HAL Id: hal-02282276
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02282276
Submitted on 7 Jun 2020HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.
L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.
Distributed under a Creative Commons Attribution - NonCommercial - NoDerivatives| 4.0 International License
Le partenariat à l’INRA, réflexions d’un chercheur
D. Vermersch, . Comepra,comité d’Ethique Et de Précaution de l’Inra,paris
(fra)
To cite this version:
D. Vermersch, . Comepra,comité d’Ethique Et de Précaution de l’Inra,paris (fra). Le partenariat à l’INRA, réflexions d’un chercheur. Journée du Comepra : Partenariat, brevetabilité du vivant dans le domaine des végétaux, Oct 2002, Paris, France. 7 p. �hal-02282276�
021023COMEPRA,doc K$ô
Cl t i tii.:l
gEO1l
[,
,',.]i';'Iii;'DEX
It$I. tli''"'"''
*i'"-'r 'utj
I
E
S
T
R
E
t\
D
\./
].t
g
7
5
Le partenariat
à
I'INRA,
réflexions
d'un
chercheur
Journée du
COMEPRA
Dominique
Vermerschl
23 octobre20A2
I Directeur de Recherche [NRA, Professeur consultant à I'ENSAR, Animateur du groupe Ethos INRA
dominique.vermersch(Dagrorennes. educagri. fr
DOCUttlENTAÏOl,l ÉCOtlOl\rlIE RUMTE REt'l}lE$
I
lilill lllll lllll
lllll
lllll lllll
llllllll
2
Introduction
.
La
question
m'a
été posée
:
suis-je
the
right
man pour
apposerune
réflexionintroductive
à cet
avis
du
COMEPRA, présentéà
la
collectivité
INRA, et
concernant leparlenaiat
? En fait, la seule réponse (et explication) possible est la suivante : j'a;- ététiré
ausort, ce
qui
devrait apaiser les esprits queje
devine encore inquiets à mevoir
sur I'estrade. Plus sérieusement :a Première tare :
je
suis économiste. Même si celui-ci (1'économiste) est invitérégulièrement à
la
(
cour des grands> :
celle dela
sciencequi
se montre, la<
waie
)>,la
<< dure >>, etqu'il
envieparfois
dans soneffort
de connaissance ;celle
aussi des décideurs(il
est alorsle
conseillerdu Prince),
l'activité
del'économiste
se situeplutôt
en aval des activités de recherche àI'INRA.
De cefait,
plutôt
que sujet du partenariatqu'il
est parfois,il
l'étudie
davantage comme objet de recherche.Deuxième tare :
je
suis pour I'heure <enpointillé
)
àI'INRA
puisque mis àdisposition
pour
l'enseignement supérieur agronomique. Celadit,
les jeunes eux-mêmes auprès desquelsj'enseigne
me rappellentnon
sans controverses que la discipline économique est appelée, bon gré mal gré, àfaire corps
avecle
questionnement éthique.C'est
l'histoire
mêmede
ia
discipline qui
entémoigne. Cela
dit,
nous sommes tentés parfoisd'étouffer
trop
brutalementleur
gér.rérosité bruyante mêlée de naiVeté,leur souci d'équité,
leur
idée dujuste
et
du
bien par un retour
sans détourà
la
< Real économie >>,quitte
àrecourir,
en
guise
de
forceps,
à
une
sorte
de
scientisme
en
matièreéconomique et sociale... alors que ce questionnement éthique, opéré par ces
a
o
jeunes, participe à leur propre construction persorurelle en tant qu'homme et femme.
Par
extension,le
thèmedu
paftenariat conjugue, avec
plus
ou
moins
deréussite, économie
et
éthique
; il
sollicite ainsi I'attention des
jeunes chercheurs;
il
s'avèreun sujet
d'autantplus
sensiblequ'il a fait
corps avecl'étape de
jeunessede l'institution
INRA
elle-même,à
sa'construction
collective.Trouve-t-on
ici
une explication au glissement observé du sujetmoral qui
estvisé
dansI'avis du COMEPRA sur
le
partenariat ? Glissementdu
sujet :
deI'individu
chercheur à I'institution. Cela s'exprime d'ailleurs dans les faits parune formalisation du partenariat laissant une portion congrue
et
cadrée auxaboutissements techniques
(cf
Rapportn"7)
? Comment prendre au
sérieuxégalement I'appel incessant
à
la
responsabilité,à
la
prise en
compte
de"sources
de
responsabilité"
(cf
avis
no
12)
alors
que
celles-ci
sontextrêmement
diffuses,
notamment
dans
leur
dimension
économique
?Tellement diffuses
et
complexes
que
l'engagement
individuel
voire institutionnel peine à y trouver une rationalité.La
nature
est ù tout le monde : hypothèque sociale dupartenariat
D'ailleurs,
en quoi la problématique actuelle du partenariat de recherche a-t-elle unedimension éthique
? La
recherche consisteen
la
productiond'un bien
collectif
dont
lavalorisation
nécessite
ensuite
des
complémentarités
de
production
en
vue
d'unetranscription
technologique
des
nouvelles
connaissances
acquises.
Ces
bienscomplémentaires
résultent souvent
eux
ausside
savoirs
accumulés (c'est I'exemple dumatériel génétique) et qui, entretemps, ont été privatisés. La dynamique marchande incite à
cette
privatisation
qui
génère cependant des rentes informationnelles, autrementdit
unesorte
de
raretéfictive qui
peut
nuire à
I'efficacité économique.
D'où la
nécessité d'unecoopération sociale supérieure
à
celle
fourniepar
le
marché,et donc d'une intervention
publique
régulant en amont les modes d'appropriation dela
connaissance. Actuellement, l'économie du partenariat est défaillante eu égard à des critères d'accès à la connaissance et d'équité dans la répartition ; d'où la dimension éthique de la question.En bref,
le
partenariatde
rechercheest appelé
à régir
l'hypothèquesociale
qui
devrait être attachée à la privatisation des connaissances. En particulier, c'estlorsqu'on
envient
à bafouer (politiquement, économiquement) cette assertion populaire suivant laquelle <la
nature est
à tout
le
monde)), que
l'opinion
publique
sanctionne,voire
rejette
uneinnovation trop privative du vivant,
négligeantla
dimension debien collectif
de celui-ci, dimension par naturedifficilement
< privatisable >.4
De
fait,
la dimension proprement économique est mise en avant dès I'introductionde I'avis où est évoquée la nécessité de gérer un équilibre entre plusieurs pôles
d'intérêts
:production,
consontmation,préservation des
ressourcesnaturelles...
Ceci
ne
fait
querappeler
le
propre dela
science économique, c'està dire I'art
de mettreà disposition
desmoyens rares en vue
de "fins" qui
peuvent être multipleset
concurrentes2. Cette mise àdisposition
est
arbitrée
ordinairementpar
le
marché,les
arbitrages obtenus nécessitantparfois
d'être corrigés
par
des interventions publiques
en
we
de préserver, dans
le
casprésent,
une
appropriation
collective
et
équitable
du bien en
question
:
à
savoir
la
connaissance scientifique. L'avis présenté
ici
traite amplement de cette question, à un pointtel
que
I'avis
éthique
aurut
peut-être cédéla
place
à une
recommandation d'économiepublique... si
I'on
considère en outre les développementset
rappels d'économie proposés dans le rapport dont est issu I'avis sur le partenariat.Normativité
scientffique,normativité éthique :
mélange des genres ?Certes, et O. Godard3 ne me contredira pas
je
pense,il
n'est pas immoral de recourirà l'économie, au
marché, àla
politique
économiquepour
incarner et meffre en æuvre nosjugements
éthiques.Mieux
encore,la
réglementationet
l'édiction de
normes viennent souventà la
rescoussede nos propres défaillances morales,
de
l'écart entre nos
bonnesintentions affichées
etlaréalité
moins reluisante de notre agir effectif.Pour
autant,un
questionnement éthiquepeut-il
se satisfaire
d'une
seule réponse technique ?La
technique relevantici
de l'instrumentation économique etpolitique. C'est
à ce niveau que s'opère un recouvrement, voire une transgression déjà ancienne, de la scienceéconomique sur l'éthique. L'économie normative, pour reprendre
la
terminologie de J.-P.Dupuy4,
fait
corpsici
avecl'éthique
procéduraleet ne
se propose pasmoins de traiter
2 Ainsi, entre technique et économie apparaît une inversion de la dimension plurielle du rapport moyen-fin, la technique concernant I'utilisation de moyens multiples en vue d'une fin déterminée.
3 Godard O.,2001, Est-il immoral de recourir à léconomie pour protéger I'environnement ? in
G. Teboul (dir.) La protection de I'environnement, Paris, Ed. LPM.
4 Dupuy J.-P., l9g2,Le sacrifice et I'envie le libéralisme aux prises avec la justice sociale.
sociale.
Elle
s'avère ainsi capable de produire à des fins d'exigence éthique des valeurs et des normes, résultatd'un
mécanisme de consensus contraignantle
moins possible les libertésindividuelles.
Adopter
une éthique procédurale contribue aussià expliquer
le
déplacementde la
réflexion
déjà observée précédemment : de findividu
àI'institution
comme sujet moral. Dèslors, I'exercice de la normativité issue d'une éthique procédurale emprunte inévitablement à la
normativité scientifique, I'objet
de recherche étant alors une réalité économique et sociale.L'avis
du COMEPRA sur le partenariat enfournit,
me semble-t-il, uneillustration lorsqu'il
est
écrit
au no3:
<t...C'estI'un
des objetsprincipaux
dupartenariat...
que deconcourir
defaçon
maîtrisée au processus d' acquisition, de diffusion, d'appropriation, et de maturationdes connaissances
par
de nombreux utilisateurs, dansle
cadre de procéduresqui
doiventêtre pensées comme
tout
aussi exigeontes que celles qui permettentd'établir leur
validité
scientifique. > L'ingénierie sociale veut se hisserici
au rang de I'ingénierie biologique ; à unpoint
tel
que I'on pourrait
suspecter iciun
relent de
scientismesocial.
Mais
s'agit-il véritablement d'éthique ? Commele
souligne Ladrière (2001),on
nepeut
en effet déduire uneproposition
normative depropositions
descriptives.Si I'on
s'appuieen
effet
sur
despropriétés objectives (telles que des
"lois"
biologiques mais aussi économiques et sociales) pour fonder des orientations éthiques pour I'action,onfait
intervenir un méta-principe disantque
la
valeur
éthique del'action réside
dans sa conformité aux indications fourniespar
la
nature,
ou par les faits sociaux. Or, comme le note avec force Ricæur (2000) "ily
a éthique d'abordparce
que,par
l'acte grave deposition
de liberté,je
m'arrache au cours des choses, à la nature età
ses lois"6.Economie et éthique en théorie
:
distinguerpour mieux collaborer
Certes, éthique
et
économiesont
appelésà
collaborermais
elles n'ont pasà
être confondues.La
science économique est une science positive qui analyse la face extérieure etvisible
des actions humaines, mettant ainsi àjour
les déterminismesindividuels et
sociauxdont
il
faut
tenir
compte dansla
construction dujugement
éthique.Alors
que
l'éthique,5 L"r e^pressions en italique sont reprises de Ladrière (2001), L'éthique déstabilisée par la science. in
Arnsperger C., Larrère C., Ladrière J., Trois essais sur l'éthique économique et sociale. INITA Editions, Coll.
Sciences en Questions.
6
comme science de la moraleT, vise les actes personnels à partir de leur
intériorité
dynamique : I'intention, le choix libre, le souci d'autrui, le comportement personnelvis
àvis du
devoir, de la vérité, dubien...
autant de catégories qu'aucune science humaine ne peut atteindre dansleur totalité.
C'est pour cette raison également qu'une éthique procédurale, soustutelle
deI'institution
de recherche, n'épuise pas le souci éthique porté par chacun de ses membres.Economie et éthiuue en
nratisue :
de réellesdifficultés
de coni usaisonDistinguer économie et éthique est une chose ; les faire collaborer en est une autre et
se heurte
en pratique
à
desdifficultés
de
conjugaison.Entre
ces deux ordres,en
effet,apparût une tension historique du
fait
qu'ils prétendent tous deux à I'universalisme et à lanormativité. Aujourd'hui,
la
mondialisationet la
financiarisation accéléréesde
l'économieapparaissent
comme
une
manifestation
concrète
du caractère
universel
de
I'ordre économique, auquel est soumisd'ailleurs
le partenariat de recherche(si
l'on
se rappelle la saisineinitiale).
La
prétention normativede
la
science économiquefonde
théoriquementI'autonomie morale et observable de I'ordre économique. Pour sa part,
si I'ordre
éthique (i.e les impératifs éthiques sur lesquels nous nous accordons) a également une visée universelle,il
ne peuty
prétendre d'emblée. La conscience éthique nécessite en effet des médiations quilui
permettent d'exister dans une éthique de situation, appelée à prendre progressivement une épaisseur universelleS. Cette conscience éthique ne se contente pasde
la
seule économiepour se
déployer
mais se nourrit
de
la
liberté,
de
la
créativité, des
initiatives, de
laresponsabilité.
Nostalgie éthigue
Ceci est
notamment perceptible
pour les
jeunes
générationsde
chercheurs quisouhaiteraient légitimement donner de l'épaisseur à leur conscience éthique au travers même de leur activité professionnelle9.
Ils
sont en parfois d'autant plus frustrésqu'on
leur rappelle que le partenariat afait
corps avec la construction collective deI'INRA
;d'où
également une7 C'est en ce sens également que I'on peut garder la distinction entre "éthique" et "morale"
8 Voit à
ce sujet Ladrière J. lgg7, L'éthique dans l'univers dela
rationalité. Artel-Fides, enparticulier le chapitre 9.
tutelle procédurale.
Nostalgie
:
ce terme est présent dansle
rapport(n"
13)
:
il
s'agit d'une
nostalgieéthique
:
comme
le
rappelle
la saisine
du
PrésidentHervieu,
le
modèle originel
etmonolithique de partenariat qui a fagonné
I'INRA
n'est plus de mise aujourd'hui. En effet, lestrois
dimensions d'orientation, de financement et d'orientation du partenariatont
désormaisun caractère
pluriel,
ce qui permet etnourrit
les controverses sociales liées aux innovationstechnologiques.
En
outre,
les
objets des
partenariatsoriginels sont aujourd'hui remis
en question, eu égard notamment à une certaine vacuité morale des modèles de développement agricole.Mais qui dit
nostalgie,dit
désird'un
bien perdu et quel'on
souhaite retrouver. En cesens,