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Les formes verbales dans la poésie d'Anna Akhmatova /

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(1)

LES FORMES VERBALES DANS LA POÉSIE D'ANNA AKHMATOVA

Une thèse soumise

à

la

Faculté des études avancées et de la recherche comme condition partielle

à

l'obtention du grade de Maître ès Arts

par Steve Girard

Département des études russes et slaves Université McGill, Montréal

1992

(2)

Résumé

L'oeuvre poétique d'Anna Akhmatova a fait beaucoup de bruit ces derniers temps en raison du centenaire de sa naissance, que l'on vient tout juste de célébrer en 1989. Si les analyses proprement littéraires de son oeuvre foisonnent, il en va tout autrement des études

à

caractère, disons, plus linguistique. Un écrivain n'est rien sans ses mots, et ses verbes occupent une place importante de son lexique, car ce sont avant tout eux qui expriment l'action dans une phrase. Si on peut disposer de tous les verbes d'un écrivain donné, on est p~us en me::;ure de pouvoir "analyser correctement. Si en plus on peut voir comment ces verbes ont été conjugués pour rendre la pensée de l'auteur, alors on a sous la main une fantastique banque de données qui offre des possibilités inouïes. IJn dictionnaire de fréquences est un outil de premier ordre pour établir des comparaisons, et c'est ce que j'ai fait ici.

(3)

Abstract

Anna Akhmatova's poetical works have been heard of a lot in the past few years, mainly because of the celebration in 1989 of her 100th birthday. But if literary analyses of her works can be counted by the hundreds, to find somethlng written about her in, let's say, a more semantical fashion can prove very difficult. A writer is nothi"g without hls words. and among the~e words, the verbs P~~\Y an important role, since their mission is to convey the al,;tion of a sentence. If

one can dispose of ail the verbs of a given writer, one is ln a better position to analyse this writer. Furthermore, if thls Iist of verbs comprises ail the conjugated forms of these verbs, then one has a fantastic data base wlth illimited possibilities. A frequency dictionnary is a first rate tool in order to establish comparisons, and this is what 1 attempted to do in this work.

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Remerciements

Je tiens à remercier ma directrice de thèse, madame Tatiana Patera, dont les encouragements ont seuls permis

à

cette dissertation de voir le jour.

" me faut également mentionner la patience dont monsieur David Rand, du Centre ca 'recherches mathématiques de l'Université de Montréal, a fait preuve pendant l'élaboration du logiciel Le ConcordeurMc.

(5)

Table des matières INTRODUCTION. . . 1 CHAPITRE UN. . . . 7 CHAPITRE DEUX. . . . . . 16 CHAPITRE TROIS. . . . .

. . . .

. . . .

..

. . 34 CHAPITRE QUATRE.

.

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. .. . . . .. .56 CONCLUSION. ..

. . . .

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.. . . . . . 61 NOTES . . . . . .

. . .

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. .. . . .. .

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....

.64 BIBLIOGRAPHIE. . ..

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.. ..

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. . . .. .

.

. . .... .65 ANNEXES . . . 67 -, 1

(6)

Introduct ion

Au fil des ans, l'oeuvre poétique d'Anna Akhmatova s'est retrouvée maintes fois sous le bistouri des littérateurs, qui l'ont analysée d'un point de vue qualitatif. Le temps est maintenant venu de considérer cette oeuvre sous son aspect quantitatif. Et j'ai choiSI de le faire dans un domaine lexical en particulier: les verbes. Il s'agit dans cette dissertation de jeter un regard curieux sur l'ensemble du bagage verbal de la poétesse. En le prenant dans sa totalité, qu'est-ce que cet amas de verbes peut nous apprendre sur le style de madame Akhmatova? Y a-t-il un "modèle", une construction verbale spéciale ou une préférence marquée pour une personne en particulier qui pourraient nous éclairer à ce sujet? Quelles formes archaïques madame Akhmatova employait-elle, et quels effets ces archaïsmes eurent-ils sur son oeuvre? Madame Akhmatova créait-elle ses propres verbes

à

l'occasion? Dans quel but? À ces questions, comme

à

bien d'autres, nous tenterons de trouver une réponse

à

l'aide d'un outil plutôt insolice dans le monde de l'analyse littéraire: la statistique.

L'emploi des statistiques permet de tirer des conclusions globales sur les verbes et leur emploi, comme par exemple, à quel aspect du verbe madalT:e Akhmatova donnait sa préférence

(7)

lorqu'elle employait le passé. On peut aussi tracer le "profil type" d'un verbe akhmatovien: son aspect. son mode, son temps, etc. Finalement, les statistiques montrent au grand jour les répétitions ~e l'auteur et, lorsque comparées à d'autres statistiques, "\.)acTOTllhJ~ CJIOI13ph pyccKoro ~:'hIKa" (Dictionnaire de

fréquences de la langue russe), "'-IacToTllhlft CJIOnaph conpCMCIIlIOI'(l

pyccKoro runepaTyplioro ~3bIKa", (Dictionnaire de fréquences de la

langue littéraire russe moderne) et "A Norm For the Use Of Poetical Language ln the Age Of PushKin: a Comparative An.ilysis" de Gelr Kjetsaa, elles permettent de situer l'écrivaine par rapport

à

ses compatriotes pt contemporains

Les traductions du russe vers Je français que J'on retrouve dans cet ouvrage sont toutes les miennes.

Méthodologie

À l'aide du logiciel "Le ConcordeurMclI 1, une concordance

de l'oeuvre poétique complète d'Anna Akhmatova fut établie. En identifiant tous les mots selon leur nature, on obtrnt un catalogue (voir figure A). Une fois le catalogue terminé, les verbes furent extraits (voir figure B).

Les verbes de ce catalogue furent ensu ite analysés (voir annexe "II") selon a) l'aspect; b) le mode (ou la forme verbale);

(8)

-1

Mot AETH AECSlTb AHKTOBQTb AllHTbCS1 AllHTbCS1 A Il SI AHEBHO~ AHEnp AHO A05EIlQ A05HTb A06POTJ:l A06Pbl~ A06bITb AOBEPHTb AEP)I(~TbCSI AEP)I(~TbCSI AHBHTbCSI AHBHTbCS1 Al-iKTOBQTb AIlHTbCS1 AIlHTbCS1 A06HTb A05blTb AOBEPl-iTb AOrHHBQTb AOfOHSlTb Mot/teHte Compte AETI--t 13 AECSlTb 6 AHKTY~ 3 AllHIl~Cb 2 AIlHTCSI 5 AIlSI 101 AHEBHQS1 1 AHEnp 2 AHQ 3 A05EIlQ 1 A05bET 1 A06POTO~ 1 A06PblX 1 A06bITbl~ 1 AOBEPHB 1 Figure A Catalogue initial AEP)I(~Cb 1 AEP)I(YCb 1 AHBl-iIlHCb 1 Al-iBl-iIlHCSI 1 Al-iKTY~ 3 AIlHIl~Cb 2 AIlHTCSI 5 A06bET 1 A06bITbl~ 1 AOBEPHB 1 AOrHl-iBQIlQ 1 AOfOHSlIlQ 1 Figure B Nature cy~ "H. 4Hcn.l(.

rn.

HeCOB.

rn

HeCOB. rn.HeCOB. npeAnor npHnàr. HMSl C06CT ./reorp cy~. cp. Hape4. rn. COB. cy~. lK. npHnar. rn. cOB./npH4acT. rn.COB. rll. HecoB./Aeenp. rn. HeCOB. rn. HeCOB. rll. HeCOB. rn. HeCOB. rll. HeCOB. rll. HeCOB. rll. COB.

r Il. cos ./npH4aCT . rll. COB.

'-11. HeCOB. rll. HeCOB.

(9)

c) le temps; d) la persor.!1e; e) le nombre; f) le genre. Pour le mode impératif (noneJ1HTeJlhllOe lIaKJIOllclIHe), les particules

"nycTb" et ''nYCK8A'' furent insérées dans l'inventaire. Quant à lui, le subjonctif (cOCJlaraTeJlhllOe lIaKJIOIICIIHC) fut agrémenté des particules suivantes: ''6'', "61>1", "'ITOÔ" et '\ITOÔhl". En ce qUi a trait aux participes (npH'lacTH~), on a également tenu compte de la voix, de la forme et du cas. L'inventaire prend également en considération les verbes de mouvement, de même que les verbes réflexifs.

Exclusion de certains cas particuliers

L'élaboration du catalogue s'est faite en tenant compte de quelques cas particuliers. Tout d'abord, la locution "MOjf(CT

ÔblTb" (peut-être) fut rejetée comme étant un adverbe, bien que dans le "lIaCTOTllbIH CJIOnaph pyccKoro ~3h1Ka" on la considère comme la conjonction des verbes "MO'I!>" et 'OhJ'J'I.'t2. OJegov la classifie comme étant une locution d'introduction (BBOJ1IIJ,IC CJIOna). 1/ m'a donc paru illogique,

à

la lumière de cette précision d'Ojegov, de suivre l'exemple de madame Zasorma. Sans compter qu'en français, de même que dans d'autres langues, comme, par exemple, l'allemand, "peut-être" est un adverbe. En tout, 29 ''MO)KeT'' et 26 'ObITb" furent rejetés. Le verbe ''t:>J.JTI.''

(10)

subit, rians un autre cas, les foudres de ma censure. c'est-à-dire lorsqu'il entrait dans la composition du futur composé (CJIO)KIIOe

6Y.Llyu.lee). Agissant comme auxiliaire, il fait partie intégrante du verbe qu'il modifie et par conséquent, sa classification comme verbe indépendant m'apparaît, dans ce cas, comme injustifiée, de même qu'en franç,-1 s l'auxiliaire être ne serait pas considéré comme ve,'be dans l'expression "je suis allé"; on ne compterait que "aller", et pas "être". On peut comparer cet usage de ''6bITb'' dans la construction du futur composé à la particule anglaise "w i Il'': ''51 Qw.ï IIHTaTh"; "1 will read". l'9S participes ont posé un problème particulit:'r: devait-on inclure tous les participes, même ceux dont l'usage est de façon évidente celui d'un adjectif? Prenons un cas qui illustre bien ceci: la première ligne du six cent quatorzième poème se lit ainsi: "Ha pyKe ero t.-fIIoro 6J1eCTHIllHx KOJleu.-" (II a à sa main plusieurs anneaux brillants). Brillant est ici la forme adjectivisée du participe présent du verbe "briller"; cela est d'autant plus facile à prOJver qu'en français, le participe présent est toujours invariable. En russe, où ce n'est pas le cas, il faut y aller selon des critères bien établis. Les miens furent ceux-ci: lorsque le participe présent n'était pas suivi d'un complément circonstanciel (de temps, de lieu ou autre), ou bien d'un adverbe exprimant le temps ou le lieu, le participe était rejeté. Par exeJ11ple, si plus haut nous avions eu "MHoro 6J1eCTHw.Hx

(11)

lia ero pyKe KO'!eu- ", le participe eût été incorporé à la liste. Dans sa forme actuelle, il fut écarté. Au total, 574 participes furent ainsi mis de coté. Les participes passés connurent un sort à peu près identique: s'ils étaient accompagnés d'un agent, comme dans le cas suivants, ils étaient acceptés: " ... lia TOl)OKl dWJL!'_I~ x

llacax." ( ... sur la montre donnée par toi). L'agent ici se trouve à

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CHAPITRE UN

Bref historique du verbe russe

La langue russe est une langue vivante et comme toutes les langues vivantes, elle change constamment. Bien sûr, ces changements s'effectuent en douceur, dt ce n'est qu'avec le recul que l'on peut les apprécier vraiment. Aussi est-il bon de rappeller les principales modifications apportées

à

la grammaire des verbes russes depuis la "Russ" moyenâgeuse. Ce survol historique se fera dans les quatre domaines suivants: les aspects, les modes, les temps et les nombres. Les personnes et les genres sont des notions bien établies depuis des siècles et ils n'ont

à

toute fin pratique pas changé depuis le prrJtoslave, seule la façon de les exprimer a varié avec l'évolution de la conjugaison.

A) Les aspects

Cette composante compte pour beaucoup dans la définition de la spécificité du système verbal russe. Cependant, cette spécificité implique l'absence d'un moyen universel de rendre fidèlement la différence des aspects, et cette absence

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d'un moyen universel, en n'offrant aucun point de comparaison avec l'évolution d'autres langues, complique à son tour le cernement d'une date d'origine de l'aspect verbal et l'étude des étapes de son évolution. Une hypothèse circule néanmoins parmi les linguistes

à

l'effet que cette catégorie verbale aurait fait son apparition

à

l'époque du protoslave3 , soit vers le cinquième siècle.

Si on se perd en conjectures quant

à

l'apparition de cette notion d'aspects, on a par contre réussi

à

reconstituer le schéma de l'évolution de ses modes d'expression dans son processus de formation. Trois modes principaux de différentiation entre perfectif et imperfectif ont eu la faveur po;:"'ulaire. Un seul d'entre eux avait pour résultat de perfectiviser les verbes imperfectifs, les deux autres opérant dans le sens inverses. Car la notion d'aspect est apparue dans un souci d'imperfectivation du verbe russe. Parmi les moyens de rendre les verbes imperfectifs, il en est un qui occupe une place prépondérante· l'usage de suffixes. L'alternance des voyelles au sein des racines a également joué un rôle au cours des premières étapes du développement de l'aspect verbal. L'usage du suffixe -II y- en tant que seul moyen de perfectivation des verbes et la formation, avec son aide, de types de corrélations verbales fait aussi l'objet de recherches chez les linguistes.

(14)

B) Les modes

.'évolution des modes se résume

à

peu près

à

l'apparition d'a utres modes que l'infinitif (HlicPHIŒTHO) et l'indicatif (H~n)sIflHTeJlh"oe. lIaKJ/olleIlHe). L'infinitif (du latin in finitus, indéfini)

est la forme "première" du verbe, sans altération aucune. Cette forme est apparue en des temps immémoriaux, avec le premier verbe. Cependant, les terminaisons de l'infinitif ont quelque peu évolué avec le temps. On rencontrait, au temps du vieux russe, beaucoup plus de formes en -TH qu'aujourd'hui. Cette

terminaison a graduellement été remplacée par la très courante forme -Th. Seuls quelques verbes ont conservé cette

terminaison, et ils sont parmi les plus fréquemment utilisés; ils sont plus répandus, donc plus difficiles

à

faire bouger. Un exemple: le verbe "HllTH", qui signifie "aller". Plusieurs verbes

de mouvement ont d'ailleurs retenu cette terminaison. L'indicatif (du latin indicare, indiquer) est le mode du verbe qui exprime l'état, l'existence ou l'action d'une manière certaine. Ce mode apparut aussitôt que l'on voulut préciser la première action, c'est-à-dire tout de suite après l'infinitif. Les autres modes sont apparus plus tard. Prenons d'abord le cas de l'impératif.

Le russe dérive du protoslave, lequel est lui-même un produit de l'indo-européen original. L'impératif existait au sein

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de l'indo-européen. Cependant, le protoslave ne le retint pas. Il lui substitua les formes d'un autre mode indo-européen, l'optatif (nommé ainsi d'après le latin optare, souhaiter), sans doute dans

un souci de politesse. Ainsi l'impératif russe (de même que celuI des autres langues slaves) et l'optatif de l'indo-europén sont-ils génétiquement identiques.

Le modèle de départ de l'impératif du vieux russe, vers la fin du dixième siècle, fut constitué par la première personne du singulier, ainsi que les premières et deuxièmes personnes du due 1 (.1lBOACTnclllloc {IH'~JIO) et du pluriel. Un exemple d'impératif de cette époque:

ZNATI DATI

singulier 22 pers. znai daz' .. duel 12 pers. znalve . v dadive

22 pers. znaita dadlta pluriel 12 pers. znaiml. dadiml>

22 pers. znaite dadite

Aujourd'hui, le nombre "duel" n'existe plus, et on peut obtenir des formes impératives pour les troisièmes personnes du singulier et du pluriel en ajoutant une des deux particules suivantes: "nycTh" et "nycKaA". La fréquence de l'emploI de ces particules par Anna Akhmatova sera examinée plus à fond subséquemment.

Passons maintenant au subjonctif (cOCJlaraTCJJhIlOC lIaKJIOIICIIHe). Comparé au français, ce mode remplit, en russe, à

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la fois la fonction de subjonctif et de conditionnel. C'est pourquoi toute référence ultérieure à ce mode sera faite sous l'appellation de conditionnel. Pour exprimer une idée de souhait ou de condition, le protoslave employait une combinaison de la forme active indéclinable du participe au passé se terminant en -l, avec des formes particulières du v':Hbe être (byti), soit "bimb, bi ... bis'e". Ces formes du verbe "byti", dont l'origine demeure obscure (peut-être viennent-ils de l'optatif indo-européen), furent remplacées dès avant l'apparition de l'écriture par l'aoriste (dont on parlera plus en détails au cours des pages qui suivent) de ce même verbe "byti". Ainsi, ces formes "bimb, bi ... b i5'e", dans la composition du conditionnel, furent conservées jusqu'au début de l'ère écrite seulement en tant que restes de relations antérieures, qui ne se rencontraient encore, au demeurant, que dans les langues slaves du sud.

Le vieux russe construisait donc le conditionnel avec le participe en -1 et l'aoriste de "byti". Tous deux avaient changé depuis le protoslave: le participe, en genre et en nombre, et l'aoriste, en personne et en nombre. En voici un exemple, tiré de

"HCTOpH'leCKaSi rpaMMaTHKa pyccKoro S13blKa - MOP<POJIOrHSI, fJlarOJI": "AulTe 60 61>1 CJlaRa cero MHpa npH6J1H)f(HJ18CH

ri'

CJIaB"b 116cbll"bH Ile 6blUlH

C~Re

MHpa cero pBCnHJIH

fa

CJIaRbl. ,,4 On voit ici soulignés deux cas

(17)

,

l

traduction approximative de ce texte religieux serait: ". . . la gloire de ce monde se rapprocherait de la gloire céleste et les gloires du seigneur n'auraient pas crucifié le fils de ce monde." On note dans cet exemple une combinaison de l'aoriste perfectif "6b/WH " et d'un participe "paCnHJIH ", ce qui don ne "auraient

cn,cifié", alors qu'aujourd'hui, à une époque où le conditionnel est formé d'une particule, "6,,,", qui est dérivée de l'aoriste vieux russe de "byti", et du passé du verbe, on ne peut obtenir cette idée que l'action s'est déjà produite, que selon le contexte. En effet, si de nos jours on dit "pacmlJlH 61>1 ", cela peut vouloir dire

"crucifieraient" autant que "auraient crucifié" et ce, en dépit du fait que le verbe "pacn~T1)" en perfectif.

Les participes (npH(,aCTH~), de même que les gérondifs (.lleenpl-f\,aCTHSI) ont eux aussi connu d'importantes modifications depuis leur apparition, qui remonte à l'époque du protoslave. SI,

en français, ces deux catégories sont regroupées ensemble et forment un mode distinct, il en va tout autrement en russe, où ils se méritent le titre de "formes verbales" (rJIafOJIt."J,IC (tlOpMJ,t). Par souci de simplification du texte, on les traitera Ici comme étant deux formes du mode participial. La caractéristique première des participes, c'est leur dualité grammaticale: ils sont la forme nominale du verbe, jouant tantôt le rôle d'adjectif, tantôt celui de verbe. L'hybridité des participes, la coexistence,

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la lutte intestine que s'y livrent ses deux principes opposés se font nettement sentir dans le processus historique de leur évolution: ils dénotent non seulement une instabilité particulière, mais encore cette profondeur, ce caractère souvent qualitatif des changements qui se produisent parmi les participes. Entre autres, on a assisté au fil des ans

à

une adjectivation complète des participes avec terminaison en -wHA, -IUHA, -ellllhIA, -aThIA, etc., tout comme la forme en -JI des anciens participes fut transférée au mode indicatif, où elle joue maintenant le rôle de passé. On note également le fait que jusqu'au début du quinzième siècle, les formes courtes des participes se déclinaient selon le nom auquel elles étaie.,t associées.5 On vit également des versions longues apocopes (ex.:

"nH)KY ee nCII" alllly n,any"). Avec le temps, ces constructions s'estompent, et on ne retrouve leur trace que dans la poésie.

C) Les temps

Parmi les modes présents dans la langue russe, celui dont les temps ont le plus changé est sans contredit l'indicatif. Aujourd'hui, il en compte quatre: le présent (lIacTOSlw.ee npeMSI), caractéristique de l'aspect imperfectif; le passé (npowellwee npeMSI), sous l'aspect perfectif comme sous l'aspect imperfectif;

(19)

le futur simple, (npocToe 6YLlyuœe nper.ut), qui ne se rencontre qu'au perfectif, et le futur composé (CJIO)KIIOC ÔYLlyUlCC npcM~I), un temps unique à l'imperfectif. Le système des temps verbaux du vieux russe du dixième siècle comptait quatre temps différents pour exprimer la notion du passé, soit l'aoriste (aopHcT), l'imparfait (HMncpcpeKT), ainsi que deux formes composées: le passé parfait (nepcpcKT) et le plus-que-parfait (nJIIOCKnaMnepcpeK'r). L' ex pression du futur se faisant elle aus&i différemment: on employait deux formes de futur, le futur antérieur (npe)l\LlC-oYLlYIHCC) et le futur composé, formé d'un auxiliaire et du verbe à l'mfinitlf, que l'on utilise encore de nos jours. Ce système était caractérisé par des règles fixes de recours au contexte pour déterminer le moment de l'action. Tous ces temps étaient expressibles à toutes les personnes (1Q

, 2Q, 3Q) de tous les nombres (singulier, duel,

pluriel), c'est-à-dire que chaque temps avait neuf conjugaisons distinctes, sauf le passé parfait et le plus-que-parfait, chez qui une distinction de genre était également apportée entre le masculin, le féminin et le neutre, ce qui leur faisait en tout vingt-sept conjugaisons différentes. Sur ce point du moins, on peut dire que la langue russe s'est simplifiée avec les années.

(20)

D) Les nombres

Comme il a été mentionné plus tôt, le vieux russe avait trois nombres: le singulier, le pluriel, et une autre forme encore: le duel. Le duel était employé pour désigner deux personnes ou deux choses, et il pouvait entre utilisé dans les trois personnes et les trois genres.

(21)

CHAPITRE DEUX

L'oeuvre poétique d'Anna Akhmatova: les chiffres

A) Le nombre de verbes

Madame Akhmatova, dans son oeuvre poétique, telle que compilée par Eric Lozowy et Tatiana Patera, du département des études russe et slaves de l'université McGill de Montréal, et par moi-même, a employé, en tout et pour tout, 2044 verbes différents,

à

une fréquence variant de un emploi

à

413 utilisations. On trouvera en annexe V la liste des premières lignes des 953 poèmes ainsi recensés. Ces 2044 verbes ont, une fois conjugués, donné 5095 formes différentes. Ce nombre inclut toutes les distinctions basées sur la personne et le genre. " peut

y avoir

à

!a fois "011 lIKJ6UT" et "Olla lIKJ6UT" (même personne, genre

différent), "R YWlIa" et "TbI YWlIa" (mâmq genre, personne

différente); ces formes, bien qu'identiques d'aspect, sont sémantiquement différentes et ont été comptabilisées comme telles. Ces 5095 fOI mes conjuguées différentes, lorsque prises en considération toutes leurs apparitions, totalisent 8211 occurences, soit le nombre total de verbes dans l'oeuvre poétique de madame Akhmatova. Ces 8211 verbes ont été

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regroupés selon a) l'aspect, b) le mode, c) le temps, d) la personne, e) le nombre et f) le genre.

B) L'aspect

Des deux aspects de la langue russe, madame Akhmatova montre une certaine préférence pour l'imperfectif. Sur les 8211 verbes qu'elle déploie dans son oeuvre, 4992, soit 60,8%, sont de cet aspect, contre 3219 pour le perfectif, soit les 39,2% restants. L'imperfectif a comme mission première de nommer l'action, et l'usage majoritaire de l'imperfectif chez Anna Akhmatova tend

à

démontrer que la plupart de ses actions, une fois clairement identifiées, sont du type progressif, sans finalité connue dans le temps, ou encore

à

caractère répétitif. Elle peut,

à

"aide de cet aspect, décrire une action telle qu'elle se déroule sous ses yeux, comme elle s'en souvient et à mesure que ses souvenirs se déroulent dans son esprit, ou encore nous parler de scènes se renouvellant plusieurs fois. Le passé de l'imperfectif se compare, en français, à l'imparfait. Voici quelques exemples de l'emploi de l'imperfectif par Anna Akhmatova, les chiffres se référant au numéro du poème duquel fut tiré le passage:

"HllY no TponHIIKe n nOJle ... " H!! 56

"H l'me Ka3WIOCb, 'ITO nepWHllbI neca ... " H!! 266

(23)

Cet aspect est le plus poétique des deux, puisqu'il se prête à

merveille à la narration de rêves, de souvenirs, d'ambitions. Moins brutal que son pendant, il laisse toujours la place à

l'espoir, à l'imprévu: avec lui, rien n'est définitif, tout peut encore arriver.

Le perfectif, quant à lui, donne à l'action un aspect de finalité, aussi bien au passé qu'au futur. Chez madame Akhmatova, cet aspect est employé le plus souvent au passé, lorsqu'ell~ raconte dans toute leur finalité des actions à Jamais révolues. Il peut être rapproché du passé simple français. Au futur, elle l'utilise pour prédire de façon irrévocable les comportements de ses personnages, ou le temps qu'il fera demain. Rencontrés dans l'oeuvre poétique d'Anna Akhmatova, sont les exemples suivants:

"011 Ml e CKa3aJJ: "5} nepllblff Llpyr!" Hl! 16

"H eT, yMep 011 OT CTapOCTH, H ' :-HO... " Ho 850 _

"Jllo6HMoro 6paTa IIaALlY SI" Hl! 621

Cet aspect, s'il est plus catégorique que l'autre, et de là semble moins adapté à la poésie, n'en demeure pas mOinS un excellent moyen de transmettre le coté dramatique, trag Ique d'une oeuvre. Il peut aussi, employé au futur, servir les intérêts de la foi, de cette foi que rien ne peut ébranler, qu'elle SOit fondée sur Dieu ou sur le genre humain. Quand Anna Akhmatova dit:

(24)

"0" npH.ue-r KO Mlle ... " (N2567), on peut être sûr qu'il viendra.

C) Les modes et formes verbales

Comme on peut s'en douter, il existe une très grande disproportion entre les six modes et formes verbales employés par Anna Akhmatova. Il est très facile également de prédire quel mode termine en tête de file: il s'agit bien sûr de l'indicatif qui, sur 8211 verbes, en glane pas moins de 6068, pour une proportion de 73,9%. Viennent ensuite, dans l'ordre, l'infinitif (894 verbes, 10,9%); l'impératif (438 verbes, 5,3%); le gérondif (379 verbes, 4,6%); le participe (288 verbes, 3,5%) et finalement le conditionnel, avec 144 verbes pour 1,80/0 du grand total des occurences.

En regardant ces chiffres d'un peu plus près, on peut déduire quelques réalités élémentaires sur l'oeuvre poétique d'Anna Akhmatova. Mis

à

part le haut rendement du mode indicatif, qui ne surprend personne, les autres résultats ont de quoi laisser songeur. Prenons par exemple le faible taux de conditionnel: moins de deux pour cent en tout. Le conditionnel, comme son nom l'indique, se nourrit de conditions. Les certitudes le laissent complètement froid. Pour lui, tout n'est que si, pourvu, peut-être, et, dans le cas du russe, afin que (la particule 19

(25)

"tIT06b1", OU "tIT06", qui signifie "afin que", eXige en effet l'usage du conditionnel). La poésie de madame Akhmatova n'est pourtant pas dépourvue d'incertitudes, mais en plus du conditionnel, elle se sert d'autres moyens pour les exprimer, car le conditionnel, et cela est fort heureux, ne détient pas le monopole de l'lnsécunté.

Les static;tiques nous dévoilent comme second au mode indicatif le nom de l'infinitif. Cela n'est pas surprenant, compte tenu du fort pourcentage de verbes à l'Infinitif qUi sUivent immédiatement un autre verbe, comme iCI dans "Km< rhl MOiKClll1t

CMOTpeTh lia Heny ... " (N!!123). Ils sont un total de 183, et on pourra en consulter la liste plus bas, au tableau 1. À noter que seuls les verbes introduisant l'infinitif qui figurent dans le "llacTOTllhll'1

c.rJORapb conpeMelllloro pyccKoro JJHTepaTyplloro SI~ihIKa' de Stemfeldt furent pris en considération, et ce à seule fin d'établir une comparaison entre les verbes d'Anna A:~hmatova qUI commandent un infinitif et ceux qui, selon Steinfeldt, sont le plus fréquemment utilisés dans la langue littéraire russe moderne.

Il apparaît quelque peu curieux que le nombre de gérondifs dépasse celui des participes. Mais il faut se rappeler que 574 "faux" participes furent écartés sous des accusations d'adjectivisation. Les critères pour obtenir le statut de "vrai" participa étant ce qu'ils sont, il y eut beaucoup d'appelés, mais seulement 288 heureux élus.

(26)

~

"l

Verbe Avec infinitif Total

à l'imperfectif au perfectif M04b 29 63 92 xoreTb 16 17 35 craTb 16 lB n03BOflHTb 5 6 nepecTaTb 5 5 Ha4.'HaTb 4 4 npHI7tTHcb 2 2 4 crapaTbcSI 3 1 4 xoreTbCSJ 2 2 4 3acraBHTb 2 3 nol7trH 2 3 npocHTb 2 3 Ha4aTb cfleAoBaTb

Les verbes suivants figurent sur les listes de Steinfeldt, on les retrouve également chez Anna Akhmatova, mais ils n'entraînent pas l'infinitif. " s'agit de ''npoAOfl)l(aTb ", ''peUlHTb'' et "co6HpaTbcSI n. Les deux verbes qui suivent se retrouvent chez Steinfeldt, mais Anna Akhmatova ne les utilise pas:

''npHHHMaTbcSJ'' et "npHHSlTbCSI".

Tableau 1

Verbes d'Anna Akhmatova suivis d'un infinitif et correspondant aux listes de Steinfeldt, pp. 48 et 51

L'impératif, qui recueille plus de cinq pour cent, occupe la troisième place. Ce n'est pas mal pour un mode sans temps et

à

seulement quatre personnes. Et encore n'a-t-il quatre personnes qu'uniquement parce que j'ai tenu compte des particules "nYCTb"

et "nycK8R", sinon il eut été facile de compter les quelque 54 apparitions des verbes originellement

à

l'indicatif précédés de

(27)

ces particules comme étant des représentants du mode indicatif. Mais dans le chapitre sur l'impératif de la "rpaMMuTHKU COnpeMel-1II0rO pyccKoro JIHTepaTyplloro H:JhlKa" de l'Académie des sciences de l'URSS, on donne comme exemples d'impératif les locutio n s su ivantes: "nycTb ClleJlaCT; nycT" npHIICCCT; nycTh

npHxollliT"6; et comme "nycKaff" est l'équivalent de "IIYCTI. ", il

m'a semblé tout naturel de l'incfure dans l'Impératif au même titre que son synonyme.

D) Les temps

Au total, Madame Akhmatova se sert de cinq temps: le passé, le présent, le futur simple, le futur composé et le défunt aoriste. Dans ce chapitre, tous les modes ont été confondus. Plus loin, lorsque chaque mode sera discuté en détails, on aura ses statistiques propres. Pour le moment, voici les résultats globaux. Sur 6356 verbes conjugués

à

un temps donné, 3287 le sont au passé, pour 51,7%. Viennent ensuite, dans l'ordre, le présent, avec 2415 verbes, pour 38%; le futur simple, 804 verbes pour 12,6%; le futur composé suit avec 50 verbes, pour 0,8%; enfin, fermant la marche, l'aoriste, avec son seul et unique représentant, récoltant du même coup 0,02%. Notez que tous les chiffres sont arrondis au plus proche dixième de pour cent, sauf

(28)

dans le cas exceptionnel de l'aoriste.

Cette petite exhibition de chiffres nous montre clairement la préférence d'Anna Akhmatova pour les choses du passé, les souvenirs, les arrières-goûts d'amours amères, les reliques de bonheurs éphémères

à

jamais disparus. Plus de la moitié de ses verbes temporalisés regardent en arrière. Au référendum du temps, les verbes d'Anna Akhmatova ont choisi de nous la représenter de dos.

E) Les personnes et les nombres

Comme dans D) plus haut, toutes les personnes de tous les modes ont ici été comptabilisées. Mais comme une personne est intimement reliée à son nombre, il m'a paru bon de ne pas les séparer ici. Cela donne ce qui suit:

Singulier: 1°: 2°: 3°: Pluriel: 1°: Impersonnel: Indéterminé: 2°: 3°: TOTAL: 1519 22,8% 944 14,2% 2771 41,7% 244 3,7% 79 1,2% 709 10,7% 364 5,5% 20 0,3% 6650 verbes personnifiés Tableau 2

Distribution par personnes

(29)

Au premier coup d'oeil, il ressort de ce tableau que la personne la moins employée par madame Akhmatova est la deuxième du pluriel. En russe, comme en français, on s'en sert pour désigner plusieurs personnes à la fois ou encore comme marque de politesse et de respect envers une seule personne. Anna Akhmatova, lorsqu'elle s'adresse à un individu en particulier, n'a habituellement que faire de la politesse, puisque plus souvent qu'autrement, elle s'adresse à des intimes. Elle peut donc se permettre quelques familiarités. Ces quelques chiffres nous indiquent également qu'Anna Akhmatova, plus encore que le "je", s'est servie de la troisième personne du singulier. Il faut dire qu'il

y

a beaucoup d'objets qui remplissent la fonction de sujet dans les phrases d'Anna Akhmatova, de même que dans ses souvenirs, d'amour surtout, le pronom "il" fait souvent surface. Elle nous tient également régulièrement au courant de ses démêlées avec sa Muse, une "elle". La place prépondérante de la troisième personne du singulier est donc tout

à

fait normale et, je pense, très représentative, non seulement de la poésie de madame Akhmatova, mais aussi de la littérature mondiale dans son ensemble. Mais avant d'affirmer de telles suppositions, il serait intéressant de comparer ces données avec d'autres du même genre, ce qui est, pour le moment, chose très difficile, voire même impossible, compte tenu de la très grande rareté de

(30)

rareté de telles statistiques sur les verbes d'un auteur en particulier. Pour ce qui est des autres personnes, il n'est pas rare en poésie de voir l'auteur écrire en style égocentrique, puisque le poète (et c'est bien le cas d'Anna Akhmatova), à la différence du romancier, a tendance à nous raconter son univers personnel. Donc, la deuxième place de la première personne du singulier ne devrait surprendre personne. On remarquera que la deuxième personne du singulier a réussi

à

coiffer la troisième du pluriel. On aurait pu s'attendre

à

l'inverse, mais il faut se rappeler qu'Anna Akhmatova fut une poétesse passionn';~, surtout en amour, et que cette passion se réflète fatalement sur sa poésie, d'où le nombre élevé de "tu" dans son oeuvre. Ses "tu" sont en effet, pour la grande majorité, addressés

à

des amants, des maris, des amoureux, des personnages galants de tou~es sortes. Ce qui surprend le plus, dans ce tableau, c'est le nombre relativement peu élevé de "nous", par rapport aux "tu" et aux "je". Ils sont même dépassés par les verbes impersonnels! L'usage du passé devrait pourtant faciliter la multiplication des "nous": en se souvenant de ses histoires amoureuses, Anna Akhmatova pourrait très bien les décrire

à

la première personne du pluriel. Mais elle préfère s'adresser directement

à

ses héros romantiques, ce qui donne parfois au lecteur la bizarre impression d'assister, impuissant ou dans la délicate position

(31)

d'un voyeur,

à

un déferlement de passion.

La voix impersonnelle semble trouver chez Anna Akhmato lia une oreille attentive et compatissante: plus de cinq pour cent de ses verbes sont ainsi exprimés. La plupart de ces

verbQ~ impersonnels ont emprunté la conjugaison de la

troisième personne du singulier (ex: "Cpa:'-y CTaJlO THXO n JlOMC ... " N!! 203). Ils sont 204 sur 364, soit 56%. PUIS viennent ceux qUi ont adopté la conjugaison de la troisième personne du pluriel, (ex:

KOrJla OTua y6HJlH?»" N2 748). On en compte 138, SOit 38%

Finalement, il y a 22 vebes impersonnels qui sont conjugués à la deuxième personne du singulier (ex: "He )KHRClUb, a JIHKyCIJII) H

6pCllHWb ..• " N2 144). Ils représentent 6% du total.

On remarquera également un certain nombre de verbes, vingt pour être précis, dont la personne est "indéterminée". Il s'agit de verbes conjugués au passé de l'indicatif ou au conditionnel, et qui ont une terminaison telle qu'il faut s'en référer au contexte pour trouver de quelle personne il s'agit. Ces terminaisons ne définissent pas la personne, mais le genre du sujet, de même que son nombre. Ainsi, au singulier, on a "-JI" pour le masculin,

"_JI

a " pour le féminin, "-JIO" pour le neutre et une terminaison unique pour toutes les personnes du pluriel,

"-JIH".

Mais le nombre de personnes indéterminées est insignifiant, ce qui fait qu'il ne faut pas en faire un drame. Il en

(32)

va cependant autrement lorsqu'on se penche sur le cas des genres, qui suivent.

F) Les genres

Il Y a trois genres en russe: le masculin, le féminin et le neutre. Ils se divisent les verbes d'Anna Akhmatova auquels on peut attribuer un genre comme suit: féminin: 2337 verbes; masculin: 1981; neutre: 460. À cela, il faut ajouter un nombre assez important de verbes dont le genre est indéterminé: 312. Cela fait un total de 5090 verbes avec un genre, et un pourcentage de 46% pour les verbes au féminin, 390/0 pour le masculin, 9% pour le genre neutre et 60/0 pour les verbes au genre indéterminé.

D'après le tableau qui se retrouve en annexe "

à

la fin de ce travail, et qui donne les détails de l'analyse que j'ai effectuée sur les verbes, on voit que si le féminin l'emporte, c'est grâce

à

son écrasante majorité au niveau de la première personne du singulier. En effet, les chiffres sur cette personne sont on ne peut plus éloquents: .lU présent de l'indicatif, 386

à

22 en faveur du féminin; au passé, l'écart s'élargit: 609

à

33. Bien sûr, à la troisième et, dans une moindre mesure,

à

la deuxième personne du singulier, le masculin tente une remontée, mais le {' ~.,inin lui

(33)

a brisé les reins dès la première ronde, et il doit s'avouer vaincu. " est tout de même intéressant de comparer l'écart entre le masculin et le féminin à la troisième personne du singulier. On serait tenté de croire qu'il n'existe pas une très grande différence entre eux. Après tout, les noms qui constituent le majeure partie des sujets de cette personne sont d'abord des objets, bien que le pronom "il" fasse bonne figure. De toute façon, l'écart est significatif: 1446

à

869, soit une différence de près de quarante pour cent. Ça laisse songeur.

La part des indéterminés est presqu'inquiétante: six gros pour cent. J'ai suivi, lors du recensement de ces indéterminés une règle très stricte: s'il n'y avait rien dans le contexte qui m'indiquait de façon non équivoque le genre du sUJet, je le classais parmi les indéterminés. Il y a cependant une exception à cette rigoureuse norme: lorsque l'auteure employait le verbe aimer dans le contexte suivant: "SI ero JJlo6.J11o", j'ai assumé que le sujet était féminin, et l'inverse lorsque la personne aimée était de sexe féminin. Il ne faut voir dans cette dérogation à mon rigide principe qu'un souci de respect du contexte historique et socio-poli"ique qui prévalait lorsque l'écrivaine couchait ces lignes sur le papier.

(34)

" ':

....

1

G) Profil type d'une personne akhmatovienne par temps

À la lumière de ces statistiques, on peut établir, pour chaque temps de l'indicatif, qui est lui-même le mode le plus représentatif d'Anna Akhmatova, un classement des personnes et genres les plus utilisés par madame Akhmatova. Le tableau 3 t:kmne l'ordre de préférence des principales personnes, le chiffre un signifiant "premier rang", et ainsi de suite, jusqu'au dixième pour chaque temps. Il suffit ensuite d'additionner les chiffres de chaque personne, et la moyenne la plus basse remporte le titre de "personne type". Cependant, pour avoir sa moyenne calculée, une personne doit figurer au tableau d'honneur dans chacun des quatre temps.

Le vainqueur est la première personne du singulier au féminin, suivie de la troisième du singulier au masculin et de la troisième du singulier au féminin. Bien sûr, ce résultat ne tient aucunement compte de la fréquence de chaque personne, seulement de son rang par temps. Par fréquences, le classement des deux premières places est !nversé: troisième du singulier, masculin: 1415; première du singulier, féminin: 1168; troisième du singulier, féminin: 852. Mais peu importe, ces trois personnes sont au premier plan chez Anna Akhmatova.

(35)

Pers + genre Présent Passé Fut: simple, comp. Total Moy. 1° S. masc. 10 10 X 1° S. fém. 2 2 1 2 7 1,75 1° s. ind. 5 5 1 11 X 2° S. masc. 8 7 9 3 27 6,75 2° s. fém. 10 9 10 5 34 8,50 2° S. ind. 9 9 X 3° S. masc. 1 1 2 6 10 2,50 3° S. fém. 3 3 3 6 15 3,75 3° S. neut. 6 5 8 19 X 1° plur. 9 8 6 4 27 6,75 3° plur. 4 4 6 6 20 5,00 Impersonnel 7 6 4 10 27 6,75 --- ---Tableau 3

Palmarès des personnes, nombres et genres

H) Les temps à l'intérieur de chaque mode

Nous avons vu plus haut, tous modes confondus, quel temps remportait la palme du plus utilisé. Abordons maintenant la distribution de ces temps

à

l'intérieur de chacun des deux modes qui font une distinction entre les temps: l'indicatif et le participe. Puisque seuls le présent et le passé sont communs à

ces deux modes, il serait ici inutile de répéter les commentaires ayant trait aux trois autres temps. Nous nous contenterons de comparer indicatif et participe au présent et au passé.

(36)

1

(

..

l'indicatif, pour commencer par lui, se déguise en 2838 occasions sous les traits du passé, et on peut le voir à l'oeuvre 2376 fois en temps que réflecteur du temps présent. Cela donne un rapport de 1,2 fois plus de verbes au passé qu'au présent. Pour ce qui est du mode participe, ce rapport bondit

à

6,4, puisque seulement 39 participes présent se meuvent parmi une foule de 249 participes passé. Il faut dire que le participe est le "mouton noir" chez les modes, du fait de ses particularités qui seront étudiées dans la section qui suit.

1) Le participe: un mode bien particulier

Nous avons déjà mentionné la dualité morphologique du participe, un monstre lexical fabuleux doté d'un corps mi-verbe, mi-adjectif. Cette dualité se réflète concrètement dans leur analyse, car, en plus de cette nature digne de la mythologie grecque, ils poussent l'hérésie jusqu'à se doter de trois caractéristiques introuvables chez les autres modes,

à

savoir la voix, le cas et la forme.

Un participe peut être exprimé

à

la voix active, ce qui signifie que le sujet fait l'action, ou encore

à

la voix passive, qui indique qu~ le sujet subit l'action. Un exemple de ces distinctions: participe présent, voix active: "Eme r08opsIIUylO TpyOKy

(37)

..

oua no.TJO)l(HJ1a 06paTllo ... " (poème Hl! 775). Traduit littéralement, cet

extrait se lit comme suit: "L'encore parlant combiné elle redéposa ... "; une traduction plus exacte serait "Le combiné Q.U..!

parle encore ... ". En russe, on peut remplacer tout participe à la voix active, qu'il soit au présent ou au passé, par une subordonnée relative. Voici maintenant un exemple illustrant les participes présent

à

la voix passive: "11 CLUe Ile C./lf,flllWlllt)C mm ...• ",,'CIl

crpauon xpauHMo ... " (poème Hl! 335). Littéralement, cela donne ce qUi

suit: "Et le nom non encore entendu .", par tout le pays conseryé ... ". On voit que, si les VOIX sont éqUivalentes en

français et en russe, le temps, lui, change; dans le deuxième exemple, on passe du présent au passé. Au passé. cette dIsparité disparaît, comme le démontre cet exemple. pris du 1172 poème.

qui met en action des participes passé des deux voix:

"CTpeMHIUHeCH K uen 6e3yMI/bl - a ee lIOCTHrWHe - nopa)/(CUbI TOCKOIO .. , ".

Traduction: "Ceux qui y tendent sont fous, et ceux qui l'QJlj atteinte

-terrassés

par l'angoisse ... ". Les participes à la voix active sont au nombre de 99, soit 24 au présent et 75 au passé. on compte par ailleurs 189 participe:,

à

la voix passive: 15 au présent et 174 au passé.

Étant apparentés aux adjectifs, les participes leur ont emprunté les deux caractéristiques additionnelles qui les distinguent des autres verbes: le cas et la forme. Cette dernière

(38)

Elst elle-même toute spécifique

à

la langue russe. Il y a deux formes, la pleine et la courte. Un participe plein a une terminaison entière et peut être décliné

à

tous les cas, alors que la forme courte ne se rencontre que sous un seul aspect, que l'on peut apparenter au cas nominatif. Quant aux cas, ils sont les mêmes que pour les noms, adjectifs et pronoms, soit le nominatif, le génitif, le datif, l'accusatif, le prépositionnel et l'i n stru mental.

(39)

CHAPITRE TROIS

L'oeuvre poétique d'Anna Akhmatova: à travers les chiffres, l'art soutenant la comparaison

De par les âges, l'homme a toujours ressenti un immense besoin de comparer, poussant parfais la chose Jusqu'à mettre dans la même balance des pataugeoires et des turbines hydrauliques. Comme il existe peu de dictionnaires de fréquences portant sur d'autres écrivains d'expression russe, c'est ce que je m'apprête

à

faire maintenant. Bien sûr, il existe des concordances, établies notamment sur l'oeuvre de Pouchkine et de Mandelstam, mais seulement un chercheur, Geir Kjetsaa, a regardé en détails des oeuvres poétiques et a établi une liste des 50 verbes les plus utilisés de quatre poètes russes, soit Baratynski, Tyoutchev, Lermontov et Fet. Les résultats de monsieur Kjetsaa peuvent être consultés dans la partie C) de ce chapitre, où ils sont comparés

à

ceux que j'ai obtenus pour Anna Akhmatova. Pour en avoir plus

à

me mettre sous la dent, j'ai dû me tourner vers les deux autres manuels qui se rapprochaient le plus de ce dont j'avais besoin, le "lIacToTllblA CJIORa~h pyCCKor'O

Sl3blKa" (Dictionnaire de fréquences de la langue russe) sous la rédaction de L. N. Zasorina, que j'identifierai, par la suite, sous

(40)

-l'abréviation "TSRY", et le "\lacToTlfblR CJI08apb C08peMeHHoro pyccKoro

JJHTepaTyplloro Sl3b1K8" (Dictionnaire de fréquences de la langue

littéraire russe moderne), de Steinfeldt, qui sera reconnaissable, soit au nom de son auteur, soit

à

l'abbréviation "TSSRLY".

A) Le dictionnaire de fréquences de

L.

N. Zasorina

Le TSRY recueille 39 268 mots différents, dont la somme des fréquences est de 1 056 382. Ces mots furent pris de quatre sources, quatre styles littéraires différents: le style journalistique, le théâtre, les publications scientifiques et finalement la prose. Bien qu'aucune oeuvre de style poétique n'ait été mise

à

contribution dans cet ouvrage, il n'en demeure pas moins le plus complet manuel de référence sur l'emploi fréquentiel de la langue russe. Parmi les 39 268 mots cités ci-dessus, on ne sait combien sont des verbes, mais d'après les chiffres en page 928, qui font état de 3100 verbes avec une fréquence de un, et ceux en page 933, qui disent que 2478 verbes ont une fréquence de dix ou plus, on peut déduire qu'ils sont plus de 5578. On peut cependant affirmer avec certitude que leurs fréquences réunies atteignent une somme de l'ordre de 180 853, plus ou moins 50, en divisant !a fréquence totale du dictionnaire (1 056 382) par le facteur de représentation des

(41)

verbes, qu'on donne en page 927, et qui, arrondi au centième près, est 17,12. " existe un coefficient "C", qui représente le rapport entre le nombre "V" de mots différents énumérés dans le dictionnaire et le nombre "N" total de fréquences de ces mots

dans l'oeuvre étudiée. On le calcule de la façon suivante: C

=

VIN.

Pour le TSRV, ce coefficient est de 0,0371, soit 39 268 divisé par

1 056 382. Plus ce coefficient est élevé, plus le pourcentage de mots différents est important. Par contre, plus le total des fréquencfJs recensées est grand, plus ce dictionnaire sera

représ~ntatif de la langue en général. Mais puisque nous étudions ici l'oeuvre d'un auteur en particulier, il est impossible de changer quoi que ce soit au nombre de mots que cet auteur a écrits, et il faut donc prendre ces données comme elles sont.

L'inversion de l'opération effectuée pour obtenir le coefficient C

nous donne la fréquence moyenne de chaque mot différent; pour le TSRY, celle-ci s'établit

à

26,9.

En cOloparaison, voici les chiffres prélevés sur la

concordance des oeuvres poétiques d'Anna Akhmatova. Son

oeuvre intégrale comporte 5726 mots différents qui se

partagent 52 561 fréquences, pour un coefficient C de 0,109. Cela donne une fréquence moyenne par mot de 9,2, soit presque trois fois moins que pour le TSAV. Si l'on regarde maintenant exclusivement les verbes, on découvre ceci: un total de 2044

(42)

verbes différents qui au total font 8211 apparitions, soit un coefficient C de 0,249 et une fréq'-~ence moyenne par verbe de 4, soit environ la moitié de celle du total de l'oeuvre d'Anna Akhmatova. Il est dommage qu'on ne dispose pas du nombre total de verbes du TSRY, car il eût éte intéressant de voir dans quelle proportion la fréquence moyenne des verbes d'Anna Akhmatova se distingue de celle de tous les verbes de ce diction naire.

Parlons maintenant des verbes qui se retrouvent dans le TSRY avec une fréquence de 100 ou plus, mais que l'on ne voit pas une seule fois dans l'oeuvre d'Anna Akhmatova. On en compte 45; on peut les voir au tableau 4, avec leurs fréquences respectives. Si l'absence chez Anna Akhmatova de plusieurs de ces verbes ne surprend personne (je pense ici

à

BbInOJlHHTb, qui veut dire remplir, réaliser et se retrouve surtout dans l'expression "RbInOJIIIHTb nJlalt", réaliser le plan (quinquennal, entre autres); ou encore

à

oprnllH30RaTb, qui signifie organiser), il en va tout autrement de certains autres, comme "HpaRHTbcSI, nOMoraTb, OKa~ihmaTbCSI, n03ROJlSlTb, oopamaTbcSI ", qui signifient, dans l'ordre: plaire, aider (à l'imperfectif; son équivalent au perfectif, "nOMO'lb n, est fort utilisé par la poétesse), apparoir, permettre,

(43)

.,

!

i.

HBJUlTbCH 449 3aSlBHTb 145 yCTalloRHTb 120

HaxOllHTbCSI 347 OTIIOCHTbCSI ]44 nOJJY'IHThCH 118

npHXO.LlHTbCSI 323 nOllllHMaTb 144 nOMO.Jl'taTh 115

COCTOSlTb 222 OKa3b18aTbCH 140 n03nO.JISlTb 113

Y'IHTbCH 222 COCTOnJlHTb ]40 pa~iYMcTb 111

nOllHHMaTbCS! 186 BbInOJlII HTb 136 06ecnC'IHTh 110

H3nOJlb30BaTb 180 noronopHTb 134 llOK838Th t08

XB8T8Tb 178 npell.JIO)f(HTb 133 H~inHIIHTh 108

.LleRCTBOBaTL 172 3anHceTb 132 OprallH:iOnaTb 105

HpaBHTbCSI 170 nbInO.J1Il HTb 130 06p8U~8ThCH 104

nOMoraTb 166 3allHMaTb 126 COCTa"HTh 104

nOJlb30BaTbCH 152 pa3ronapHnaTb ]25 on pene)1 HTI. 102

ne'lb 151 pa3pelUHTb ]25 nh/CTynHTh 101

n OJI y'J a Tb cS! 150 nnHraTbCS! 123 OTKa3aThC~ 101

CMO'lb 149 HMCTbCH 121 cxnaTHTb

toO

Tableau 4

Verbes figurant au TSRY avec 100 fréquences ou plus, mais absents de l'oeuvre poétique d'Anna Akhmatova

indéniable, mais il faut s'incliner devant les faits. Il y a un autre cas qui a forcé mon attention: le verbe "pa60T3Th " , travailler. Il n'apparaît qu'une fois dans les poèmes d'Anna Akhmatova, contre 666 fois dans le TSRV. Faut-il en déduire que le travail n'occupe pas une grande place dans l'univers d'Anna Akhmatova, ou bien qu'elle était d'une paresse incontournable? Regardons le contexte. Ce verbe se retrouve dans le poème intitulé "En 1940", et qui parle de la chute de Paris aux mains des forces allemandes. Le travail dont il est question est celuI de fossoyeurs, qu'elle emploie pour comparer la fin d'une époque

(44)

(celle de la liberté de Paris)

à

un enterrement rapidement exécuté. Cela se lit comme suit:

KorJ.la nOrpe6alOT :~noxy,

HaJ.lrpo6l1bJR JJCruJOM Ile 3nY'IHT, KpanHRe, tJepTOnOJJOxy

YKpaCHTb ce npeJ.lCTOHT.

li TOJJbKO MOrHJJblUHKH JIHXO Pa60TaIOT • .lleJJO He )KlleT!

li THXO, TaK, rOcnOLlH, THXO, \.fTO CJJbIWHO, KaK npeMSI HJ.leT.

A nOCJJe OHa nbmJJblRaeT, KaK Tpyn Ha necelllleR peKe,

-Ho MaTepH CblJl He y3l1aeT,

li nJJyK OTneplleTCSI R TOCKe.

li KJJOIISlTCSI rOllOnbJ IIH)Ke, KaK MaSlTHHK, XOJlHT JJylia.

TaK nOT - Hall norH6wHM napH)I(eM TaKaSi Teneph THWHua.

Quand on enterre une époque, On n'entend pas d'oraison funèbre,

À l'ortie, au chardon Il reviendra de l'orner.

Et seulement les fossoyeurs hardiment Travaillent. Les affaires n'attendent pas! Et doucement, Seigneur, doucement, On entend le temps passer.

Et ensuite elle refait surface,

Comme un corps sur une rivière au

printemps,-Mais le fils ne reconnaît pas sa mère, Et le petis-fils se retourne dans son chagrin.

Et les têtes s'inclinent plus bas, Comme un pendule, la lune va. Ainsi - au-dessus de Paris vaincu Tel est maintenant le silence.

On peut sentir le tO'1 ironique avec lequel elle emploie son seul verbe "travailler", une ironie où se mêle cependant un certain malaise et du respect aussi, car on peut rire du zèle des

fossoyeurs, mais leur travail restera toujours terrible et

irréversible.

Cet unique emploi du verbe travailler peut aussi cacher

une autre réalité du monde akhmatovien: son refus, sinon

inébranlable (car, pour essayer, sans succès toutefois, de sortir son fils de prison, elle s'est extasiée (poème N!! 747) devant les traces de tracteurs dans les champs nouvellement libérés des

(45)

..

tanks nazis) du moins obstiné, de servir les vues politiques d'un régime qu'elle n'avait aucune raison d'aimer. À l'époque du social-réalisme, il eut été fort aisé à madame Akhmatova de vanter le labeur éperdu des travailleurs socialistes dans leur long, mais

ô

combien prometteur combat pour l'édification du communisme. Cette époque est remplie d'oeuvres littéraires d'obscure provenance faisant état, l'une des exploits d'un kolkhozien hors du commun, l'autre de cette fabrique de ciment qui pulvérisait régulièrement ses propres records olympiques de production, toutes enfin de cette belle jeu nesse soviétique laborieuse et dévouée

à

la cause du camarade Staline. L'exaltation du travail ainsi classifiée "devoir d'État de l'écrivain" ne pouvait évoquer chez Anna Akhmatnva que des sentiments de révolte et de mépris, elle qui toute ScJ vie a eu

l'âme d'une adolescente en butte à l'autorité, d'abord paternelle, puis gouvernementale. Son inspiration était trop occupée à

chanter ,'amour et ses souffrances pour respirer l'odeur de la sueur des fondeurs.

Si plusieurs verbes du TSAV sont introuvables chez Anna Akhmatova, l'envers de la médaille est moins chargé, car il faut descendre

à

la fréquence quatre pour trouver un verbe qu'utilise madame Akhmatova et qui n'est pas recensé dans le TSAV. Il s'agit du verbe "rJlSI.lleTbCSI", qui signifie se mirer, se regarder. En

(46)

bas de cette fréquence. on tombe sous la moyenne, ce qui enlève toute importance scientifique à la chose.

Le TSAY fourmille de statistiques; il leur consacre un chapitre entier. Elles m'ont toutes été fort utiles et toutes celles que je vous présente ici

à

partir de l'oeuvre de madame Akhmatova ont pour modèle le TSAY. En plus des Cé'lculs établis plus haut sur le coefficient C et la fréquence moyenne des vert/es, qu'on identifiera plus bas par le signe suivant: FMoy' on

~eut calculer une foule de statistiques qui s'avéreront sûrement du plus grand intérêt pour les chercheurs linguistes du domaine de la littérature russe.

E" analysant les chiffres donnés en annexe III. on voit que 51,9% de toutes les fréquences, 4263, sont représentés par

seulement 152 verbes, ("qst-à-dire 7,4% du total. Leur FMoyest de 28. Le reste des fréquences, 3948, ou 48,1% du total, regroupe 1892 verbes différents, 92,6% du total, et ils ont une FMoy de 2,1. Par ailleurs, 48,3% de tous les verbes différents, 987

en tout, représentent à eux seuls 87,1 % de toutes les fréquences

(7154), ce qui leur donne une FMoy de 7,2. Le reste des verbes est le groupe des "une utilisation seulement". Ils sont 1057 dans ce cas, ils regroupent 51,7% des verbes différents et leur FMoyest de 1. Le tableau qui suit donne une progression des FMoy selon les premiers 10, 98 et 987 verbes, ainsi que d'après Je total des

(47)

verbes. Pour terminer le chapitre des FMoy' ajoutons que le nombre de verbes dont la fréquence dépasse la FMoy globale, qui est de 4, se chiffre

à

346, c'est-à-dire 17% du total des verbes, ou 67% du total des fréquences. Leur FMoy est de 15,9.

Tous les verbes (2044)

8211 fréquences FMoy = 4

Les premiers 987 verbes

7154 fréquences FMoy = 7,2

Les premiers 98 verbes

3636 fréquences FMoy = 37,1

Les premiers 10 verbes

1347 fréquences FMoy = 134,7

Tableau 5 Progression des FMoy

Puisque nous sommes dans les chiffres, allons-y d'un autre tableau, celui de la distribution des verbes selon la terminaison de l'infinitif. On peut y voir que chez Akhmatova, les verbes les plus courants sont ceux se terminant en -aTh et -HTh,

et que les terminaisons en -\1 b Y sont marginales.

Pour clore en beauté cette moisson de nombres sans nombre, le tableau suivant nous montre une autre distribution, mais ici la première lettre sert de point de référence. On y voit qu'au chapitre des verbes différents, la lettre

"n"

l'emporte

(48)

<

..

'"

1 ...

haut la main sur la lettre

"e ",

mais les choses se corsent lorsqu'il s'agit des fréquences, car la lettre

"e"

a une fréquence moyenne de 4,6 , alors que la lettre

"n"

doit se contenter d'un (plus) maigre 3,4.

plSTRIBUTION pAR TERMINAISON

Terminaison # verbes djff. fréQuence % verbes djff. 0/0 fréQuence

--aTb 779 2894 38.11 35,25 -eTb 159 901 7,76 10.97 -HTb 652 2129 31,90 25,93 -OTb 7 11 0,34 0,13 -yTb 162 443 7,93 5,40 -blTb 37 597 1,81 7,26 -SlTb 99 386 4,84 4,70 -e4b 29 84 1,42 1,02 -H4b 2 3 0,10 0,04 -04b 5 122 0,24 1,49 -Sl4b 1 1 0,05 0,01 -aCTb 12 40 0,59 0,49 -eCTb 9 27 0,44 0,33 -SlCTb 6 26 0,29 0,32 -TH 85 547 4,16 6,66 Total: 2044 8211 100,00 100,00 Tableau 6

(49)

Lettre Mots Occurrences A 4

4

6 46 648 B 183 733 r 47 300 li 71 265 E 3 10

n

0 0 >K 13 153 3 174 669 H SI 219 A 0 0 K 71 253 JI 29 224 M 49 302 H 93 261 0 182 421

n

4S9 1570 p 106 204 C 242 1103 T S5 183 y lOS 410 (J) 0 0 X 21 133 U 7 38 q 12 51 m 11 53 lU 2 2 D 0 0 bI 0 0 b 0 0 3 0 0 10 0 0 st 2 2 Tableau 7

Distribution par la première lettre

B) Le dictionnaire de Steinfeldt

Nous avons vu dans la section précédente une analyse des verbes de Madame Akhmatova en fonction des chiffres qui s'y rattachent. Regardons maintenant la chose sous un angle plus littéraire. en comparant l'oeuvre verbale d'Anna Akhmatova

(50)

1

avec les résultats obtenus par Steinfeldt dans son "Dictionnaire de fréquence de la langue littéraire russe moderne", (TSSRL Y).

Le dictionnaire de Steinfeldt est

à

ce jour l'ouvrage le plus adapté

à

soutenir la comparaison avec l'oeuvre d'Anna Akhmatova, puisqu'il fut établi exclusivement

à

partir d'oeuvres littéraires. De plus, son échantillonnage plus modeste que celui du TSRY (400 000 mots) le rapproche de la mesure akhmatovienne, qui est de 52 561. Cependant, il est un reproche assez important que l'on peut adresser à l'endroit du TSSRLY, c'est que pour des raison d'économie d'espace, toutes les fréquences inférieures

à

14 n'ont pas été répertoriées, et c'est bien dommage puisque cela limite considérablement le volume des données disponibles pour la comparaison.

Le TSSRLY fait l'analyse de 400 000 mots et les présente, tous genres confondus, en première partie de l'ouvrage. Ensuite, ils sont regroupés selon leur nature et discutés plus en détails. Dans la section qui nous intéresse plus particulièrement ici, celle réservée aux verbes, on dresse la liste des verbes par ordre décroissant du nombre de textes dans lequel ce verbe fut rencontré. J'ai pour ma part choisi de donner plus d'importance au nombre de verbes, mais j'ai également inclus le nombre de texte, ne serait-ce que pour donner une idée du taux de répétition d'un verbe donné. Plus on descend dans la colonne des

(51)

fréquences, plus la différence entre les deux colonnes, celle de la fréquence et celle du nombre de textes, a tendance à

s'amenuiser. En aucune occasion madame Akhmatova n'a utilisé le même verbe dans un seul et unique poème, mais plus de trois fois, et le seul exemple qui illustre ce cas est le suivant: il s'agit du verbe "JIfaTb" (mer.tlr), il est employé à la négation de l'impératif,

à

trois reprise à l'intérieur de la même ligne qUi, incidemment, est la pr,~mière du poème (N2 819), qui n'en compte lui-même que quatre, Gue voici:

"He JIfH Mlle, Ile flnf Mlle, Ile Jlrlf Mlle,

SI 60JlbWe TepneTb Ile Mory.

B KaKOM-TO nOJlyIlO'1II0M rHMlle )KHBY SI lia TOM 6epery."

"Ne me mens pas, ne me mens pas, ne me mens pas,

Je ne peux plus le supporter. Dans une sorte d'hymne de minuit Je vis sur cette rive."

Mise

à

part cette petite envolée lyrique, il n'y a vraiment rien à

signaler du côté des rapports fréquence/nombre de poèmes. Après le nombre de poèmes et la fréquence du verbe, la rubrique "verbes" du TSSRL

y

répartit les fréquences selon le mode, et parmi ceux-ci seuls les trois suivants sont représentés: l'indicatif, l'impératif et l'infinitif. On ne fait aucun cas du conditionnel, qui est absorbé par le passé de l'indicatif, et les participes et gérondifs ont droit chacun à leur chapitre particulier, mais compte tenu du nombre minimum de 14

Références

Documents relatifs

2 Jean-Louis Backès, « Notes », in Anna Akhmatova, Requiem, Poème sans héros et autres poèmes, Paris, Gallimard, « Poésie », 2007, p... La novella, également connue sous le

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