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Analyses microbiologiques aux Archives françaises du film

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Tracé n°13, 2013

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Tracé n° 13, 2013

Analyses microbiologiques

aux

Archives françaises du film

Malalanirina S. Rakotonirainy*, Élodie Pauwels*

Introduction

Les films cinématographiques constituent une part importante de notre patrimoine culturel et historique ; ils ont à la fois une valeur artistique, historique et eth-nologique.

Au sein du CNC, les Archives françaises du film sont installées en banlieue parisienne, dans les Yvelines, au fort de Saint-Cyr et dans l’ancienne batterie militaire de Bois-d’Arcy. Près de 1 200 000 boîtes, représentant envi-ron 110 000 titres, sont conservées dans deux cent vingt-trois cellules pour les films sur support nitrate de

cellulose, et dans cinq bâtiments de conservation pour les films sur support dit « de sécurité » – acétate de cellulose ou polyester. Les négatifs, les positifs, les élé-ments intermédiaires et les éléélé-ments son magnétiques d’un même film sont stockés séparément. En effet, ces films sont très sensibles et sujets à divers facteurs de détérioration internes ou externes (chaleur, humidité, contaminants biologiques). C’est le cas des films pro-duits entre 1895 et 1953, sur support en nitrate de cellulose, qui s’autodétruisent en émettant des gaz nitreux, nocifs et explosifs, pouvant s’enflammer spon-tanément à une température ambiante de 40 °C s’ils

sont stockés dans un milieu mal ventilé et humide, telles que les boîtes métalliques traditionnellement utilisées. Ces films en nitrate sont actuellement conser-vés dans des compartiments en béton afin d’éviter les risques de propagation du feu. Les films en triacétate de cellulose, produits à partir des années 1920, sont ininflammables mais dégagent de l’acide acétique, phénomène connu sous le nom de « syndrome du vinaigre ». À partir des années 1960, on a commencé à les copier sur des supports en polyester.

Quel que soit le support, tous les films sont recouverts d’une couche d’émulsion en suspension dans la géla-tine qui est un composé hygroscopique et organique. C’est une source potentielle de carbone pour les micro-organismes. Si de nombreuses publications existent sur la dégradation chimique des films, très peu abordent le problème de la biodétérioration, pour-tant la contamination des bobines de films par les moi-sissures est un problème récurrent dans les lieux de stockage de ces objets. Les espèces incriminées sont peu connues. L’étude la plus complète a été réalisée en 1992, par Vladimir Opela, dans les Archives du film de la République slovaque [Opela V., 1992]. Elle a consisté à quantifier le taux de contamination fongique dans l’air, les surfaces et les objets, et à identifier les espèces. Il a montré que la biodiversité fongique était plus élevée dans l’air qu’à la surface des films, les genres prédominants étant Aspergillus et Penicillium. Dans les Archives du film espagnoles, Conceptión Abrusci a isolé et identifié, sur des films en noir et blanc, 14 espèces de bactéries dont 7 ont une activité gélatinasique, 17 espèces de moisissures capables de dégrader la gélatine et une levure [Abrusci C. et al., 2005 ; Abrusci C. et al., 2006 ; Abrusci C. et al., 2007a ; Abrusci C. et al., 2005b]. Outre les problèmes de dégradation des films eux-mêmes, la présence de

micro-organismes sur les films peut être un risque pour la santé des personnes qui manipulent les objets contaminés. Gavin Bingley a ainsi analysé la concen-tration de spores de moisissures disséminées dans l’air par les films [Bingley G., Verran J., 2012]. Elle va de 0 à 3 000 spores/m3, alors que la limite d’exposition

au-dessus de laquelle on considère qu’il y a un risque pour la santé est de 1 000 spores/m3 d’air [Jo W.K.,

Seo Y.J., 2005]. Bringley constate que ce sont les films les plus moisis qui contaminent l’air. Il ne trouve aucune différence entre le nombre de spores présent sur les films en couleur et celui des films en noir et blanc. Les espèces prédominantes sont des Aspergillus et Penicillium, l’Aspergillus versicolor étant la plus fréquente.

Aux Archives françaises du film, alors que les bâti-ments sont climatisés et ont été conçus pour la conser-vation des films cinématographiques, plusieurs bobines en triacétate de cellulose, rangés aussi bien dans des boîtes métalliques (parfois rouillées) que plastiques, présentent des signes de contaminations fongiques, parfois très importantes (voir figure 1). Les films en polyester plus récents ne sont pas atteints pour l’instant. Afin de mettre en place des mesures de traitement et de prévention, il est important de connaî-tre l’identité des contaminants et leur moyen de trans-mission.

L’objectif de cette étude est d’évaluer l’état sanitaire des locaux sur les deux sites du CNC et d’identifier les espèces présentes dans l’air, sur les surfaces et sur les bobines de film enfermées dans les boîtes, afin de voir la relation entre ces trois éléments.

* Centre de recherche sur la conservation des collections (USR 3224 MNHN/CNRS/MCC), Paris, France

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Partie expérimentale

Description des sites d’études

Ce travail a été réalisé dans les bâtiments B de Bois-d’Arcy et Z1 et Z2 de Saint-Cyr, au mois de mars 2013 (température extérieure 3-6 °C) et au mois de mai 2013 (température extérieure 12-14 °C) (voir tableau 1). Ces bâtiments sont entièrement climatisés en continu, avec un contrôle permanent de la température et de l’hygrométrie dans chaque magasin. La climatisation

n’a pas été arrêtée pendant les prélèvements, mais lors de notre visite au printemps la clima-tisation du bâtiment B était temporairement interrompue. Ces magasins abritent des films en polyester et en triacétate de cellulose.

Prélèvements d’air et sur les surfaces

Un total de six magasins ont été analysés sur les deux sites. Pour chacun, des prélèvements d’air (par impaction) et de surface (par empreinte) ont été réalisés. Les échantillons de micro-organismes ont été collectés sur les milieux MA (malt-agar) non spécifique et DG18 (dichloran-glycérol) favorable au développe-ment des espèces xérophiles (activité en eau faible). Les prélèvements ont été pratiqués en deux points de chaque magasin, ainsi que sur le palier du premier étage du bâtiment Z2 et à l’extérieur des bâtiments. À chaque point, deux prises d’air de 250 litres ont été effectuées à 80 cm du sol, pour chaque milieu (voir figure 2).

Le niveau de contamination des rayonnages est évalué par des prélèvements avec des boîtes de contact, aux mêmes endroits que les prélèvements d’air. Pour récolter les spores, le dessus gélosé de la boîte est appliqué pendant 10 secondes sur la surface à échan-tillonner. Le comptage des colonies développées sur les boîtes de Pétri est réalisé après 5-7 jours d’incuba-tion à 26 °C.

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Les résultats obtenus sont exprimés en nombre d’uni-tés formant colonies par mètre cube d’air aspiré (UFC/m3) pour l’air et en nombre d’UFC/dm2pour les

surfaces. Les valeurs présentées correspondent à la moyenne des différents prélèvements par magasin. Après comptage, les colonies sont repiquées indivi-duellement sur des milieux de culture MA frais, afin d’être purifiées puis identifiées par analyse de leur ADN.

Analyse de la flore fongique sur les bobines

de films

L’état microbiologique des films est évalué par une ins-pection visuelle des bobines dans les magasins. Pour identifier les espèces contaminantes, des prélève-ments par écouvillonnage ont été réalisés et

mis en culture sur les milieux MA et DG18, à 26 °C pendant deux semaines. Les colonies développées sont ensuite purifiées sur milieu MA frais, puis analysées par biologie molécu-laire pour être identifiées.

Identification moléculaire des espèces contaminantes

Tous les isolats provenant de l’air, des rayon-nages et des bobines sont d’abord caractéri-sés sommairement d’après leur morphologie (texture, couleur, forme). Chaque type de souche est ensuite identifié par des tech-niques de biologie moléculaire1.

Résultats

Niveaux de contamination de l’air

et des surfaces

Dans le domaine du patrimoine, il n’existe pas de valeur spécifique de contamination micro-biologique des locaux de conservation. Les valeurs limites adoptées sont celles définies dans le domaine de la santé, où l’on distingue quatre niveaux de contamination, suivant la concentration des spores aéroportées [Reboux, G. et al., 2009] :

•niveau 1 : faibles < 170 UFC/m3;

•niveau 2 : 170 < modérées < 560 UFC/m3;

•niveau 3 : 560 < élevées < 1 000 UFC/m3;

• niveau 4 : très élevées >1 000 UFC/m3

(risque pour la santé).

Sur l’ensemble des deux sites, quel que soit l’étage, les niveaux moyens de contamination aérienne dans les magasins se situent en dessous du niveau 1 (voir tableau 2), entre 7 et 51 UFC/m3pour

l’ensemble des deux milieux en hiver et entre 5 et 66 UFC/m3 au printemps. La concentration à l’extérieur

des magasins, sur le palier, n’est pas non plus très éle-vée. À l’extérieur des bâtiments, la concentration est plus importante qu’à l’intérieur ; elle est respective-ment de 235 et 114 UFC/m3, à Saint-Cyr et

Bois-d’Arcy en hiver, la végétation étant encore dormante. Au printemps, les concentrations extérieures sont plus élevées, 505 et 876 UFC/m3à Saint-Cyr et Bois-d’Arcy.

Le jour des visites, la température dans les magasins était comprise entre 9 °C et 13,2 °C en hiver, et 10 °C et 13,8 °C au printemps avec une humidité relative de 45 % et 71 % en hiver et entre 59,4 % et 73 % au Conditions thermo-hygrométriques Localisation Sous-sol 4e étage extérieur Hiver 10 °C, 56,9 % 10,1 °C, 47 % 6 °C Printemps 11,9 °C, 65,9 % 10 °C, 60,2 % 13,8 °C, 66 % Référence SC-Z1.ss 1er étage 9 °C, 71 % 12,5 °C, 69,3 % SC-Z1.1er Sous-sol 13,2 °C, 45 % 13,4 °C, 85,5 % SC-Z2.ss 1er étage –– –– SC-Z2.palier extérieur 4 °C 12,4 °C, 83 % SC-Z2.EXT 2e étage 10 °C, 48 % 10 °C, 59,4 % BA-B.2 BA-B.4 BA-B.EXT 1er étage 11 °C, 58 % 13 °C, 70,3 % SC-Z2.1er

SC : Saint-Cyr, BA : Bois-d’Arcy, ss : sous-sol, 1er : 1er étage, EXT : extérieur des bâtiments

SURFACE (UFC/dm2) AIR (UFC/m3) 50,21 ± 2,48 114,00 ± 25,46 12,50 ± 0,71 Hiver 66,00 ± 7,04 876,00 ± 356,38 5,00 ± 1,41 Printemps 204,65 ± 48,36 29,46 ± 29,76 –– Référence SC-Z1.ss 21,00 ± 5,66 15,50 ± 4,95 170,45 ± 62,50 SC-Z1.1er 7,00 ± 7,07 16,00 ± 5,66 174,66 ± 8,93 SC-Z2.ss 20,00 ± 2,83 52,00 ± 16,97 –– SC-Z2.palier 235,00 ± 9,90 505,00 ± 70,71 –– SC-Z2.EXT 16,00 ± 4,24 6,50 ± 0,71 17,89 ± 5,95 BA-B.2 BA-B.4 BA-B.EXT 51,00 ± 12,73 114,00 ± 16,97 168,35 ± 20,83 SC-Z2.1er

SC : Saint-Cyr, BA : Bois-d’Arcy, ss : sous-sol, 1er : 1er étage, EXT : extérieur des bâtiments

Figure 2. Prélèvements d’air par impaction dans un magasin de stockage de films cinématographiques. © CRCC.

Tableau 1. Conditions thermo-hygrométriques lors des prélèvements. Tableau 2. Niveau moyen de contamination aérienne et surfacique dans les différents

magasins de films cinématographiques, à Saint-Cyr (SC) et Bois-d'Arcy (BA).

Figure 3. Évolution des concentrations fongiques entre les prélèvements d’hiver et de printemps. © CRCC. Prélèvements en hiver UF C /m 3 Prélèvements au printemps

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printemps. Les valeurs entre l’hiver et le printemps ne sont pas très différentes à l’intérieur des bâtiments des deux sites (voir figure 3). À l’extérieur, les concentra-tions plus élevées au printemps sont dues à une humi-dité plus importante et au réveil de la végétation.

Pour les seuils de contamination des surfaces dans les locaux de conservation des collections, il n’existe pas non plus de norme en France : la limite acceptée est de 50 UFC/dm2, définie après plusieurs expériences

sur le terrain. Les résultats montrent qu’au fort de Saint-Cyr, cette limite est largement dépassée dans les quatre magasins analysés, où les taux de contamina-tion moyens des surfaces peuvent aller jusqu’à 204,65 UFC/dm2. Les étagères sont poussiéreuses

mais aucun développement de moisissure visible n’a été constaté sur les rayonnages. À Bois-d’Arcy, les concentrations sur les surfaces sont relativement basses, aux alentours de 20 UFC/dm2.

Identification des espèces

Aussi bien dans l’air que sur les surfaces, les boîtes de prélève-ments montrent une diversité de souches (voir figure 4). Les espèces dominantes dans l’air intérieur sur les deux sites sont Cladosporium sp., Penicillium chrysogenum et Trametes versico-lor (voir tableau 3), cette dernière étant en forte fréquence à l’exté-rieur des bâtiments. Les espèces identifiées sont les mêmes en hiver et au printemps. Sur les sur-faces on a isolé principalement des Cladosporium sp. On retrouve Penicillium chrysogenum et Trametes versicolor sur les rayon-nages du bâtiment B de Bois-d’Arcy, mais avec une fréquence très faible.

Analyse des bobines

Dans toutes les salles analysées, aucune bobine de film en polyes-ter ne semble contaminée, ce qui n’est pas le cas des supports en triacétate de cellulose. Plusieurs de ces films, conservés dans des boîtes métalliques ou en plas-tique, présentent des traces de contaminations fongiques sur le dessus des bobines. L’extérieur comme l’intérieur de ces boîtes ne présente aucun signe de contamination. Des prélèvements par écouvillonnage ont été réalisés sur le dessus des bobines. Un des films a été étudié plus en détail au laboratoire. L’observation directe au microscope confirme qu’il s’agit bien de moisissures et montre que la contamination a atteint la gélatine ; un réseau mycé-lien s’étend sur toute la surface, avec de nombreux amas de spores (voir figure 5).

Deux espèces xérophiles à forte capacité gélatinoly-tique présentent une fréquence élevée : on a recensé 62,5 % de Penicillium corylophilum (Aw 0,80) et 18,75 % d’Aspergillus versicolor (Aw 0,78). De

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Tracé n° 13, 2013 Aspergillus versicolor Aureobasidium pullulans Cladosporium sp. Coniothyrium fuckelii Epicoccum nigrum Penicillium chrysogenum Penicillium corylophilum Trametes versicolor Arthrinium sacchari Cladosporium sp. Epicoccum nigrum Hypermedella rosae Lewia infectoria Penicillium commune Penicillium corylophilum Penicillium glandicola Penicillium polonicum 13,84 1,26 22,01 0,62 0,62 52,84 2,52 6,29

Espèce dans l’air Fréquence dans l’air (%)

Fréquence sur les surfaces (%) Espèce sur les surfaces (%)

Bâtiment Z1 Botryotinia fuckeliana Cladosporium sp. Cryptococcus heimaeyensis Penicillium brevicompactum Penicillium chrysogenum Penicillium sp. Trametes versicolor Souche non identifiée

Arthrinium sacchari Aureobasidium pullulans Cladosporium sp. Epicoccum nigrum 6,35 6,35 3,17 5,56 1,59 1,59 70,63 4,76 55,33 0,67 43,33 0,67 Bâtiment Z2 Botryotinia fuckeliana Cladosporium sp. Cryptococcus heimaeyensis Trametes versicolor 10 5 5 80 6,85 13,70 0,56 0,56 16,44 61,89 Bâtiment Z2. palier Botryotinia fuckeliana Cladosporium sp. Epicoccum nigrum levure non identifiée Penicillium brevicompactum Trametes versicolor Extérieur 31,25 1,55 9,38 14,06 21,88 21,88 Alternaria alternata Beauvaria bassiana Cladosporium sp. Penicillium chrysogenum Penicillium corylophilum Trametes versicolor 14,28 4,76 42,88 4,76 4,76 4,76 4,76 4,76 4,76 9,52 Arthrinium sacchari Aureobasidium pullulans Cladosporium sp. Epicoccum nigrum Penicillium chrysogenum Penicillium commune Pleospora papaveracea Pyronema domesticum Trametes versicolor Souche non identifiée

Bâtiment B 7,27 7,27 7,27 58,19 7,27 1,82 10,91 Alternaria alternata Aspergillus versicolor Botryotinia fuckeliana Cladosporium Epicoccum nigrum Stagonosporopsis cucurbitacearum Trametes versicolor Extérieur Référence 1,83 90,25 2,44 0,61 1,83 0,61 0,61 1,21 0,61 Fort de Saint-Cyr Bois-d’Arcy

Tableau 3. Fréquences des espèces dans l’air et sur les surfaces. Figure 4. Croissance des colonies collectées dans l’air par impaction. © CRCC.

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notamment grâce à la gélatine. On constate que les espèces isolées des films sont des xérophiles, c’est-à-dire adaptées à des milieux peu hydratés. Il suffit donc que l’humidité augmente légèrement à l’intérieur des boîtes pour que ces espèces puissent se développer.

L’observation des films au microscope montre une détérioration fongique de la surface gélatineuse des films, qui peut être néfaste pour leur lecture. En effet, lors de leur développement, les moisissures vont alté-rer l’émulsion grâce aux gélatinases, en provoquant ainsi des trous et par conséquent des pertes d’images. À terme, les moisissures peuvent également s’attaquer au support, puisque le triacétate de cellulose est un matériau organique, donc une source potentielle de nourriture.

Au vu des résultats obtenus et de nos constats, et afin d’arrêter la dégradation des films par les moisissures, leur décontamination est préconisée, ainsi que leur transfert sur des supports en polyester. Des précau-tions doivent être prises en amont pour toutes les bobines qui vont entrer dans les collections, en net-toyant l’intérieur des boîtes et en dépoussiérant leur surface. Un dépoussiérage des rayonnages est forte-ment recommandé afin d’assainir les salles. Un contrôle plus rigoureux des paramètres thermo-hygro-métriques doit être mis en place pour éviter les phé-nomènes de condensation sur les murs, et ceci doit être complété par la vérification des filtres dans les sys-tèmes de climatisation, afin de limiter le développe-ment des moisissures dans les gaines et leur dissémination d’une salle à l’autre.

Remerciements

Ce projet a été financé par le CNC. Nous remercions Mlle Mélodie Chhun, étudiante à Sup’Biotech Paris, qui a participé à l’identification des souches.

Notes

1.Pour identifier les espèces par les techniques de biologie moléculaire, l’ADN est extrait selon un protocole classique au phénol-chloroforme-alcool isoamylique et CTAB 10 % (bromure d’hexadécyltriméthylammonium) [Rakotonirainy M.S. et al., 2007]. L’extrait d’ADN obtenu, mis en suspension dans de l’eau distillée, est ensuite amplifié par PCR avec les couples d’amorces ITS1F (5’-CTTGGTCATTTAGAGGAAGTAA-3’)-PN10 (5’-CTTGGTCATTTAGAGGAAGTAA-3’) ou ITS4 TCCTCCGCTTATTGATATGC-3’)- ITS5

(5’-GGAAGTAAAAGTCGTAACAAGG-3’) qui couvrent les deux régions intergéniques non transcrites ITS (Internal

Transcribed Spacers), la sous-unité 5.8S et une portion en 5’ de la grande sous-unité 28S de l’ADN ribosomique. Cette région cible contient une partie très conservée chez la majorité des espèces fongiques et une région variable, permettant son utilisation pour l’identification des espèces. Les produits de PCR sont contrôlés par une électrophorèse en gel d’agarose à 2 %. Un séquençage des amplicons est ensuite réalisé. Pour chaque séquence obtenue, des séquences homologues sont recherchées via Internet à l’aide du programme BLASTN de la base de données du National center for biotechnology information (NCBI, http://www.ncbi.nlm.nih.gov/). L’identité des espèces retenues est définie pour une homologie d’au moins 98 %.

Bibliographie

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manière unitaire, on a également isolé les souches sui-vantes : Cladosporium sphaerospermum, Penicillium crustosum, Penicillium citreonigrum et Alternaria brassicae qui sont des espèces saprophytes com-munes dans les environnements intérieurs humides.

Conclusion

Que ce soit à Saint-Cyr ou Bois-d’Arcy, malgré un niveau d’humidité relative élevé parfois observé dans certains magasins et la poussière sur les rayonnages, les concentrations moyennes en spores aéroportées sont relativement basses, près de trois fois inférieures à la limite du niveau 1 (< 170 UFC/m3), défini comme

seuil de concentration faible dans les ambiances inté-rieures. Les concentrations extérieures étaient égale-ment basses en mars, car on était en période hivernale relativement sèche et froide, et de la végétation encore en dormance. Par contre, au printemps la concentra-tion extérieure a fortement augmenté, mais celles des magasins n’a pas changé.

Ces bâtiments sont donc relativement bien isolés, la concentration fongique intérieure reste stable quelle que soit la saison et n’est pas perturbée par les chan-gements extérieurs. Aucune différence n’a été obser-vée entre les magasins à différents étages d’un même bâtiment.

À Saint-Cyr, les niveaux de contamination fongique surfacique sont relativement élevés, quatre fois supé-rieures à la limite recommandée, ce qui n’est pas sur-prenant en raison de la présence importante de poussière. En effet, celle-ci véhicule des

micro-organismes, sous forme de spores ou de fragments de mycélium, qui vont rapide-ment croître si les conditions leur sont favorables. À l’intérieur des salles, ces moi-sissures ne se développent pas sur les rayonnages métalliques recouverts de pein-ture, grâce au maintien de températures assez basses et au contrôle hygrométrique. Par contre, nous avons observé des moisis-sures sur les murs, plus hygroscopiques et plus sensibles à toute fluctuation des para-mètres thermo-hygrométriques, créant ainsi des phénomènes de condensation, suffisants pour augmenter l’humidité des murs. Ces phénomènes sont accentués au niveau des bouches de soufflage de la climatisation.

En comparant les niveaux de contamina-tion aérienne et ceux des surfaces, on constate qu’ils ne sont pas forcément liés (voir figure 6). Des surfaces fortement contaminées, comme dans les bâtiments Z de Saint-Cyr, n’entraînent pas la contamination de l’air et par ailleurs, on peut observer des salles avec des taux de contaminations aériennes équivalents et bas (Z1 et B4), et des concentrations en surfaces complè-tement différentes.

Les espèces prédominantes dans l’air sont Cladosporium sp., Penicillium chrysogenum et Trametes versicolor. En dehors de la présence du Cladosporium sp. sur les surfaces, peu d’espèces communes ont été identifiées dans l’air et sur les surfaces. Le brassage de l’air via la climatisation ne facilite pas le dépôt des moisissures sur les rayonnages et n’est pas assez fort pour décoller la poussière (et les moisissures véhiculées par cette poussière). Par contre, on constate que plusieurs espèces de l’air intérieur sont communes avec celles de l’air extérieur. On retrouve ainsi un certain nombre d’espèces de basidiomycètes, champignons supé-rieurs qui poussent sur les arbres.

Les espèces contaminantes sur les bobines de films sont très différentes de celles des surfaces et de l’air. Les films ne se contaminent donc pas dans les maga-sins. La présence parfois importante de développe-ment fongique à l’intérieur des boîtes suggère que les films étaient déjà contaminés lors de leur introduction dans les boîtes. Les fluctuations des paramètres thermo-hygrométriques à l’intérieur des salles agissent également à l’intérieur des boîtes qui ne sont pas étanches. Ceci permet la croissance de moisissures qui trouvent tous les éléments nutritifs nécessaires, Limite AIR (Niveau 1)

250 200 150 100 50 0 Limite SURFACE SC-Z1.ss SC-Z1.1 er SC-Z2.ss SC-Z2.1 er SC-Z2.palier SC-Z2 EX T BA-B.2 BA-B.4 BA-B EX T

Fort de Saint-Cyr Bois d’Arcy

Air (UFC/m3) Surface (UFC/dm2)

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Résumé

Les films cinématographiques sont composés d’un support souple en plastique recouvert d’une couche d’émulsion constituée de particules d’argent ou de colorants en suspension dans la gélatine. Ces films sont très sensibles à la biodétérioration par les micro-organismes en raison de la présence de composés organiques hygroscopiques, qui sont des éléments nutritifs nécessaires à la croissance des champignons. La détérioration des films cinématographiques par les moisissures est ainsi un problème fréquent, cependant on trouve peu d’études sur les espèces incriminées. Les Archives françaises du film du CNC sont déposi-taires de près de 110 000 titres correspondant à plus d’un million de bobines, conservées dans des boîtes métalliques ou plastiques et dont plusieurs présentent des traces de contaminations fongiques. Les analyses microbiologiques dans les magasins ont montré des concentrations de spores fongiques de l’air relative-ment basses sur les deux sites : trois fois moins impor-tantes que le niveau 1 (< 170 UFC/m3), considéré

comme seuil de concentration faible dans les ambiances intérieures. L’augmentation de la concen-tration de spores à l’extérieur des bâtiments ne fait pas augmenter celles des magasins. Par contre, sur les surfaces, elles peuvent atteindre quatre fois la valeur limite (50 UFC/dm2). Aucune relation directe n’est

observée entre le taux de contamination de l’air et celui des surfaces, ce qui est confirmé par l’identification des espèces, d’une grande diversité aussi bien dans l’air que sur les surfaces, bien que peu d’espèces soient communes. Les moisissures prélevées sur les bobines de films sont peu nombreuses. Deux espèces xérophiles à forte capacité gélatinolytique ont été iden-tifiées avec une fréquence élevée : 62,5 % pour le Penicillium corylophilum (Aw 0,80) et 18,75 % pour l’Aspergillus versicolor (Aw 0,78). Ces deux souches sont peu présentes dans l’air et sur les surfaces, démontrant que les films n’ont pas été contaminés dans les magasins mais ailleurs. Par contre, ce sont les conditions climatiques des magasins qui permettent le développement des moisissures dans les boîtes, aussi bien en plastique qu’en métal.

Abstract

Cinematographic films are composed of a flexible plas-tic support covered with a layer of emulsion suspended in gelatin. These films are very sensitive to biodeterio-ration by microorganisms in the presence of these organic and hygroscopic compounds, potential sources of nutrients. The deterioration of these cine-matographic films by mould is thus a frequent pro-blem. However there are very few studies on involved species. The French Film Archives of the CNC keep almost 110,000 titles corresponding to millions of reels stored in metal or plastic boxes, and many of them dis-play traces of fungal contamination. Microbiological analyses on storage areas showed fungal spores concentrations in the air relatively low on both storage sites with values three times less important than level 1 (<170 UFC/m3), which is considered as a weak

thres-hold for indoor environment concentrations. The increase of the spores concentration outside of the buildings does not increase the indoors concentration. On the other hand, they can reach on surfaces four times the limiting value (50 UFC/dm2). No direct

rela-tionship was observed between the contamination rates in the air and on surfaces. This was confirmed by the identification of species, which are of great diver-sity both in the air and on surfaces, although there are few common species. The species on the reels of films are not abundant. Two xerophilous species with a strong gelatinolytic capacity are present with a high fre-quency: 62.5% were identified as Penicillium corylo-philum (Aw 0.80) and 18.75% as Aspergillus versicolor (Aw 0.78). These two species are rare in the air and on surfaces, showing that the films are not contaminated in storage areas but elsewhere. Climatic conditions of the premises are however responsible for mould development in the plastic or metal boxes.

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