médecine/sciences
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ESSAIS CLINIQUES
m/s hors série n° 1, vol. 33, novembre 2017 DOI : 10.1051/medsci/201733s111
médecine/sciences 2017 ; 33 (hors série n° 1) : 55-6
L’acide sialique ayant une demi-vie très courte, le laboratoire Ultragenyx en a développé une forme retard, objet en 2012 d’un essai clinique de phase II contre placebo sur 47 patients, aux États-Unis et en Israël. Deux dosages (3 et 6 g/jour) ont été testés, avec une amélioration significative du score composite des membres supérieurs (upper extremity composite ou UEC score) [6], des résultats suffisants pour initier en 2015 un essai international de phase III. Randomisé, et en double aveugle, il a porté sur l’administration per os de 6 g par jour d’acide sialique retard ou d’un placebo à 89 patients capables de mar-cher 200 mètres ou plus au test des six minutes de marche. Le critère de jugement primaire était identique à celui de la phase II : l’amélio-ration de la force aux membres supérieurs (UEC score). Les critères secondaires consistaient en l’amélioration de la force musculaire aux membres inférieurs et d’un score spécifique développé par Ultragenyx (GNE myopathy functional activity scale ou GNEM-FAS). Les résultats ont été annoncés par un communiqué de presse du laboratoire amé-ricain en date du 22 août 20171. Sur les critères primaires comme les critères secondaires, il n’existe aucune différence significative entre le groupe de patients traités par l’acide sialique et le groupe placebo. Ultragenyx a arrêté le développement de la molécule.
Agir en amont
Mais d’autres approches thérapeutiques sont d’ores et déjà explorées, à commencer par l’utilisation du ManNAc (N-acétylmannosamine), un précurseur de l’acide sialique en cours de développement. Lors d’un
1 Ultragenyx Announces Top-Line Results from Phase 3 Study of Ace-ER in GNE Myopathy, consultable sur
http://www.ultragenyx.com L’appellation unique de myopathie GNE fait désormais
consensus [1]. Elle recouvre celles de myopathie distale de type Nonaka, de myopathie épargnant le quadri-ceps, de myopathie à inclusions autosomique récessive (hIBM) et de myopathie distale à vacuoles bordées. Décrite pour la première fois en 1981, cette maladie autosomique récessive résulte de mutations du gène GNE. Situé sur le chromosome 9, il code l’UDP-N-acé-tylglucosamine-2-épimérase/N-acétylmannosamine kinase. Cette protéine exerce deux activités enzyma-tiques (épimérase et kinase) sur la voie de synthèse endogène de l’acide sialique, ou acide N-acétylneu-raminique. La mutation du gène GNE entraîne une réduction de 30 à 60 % du taux d’acide sialique dans les muscles atteints [2]. Le constat de cette hyposia-lylation, même si son rôle pathogénique exact reste mal connu, a légitimé l’essai d’un traitement substitutif.
Une idée séduisante mais des résultats
décevants
L’apport d’acide sialique chez l’animal (souris trans-géniques) avait des effets prometteurs [3, 4]. Chez l’homme, l’administration intraveineuse d’immunoglo-bulines, dont la concentration en acide sialique atteint 8 μmoles/g, a été évaluée dès 2005 chez quatre patients porteurs d’une myopathie GNE [5]. Leur amélioration clinique ne s’est pas accompagnée de modifications histologiques en faveur d’une augmentation de la sia-lylation musculaire. Néanmoins, cette étude à faible effectif n’était pas contrôlée et surtout s’appuyait, pour évaluer l’efficacité, sur la mesure de la force du quadriceps. Or ce muscle est quasi constamment épar-gné dans la myopathie GNE.
1AFM-Téléthon, Évry, France. 2Centre de Référence de
Pathologie Neuromusculaire Paris-Est, Institut de Myologie, GH Pitié-Salpêtrière, Paris, France.
3Centres de référence des
maladies neuromusculaires et SLA, CHU La Timone, Marseille, France.
4Pôle Neurosciences Cliniques,
Aix-Marseille Université, France. smarion@afm-telethon.fr
Myopathie GNE :
L’échec avéré de l’acide
sialique… et après ?
Sylvie Marion1, Anthony Béhin2,
Shahram Attarian3,4
>
Malgré un essai de phase II prometteur, l’acide
sialique à libération prolongée n’a pas confirmé
son efficacité sur une plus large population de
patients. Une déception certaine, mais d’autres
pistes thérapeutiques restent ouvertes comme
évoqué lors des 23
eJournées Neuromusculaires à
Marseille les 6 et 7 septembre derniers.
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nismes secondaires potentiels par l’observation du profil protéo-mique des biopsies musculaires de patients atteints d’une myopa-thie GNE [10]. Elle a ainsi identifié des variations dans l’expression de nombreuses protéines, impliquées dans des mécanismes cellulaires aussi divers que l’organisation du cytosquelette et le fonctionnement énergétique, avec des anomalies mitochondriales. ‡
GNE myopathy: proven failure of sialic acid supplementation… what’s next?
LIENS D’INTÉRÊT
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les don- nées publiées dans cet article.
RÉFÉRENCES
1. Huizing M, Carrillo-Carrasco N, Malicdan MC, et al. GNE myopathy: new name
and new mutation nomenclature. Neuromuscul Disord 2014 ; 24 : 387-9.
2. Urtizberea JA, Béhin A. Myopathie GNE. Les Cahiers de Myologie 2015 ; 31 :
20-7.
3. Malicdan MC, Noguchi S, Nonaka I, et al. A Gne knockout mouse expressing
human GNE D176V mutation develops features similar to distal myopathy with rimmed vacuoles or hereditary inclusion body myopathy. Hum Mol
Genet 2007 ; 16 : 2669-82.
4. Malicdan MC, Noguchi S, Nishino I. A preclinical trial of sialic acid
metabolites on distal myopathy with rimmed vacuoles/hereditary inclusion body myopathy, a sugar-deficient myopathy: a review. Ther Adv Neurol
Disord 2010 ; 3 : 127-35.
5. Sparks S, Rakocevic G, Joe G, et al. Intravenous immune globulin in
hereditary inclusion body myopathy: a pilot study. BMC Neurol 2007 ; 7 : 3.
6. Argov Z, Caraco Y, Lau H, et al. Aceneuramic acid extended release
administration maintains upper limb muscle strength in a 48-week study of subjects with GNE myopathy: results from a phase 2, randomized, controlled study. J Neuromuscul Dis 2016 ; 3 : 49-66.
7. Xu X, Wang AQ, Latham LL, et al. Safety, pharmacokinetics and sialic acid
production after oral administration of N-acetylmannosamine (ManNAc) to subjects with GNE myopathy. Mol Genet Metab 2017 ; 122 : 126-34.
8. Mitrani-Rosenbaum S, Yakovlev L, Becker Cohen M, et al. Sustained
expression and safety of human GNE in normal mice after gene transfer based on AAV8 systemic delivery. Neuromuscul Disord 2012 ; 22 : 1015-24.
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single patient response to intravenous dosing of GNE gene lipoplex. Hum
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10. Sela I, Milman Krentsis I, Shlomai Z, et al. The proteomic profile of
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essai clinique de phase I, randomisé en double aveugle contre placebo
[7], l’administration d’une dose unique de 3, 6 ou 10 g de ManNAc a entraîné une augmentation de sa concentration sanguine et une production d’acide sialique. Ce précurseur a donc été utilisé par la cellule. Un essai clinique de phase II est en cours au National Insti-tutes of Health Clinical Center (Bethesda, États-Unis). Il porte sur une administration orale biquotidienne de 6 g de ManNAc chez 12 patients atteints d’une myopathie GNE. Les premiers résultats, à 12 mois, ont été présentés l’an passé. Ils sont plutôt favorables avec un impact sur la force musculaire jugé significatif par les auteurs, mais qui reste à confirmer par un essai randomisé sur davantage de patients. Certaines souris ayant développé des tumeurs sous ManNAc, des solides essais de tumorigenèse sont également nécessaires avant d’envisager une utilisation au long cours chez des patients jeunes.
Au-delà de la sialylation
Comme de nombreuses maladies neuromusculaires, la myopathie GNE fait aussi l’objet d’essais de thérapie génique, pour l’heure au stade préclinique. Chez la souris, l’injection d’un virus adéno-associé (adeno-associated virus ou AAV) apportant le gène GNE humain per-met une expression durable et sûre de la protéine, et pas seulement dans le muscle injecté [8]. À noter qu’une approche par lipoplex, qui consiste à associer le gène à un liposome, a été testée en 2011 chez une patiente, avec une efficacité probable (expression du gène) mais des effets secondaires non négligeables [9]. De nouvelles pistes théra-peutiques pourraient émerger très bientôt grâce à la recherche fonda-mentale, clé d’une meilleure connaissance des processus pathogènes de la maladie. Le stress oxydatif pourrait en faire partie, qui apparaît de façon précoce. Une équipe israélienne a mis au jour d’autres
méca-TIRÉS À PART
S. Marion
Figure 1. Voie de biosynthèse de l’acide sialique.
Myopathie GNE
GNE GNE
Glucose UDP-GIcNAc ManNAc ManNAc-6-P
Cytoplasme NeuAc-9-P Neu5Ac (Acide sialique) CMP-Neu5Ac Noyau Appareil de Golgi Glycoprotéines sialylées Glycoprotéines CMP-Neu5Ac HS_Novembre_2017.indd 56 HS_Novembre_2017.indd 56 02/11/2017 14:25:3702/11/2017 14:25:37