HAL Id: dumas-01533500
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région Sud-Pacifique du Costa-Rica et leurs enjeux
socio-économico-environnementaux
Milo Villain
To cite this version:
Milo Villain. Regards locaux sur la filière d’huile de palme costaricaine : les plantations de palmiers à huile dans la région Sud-Pacifique du Costa-Rica et leurs enjeux socio-économico-environnementaux. Sociologie. 2016. �dumas-01533500�
Département de Géographie-Aménagement
UMR 5319 – Passages CNRS/UPPA
Milo VILLAIN
Sous la direction de Jean-Baptiste MAUDET et Francis JAUREGUIBERRY
REGARDS LOCAUX
SUR LA FILIERE D'HUILE DE PALME COSTARICAINE
LES PLANTATIONS DE PALMIERS A HUILE DANS LA REGION SUD-PACIFIQUE DU COSTA RICA ET LEURS ENJEUX SOCIO-ECONOMICO-ENVIRONNEMENTAUX
Année universitaire 2015-2016
Master 2
Géographie – Aménagement – Sociologie
Spécialité « Développement durable, Aménagement, Société, Territoire » (DAST)
Milo Villain© 04/2016Milo Villain© 04/2016
MEMOIRE DE MASTER 2
Université de Pau et des Pays de l’Adour
Département de Géographie-Aménagement
UMR 5319 – Passages CNRS/UPPA
3
Milo VILLAIN
Sous la direction de Jean-Baptiste MAUDET et Francis JAUREGUIBERRY
REGARDS LOCAUX
SUR LA FILIERE D'HUILE DE PALME COSTARICAINE
LES PLANTATIONS DE PALMIERS A HUILE DANS LA REGION SUD-PACIFIQUE DU COSTA RICA ET LEURS ENJEUX SOCIO-ECONOMICO-ENVIRONNEMENTAUX
Année universitaire 2015-2016
Master 2
Géographie – Aménagement – Sociologie
Stage de 3 mois (du 28/03/2016 au 26/06/2016)
Structure d’accueil du stage et nom du service :
ASCONA (Asociación de Servicio Comunitario Nacional y Ambiental)
Adresse :
81-8203, Puerto Jiménez, Golfito, 60702, Costa Rica.
Maître du stage :
Mme. Ifigenia GARITA CANET, Directrice ASCONA
Tél : (00 506) 2735-5848
REMERCIEMENTS SINCÈRES À
L’équipe pédagogique et administrative de l'Université de Pau et des Pays de l'Adour, tout
comme du Laboratoire UMR 5319 – Passages CNRS/UPPA, pour former et accompagner le
développement des étudiants en France et à l'international, et en particulier aux directeurs de ce
mémoire, M. Jean-Baptiste Maudet et M. Francis Jauréguiberry pour leur attention dévouée, leurs
exemples et leurs conseils de qualité.
Toutes les institutions académiques, à leur personnel et étudiants ayant semé des graines de
conscience et de critique dans l'esprit de l'auteur, spécialement à l’IUT Montesquieu Université
Bordeaux IV, au Lycée Nicolas Brémontier (Bordeaux), à l'Université Michel De Montaigne
(Bordeaux III), ainsi qu'au Lycée St Jacques de Compostelle (Dax).
L’Éducation Nationale pour nous permettre d’acquérir des connaissances tout au long de notre
scolarité et qui soutient également notre mobilité.
La Région Aquitaine pour contribuer à l'inter-culturalité professionnelle de notre génération.
La générosité du programme de bourses Aquimob pour son soutient considérable et sa grande
contribution au montage de projets universitaires et professionnels hors du communs.
L'ONG ASCONA pour s'être offerte comme structure d'accueil, d'avoir servi de ciment
inter-culturel et communautaire à l'étudiant, tout comme de lien vers la famille hôte d'agriculteurs
costaricains. Les remerciements du stagiaire s'adressent tout particulièrement à Mme.
IfigeniaGarita Canet pour son dévouement continu, ainsi qu'à Mlle. Coline Billand pour son
accompagnement intellectuel, et surtout à la Famille Quiros Vivas de Rancho Raíces (German,
Rosy, Steven, Josué, Glenda et Jafet), pour avoir hébergé, alimenté, protégé, enseigné et
transformé le stagiaire pendant toute la durée du stage.
L’ensemble des femmes et des hommes qui s'est investi pour que cette expérience naisse et
progresse, ainsi qu'à la nature dans son ensemble pour son inconditionnelle clémence…
AVANT-PROPOS
"L'humain est un être géographique, car il transforme les lieux pour les habiter, et ces
transformations ont à leur tour des répercussions sur l'Homme. Ainsi l'espace géographique serait
la résultante de l'interaction entre l'homme et son milieu, et donc la biosphère. Cet espace
géographique se voit donc définit par l'histoire des différentes sociétés, à travers la somme des
relations socioéconomiques et culturelles" (Sack, 1997) cité par Samuel Depraz (DEPRAZ, 2008).
C'est notamment à travers cette "somme des relations socioéconomiques et culturelles", et les
interactions environnementales entre les peuples et leur territoire, que le travail présenté ci-après
prend sens. En effet, il se veut un rendu le plus neutre possible, d'une infime partie des
représentations actuelles qu'entretiennent certains acteurs territoriaux vis-à-vis des plantations de
palmiers à huile dans la région sud-pacifique du Costa Rica. La plus-value de ce stage tient
principalement des apports discursifs recueillis pendant une phase d'enquête par entretiens
semis-directifs effectuée auprès d'institutions, d'organisations sociales et écologistes, de coopératives et
de familles de petits producteurs locaux entre avril et mai 2016. Contre les préjugés globaux
stigmatisant les conséquences socio-environnementales de l'huile de palme, particulièrement au
regard des conséquences écologiques induites par les grandes monocultures asiatiques, il s'agit
dans cet exemple concret de voir comment s'articule des modes de productions de palmiers à huile
différents, et de cerner quels sont les bénéfices sociaux, économiques et environnementaux d'après
les personnes qui en vivent.
Afin de mieux saisir les enjeux liés à la production de cette commodité
1, il semble nécessaire
de comprendre comment sa filière locale s'insère dans un marché international ultralibéral, avec
des industriels et des consommateurs aux stratégies, aux attentes et aux représentations très
diverses et variées.
1 Le terme de "commodité" est emprunté au vocabulaire du commerce international et renvoie ici au produit de l'huile de palme, qui à l'instar du café ou du cacao, représente une des principales denrées alimentaires cotées en bourse et échangées à l'échelle globale.
LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS
ASCONA : Asociación de Servicio Comunitario Nacional y Ambiental
BPA : Buenas Prácticas agrícolas.
CANAPALMA : Cámara Nacional de Productores de Palma
CSPO : CertificatedSustainable Palm Oil
INEC : Instituto Nacional de Estadísticas de Costa Rica
INDER : Instituto Nacional de Desarrollo Rural
INOGO : Iniciativa Osa y Golfito
MAG : Ministerio de Agricultura y Ganadería
MINAE : Ministerio del Ambiente y de la Energía
MTSS : Ministerio de Trabajo y Seguridad Social
ONG : Organisation non-gouvernementale
Osa : Péninsule de Osa
"Palmier africain" : traduction du jargon du secteur palmiste "palma africana", comme
appellation générique du palmier à huile (indépendamment de la variété)
PN : Parque National
RF : ReservaForestal
RSPO : Roundtable on Sustainable Palm Oil
UFCo : United Fruit Company
UTG : Unión de trabajadores de Golfito
WWF : World Wildlife Foundation
SOMMAIRE
INTRODUCTION ... 9
PARTIE 1 : UN AGENCEMENT DE LOGIQUES, DE POLITIQUES ET DE PRATIQUES DIVERGENTES ... 16
1.1L'ACCESSIBILITE INEGALE AUX MARCHES, DU GLOBAL AU LOCAL ... 16
1.1.1 Une commodité vouée à différents marchés ... 16
1.1.2 Les producteurs Centroaméricains face à un marché Monde ... 19
1.2UNE FILIERE COSTARICAINE INEGALE ... 23
1.2.1 La production monopolistique contrainte à concurrence ... 23
1.2.2 Des plantations intensives revisitées ... 30
PARTIE 2 : UNE REMISE EN QUESTION GENERALE VERS UNE DURABILITE CONSENSUELLE ... 36
2.1LES PLANTATIONS DE PALMIERS A HUILE POUR LA BIODIVERSITE ? ... 36
2.1.1 Discours alarmistes, situations douteuses et réalités territoriales ... 36
2.1.2 Des efforts généraux en réponse aux critiques ... 40
2.2LES DEFIS DE DURABILITE DE LA FILIERE LOCALE ... 43
2.2.1 Une conjoncture générale difficile : "c'est la crise" ! ... 43
2.2.2 Les alternatives vertueuses ... 46
CONCLUSION ... 51
BIBLIOGRAPHIE ... 55
SITOGRAPHIE ... 57
TABLE DES ILLUSTRATIONS ... 58
TABLE DES ANNEXES ... 59
ANNEXES ... 61
TABLE DES MATIERES ... 137
DECLARATION ANTI-PLAGIAT ... 138
RESUMÉ : ... 141
INTRODUCTION
L'HUILE DE PALME : UN MARCHE INTERNATIONAL TRES CONTROVERSE
De 1975 à 2010, la consommation moyenne de corps gras par individu est passée de 11kg à près
de 25 kg, et de 2005 à 2015, la demande globale d'huile végétale alimentaire a quasiment
doublée(Rival et Levang, 2013).L'huile de palme, grâce aux nombreux avantages qu'elle présente :
résistante à l'oxydation et aux températures élevées, sa consistance solide et neutre en goût est
devenue la graisse végétale la moins chère au monde et leader du marché, occupant 30% du
volume d'huile végétale globale. Sa part de marché devrait encore augmenter au vu des prévisions
de croissance de la consommation d'huile végétale à l'échelle mondiale dans la décennie à venir
(jusqu'à 18kg/personne/an) (Dufour, 2014).80% de l'huile de palme est utilisée dans le secteur
agroalimentaire, 10% dans l'industrie pharmaceutique et cosmétique, et 10% pour la composition
d'agro-carburants. Selon l'USDA, la production mondiale d'huile de palme a quintuplé de 1990 à
2012, pour atteindre 53 millions de tonnes en 2013, et celle de palmiste
2à 6 millions de tonnes,
sur une surface cumulée de production de palmiers d'environ 15 millions d'hectares. Bien que les
producteurs historiques d'huile de palme soient l'Indonésie (51% de volume de production) et la
Malaisie (36%), d'autres pays tropicaux offrent de grands potentiels de production, notamment en
Afrique et en Amérique. Rappelons que dans cette filière agricole, 60% des plantations sont gérées
par des groupes industriels et 40% par des petits exploitants (Dufour, 2014).
Bien que l’huile de palme représente plus du tiers de la production d'huile végétale mondiale, elle
n’occupe que 5 % des sols utilisés pour la culture des oléagineux. Sa culture serait moins
gourmande en intrants, tout en présentant divers avantages sociaux : emplois, revenus locaux,
réduction de la pauvreté, diminution de l'occupation des sols (Dufour, 2014). Néanmoins, la filière
est sujette à différentes polémiques. En effet, qu'il s'agisse de déforestation, de perte de
biodiversité ou encore d'extermination de certaines espèces, la filière de l'huile de palme a été
stigmatisée autant par les filières concurrentes, que par de grandes ONG internationales (Shimizu
et Desrochers, 2012). Cependant, les enjeux socioéconomiques et environnementaux des
plantations de palmier à huile ne sont-ils pas à questionner et à considérer au regard du territoire
dans lequel se présente la production et des individus qui la côtoient au quotidien ? La région
sud-pacifique du Costa Rica a été retenue comme terrain d'étude pour ses spécificités atypiques.
2
LES PALMIERS : UNE CULTURE HISTORIQUE AU SUD PACIFIQUE DU COSTA RICA
La région sud-pacifique du Costa Rica apparaît comme un territoire historique de la production
d'huile de palme en Amérique Centrale, d'abord sous forme monopolistique depuis les années
1950, puis s'étant progressivement ouvert aux petits producteurs dès les années 1980 (Clare,
2012). En effet, la province de Puntarenas et plus précisément les cantons de Corredores, Golfito
et Osa (voir figure 1 ci-dessous) confrontent divers acteurs historiques, internationaux et locaux,
qui dépendent de plus en plus du secteur palmiste.
Figure n°1 : Division territoriale administrative du Costa Rica par provinces et cantons (2005)
Comme nous le verrons, ces trois cantons représentent le cœur de filière de l'huile de palme au
Costa Rica, impulsée historiquement par la reconversion de l'ancienne compagnie bananière
étatsunienne, la United Fruit Company. Actuellement, les bananeraies ont cédé le pas aux
palmeraies qui sont gérées par une multitude d'acteurs, allant de deux groupes agroindustriels à
des milliers de petits exploitants, en passant par les coopératives de production et de
Golfito
Corredores Osa
commercialisation. La région sud-pacifique, soit le sud de la province de Puntarenas est également
remarquable en termes de biodiversité naturelle, particulièrement autour du Golfo Dulce et de la
Péninsule de Osa. À ce titre, le territoire renferme quatre espaces protégés : Humedal Nacional
Terraba Sierpe, la Reserva Forestal Golfo Dulce, le Parque Nacional Piedras Blancas ainsi que le
Parque Nacional Corcovado (voir figure n°2 ci-après).
Figure n°2 : La région sud-pacifique du Costa Rica et le terrain pratiqué pendant l'enquête
Le terrain pratiqué pendant le stage a été défini par les différents lieux d'entretiens avec les acteurs
ouverts au dialogue de part et d'autres du Golfo Dulce. Les différents déplacements ont rendu
possible une confrontation des plantations, de leur gestionnaires et de leur riverains dans la partie
Nord et Est du Golfo Dulce (Gamba, Ciudad Neily et Laurel), ainsi que la côte sud-occidentale
(Palma, Agujas, Puerto Jimenez). Ce territoire est également très particulier au regard des
nombreux enjeux socioéconomiques et environnementaux qu'il renferme.
LES ENJEUX SOCIO-ECONOMICO-ENVIRONNEMENTAUX ACTUELS
Les enjeux socio-économico-environnementaux actuels liés aux plantations de palmiers à huile au
sud-pacifique du Costa Rica y sont d'autant plus divers qu'ils résultent de jeux d'acteurs aux
intérêts et aux logiques d'actions divergents. En effet, la population locale dépend
considérablement des activités productives comme l'agriculture, l'élevage, la sylviculture et, dans
une moindre mesure, d'un éco-tourisme saisonnier et élitiste. La culture de palmier à huile
représente un des principaux systèmes productifs agricoles autour du Golfo Dulce, avec plusieurs
milliers d'employés et de bénéficiaires indirects (enquête avril-mai 2016). Depuis les politiques de
développement rural facilitant l'accès à la terre pour les familles d'ouvriers agricoles, de nombreux
petits et moyens producteurs sont apparus dans le secteur, en produisant de manière
"indépendante", semi-indépendante, ou encore sous forme de coopérative (Clare 2012). L'espace
est également marqué par une intervention étatique notable en faveur de la conservation (PN
Corcovado et autres espaces protégés d'initiatives gouvernementales), mais aussi par la présence
d'organisations environnementales non-étatiques nationales et internationales (associations et
ONG entre autres). Les politiques et actions de ces derniers tendent parfois à limiter, réguler, voire
dans certains cas à s'opposer à la culture de palmiers à huile dans la péninsule de Osa et autour du
Golfo Dulce(enquête avril-mai 2016).
La première controverse territoriale locale est avant tout d'ordre environnemental et concerne la
perte de biodiversité et la pollution associée à la production grandissante agro-industrielle des
palmiers à huile en monoculture, entraînant dans certains cas une déforestation illégale, mais
surtout un changement dans l'utilisation des sols. Une des réponses gouvernementales à ces
inquiétudes environnementales réside dans la promotion de bonnes pratiques agricoles (BPA),
ainsi que des mesures de contrôle des pratiques existantes.
Au-delà des enjeux écologiques, s'ajoutent d'autres inégalités socioéconomiques concernant les
différences de revenus entre les habitants de la Péninsule, mais également au vu de l'écart de
profitabilité du secteur palmiste. De fait, alors que l'agriculture costaricaine repose essentiellement
sur le travail de petits et moyens producteurs, le secteur lié à la production d'huile de palme
s'appuie sur d'importantes concessions territoriales étatiques et historiques qui sont administrées
par de grandes entreprises multinationales. Ces dernières, étant les principales propriétaires
terriens, maîtresses du capital génétique ainsi que des industries de production de l'huile de palme
et ses produits dérivés, jouissent donc d'une situation monopolistique face aux petits et moyens
producteurs (Clare, 2012).
PROBLEMATISATION DU CAS D'ETUDE
D'une part, la filière de production de l'huile de palme dans la région sud-pacifique du Costa Rica
est en "crise", affectant aussi bien les grandes entreprises que les petits producteurs. Ces derniers
se réfèrent à la baisse considérable des bénéfices de cette activité due à une baisse des cours
mondiaux de l'huile de palme. D'autre part, au niveau interne, un rapport de force s'établie entre
des producteurs locaux à petite et moyenne échelle, parfois indépendants ou organisés en
coopérative, et des industriels nationaux et étrangers qui dominent le marché. De plus, le secteur
se voit parfois limité par les restrictions économiques qui ne semblent pas toujours proposer
d'alternatives locales vers d'autres systèmes agricoles. L'objectif de la mission est de comprendre,
d'après les représentations et les expériences locales, quels sont les enjeux socioéconomiques et
environnementaux actuels liés au secteur de la "palme africaine" (traduction du jargon du secteur
palmiste costaricain) dans la région Sud Pacifique costaricaine. Pour cela, il s'agira de confronter
les représentations réflexives sur le secteur palmiste de la part des travailleurs, des petits aux
grands producteurs, ainsi que des institutions et autres organisations concernées par les plantations
intensives et alternatives de palmiers à huile dans cette partie du Costa Rica. La problématique
prédéfinie dans le cadre de ce stage est la suivante : "comment les producteurs et les organisations
publiques et privées liées à la filière d'huile de palmedans la région sud-pacifique du Costa Rica,
se positionnent-ils face aux plantations de palmiers à huile ?". Les producteurs renvoient à tous les
individus insérés dans la chaîne de valeur du fruit du palmier à huile jusqu'à ses produits dérivés
(huiles, margarines, crèmes...). Le lien s'entendra comme toute relation économique, stratégique,
commerciale, mais aussi éthique, tout comme de voisinage (Godfrin, 2009) des enquêtés aux
plantations. Le positionnement se réfère d'abord à la situation relative vis-à-vis des cultures, ou
encore au rapport des enquêtés à la filière agricole qui est défini, entre autre, par leur insertion
historique et géographique, leur statut, leur activité économique et leurs pratiques. En second lieu,
le positionnement renverra aux différents bénéfices, ou dommages que tirent les acteurs des
plantations. Enfin, le positionnement pourra également s'entendre comme le rapport moral, éthique
et expérientiel à la filière, en renvoyant aux discours des enquêtées. Il s'agira donc de savoir
comment les interrogés se situent physiquement, moralement, socialement, économiquement,
commercialement, politiquement, ou encore techniquement par rapport à l'activité de production
de l'huile de palme. Afin d'apporter un éclaircissement à ce questionnement, il sera également
nécessaire de savoir quels sont les bénéfices et les désavantages socioéconomiques et
environnementaux perçus selon les expériences in-situ.
LES HYPOTHESES FORMULEES
Une première hypothèse attestera que la culture du palmier à huile est unanimement considérée
comme une nécessité au développement socioéconomique de la région sud-pacifique du Costa
Rica. Dans ce cas, les producteurs dépendent fortement de la filière d'huile de palme et la
défendent surtout pour les bénéfices économiques qu'elle leur apporte, en n'envisageant changer ni
de type de productions, ni de pratiques agricoles. De l'autre côté, les organisations publiques et
privées liées à la filière, mais aussi à la conservation de la nature dans la région sud-pacifique du
Costa Rica reconnaissent l'utilité socioéconomique de l'activité. De plus certains acteurs
entrevoient dans les palmeraies des opportunités de connectivités environnementales.
Une seconde hypothèse affirmera qu'il y a une opposition entre, d'une part des institutions
publiques et les producteurs en faveurs des plantations, notamment au niveau social, et d'autre
part, les organisations environnementales et les non-producteurs plus critiques. De plus, d'un côté
les producteurs minimisent les impacts environnementaux liés à ce système agricole, et d'un autre
côté, les écologistes exagèrent les impacts environnementaux de cette culture en la stigmatisant de
diverses conséquences négatives sur l'environnement. Alors que les communautés et les
producteurs voient l'activité comme une source de revenus appréciables, les ONG
environnementalistes la considèrent surtout comme un facteur d'appauvrissement de la
biodiversité et des traditions locales (Rival et Levang, p. 11).
Une troisième hypothèse déclare que face à la situation actuelle de crise de la filière de production
d'huile de palme dans la zone d'étude, il existe une nécessité selon les enquêtés à changer les
pratiques actuelles à l'intérieur des palmeraies pour des raisons tantôt socioéconomiques
qu'environnementales. Dans ce cas de figure, les enquêtés envisagent des alternatives à la
production, qui pourraient dans certains cas bénéficier à la durabilité générale.
METHODE DE TRAVAIL
La préparation de l'enquête en amont s'appuie sur un corpus bibliographique composé de
rédactions scientifiques internationales, favorisant les écrits Latino-américains concernant le
secteur palmiste ainsi que les travaux en rapport avec le terrain défini. L'étude de la presse locale
et internationale, ainsi que des littératures grises a également servi à dresser un meilleur portrait de
l'activité étudiée et du territoire actuel. La préparation de l'immersion sur ce terrain
outre-Atlantique est passée par la prise de contact par courriers électroniques depuis la France, avec la
structure d'accueil et la tutrice de stage, et la demande de rendez-vous auprès de trois Ministères,
deux coopératives de producteurs, et deux universités costaricaines.
La Collecte de données in situ se sustente partiellement sur le traitement de statistiques et d'images
satellites pertinentes. L'analyse statistique porte sur le secteur agricole grâce à l'exploitation de
données issues du recensement agricoles costaricain de 2014. L'enquête se compose
essentiellement d'entretiens semi-directifs enregistrés et retranscrit en langue officielle. Chaque
entrevue a été préparée grâce à des grilles d'entretiens. Dans l'ensemble, ce sont 20 entretiens
enregistrées en format MP3 (durée totale : 648 minutes) qui ont eu lieu entre fin mars et début mai
2016.Les enquêtés sont trois fonctionnaires ministériels (Agriculture, Environnement et Travail),
quatre représentants de coopératives (Osacoop et Coopeagropal), deux représentants industriels
(Palma Tica et Coopeagropal), huit agriculteurs, un représentant du secteur touristique (Osa Rural
Tour) et d'association socio-environnementale (Centro Socioambiental Osa), et une ONG
conservationniste (Conservation Osa). L'étudiant a également participé à une réunion syndicale
ouvrière (la UTG : Union Trabajadores de Golfito), ainsi qu'à une réunion de militants de la
société civile (Aso'Covirenas). La collecte de données passe aussi par la visite de la pépinière
Osacoop, une visite de la Coopérative Coopeagropal R.L et de la raffinerie, ainsi que cinq
immersions accompagnées au sein de parcelles de petits-producteurs de palmiers à huile (et sept
visites spontanées sans accompagnement en palmeraies de taille variable). En plus du reccueil de
discours concernant le vécu et l'expérience des acteurs sur le terrain d'étude, il s'avère également
utile de comprendre comment s'articule territorialement la filière productive avec les espaces de
conservation.L'ensemble du mémoire sera étayé par un corpus de données photographiques sur
différentes zones de plantations de palmiers à huile autour du Golfo Dulce. Enfin, le travail est
étayé par de l'observation participante quotidienne lors d'interactions avec les agriculteurs et les
familles locales. Un court-métrage audiovisuel
3illustrera la deuxième partie du mémoire.
3
PARTIE 1 : UN AGENCEMENT DE LOGIQUES, DE POLITIQUES ET DE PRATIQUES
DIVERGENTES
1.1 L'accessibilité inégale aux marchés, du global au local
1.1.1 Une commodité vouée à différents marchés
L'huile de palme est issue du palmier à huile (principalement Elaeis Guineensis), et représente une
oléagineuse utilisée traditionnellement en Afrique (Shimizu et Desrochers, 2012) et plus
récemment comme huile de cuisson
4dans de nombreux pays producteurs, comme au Costa
Rica.Au cours du siècle dernier, elle est progressivement devenue une commodité quasiment
indispensable à l'industrie agroalimentaire, servant également à l'industrie cosmétique et des
biocarburants (Dufour, 2014). Ce dernier usage explique peut-être partiellement pourquoi le cours
de l'huile de palme semble suivre celui du pétrole :
Figure n°3 : Evolution en % des cours du pétrole brut et de l'huile de palme brute (CIF* Rotterdam), 2003 à 2012
* CIF : CostInsuranceFreight : prix incluant les coûts de transport et de l'assurance du produit jusqu'au lieu de destination (Rotterdam) Source : Rival A. et Levang P., La palme des controverses : Palmier à huile et enjeux de développement, Versailles, Editions Quae, 2013, p.13
Un paradoxe est néanmoins à soulever ici concernant le secteur agricole au Costa Rica, en effet,
selon M. Max Villalobos de Conservation Osa et ex-caféiculteur, la majorité des fertilisants
utilisés nationalement est élaborée à bases de dérivés pétrochimiques
5. De plus, l'enquêté nous
apprend que bien que ces intrants soient produits localement, le pétrole utilisé est principalement
importé du Mexique et des USA. Ainsi la culture classique de l'huile de palme au Costa Rica, en
4
Observation participante péninsule de Osa, mars-juin 2016. 5
"...la mayoría de esos productos están hecho de petróleo", "...sí los producimos en Puntarenas, en Fertica y Abopaquio, un par de plantas que hay por allí, pero son con insumos externos." (Entretien avec M. Max Villalobos, voir annexe n°29).
utilisant divers engrais chimiques
6soutient les importations de pétrole. Le principal produit
transformé obtenu à partir des palmeraies costaricaines, l'huile de palme, utilisée en partie à la
production d'agro-carburants, dépend donc de l'exploitation d'hydrocarbure. Après avoir aperçu
comment la production de l'huile de palme au Costa Rica est liée au pétrole (en plus du transport),
voyant les autres marchés bénéficiant de la filière, notamment celui du travail.
Malgré les différentes campagnes internationales concernant les conséquences de l'huile sur
l'environnement, lancées principalement par des ONG d'origines occidentales au regard des
exploitations asiatiques (Shimizu et Desrochers, 2012), ou encore sur la santé (Gontier, 2012), elle
présente divers avantages sur ses concurrentes directes et sa culture resteune activité employant
plusieurs millions de personnes à l'échelle mondiale.
Figure n°4 : Principaux pays producteurs d'huile de palme
Le Costa Rica est un petit pays producteur d'huile de palme avec des volumes ne représentant que
0,1% de la production mondiale, loin derrière l'Indonésie (51%) et la Malaisie (36%). Cependant
le taux de croissance du secteur est parmi les plus élevés au monde (+ 17% entre 2006 et 2011).
La filière de l'huile de palme dans la région sud-pacifique costaricaine, pour ce qui est des
principaux acteurs interrogés, emploie quelques 2750 personnes, avec de nombreux bénéficiaires
indirects (familles, transporteurs, commerces et services...)
7.Dans la partie sud-pacifique du pays,
la majorité de l'économie est basée sur les palmeraies
8, qui ont progressivement remplacé les
bananeraies (Clare, 2012). La filière de l'huile de palme au Costa Rica dépend étroitement de la
demande de la part des consommateurs, qui ont donc un rôle clef localement et globalement.
Le cours de l'huile de palme et des fruits a été indexé à la bourse d'Amsterdam en 1998, ce qui a
donné le jour à CANAPALMA (Cámara Nacional de Productores de Palma), et assoie la
6 (Entretiens avec M. Marcos Molina, Mme. Rosalina Pastrana, M. Max Villalobos, voir annexes n°19, 23, 29). 7
(Entretiens Coopeagropal, Osacoop et Palma Tica, annexes n°15, 28, 30). 8
dépendance au marché global (Clare, 2012). Des petits aux grands producteurs, l'ensemble des
cultivateurs est donc voué à la fluctuation des prix mondiaux
9. Malgré cette injonction financière
internationale, la production d'huile de palme au Costa Rica alimente également le marché
national et centroaméricain.
Bien que l'huile de palme ait initialement pallié la pénurie de graisse animale au Costa Rica
(Clare, 2012), sa consommation s'est progressivement démocratisée. Si les recherches de Patricia
Clare en 2007 font part d'une faible utilisation de la marque "En Su Punto
10", près de 10 ans après,
l'entretien avec la coopérative productrice laisse entrevoir une expansion notoire des ventes à
l'international
11. De plus, les commerces visités sur le terrain d'étude présentent une offre variée de
produits "En Su Punto" et "Numar
12". L'augmentation locale de consommation des produits
dérivés d'huile de palme suit la tendance mondiale de hausse de la demande en huile végétale
suivant l'évolution démographique, avec des prévisions de croissance continue jusqu'en 2050.
Figure n°5 : Evolution de la demande en huiles végétales en fonction de la population mondiale,2005 à 2050
Source : Rival A. et Levang P., La palme des controverses : Palmier à huile et enjeux de développement, Versailles, Editions Quae, 2013, p.12
La filière d'huile de palme au Costa Rica s'insère donc dans différents marchés mondiaux aux
multiples intérêts et dépend de l'utilisation industrielle mais aussi particulière de la commodité
selon les choix et la localisation des consommateurs. Voyons ci-après comment s'organise ce
secteur agricole centroaméricain afin d'atteindre une compétitivité sur les marchés internationaux.
9
Entretiens avril-mai 2016.
10 "En Su Punto" est la marque des produits alimentaires dérivés de l'huile de palme de la coopérative Coopeagropal. 11
Entretien Coopeagropal, annexe n°30. 12
7% 16%
43% 31%
3%
Répartition des superficies totales des exploitations agricoles en fonction du type d'usage
au Costa Rica, 2014 Jachères Cultures permanentes Prairies Forêts Autres terres Date: 25/05/2016 Source: INEC VI Censo Nacional Agropecuario 2014 Réalisation: Milo Villain, M2 GAS DAST UPPA, ASCONA
Terres arables 9%
18%
38% 32%
3%
Répartition des superficies totales des exploitations agricoles en fonction du type d'usage dans la province de Puntarenas, 2014
Jachères Cultures permanentes Prairies Forêts Autres terres Date: 25/05/2016
Source: INEC VI Censo Nacional Agropecuario 2014 Réalisation: Milo Villain, M2 GAS DAST UPPA, ASCONA
Terres arables
1.1.2 Les producteurs Centroaméricains face à un marché Monde
Afin de comprendre comment la filière costaricaine arrive à prendre sa place sur le marché
mondial de l'huile de palme,il s'avère nécessaire de se pencher sur l'organisation nationale de
l'activité agricole dans son ensemble. Nous nous focaliserons ensuite sur la province de Puntarenas
qui concentre la culture de palmiers à huile du pays.
Figures n°6 et7: Répartition des superficies totales des exploitations agricoles en fonction du type d'usage au Costa Rica, et dans la province de Puntarenas (2014)
La majorité des terres agricoles du Costa Rica en 2014 est dédiée aux prairies (43%), puis aux
forêts (31%), et en troisième position seulement aux cultures permanentes (16%). Les tendances
nationales se reflêtent dans les valeurs de la province de Puntarenas, où ce sont cepedant 32%
dédiés aux forêts, 18%aux cultures permanentes et 5% de moins aux prairies par rapport aux
valeurs nationales. Voyons ci-après comment se divisent les différentes cultures permanentes, et
comment se classe le palmier à huile, tantôt à l'échelle nationale comme provinciale.
Rappelons que les politiques agricoles du Costa Rica sont focalisées sur l'export pour ses
principaux produits comme le café, la banane ou encore l'ananas
13. Le café arrive en effet en
première position des cultures permanentes avec 84 133 ha plantées sur 26 527 exploitations en
2014, suivi du palmiers à huile occupant 66 419 ha et 2 169 exploitations dédiées à sa culture,
devant la canne à sucre (65 062 ha sur 4 880 exploitations), la banane (51 758 ha, 15 924
exploitations) et enfin l'ananas (37 659 ha sur 1 228 exploitations)
14.Ces valeurs font apparaîtreun
nombre supérieur d'exploitants dans les cultures decafé (moyenne : 3,2 ha/exploitation) etde
banane (moyenne : 3,3 ha/exploitation),contre des cultures moins partagées pour la canne à sucre
13
Entretien M. Roberto Azofeifa, MAG, annexe n°12. 14
(moyenne : 30 ha/exploitation),le palmier à huile (30,6 ha/exploitation) et l'ananas (30,7
ha/exploitation). De fait, cela renvoie à la caractéristique que la majeure partie de l'agriculture au
Costa Rica s'appuie sur de petits producteurs, notamment dans le cas du café et de la banane. En
revanche,les cultures du palmier à huile, de la canne à sucre et de l'ananas relèvent davantage de
grands groupes agro-industriels
15, ce qui explique ces valeurs.
Figure n°8 : Total d'exploitations agricoles des principales cultures annuelles et leurs superficies (k ha) au Costa Rica, 2014
Allons maintenant plus loin en ce qui nous intéresse, à savoir les plantations de palmier huile, qui
représentent donc en 2014 la deuxième culture permanente
16costaricaine en superficie, tout en
intégrant relativement peu d'exploitants.Sur le graphique ci-après, nous pouvons constater que
presque l'ensemble de la production de palmier à huile s'effectue dans la province de Puntarenas,
avec 1 927 exploitants (pour 57 786 ha plantées) sur 2 169 (pour 66 420 ha) au total dans le pays.
Cette hégémonie de la province de Puntarenas tient à l'implantation historique(Clare 2012) des
premières palmeraies d'Elaeis Guineensis et autres variétés,tout comme aux conditions
climatiques très favorables
17dans cette zone proche du Darien. Nous notons donc une intensité de
la production de palmiers à huile dans la province de Puntarenas, qui cumule 89% des
exploitations totales du Costa Rica sur 87% de la superficie de l'ensemble des terres utilisées.
15
Observation participante et entretiens avril-mai 2016.
16 La durée de vie utile d'un palmier à huile s'échelonne, dans le sud du Costa Rica et en fonction de l'hybridation ou de la modification génétique, entre 25 et 28 ans (observation participante et entretiens avril-mai 2016).
17
Rappelons que les cultures permanentes comptent pour 18% de la totalité des exploitations
agricoles dans la province de Puntarenas.
Figure n°9 : Nombre d'exploitations de palmier à huile et leurs superficies par provinces du Costa Rica, 2014
Observons maintenant la répartition des exploitations agricoles dans les trois cantons (voir figure
n°10) dans lesquels se situe le terrain d'étude, à savoir Corredores, Golfito et Osa, entendus
comme la région sud-pacifique du Costa Rica. D'après les valeurs du recensement agricoles de
2014, les trois cantons comptent 3 837 exploitations agricoles sur 143 204 ha, ce qui donne une
taille moyenne d'exploitation de 37,3 hectares supérieure à la moyenne nationale qui est de 25,9
hectares
18. Ces valeurs attestent encore une fois de la présence d'exploitations plus étendues que
dans le reste du pays, et s'expliquent par la présence de grandes propriétés orientées à la culture
intensive, et notamment de palmiers à huile. Bien que le recensement agricole ne donne pas les
valeurs de cultures permanentes par exploitation au niveau cantonal, nous assumons qu'au moins
18% des exploitations agricoles dans la province de Puntarenas sont de cultures permanentes (voir
figuren°7), et que Corredores, Golfito et Osa sont les zones historiques, mais aussi actuelles de
plantations de palmiers à huile (voir partie suivante 1.2.1), concentrant la majeure partie de la
production de palmiers à huile. Donc, si les trois cantons retenus présentent des valeurs respectant
la moyenne provinciale, 18% de la surface totale de leurs exploitations agricoles équivaudraient à
des cultures permanentes, c'est à dire un total de 25 776 hectares.
18
1 264 1 218 1 355 53 454 45 636 44 114 0 10 000 20 000 30 000 40 000 50 000 60 000 1 100 1 150 1 200 1 250 1 300 1 350 1 400
Osa Golfito Corredores
Su rp erf ic ies en h ec ta res N o m b re d 'ex p lo it a ti o n s Municipalités
Total du nombre d'exploitations agricoles et leurs superficies dans les municipalités de Corredores, Golfito et Osa (2014)
Nombre total Date: 25/05/2016
Source: INEC VI Censo Nacional Agropecuario 2014 Réalisation: Milo Villain, M2 GAS DAST UPPA
Figure n°10 : Nombre d'exploitations agricoles et leurs superficies dans les cantons de Corredores, Golfito et Osa
Les données bibliographiques (Clare, 2012; Dirzo, 2014) et les entretiens montrent que les 57 800
hectares de palmiers à huile dans la province de Puntarenas se répartissent principalement entre les
cantons de Corredores, Golfito et Osa. En effet, les huit autres cantons de la province présentent
une histoire agricole, des climats, des paysages et une économie productive différente. Ainsi, nous
attestons que dans les cantons étudiés, la part des cultures permanentes est supérieure à la
moyenne provinciale, étant majoritairement occupée par les plantations de palmiers à huile. À lui
seul le géant industriel et historique du secteur, Palma Tica, possède 10 000 ha propres dans la
région sud pacifique du Costa Rica, avec des contrats de vente aux petits-producteurs sur 12 000
ha
19. Il vient de planter une palmeraie de 7000 ha dans le canton de Osa, entre Chacarita et
Palmar
20. Parallèlement, le secteur s'est progressivement ouvert à d'autres acteurs, voyant
notamment apparaître plusieurs coopératives de productions et des petits-producteurs/
productrices
21, mais malgré cela la répartition des bénéfices y reste très inégale (voir partie 1.2).
Ainsi, la filière de production de l'huile de palme dans la région sud-pacifique, à l'image de celle
d'ananas ou de bananes, représente une production nationale intensive, gérée par de grands
groupes capables de se positionner sur les marchés internationaux. Cependant nous allons voir
quelles sont les inégalités associées à cette filière au niveau local, et comment les acteurs enquêtés,
observés et accompagnés s'y positionnent.
19 Entretien avec M. Daniel Ramirez, responsable de production de Palma Tica, annexe n°28. 20
Entretien avec M.Freiser Acosta, ouvrier agricole de Palma Tica, annexe n°26. 21
1.2 Une filière costaricaine inégale
1.2.1 La production monopolistique contrainte à concurrence
Les plantations de palmiers à huile au Costa Rica ont été entreprises par la United Fruit Company
(UFCo), ex Boston Fruit Company, présente dans la partie caraïbe du pays dès les années 1870
pour la production de bananes. Au début du XXème siècle, ses bananeraies ont été attaquées par la
maladie du "mal de Panama". L'entreprise a alors déplacé ses zones de production sur la côte
Pacifique Costaricaine (voir figure n°11), mais la maladie rattrapa les nouvelles plantations et
l'entreprise dut chercher de nouvelles terres arables. Afin d'établir ses bananeraies dans la région
sud-pacifique, la UFCo a transformé des zones de forêts vierges en terres arables. Face à
l'apparition d'une nouvelle maladie, la Sigatoka, la UFCo appliqua d'importantes quantités de
sulfate de cuivre qui saturèrent très vite les sols. L'entreprise décida alors d'utiliser ces terres
inadaptées à la culture bananière pour planter des palmiers à huile tolérants aux hautes teneurs en
cuivre des sols. Le développement de l'activité palmiste dans la région Sud-Pacifique du pays est
aussi le résultat d'autres facteurs comme l'intérêt de diversification de l'entreprise afin de répondre
aux fluctuations du marché après la seconde guerre mondiale, ainsi que l'investissement en
recherche et développement sur différentes variétés de palmiers (Clare, 2012).
Figure n°11 : Principales zones de production des palmiers à huile, région Sud-Pacifique (Costa Rica)
Source : Patricia Clare, "Poder y medio ambiente. La palma aceitera en el Pacifico costarricense, 1950-2007", Historia
Agraria, San José, numéro 57, août, 2012, p. 135-166.
Les premiers essais de culture de palmiers à huile ont été réalisés dans les années 1940, pour
donner lieu aux plantations vers 1950. L'Etat était alors favorable à cette agro-industrie en faveur
de l'autosuffisance (voir annexe n°2). Rappelons qu'à cette époque les scientifiques n'avaient pas
de liens avec leurs pairs du sud-est asiatique, alors pionniers en matière technoscientifique de la
culture du palmier à huile. Au début, du maïs et des haricots étaient plantés au milieu des
palmeraies et certaines parcelles suivaient un système agro-pastoral. Ce n'est qu'à partir des années
1960 que la culture du palmier au Costa Rica s'est professionnalisée et a été convertie en
monoculture intensive. Entre temps, l'entreprise étatsunienne a profité de trois mécanismes pour
maintenir le contrôle monopolistique de l'activité, à travers la gestion du capital génétique, les
caractéristiques de 'latence' des graines (durée irrégulière de germination : de quelques semaines à
deux ans), tout comme les procédés industriels de production et stockage de l'huile (Clare, 2012).
Les anciennes pratiques de l'UFCo seraient désormais qualifiées d'extractives (Damian, 2013),
particulièrement à travers la déforestation renvoyant à l'épuisement des ressources naturelles, aux
pertes de biodiversités, aux déséquilibres écosystémiques, etc. L'aspiration de l'industriel à
l'accumulation continue de terres pour davantage de production et de bénéfices tout en essayant de
maintenir sa situation monopolistique, renvoie quant à elle à l'idée d'un "capitalisme agraire"
entraînant son lot d'inégalités sociales (Barral, 2013). Plusieurs enquêtés ont d'ailleurs dénoncé
l'UFCo pour les injustices qui lui sont associées. Notons que l'ensemble des principales zones de
production des palmiers à huile dans la région Sud-Pacifique (figure n°11) se doit à la
reconversion des bananeraies en palmeraies de l'UFCo, et que ces terres ont initialement été
concédées à la compagnie fruitière par l'Etat costaricain. L'administrateur d'Osacoop, M.
Alexander Solorzano nous confie que ces terres sont classées en zones franches
22. Toutefois ces
propos ont été modérés par Daniel Ramirez, responsable de la production chez Palma Tica
(ex-UFCo), qui déclare qu'actuellement il n'y aurait plus que l'usine de transformation et le laboratoire
de l'entreprise qui bénéficieraient de ce statut. Bien que certains pointent du doigt cette inégalité
fiscale et territoriale, d'autres propos dénoncent les pratiques discriminantes d'ordre ethnique
exercées par le géant de la filière. En effet, M. Edgar Gutiérrez, ancien travailleur à la UFCo
insiste sur les déplacements de populations et les expropriations engendrés par les activités de
l'entreprises en plus de l'exploitation quasi esclavagiste de ses employés
23.
22
Les zones franches sont exonérées d'impôts fonciers.
23 "La bananera despoja de las tierras tanto a nacionales blancos y a nacionales indígenas, y yo le digo nacionales
porque los indígenas no eran considerados nacionales [...] las empresas vinieron a desarrollar una esclavitud".
Toutefois, l'histoire de la filière se caractérise également par la monté des producteurs organisés
en coopérative qui viennent contrebalancer le pouvoir central de la UFCo. En effet, une série de
catastrophes naturelles en 1983 ainsi que des mobilisations salariales en 1984 (voir annexe n°5)
amenèrent la UFCo à mettre fin aux bananeraies. La UFCo est ensuite devenue Palma Tica, et a
changé de propriétaires en 1996, passant de mains étatsuniennes à nicaraguayennes
24. De plus,
l'Etat partagea des terres de la UFCo sous forme du schéma coopératif entre les employés
concernés, et de nombreux se reconvertirent à la culture de palmiers à huile et s'unirent sous forme
coopérative. Un boom de l'activité et des transformations de l'organisation du secteur apparaissent
donc au cours des années 1980-1990 suite à l'économie politique et sociale nationale, visible
notamment à travers la montée des coopératives de producteurs (Clare, 2012).
Figure n°12 : Principaux acteurs de la chaîne de production d'huile de palme dans la région Sud-Pacifique du Costa Rica
Sources : 1. Patricia Clare, "Poder y medio ambiente. La palma aceitera en el Pacifico costarricense, 1950-2007", Historia Agraria, San José, numéro 57, août, 2012, p. 135-166. 2. Entretiens avril-mai 2016. Réalisation : Milo Villain, M2 GAS-DAST, UPPA/ASCONA
La montée de Coopeagropal, Coopecalifornia, Osacoop et Coopesilencio (voir figure n°12) se doit
aux politiques agricoles plus populaires, incarnées par les nouvelles politiques de développement
rural
25. Bien que l'hégémonie de Palma Tica (ex-UFCo) dans la filière d'huile de palme au Costa
Rica soit restée intacte, Coopeagropal, apparue en 1986, s'est progressivement positionnée comme
concurrent direct. Elle possède sa propre usine de transformation et ligne de commercialisation de
produits dérivés d'huile de palme. Suite à une politique économique nationale libérale, les deux
24
Entretien avec M. Daniel Ramirez, Palma Tica, annexe n°28. 25
Entretien avec M. Roberto Azofeifa, MAG, annexe n°12.
Palma Tica (Ex UFCo, 1899) GroupeNumar
1 500 employés (10 000 ha propres, 12 000 ha petits producteurs, 7 000 ha nouvelle plantation)
Capital génétique Transport Lieux de stockage Usine de transformation
Commercialisation de produits transformés
Coopeagropal RL (1986) 650 membres 400 employés Transport Lieu de stockage Usine de transformation Commercialisation de produits transformés Coopesilencio(1972) ? Coopecalifornia ? Osacoop(2000) 95 membres (600 ha) Commercialisation de fruits
entreprises Palma Tica et Coopeagropal RL négocièrent les prix entre elles, ce qui a conduit à leur
dénonciation et condamnation pour pratiques monopolistiques en 2001-2002 (Clare, 2012 ; annexe
n°5). Malgré cela, les activités des deux concurrents n'ont pas diminué pour autant et c'est
justement au début des années 2000, qu'ils décidèrent agrandir leurs zones de production sur la
péninsule de Osa
26, notamment par le biais de contrats avec de petits producteurs familiaux.
Cependant, l'implantation des palmeraies en dehors de leurs bassins de productions historiques, la
sub-région Coto-Laurel (voir figure n°11 et partie 1.2.2) et notamment sur la péninsule de Osa, qui
incarne un haut lieu de biodiversité
27, soulèvent de vives réactions concernant les conflits
d'utilisation des sols et de cohérence en matière de développement territorial et de conservation de
la biodiversité (voir partie 2). Au delà du conflit entre la conservation et "l'utilisation de la nature"
sur lequel nous reviendrons, apparaît un autre conflit relatif à l'injustice économique de la filière
venant des différences de bénéfices entre petits et grands exploitants. Sans vouloir être exhaustif,
voyons ci-après quel est l'ensemble des activités et leurs coûts engagés pour un petit exploitant
familial de palmiers à huile sur la péninsule de Osa :
Table n° 1 : Exemple des activités effectuées et leurs coûts engagés pour la culture de palmiers à huile sur l'exploitation d'un petit-producteurs (10 hectares), Cañaza, Puerto Jiménez (2016)
Activités Pratiques Coût par exploitation
Achat de graines Achat unitaire de graines Entre 1,50 et 5 EUR/ graine ou plante (150 plantes/h)
Achat de matériel -Location du tracteur - Une Faucille télescopique -Machette/roto-fil
- 10 000 colones/heure (17 EUR) - 30 000-40 000 colones (70 EUR)/an - 3 000 colones (5 EUR)/?
Amendement 4 kg d'engrais chimique/palmiers/an ?
Coupe de feuille/récolte Travail familial à la main. ?
Désherbage Travail familial à la main. ?
Emploi Trois employés pendant la récolte en plus du propriétaire et de son fils (7-8 heures/ jour).
- 1300 colones (soit environ 2 EUR) à l'heure/personne.
Insectificides Edulcorant
Insecticide contre picudo
- 1 200 colones/galon (3 galons)
- 3 000 colon/unité (4 fois sur l'exploitation)
Nettoyage circulaire (rodajas)
Travail familial à la main. - 5 galons d'essence pour le roto-fil (2 000 colones/ galons) soit12 000-13 000 colones (environ 20 EUR).
Transport des fruits Transport parcelle : Tracteur Transport coopérative : camion
- 3 000 colones (2 fois/mois) - Environ 10 000 colones/tonne
Sources : Entretiens avril-mai 2016. Réalisation : Milo Villain, M2 GAS-DAST, UPPA/ASCONA
26
Entretien avec Mme. Rosalina Pastrana.
27 La péninsule de Osa présenterait 2,5% de la biodiversité mondiale selon les environnementalistes : ASCONA, M. Roberval Almeida, M. Max Villalobos, Luis Rodriguez déclare même qu'on la nomme l'Amazonie centroaméricaine : " [...] Osa tiene tanta riqueza en plantas que le han dado a llamar el amazonas de Centroamérica [...]"
Rappelons que le territoire d'étude comptait 3 837 exploitants agricoles en 2014 (voir figure n°10),
dont environ 70% qui s'insèreraient dans la filière de production de l'huile de palme et qui étaient
répartis sur une superficie totale de 143 204 hectares. A l'instar des chriffres relatifs à l'agriculture
mondiale en cette même année, avec "2,7 milliards d'agriculteurs pauvres" selon Michel Griffon
(Griffon, 2014), et suite à la démocratisation de la culture du palmier à huile, la filière étudiée
repose désormais également sur les petits producteurs. Leur condition économique et leur degré de
dépendance commerciale vis-à-vis des deux principaux industriels présentés dans le secteur
questionne les bénéfices qu'ils perçoivent par cette activité. Nous pouvons en effet nous demander,
qui des petits producteurs ou de la grande entreprise profite le plus de l'activité ?
Table n° 2 : Relations entre prix de vente et d'achat des fruits et de l'huile pour le petit producteur et Coopeagropal (avril 2016)
Petit producteur Coopeagropal
Fruit (/tonne)
Prix de vente : 50 000 colones(90 EUR)
Coût de production : 32 500 colones (65% du prix de vente)
Bénéfices : 18 500 (35% du prix de vente)
Prix d'achat : 50 000 colones (90 EUR)Il faut environ cinq tonnes de fruits pour obtenir une tonne d'huile crue.
Huile (/tonne)
O
Prix de vente : 340.000 colones (610EUR)
Prix d'achat pour cinq tonnes de fruits : 250 000 colones (74% du prix de vente)Sources : Entretiens avril-mai 2016. Réalisation : Milo Villain, M2 GAS-DAST, UPPA/ASCONA
De fait, alors que le petit producteur assume un coût de production d'environ 65% du prix de vente
des fruits, la coopérative présente un coût d'achat des fruits représentant environ 74% du prix de
vente de l'huile crue. Le coût de production final d'une tonne d'huile pour Coopeagropal intègre
aussi d'autres facteurs comme le coût des machines, de l'énergie, de l'emplois, etc. qui amènent à
une marge par tonne d'huile plus faible que la marge dégagée par le petit producteur pour la vente
d'une tonne de fruit. Cependant, le calcul de la profitabilité respective doit prendre en compte
l'ensemble des quantités annuelles vendues. Alors qu'un petit producteur produit de deux à six
tonnes par hectare par mois
28, les cooperatives produisent mensuellement des milliers de tonnes
d'huile. Il est à rappeler que la culture de palmier à huile entraîne un ensemble de coûts fixes et
variables très lourds pour les petits producteurs (voir table n°1), sans compter les charges des
crédits financiers et le coût de la santé tel qu'exprimé par plusieurs producteurs. Une grande partie
des producteurs recourt à la main d'oeuvre familiale pour différentes activités comme la récolte.
28
Les rendements rapportés par les petits producteurs enquêtés varient selon l'âge des palmiers (avec une production optimale entre 2 et 15 ans), les techniques agricoles utilisées, le sol, le milieu et l'entretien des parcelles.
Figure n°13 : Illustration du processus de récolte le 10/04/2016, exploitation de M. Asdrubal Arroyo, membre d'Osacoop, Comunidad La Palma, Distrito Puerto Jiménez
Au delà du fait que la majorité des producteurs rencontrés reproduise un modèle d'agriculture
familiale parfois sur trois générations, ces derniers procèdent fréquemment à l'emploi de membres
de la famille, d'ami(e)s, d'associé(e)s de coopérative et de voisins, notamment lors de la récolte.
Le matériel utilisé est parfois loué et certains producteurs font souvent appel au mano a mano
29afin de réduire leurs coûts de production. Par exemple, dans sa parcelle de cinq hectares (illustrée
ci-avant en figure n°13), M. Asdrubal Arroyo nous dit que ce sont quatre personnes connues qui
viennent l'aider pour la récolte : "Es un trabajo familiar pero ahorita estoy ocupando un
compañero de la misma cooperativa que es el que me hace la corta allí con la señora [...]
Entonces son cuatro hoy para la cosecha". Les coupes de feuilles et de fruits, le groupage de
régimes, la recollection de fruits épars et le transport sont autant de tâches à réaliser pendant une
longue journée de récolte. De fait, selon le propriétaire, le processus de récolte produit environ
sept tonnes de fruits en près de 11 heures de travail à quatre
30. Avec un salaire d'environ 1 300
colones à l'heure (environ 2 EUR), les employés d'Asdrubal réalisent cette activité de manière
ponctuelle et ont le statut d'ouvrier agricole, ce qui représente un niveau de vie modeste au Costa
Rica. Ainsi, une autre inégalité apparaît selon si les travailleurs possèdent leurs terres ou pas.
Enfin, au regard de l'ensemble des activités à réaliser au sein d'une palmeraie en monoculture (voir
table n°1), la relation coûts-bénéfices semble relativement faible pour les petits producteurs, qui à
l'inverse des grandes entreprises ne peuvent pas effectuer d'économie d'échelle par exemple, et
possèdent des coûts de production élevés pour des quantités de production très basses. De plus, les
petits propriétaires de parcelles de palmiers à huile dépendent des grands groupes qui fixent les
prix d'achats des fruits, qui eux-mêmes dépendent de la conjoncture internationale. On peut se
demander quel est l'avantage pour les petits exploitants de reproduire les pratiques d'agriculture
intensive appliquées par les grandes entreprises agroindustrielles de palmiers à huile. En effet, de
nombreux interrogés se déclarent en situation de précarité et reconsidèrent la viabilité économique
de leur activité (voir partie 2). Cette situation renvoie au débat plus large concernant les causes de
la pauvreté paysanne dans les pays en développement (Roudart et Mazoyer, 2010). Au-delà des
inégalités socioéconomiques au sein de la filière d'huile de palme, il s'agit également de voir les
conflits d'intérêts qu'elle suscite dans l'aménagement du territoire, particulièrement à travers
l'agencement de différentes logiques d'acteurs s'exprimant dans le paysage sud-costaricain actuel.
Voyons ci-après, comment se matérialisent les grandes palmeraies prises comme modèles par les
agriculteurs sur les terrains des anciennes bananeraies de l'UFCo, dans ce qui représente le cœur
historique et actuel des plantations intensives de palmiers à huile, à savoir au nord du Golfo Dulce.
29
Le mano a mano (aussi appelé minga en Equateur et en Colombie) représente une entre-aide volontaire, voire un échange entre une ou plusieurs personnes du voisinage ou d'une communauté pour la réalisation d'une activité, souvent agricole.
30
"Una cosecha como esta va a echar digamos siete-seis toneladas y ya se comienza a las seis y acaba uno a las cinco
Afin d'aboutir à une meilleure compréhension de l'organisation territoriale de la filière de
production d'huile de palme dans la zone étudiée, nous avons procédé à une confrontation de
l'implantation géographique et paysagère des principales zones de production autours du Golfo
Dulce (voir figure n°11). L'analyse s'appuie sur la réalisation de "portraits de palmiers" qui se
veulent des outils de lecture territoriale associant image satellite et photographie, pour illustrer
l'emprise territoriale ainsi que les impacts spatiaux et paysagers des principales zones agricoles
retenues comme terrain d'étude. Au-delà des descriptions apportées s'appuyant sur l'enquête
réalisée entre avril et mai 2016, ainsi que sur les visites de palmeraies, l'étudiant invite également
le lecteur à observer ces portraits d'un regard critique pour en tirer ses propres conclusions.
Cette approche par portraits de palmiers se voulant synthétique, nous avons retenu cinq grands
ensembles spatiaux qui se démarquent par leurs caractéristiques singulières. Trois d'entre eux,
situés au nord du Golfo Dulce, se démarquent par leur implantation historique et par la
prépondérance d'activités agro-industrielles. Les deux derniers "portraits de palmiers" seront
présentés en partie 2.2.2. Ils se distinguent par la présence de palmeraies plus récentes,
principalement gérées selon le modèle d'agriculture familiale et se situent sur la Péninsule de Osa,
soit au sud du Golfo Dulce. Avant la présentation des trois premiers portraits de palmiers, nous
dresserons un tableau explicatif de notre choix de découpage, afin de guider le lecteur vers la
compréhension de cet agencement entre l'espace étudié et les pratiques agricoles utilisées
localement. La présentation s'effectue d'est en ouest, du nord au sud du Golfo Dulce :
Table n° 3 : Présentation des portraits de palmiers en fonction de leur milieu et des pratiques agricoles appliquées
Portraits de palmiers Qualification de l'espace et des milieux
d'implantation des palmeraies
Compte rendu des principales pratiques agricoles appliquées
1. "panoramiques autour de Ciudad Neily"
Plaine alluviale marquée par la présence d'anciens marécages. Milieux hautement artificialisés voués à la production agricole.
Centralité historique de l'activité agro-industrielle de Palma Tica avec ses cultures intensives.
2. "entre Rio Claro, Golfito et Ciudad Neily"
Plaine alluviale vallonnée. Milieux dominés par l'activité productive des monocultures alternant avec des espaces naturels (Golfito).
Continuité de l'agro-industrie historique, représentant l'aire d'influence des monocultures de Palma Tica.
3. "autour du PN Piedras Blancas" Ensemble de bassins fluviaux menant au Golfo
Dulce. Alternance de zones agricoles, forêts
primaires et secondaires (PN Piedras Blancas).
Rupture avec l'extension des zones agricoles intensives. Présence d'un angle mort productif matérialisé par le PN Piedras Blancas. 4. "autour de la communauté de La
Palma"
Plaine littorale à différentes activités. Milieux semi-naturels, mangroves et forêts secondaires.
Diversités des pratiques. Parcelles familiales et coopératives à dominance de monocultures. 5. "autour des communautés de Cañaza
et Agujas, Puerto Jiménez"
Plaine littorale à différentes activités. Milieux semi-naturels, mangroves et forêts secondaires.
Diversités des pratiques et des paysages. Rencontres de monocultures et polycultures.
Sources : Entretiens avril-mai 2016, données issues des photographies, images satellites et visites in-situ. Réalisation : Milo Villain, M2 GAS-DAST, UPPA/ASCONA
Figure n°14 : Différents 'portraits de palmiers' panoramiques autour de Ciudad Neily (avril 2016)
Le panorama de la filière de palmiers à huile dans le cœur historique de la région sud-pacifique du
Costa Rica se caractérise par un enchaînement homogène entre de grandes plantations intensives
appartenant principalement à l'entreprise Palma Tica, et des propriétés plus réduites de petits et
moyens producteurs sous contrats avec l'entreprise ou associés en Coopératives.
Figure n°15 : Différents 'portraits de palmiers' entre Rio Claro, Golfito et Ciudad Neily (avril-mai 2016)
Dans cette zone située entre Río Claro, Ciudad Neily et Golfito, appelée "Coto 54", nous pouvons
clairement observer, en polygones verts sur l'image satellite, ainsi que sur les photos n°2 et n°3, la
continuité des monocultures intensives de palmiers appartenant principalement à l'entreprise
Palma Tica et ses associés. Un aperçu de l'usine de transformation est disponible sur la photo n°5.
Figure n°16 : Différents 'portraits de palmiers' autour du PN Piedras Blancas (avril-mai 2016)