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Les motivations à la non-confession en contexte d'interrogatoire policier : exploration des profils explicatifs de la non-confession dans le cas d'individus reconnus coupables d'un crime

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Les motivations à la non-confession en contexte

d’interrogatoire policier :

Exploration des profils explicatifs de la non-confession dans le

cas d’individus reconnus coupables d’un crime

Mémoire

Andréanne Bergeron

Maîtrise sur mesure en Criminologie

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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Les motivations à la non-confession en contexte

d’interrogatoire policier :

Exploration des profils explicatifs de la non-confession dans le

cas d’individus reconnus coupables d’un crime

Mémoire

Andréanne Bergeron

Sous la direction de :

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III Résumé

La confession en contexte d’interrogatoire policier est un élément important de l’enquête afin d’accumuler des preuves (Inbau, Reid, Buckley, et Jayne, 2001), résoudre le crime sous enquête (Phillips et Brown, 1998), et pour prouver la culpabilité d’un individu (Leo, 1996). Jusqu’à présent, les recherches effectuées dans ce domaine ont majoritairement mis l’accent sur l’identification des facteurs et motivations qui influencent la décision de confesser les faits reprochés. La non-confession a donc, jusqu’ici, pratiquement toujours été considérée par les chercheurs de façon implicite : ce qui ne favorise pas une confession doit donc nécessairement favoriser la non-confession. Aucun chercheur ne s’est véritablement attardé à valider cette présupposition ni à décrire le processus décisionnel de non-confession. Cette étude vise donc à combler un vide de connaissances au sujet des motivations sous-jacentes à la non-confession en se basant sur un échantillon de 111 hommes non-confesseurs, ayant été reconnus coupables des faits reprochés, et détenus dans un pénitencier canadien. Des analyses de classes latentes effectuées avec certains des facteurs motivationnels reconnus dans la littérature sur la confession ont aidé à identifier cinq profils distincts de non-confession : le déni passif et le déni ambivalent, deux profils pour lesquels les motivations n’ont pas su être bien identifiées à l’aide des variables à l’étude ; le déni émotif, qui est motivé par plusieurs facteurs, particulièrement par ceux liés aux émotions et aux pressions internes (ex. : la peur de perdre un être cher) ; le déni calculé, déni qui semble basé sur une analyse coûts-bénéfices ; et finalement, le déni pour protéger sa dignité, ces non-confesseurs ayant principalement peur de ternir leur réputation. Les résultats de l’étude, discutés à la lumière des recherches sur l’interrogatoire policier et les stratégies d’interrogatoire, ont d’importantes retombées au niveau des pratiques d’interrogatoire et ont aussi d’importantes implications dans l’avancement des connaissances théoriques sur la non-confession et sur l’interrogatoire policer, domaine encore très peu étudié, particulièrement au Canada.

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IV Abstract

Suspect’s confession during police interrogation is an important component of successful police investigations. Confession has been shown to play an important role in the corroboration of incriminating facts (Inbau, Reid, Buckley, & Jayne, 2001), to help solve crimes (Phillips & Brown, 1998), and to lay charges and prove guilt (Leo, 1996). While prior and more recent studies helped to further our knowledge regarding profiles of motivations and factors associated with suspects’ confession during police interrogation, not much is known about the motivations associated with a suspect’s non-confession. Using a sample of 111 individuals who have been convicted—despite the fact that they had not confessed their crime—and incarcerated in a Canadian penitentiary, the current study tries to better understand the different profiles of motivations leading to a non-confession during police interrogation. Using selected motivational factors, latent class analyses were performed and helped identify five subgroups of non-confessors: passive denial and

ambivalent denial, two profiles for which the motivational factors used in the current did

not fully helped to understand their decision-making, emotional denial, which is motivated by several factors, particularly those related to emotions and internal pressures (e.g. fear of losing loved ones), calculated/rational denial, a group of non-confessor for which the decision not confess seemed to be the result of a cost-benefit analysis, and finally, dignity

denial, since these non-confessors were mainly afraid to undermine their reputation.

Findings, discussed in light of the literature on police interrogation and interrogation techniques, have important practical implications, both in terms of human rights and effective practices within police agencies. The study results also have important implications for the advancement of theoretical knowledge in the field of non-confession and police interrogation, an area that is still well understudied, particularly in Canada.

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Table des matières

RÉSUMÉ...III ABSTRACT ... IV TABLE DES MATIÈRES ... V LISTE DES TABLEAUX ... VI LISTE DES FIGURES ... VII REMERCIEMENTS ... VIII

LES TECHNIQUES D’INTERROGATOIRE POLICIER ...2

LE DÉVELOPPEMENT ET L’ÉVOLUTION DES CONNAISSANCES SUR LA CONFESSION ...5

LES PREMIERS MODÈLES EXPLICATIFS DE LA CONFESSION... 5

LE MODÈLE INTERACTIONNISTE DE MOSTON ET SES COLLÈGUES ... 9

LE MODÈLE COGNITIVO-COMPORTEMENTAL DE GUDJONSSON ... 11

LES RÉSULTATS EMPIRIQUES SUR LA CONFESSION ... 14

LA NON-CONFESSION ... 24 PROBLÉMATIQUE... 27 MÉTHODOLOGIE ... 30 ÉCHANTILLON ... 30 PROCÉDURES ... 30 RÉSULTATS ... 40

SÉLECTION DES ITEMS UTILISÉS POUR LA CRÉATION DE PROFILS ... 40

IDENTIFICATION DU MODÈLE D’ANALYSE DE CLASSES LATENTES... 41

ANALYSES SUPPLÉMENTAIRES... 46

DISCUSSION ... 52

PROFILS IDENTIFIÉS ... 52

EXPLORATION DE L’INFLUENCE DES CARACTÉRISTIQUES INDIVIDUELLES,DÉLICTUELLES ET SITUATIONNELLES ... 60

APPORT THÉORIQUE ... 63

APPORT MÉTHODOLOGIQUE ... 64

APPORT PRATIQUE POUR LES MILIEUX POLICIERS ... 65

LIMITES DE L’ÉTUDE ... 69

CONCLUSION ... 72

BIBLIOGRAPHIE ... 76

ANNEXES ... 82

ANNEXE A :QUESTIONNAIRE SUR L’ABSENCE D’AVEU EN CONTEXTE D’INTERROGATOIRE (QAA ; DESLAURIERS-VARIN,2006) ... 82

ANNEXE B :ANALYSE FACTORIELLE DES ITEMS DU QAA... 84

ANNEXE C :MATRICE DES CORRÉLATIONS AVEC LES ITEMS DU QAA ... 85

ANNEXE D :RÉSULTATS DE LA NUÉE HIÉRARCHIQUE ... 87

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Liste des Tableaux

TABLEAU 1. PRÉSENTATION DES ITEMS SÉLECTIONNÉS POUR L’ÉTUDE – FRÉQUENCE (%) 41 TABLEAU 2. COMPARAISON DES MODÈLES DE BASE ... 42 TABLEAU 3. PROBABILITÉ DE RÉPONSES AUX ITEMS POUR LE MODÈLE DE CINQ CLASSES .. 43 TABLEAU 4. RÉSUMÉ DES PROFILS IDENTIFIÉS ET DE LEUR(S) PARTICULARITÉ(S) ... 46 TABLEAU 5. ANALYSES DE KHI-2 ENTRE LES VARIABLES INDIVIDUELLES, DÉLICTUELLES ET

SITUATIONNELLES ET LES PROFILS DE NON-CONFESSION IDENTIFIÉS – % (N) ... 47 TABLEAU 6. KHI-CARRÉ ENTRE LES PROFILS IDENTIFIÉS À L’AIDE DE L’ACL ET CEUX

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Liste des Figures

FIGURE 1. PROFILS IDENTIFIÉS ET IMPORTANCE DE CHACUN DES ITEMS À L’ÉTUDE DANS LA COMPOSITION DE CES PROFILS ... 45 FIGURE 2. LES RÉPONSES AUX ITEMS DES TROIS PROFILS DE L’ANALYSE DE CLASSIFICATION

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VIII Remerciements

Avant de débuter, j’adresse mes remerciements aux personnes qui m’ont aidé dans la réalisation de ce mémoire.

J’aimerais sincèrement remercier ma directrice de recherche, Nadine Deslauriers-Varin, pour sa disponibilité et ses bons conseils. Merci de m’avoir transmis, à travers les étoiles dans vos yeux, la passion et la rigueur de la recherche. Je suis également très reconnaissante de l’accès privilégié à mes données qui ont permis la réalisation de ce projet.

Merci à Patrick Lussier de m’avoir éclairé et dirigé vers la bonne direction au moment opportun. Merci de votre disponibilité, de vos commentaires, de vos encouragements et de l’enseignement tant enrichissant.

Merci à Michel St-Yves pour vos commentaires et observations lors de la correction du mémoire. Votre disponibilité et votre générosité m’ont été d’une grande aide.

Merci infiniment au Centre International de Criminologie Comparée (CICC) pour leur support financier dans la rédaction de ce mémoire. Cette aide a été grandement appréciée.

Sur une note plus personnelle, j’aimerais remercier mes parents pour leur support et leur fierté inébranlable. Merci pour tous vos sacrifices qui ont façonné la personne que je suis aujourd’hui.

Un grand merci à mon frère pour sa présence. Merci Vincent de m’avoir donné, sans le savoir, la motivation dont j’avais besoin dans les moments les plus cruciaux. Je voulais que tu sois aussi fière de moi que je peux l’être de toi.

Merci à mes amies qui m’apportent, chacune à leur façon, la chaleur et les rires dont j’ai (souvent inconsciemment) besoin.

Et finalement, merci à Jean-Philippe, mon pilier solide sur lequel je m’appuie lorsque mes angoisses tentent de prendre le dessus. Merci d’ensoleiller mon quotidien.

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Les Motivations à la Non-Confession en Contexte d’Interrogatoire Policier : Exploration des Profils Explicatifs de la Non-Confession dans le cas d’Individus

Reconnus Coupables d’un crime

For every good reason there is to lie, there is a better reason to tell the truth.

—Bo Bennett

La confession d’un suspect est un élément important d’une enquête policière. Il a été démontré que la confession joue un rôle primordial dans la corroboration des faits incriminants (Inbau, Reid, Buckley et Jayne, 2001), dans la résolution de crimes (Phillips et Brown, 1998), ainsi que dans le dépôt des accusations et dans la construction de la preuve pour prouver la culpabilité (Leo, 1996). Elle permettrait de résoudre une enquête policière qui n’aurait normalement pas été résolue dans 13 à 33 % des cas selon Leo (1996) et McConville (1993). La confession est un phénomène complexe qui découle de plusieurs sources de pression, telles que celle venant du suspect lui-même, des complices, des policiers et de leurs techniques d’interrogatoire, ainsi que du système de justice pénale (Gudjonsson, 2003). Bien sûr, l’aveu obtenu est utile lors d’un procès puisqu’il sert de preuve (Gudjonsson, 2003 ; Neubauer, 1974). D’ailleurs, selon Kassin et Neumann (1997), la confession a un impact plus important sur la décision du jury que l’impact produit par le témoignage d’un suspect ou même des preuves physiques. Par contre, lorsque la preuve contre un accusé est assez bonne pour démontrer sa culpabilité, le déni du suspect lors de l’interrogatoire peut également jouer contre lui, puisque celui-ci sera perçu comme étant moins collaborateur aux yeux du juge ou du jury (Leo, 1996). Les suspects qui acceptent de collaborer avec la police peuvent se faire offrir des réductions de peines qui pourraient les avantager. La collaboration avec les policiers est donc parfois récompensée. Par contre, certains individus prennent la décision de ne pas confesser, malgré l’existence d’une preuve solide dans leur dossier qui permet à la Cour de reconnaitre leur culpabilité. Pour bien comprendre le phénomène de la non-confession, ce travail présente d’abord les modèles théoriques et l’état des connaissances sur le sujet. Ensuite, la problématique, la méthodologie et les résultats de la présente étude seront présentés. Finalement, la dernière partie de ce travail est consacrée à la discussion de ces résultats à la lumière des

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connaissances actuelles ainsi qu’à l’élaboration d’hypothèse et de futures pistes de recherche.

Les Techniques d’Interrogatoire Policier

Les séries télévisées, les films et l’image générale populaire présentent l’interrogatoire policier sous une image teintée de violence et de coercition. Cette image n’est pas totalement fausse puisqu’elle apparait également dans les écrits historiques concernant les interrogatoires (Leo, 1992 ; St-Yves et Landry, 2004). Une grande prise de conscience a été entreprise durant la Deuxième Guerre mondiale ce qui a mené à une importante amélioration des interrogatoires dans plusieurs pays du monde (Leo, 1992). Ainsi, l’aspect coercitif a été assoupli et des techniques d’interrogatoire furent développées. Le modèle Reid vu ainsi le jour en 1962 dans l’ouvrage de Inbau et Reid intitulé Criminal

Interrogation and Confession. Cette technique devint rapidement l’une des plus rependues

en Amérique du Nord et reste encore la plus utilisée de nos jours (Gudjonsson, 2003 ; St-Yves et Landry, 2004). La technique proposée s’appuie sur l’élimination des barrières de résistance de l’individu accusé afin qu’il avoue son crime en minimisant les conséquences négatives reliées à un tel aveu. La confrontation, tel qu’évoqué dans les travaux de Gudjonsson (1999 ; 2003), est utilisée et a pour objectif de développer un sentiment de culpabilité. Lorsque l’enquêteur démontre au suspect les aspects contradictoires de son discours ou encore lorsqu’il laisse savoir qu’il détient des informations contraires aux faits évoqués par celui-ci, le suspect est donc en conflit avec lui-même et se voit dans l’obligation de réviser sa stratégie. La collaboration devient donc bien souvent l’option la plus intéressante. Pour se faire, la première partie de l’entrevue sert à confirmer ou infirmer certaines informations ou certains doutes à l’égard du suspect. En deuxième lieu, le policier tente de développer une relation avec le suspect pour ensuite l’amener à raconter sa version des faits. Les auteurs mentionnent l’importance de prendre note des informations verbales et du comportement non verbal. Les questions qui sont posées au suspect sont ouvertes, générales et non accusatoires. Après avoir posé ces questions personnalisées, l’enquêteur sort de la salle pour une période assez longue afin de générer un sentiment d’angoisse chez le suspect dans le but de faciliter sa collaboration par la suite.

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Le modèle Reid reste controversé malgré ses ajustements au fil du temps et semble de plus en plus délaissé, au Canada, en raison de celle-ci. Les critiques (p. ex. : Gudjonsson, 2003 ; Kassin, 1997 ; Leo, 1996 ; Pearse, Gudjonsson, Clare et Rutter, 1998 ; Sigurdsson et Gudjonsson, 2001 ; St-Yves et Meissner, 2014) dénoncent l’aspect de la manipulation psychologique utilisée à travers les étapes. Ils dénoncent particulièrement le danger dans l’utilisation de cette technique auprès des suspects plus vulnérables tels que les individus ayant des déficiences intellectuelles (Gudjonsson, 2003). La suggestibilité utilisée dans la technique serait susceptible de produire, selon eux, de fausses confessions chez des suspects non coupables. De plus, les détracteurs déplorent le manque de discussion entourant le phénomène des fausses confessions dans leur travail. Reid et ses collègues se défendent en disant qu’il est contre nature de s’incriminer soi-même et qu’il serait difficile pour les policiers d’accomplir leur travail sans user de subterfuge qui ne relève pas de la coercition. Les critiques abordent également le manque de données probantes sur l’efficacité de la technique. Peu d’études ont été consacrées à tester empiriquement et objectivement l’efficacité de la technique dans un contexte d’interrogatoire (Gudjonsson, 2003). Finalement, Reid et ses collègues font l’objet de critiques concernant l’aspect verbal et non verbal de l’interrogatoire. En effet, selon eux, il existerait des différences au niveau des comportements verbaux et non verbaux entre les suspects coupables et non coupables (Inbau, Reid, Buckley et Jayne, 2001). Certaines études démontrent des résultats contraires à ceux proposés par Inbau et ses collègues (p. ex. : Kassin, 2005 ; Kassin et Fong, 1999 ; Kassin et Gudjonsson, 2004 ; Kassin, Meissner et Norwick, 2005 ; Meissner et Kassin, 2002 ; Vrij, 2005), mais ceux-ci constatent tout de même une différence entre les menteurs et les individus innocents. Le comportement du suspect en contexte d’interrogatoire suscite de plus en plus d’attention. Par exemple, l’étude de Moraes (2013) examine la relation entre les techniques utilisées par les policiers et le comportement adopté par le suspect. Certains aspects du comportement non verbal s’avèrent être un bon prédicteur de la collaboration du suspect.

Les Britanniques pour leur part ont développé une approche nommée PEACE (Preparation and planning, Engage and explain, Account, clarify and challenge, Closure,

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modèle Reid, ce modèle nécessite que l’interrogateur soit bien préparé. Le suspect recevra d’abord l’explication de ses droits constitutionnels. Ensuite, l’interrogateur obtiendra, à l’aide de questions appropriées, la version du suspect obtenu librement. Puis, le policier s’assurera d’avoir couvert tous les points et que le suspect soit informé de la suite des événements. Gudjonsson (2003) soulève le fait que cette approche ne mise pas sur l’obtention d’une confession, mais bien sur l’acquisition de renseignements supplémentaires fiables permettant de prouver la culpabilité du suspect. Cette façon de faire, dit-il, permet ainsi de diminuer les risques d’erreurs judiciaires. Contrairement au modèle Reid, l’approche PEACE vise à sensibiliser les policiers britanniques aux principes éthiques et de les former à interviewer des suspects sans avoir recours à la manipulation ou le mensonge. Cette approche se veut davantage objective et non coercitive puisqu’elle est utilisée de la même façon avec les victimes qu’avec les témoins. D’ailleurs, les Britanniques réfèrent au terme « entrevue avec suspects » plutôt qu’« interrogatoire » afin de qualifier cette approche moins oppressive (St-Yves et Landry, 2004). L’aspect moins manipulatoire de la méthode PEACE est discutable. Le processus est dit non accusatoire et non coercitif. Cependant, au moment d’expliquer les droits aux suspects en début d’interrogatoire, les policiers se voient dans l’obligation de dire ces mots : « You do not have to say anything. But it may harm your defence if you do not mention when questioned something which you later rely on in Court. Anything you do say may be given in evidence» (Code of Practice C, 10.1; Burke, Street et Brown, 2000). Les suspects peuvent ainsi comprendre que l’omission de certaines informations ou encore leur non-confession pourra nuire à leur défense lors du procès. De plus, puisque cette approche avait été développée suite à une série de controverses sur les moyens employés par les policiers pour obtenir des informations, son application limite considérablement le travail des policiers (St-Yves et Landry, 2004). Au Canada, la jurisprudence indique que les tribunaux doivent se garder de ne pas limiter le pouvoir discrétionnaire des policiers. Le juge Lamer dans le procès de Branconnier c. R. écrit « les autorités, qui ont affaire à des criminels rusés et souvent sophistiqués, doivent parfois user d’artifices et d’autres formes de supercherie, et ne devraient pas être entravées dans leur travail par l’application de la règle » (p.697). Ce qui est considéré comme problématique ce sont les cas où les policiers auraient usé de subterfuges susceptibles de choquer la collectivité.

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Des chercheurs ont rapporté qu’au Canada, la formation donnée aux policiers sur les interrogatoires avec suspects se limite aux enseignements du modèle Reid et à une approche qui se veut essentiellement basée sur l’obtention d’une confession (Snook, Eastwood, Stinson, Tedeschini et House, 2010; St-Yves et Meissner, 2014). Au Québec, cependant, l’École Nationale de Police offre une formation standardisée sur l’interrogatoire, pour tous les enquêteurs, qui s’inspire des plus récentes recherches sur le sujet et des meilleures pratiques identifiées. Les techniques non coercitives axées sur le développement d’une relation de confiance et de respect entre le policier et le suspect sont prônées (voir St-Yves, 2014, quant aux règles de base prônées).

Jusqu’à présent, peu d’études ont permis d’évaluer la pertinence du modèle PEACE, du modèle Reid ou des approches hybrides, telle que celle enseignée au Québec, et encore moins de comparer leurs retombées réelles. Ces techniques, autrefois largement utilisées, ont découlé des modèles théoriques développés à travers les années. Pour bien comprendre l’importance et les composantes de ces techniques ainsi que les facteurs liés à la confession, il est essentiel de se pencher sur ces dits modèles.

Le Développement et l’Évolution des Connaissances sur la Confession Les Premiers Modèles Explicatifs de la Confession

L’un des premiers modèles théoriques sur la confession à avoir été développé est le modèle d’Horowitz (1956). Dans ce modèle, les sentiments liés au fait d’être accusé ainsi que les éléments reliés à la preuve sont évoqués. Horowitz (1956) soulève l’importance du sentiment de culpabilité dans le processus de confession, mais également le sentiment de soulagement que procure celle-ci après avoir vécu un malaise ou un conflit interne découlant de l’interrogatoire. La confession doit alors être vue comme la porte de sortie et la seule façon de mettre fin au conflit interne vécu par le suspect. L’importance de la perception de l’individu, plutôt que les faits réels, était déjà évoquée à cette époque. À cet effet, Horowitz mentionne l’importance de la perception qu’a le suspect de la preuve contre lui et précise aussi que le suspect doit absolument avoir un sentiment d’impasse et se sentir accusé. Il doit donc se trouver en présence d’une personne détenant une autorité valable ou une expertise appropriée. Il évoque que l’impression de solitude du suspect est l’un des

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points importants pour mener à la confession ; le suspect doit se sentir seul et sans soutien dans une salle plutôt austère.

Il est ainsi possible de voir l’influence de ce premier modèle sur les techniques utilisées par les policiers pour favoriser la confession en contexte d’interrogatoire. Les aspects de solitude, d’angoisse, et de culpabilité font tous partie des techniques d’interrogatoire qui ont été développées. Horowitz n’était d’ailleurs pas seul à proposer des techniques d’interrogatoire à l’époque. Pour faire suite au conflit interne soulevé par ce dernier, Sargant (1957) proposait de créer une anxiété d’attentes dans la salle d’interrogatoire pour laisser l’angoisse et le sentiment de captivité envahir le suspect. Il était donc suggéré que le policier sorte et laisse l’accusé seul quelques instants afin de favoriser ce sentiment. En plus de mettre l’accent sur l’importance de créer un sentiment de solitude et d’angoisse, Sargant (1957) mentionnait que la mauvaise condition physique de l’interrogatoire favoriserait la confession. En effet, priver le suspect de différents besoins essentiels ou même seulement de confort peut mener à des aveux. Sargant propose également de créer des sentiments positifs et négatifs envers les policiers dans le but d’augmenter le stress du suspect. Par exemple, un policier est amical avec le suspect alors que l’autre ne l’est pas. Plusieurs études ont démontré que cette technique pouvait favoriser l’obtention d’une confession (p. ex. : Brodt et Tuchinsky, 2000 ; Rafaeli et Sutton, 1991). Par contre, ce genre de techniques a été grandement critiqué et les recherches démontrent que les mauvaises conditions physiques influencent le processus de prise de décision et la fiabilité des informations obtenues (p. ex. : Hinkle, 1961 ; Shallice, 1974), voire même mener à une fausse confession de la part du suspect (Gudjonsson, 2003). Les recherches récentes indiquent qu’un policier favorisant le développement de la relation de confiance avec le suspect aura plus de chance d’obtenir une confession de la part du suspect contrairement à un policier se montrant plus coercitif (Holmberg et Christianson, 2002 ; Kebbell, Alison, Hurren, et Mazerolle, 2010 ; Wachi et coll., 2014). Si la méthode proposée par Sargant était efficace à l’époque, la réussite était probablement due à la présence du policier amical. La présence du policier à l’attitude hostile n’était donc pas nécessaire.

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Ensuite, le modèle de Reik (1973), inspiré des théories psychanalytiques, va dans la même direction que les modèles d’Horowitz et de Sargant en faisant mention du conflit interne vécu par le suspect. Ce modèle explique que la confession est un moyen de se libérer du conflit interne et de retrouver l’équilibre. Reik met cependant l’accent sur le fait que la confession découlerait de la volonté d’autopunition. L’accusé désirant se réinsérer dans la société en avouant qu’il mérite une punition. Le modèle ne propose qu’une seule explication à la confession et c’est celle de la volonté d’être puni. Par contre, ce modèle s’adresse donc particulièrement aux suspects vivant de la culpabilité, ce qui n’est pas le cas pour tous les suspects.

Quelques années plus tard, Irving et Hilgendorf (1980) développèrent un modèle théorique sur la confession, proposant un regard différent sur le phénomène comparé à leurs prédécesseurs. Dans ce modèle, la perception du suspect des conséquences positives et négatives liées à la confession ou à la non-confession est prise en considération. En effet, ces chercheurs proposent une approche de calcul coûts-bénéfices supposant donc que le choix de confesser ou non est conscient et, en quelque sorte, rationnel. Le modèle d’Irving et Hilgendorf (1980) s’apparente à ce qui est proposé dans la théorie du choix rationnel (Cornish et Clarke, 1986) en ce sens où les actions d’un individu poursuivent toujours un but dont les bénéfices sont perçus comme étant plus importants que les coûts. Le calcul n’est cependant pas objectif puisqu’il repose sur l’évaluation de l’individu en fonction des informations perçues et disponibles, mais également en fonction de son expérience et de ses connaissances. Certains aspects plus spécifiques de l’approche cognitive peuvent aider à mieux comprendre le processus de confession puisqu’elle considère que la prise de décision est un processus rationnel fondé sur la considération systématique de toutes les informations disponibles (Conner et Norman, 2005). Les facteurs tels que les peurs, les conséquences positives et négatives à long et à court terme, les réactions des gens par rapport à leur environnement, etc., viennent donc peser dans la balance de la prise de décision en affichant les bénéfices d’un côté et les coûts de l’autre. Par contre, la prise de décision pourrait ne pas être suffisante pour expliquer la confession. En effet, bien que le modèle d’Irving et Hilgendorf soit plausible théoriquement, dans la réalité, un individu utilise des opérations mentales simplifiées (Shiloh, Salton et Sharabi, 2002). Un individu

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pourrait répondre à une situation, telle qu’un interrogatoire, non pas par une analyse rationnelle de l’événement, mais plutôt par la réaction qu’il a apprise. En effet, un individu pourrait réagir à la présence d’un policier de la même façon que réagiraient ses modèles (p. ex. : ses parents ou encore ses fréquentations) et cela ferait en sorte qu’il reproduise ce qu’il a appris. Son comportement de fermeture ou d’ouverture au policier ne serait alors que le résultat d’une imitation, comme le propose la théorie de l’apprentissage social (Burgess et Akers, 1966).

Finalement, le modèle développé par Jayne (1986), à partir des principes du modèle Reid, met en évidence la perception que le suspect a de la situation, incluant les événements cognitifs, émotionnels et sociaux. L’important pour obtenir une confession est de réduire les conséquences perçues par le suspect et réduire l’anxiété liée à un aveu selon Jayne (1986). Il est recommandé que le policier fasse en sorte d’augmenter l’anxiété liée au mensonge, tel que proposé par Sargant (1957), et faire en sorte que l’aveu apparaisse comme la solution pour réduire le conflit interne. Contrairement à Horowitz (1956) et Sargant (1957), Jayne propose de réduire l’anxiété par rapport à l’aveu et non pas seulement d’augmenter l’anxiété par rapport au fait de mentir. De plus, le modèle d’Irving et Hilgendorf (1980) est intégré naturellement dans le modèle présenté par Jayne puisque des éléments caractérisant l’aspect plus rationnel d’un calcul coût-bénéfice sont considérés. La perception que l’individu a de la situation, telle que les conséquences sociales ou les événements sociaux désirables et indésirables, prennent une place importante dans le modèle. L’intégration des aspects cognitifs, émotionnels et sociaux vient complexifier le modèle et permettre de développer des techniques adaptées aux nouvelles connaissances du phénomène.

En bref, les premiers modèles sur la confession furent développés et améliorés au fil du temps, devenant ainsi de plus en plus sophistiqués alors que de plus en plus d’éléments étaient intégrés. Le sentiment de solitude, le sentiment de culpabilité, l’hostilité de la salle d’interrogatoire et de la situation, ainsi que la balance entre les conséquences positives et négatives liées à la confession, sont tous des aspects pris en compte dans les

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premiers modèles. Ces travaux ont mené au développement de modèles encore plus complets avec des analyses théoriques plus profondes.

Le Modèle Interactionniste de Moston et ses Collègues

George Herbert Mead introduit l’approche interactionniste en 1934 (Reynolds, Branscombe, Turner et Subasic, 2010). Dans cette approche, les interactions humaines sont considérées comme la principale influence sur les réactions d’un individu. Il s’agit d’une approche importante dans les études sur la confession puisqu’elle permet de construire un modèle plus complet. Charron (2003) explique les cinq grands principes qui sous-tendent l’approche interactionniste symbolique. Premièrement, les interactions sociales ont un rôle à jouer dans les réactions d’un individu. Cela inclut la nature de ses interactions, la dynamique et le contexte. Un individu réagit à la réaction de son interlocuteur qui réagira à son tour, et ainsi de suite. C’est ce qui explique entre autres l’importance de l’attitude du policier dans un contexte d’interrogatoire. Ensuite, le deuxième principe sous-tend que les interactions se produisent dans l’esprit de l’individu. Les idées, l’attitude, les valeurs, bref, le processus de réflexion individuel teinte nos réactions. Le troisième principe aborde la perception de l’individu : la définition qu’un individu accorde à chaque mot prononcé et à chaque acte posé par son interlocuteur est un point central de l’interprétation qu’il en fera. Chaque élément de l’environnement peut être interprété de façon différente et viendra influencer la codification de l’information et la réaction qui s’en suit. Le quatrième principe explique que le présent joue un rôle important. En effet, l’individu réagit par rapport à sa situation actuelle et non à sa situation passée. Le passé dépend de la définition que l’individu lui donne dans le présent. Finalement, le dernier principe explique qu’il serait faux de croire que l’individu ne fait que réagir à tous ces éléments ou encore qu’il ne fait que subir l’événement. Au contraire, il interagit activement aux situations, même dans les cas où il décide de ne pas réagir. L’individu est actif et non passif dans le sens où il utilise l’environnement plutôt que d’y répondre. Il définit l’environnement en fonction des buts visés dans sa situation présente (Charron, 2003). La description de ces principes aide à comprendre les nuances dans les interactions humaines ainsi que l’importance de les prendre en considération dans le développement de modèles explicatifs de la confession.

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Cette approche permet donc de prendre en considération l’aspect et l’influence des interactions entre le policier et le suspect en contexte d’interrogatoire.

Découlant de cette approche et s’adaptant pour les situations particulières que sont les interrogatoires policiers, le modèle interactionniste de Moston, Stephenson et Williamson (1992) a vu le jour. Ce modèle inclut les caractéristiques du suspect et de son crime, de même que leurs interactions. Ces auteurs considèrent donc important d’inclure l’âge, le sexe, la personnalité, la nature et la gravité du crime dans l’explication de la confession. L’importance des caractéristiques du suspect a d’ailleurs été grandement évaluée dans les études empiriques sur la confession. Le modèle propose des associations entre les caractéristiques d’un suspect et sa décision de confesser ou non les actes reprochés. Par exemple, leur modèle suggère que la perception de la qualité de la preuve pourrait jouer un rôle multiple : lorsque la preuve est accablante, les suspects plus jeunes tendraient à nier les accusations en opposition aux suspects plus vieux. Lorsque la preuve est de bonne qualité, la grande majorité des individus n’ayant pas d’antécédents judiciaires auraient aussi plus tendance à faire des aveux. Les techniques d’interrogatoire sont également prises en considération dans ce modèle. L’interaction entre la technique d’interrogatoire utilisée, les caractéristiques du suspect et du crime ainsi que les facteurs contextuels influencera la confession. Enfin, les facteurs contextuels tels que la présence d’un avocat ou encore la qualité de la preuve sont des éléments importants du modèle avec les caractéristiques du suspect et de son crime ainsi que la technique d’interrogatoire utilisée. Un modèle explicatif de la confession ne serait pas complet si les interactions n’étaient pas prises en compte. Le modèle de Moston et ses collègues intègre tous les éléments des modèles précédents et permet, en plus, de prendre en considération l’importance des effets d’interaction. Ces chercheurs ont présenté une analyse plus dynamique du phénomène à l’aide de facteurs influant tels que l’attitude du policier et les réactions des interlocuteurs. Ils expliquent également pour la première fois l’importance des facteurs individuels tels que l’âge ou le groupe ethnique. Les chercheurs ont présenté un modèle plus complet et plus sophistiqué, mais qui est aussi plus complexe dans son application.

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Le Modèle Cognitivo-Comportemental de Gudjonsson

L’approche comportementale est l’un des premiers paradigmes en psychologie à avoir vu le jour (Hull, 1943). Cette approche est basée sur plusieurs principes expliquant que le comportement est entièrement appris à partir des facteurs de l’environnement entourant l’individu plutôt que lié à des facteurs innés présents à la naissance. Cette approche s’intéresse aux comportements observables et ne prend pas en considération les événements internes et les émotions. Un parallèle peut être établi entre cette approche et l’approche interactionniste, dans la mesure où les réactions sont influencées par des éléments extérieurs à l’individu. En opposition avec le modèle comportemental, le modèle cognitif a été développé par Aaron Beck (1963) servant initialement à comprendre et à traiter la dépression. Dans ce modèle, les distorsions cognitives et le processus de pensée sont mis de l’avant. Les schémas conceptuels des éléments de l’environnement d’un individu sont pris en considération. La définition de chaque élément propre à chaque individu est observée. Le comportement observable est une mesure objective importante en science sociale, mais il est difficile d’ignorer le processus de pensée même s’il est difficilement explicable. Le modèle cognitif et le modèle comportemental ont donc été combinés pour adopter une approche plus complémentaire. Le modèle cognitivo-comportemental met en évidence le rôle des distorsions dans le processus de codification de l’information qui contribuent aux émotions douloureuses et aux comportements inadaptés qui s’y rattachent (Rasmussen, 2005). En altérant le processus de codification de l’information cognitivement, des changements seront observables dans le comportement de l’individu. Si la définition des éléments change, la réaction de l’individu devrait changer aussi.

Issue de cette approche, Gudjonsson propose un modèle cognitivo-comportemental découlant de la théorie de l’apprentissage social. Tout comme les modèles précédents, la confession est, selon ce modèle, influencée principalement par la relation entre l’individu et son environnement. Gudjonsson approfondit cependant davantage les relations entre les facteurs qui interagissent. Par exemple, il mentionne que la relation entre l’individu et son environnement est façonnée par les événements qui précèdent l’interrogatoire, mais également les conséquences qui découlent de la confession. Les événements qui précèdent

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peuvent aider ou nuire à l’aveu et peuvent inclurent la privation de sommeil ou de nourriture, la maladie, la fatigue, l’isolation, le sentiment de culpabilité et le deuil. Les conséquences de la confession peuvent être à court terme, c’est-à-dire dans les minutes ou les heures qui suivent, ou encore à long terme. Les événements qui précédent l’interrogatoire et les conséquences d’une confession sont interprété selon cinq critères visant à expliquer ce qui nuit et ce qui aide le processus de confession : (1) les événements sociaux découlant du contexte, (2) les événements émotionnels, (3) les événements cognitifs, (4) les événements physiques et physiologiques, et (5) les événements situationnels.

Les événements sociaux. Les événements sociaux découlant du contexte existant caractérisent le premier aspect du modèle et inclus la nature de l’interrogatoire, les techniques utilisées par les policiers et les conséquences liées à l’aveu. Le policier tente de souligner les conséquences à court terme afin d’obtenir l’aveu. Par exemple, le policier pourrait laisser le suspect retourner chez lui ce qui répondrait à un désir immédiat du suspect. Le suspect pourrait également être influencé par les conséquences à long terme tel que l’anticipation de devoir affronter la désapprobation sociale. Les conséquences personnelles telles que la peur de ne pas être cru se retrouve dans cette branche du modèle.

Les événements émotionnels. Le modèle met de l’avant deux émotions principales ressenties lors d’un interrogatoire, c’est-à-dire, la honte et la culpabilité. La littérature aborde amplement ce sentiment de culpabilité comme étant un élément associé à la confession. Il réfère également à l’anxiété qui inclut la peur des conséquences telle que celle d’être emprisonnée. Cette anxiété peut être un facteur incitatif à la confession, mais peut également être un obstacle à celle-ci. Suite à la confession, le suspect peut vivre un sentiment de soulagement, mais il peut aussi tenter d’éviter les conséquences en niant les accusations. La peur de perdre un être cher est également une conséquence réelle pouvant être incluse dans cet aspect du modèle.

Les événements cognitifs. Les pensées du suspect, ses interprétations, ses hypothèses ainsi que les stratégies perçues pour répondre à la situation sont des facteurs

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compris dans l’aspect cognitif. L’interrogatoire policier est beaucoup plus influencé par la perception de l’individu que par la réalité. Les facteurs subjectifs, tels que les éléments reliés à ce que l’individu croit qu’il va arriver, influencent la décision prise lors de l’interrogatoire de façon plus importante que les probabilités objectives (Gudjonsson et Petursson, 1991). La perception de la qualité de la preuve est plus importante que la preuve en soi. La perception que la preuve est bonne augmente le signal d’anxiété du suspect et favorise la confession (Sargant, 1957).

Les événements physiques et psychologiques. L’état physique et physiologique, par exemple la faim ou l’inconfort, pendant et précédant l’interrogatoire peut avoir une influence sur le résultat de celui-ci. Indéniablement, le contexte d’interrogatoire fait en sorte qu’il est plus probable que l’individu soit dans un état physiologique différent de la normale. Ici aussi, la confession fait baisser l’anxiété, mais d’un point de vue physiologique. Cette branche du modèle s’apparente à la théorie biopsychosociale tentant d’expliquer des comportements par le procédé physiologique de l’être humain. La littérature d’origine médicale a donc été intégrée au modèle afin de mieux comprendre le phénomène de la confession. Même si l’on parle de l’aspect physiologique, l’état mental de l’individu est ici inclus. Si le suspect est intoxiqué au moment de l’arrestation ou encore si celui-ci présente des problèmes de santé mentale, ces éléments vont influencer les informations divulguées et l’attitude du suspect.

Les événements situationnels. Le contexte de l’interrogatoire inclut les circonstances de l’arrestation, les conditions de l’arrestation et la capacité à faire face à la situation. C’est ici que les expériences d’interrogatoire passées ou les antécédents criminels peuvent venir jouer un rôle. Cet aspect concerne davantage les éléments contextuels de l’interrogatoire. Par exemple, l’attitude générale du suspect envers des policiers influence l’attitude adoptée en interrogatoire.

Le modèle cognitivo-comportementale de Gudjonsson, qui inclut les éléments cognitifs et environnementaux de la personne, semble être la théorie la plus appropriée et complète dans le cas des confessions en contexte d’interrogatoire. Les schèmes de pensée

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cognitifs prennent en considération les perceptions de l’individu. Par exemple, les peurs et les émotions reliées à l’interrogatoire et à ses conséquences sont des éléments perceptuels qui influencent le processus d’aveu. La théorie prend également en considération les éléments extérieurs à l’individu tel que les autres personnes ou les situations sur lesquelles il peut arriver que l’individu n’ait pas de contrôle direct. L’attitude du policier en contexte d’interrogatoire est un exemple de facteur environnemental. De plus, l’approche cognitivo-comportementale considère l’analyse des coûts-bénéfices dans la façon dont un individu réagit à une situation. Cette théorie rassemble plusieurs théories et modèles mentionnés plus haut.

En résumé, il est possible de voir, suite à cette mise en lumière des modèles explicatifs de la confession, que les chercheurs ont d’abord étudié la confession à l’aide d’une approche par modélisation. Les premiers modèles ont abordé le sentiment de culpabilité et les conflits internes. L’influence que le policier peut avoir sur l’obtention d’une confession a ensuite été introduite. Les conséquences positives et négatives influençant la balance décisionnelle de passer à l’aveu ont aussi été abordées. Par la suite, des modèles plus sophistiqués ont vu le jour, mettant de l’avant l’importance de prendre en considération les interactions entre les facteurs explicatifs. Finalement, le modèle le plus complet à ce jour est celui introduit par Gudjonsson, puisqu’il intègre les variables abordées par ses prédécesseurs, mais également puisqu’il permit de raffiner les définitions et les catégories de facteurs qui influence la confession. Son modèle aide ainsi à mieux comprendre la complexité du processus décisionnel du passage à l’aveu.

Les Résultats Empiriques sur la Confession

Les études empiriques contemporaines sont empreintes des facteurs présents dans le modèle de Gudjonsson. D’ailleurs, les mêmes facteurs associés à la confession reviennent à travers les différentes études. Tous les facteurs étudiés peuvent être regroupés en trois grandes catégories soit : les facteurs individuels, délictuels et contextuels.

Facteurs individuels. Les facteurs individuels sont définitivement les éléments les plus étudiés en ce qui concerne le sujet des confessions en contexte d’interrogatoire. Les

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éléments étudiés sont généralement l’âge, l’ethnicité, l’état civil, l’état mental et le sentiment de culpabilité.

L’âge. Baldwin et McConville (1980) ont observé que les individus plus jeunes étaient plus enclins à confesser que les individus plus âgés. Plusieurs chercheurs en étaient arrivés à une conclusion similaire (Beauregard, Deslauriers-Varin et St-Yves, 2010 ; Pearse et coll., 1998 ; Phillips et Brown, 1998). Viljoen, Klaver et Roesch (2005) observent la même tendance même au sein d’un échantillon exclusivement composé de jeunes incarcérés âgés entre 11 et 17 ans. Les plus jeunes participants étaient plus enclins à confesser leurs gestes que les plus vieux. L’étude de Moston et coll. (1992) arrive cependant à une conclusion un peu contradictoire avec ces résultats. Cependant, leur étude est une des seules prenant en considération les potentiels effets d’interaction entre les facteurs explicatifs de la confession. C’est ainsi qu’ils ont observé que les suspects plus jeunes avaient tendance à nier les gestes commis plus fréquemment que les suspects plus vieux lorsque la preuve détenue contre eux était de bonne qualité. Lorsque la preuve est de qualité modérée, les plus jeunes nient moins fortement les accusations que les adultes. L’hypothèse proposée par les chercheurs pour expliquer ces résultats est que les adultes sont plus conscients de la futilité de nier des accusations lorsque la preuve est accablante, alors que les jeunes ont une stratégie de fuite inappropriée dans le contexte. Neubauer (1974) mentionne également que les suspects plus jeunes de son échantillon étaient plus enclins à nier les accusations que les plus âgés. Finalement, certains chercheurs arrivent à la conclusion que l’âge n’est pas un élément influençant le processus de confession puisqu’ils n’observent aucune relation significative (p. ex. : Deslauriers-Varin, Lussier et St-Yves, 2011a ; Leo, 1996 ; Mitchell, 1983 ; St-Yves, 2002).

L’ethnicité. Certaines études démontrent que l’ethnicité influencerait significativement le processus de confession. En effet, les individus d’origine caucasienne seraient plus enclins à avouer les gestes reprochés que les individus venant d’une autre origine ethnique (Gudjonsson, Rutter et Clare, 1995 ; Leo, 1996 ; Phillips et Brown, 1998 ; St-Yves, 2002 ; Viljoen, Klaver et Roesch, 2005). Donc, faire partie d’une minorité ethnique est davantage associé à la non-confession. St-Yves (2002) rapporte que cette

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relation est encore plus significative parmi des individus ayant commis des crimes sexuels. Ces études sont toutes effectuées sur des populations dont les Caucasiens sont normalement en majorité et que les non-Caucasiens deviennent donc la minorité ethnique. Certains chercheurs avancent que puisque la majorité des interrogatoires sont faits par des enquêteurs d’origine caucasienne, les individus faisant partie de la minorité peuvent se sentir moins en confiance et moins en lien avec l’enquêteur (Leo, 1996 ; St-Yves, 2004). Philips et Brown (1998) soulèvent des résultats plus nuancés. Ils affirment que certains éléments viennent interagir entre ces deux variables. Par exemple, les individus faisant partie de minorités ethniques sont souvent plus jeunes, ont moins d’antécédents judiciaires et les preuves détenues contre eux sont de moins bonne qualité comparativement à leurs homologues caucasiens. Ils indiquent également que les non-Caucasiens tendent à avoir recours à un avocat plus souvent que les autres en contexte d’interrogatoire. Tous ces éléments viennent moduler le contexte entourant la décision de confesser et expliqueraient davantage que la confession soit plus élevée chez les minorités plutôt que de considérer que la non-confession est le fruit immédiat de l’ethnicité. Finalement, d’autres chercheurs n’ont trouvé aucune relation entre l’ethnicité et la confession (Pearse et coll., 1998 ; Wald, Ayres, Hess, Schantz et Whitebread, 1967).

État civil. Bien que généralement mentionnées comme un facteur influençant le processus décisionnel (Gudjonsson, 2003), peu d’études se sont penchées sur l’état civil d’un suspect en lien avec la confession. L’étude de St-Yves (2002) sur des délinquants sexuels indique que les individus célibataires présentent un plus haut taux de confession (38 %) que les individus en couples (24 %). St-Yves (2002) mentionne que les individus célibataires n’ont pas à subir la pression créée par l’éventuel rejet de son entourage, ce qui faciliterait la confession. L’étude de Deslauriers-Varin et coll. (2011a), auprès d’un échantillon d’hommes adultes incarcérés, va dans le même sens. Les résultats de leur étude permettent de démontrer que les individus seuls, c’est-à-dire qui ne sont pas en couple, ont davantage tendance à avouer leurs gestes.

État mental. L’état mental du suspect peut être influencé par différents facteurs. L’intoxication, aux drogues ou à l’alcool, a été en effet été démontrée comme étant un

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facteur important dans le processus d’aveu en contexte d’interrogatoire. Pearse et coll. (1998) affirment que seul le fait d’avoir consommé une substance illicite dans les 24 heures précédant l’interrogatoire est significativement relié à l’obtention d’une confession. Par contre, d’autres études démontrent qu’il n’y a pas de lien entre la consommation de substances et la confession (Gudjonsson et Sigurdsson, 1999 ; Sigurdsson et Gudjonsson, 1994). Il est démontré qu’un problème de santé mentale, tel qu’un état psychotique par exemple, peut également faire augmenter la probabilité d’une confession (Gudjonsson et Sigurdsson, 1999). Dans l’étude de Deslauriers-Varin et coll. (2011a), seulement 21,8 % de l’échantillon de non-confesseurs affirme avoir été dans un état psychologique instable lors de l’interrogatoire et affirment que cet élément a pu influencer leur décision de ne pas confesser.

Sentiment de culpabilité. Les pressions internes telles que le sentiment de culpabilité sont associées à un plus haut taux de confession (Deslauriers-Varin et coll. 2011a ; Sigurdsson et Gudjonsson, 1994 ; St-Yves, 2002). Ce sentiment crée un poids sur les épaules du suspect ce qui l’amène à confesser les gestes reprochés (Gudjonsson et Petursson, 1991). L’étude de Beauregard et Mieczkowski (2012), basée sur un échantillon de 624 délinquants sexuels condamnés au fédéral, permet d’observer que les individus vivant de la culpabilité auront davantage tendance à admet une confession complète contrairement à un dévoilement partiel. Gudjonsson et Bownes (1992) observent une grande association entre le sentiment de culpabilité et le besoin urgent de confesser. Par contre, ils observent également, de façon paradoxale, que le même sentiment de culpabilité est associé à une importante inhibition à la confession. Cela suggère que les facteurs pouvant faciliter le passage à l’aveu sont aussi parfois des obstacles à celui-ci et démontre l’importance des interactions entre certains facteurs explicatifs de la confession. Cette observation démontre aussi l’importance de ne pas considérer ces facteurs un à un et le besoin d’identifier des profils motivationnels dans lesquels les facteurs interagissent pour former différents groupes pour ainsi aider à mieux comprendre le processus décisionnel de (non) confession.

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Autres caractéristiques individuelles. D’autres chercheurs établissent des liens entre certains facteurs également associés à la confession, mais qui apparaissent moins régulièrement dans la littérature. Par exemple, Beauregard et coll. (2010) observent que les délinquants sexuels moins scolarisés, qui ne consomment pas d’alcool de façon régulière et qui présentent une personnalité plus introvertie sont plus prédisposés à confesser en contexte d’interrogatoire. L’étude de Beauregard et Mieczkowski (2012) sur des délinquants sexuels soutient aussi le fait que les individus plus introvertis auraient davantage tendance à confesser. Cette étude suggère aussi que le fait de connaître la victime est davantage associé au déni des accusations. St-Yves (2002) arrive à la même conclusion dans son étude auprès d’un échantillon de délinquants sexuels.

Facteurs délictuels. Les facteurs délictuels sont tous les facteurs concernant le crime commis par l’individu. Les facteurs délictuels analysés dans les études antérieures sont l’influence des antécédents criminels du suspect, le type de crime, ainsi que la gravité du crime commis.

Antécédents criminels. La décision de confesser son crime serait davantage liée aux individus ayant moins d’antécédents criminels (Deslauriers-Varin et coll., 2011a ; Moston et coll. 1992). Pearse et coll. (1998), dans leur étude sur 160 suspects détenus au poste de police, indiquent que les individus sont moins enclins à la confession lorsqu’ils ont une expérience d’incarcération ou de détention provisoire. Selon l’étude de Neubauer (1974), 60 % des individus sans antécédents criminels confessent lors de l’interrogatoire, alors que moins de 40 % des individus ayant des antécédents le font. En prenant en considération les éléments d’interaction, Moston et coll. (1992) rapportent que lorsque le suspect bénéficie des conseils d’un avocat, les suspects sans antécédents criminels seraient plus enclins à confesser que les individus ayant des antécédents. Ces résultats pourraient être expliqués par le fait que l’individu ayant eu une expérience avec le système judiciaire pourrait être plus enclin à invoquer ses droits et à ne pas collaborer avec la police (Leo, 1996). L’étude de Moston et coll. (1992) démontre aussi que lorsque la preuve est plus solide, les individus sans antécédents sont plus enclins à la confession que ceux détenant des antécédents criminels. Par contre, certains chercheurs arrivent à la conclusion

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contraire : un individu possédant des antécédents criminels sera plus prédisposé à l’aveu (Baldwin et McConville, 1980 ; Mitchell, 1983), alors que d’autres indiquent aussi qu’il n’y a tout simplement pas d’association significative entre les antécédents criminels et l’aveu (Phillips et Brown, 1998 ; St-Yves, 2002).

Le type de crime. L’influence du type de crime commis a également été un sujet de recherche au niveau de la confession. Sigurdsson et Gudjonsson (1994) soulèvent, dans leur étude sur 315 détenus pour divers types de crimes, que c’est le groupe d’individus ayant commis des crimes sexuels qui contient le plus de non-confesseurs. Ce groupe est suivi de très près par les individus ayant commis des crimes violents. Dans ce même échantillon, les individus incarcérés pour des inconduites au Code de la route ainsi que pour des infractions en lien avec les stupéfiants forment les groupes contenant le plus de confesseurs. Beauregard, et coll. (2010) observent, dans le cadre d’une étude sur les délinquants sexuels, que les individus se spécialisant dans ce type de crime ont plus tendance à confesser que les délinquants polymorphes (c.-à-d., ayant commis plusieurs types de délits). Il semblerait donc que les crimes incluant des victimes physiques sont moins associés à une confession. Les observations de Neubauer (1974) vont dans le même sens. Il mentionne que les suspects accusés de crime contre la propriété confessent à un taux beaucoup plus élevé que les individus ayant commis des crimes contre la personne. La confession est donc moins probable lorsque le crime est plus grave (Moston et coll., 1992 ; Phillips et Brown, 1998). Les résultats suggèrent qu’un individu ayant commis un geste plus grave tentera d’éviter les lourdes conséquences de son geste en niant les accusations (Gudjonsson, 2003 ; St-Yves, 2004).

En contradiction avec ces résultats, d’autres chercheurs ont cependant constaté que les individus ayant commis des crimes sexuels formeraient plutôt le groupe qui confesse le plus (Mitchell, 1983 ; Gudjonsson et Sigurdsson, 2000). Cette différence dans les résultats pourrait être due à des facteurs externes ou les effets d’interaction tels que rapportent Lippert, Cross, Jones et Walsh (2010). Dans leurs observations de 282 dossiers d’abus chez les enfants, les auteurs mentionnent qu’une plus grande proportion de suspects confesse les crimes reprochés lorsque les abus sont plus fréquents que dans le cas où les abus sont moins

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fréquents. Ils ajoutent que la présence d’un témoin lors des abus mène aussi plus souvent à une confession. Selon ces études, la relation type de crime-confession semble donc plus complexe que certaines études le démontrent. De plus, Holmberg et Christianson (2002) rapportent que les individus ayant commis des meurtres confesseraient davantage que les gens ayant commis des agressions sexuelles.

La gravité du crime commis. La gravité d’un crime est subjective, mais peut être déterminée en considérant les conséquences directes de celui-ci. Par exemple, un meurtre a des conséquences plus importantes que le vandalisme. Des chercheurs ont associé la non-confession avec une plus grande gravité du crime commis (Neubauer, 1974 ; Moston et coll., 1992 ; Phillips et Brown, 1998 ; St-Yves, 2002). Moston et coll. (1992) identifient cet élément comme étant un des plus importants prédicteurs de la confession. Ces chercheurs soulèvent, par contre, que la preuve détenue dans les cas de crime grave est différente que celle pour d’autres types de crime et souvent probablement plus importante. Les individus ayant commis un crime plus grave ont également plus souvent recours à un avocat. Certains chercheurs mentionnent que l’individu ayant commis un geste grave aura plus à perdre et voudra donc éviter les conséquences importantes reliées à l’événement et préfèrera nier les faits (Gudjonsson, 2003 ; St-Yves, 2004).

Facteurs contextuels. Les facteurs contextuels dépendent des différents éléments qui constituent l’événement. Selon les études antérieures, la décision du suspect de confesser ou non en contexte d’interrogatoire serait influencée par les conseils d’un avocat, la qualité de la preuve détenue contre celui-ci ou encore par les stratégies d’interrogatoires.

Le recours à un avocat. Moston et coll. (1992) affirment que l’un des facteurs qui permettent de mieux prédire la non-confession est le fait que le suspect soit accompagné d’un avocat ou bénéficie de conseils juridiques. Plusieurs autres études arrivent d’ailleurs à ces mêmes résultats (Deslauriers-Varin et coll., 2011a ; Pearse et coll., 1998 ; Stephenson et Moston 1994). Neubauer (1974) constate, dans son étude sur 248 accusés, que les clients défendus par l’aide juridique octroyée par le système public se confessent davantage que les clients bénéficiant d’un avocat du secteur privé. Il constate également que dans les cas

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des crimes violents, les accusés confessent davantage s’ils ont engagé leur propre avocat. Viljoen et coll. (2005) ajoutent que la présence et les conseils d’un parent ou d’un ami réduisent également le taux de confession.

La qualité de la preuve. Plusieurs chercheurs ont associé la décision de confesser avec une bonne qualité de la preuve que les policiers détiennent contre le suspect (p. ex. : Deslauriers-Varin, Beauregard, Wong, 2011b; Deslauriers-Varin et coll., 2011a ; Frantzen, 2010 ; Lippert et coll., 2010 ; Moston et coll., 1992 ; Sigurdsson et Gudjonsson, 1994). Une nuance est par contre apportée dans plusieurs recherches subséquentes : ce serait en fait la

perception de la qualité de la preuve, et non la véritable preuve en elle-même, qui

influencerait la décision de confesser ou non. Les facteurs subjectifs ont beaucoup plus de chance d’influencer une décision que les facteurs objectifs (Gudjonsson et Petursson, 1991). Le point de vue du suspect est déterminant : lorsque la preuve est perçue comme étant de bonne qualité par le suspect, la confession est favorisée (Deslauriers-Varin et coll., 2011a). Walsh et Bull (2012) viennent nuancer ces résultats en mentionnant que le poids de la preuve n’est pas un facteur influençant la décision de confesser lorsque ce facteur n’est pas en interaction avec d’autres. Par exemple, le poids de la preuve pourrait être un facteur influençant la décision sur suspect dans le cas où l’enquêteur utilise une technique efficace de dévoilement de la preuve de façon graduelle. Donc la confession serait davantage influencée par la technique utilisée par les policiers que par la preuve elle-même. La qualité de la preuve semble donner également plus de poids à d’autres facteurs lorsqu’elle entre en interaction avec les facteurs sociodémographiques et délictuels (Deslauriers-Varin et coll., 2011a). Par exemple, les pressions internes, telles que le sentiment de culpabilité, influencent davantage la confession lorsque la police détient peu ou pas de preuves contre l’accusé (Kassin et Gudjonsson, 2004). De l’autre côté, lorsque la preuve est solide, les individus ayant des antécédents judiciaires et les individus ayant recours aux conseils d’un avocat passeront moins probablement aux aveux (Deslauriers-Varin et coll., 2011a). Ce résultat pourrait être expliqué par le fait que ces individus au passé criminel sont plus résistants aux interventions du système judiciaire et démontrent moins de désir de collaboration.

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Les techniques d’interrogatoire. La pression externe exercée par les policiers, incluant des éléments tels que les techniques d’interrogatoire et l’attitude du policier, semblent influencer le taux de confession. Les premières études sur le sujet laissaient croire que si le suspect ne confessait pas au début de l’interrogatoire, les techniques d’interrogation n’auraient pas d’impact sur la suite (Deslauriers-Varin et coll., 2011a) (Moston et coll., 1992 ; Pearse et coll., 1998). Ces études avançaient donc que les techniques d’interrogatoire ne contribuaient pas à augmenter le taux de confession. Cependant, les études plus récentes semblent démontrer le contraire. En effet, au cours des dernières années, l’influence de plusieurs techniques d’interrogatoires fut analysée. Par exemple, la minimisation est abordée par Inbau et Reid (1962) et est reprise dans quelques études (p. ex. : Klaver, Lee, et Rose, 2008 ; Madon, Yang, Smalorz et Guyll, 2013). La minimisation consiste à offrir au suspect un faux sentiment de sécurité en démontrant de la sympathie et de la tolérance (Kassin et McNalt, 1991). Dans certains pays, l’interrogateur présente des excuses pour les gestes posés et des justifications morales, pouvant même aller jusqu’à blâmer la victime. Les circonstances du crime et les conséquences de celui-ci sont atténuées. Comme cette technique semble non coercitive, les juges lors du procès de l’accusé semblent être portés à condamner davantage un suspect qui avoue dans ces circonstances (Kassin et McNalt, 1991). Madon et coll. (2013) mentionnent également que la minimisation est une technique efficace pour augmenter le taux de confession. Cette approche reste tout de même controversée et est souvent présentée comme une technique manipulatrice pouvant mener à de fausses confessions (Narchet, Meissner et Russano, 2011).

Contrairement à l’image populaire, Williamson (1993) affirme que les pratiques policières ont changé au cours de la dernière décennie et reflètent davantage une relation teintée de sympathie et de coopération entre le policier et le suspect. Lorsque le suspect se sent respecté et compris, il semble gagner en confiance, ce qui leur permettrait de passer plus facilement à l’aveu (Holmberg et Christianson, 2002 ; Kebbell et coll., 2010 ; Wachi et coll., 2014). Holmberg et Christianson (2002) rapportent à cet effet que les interrogatoires policiers marqués par la dominance sont majoritairement associés avec le déni des accusations par le suspect, alors que les interrogatoires marqués par de l’humanité

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sont plus souvent associés à la confession. En effet, le développement d’une bonne relation entre le policier et le suspect permettrait d’obtenir un plus haut taux de confession (Wachi et coll., 2014). Il semble qu’un comportement sympathique dégageant une relation basée sur des conseils serait plus efficace (Williamson, 1993). Plusieurs chercheurs parlent également des avantages d’une relation plus humaine et chaleureuse (p. ex. : Holmberg et Christianson, 2002 ; Kebbell et coll., 2010). La technique utilisée par le policier a donc un impact sur le processus décisionnel du suspect en contexte d’interrogatoire. Le modèle Reid spécifie d’ailleurs qu’il est important d’être attentif à la personne et d’observer son comportement. Les recherches démontrent que le fait de faire correspondre le niveau et le style de langage du policier à celui du suspect fait augmenter les chances d’obtenir une confession (Richardson, Taylor, Snook, Conchie et Bennell, 2014).

Plus récemment, d’autres techniques non coercitives gagnent en popularité auprès des corps policiers, telle que la technique SUE (Strategic Use of Evidence). Cette technique a pour but d’influencer la perception du suspect en le confrontant, au fur et à mesure, aux incohérences de son discours à l’aide des preuves dans le dossier, au lieu d’exposer toutes les preuves en début d’entrevue. L’aspect du dévoilement de la preuve avait été abordé par Inbau et Reid et fait également partie des éléments reliés à la confession dans le modèle de Gudjonsson. Au niveau empirique, cette technique s’est avérée efficace dans plusieurs études basées sur des échantillons non criminalisés tels que des étudiants universitaires, par exemple (p. ex. : Tekin, Granhag, Strömwall, Giolla et Hartwig 2015 ; Tekin, Granhag, Strömwall et Vrijd, 2016). Lorsque confrontés à la technique SUE, les participants dévoilaient beaucoup plus de faits incriminants que les individus confrontés aux techniques plus conventionnelles et percevaient également que l’interviewer possédait davantage d’informations (Tekin et coll., 2015).

Finalement, le modèle théorique de Gudjonsson (2003) accorde une grande importance aux peurs des conséquences, toutefois, cet aspect fait rarement l’objet de recherche empirique sur les techniques d’interrogation. Yang, Madon et Guyll (2015) ont effleuré le sujet en rapportant que les conséquences à long terme, tel que l’emprisonnement éventuel, ont moins d’impact sur le suspect lorsqu’elle celles-ci apparaissent incertaines et

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Tableau 3. Probabilité de réponses aux items pour le modèle de cinq classes
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