,  nous  nous  intéressons  à  des  outils  de  gestion  particuliers  qui  ont  pour  vocation de coordonner et contrôler la gestion de la relation client au sein d’une organisation,  les progiciels  CRM (Customer  Relationship Management). Nous avons  choisi de  mener  une  réflexion sur le rôle de la technologie dans les organisations en nous appuyant sur l’étude de  ces  progiciels  pour  plusieurs  raisons.  La  première  est  d’ordre  personnel.  Nous  avons  été  pendant  trois  ans  le  chef  de  projet  maîtrise  d’ouvrage  d’un  projet  de  mise  en  œuvre  d’un 

(16)

progiciel CRM, ce qui a contribué à développer notre intérêt vis-à-vis de ces outils de gestion.  La  seconde  est  d’ordre  académique.  A  notre  connaissance  les  recherches  consacrées  aux  progiciels CRM, autres que les recherches en marketing et en systèmes d’information (qui se  sont  intéressées  aux  progiciels  CRM  dans  une  approche  plutôt  fonctionnaliste)  sont  rares.  Elles  semblent  même  absentes  de  la  recherche  en  contrôle  de  gestion  alors  même  que  ces  outils,  comme  le  suggère  l’extrait  d’entretien  cité  précédemment,  semblent  modifier  les  pratiques  en  termes  de  contrôle  au  sein  des  entreprises.  Et  enfin  la  troisième  est  d’ordre  économique :  les progiciels CRM connaissent un  vif succès auprès des  entreprises depuis  la  fin des années 1990. 

 

Au début des années 1990, dans un contexte économique jugé toujours plus concurrentiel, se  développe  le  sentiment,  parmi  les  praticiens  et  le  monde  académique,  que  la  gestion  de  la  relation client peut constituer un avantage compétitif. Ainsi, améliorer la gestion de la relation  client devient un des leviers pour accroître la performance financière. La tendance au sein des  entreprises  est  alors  de  remplacer  le  marketing  traditionnel,  centré  sur  la  démarche  des  4P  (Product,  Price,  Place  and  Promotion),  par  un  marketing  relationnel,  fondé  sur  une  connaissance approfondie de chaque client et une approche « one to one » (Damperat 2005).  Les  évolutions  dans  le  domaine  des  technologies  de  l’information,  en  permettant  de  stocker  un nombre considérable de données sur les clients et en mettant à disposition plusieurs canaux  pour  communiquer  avec  eux  (internet,  téléphone,  sms,  e-mail…)  facilitent  la  mise  en  place  d’une telle approche.  

C’est  dans  ce  contexte  qu’apparaissent,  fin  des  années  1990  -  début  des  années  2000,  les  progiciels  CRM  (Customer  Relationship  Management).  Ces  progiciels  peuvent  être  définis  comme  des  sortes  d’ERP  (Enterprise  Resource  Planning),  spécialisés  dans  la  gestion  de  la  relation client. Ils présentent, en effet, de grandes similitudes avec ces derniers tant au niveau  de  la  logique  de  conception,  qui  repose  sur  une  capitalisation  des  processus  les  plus  performants et sur des « best practices », qu’au niveau de leur structure technique, constituée  d’ une  base  de données  unique  et commune,  sur  laquelle peuvent venir se  greffer  différents  modules2.  Les  quatre  modules  principaux  sont :  les  modules  SFA  (Sales  Force  Automation)  pour  la  gestion  personnalisée  de  la  relation  client  par  la  force  de  vente,  les  modules  EMA        

2

(17)

(Enterprise  Marketing  Automation)  pour  l’automatisation  de  la  gestion  des  campagnes  marketing,  les  modules  permettant  la  mise  en  place  des  canaux  de  vente  totalement  automatisés  ou  partiellement  automatisés  (call  centers,  internet…),  et  enfin  les  modules  « CRM  analytique »  pour  une  analyse  et  une  exploitation  des  données  clients  plus  précise.  Ces  modules  peuvent  être  mis  en  oeuvre  de  façon  indépendante  et  sont  d’ailleurs  rarement  implantés en une seule  fois,  essentiellement pour des raisons de coûts et de complexité.  Les  entreprises commencent le plus souvent par le module SFA ou le module EMA. 

 

Dès la fin des années 1990, les entreprises ont investi massivement dans la mise en œuvre de  progiciels  CRM.  Le  marché  des  licences  CRM  en  France  a  explosé  en  2000  avec  une  croissance  cette  année  là  de  73%  atteignant  un  chiffre  d’affaires  d’un  milliard  de  francs  de  licences  CRM  vendues  et  un  marché  global  (conseil,  SSII,  éditeurs…)  de  5,4  milliards  de  francs (Moisand  2001)3. Ce succès ne s’est pas démenti tout au long de la dernière décennie  et selon les prévisions réalisées par IDC France4 en mars 2012, ce marché pourrait connaître  une  croissance  annuelle  moyenne  de  l’ordre  de  +6,7%  sur  l’ensemble  de  la  période  2011-2015,  malgré  le  contexte  économique  dégradé  en  France.  Cet  engouement  des  entreprises  pour  les  progiciels  CRM  est  confirmé  par  les  résultats  de  l’étude  IPSOS  de  20095  sur  les  usages de la gestion de la relation client en France,  menée auprès de 847 entreprises de plus  de 10 salariés, selon laquelle 46% des entreprises françaises se déclarent équipées d’un outil  pour  gérer  leur  relation  client,  dont  la  moitié  d’un  logiciel  standard  du  marché.  Ce  taux  d’équipement passe à 66% pour les entreprises de plus de 100 salariés. 

 

Dix ans après  le début de cet engouement, on peut se demander  quels sont  les changements  induits par cette explosion des progiciels CRM. Plus précisément, étant donné la nature de ces  derniers, il nous a semblé particulièrement pertinent de questionner les changements induits à  la fois dans la façon dont les praticiens envisagent la gestion de la relation client et dont les  équipes  commerciales  la  mettent  en  oeuvre.  Un  progiciel  CRM  contrairement  à  un  logiciel  CRM qui serait développé par une entreprise particulière pour répondre à ses propres besoins        

3

 Moisand, D. (2001)- Le CRM, un engouement contrasté, La revue, n°65 

4

  IDC  France  est  un  acteur  majeur  de  la  Recherche,  du  Conseil  et  de  l’évènementiel  sur  les  marchés  des  technologies de l’information, des télécommunications et des technologies grand public. 

5

  Ipsos  confirme  le  leadership  de  Sage  dans  le  CRM  en  France,  publié  sur  Channel  Business  Partners :  http://www.channelbp.com 

(18)

en  matière  de  gestion  de  la  relation  client,  est  mis  au  point  par  un  éditeur  pour  être  commercialisé auprès du plus grand nombre possible d’entreprises. Lors de la conception de  ce dernier, les équipes d’informaticiens et designers de l’éditeur font des choix pour modéliser  la  relation  client.  Par  exemple,  ils  prennent  des  options  pour  déterminer  quels  sont  les  éléments importants pour qualifier un client, un entretien de vente, un cycle de vente… Tous  ces éléments intégrés dans les progiciels CRM contribuent à créer des schémas cognitifs qui  agissent à  la  fois  sur  la conception et  la  façon de réaliser  les actions.  Ces schémas cognitifs  intégrés dans  ces  progiciels CRM qui ont pour  vocation d’être  mis en œuvre dans un grand  nombre d’entreprises vont influencer à la fois les façons de concevoir la relation client et de la  mettre en œuvre. La question est donc de savoir, d’une part si  nous pouvons considérer  que  l’apparition des  progiciels  CRM est à  l’origine de  « réels »  changements dans  la  façon dont  les  praticiens  dans  leur  ensemble  conçoivent  la  relation  client  et  dont  les  équipes  commerciales la mettent en œuvre, et d’autre part quelles formes prennent ces changements.  Pour  comprendre  quels  sont  les  rôles  « réels »  de  ces  progiciels,  il  semble  nécessaire  non  seulement  de  questionner  les  changements  attendus  d’une  manière  générale   mais  aussi  de  dépasser ce premier  niveau de réflexion pour  se  demander  si  les changements attendus sont  réellement  à  l’oeuvre  dans  les  organisations  ou  encore  si  la  mise  en  œuvre  d’un  progiciel  CRM  est  susceptible  d’entraîner  des  transformations  des  pratiques  commerciales  non  anticipées. Peu de recherches se sont intéressées aux progiciels CRM dans cette perspective.  Aussi, la question de recherche principale au cœur de notre thèse est la suivante :  

 

Dans  quelle  mesure  les  progiciels  CRM  modifient-ils  les  représentations  de  la  relation client et les pratiques des équipes commerciales ?    Nous définissons les représentations de la relation client comme étant les façons, les habitudes  de penser les échanges avec les clients, communément admises à un moment donné, dans un  univers social donné et qui d’une certaine façon s’imposent aux individus.        

(19)

Et nous prenons comme définition pour les pratiques celle de Schatzki (2005)6 qui considère  que  c’est  un « ensemble d’activités humaines organisées »  par  trois  phénomènes :  les  connaissances  et  savoir-faire  des  différents  acteurs,  les  règles  et  procédures  et  enfin  la  structure  téléoaffective  qui  désigne  chez  Schatzki  les  projets,  les  objectifs  fixés  par  l’organisation,  l’utilisation d’objets  mais aussi  les  émotions et  les  sentiments acceptables ou  prescrits pour les différents acteurs.  

 

La suite de cette introduction a pour objectif de montrer les limites de la littérature dédiée aux  projets  et  aux  progiciels  CRM,  d’expliciter  notre  positionnement  ainsi  que  nos  choix  théoriques  et  enfin  de  présenter  notre  plan  de  thèse  en  soulignant  nos  contributions  principales. 

 

La littérature dédiée aux projets CRM et ses limites 

Jusqu’à présent, le monde académique s’est plus intéressé aux projets CRM qu’aux progiciels  CRM  eux-mêmes,  qui  n’en  sont  que  l’une  des  composantes.  L’intérêt  pour  ces  projets  est  relativement  récent  puisque  les  premiers  articles  académiques  datent  du  début  des  années  2000, les articles antérieurs étant avant tout des articles professionnels.  

 

Si diverses études ont souligné  le  fort engouement suscité par  les progiciels CRM parmi  les  dirigeants d’entreprise dès la fin des années 1990, d’autres ont aussi montré un taux d’échec  de  ces  projets  relativement  important,  même  s’il  a  tendance  à  diminuer.  Selon  le  Forrester  Research,  en  2009  ce  taux  était  de  47%  alors  qu’il  était  de  70%  en  2002,  selon  le  Bluter  Group7.  Cette  situation  explique  peut-être  que  la  plupart  des  recherches  consacrées  aux  projets CRM, qui sont dans leur grande majorité conduites par des chercheurs en marketing et  en sciences de l’information, abordent deux thèmes principaux : les facteurs clés de succès et        

6

 Ahrens, T.,  Chapman, C.S. (2007, p.8), citant Schatzki, 2005,  pp.471-472 : « By practices, I mean organized  human  activities.[…]  The  set  of  actions    that  composes  a  practice  is  organized  by  three  phenomena  :  understandings of how to do things, rules, and teleoaffective structure. By rules I mean explicit formulations that  prescribe, require or instruct that such and such be done, said, or the case;  a teleoaffective structure is an array  of  ends,  projects,  uses  (of  things),  and  even  emotions  that  are  acceptable  or  prescribed  for  participants  in  the  practice”(Ahrens et Chapman 2007) 

7

(20)

causes principales d’échec de  la  mise en œuvre  d’un progiciel CRM d’une part,  l’impact de  ces projets sur la performance des entreprises d’autre part.  

 

Les premières recherches étudiant les facteurs clés de succès et les causes principales d’échec  de ces projets ont cherché à  montrer que les difficultés de  mise en œuvre  résultent,  dans de  nombreux cas, d’une sous-estimation des risques et d’une vision trop restrictive de ces projets  (Gentle  2003).  Selon  ces  travaux,  la  mise  en  place  d’un  progiciel  CRM  ne  peut  se  faire  de  façon satisfaisante sans une réflexion sur la stratégie globale de l’entreprise et une adaptation  des processus organisationnels (Bull 2003 ; Chen et Popovich 2003) qui, pour être comprises,  doivent être soutenues par un plan d’accompagnement au changement comportant notamment  des  actions  de  communication  et  de  formation  tout  au  long  du  projet,  et  non  comme  c’est  souvent  le  cas  d’un  plan  d’accompagnement  au  changement  très  succinct,  se  résumant  essentiellement  à  des  actions  de  formation  à  l’outil.  Selon  ces  premières  recherches,  les  raisons principales qui sont à l’origine des difficultés rencontrées par les entreprises lors de la  mise  en  œuvre  d’un  progiciel  CRM  sont  l’absence  d’une  réelle  stratégie  CRM,  une  implication  insuffisante  du  Top  Management,  l’absence  d’un  projet  d’accompagnement  au  changement,  l’absence  d’un  programme  de  formation  conséquent  ou  encore  l’insuffisante  prise en compte des besoins des utilisateurs. Ces travaux ont contribué à clarifier les contours  d’un projet CRM  et ont permis de  mieux cerner  l’objet CRM,  en  lui donnant une définition  maintenant communément admise (Boulding et al. 2005).  Cette définition est celle proposée  par  Payne  et  Frow  (2005)  dans  un  article  considéré  comme  faisant  référence  « A strategic framework for Customer Relationship Management », publié dans Journal of Marketing :  

 

«CRM is a strategic approach that is concerned with creating improved shareholder value through the development of appropriate relationships with key customers and customer segments. CRM unites the potential of relationship marketing strategies and IT to create profitable, long-term relationships with customers and other key stakeholders. CRM provides enhanced opportunities to use data and information to both understand customers and co- create value with them. This requires a cross-functional integration of processes, people, operations, and marketing capabilities that is enabled through information, technology and applications. » (Payne et Frow 2005, p. 168) 

 

Payne et Frow complètent cette définition par la proposition d’un cadre méthodologique pour  la mise en œuvre d’un projet CRM. 

(21)

  Schéma 0.1 : Key elements in organizing for CRM implementation (Source : (Payne 2006)   

Ainsi,  le  CRM  se  définit  comme  une  stratégie  de  développement  fondée  sur  la  création  de  valeur  grâce  à  la  mise  en  place  d’une  gestion  de  la  relation  client  appropriée  au  profil  de  chaque  client,  permettant  de  créer  des  relations  rentables  et  de  long  terme  avec  les  clients  mais  aussi  l’ensemble  des  parties  prenantes  de  l’entreprise.  Cette  stratégie  suppose  une  approche  transversale  et  la  mise  en  place  d’un  processus  de  mesure  de  la  performance,  elle  s’appuie  sur  une  approche  multi-canal  et  est  rendue  possible  grâce  aux  outils  du  système  d’information  (dont  les  progiciels  CRM)  qui  permettent  le  stockage  et  l’analyse  d’une  multitude  de  données  client.  Quatre  facteurs  jouent  un  rôle  prépondérant  dans  la  mise  en  œuvre d’un projet CRM : la maturité de l’entreprise par rapport au CRM, la gestion de projet,  la  conduite  du  changement  et  l’engagement  des  collaborateurs  de  l’entreprise.  Cet  article  marque  un  tournant.  A  partir  de  2005,  date  de  sa  parution,  les  recherches  consacrées  aux  facteurs clés de succès des projets CRM sont moins nombreuses et s’appuient dans la grande  majorité  des  cas  sur  le  cadre  conceptuel  de  Payne  et  Frow,  pour  en  montrer  la  pertinence  (Theo et al. 2006 ; Kim et al. 2010), pour approfondir une dimension particulière, comme par  exemple la dimension humaine (Plakoyiannaki et al. 2008) ou encore pour étudier un secteur  d’activité  particulier,  comme  le  milieu  médical  (Hung  et  al.  2009)  (cf annexe 1-Tableau1-Analyse de quelques articles sur le thème : CRM et facteurs clés de succès ) 

(22)

Si un premier sous-ensemble d’articles de la littérature consacrée aux projets CRM a examiné,  le plus souvent grâce à des études de cas, les facteurs clés de succès lors de la mise en œuvre  de tels projets et a contribué à clarifier leur contour et à en donner une définition dorénavant  admise par  le plus grand nombre, un deuxième sous-ensemble, plus récent, étudie la relation  existant entre la mise en place de projets CRM et la performance des entreprises, en général à  l’aide de méthodes quantitatives, à un instant t. Au sein de ce deuxième sous-ensemble, il est  possible  de  distinguer  deux  sous-groupes  de  recherches :  celles  qui  s’intéressent  à  l’impact  des  projets  CRM  sur  la  performance  de  l’entreprise  et  celles  qui  réalisent  des  études  de  déterminants,  c’est-à-dire  qui  cherchent  à  identifier  les  caractéristiques  des  entreprises  qui  peuvent expliquer la différence d’impact des projets CRM sur la performance. Les recherches  visant  à  mesurer  l’impact  des  projets  CRM  sur  la  performance  de  l’entreprise,  notamment  motivées  par  le  scepticisme  grandissant  des  praticiens  sur  le  réel  effet  positif  de  ces  projets  CRM,  utilisent  différents  « proxys ».  Certains  utilisent  comme  « proxys »  des  indicateurs  d’impact, comme par exemple un indicateur de satisfaction client ou encore de connaissance  client (Mithas et al.  2005), d’autres un  indicateur  de résultat, comme  le profit (Ryals 2005  ;  Krasnikov  et  al.  2009)  ou  le  prix  de  l’action  (Hendricks  et  al.  2007).  Dans  leur  grande  majorité,  ces  recherches  montrent  qu’il  existe  bien  une  relation  statistique  positive  entre  la  mise  en  place  d’un  projet  CRM  et  la  performance  de  l’entreprise.  Cependant,  d’autres  recherches  ont  des  conclusions  plus  nuancées.  Ainsi,  si  l’impact  positif  des  projets  ERP  (Enterprise  Resource  Planning)  et SCM  (Supply  Chain  Management)  sur  la  performance  de  l’entreprise,  mesurée  au  travers  de  l’évolution  du  prix  de  l’action,  semble  clair,  celui  des  projets CRM est plus  mitigé (Hendricks et al.,  2007). Ces résultats plus  mitigés dans  le cas  des  projets  CRM  semblent  être  reconnus  par  de  nombreux  chercheurs  (Michaux  2009).  (cf Annexe 1- Tableau 2- Analyse de quelques articles sur le thème CRM et Performance-Impact).  En  revanche,  à  notre  connaissance,  il  n’existe  pas  vraiment  de  recherches  s’étant  intéressées  de  façon  approfondie  aux  raisons  de  ces  résultats  plus  mitigés  dans  le  cas  des  projets  CRM,  celle  qui  est  le  plus  souvent  invoquée  étant  leur  complexité.  D’autres  chercheurs  ont  essayé  de  mieux  comprendre  la  relation  entre  CRM  et  performance  en  s’intéressant à l’influence de certaines caractéristiques des entreprises, comme par exemple, la  structure  du  capital  (Cooper  et  al.  2005),  l’expérience  dans  les  différents  modes  de  commercialisation  (Srinivasen  et  Moorman  2005)  ou  encore  le  degré  de  maturité  de  la  relation client (Reinartz et al.  2004 ;  Becker et al.  2009). Ces études  montrent que certaines  caractéristiques  des  entreprises  jouent  un  rôle  dans  la  relation  entre  la  mise  en  place  d’un 

(23)

projet  CRM  et  l’augmentation  de  la  performance.  (cf. Annexe 1- Tableau 3- Analyse de quelques articles sur CRM et Performance-Déterminants).  Les  recherches  sur  les  déterminants comme celles analysant l’impact sur la performance insistent sur l’existence de  nombreux facteurs modérateurs comme le temps, l’engagement de l’entreprise dans une réelle  stratégie CRM, la capacité de l’organisation à adapter ses processus, sa capacité  à diffuser et  partager la connaissance client ou encore  la technologie utilisée.  Les effets  modérateurs  mis  en  évidence par  les chercheurs  s’intéressant à  la relation entre  la  mise en œuvre  d’un projet  CRM  et  la  performance  de  l’entreprise  sont  souvent  concordant  avec  les  facteurs  clés  de  succès définis par les chercheurs qui, eux, s’intéressent aux facteurs clés de succès lors de la  mise en œuvre d’un projet CRM. 

 

En résumé, les recherches conduites jusqu’à présent sur les projets CRM ont permis de définir  clairement  les  contours  de  ces  projets  et  de  mettre  en  évidence  leur  complexité :  s’il  existe  bien  a priori  une  relation  statistique  positive  entre  la  mise  en  œuvre  d’un  projet  CRM  et  la  performance de l’entreprise, cette relation est soumise à de multiples effets modérateurs ; les  éléments critiques au sein de ces projets sont nombreux, et comme le précise Boulding et al.  (2005, p.162), les interactions entre les progiciels CRM, les processus organisationnels et les  hommes peuvent être au cœur des difficultés liées à la mise en œuvre de ces projets - «  Les données, les processus et les systèmes technologiques sont des éléments critiques dans les projets CRM, mais sans interactions appropriées des hommes avec les processus et les systèmes, le retour sur investissement de ces projets est risqué… »8  (Boulding  et  al.  2005)  (traduits  par  nos  soins).  De  nombreux  chercheurs  dans  le  domaine  du  CRM  soulignent  le  manque  de  recherches  s’intéressant  aux  différentes  interactions  existant  entre  les  différentes  composantes  principales  d’un  projet  CRM  (progiciel,  hommes,  processus  organisationnels)  (Boulding et al. 2005). Selon nous, une façon de répondre à cette limite, est d’opter pour un  changement d’approche. La grande majorité des recherches menées dans le domaine du CRM  adoptent  un  positionnement  épistémologique  et  une  méthode  de  recherche  qui  ne  leur  permettent pas de comprendre, en profondeur et dans le temps, les interactions existant entre  le  progiciel  CRM,  les  organisations  et  les  hommes.  D’une  part,  s’inscrivant  dans  une  approche  classique  et  plutôt  fonctionnaliste  des  outils  de  gestion,  les  recherches  actuelles        

8

 Boulding et al.(2005, p.162) : « Data and technology processes and systems are critical for CRM activities, but  without  appropriate  human  interaction  with  these  processes  and  systems,  the  returns  on  investments  in  these  areas are at risk… » 

(24)

considèrent  que  les  progiciels  CRM  sont  en  quelque  sorte  neutres,  qu’ils  remplissent  fidèlement  leur  rôle  et  donc  que  le  construit  qu’ils  représentent  ne  mérite  pas  une  attention  particulière. D’autre part, adoptant le plus souvent une méthode de recherche fondée sur une  étude  quantitative  à  un  instant  t,  les  recherches  menées  cherchent  à  mettre  en  évidence  l’existence d’une relation entre augmentation de la performance de l’entreprise et la présence  de  certaines  interactions  entre  les  composantes  principales  d’un  projet  CRM  (progiciel,  hommes,  processus  organisationnels),  mais  leur  objectif  n’est  pas  de  les  analyser  finement.  Nous considérons que pour comprendre en profondeur les interactions existant entre un outil  de  gestion  quel  qu’il  soit,  les  organisations  et  les  hommes,  il  faut  à  la  fois  considérer  que  l’outil de gestion n’est pas neutre mais au contraire un acteur à part entière, et l’étudier dans le  temps.  Dans  notre  thèse,  nous  chercherons  à  dépasser  les  problèmes  identifiés  dans  la  littérature  existante.  Notre  question  de  recherche  principale  (« Dans  quelle  mesure  les  progiciels  CRM  modifient-ils  les  représentations  de  la  relation  client  et  les  pratiques  des  équipes commerciales ? ») suppose ainsi une analyse en profondeur des interactions existantes  entre  le  progiciel,  les  organisations  et  les  hommes.  Nous  nous  appuierons  sur  le  courant  de  recherche  qui  s’intéresse  aux  outils  de  gestion  au  travers  d’approches  qui  peuvent  être  qualifiées  de  « sociales  et  comportementales »9  par  opposition  aux  approches  classiques  et  dominantes  qui  en  développent,  comme  nous  l’avons  indiqué  précédemment,  une  approche  plutôt fonctionnaliste. Les progiciels CRM ont fait l’objet de peu de travaux reprenant ce type  d’approche.  En  revanche,  il  existe  des  recherches  plus  nombreuses  consacrées  aux  ERP  (Enterprise Resource Planning). Dans la mesure où les CRM peuvent être considérés comme  des  progiciels  similaires  aux  ERP,  spécialisés  dans  la  gestion  de  la  relation  client,  nous  y  accorderons une attention particulière. 

Un  positionnement  ancré  dans  les  approches  « institutionnalistes »  et 

« interactionnelles » des outils de gestion

10

 

A partir du début des années 1980, se différenciant du courant dominant, quelques chercheurs  montrent  que  les  outils  de  gestion  ne  sont  ni  neutres,  ni  tout  puissants  c’est-à-dire  qu’ils  ne  sont  ni  des  « auxiliaires discrets et fidèles du pouvoir »  (Berry  1983)  ni  une  force  externe        

9

 Nous reprenons l’intitulé utilisé par E. Chiapello et P. Gilbert dans le cours de Master Recherche de l’IAE de  Paris en 2008 

(25)

ayant des effets déterministes, indépendamment du contexte de mise en œuvre et d’utilisation.  Ces  chercheurs  veulent  resituer  le  rôle  des  outils  dans  l’étude  des  organisations  (Joerges  et  Czarniawska 1998), en mettant en évidence leur caractère dual : ils sont à la fois le produit de  l’action  humaine  et  des  « médiateurs »  de  cette  action  (Orlikowski  1992).  Au  cours  de  ces  trente dernières années, les travaux de recherche sur les outils de gestion se sont multipliés et  ont  développé  des  points  de  vue  variés,  en  fonction  des  disciplines  mobilisées  (sociologie,  psychologie,  gestion…), du niveau d’analyse (  macro versus  micro), de l’orientation choisie  par  les  chercheurs  (critique  versus  pragmatique)  ou  encore  du  statut  accordé  à  l’objet  technique (central versus secondaire) (Chiapello et Gilbert 2013). Selon Chiapello et Gilbert  (2013, p.58), il est possible d’établir une catégorisation des travaux de ce courant de recherche  en « privilégiant les idées défendues et leurs thèmes de prédilection », et ainsi distinguer trois  grands  « univers thématiques » :  les  approches  critiques,  les  approches  institutionnalistes  et  les  approches  interactionnelles.  Les  travaux  de  l’univers  thématique  qualifié  d’ « approches critiques »  s’intéressent avant tout aux asymétries sociales, aux rapports de force.  Les outils  de  gestion  sont  analysés  sous  l’angle  de  l’instrumentalisation  des  relations  de  pouvoir.  Les  chercheurs  au  sein  de  ce  courant  examinent  dans  quelle  mesure  ils  servent  les  projets  d’exploitation et de domination ou de quelle façon ils peuvent être une source d’oppression ou  de  souffrance.  Ils  s’appuient  notamment  sur  les  thèses  marxiste,  bourdieusienne  ou  encore  foucaldienne.  Les  recherches  conduites  au  sein  de  l’univers  thématique  « approches institutionnalistes » mettent «  au cœur de leur analyse les habitudes de comportement ou de pensée et les règles allant plus ou moins de soi et plus ou moins formalisées (coutume, morale, droit…) qui, dotées d’une certaine stabilité, se transmettent et s’imposent aux individus dans un univers social donné »  (Chiapello  et  Gilbert  2013,  p.  98).  Au  sein  de  cet  univers  thématique,  les  chercheurs,  en  s’appuyant  sur  différentes  théories,  comme  par  exemple  les  théories  néo-institutionnalistes  examinent  les  outils  de  gestion  sous  l’angle  de  leur diffusion, de leur processus d’adoption et de leurs effets. Quant aux travaux regroupés au  sein  des « approches interactionnelles »,  elles  examinent  avant  tout  la  manière  dont  les  différents  acteurs,  humains  ou  non  humains,  interagissent  entre  eux,  au  sein  d’une  organisation, ou d’un réseau, ou d’un système d’activité (en fonction de la théorie mobilisée).  Les  recherches  sont  le plus souvent conduites à un  niveau  micro et  les  théories  usitées  sont  notamment la théorie de l’acteur réseau, la théorie de l’activité ou encore la théorie de l’acteur  stratégique.  « Dans l’ensemble de ces travaux, l’outil de gestion constitue un élément d’organisation des relations des humains entre eux et avec leur environnement, et il existe

(26)

une interstructuration de l’outil de gestion et des pratiques sociales »  (Chiapello  et  Gilbert  2013,  p.142).  En  formulant  notre  question  de  recherche  principale  de  la  manière  dont  nous  l’avons  fait  précédemment  (Dans  quelle  mesure  les  progiciels  CRM  modifient-ils  les  représentations  de  la  relation  client  et  les  pratiques  des  équipes  commerciales ?)  et  en  reprenant  la  catégorisation  de  Chiapello  et  Gilbert  (2013),  nous  positionnons  ainsi  notre  recherche  à  la  fois  dans  l’univers  thématique  qualifié  d’  « approches institutionnalistes »  et  dans celui des « approches interactionnelles ». Notre question de recherche suppose en effet  une  analyse  centrée  sur  deux  thèmes  principaux :  le  rôle  des  progiciels  CRM  dans  la  modification des représentations de la relation client d’une part, et le rôle des progiciels CRM  dans  la  modification  des  pratiques  des  équipes  commerciales,  d’autre  part,  deux  thèmes  qui  font  écho  respectivement  aux  « approches institutionnalistes »  et  aux  « approches interactionnelles » des outils de gestion, telles qu’elles sont définies par Chiapello et Gilbert  (2013).  

Les deux « états » de l’outil étudiés 

Eclairer notre question de recherche suppose d’être en mesure de saisir  à la fois le rôle d’un  progiciel  CRM  à  un  niveau  macro  (les  représentations  de  la  relation  client  à  un  niveau  sociétal, plus précisément au sein de la communauté des dirigeants commerciaux français) et  à un niveau micro (les pratiques des équipes commerciales au sein d’une entreprise). Pour ce  faire,  il  nous  a  paru  judicieux  d’étudier  les  progiciels  CRM  dans  leurs  deux  « états principaux » :  la  « forme circulante »  et  la  « forme inscrite et située »  (Chiapello  et  Gilbert  2013).  «Dans son état circulant, qui est sa forme « macro », l’outil intervient sur un vaste périmètre, national, voire international. L’état inscrit, qui est la forme « micro », correspond à des outils contextualisés, spécifiques à une organisation et à son contexte interne »  (Chiapello  et  Gilbert  2013,  p.248-249).  Dans  son  état  circulant,  un  progiciel  CRM  peut  prendre  différentes  formes  comme  celle  d’un  progiciel  standard  paramétrable  (le  progiciel  CRM  de  Siebel,  celui  de  SAP  ou  celui  de  Peoplesoft…)  ou  encore  celles  d’idées  plus  ou  moins  standardisées  circulant  à  leurs  propos.  Pour  saisir  les  changements  éventuels  de  représentation de la relation client à un niveau sociétal,  induits par  les progiciels CRM, nous  étudions ces derniers dans une de leurs formes circulantes, les discours véhiculés à leur sujet.  Et  pour  essayer  de  comprendre  leur  rôle  dans  la  modification  des  pratiques  des  équipes  commerciales,  nous  nous  intéressons  à  un  progiciel  CRM  sous  une  forme  inscrite  et  située, 

(27)

grâce à  l’étude d’un cas  sur  la  longue durée de  mise  en oeuvre  et d’utilisation de  la  version  8.8 du progiciel CRM Peoplesoft au sein d’une entreprise française. Mettre en perspective ces  deux formes d’un outil de gestion constitue, selon nous, un moyen pertinent pour essayer de  saisir les différentes interactions qui peuvent exister entre cet outil et la société, entre cet outil  et une organisation donnée ou encore entre cet outil et des individus, et par là même de mieux  comprendre son rôle.   

Choix théoriques 

Nous mobilisons dans notre thèse à la fois les théories néo-institutionnalistes et la théorie de  l’Actor  Network  Theory  (ANT).  Le  choix  de  ces  deux  théories  s’est  fait  selon  un  cheminement  en  deux  étapes.  Tout  au  début  du  processus  de  thèse,  ces  deux  théories,  nous  avaient  paru  si  évidentes  compte  tenu  de  nos  préoccupations  que  nous  n’avons  pas  dans  un  premier  temps réfléchi  sur ce qui était pourtant un choix. Le concept de « mythe rationnel »  au cœur des théories néo-institutionnalistes et celui de « symétrie entre les humains et les non  humains »,  central  dans  la  théorie  de  l’ANT,  nous  ont  paru  pertinents  pour  comprendre  respectivement  l’engouement  suscité  par  les  progiciels  CRM  auprès  des  praticiens  et  les  difficultés de mise en œuvre d’un progiciel CRM que nous avions vécues en tant que chef de  projet CRM. Dans un deuxième temps, l’examen plus approfondi des concepts au cœur de ces  deux  théories,  des  « calls »  en  comptabilité-contrôle  des  chercheurs  mobilisant  ces  théories,  des  théories  « concurrentes »  principales  et  de  leur  mise  en  perspective  avec  nos  terrains  et  nos données, nous ont conforté dans notre choix initial.  

 

L’analyse des théories néo-institutionnalistes au travers de ses concepts fondateurs mais aussi  de  ses  principales  évolutions  au  cours  du  temps  (cf chapitre  1)  a  confirmé  l’intérêt  de  cette  théorie  pour  notre  recherche.  Les  concepts  de  « mythe  rationnel »  et  d’  « institutionnalisation »  constituent  tout  d’abord  des  pistes  intéressantes  à  creuser  pour  comprendre l’engouement suscité par les progiciels CRM alors même que ce dernier ne peut  pas  s’expliquer  par  les  seules  raisons  économiques  (cf  taux  d’échec  de  ces  projets).  Deuxièmement,  les  théories  néo-institutionnalistes  permettent  de  « modéliser »  les  relations  existantes  entre  les  discours  prégnants  à  un  moment  donné  au  sein  d’un  champ/d’une  profession et la diffusion/  institutionnalisation d’une nouvelle forme organisationnelle, d’une 

(28)

nouvelle  pratique  (Phillips  et  al, 2004 ;  Green  2004.  Et  enfin,  de  nombreux  chercheurs  en  sciences  de  gestion  comme  Hasselbladh  et  Kallinikos  (2000),  Leca  et  al.  (2009)  ou  encore  Jones  et  al.  (2013)  souhaitent  que  des  recherches  soient  menées  afin  de  mieux  comprendre  quel  peut  être  le  rôle  joué  par  les  artefacts11  dans  l’institutionnalisation  d’une  nouvelle  pratique organisationnelle, la mise en place d’une nouvelle logique institutionnelle. Selon ces  chercheurs,  si  les  néo-institutionnalistes  reconnaissent  aux  artefacts  un  rôle  à  la  fois  dans  le  processus d’institutionnalisation d’une nouvelle forme organisationnelle (selon Scott 2008, les  artefacts  constituent  l’un  des  véhicules  principaux  de  l’institutionnalisation)  et  dans  la  constitution des  logiques  institutionnelles (il est considéré que ces dernières contiennent des  composants  idéels  et  matériels  (Jones  et  al., 2013)),  ils  en  ont  cependant,  jusqu’à  présent,  souvent négligé l’étude approfondie.   

 

En ce qui concerne l’étude des progiciels CRM sous une forme inscrite et située au travers de  l’étude longitudinale d’un cas de mise en œuvre d’un progiciel CRM au sein d’une entreprise  française,  nous  avons  été  « séduite » très  tôt  par  l’ANT,  notamment  par  son  principe  de  rétablissement  de  la  symétrie  entre  les  humains  et  les  non-humains  et  son  concept  de  traduction, qui faisaient écho à ce que nous avions pu vivre en tant que chef de projet CRM.  Puis,  une  fréquentation  plus  poussée  des  travaux  en  comptabilité-contrôle  de  gestion  mobilisant cette théorie et consacrés aux outils de gestion nous a fait douter de la pertinence  de s’appuyer sur cette théorie. L’ANT est mobilisée en comptabilité-contrôle de gestion dans  de  nombreux  travaux  de  recherche  consacrés  aux  outils  de  gestion  (cf chapitre  3) :  notre  recherche pouvait-elle apporter quelque chose de nouveau, était-elle en mesure d’enrichir les  nombreux travaux existants ? En outre, l’ANT est l’objet de nombreuses critiques notamment  au sujet du rôle qu’elle fait jouer aux non-humains (de nombreux chercheurs considèrent qu’il  est inconcevable et non opportun de rétablir la symétrie entre les humains et les non-humains,  la  conséquence  pouvant  être  de  négliger  le  rôle  des  humains).  Elle  est  aussi  accusée  d’être  trop  descriptive.  Nous  avons  donc  approfondi  les  présupposés  et  concepts  de  l’ANT  pour  évaluer  les  avantages  et  limites  de  cette  théorie  (cf.  chapitre  3),  et  étudier  parallèlement  l’opportunité  de  mobiliser  une  autre  théorie,  parmi  celles  sensibles  à  la  façon  dont  les  humains  et  les  non-humains  interagissent  entre  eux,  à  un  niveau  micro  (organisation  ou  individu). Nous nous sommes intéressée notamment à la théorie de l’activité et à la théorie de  la  structuration  selon  l’approche  d’Orlikowski,  deux  théories  qui  comme  l’ANT  mettent  au        

(29)

cœur  de leur  analyse  les artefacts.  Nous avons écarté la théorie de  l’activité,  élaborée par  P.  Rabardel  dans  la  lignée  des  travaux  de  L.Vygotski  essentiellement  en  raison  du  niveau  d’analyse  :  l’individu.  Cette  théorie  s’intéresse  essentiellement  aux  effets  cognitifs  et  psychologiques  de  l’usage  d’un  « instrument »12  sur  l’utilisateur,  or  nous  souhaitons  plutôt  regarder  les  impacts  sur  les  pratiques  d’un  groupe  d’utilisateurs  (les  équipes  commerciales  dans  notre  cas). Nous nous sommes  aussi  intéressée à  la théorie de  la structuration élaborée  par W. Orlikowski et inspirée des travaux du sociologue britannique A. Giddens.  Comme le  mentionne M.Brivot (Brivot 2013, p. 130), « la théorie de la structuration est alors employée pour penser les interactions technologie-utilisateurs et analyser leurs implications à différents niveaux (l’acteur, la pratique, l’organisation) ».  Cette théorie  propose  un  modèle  conceptuel triadique dans lequel les propriétés institutionnelles de l’organisation, les individus  et la technologie interagissent entre eux (Orlikowski 1992, p. 410)                 Schéma 0.2 : « Structurational model of technology » (Orlikowski 1992, p. 410)   

D’après  ce  modèle,  ces  trois  éléments  s’influencent  mutuellement  de  quatre  façons  différentes.  Tout  d’abord,  les  individus  agissent  sur  la  technologie  dans  la  mesure  où  cette  dernière  est  considérée  comme  la  résultante  d’activités  humaines  de  conception,  de  développement,  d’appropriation  et  de  modification  (flèche  (a)).  Deuxièmement,  la  technologie agit sur  les  individus,  elle est un  moyen à  la  fois contraignant et habilitant pour  l’action  humaine ;  elle  délimite  ce  qui  est  possible  ou  impossible  de  faire  et  facilite  aussi  l’action en mettant à disposition des individus des schèmes d’interprétation, des ressources et  des  normes  (flèche  (b)).  Ces  deux  premiers  types  de  relation  conduisent  Orlikowski  à  souligner  le  caractère  dual  de  la  technologie.  Troisièmement,  les  propriétés  institutionnelles  de l’organisation influencent les individus dans leurs interactions avec la technologie (flèche        

12

  Dans  la  théorie  de  l’activité,  l’instrument  désigne  un  ensemble  composé    d’un  artefact  et  d’un  schème  d’utilisation  Propriétés  institutionnelles   Agents humains  Technologie  (a)  (b)  (c)  (d) 

(30)

(c)).  Et  enfin,  la  technologie  en  usage  dans  l’organisation  influence  les  propriétés  institutionnelles de cette dernière soit en  les renforçant,  soit en  les transformant (flèche (d)).  La  théorie  de  la  structuration  nous  a  paru  pertinente  pour  notre  recherche,  notamment  en  raison de la possibilité qu’elle offre de raisonner en termes d’effets de la mise en œuvre d’une  nouvelle  technologie  sur  les  individus  et  l’organisation,  possibilité  a priori  exclue  dans  une  recherche  menée dans une perspective  ANT. En  effet,  partant du postulat que  le  social et  le  technique  sont  étroitement  liés  voir  inextricables,  l’ANT  ne  permet  pas  réellement  de  raisonner  en  termes  d’effets,  elle  permet  en  revanche  d’étudier  les  transformations  d’un  ensemble  socio-technique donné au  cours du temps,  suite à  la  mise en œuvre  d’un  nouveau  dispositif comme un outil de gestion par exemple.  

 

Après  cette  exploration,  nous  avons  finalement  choisi  de  continuer  à  ancrer  notre  recherche  dans l’ANT pour trois raisons principales. Tout d’abord, notre objectif était de comprendre à  la  fois  comment  un  progiciel  CRM  pouvait  s’intégrer  au  sein  d’une  organisation  et  dans  quelle mesure son usage modifiait les pratiques au sein de l’entreprise. Or l’ANT permet, au  travers  notamment  du  concept  de  traduction,  de  comprendre  le  processus  d’adoption  d’un  nouvel outil de gestion et de mieux comprendre  les interactions qui peuvent exister entre un  outil de gestion et les utilisateurs lors de son usage. A contrario, l’approche d’Orlikowski de  la  théorie  de  la  structuration  s’intéresse  essentiellement  à  la  technologie  en  usage  et  permet  moins  de  comprendre  de  façon  approfondie  le  processus  qui  a  conduit  à  l’adoption  d’une  technologie  particulière.  La  deuxième  raison  est  d’ordre  méthodologique.  Dans  cette  approche,  « les effets de l’instrumentation sur le social et les effets du social sur l’instrumentation doivent être découplés analytiquement » (Brivot, 2013, p.138). Ce principe  d’analyse nous a semblé difficile à mettre en œuvre dans notre étude de cas. La mise en œuvre  du  progiciel  CRM  faisant  suite  à  une  fusion,  les  structures  commerciales  ayant  évolué  de  façon majeure au cours de la période étudiée (cf chapitre 3), nous craignions de nous heurter à  l’impossibilité d’identifier de façon rigoureuse ce qui relevait du social et ce qui relevait de la  technique. La méthode proposée par l’ANT qui suppose d’être présent avant la transformation  de  l’innovation  en  « boîte  noire »  ou  de  « rouvrir  la  boîte  noire »  en  suivant  les  différents  actants du réseau nous a paru plus compatible avec les conditions de réalisation de notre étude  de cas,  notamment parce que  nous avions été  le  chef de projet  maîtrise d’ouvrage du projet  étudié pendant trois ans au démarrage du projet entre 2003 et 2005 , que nous avions conduit  une série d’entretiens en 2008 et que nous avions la possibilité de retourner sur le terrain pour 

(31)

mener  à  la  fois des  entretiens et des observations. Même  si dans un premier  temps,  pouvoir  étudier le rôle des progiciels CRM en termes d’effets sur les pratiques des utilisateurs nous a  semblé  plus  satisfaisant  que  de  le  faire  au  travers  d’une  description  des  transformations  de  l’ensemble socio-technique suite à la mise en œuvre d’un progiciel CRM, nous avons préféré  pour  des  raisons  de  cohérence  entre  la  théorie,  la  méthode  et  le  terrain,  opter  pour  cette  deuxième voie et abandonner la possibilité d’établir des relations de cause à effet. La dernière  raison  qui  nous  a  conduite  à  ne  pas  retenir  l’approche  d’Orlikowski  concerne  le  modèle  conceptuel  qu’elle  propose.  Ce  modèle  nous  semble  trop  restrictif  dans  le  type  de  relations  qu’il  envisage.  Par  exemple,  selon  ce  modèle,  si  la  technologie  influence  les  propriétés  institutionnelles  de  l’organisation,  ces  dernières  n’influencent  pas  la  technologie.  Comme  nous  essayons  de  le  montrer  dans  le  chapitre  5,  les  propriétés  institutionnelles  de  l’organisation influencent aussi la technologie. L’analyse de notre cas au travers de ce modèle  risquait de restreindre  de  façon excessive  les  interactions possibles entre  le progiciel étudié,  l’organisation  et  les  individus  et  par-là  même  de  ne  saisir  que  de  façon  incomplète  les  transformations  de  l’ensemble  socio-technique  étudié  suite  à  la  mise  en  œuvre  du  progiciel.  Nous avons été confortée dans ce choix par les travaux plus récents d’Orlikowski elle-même.  Dans ceux-ci, elle reconnait les limites de ses premiers travaux en soulignant le côté réducteur  du modèle structuraliste qu’elle proposait à l’origine et en mettant en exergue l’inextricabilité  des dimensions sociales et matérielles de la technologie. Elle semble d’ailleurs se rapprocher  dans ses travaux de recherche actuels d’une vison plus latourienne (Orlikowski 2007).   

La  théorie  néo-institutionnaliste  et  l’ANT  nous  ont  donc  semblé  pertinentes  pour  répondre  chacune à l’un des deux objectifs principaux de notre thèse. La théorie néo-institutionnaliste  semble  en  adéquation  avec  notre  premier  objectif  qui  vise  à  comprendre  à  la  fois  l’engouement suscité par les progiciels CRM au sein de la communauté des praticiens à partir  de la fin des années 1990 et les modifications de la représentation de la relation client qui ont  pu  en  découler.  La  théorie  de  l’ANT  nous  semble,  quant  à  elle,  adaptée  à  notre  deuxième  objectif qui cherche à comprendre comment un progiciel CRM peut s’intégrer au sein d’une  organisation  et  dans  quelle  mesure  sa  mise  en  œuvre  et  son  usage  peuvent  conduire  à  des  transformations  des  pratiques  des  équipes.  Cependant,  consciente  des  débats,  notamment  au  sein  du  champ  de  recherche  en  comptabilité  –contrôle  de  gestion,  relatifs  à  la  question  de  l’incompatibilité  de  ces  deux  théories,  nous  nous  sommes  longuement  interrogée  sur  la  pertinence d’un tel choix. Nous avons notamment réfléchi à la possibilité de ne nous appuyer 

Figure

Tableau 1.1 : Synthèse des articles/ Logiques institutionnelles et outils de gestion                 
Tableau 1.1 : Synthèse des articles/ Logiques institutionnelles et outils de gestion (suite)                                 
Tableau 2.2 : Rôles attribués aux progiciels CRM dans les discours   
Figure du « client  rentable »
+7

Références

Documents relatifs

Le module ENVOL permet aux acheteurs comme aux entreprises de mettre à dis- position des envois volumineux au sein d’un message envoyé à travers la messagerie sécurisée. Cela

Plus de 75 % des dirigeants estiment que leur système de CRM est essentiel ou important pour soutenir chacune de ces priorités : pour 84 %, leur système de CRM est un

De cette façon, le personnel peut mesurer le temps réel nécessaire pour préparer chaque travail et ainsi améliorer les estimations de livraison à leurs clients; en plus, vous

Un graphe est triangulé si tous ses cycles de plus de 3 sommets contiennent au moins une corde (arête reliant deux sommets non adjacents d’un cycle).. Un séparateur est un

Elle consiste en des solutions de présentation des offres et des informations aux clients, des solutions d'interaction avec eux et des solutions de compréhension du comportement

Conçu en collaboration avec des experts comptables pour valoriser votre relation

Quels que soient la taille et le secteur d’activité de votre entreprise, nos logiciels vous accompagnent au quotidien, pour une gestion agile de votre relation

LES BUDGET GLOBAL D’UN ERP L’enveloppe budgétaire globale ou coût total de possession TCO - Total Cost of Ownership s’établit sur une durée d’exploitation crédible de l’ERP 5