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L'Hérolhe et la symOOligue de l'amour dans trois romans de George Sand
par Nadia lezzoni
Mémoire de maîtrise soumis
à
laFaculté des études supérieures et de la recherche en vue de l'cbtention du diplôme de
Maîtrise ès Lettres
Département de langue et littérature françaises Université McGill
Montréal,
Québec
Août
1998
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The author has granted a
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ABSTRACT
Ole seldom cornes aaoss felicitous love in nineteenth-century French literature. Viewed in an unfavourable light, being looked upon as sheer utopianism, felicitous love never quite made it as a maja theme in fiction. But idealized as it is in the works of Geage Sand, this particular tapie never ceases ta
be
true ta 1Ife: the "weltanschauung" in whieh it criginates is far tao focused on the realm of reality fa love tabe
put through senseless poetising. Ta highlight this singularity, this essay focuses on the love symbolie in three Geage Sand's novels,trdioflQ (1832),
Le Neuniercl'
Angiboult (
1845),
andLe Ivbrquis de Villemer(18éO),
by going into the heroine's quest fcr the ideal. Conterrplated with the romantie presupposition (that of the self versus scciety), this particular quest is subjected ta a plural appraach (ideological, chronotapical, initiatay) likely ta fathom out a symbolie inherent ta a writerknown
after ail as "la romancière de l'amour".•
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RÉsuMÉ
L'amour heureux se rencontre rarement dans la littérature française du XIXe siècle. Considéré d'un mauvais œil, parce que iugé irréaliste, l'amour heLfeux est le plus souvent placé au rang des utcpies. Mais, pour idéalisé qu'il soit dans l'œuvre de Geage Sand, ce thème n'apparaît jamais déréalisé. Il procède par trop d'unecweltanschauung» qui est en prise directe sur le réel pour être l'ooiet
d'une vaine poétisation. Pour mettre en valeur cette singularité, ce mémoire se propose d'étudier la symbolique de l'amoLr
à
travers la quête de l'idéal chez trois héroïnes de Geage Sand, dansIrdiana
(1832), dansLe
Neunier
d
,Angibault (
1845), et dansLe
Ivbrquis de Villemer
(1860). Envisagée selon un présupposé romantique (leself
versus la société), cette quête fait ici l'oojet d'une approche plurielle (idéologique, chronotopique, et initiatique)à
même de pénétrer une symbolique inhérenteà
une femme écrivain surnommée, après tout,•
•
Je sais
gré
au professeur Jean-Pierre Duquette d'avoir eula grâce
d'
accepter de diriger ce mémoire avec autant de délicatesse1 de patience et de•
•
Je remercie vivement Karen Tabet-Tawil
dem'avoir aidée tout au long de ce travail de ses encouragements et d'avoir su
comprerdre.
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INTRmUOlON2
CHAPITRE 1: IŒOLCX3IEScL'Éternel féminin nous attire vers en+1aut:t: Dunomde /'hérd"ne 10
Savoirctrouver le terrain ferme de la réalité .. : Le regard
de /'hérd'ne sur
r
amour 13Dire
r
amour, (airer
amour : De Jo fX1role sècheàc /'acte initial:t 18L'état naissant de
r
amour: cL'lnoomoramento ..24
Subversivement, l'amour 29
L'Insurrection de /'amour : La folie dans Le J./leunierclAngiboult 31
cL'Ivresse vague de /'amour»: Le corps dans tous ses états 36
CHMITRE 2: CHRONOTCFES
Déconstrucfion, détroction, confrontation: De quelques stratégies
rorratives 43
Les amours comme mémento 47
Leselfversus la société
49
L'intrusion comme métaphore sexuelle
52
L'exit de /'hérdi1e comme immolation
56
L'esfX1Ce decl'innomoramento ..
58
L'esfX1Ce der
amour révélé 63 CHAPITRE 3 : L'INITIATION De /'invisible68
L'œil der
âme 69 La déprise72
Une révélatrice de l'amour: la pawreté
74
Le baptême de lumière
78
la montée 81
Le sa/utfXIr
r
amour 84CONQUSION
la symbolique transcerdante de
r
amour 89La symbolique romantique de l'amour 91
La symbolique réaliste de
r
amour 93BIBUC:X;R,APHIE 98
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Presque toujours traité en parent pauvre sous prétexte qu'il ne fait pas vraisemblable, le thème de l'amour heureux se rencontre rarement dans la littérature française du XIXe siècle. Plutôt pensé en fordion de son antithèse, ce thème particulier semble condamnéàêtre enténébré de pessimisme:
renoncement (Le Rêve), quête perpétuelle et inassouvissable [L'Éducation
sentimentale), idéal irréalisable (Une vie, La
Chartreuse de
Parme,Iv'tx:iemoiselle
de Nblepeire),
passion purement romanesque(lv'tx:iame
Bovary), toutesrep-ésentations d'infélicité qui n'ont de cesse de se réclamer du réalisme. Cest oublier que le sentimentalisme ou l'idéalisme dans lequel est constamment relégué l'amour heureux procède d'un parti p-is tout aussi réaliste:
L'art n'est pas seulement de la aitique et de la satire. Gitique et satire ne peignent qu'une face du vrai. Je veux voir l'homme tel qu'il est. Il n'est pas bon ou mauvais. Il est bon et mauvais. Mais il est quelque chose encore, la nuance, la nuance qui est ROur moi le but de l'art. (...)
On
veut trouver l'homme au fond de toute histoire et de tout fait1.Dans l'optique de cettecweltanschauung» particulière
à
George Sand, le réel se complexifie. L'instance consacrée de la soumissionà
la rencontre de laquelle l'idéal devait fatalement venir cède pour faire placeà
une instance plurielle. Si le volontarisme veut bien le maintenir dans la sujétion, l'instance des possiblesSiavère
à
même d'amener l'idéalà
l'existence. Ainsi chez Maupassant, le réeldans
Une vie
perd sa valeur amoureuse au moment où Jeanne de Lamere est montrée sornl:rant dans la résignation.Cest une abdication de la volonté devant
les manifestations de la valeur du non-amour (mariage de convenances,. GeageSand,CorresfX>rdarce Flaubert-Sard,p.511 / oté inSimore Vierne,cGeageSandet le
romansentimental~,p. 189. cLa nuarœ~se trouve autrement avancéedansl'aridecLeRéalisme» :
c Lemonde vrai estsans relâcheenvelORJé de nuageset derayonsquil'éclairentouleternissentavec
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infidélités...)dans laquelle George Sand refuse de faire tomber ses hérolnes. Car pour elle, l'espoir de la réalisation de l'idéal ne peut dépendre que de la liberté de l'être. C'est pourquoi le personnage féminin, en véritable héroïne qui symbolise«l'élan évolutif (...)la situation conflictuelle de la psyché humaine par le combat contre les monstres du pervertissement.,,2,ne s'avoue presque jamais vaincu. Quelques situations qui puissent l'esclavager, l'héroïne sandienne sait toujours jouir d'un étonnant litre arbitre3, hérolne qui ne trouve peut-être de
pendant que chez Stendhal (Gina dei Dango...). Même le mariage pourtant dépeint comme particulièrement oppressif, suivant le modèle de l'époque, n'en vient pas
à
bout. Du domaine de la contingence, le mariage de raison n'est jamais l'objet d'une amère déception pour une héroïne de cette trempe, puisqu'il n'a rienà
voir avec l'idéal. Le mariage4dans lequelcla femme (...)est soumiseà
une incapacité tempcraire (...) a[yant] pour cause la puissance maritale.,,5est surtout vu comme une réalité insatisfaisante qu'il faut repenser afin d'agir sur elle. C'est pourquoicla romancière de l'amour:ts'occupe d'abordà
délivrer l'héroïnedes fatalités qui ont de longtemps constitué dans la littérature l'expression même de l'aliénation de sa liberté. Celle sur qui reposait traditionnellement les idéaux
2Paul Diel, cité inDictiorroire des symboles,p.5J2.
3d.la réflexion de l'héroïne dansLeIvbrquisde Villemer,p. 53: cje sais très bien (...)que je suis
alÇès d'elle quelque chose de bien pis qu'une suivante; je suis une esclave; mais je le suis de par ma volonté, et dès las je me sens lil:re comme l'air dans ma conscience. QJyo+il de plus liae que l'esp-it d'un captif ou d'un p'oscritpolfsa foi?lt.
4Le maiage de convenances dans les romans de Geage Sand expose souvent la barbarie du rappat
conjugal en invoquant l'inégalité flagante qui sLCsiste entre les époux. Outre l'inégalité légalequifait du mari un maître(/rdioroJ,l'inégalité sentimentale annonce le ratage complet du simplera~des individus entre eux. SesituantSLfle plan de l'investissement affectif, elleposela différence entre deux
natlles (éthérée et sensuelle), lesquelles re se fondent pas: cLe marquis d'Elmeval (...)s'était peut-être
flatté d'aimer sérieusement sa femme; mais il n'en vint pasàbout. Il était trop tardpeuqu'il pût se passer d'une vie d'excitation et de plaisirs dérégléslt,Geage Sand,Torooris,p. 115. Voir aussiLa
Filleule,Mrian, le/VeuderclAngbault.
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d'amour, de beauté et de bonheur n'est plus sacrifiée au mariage ou au suicide6. Qu'elle soit courtisane(Isidoro), artiste(Ardré, Consuelo), folle(kirioni, Le
fv1eunier
cl'Angibault),
ouvrière(LaVille noire),célibataire (Ak:x:1emoiselle f\krquem, Narcisse), mère (Tamaris,La
Filleule), mystique(Lélio), l'héroïnesandienne, sur laquelle ne pèse plus le déterminisme, ne va plus au-devant d'une mort qui consacrerait la vidoire du réel sur l'idéal. Totalement maîtresse d'elle-même, elle a la possibilité inouïe d'atteindreàce qui est nié
à
nomb-e de ses analogues: le dépassemenr.Si elle prend la fcrme d'un élancement vers l'amour, cette aspiration vers une transcendance ne verse pas, contre toute attente, dans le sLfréel. Auréoler un tel vouloir de sublime ne présuppose pas la déréalisation de son oojet.
li
amour que George Sand sepropose
de réintroduire dans les possibles doitd'
abord foire l'oojet d'une réévaluation qui passe étrangement par une idéalisation. Aussi reconsidère-t-elle son image convenue, tantôt en déconstruisant son scénario (coup de foudre, déclaration, naissance et mat du sentiment pourcinnamoramento», reconnaissance de l'amour, aveu) ; tantôt en faisant le procès
de ses simulacres, mais surtout en s'éloignant du lieu commun àtravers lequel l'amour se révèle l'apporteur d'infélicité. En l'envisageant sous l'aspect du divin (de l'idéal chrétien pourrait-on dire), George Sand repense l'amour comme l'émancipateur de l'être. Et si félicité il n'engendre, cela ne peut être attribuable qu'à une profonde méconnaissance du transcendant. L'atteinte de ce sublime, par laquelle l'être par liberté, a prise sur une réalité amoureuse pauvre d'absolu et trompeuse, ne s'actualise que dans le réel. la déréalisation qui guetterait un tel prolet idéologique est savamment évitée. la romancière ne situe pas l'amour
od.Helena Michie,The Flesh NaJe Ward, p. 85.
7Voir Simone Lecointre,cGeage Sand: Ledisca.rs all1Olleux, deux aspects d'une éaitlle poétique:t,
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dans un au-delà idyllique pour qu'il existe, ni ne le voue à une mort certaine pour qu'il demeure intact, par exemple; l'idéal a par trop besoin du réel pour être. Elle se prqJOse après tout de faire de l'amour un idéalisme... réaliste. Et ses héroïnes sont très représentatives de cette dualité. Habillées de romantisme sans être dépouillées de réalisme; dotées d'une remarquable face d'âme qu'une fragilité apparente ne dépare pas; spiritualisées sans être désincarnées; elles s'avèrent désaliénées, c'est-à-dire armées dans leur lutte contre le monde. Cette
complexité psychologique, qui prouve
à
quel point il n'y a aucune commune mesure entre l'amoureuse-type des romans du XIXe siècle et celle de Geage Sand rend intéressante l'étude de l'amour justement chez trois héroïnes d'une romancière pour qui ce sujet estIla maia theme, the staple of ail her nove1SilS •Indiana de Carvajal Delmare(/rdiaflQ,
1832),
Marcelle de Blanchemont(Le !V'eunierd /1ngiooult,
1845),
et Caroline de Saint-Geneix(LeIvbrquis
deVillemer, 1800) incarnent chacune
à
sa manière diverses dimensions de l'amour. QJil s'agisse du renoncementà
soi-même, de {'aspiration vers Dieu, ou encore de la dénégation, ces singularités se trouvent toujours être en butte au monde, si ce n'està
elles-mêmes. Veuve d'amour,cla pauvre captive»9d'Indiana se libère detous tes impedimenta pour aller au-devant d'un bonheur qui tarde
à
se faire homme. Mari, interdits, codes, toutes expressions du politique, voient leur pouvoir renversé par un suiet qui place la loi au-dessus de tout. Amoureuse, la baronne de Blanchemont n'hésite pasà
déroger
à
noblesse
afin d'ériger en communauté une société inégalitaire de longtemps détournée de sa source chrétienne. Déçue, Caroline de Saint-Geneix ne craint pas de faire faceà
une résistance double (intérieure et sociale) pour veniràla rencontre d'un amour qui s'était retiré d'elle. En dépit de leurs différences, ces quêtes se vivent toutesà8Sondas,dtéinPaul GavesBlount, GeorgeSardarrJtheVictorion Wor/d,p.33.
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contre-courant et elles tendent toutes
à
mettre l'être en rapport avec l'Être même. Car pour George Sand, atteindreàl'amour constitue l'idéal. Aussi l'écartchronologique entre ces œuvres permettra-t-il d'en awécier l'évolution. L'espoir de sa réalisation s'essouffle-t-il à résister? Sa place dans le système de valeurs d'une société qui le refuse est-elle possible? Car« Madame Sand»,
contrairement à ce que l'on croit d'habitude, pense réalistement
i'
amour en posant d'abad son inexistence. Nulle part, dans l'édifice social du roman sandien, le sentiment n'apparaît-il céléb-é: le mariage qui s'y loge le méconnaît; l'intrigue le moque; l'aventure galante le travestit. Vouloir ainsi s'approcher de l'amour s'avérerait désespéré, si cette tension vers l'idéal n'était actualisée en marge. Aussi se présente-t-elle sous la Fame d'une confrontation entre leselfet la société. Cet affrontement romantique par excellence sera la prémisse qui orientera cette étude sous trois éclairages susceptibles de mettre en jour la symbolique10del'amour subjacente aux trois romans choisis. La p-emière partie, qui aborde l'idéologie (les idéologies pourrait-on dire) dans la perspective des travaux de Philippe Hamon(Du descriptif, Texteetidéologie...),concourt à circonscrire cet aspect. Cbservable dans les dimensions de l'être du personnage (la parole, le regard, la mcrale, le travail), ce«système de valeurs, partiellement implicite, institutionalisé (sic) dans l'extra-texte, et formant le présupposé glOOal du texte»11
traverse, au total, le reste du mémoire. Son application réussit
à
montrer corroien l'amour chez l'héroïne, en tant que valeur, menace. Son exclusion de l'échelle axiologique de la société, si elle rend sa viabilité difficile, n'affecte en rien sonlaq,terpetrcetype d'interp-étationserrbleautrement awop-iépoteinterroger unetranched'œuvre quise veut engagée puisque: c[elllepermetàl'homme de p-endre consc:ierœ desfacesetdes contraintes qui délimitent le champ de son expérierœ et, par cette conscience lui dame la capacité de s'endétacher,voiredelestransfamer·,OaudeReichler,cla littératu"ecomme interprétation
syrrOOlique •, p. 113.
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existence. La marginalité dans laquelle elle se retrouve fcrcément ne la réduit pas, contre toute attente,
à
néant: un vouloir inéb-anlable la soutient. Traitée comme l'expression d'une subversion par laquelle leselF
chosifié par une Autcrité qui nie les sentiments reconquiert sa liberté d'aimer, la folie le met en lumière. Par ailleurs, l'opposition de départ touche aussi la sexualité: AmOLrselon les sens ?Amour selon l'esprit? Toujours p-ésente et subtilement amenée,
la
dimension charnelle ne p-ocède plus de la possession mais d'une réelle communion qui conduità
la plénitude. La seconde partie, qui pate sur l'espace, accentue davantage l'abîme entre les valeLKs de la société et celles duself.
Axée sur le rappat au monde de l'héroïne qui«se réduit (...)à
quelques itinéraires età
quelques situations qui dépendent de la p-ésence même des personnages»12,
elle aide àsituer métaphysiquement le contraste énoncé. L'espace du château, l'espace de la chaumière opposent en vérité le monde de la matérialité au monde de la spiritualité. Quant
à
la troisième partie, elle concerne l'initiation. Reprenantà
son tour la p-émisse de départ selon les paramètres saaé/p-ofane, elle met en perspective la caractère «hiérophanique»de l'amour chezGeageSand.
,Apporteurs significatifs de sens, ces divers éclairages sont
à
même de dégager la cohérence interne de la dominante d'une œuvre: l'amour, de non-valeur absolue devient non-valeur. Subversive, spirituelle et saaale, elle rep-end la place qui, de longtemps, lui revient.Mais cet affrontement de systèmes de valeurs, qui résulte en la victoire du marginal, ne postule-t-il pas au fond la seule liberté? L'amour peut-il espérer s'incarner en un monde qui le renie sans que le volontarisme se fasse souverain?
• La félicité ne relève-t-elle pas, après tout, d'un vouloir qui appelle
à
ne jamais se résigner? :le crois
à
la fatalité (...)mais non pasà
la fatalité souveraine. Je crois qu'elle est toujours là, prête à nous entraîner, mais que notre bonheur et notre devoir en ce monde consistentdans
la mesure de nos faces pour tuer ce démon sauvage qui n'est autre chose que l'excès des désirs (...)voilà toute ma philosophie (...)résister et combattre, voilà toutl3.•
•
CHAPITRE l
IDÉOLOGIES
•
•
c
L'ÉTERNEL FÉMNIN NOUS ATTIRE VERS EN-H,AUT
»:DU NOM DE
L'HÉRONE
Avant même que le personnage porte son nom, le nom porte le personnage. «[O]pérateur taxinomique (...)qui renvoieàun archétype
culturel»l,«Indiana Delmare », «Marcelle de Slanchemant », etcCaroline de
Saint-Geneix»créent d'emblée un haizon d'attente susceptible d'arguer du
système de valeurs subjacent
à
l'héroïne. En révélant la présence du signe nominal de la déesse latine Diane par exemple, le registre intertextuel auquel fait allusioncIndiana» informe de l'inconnaissable. Les dimensions de lavirginité et de la chasse immanentesàla déité, qui se reflètent dans la conduite de l'héroïne, b-ouillent sa lisibilité pour le mortel. D'apparence frêle, sa fcrce déployée las d'un passage révélateur (chasse
à
courre), qui établit clairement la parenté entre l'héroïne et son« modèle », confond l'entendement du lovelace postéà
son évaluation. cEffrayé», «épouvanté »2 par cette énergievéhémentement manifestée qu'Indiana est susceptible de montrer en amour, Raymon s'avère disqualifié en tant que possible amant. L'empire qu'il ne pourrait tout simplement pas exercer sur elle l'exclut tout bonnement de l'amour qu'il considère comme une capitulation3. Cest qu'à l'instar de la déité, Indiana
demeure«
toujours irdomptée
»4. Sa situation conjugale le vérifie. Ni le mari1Philippe Hamon,lePersonnel du roman: le système des personrages dans les Rougon-Ivbcquart c!Émile Zola,p. 187.
2GeorgeSand,Irrliooo,p. 162.
3O.àcetégardla constatationdeRaymon,àtravers laquelle la force sLbversive de l'amante
véritableestperçuecommeune menacepuisqu'ellerenverse lesrôlestraditiorœls: cpotfelle, la société n'alea point d'entraves, les lois pas deface1il faucra que ma destinée suc:cc>rTbe etqueie
sacrifie monaveniràsonp-ésent .,Geage Sand,Irdiara,p.163. 4Dictionroiredes symboles, p.77.
•
•
tyrannique, ni les lois matrimoniales ne réussissent
à
l'inféoder au mariages. Comme l'indique étymologiquement son prénom, l'héroïne sait résisteràce politïque en restant «inconnaissable »6. Mais si le mariage blanc protègel'intégrité du moi du personnage, il ne saurait cependant le préserver de la mai.
En
provoquant une rupture de ton au sein de l'eurythmie nominale«Indiana deCarvajal », le nom patronymique de l'époux(<<Delmare»)vient mettre en jour
l'effet dévastateur du mariage dénué d'amour. l'un des quatre éléments auquel il fait allusion, préfigure symboliquement la désintégration qu'encourt le sujet féminin: '1t]he heroine drifts into destruction, aften literally carried by water that reffects the f1uidity of her own identity"7. Détrempée par cetteceau stagnante»,
la rouvraie (sens du mot espagnol «carvajal »)se voit envasée.
Ce
lieusylvestre, qui s'accordait parfaitementà l'idiosyncrasie de la chasseresse Diane/Indiana, est ainsi dénaturé. Le retranchement du patronyme de l'héroïne donne
à
lire«Indiana Delmare»comme l'expression d'une adultérationrésultante d'un mariage typique du XIXe siècle. Expression que ne serrole pas rendrecMarcelle de Blarchemont »par contre. le patronyme de l'héroïne du Meunier
d Angiooult
demeure inchangé:«[
SJi ce nom reflète bien celle qui lepate, il était nécessaire qu'il fut le sien dès avant son mariage»8. Aussi le symbolisme chromatique et ascensionnel qui le compose la détermine-t-elle dans son intégralité. En venant créer une cohérence thématique, la grâce, la virginité, la pureté, propres
à
l'un, qui voisinent avec la hauteur, l'inaccessibilité,5Souscera~, la dépossession,queSlbit avec résignation Lalle de Nangy (dépossession de sa
liberté,de sa fatune, desonautaité) au momentoùellecontracte mariage, met en lumière l'e5p'it de révolte del'héroïne.
6EnvenantcaTdxxerles traits caradéristiques inhérentsàla divinité, cette singularité, qui pare
l'hérolned'une inaccessibilité, réclameureascension certaine de l'olTlOlJ'eux qui souhaited'aspirerau cœ..rd'untel persomage(docIndianalefaça [Raymon)às'élever iusqu'àelle.,frdiaoo,p. 173).
l Magaret Higornet, "Suidde: Rep-esentationof theFeminine intheNineteenthCentlly",p. 114.
• l'élévation, prq::res
à
l'outre, accentuent l'idée de transcendance sous-jacente au patronyme. La potée de ce sens ne se trouve d'ailleurs pas altérée par la présence du signec:Marcelle:..En
produisant un effet de redondance, le registre extra-textueI9, auquel il renvoie, se fait annonciateur de sainteté.L'héroïne qu'il tend à imprégner de sublime se voit dès las recevoir des valeurs idéologiques prop-es
à
la détacher du reste comme le soulignent lesqualificatifs qui la désignent: c:chérubin:.10,«divine:.11,ou «ange du ciel:.12. Fortement spirituelle, cette inscription axiologique, qui exhausse
à
coup sCrce personnage, est également particulière au signecCaroline de Saint-Geneix:..Signifiant vigueur et force, la valeur étymologique du prénom jointe
à
celle du patronyme convergent vers une finalité mariale. Uni à la composante «saint:., ccelle qui engendre:., sens decgeneix ., donneà
lire le nom de l'héroine duIvbrquis de Villemer
comme la symbolisation de la Vierge. Un de ses attributs, que l'extra-textuel éclaire, se confond avec ceux du personnage: maintes fois mis en valeur, la« vaillance»13, le« courage»14de l'héroïne égalent en ardeurla force spirituelle immanente
à
la Dame du Ciel. L'axiologie relativeà
chacune des héroïnes, que met en lumière l'éclairage de l'onomastique, semble ainsi emprunterà celle d'un éternel féminin revisité15• Elle imprègne non
QGeage Sand avait-elle sainte Marcelle en tête lorsqu'elle ébauchait le patrait del'hérdlhedu
fv1eurierclAngilxvlt? la concadance parfaite de la créatlle hagiographique(cd'aigine
aristocratiqueMarcelledevint veuve (...)elleseconsacradès lasàdes œuvres charitables (...)elle fondaàRome une communauté où (...1elle mena une existence austère:. ;Pierre Pierrard,Dictiorroire des prénoms et des saints,p. 147.'et de la créatlSe littéraire porteraitàle croire.
10Geage Sand,Lefv4euriercfAngbault,p.148. 1tGeageSand,LeN'eurierd Angbault, p. 234. 12GeageSand,LeNeurierclAngbault, p. 130.
'JGeageSand,Le Ivbrq.;isde Villemer,p. lW.
14Geage Sand,Lelvbrq.;isde Villemer,p.55.
15VoirDictiormiredes symboles,p. 432:
ce
est la rercootre d'une aspiration humaineàlatranscendarœ et d'un instinct nauel, où se manifestent: (...)la sourceenquelque sorte detout
•
•
seulement Indiana, Marcelle et Caroline de l'idéal, mais également le motif idéologique dont elles sont investies. Si complètement supérieur, l'amolX,
à
l'image de la déesse, de la sainte et de la Vierge, réclame alors un sens du culte pour atteindreàsa parfaite connaissance; car en ouvrantà
l'être une communication avec le sacré, c'est« vers en-Haut»16qu'il mène résolument.SAVOIR
«TROLNER
lE
TERRJ1JN
FER!v1E DE LA RÉ,AJffÉ
»:lE REG,ARD DE
L'HÉRONE
SUR
L'ANOUR
Maintenant, s'il serrble enlever l'êtreàla terre, l'amour n'est pas pour autant œuvre d'extatique dans les trois romans étudiés ici. Placée
à
l'antipode de l'amoureuse-type, l'héroïne danstrdiaoo,
dansLe fv1eunier
ci'
Angibault
et dansLe Ivbrquis
de
Villemer
est amenéeàconsidérer le sentiment avecintelligence. Du coup, la détraction qui pouvait guetter un sentiment d'adinaire accusé de rendre aveugle17torrbe: l'amour réclame l'esp-it. Aussi Geage
Sand le dépassionne-t-elle. OJservable dans l'idée que s'en fait l'héroïne, ce regard lucide représente avec beaucoup de justesse un sentiment qui participe après tout de la«souveraine intelligence:t. Marcelle de Slanchemant sait trop
bien, par exemple, que l'édification d'une communauté chrétienne ou que
l'avènement d'un christianisme social ne relève
encae
que de la théaie. Elle ne s'illusiome pas sur la capacité de changement d'un monde qui a de longtemps renié ses fondements altruistes. Dépouillée de tout don-quichottisme, elle est consciente de l'abîme qui existe entre l'utopie et la réalité, sans pour cela renoncerà
espérer en des demains plus propices au règne de l'amour.potentiel affectif; (...)ure énergie émiremrnent apteàse aJ/tiver,à
s
enricftr de millefIJOocesde plusenplus sprituo/isées,àse reporter surdes objets fTXJ/tip!es, et ootammentsur Dieu :..
10Goethe,Fœst,citéinDicfforroiredes symbo/es, p.431.
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S'il traduit bien le rappat conflictuel entre les aspirations idéalistes de l'héroïne et celles viles de la société, ce décalage ne condamne cependant pas par avance l'idéal. Car s'il est une chose qui ressai des œuvres de Gecrge Sand, c'est que, étant du domaine des possibles, il dépend de la liberté de l'être que l'idéal ait une existence. L'attitude volontariste de l'héroïne en est un révélateur manifeste. Fatement dép"isée et ne comptant que des contempteurs, la félicité dansIrdiaflQ s'avérerait difficilement viable. Vue commecune illusion puérile dont il fa[ut] se défendre comme d'une faiblesse et d'un ridicule»18,elle
n'aurait aucune chance de survivre dans un universccalculateur et positif»19.
Confrontéàcet état de choses, le rêve d'Indiana serrblerait voué à ne jamais prendre racine dans le réel. Lair mélancolique, presque résigné, dont l'héroïne est enveloppée dès l'abord, le laisserait croire:
Elle avait compris (...)que la pensée même avait plus d'entraves (...)et lorsqu'elle se surprenait
à
dire encore par habitude: cUn jour viendra. .. un homme viendra...:t,ellerefoulait ce vœu téméraire au fond de son âme, et se disait: cIl faudra donc mourir! »20.
Cet espoir déçu consacrerait le triomphe du réel sur l'idéal. Seulement, la romancière opte pour un tout autre traitement idéologique. En faisant d'un personnage au bord du désespoir le dépositaire d'une grande force maale, Geage Sand affirme sa prédilection pour la résistaoce. Sans elle, l'idéal se révélerait irréalisable. Dans cette perspective, les dénigrements qui viendraient sous-estimer une héroïne d'OOédience romantique sont savamment contrecarrés. Par exemple, Indiana ne
peut
passer pour un songe-creux. Si, àlilnstar deMarcelle, elle entretient en elle-même le désir profond de voir Ilamour slériger en
18Geage Sand,Irdioro,p. 290. 19GeageSand,Irdiaro,p.290.
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loi universelle, elle le fait réalistement. Ayant voisiné avec le malheLr et n'ayant pu le soulager, Indiana reconnaît l'impuissance de l'idéaL .. s'il n'est partagé par tout le monde. Aussi sa vision des choses la marginalise-t-elle. Trop égalitaire,
trqJ humaine, trop noole, elle cadre mal avec un univers où l'amour est regardé comme une non-valeur absolue.
Se
mouvant dans l'esclavage (lire le maiage), constatant les aventures galantes, et réalisant la suprématie de l'intérêt1l'héroïneest consciente du réel proposé. Elle refuse simplement de s'y soumettre. En rendant Indiana approchante d'une individualité capable d'assumer sa propre liberté, la romancière fait preuve d'avant-gardisme: l'idéaliste n'est plus
présenté comme devant céder fatalement devant un réel implacable, mais bien comme pouvant l'assujettir
à
ses propres valeurs. En lui soumettant celle del'amou~l, Indiana a ainsi prise sur une réalité insatisfaisante et pauvre d'absolu.
Alors que tous agissent par intérêt avec sa tante par exemple, Indiana se
conduit avec esprit de dévouement; son grand sens moral se vérifie jusque dans les soins qu'elle prodigue
à
un mari indigne. En venant l'exhausser, cescaractérisations nuancent la peinture idéaliste du personnage.
Le
rappat qu'elle entretient avec Raymon de Ramière montre bien qu'elle saitctrouver le terrain ferme de la réalité)22. Elle n'entre pas en amour aussitôt que le lovelace sedéclare. La naïveté qu'elle semblait afficher tombe d'un coup, lorsqu'elle exp-ime avec face sa conception de l'amour:
Je n'ai pas besoin d'hommages mais d'affection. Il faut m'aimer sans partage, sans retour, sans réserve; il faut être
prêt
à
me sacrifier tout (...)parce que je mettrai le même dévouement dans la balance et queie
la veuxé~ale. Vous voyez bien que vous ne pouvez pas mlaimer ainsi 3.21Sans doute l'exe"l'Ie de l'hérolÏ1e dansleMeuriercfIvlgibault esHI plus éloquent.
22SeranKierkegaad,LesŒwres de
r
amour, p. 15J.•
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Les valeurs prq:rement d:>latives, dont l'héroïne empreint le sentiment amoureux, jurent avec celles captatives du monde. L'affirmation de ces valeurs accentue d'autant plus le décalage énoncé entre le
self
et la société que celle-ci n'yentend rien. La prenant àla légère, elle tend à la considérer comme l'exp-ession d'une revendication toute sentimentale, niant ainsi l'élan émancipateur qu'elle recèle24. Mais la rupture n'est jamais aussi prégnante que lorsqu'elle q:pose le divin et l'humain. Sans pour cela faire de l'héroïne dans
Le
Meunier
d
Angibault
une illuminée(cMarcelle n'avait jamais été rêveuse ni mélancolique»25), l'amourqu'elle se rep-ésente comme un idéal divin informe étrangement de son regard réaliste sur les choses. Par exemple, Marcelle ne fixe pas son idéal sur un être fini comme le fait Indiana. Connaissant
trop
l'homme comme misérable, elle préfère le fixer sur l'Être même26. L'échange conversationnel où elle expose sesdoutes relatifs à l'avènement prochain de l'amour dans la société, montre par ailleurs que ce personnage pense réalistement l'idéal. NonOOstant ce réalisme, le rêve demeure pourtant incompris. Même après avoir entendu
l'éclaircissement de certains points nébuleux concernant la réalisation d'une utopie,
Rose
ne considère-t-elle pas Marcelle commecdérangée
»27?
Lorsqu'elle affirme courageusement son amour, Raymon ne regarde-t-il pas
24En ce qu'il abolirait le phénomène des dasses sociales pa le mariage d'indination, l'arTlOLf
possède assllément une puissarœ libératrice que craint legoupesocial: cce n'était pas la p'emière
foisqueRaymonvoyaitune femne p'endrel'amall ausérieux (...)het.reusement pax la société;mais il savait que les p'omesses d'OrTlOlrn'engagentpasl'homeLf, helleusement ercaepalliasociété .,
George Sand,IrdiorrJ,p. 148.
25George Sand, Le N'euriercfAngibou/t,p. 148.
20Enrepatant son désir d'aimerSlll'Amcuen l'horrme, Marcelle se gade de la déception des passions pllementhumaines: cÔmon Dieu!quevous êtesbond'avoir fait l'arTlOllde tous lesterrps
et irnma1elcommevous-même! ., Geage Sand,LeNeuriercfAngbault,p. 81.
• Indiana comme unecfolle
,.28?
Incorrpatible avec celle de la société, l'aspiration vers l'amour, si elle demeure irréalisée, peut conduire aurenoncement.
En
constatant combien l'argent décide des roppats humains, l'héroïne dansLe Ivbrquis
de
Villemer
renonceà
l'amour. Opheline, sans dot et soutien de famille, elle sait que ses chances de mariage sont minces. Sans arguer de sa capacité d'aimer (l'héroTne chez Gecrge Sand est toujoursd'intelligence avec l'amour), ce renoncement fait état de son indignation. Si elle est dépeinte comme n'ayantcaucun rêve d'amour dans la cervelle »29,Caroline possède un sens p-ofond de la justice que l'intérêt régnant vient heurter. Que la société acclame simplement un mariage parce qu'il cimente le lignage
aristocratique la révolte. Qu'elle encense la noblesse au détriment de la
véritable noblesse de cœur l'offense. Les valeurs qualitatives du
self
s'avèrent, ànouveau, inconciliables avec celles, quantitatives, de la société: ma vie de misère, de dévouement, de courage et de gaieté quand même, mon renoncement volontaireàtoutes les joies de la vie, ne seraient rien auprès de l'hérolsme d'une
Xaintrailles qui admet l'idée de se contenter de deux cent mille livres de rente pour épouser un homme accompli! Cest parce qu'elle est une Xaintrailles que son choix est sublime, et, parce que je ne suis qu'une Saint·Geneix, mon immolation est une chose vulgaire et obligatoire
!30.
Cest pourquoi, avant que de soumettre l'instance du réel
à
ses valeurs, l'hérolne doit, paradoxalement, être revenue de ses illusions. Ce n'est que dépouillée de2aGeageSand,trdiooo, p.217. QJe Raymon de Ramière qualifiesouventIndiana decfolle»
montreàquel point la société considère l'amoo comme un sentiment contraireàlaraison. Leiugement cruel qu'il pateSU'la fuite de l'hérOlÏ1e témoigne également de cette vision partiOJlière: cOù
avez-vous rêvez l'alTlOlf? dans quelromanàl'usage des femmes de charTère avez·vous étudié la société, je vous (:l'ie?»,GeageSand,trdiQoo,p.217.
'EJGeageSand, Le/Vbrcpis de Villemer,p.39.
DGeageSand, LelYbrqJisde Villemer, p. 115.
•
•
cette passion si prompte
à
déréaliser l'amour, qu'elle peut, avec intelligence, le pénétrer et qu'elle peut, avec volontarisme, l'amenerà
l'existence.DIRE L'AlvüUR, FPJRE ['AlvüUR: DE LA PAROLE SÈCHE
À
«['AGE INffl,6l»
Nul axe de signification autre que lecsavoir-dire:t,cecprocédé
d'accentuation indirecte du personnage»31, n'illustre combien l'amour appartient
à
l'âme raisonnante32• Que les déclarations précipitées, les aveux enflammésou encore les débordements enfiévrés soient pratiquement inexistants dans une tranche d'œuvre où l'amour domine pourtant ne devraient pas surp-endre : l'amour, avons-nous dit, procède par trop de la souveraine intelligence33pour que la vaine passion puisse prétendre restituer son essence par de belles paroles vite reniées. C'est pourquoi, la connaissant impétueuse, l'héroïne sait s'en
défendre en secpréserv(ant] de l'exaltation romanesque qui peut pousser (...)à
tout affirmer,
à
tout promettre)34. 1\n'est pas étonnant dans cet esp-it deconstater que lecscénario situationnel »de
10
déclaration d'amour est situétout à la fin des trois romans étudiés ici35. Rompant avec la tradition36, il
31Philippe Hamon,Texte etidéologie, p. 134.
:i2L'cbservation dont Urbain de Villemer fait partàson don Juan de &ère est révélatricesous ce
rappat: cVois·tu (...)les gens passionnés n'ont pas d'esp-it! Tu ne sais pas cela, toi, qui inspirais
l'engouementàpremière vue, et qui d'aillelJsnecherchaispasun amoLr exdusifpou'toute la vie.
Je
nesais direàune femme qu'un seul mot:i
'aime,et si ellenecomprendpasquetoute mon âme est dans ce mot là, je ne polfI"ai jamais en ajouter un autre ., George Sand,Le /V'arquis de VilJemer, p.110.33Lasatede crainte révérencielle qui p-ésideàla mention même decesentiment rend compte du
sensdu transcendantquel'héroïne et l'amant lui attribuent: cnousollioos trerrblé dedamerlenom
d'arneLfàcette affection • ; Geage Sand,Le/VeuriercfIvJgiboJlt, p. 111.
34Geage Sand,Le !v"euriercfAngiboult,p. 208.
3SParce qu'il déroge aux names de la conversation (manquement au p-incipe de sincérité,
manquement au p-incipe de coopération•..Jles échanges verbaux entre Raymon et Indiana ne peuvent
être considérés ici comme des déclarations d'afTlOLr véritables.
3bD'adinaire placée au début de l'histoire dans la plupat des romans du XIXe siècle,(d.Michèle
•
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consiste en l'épisode de la consécration de l'amour. .. par l'amour même. Jusqu'alas inconnu, jusqu'alas dénié, jusqu'alas pressenti à traversc l'émotion tendre~, l'amour peut finalement être affirmé par lec je vous aime» libérateur, car la déclaration n'est autre chose que la reconnaissance de l'amour. Indiana n'avoue jamais qu'elle aime Raymon, par exemple. Le discernement de l'amour d'avec le non-amour qu'elle met en perspective alors que le lovelace l'interroge sur son sentiment envers lui, montre combien l'amour semble absent de ce
rapport. La maîtrise parfaite du code langagier dont l'héroïne fait preuve en l'exposant, la face avec laquelle elle l'énonce, la grande connaissance du sentiment amoureux dont elle fait part
à
travers lui permettent d'évaluerpositivement un personnage qdune ingénuité apparente déconsidérait. Qu'elle exprime l'amour sur le registre de la raison surp-end par conséquent le lovelace qui voit son plan de sédudion échouer devant un sujet qui saitcraisonner sa résistance »37. Si prop-e à convainae38pourtant, la rhétaique du don Juan ne réussit pas à satisfaire à l'cbjectif: Raymon ne possédera jamais Indiana. L'échange dialogal s'avère ainsi voué
à
l'échec. Étant ce carrefour de voix, il oppose deux visions du monde (celle decl'esprit»à
celle duccœur»3~cette séquerœ constituechezGeage Sand,nonpas le développement de l'intrigue amolleuse(u un plannarrati~, ni un atifice de séduction(u unplan idéologique), mais plutôtsondénouement et l'exp-ession sentie d'un sentiment vrai arrivéàsa plénitude.
37Geage Sand,Irdioro,p. 200.
38Voiràce suietlucyM Schwartz, "Persuasion and Resistarœ: Human Relations in Geage Sand's
Navals: IrdioroandLélio",p. 70: "the function of dialogue in the novels of Geage Sand seems ta suggest that dialogues (...)serve as means of persuasion". ,Argumentatives et réadives, les visées illocutoires des ades de langage d'Indiana infamant différemment de la fascinatioo p-étendue qu'exercent les voines paroles de Raymon. L'incrédulité de l'héroTne re serrblequeFaireànouveau illusion.
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s'excluant l'un l'autre. Mais peut-être cet entrechoquement idéologique
se fait-il davantage sentir par le contraste qu'établit le narrateur entre le phraseur et le taciturne.
Bien qu'elle devrait rehausser son statut, le «savoir-dire» de Raymon de Romière disqualifie complètement le personnage de1'~inion40. L'éloquence amoureuse dont
il
sait crillamment faire usage le relève certes aux yeux du monde: elle le fait aisément passer pour un esp-it si supérieur, si raffiné, si sensible.AJ
regard de l'amour, cette verve le dessert cependant, ainsi que le souligne le narrateur: «un homme qui parle d'amour avecesp-it estmédiocrement amoureux.41. Éblouissante, elle ne constitue qu'un instrument
grâce auquel l'histrion peut exercer« l'art d'agrément.42qu'est l'amour, et ainsi «jou[er] la passion.43en donnant dans« l'improvisation dramatique.44.
Rabaissé au rang de comédie, le sentiment ne trouve pas dans la société
représentée d'intercesseur. Insincère45,spécieuse mais cependant acclamée, la rhétcrique du lovelace le travestitàsouhait. En dénonçantsonnon-sens
caractéristique, la romancière montre cormien elle se révèle impuissante
à
exprimer l'amour. Cest que l'action s'avère autrement propreàle rendre: participeràla souffrance d'autrui n'est-il pas son révélateur par excellence46?
Sèche par essence, la parole du mondain apparaît dénuée d'un logos qui rend4Jd.Philippe Hamon,Texte et idéologie,p. 137: cla tranche depaole elle-même (...)contribueà
rendreencaeplus arrbigu le persomagequi latient, dorccrée,pallielectar, un horizond'attente prcblêmatique: quel sera le destin narratif d'un tel personnage? Finira-t-ilcomme héros (positif),ou corrme héros (négatif)?:t.
41Geage Sand, Irdiaro, p. 83.
42GeageSand, Irdicro, p. 220.
4:lGeage Sand,IOOioro,p. 220. 44GeageSand, IOOicro,p. 205.
45Autrement éclatante, la vérité serrble coodarmer l'êtrequi la p-ofesse: cMalhelSàl'horrmequi
veut pater la franchise dans l'arnolS!il aISe lesertde Ralph:t1Geage Sand, Irdiaro, p. 251. AOVoir infra,p.26.
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celle lourde pourtant de Ralph Brown si puissante, car dans ce cas-ci c
la parole
est un acte; elle est l'acte initial ..47. La déclaration d'un être tacitLrne qui reçoit pourtant des qualifications qui le noircissent48(au regard de la name) surclasse ainsi celle d'un être disert, puisque son dire carespond à un faire49. Lesort malheureux (non-possession de l'amour) qui échoit à un personnage que tout avantageait, et le sort heureux (possession de l'amour) qui échoit à un personnage que tout défavorisait renverse du coup la tendance de départ : l'amour n'est pas du ressort du mondain. La valeur hiératique attribuée à son expression le distingue complètement du reste. Lecje vous aime" est si étroitement liéà
la reconnaissance de la présence du divin dans l'amour50qu'une face résurrectionnelle semble immanente à son énonciation même. L'aveu de Caroline de Saint·Geneix tire littéralement Urbain de la mat. Empreint d'une imagerie religieuse(c je crois en vous», cil me semble que le calice versé par vous me donnera une vie nouvelle:.51), il fait ressatir la parenté existant entre
l'éveilleur d'amour et la figure du Christ52,parenté qui situe clairement l'amour dans le domaine du sacré.
41Oictionraire des symboles,p. 733.
4SIgncrant des Sl.btilités de la langue d'usage, igncrant de l'éloquence et ignaant des délicatesses
de l'exp-ession, Ralph se trouve être maginalisé. Cequi est dû uniquementàson statut d'étranger (Ralph est Anglais) p-end des dil"rlemionsdel'ostracisme. Satacittmité d'aillellsincorrprise,lui vauten outre de passerpoLfun égoiste.
$JRalphn'ajamaiscesséd'aimer Indiana. Autrementcparlantes» que les paoles vides de Raymon,
ses actions (p-otedion, réconfat, ...)s'avèrent les véritables révélatrices de l'orTlOLf.
:Qd.GeageSand,laDoriella, p.316: cl'amo..r1Il n'aqu'unmot,j'aimet (...)Aimerest tout ;etce qu'ilya de divin et d'ineffcDle dans cet acte irrmotériel de l'union des âmes, rien œpeutl'exp-imer en plusou enmoins:t.
51Geage Sand,LeN'arqJisde Villemer,p. 229.
52Quele persomageetitre du/vbrqisde Vi/emerar:Paaissecexalté et ccmne transfigllé pa la
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Différente, la parole amoureuse dansLe fv1eunier
cl'
,Angiboult
est représentative de l'égalité que Geage Sand veut rétablir dans le couple. Malgré la fluidité du langage affectif exp-imé explicitement par Marcelle et Henri, les dialogues amoureux sont caractérisés par des échangesdidactiques53.
Ce
type de rappat dialogal implique une hiérarchisation du discours que semble inférerl'ade
illocutoire idéologique et politique d'HerTi. L'amour en soi ne suffit pasà
abolir l'inégalité discursive. La r:remière scène dialoguée s'ouvre d'ailleurs sur une ambigu·llé qui souligne justement cette différence: «Enfin 1... lui dit-elle (...)Enfin?
répéta Léma. N'est-ce pas déjà que vous vouliez dire?
~54. Ces crèves répliques ne sont que le premier signe qui annonce le quir:roquo et la mésintelligence des interlocuteurs. La finalité dialogale semble trouillée par la discadance des visées illocutoires de Marcelle (requête amoureuse) et d'Henri (vérification d'infamation). Cetéchange remplit une fonction de déclenchement d'action, car elle suscitera chez l'héroïne une volonté de changement propice aux utopies d'Henri, que l'on rencontre dans un passage relevant du monologue intérieur: «Vous avez raison et je vous comp-ends. Je ne suis pas digne de vous; mais je le deviendrai, car je le veux»55. le vide idéologique qu'entreprend de combler Marcelle tendra à niveler les positions discursives puisqu'elle parviendra
à
comprendre réellement et totalement la vision utopique d'Henri.a,
assiste alasà« l'évolution morale (...)de Marcelle, qui est la plus éloignée de l'idéal de la vie simple etlaborieuse au sein d'une société égalitaire.56. Cette quête d'une vie nouvelle est ponctuée par un deuxième dialogue amoureux dans lequel Henri note chez
53Voir SylvieOUTer,LeDialogue romanesque,p.137. 54GeageSand,LeN'euriercllvlgibault,p.30.
55GeageSand,LeNeurierclAngiOOJ/t,p,40.
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Marcelle une métamaphose certaine. Cette awd:>ation se voit dans des phrases exclamatives prononcées sur un ton élogieux. Mais c'est surtout au troisième dialogue amoureux, dans un ode interlocutifcapital, que Marcelle s'établit dans une position discursive égale
à
celle d'Herri, comme le confirme cette réplique: cVous me p-enez par mes p-opres utq:>ies, Marcelle»57.Relevant de l'échange dialectique581ce discours fortement politisé tente de
dissiper un doute: l'amour peut-il survivre aux sacrifices qu'impose la
concrétisation d'une utopie? L'énonciation s'aganise autour d'une dynamique idéologique par laquelle des actes de langage assertifs, évaluatifs et de demande, tentent de clarifier cette incertitude. L'échange dialogal s'amorce sur le thème de l'amour dans le couple, puis s'opère un glissement de sens vers le motif politique.
Ce
faisant, les interlocuteurs, appartenant désormaisà
la même sphère idéologique (l'emploi du tutoiement le signale), résolvent cetteprcblématique en p-ofessant l'idéal amoureux.
Par
l'utilisation anaphorique de l'énorcé perfamatifcAimons-nous»59, l'idéal se trouve renforcé. Toutefois, les appréhensions de l'héroTne que suscite sa conversion(cne m'abandonne pasàmon ignorance»,csauve-moi ne me laisse pas périr»~pourraient faire songerà la manifestation d'une angoisse paralysante qui mettrait en doute l'aduction de l'idéal. Significatives cependant d'une face morale qui pèse chacune des avenues de sa réalisation, elles représentent en fait le point d'accès
à
l'atteinte de la vérité, tel que le remarque Wendel! Md:lendon :For
Gecrge Sand's charaders, getting lost maybe a way of finding oneself, and thus awoyof assuring that57Geage Sand,leJv1euriercfIvJgbauJt, p. 208.
58O. SylvieDurer,LeDiol0gJ8 roroonesque,p. 158. ~Geage Sand,Le NeuriercllvJgbaJ/t,p.2.(1;.
• individuals, couples and
whole
societieshave
a chance ta find a path out of a p-esent day purgotory61.En qJpOSont la sincérité du
self
et l'insincérité de la société, la parole amoureuse chez Geage Sand permet ainsi de réévaluer les idéologies en présence. Tendantà faire fl"océder l'une, duVerbe
ou du logos, l'autre, de la verve, elle montreà quel point« les mots, l'expression et les inventions du langage peuvent être le signe de l'amour, mais un signe douteux ..62.L'ÉTAT NAJSS,ANT DE L'ANDUR: «L'INNAlvüRAJv1ENrO»
Connaître l'amour s'avère pratiquement impossible pour l'héroïne de chacun des trois romans étudiés ici. Marquée par des impedimenta qui circonscrivent une liberté si essentielleà l'amour, la situation du personnage féminin ne favaise guère sa venue. Mariée, l'héroïne danstrdiaf1Qse trouve emmurée dans une solitude qui la consume, par exemple. L'homme que la loi impose pour mari la révolte: en résistantà l'aimer, elle le renonce pour tel. Préférant s'abîmer dans la rêverie, elle se retranche de la vie. Mariée,I'hérolne dansLe !v1eunier
ci'
An9ibault
l'est tout autant. Déçue par son ménage, trompée, Marcelle est amenéeà vivre solitairement. Mère d'un enfant chétif, elle quitte le monde dans l'espoir de le guérir. Ces vies retirées sont ainsi peu propicesà
l'amour. Célibataire, ('héroïne dans
Le Ivbrquis
de
Villemer
devrait jouir d'une plus grande liberté. Certes, elle a d'entrée l'oppatunité inoùie de disposer entièrement d'elle~même: en ce qu'ilcexiger(ait] l'immolation de son âme et desa
personne
~63,Caroline refuse de contracter mariage uniquement pour adoucir61 Wendel! tv\c.Clendon, îhe language of loss in Gecrge Sand's Le Neurier d'Algiboult", p. 32.
62Seren Kierkegaard,LesŒtNresde romoor, p. 11.
63Geage Sand,LeNorq;;s de Villemer, p.46.
•
•
le sot des siens64• Mais lasque vient le temps de répondre
à
l'amoLf d'Urbain,elle en est incapable. Ayant tellement de p-ise sur elle, les usages, les codes, et les règles de la société empêchent un individucsans naissance~ de considérer amoureusement unc marquis». Dans cet esprit, ces destinées sont-elles
condamnées par avance
à
ne jamais recevoir l'amour? Non pas. Du domaine de l'événement,c la maladie» peut venir rompre le cours naturel des chosesainsi que le souligne Mireille Bessis: c[tloutes les fois que des rappats entre des personnes semblent fixés de façon inéluctable par les convenances sociales ou morales, la maladie permet àun ordre nouveau de s'établir)65. En naturalisant
l'entrée de l'autre dans la vie réglée du
self,
«l'incommodité) laisse l'amour s'introduire dans des existences qui semblaient dès l'abord y avoir renoncé. La blessure comme l'évanouissement de Raymon de Ramière, l'affliction d'HefTi Lémor, le malaise d'Urbain de Villemer poussent Indiana, Marcelle et Carolineà
sortir d'elles-mêmes. Le dévouement avec lequel elles prêtent secours au
prochain66informe de leur capacité d'aimer: le sacrifice de soi étant l'œuvre la plus éloquente de l'amour. Mais malgré ce révélateur manifeste, l'amour n'est pas pour autant. Égalisant les conditions, cle maladie
~
rawoche des êtres que la société séparait. La douleur d'Herri, par exemple, met un ouvrier en rappat avec une aristocrate. Elle favorise un lien qui ne se nouerait pas04Cerefus est positivement évalué par le narratar quicavoueun peu de partialitépoU"Caroline :.,
GeageSand, Le Norquis de Villemer, p. 1g:;.
0.5Mireille Bessis,cLa Maladiecarmeressat dramatique dans les romans de Geage Sand:., p.é03.
r:tJCetteséquerœaideàdégager le grand sentiment de responscbilité"lal'héro"lna. Commele
relève l'évaluation d'Indiana ou de Morcelle, le sauvetage est affaire de macle: c[clet hoome n'a
pas l'aird'un volelS et mérite peut"être des soins; et,lasmêmequ'iln'en mériteraitpas, notre devoirà nous autres ferrrnes,estde lui enaccaderlt,Geage Sand,Irrliora,p.64 ;cle devoir d'assister et de
• autrement. C'est que chez Geage Sand, le malheur apparaît comme le
réveilleur de l'amoLr. L'intervention urgente du
self
dans la souffrance de l'autre qu'il réclame ramène le rappat humainà
l'essentiel: toutes les passions cèdent pour faire placeà
la véritable charité. Elle instruit ainsi de la vérité: l'insincérité des sentiments ne se rencontre pas dans la souffrance partagée. Le lien p'0fond d'amitié qu'elle va venir créer va projeter le rapport dans un devenir voisin de ce que Francesco Alberoni appelle«l'innamaamento »:Les mots italiens
innamorarsi, innomoramento
donnent l'idée d'un processus. En français (...)les expressions utilisées soulignent plutôt l'aspect instantanné, le coup de foudre, le changement soudain (...). Le fait de s'enamourer,l'innomoramento
est un processus67.Relevant l'aspect moderne de la symbolique de l'amour chez Geage Sand,
«l'innamcramento>> instaure une durée grâceàlaquelle le« choc» amoureux,
résultant de la rencontre d'antagonismes, peut se résaber. Aussi, en signalant, par exemple, le décalage existant entre la grande intelligence de l'héroïne du
Ivbrquis de Villemer,
décrite cependant comme non-famée, et celle dupersonnage-titre (envisagé ici en qualité de «bien souhaité» latent) définie comme« d'un génie très sain »68, la narration focalise-t-elle non pas sur le
caractère infranchissable de ce fossé, mais bien sur la voie de la méditation qui le résorbe. Cette voie opère une transfamation significative chez Caroline, car en plus de contribuer à régénérer sa pensée au point de l'ennoblir, elle tend
à
la rendre digne de celle d'Urbain. Cette confamité des intellects, et parconséquent celle des âmes, ne saurait toutefois se réaliser sans l'intervention O7lTanœscoAlberoni,cL'Amot.r àl'état naissant comme figLre et mouvement.,p.276.
.~Geage Sand,LeNarq-lisde Villemer,p. 140; d. aussil'évaluationd''Urbain par Caroline: cce
n'est pas seulement un homme instruit,éestun puits de scierœ:t, ou ercae,Cson e5FXit,quiesttrès
OJltivé ettrès élevé.,ibid., p. 49.
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ultime d'Urbain car l'influence famatrice du marquis, qui se révèle las des tête
à
tête studieux, c'est-à-dire las de la séquence de resserrement affectif,(consécutive directeàl'épisode decmaladie»),vise
à
parfaire le mÛ'issement intellectuel de l'héroïne de façonà
ce que celle-ci puisse enfin accéder à l'esprit transcendant d'Urbain. Seulement, cette métamaphose ne s'avère accomplie qu'au moment où l'héroïne, pétrie des iustes idées du marquis, a~araît comme ne faisant qu'un avec lui: cSiM.
de Villemer eût été là, il m'eût dit. .. »t:f;.Symptomatique de
10
fusion des esprits, cette réflexion, qui rend compte en outre d'un aspect de l'androgynie, marque, en la justifiant, l'alliance inévitable entre ces persomages.En ce qu'ellea~lIe l'adion, lecscénario situationnel »de la défaillance permet aussi de mettre en lumière lecsavoir-faire»70de l'héroïne. Devant la présence inopinée d'un Raymon de Ramière évanoui, Indiana réagitcavec un sang-froid et une face morale dont personne ne l'eût crue capable»71.
Maîtresse de la situation, ellecexamin(e] attentivement le pouls et les artères du cou»72 du blessé. Rehaussant l'aptitudeàsecourir le voisin, l'ade volontaire d'humanité d'un personnage qui serrblait, au départ, faible, maling-e et veule, déjoue les attentes. L'évaluation du narrateur, qui le singularise tout de
bon,
permet d'arguer de sa gandeur d'âme. Plus fraHJante, celle relativeà
l'adion bienfaisante de l'héro·lne duIvbrquis
de
Villemer
rend Caroline approchante~GeageSand,LeIvbrqis de Villemer,p.202.
70Cf. Philippe Hamon,Texteetidéologe,p. 172: cLa positivitéoula négativité d'un travail, d'un
savoir-faire, le fait de le considérer seloosesrésultats ouselonsacmanière .,perrretrétroadivement
d'investir d'un corrvTIentairemoralle persomage •. L'éthique de l'héroïneserévèle dairementàtravers sonaction thérapeutique; voir SUfXa,p.25,ennotetiJ.
71Geage Sand, Irdiom, p.64.
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d1une façon de salvatrice. Regardée comme Ilartisane du rétablissemenr3de la santé d'Urbain(cc'est vous qui l'avez sauvé»74),Caroline passe pour un
cange'1;75. Ces gloses laudatives donnent
à
lire l'attachement commel'expression du salut. En demeurant près dlHetTi pendant sa pénible épreuve, Marcelle nleut-elle pascla joie de Ilavoir rendu àla vie»76? Cbservable dans plusieurs éclairages qui attestent
de
la cohérerœ interne des œuvres deGeorge Sand, cette puissance résurrectionnelle inhérente
à
l'amour projette ainsi le sentiment dans une sphère idéologique quiécha~ fatalement au monde. La critique du colonel Delmae (cEt cette femme qui le soigne et qui fait semblant de ne le pas connaître ~Ah
l comme la ruse est inné chez ces êtres-là...»77) le montre, au reste, assezbien. Plutôt que de susciter del'admiration chez son mari, l'attention désintéressée qu1lndiana pate
à
Raymon éveille des soupçons.De
même, l'assistance prolongée de Marcelle aup-ès de Lémor peut apparaître comme un scandale aux yeux du monde. Mariée, mère, vivant retirée près d'un étranger qu'elle console, Marcelle n'est pasàIlmi de l'inimitié: cOn
en iasa pourtant peut-être un peu chez les indigènes deMontmorency»78.
Il est remarquable, dans cette perpective, de constater
à
quel point le monde méjuge totalement la bienveillance g-atuite que manifeste l'héroïne de chacun des romans étudiés ici. Cela rend compte du caractère inconciliable de73Rétablissement considéré au demellant carmecun mirade:t,Geage Sand,LeNorqis de
V;Jfemer,p. 135.
74GeageSand,LeNorq.;isde Vil/emer,p.135.
75GeorgeSand, Le Iv'orq.;isdeVil/emer,p. 137. 76GeorgeSand,LeMeurierclMgbault, p. 111.
TlGeageSand,trdiorr:J,p. 69.
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deux entités, celle du
self
et celle de la société, ou, pour mieux dire, celle de l'amour et celle du non-amour, aux vues antagoniques; l'une agit par charité, l'autre par intérêt.SUBVERSrvEfv1ENT, L'NvüUR
Puisqu'il n'est pas d'amour dans le social des frois romans étudiés ici, il n'est fatalement pas d'amour dans le mariage79. Celui d'Indiana, de Marcelle ou celui qu'entend projeter la marquise de Villemer sont représentatifs de
l'absence totale de sentiments d'une union si étroitement associéeà l'idée du bonheur. \1 n'est pas étonnant dans cette perspective que le mariage d'intérêt dispose l'épouse
à
rechercher l'amour ailleursso. Cette évasion hors les murs de la fidélité, de l'OOéissance, de l'honneur, ... noircirait à première vue l'héroïne. Sous l'angle ducsavoir-vivre), c'est-à-dire decl'évaluation des conduites socialisées)81,cette évasion la ferait d'emblée passer pour une adultère, uneinsoumise, une femme déchue.
0-
il
n'en est rien. Donné plutôtà
lire comme l'exp-ession d'un"struggle against the strudure
of
the
world'82, ce manquementà
la norme conjugale tendà
faire passer l'héroïne pour un esp-itfat.
Fidèle au modèle de l'époque, le mariage dansIrdiaoone parvient pasà
réduire la'7QPrise en charge par ungroupesocial soucieux de trouver davantage son p'q:te corrpte que celui de la p-ircipale intéressée, la destinée coojugale de la femme, qui lui échoit fatalement etquiscelle inévitablementsonmalhelJ', est contrôlée de façonà asseoir le pouvoir d'une caste, d'une autaité(d. le mariage d'Indiana ou de Laure de Nangyquirehausse le p-estige du mari, et celui de Marcelle qui consolide le lignage aristocratique). la nmation montre cependantquel'aganisatioo sociale se trouve irrmanquablement remise en cause, du moment que cette destinée est remise entre les mains de l'individu et qu'elleestguidéepal'OrTlOll.
80Enévoquant Balzac, Simone de Beauvoir remaquequeccette institution [le mariage] d'où l'arTlOll
estexdu conduit nécessairement la femneàl'adultère»,Ledeuxième sexe,p. 191.
81Philippe Hamon,Texteet idéc/oge,p. 185.
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liberté. S'il peut déposséder le féminin de toutes ses richesses83,il ne peut
prétendre à son vouloir:
Je sais que je suis l'esclave et vous le seigneur. La loi de ce pays vous a fait mon maître. Vous pouvez lier mon caps, garrotter mes mains, gouverner mes adions. Vous avez le droit du plus fort, et la société vous le confirme; mais sur ma volonté, monsieur, vous ne pouvez rien84.
Cette réplique célèb'e informe du sens profond des réalités qu'a une héroïne qui n'a cessé de s'affirmer derrière une a~arente sentimentalité mièvre.
En
venant ériger un tel personnage au rang des mal-pensants, elle fait état des idéologies en présence: celle du pouvoir et celle du contre-pouvoir, contre-pouvoir que l'amour suscite. La fuite d'Indiana, qui devrait être considérée comme un manquement à la name conjugale, devient, dans cet esprit, OOservance de l'anlour. Cbservarce subversive pourtant. En tant que force émancipatrice présidant aux ades de l'individu, l'amour constitue la seule arme capable de régénérer un monde dominé par l'intérêt, d'où les sentiments sont exclus, et dans lequel la femme ne rep-ésente qu'un pion sur l'échiquier. La simple incbservance d'un des codes de la société (l'honneur, par exemple) étranle d'errblée tout l'ordre établi transposé, en ce qu'elle contribueà
mettre sens dessus dessous le rôle des sexes. Les règles de l'honneur, façonnant la manière d'agir de lafemme
à
l'image de l'oie blanche, sont enfreintes ici par l'héroïne qui par sa fuite hors du mariage est décrite adoptant un compatement dit viril, compatement plutôt conformeà
ce que les règles exigent de l'homme. C'est justement cette83Cf. Karen Tabet,laThématique du mariage dansUne viede !VbJfX1ssontetMaup'atdeGeorge Sard, p. 3etfX1ssim.: cCedernier[l'époux] par exerrple gère lesbi~de sonépouse. Eneffet en se
mariantcelle-ci perdla fOOJlté d'administrer sa fatune quidès lasoppatientàsonmai:t.
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interversion d'attitudes qui suscite tant de remous8Spuisque, n'étant plus montrée dans l'expectative, mais plutôt comme s'engageant avec ardeur et audace dans les voies parfois sinueuses de l'amour, l'héro'lne amoureuse menace la structure sociale donnée, en particulier celle qui régit la destinée conjugale du personnage féminin86.
L'INSURREOION DE rAlvOUR: lA
FOUE D,ANS LE /v1EUNIER a ,AJ\JGIBPULT
.Af:paraissant se réclamer d'une "superia sanitytl87 (., ,)"achieved only
through the experience ofrecognizing the general illness of societytl88,
10
folie dansLe
fv1eunier
cl'
Angibault
met en jour la quantificationà
laquelle fait face un monde dominé par les valeurs d'un social bourgeois, totalement indifférent aux sentiments, Incarné par Nicolas-Étienne Bricolin etcThibaude:t, ce politique n'entend des choses que ce qu'elles peuvent lui rappater ; des relations, que ce qu'il peut en retirer89; des individus, que leur fordion socio-économique. Le meunier, l'ouvrier de ferme ou le vacher n'ont en ce sens de valeur que dans la mesure où ils servent son seul intérêt. La relation avec la famille est également95d.pa exerrple la réaction deRaymonàla vie qu'Indiana vient lui dorœr b-avement en offrande:
cne vois-tu pas quetum'irrposes le déshomet.r en te réservant l'hérO"ISrne (...)? .,Geage Sand,
Irdiam,p.218.
aoVo~àcet effet, infra, p. 56et passim.
Si'R.D.Loing,cté inBarbara HillRigney,Ncdness ard Sexuo/ Polmes intheFemirist Novel,p. 8.
asBabao Hill Rigney,M:r1ress ard Sexua/ Polities intheFemirtst Novel,p. 8.
BQ Ence qu'il réussitàmontrer corrDien un père aveuglépa l'avidité des richesses p-end davantage
en considération lesatde son capitalquelesatde sa p-q:re fille, le maché que Macellep-opose àBricolinàdessein d'oSSLfer lebonhwde Rose estfatrévélatetràcet égad.
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envisagée dans l'optique de ce matérialisme utilitaire: la fille n'est considérée qu'en fonction de sa valel! d'échange, nommément dans le mariage.
Améliaera-t-elle la position de ce politique? Saura-t-elle lui faire p-ofiter de ce qu'on appelle le« gain· de l'alliance?
Ou,
au contraire, drainera-t-elle son patrimoine vers les classes dites inférieures si elle se mésallie? Le vouloir du féminin compte ainsi pour rien dans la résolution d'une question qui le touche pourtant de p-ès. Que le mariage fasse ou non le bonheur de la fille n'entre aucunement dans un consentement que la cupidité seule motive: procurera-t-il ou non une plus-value sociale? Dans l'esp-it d'une telle idéologie, l'opposition que les Bricolin mettent au mariage de Louise passe pour une réaffirmation de la souveraineté de l'intérêt. Mais la résignation, au-devant de laquelle la Bricoline devrait aller, se transforme rapidement en révolte. Prenant les dimensions de l'aliénation, elle va paradoxalement venir «authentifier un discours que la raison taxerait de délirant.CiO. Aussi la folie née« d'une amour contrariée»91aide-t-elle
à
saisir l'implication destructive de la négation duself
sous-jacenteà
ce refus, en le donnant
à
lire comme l'expression d'un non liberticide. Ladésexualisation et la déshumanisation, qui en sont les révélatrices, mènent l'être
à
la totale désintégration. Jadis dotée d'une identité personnelle, Louise Bricolin appartient désormais à ces «figures (...)qui n'ont pas plus d'âge que desexe.'12. Dépossédé de sa féminité, son propre caps lui est devenu étranger.
T
ornbant sur son visage décharné, la chevelure en désadre et emmêléeq:p-esse. Squelettiques, les mains refusent·auxsimples tâches. Rebelle, le caps rejette le vêtement. Les haillons, dont il ne veut être dépouillé, confirment sa dégénérescence. Si étroitement liés
à
l'exp-ession de la personnalité, ils~Maie-Paule Rarrbeau,«Maladie mentale et folie dans l'œuvre de Geage Sand», p. 537. QIGeageSand,leN'eurierclAngbcv/t,p. 100.