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La réduction a l'animalité dans l'oeuvre de Louis-Ferdinand Céline /

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(1)

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LA REDUCTION.A L'ANIMALITE DANS L'OEUVRE DE CELI~

..

Il o ù IJ 1 \ · -_ _ _ _ _ _ ~----I---.

1

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(2)

---

... ...

André Gauvreau

La réduction à l'animalité dans l'oeuvre de Louis-Ferdinand Céliné ,

Département de Langue et L-i ttérat~rE; Françaises Maîtrise ès Arts

,

-/

Ce mémoire étudie le rôle de l'animalité dans l'oeuvre de Louis-Ferdinand Céline. La première partie montre combi"en

l'agressivité, chez Céline, est presque toujours reliée' à

l'animalité. Dans la deuxième partie, nous voyons comment la vislon du monde de Céline est profondément animalisante: chez

q

notre auteur, en effet, les femmes, la sexualité, les peuples et les institutions socia~es"sont le plus souvent présentés par le biais de l'animalisation. Ce besoin d'animaiiser est

essen~iellernent lié à la peur ,qu'éprouve Céline devant toute

manifestation humaine.

---'---

---- --- -- - -

.L

,

.•

(3)

André Gauvreau

La réductlon ~ l'animaTité dans l'oeuvre de Louis-Ferdinand/ Céline

Department of French Language and Literature_

Mas ter of Ar t.s .

This thesis stud{~s the role of anlmality in the

~.

works of Louis-Ferdinand Céline. The first part shows how agresslvity is ùImost always linked to animality. In the second part, we shall see how Céline's "Weltanschauung" is deeply animaIi 4 ing: for the author, ~women, sexuality,

,(

peopLes and sbclal lns ti tu tions a

rJ"

almos t always aniIl},aIized. This need to anlmalizeo is essentially related to CéIlne's . fear of any human manifestatlon.

~--~---~----~---~---~~~

J

(4)

....

1.-... _,'

McGILL UNIVERSITY Thesis LA REDUCTION A L'ANIMALITE

LOUI~flNAND

S ubmi t ted by ~ DANS L'OEUVRE DE C,ELINE André Gauvreau

ln partial fulfillment of the reguirements for

.. ~ ... , f~ .,

"the degree of Mas ter of Arts

1975 / • 1 ,~ , ;

..

(5)

- 1

J

.

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.

.

, , ., l

TABLE DES MATIE RES

~hapitre premler - INTRODUCTION.

1

Chapitre II - LE PHENOMENE REDUCTEUR. . PREMIERE PAR1'IE

VISION ANIMALISANTE DE L'HOMME AGRESSIF Chapitre III - L'UNIVERS GUERRIER • . . . . Chapitre IV - LES SITUATIONS DE BATAILLE. Chapl tre V - LES SITUATIONS D'AGRESSIO~.

Chapitre VI - L'AGRESSIV+TE

sÀNs

BUT PRECIS . .

J

DEUXIEME PARTIE

VISION DU MONDE DE.CELINE

Page 1 14 28 38 44 61 Chapitre premier - VISION DES FEMMES ET DE LA SEXUALITE. 71

Chapitre II - VISION DES FRl'..NCAIS ET DES JUIFS . 82

.

.

Chapitre III \

-

INSTITUTIONS SOCIALES

.

. . ·

88

Chapitre IV

-

LE DOMAINE MEDICAL.

.

-

.

. .

93

Chapitre V

-

DESCRIPTION D'UN PERSONNAGE

.

99

Chapitre VI UNE PERSONNE 'tUE COMME UN ANIMAL.

. ·

112 CI CONCLUS ION . •

.)

126 B,IBLIOGRAPHIE. · 132 i i

,

1

J

(6)

'.

Chapi tre premier

INTRODUCTION , '. 1

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)

1

r

.'~,.

(7)

..,

.

Lou~s-Ferdinand Céline est l'un des plus grands ,1.

auteurs du vingtième siècle. SOh importance réside

essen-'.

tiellement dans son style que plus leurs duteurs o~t d'ailleurs imité. Par exemple, à la tête de son premier roman, La

nausée, Sartre rend implicltement hommage à Céllne en citant pn passage de L'église.

céllne tente de recréer la langue parlée lorsqu'il écrit. Cela rend ses textes très vivants. Un autae aspect unique de son style, c'est sa férocité. Il est très critique et l' lntenslté de sa vérve est Kallucinante. Il a une vision du monde très riche et une langu~ dont on ne se lasse pas. Son importance vient de ce qu'il a rompu avec le courant littéraire traditionnel qui veut que la langue écrite soit sacrée, presque

o

inviolable. Céline s'élève violemment contre cette traditlon.

littéraire figée, Céline a laissé une forte empreinte. Il 1 utllise une prose très riche et... très poétique qUl lui a valu le succès de son vivant et la reconnaissance posthume. La

~~puta-•

tian littéraire de Céline ne cesse d'ailleurs de grandlr .

(8)

3

J~ai choisi d'étudier l'oeuvre de Céline en analysant

l'utilisation q~'il fait de l'anlmalité humalne.

L'anlmali-"

satlon est une des perspectlves narratlves les plus importantes

...

dé notre auteur. On peut la déflnir comm~ la volonté de ravaler tout ce qUl est humain au stade animal.

J'analyserai l'anlmallsation dans six oeuvres célinlen-nes: Voyage au bout d~ la nuit, Mort à crédlt, D'un château

'\

l'autre, Guignol's Band: L'école des cadavres et Féerie pour une autre fois. L'oeuvre de

~éllne

peut se dlvlser en trois parties. Voyage au bout de la nUlt et Mort à crédlt sont des oeuvres artiçulées, dotées d'une charpente romanesque solide. Féerie pour une autre fOlS, D'un château l'autre et Guignol's Bùnd àppartiennent à un groupe de réclts dans lesque~s l'intrigue romanesque compte peu: ils sont en falt constrults autour des impresslons du narrateur. L'école des cadavres enfin s'insère

Q/

dans l'oeuvre pamphlétaire de Géllne.

Je traiterai d'abord de l'agressivité qui se déploie

L _ _ _ _ _ - ---- - - - cnez cé lir,le:---elle es t souven t synonyme d' anim;l\

té~

Cependant,

la vision animalisante de Céline s'étend bien au delà de

l'agressivité. Elle englobe plusieurs aspects de la conditlon humaine. Par exemple, tous les éléments suivants sont des

f

(9)

'.

"

4

sUJets d'animalisation pour ~auteur: les femmes et la

sexuallté, certalns peuples, certaines instltutlons sociales et plus généralement la d~scription des personnages •

Mais pourquoi Céline s'acharne-t-il à ahimaliser-l'être humain?' Peut-être est-ce d'abord parce qu'il estime

i • souffrir d'un sentifuent de persécution. Céline croit en

-effet sublr des conditlons de Vle très insatisfaisantes. Les causes de son sor~ étant nébuleuses, 11 s'attaque à autrul pour expliquer le marasme qu'il Vlt. L'existence' pour lUl est ainsl peuplée de complots dont 11 est plus souvent la victime qu' autremen t.

Ce vif sentiment de perséèutionG falt que l'auteur crée

des boucs-émissaires. Le bouc-émissaire choisl lUl permet de

"-vouer sa haine à un agent maléfique. Il est plus facile de

!

s'acharner cont're les Juifs ou contr~ les hommel? en général, ,tout en valorisant les Aryens ou les anima~~1 que 'd'affronter 'certaines réalltés insoutenables de l'existence.

C'est ce mécanisme de défense qui est à l'origine, chez

.

l'auteur, d'une vision manichéenne de l'univers. céline

d~va-lorise souvent l'homme en l'animalisant. Mais paradoxale~ent,

(10)

,

,

)

,

l

inférieur à celui-ci. Cette s~rvalorisation de l'animal s'lnscrit dans la vision manichéenne de l'univers qu'a Céllne.

f

L'ani~al est la forcé positive alors que l'ho~e est la force

négative. Cette V1Slon du monde est reproduite en d'autres cas chez notre auteur. Les Juif~1 par exemple, sont les élé-ments no~ifs dans un univèrs peuplé d'Aryens perçus comme des victlmes. Cette vision du monde est plutôt slmpliste, mais elle répond aux besoins émotifs de l'auteur.

Cette vision manichéenne de l'univers est une vision réductrice. Elle permet de simplifier la> complexlté des forces ambiantes. Mais 'Céline utilise plusieurs autres méthodes de réduction qui lui permettent d'a~order la vie a~e~ plus de facili

f , Examinons 'quelques-uns de ces procédés réduc.teurs.

....

Commençons par celui q~~ caractérise l'écriture cél~nienne.

Il Y a une dualité fondamentale céli-nlenne quia réside dans l'opposition qUl

dans l'écriture

existe ent'ry\le dJscours et la narration. Voypns en quoi consisten\ ces deux formes

d'écriture. La narrati..Qn est le récït d'événements révolus

iII'" ~. 1 1

dans lesquels l'auteur éG,t en prlnclpe absen t a lors que le

~ 1

...

d .l.. ' l ' .- ~ l

lSCOULS est un commentalre de auteur sur ces evenernents.

teur.

lDans la narration, l'auteur est absent comme narrg-Il peut cependant être présent'comme personnage. Cf.

"

f

(11)

l ' • • }

1 0 '6 "

-.

' -{lIl" '

Par le discours, l'auteur cherche donc' à influencer le lecteur.

, 1

Par ,exemple, dans le Voyage au ~out de

Id

nuit, le narrateur raconte comment 11 a fait la queue pour trouver de l'emploi chez' Ford} Un Rus"se dans-:l--a queueJ lui dit qu" on prend

n'im-- :n'im--n'im--;,,";_7

1?orte qui mais, qu'il ne faut pas Il crâner" . Tou t ceci fait

partie de'la narratioh. Ensuite, le narrateur, qui se méfiait de ce Russe écrit: "Je me méfiais de l~_~, parce que les miteux ça délire facilement. Il~y a un moment de la misère où

l'esprit nlest plus déjà tout le teJllPs avec

1;

corps.,,3 cCe Eommentaire moralisateur fait parti~ du discours.

JI \ .

\ / ;

Le disco~s témG~gne d'une volonté moralisatrice alors que la narration vise à représenter l'action romanesqueUen -tant

\

que telle. Notons que c~tte volonté moralisatrice ou cette

-réflexion philosophique qua est le discours se part~ge, chez

" t .

Céline, en deux part~~~~ D'~ne part, notre àuteur se livre à

\

une critique intelllgente (quoique sévère) de la vie moderne, et, d'autre part, i l montre une résignation toute affective aux

.,

.

\

André ,pmi th, La nuit de .Louis-FerdinaM Céline (parl.s\: Grasset,

,.WŒ

1973), pp. 23-37.'

2Louis-F~rdinand

Céline, Voyage au bout de la nuit (Paris: Gallimard, 1952), pp. 225-226.

3 I bid., p. 2-26 .

..

,

(12)

J

0 ,

,

7

malheurs ~npérents à la- condition humalne. Dans le premier cas, céla peut donner une crl tique préclse de ,la société de

.

'

consommation:

"Ca

faisa,i:t bien des dollars, pensaiS-Je, une fOul~-içomme

de

so~!

,,4

, ,

ça, rien qu'en mouchoirs, par exemple, ou en bas Dans le second cas,/cel; donne des maximes

J

défaitlst~s comme celle-ci: "Des harlcots, la vie."S Ces deux aspects complémentaires, la critique qe la réallté et, le nihilisme complalsant, font partle du-discou~s.

Le discours e~a narration font souvent redondance. Cette répétltlon est propre à 'l'auteur qui, 'par peur de ne'<,pas

" " ,

avoir tout dit, répète sur deux modes que l'univ~rs est pourri et que l'homme y est inextricablement· voué à l'échec.

,

Double dans son principe, l'éçrlture célinlenne est

----~----=-:._---

-, .••

m",,,,,m.'~'~'''''''''''''T,~.'.~_,w:,,,~çtQP"ç;,-

..

,,j;:.Q~)~l.:P;~,

.. p;r te-use, d-Lun -rn.ême ·mes sage': -'

r~

éehE'!c 'der l' h'otffuiè

:-Demandons-nous,maintenant quelle est la posltion de Céllne face

'\

.

\

\ . '

.

au langage et aux i9ées--deux dom~ines qUl distinguent

juste-, ,.

ment l'homme de l'animal.

L"'~ttitude

de Céline face au langage

~

est très négative. Pour déprécier le langage, i l se sert de

4Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 202.

5 Ibid., p. 212 .

1

(13)

t'

}

8,

l'animal chez qui dl valorise l'intensité et la rapidité de

la corrununication sans mots. Ainsi il é'crit:

Ce qu'est beau dans le monde animal c'est qu'ils savent sans se dire, tout et

lou t! ... et de tr~s loin! à, vi

tesse-lumière! ••. nous avec la tête pleine de

mots, effrayant le mal qu'on se donne po~

s'emberlifiquer en pirel plus' rien

savoir' ..• tout barafouiller, rien saisir! ... si on se l'agite la grosse nénette' ...

dégueule! ... peut plu's! •.. plus rien passe 1

pas un milli: d' ond,e 1 ~ •• 6

dans les conditions très sensibles que vous

y ê tes total de votre vie, et pas au 'pour',

ililco sonnant .•• vous avez l~intultion

directe, vous save\. avant que tout arrive, implacable, que c'est pour vous p,as pour un autre ... la certitude animale ••• la connerie

,de l ' homme dialectise tout, brouilla~inise~' .. 7

\ , ~,

Céline refuse lci le langage quoiqu',il le manie excellemmer1t. Il accentue l'importance de la communlcation dans ses textes,

- - - L'dmporLan.ce--àe---donneF-au-i-é€'Eeu-J:"---±-L:Hnpress-i-on-'qu~-on-'lui ,---,

(

,--1, "n .. 'It... --~ .. T 1 .. l-~~i ... ""1 " .. 111' !il"t f-(' r ~f1, ,jl"~"I~ Y"'~ ", ~'II!!~' ."'11..-( n. .. )~ I~ 1 t '1"\ .. 1l~. '1 ~t-?<I"""t"" ... ' , .. ., ;: J'l' tl,:,>+-,,.f K-'Ç".( ,(t"'tlll'" '1'1' li,,"' ~ tU'u 1.11-, J t ftl[1h,.... .... ~jtll .. i.~ .. 11' "ttlli' l"ld.,."t -l'v-t ~"'-f ~~tiU~)'IqoII"Jt~"I .. 11'"

pa rIe. Effectivement, quand Céline écrit, i l vise le lecteur

dlrectement, dans son for intérieur: "-Pas s implernent à son

4

oreille! .•. non! ••• dans l'in timi té de ses nerfs! - en plein dans

6Louis-Ferdinand Céline, D'un château l'autre (Paris:

Gallimard, 1957), p. 194.

7 Ibid ., p. 143 .

,

(14)

"

--~ ....

,

9

son système nefveux~ d ans sa propre

t

~ e e. t 1,,8 Son oeuvre pro-dlgieuse est en contradictlon avec l'idéologie antl-langage que contiennent les deux cltations précédentes.' Le langage

j

contre lequel i l s'acharne tant est évidemment celui des ù u t res , car i 1 ne se .pr(e guère,

pour véhiculer sa

IU1, d'utiliser la langue avec profusion vision du mçmde.

\

/

En fait\ ,c'est la primùuté de l'émotlf face au céré-braI qUl compte pour Céline. L'auteur semble assimiler cet émotif à l' "animal".' Quand i l dévalorise la lenteur de la communlcation humaine 'et l'indlspensable recours aux mots des êtres humalns, 11 utllise l'animal qui ne connaît pasiles mots. Il valorise êJlnSl la communication non yerbale, une communicatlon émotive. TOUJours dans le cadre de sa vision

.

'

Une des raisons pour lesquelles Céline trouve les écrivains modernes ennuyeux est leur utilisation "tradition-nelle" du langage. A leur sUJet i l écrit:

"

8Louis-Ferdinand~

C-éline, Entretiens avec le Professeur Y (Paris:' 1 Gallimard, 1955), p. 122 .

..

(15)

r,

10

tous les postulant? goncourteux se copient tous, c'est inévltabl~I . . . ils, sont aussi stables, ressemblants, ennuyeux,

lnévita-•

bles, que tous les tableaux queue leu leu de n'importe quel grand Salon . . . la Médaille d'or ou le Goncourt, l'un barbouillage,

11 autre grifouillage, font autant d'heureux! ... 9 Une autre ralson est sans doute une Jalousie des écrivains qui ont du succès ulors qulil afflrme être p~rsécuté et éprouver de la dlfficulté à faire publler ses oeuvres. Mais ceCl n'est pas vrai. Les textes de Céline au contralre~se vendent bien. Gide dans un article lntitulé "Les Juifs, Céline et Maritain", publié dans l:es Cahier---S-de 11 Herne-, nous dit que Mort à crédit était en v~nte partout et était trè"s populaire. Selon Gide, quand Céline __

~tfiTIffie

qulil n'a pas de

succ~s,

i l veut rire: "Alors quand Céline vient p..":lrler d'une sorte de conspira tlon de

sllence~rdlune coalition pour empacher la vente de ses livres,

Un dernier reproche adressé aux écrivains modernes est le fait qu'ils véhiculent des ldées dans leurs textes. A son sUJet, il écrie:

9Céllne, Entretiens avec le Professeur y, pp. 17-18.

'~

lOAndré/Gide, "Les Juifs, Céline et Maritain", Cahiers de l'Herne No. 5 (1965), p. 335.

(16)

..

) 'f

~.

Il

J'encombre pas l'Ether de mes penséesl moil non, Monsieur' Je me saoule pas de mots, ni de porto, ni ,des flatteries de la Jeunessel . . . je cogite pas pour la planète' .•• ( •.. ) ffiôis tout plutôt que des idéâs! ... je laisse les idéâs aux camelo'ts 1 toutés les idéâs 1 aux maquereaux, 'aux conflJsionnistes! ... 11

C'est l'émotif que Céllne recheréhe et c'est ce qu'il essaie de reprodul~e dans ses textes. rI fait ceci au moyen

w

d'une transcription de la langue parlée à la ~Bngue écrite. Ainsi, il écrit que: "1 L' émotlon dans le langage écri t' ... le

langage écrit étalt à sec, c'est mOl qu'ai redonné l'émotion

/

-1 )

au langage écrit! ..• comme je vous le dlS! ••. '" 12

L~émotif est ce qu'il nomme "animal" E;t le langdge semble être pour lui la représentation de la cérébralité bien qU'lI l'utillse pOUL communiquer une très grande

~wltivité.

lectualisan ts :

('

Oh, pour les idiomes étrangers, c'est l'into-nation qui compte! ... l'homme à un moment de la misère i l s'en fout de comprendre .•• tout y arrive au coeur droitl naturel ..• ~njures,

/

-

/llc~line,

Entretiens avec le Professeur YI p. 22. 1

12

rb 1 d ., P . 2 3 .

(17)

, ' 12 ,. ,

.

, r

mensonges, gentillesses ... le sens vnimal •.. le fIon des mots tombe ... 13

Un autre trait que Céline /teste chez l'homme, c'est , l'ignorance. L'homme n'est pou lU1 qu'un animal idiot:

Cél~ne

1

Le petit chat mutin, lut1n, tout bondissant devant la porte, reconnaît bien mieux que nous dans es d1X mille secrets du monde. Nou sommes devenus les plus stup1-des, les us emmerdants de tous les

iln x créés. 14

donc l'émotif, malS ~eulement chez les êtres Naturellement, i l a sa conception personnelle de l'intellige ce. Elle semble être la capaclté,de vivre ses

..

,

émotlons raison n'en bloque

l'épa-noulssem que

les

Selon lui, les ~nimaux sont plus lntelligents qUl se font opérer. L'animal, f'u morsl> craint "les animaux à la Villette QU Chicago ont peur!

.. r ___ ,.~.-:;-'.:-T'::"',a- 'I:"-,4'I''''f11~"1 .. ~'1:1"'r:: ::;--. o::rU:ô/ v",,~r..~-'!f' , r-I""lt~--t1f"1",I'T ... I,"' 1 ... ",""", .61.' ... oI!., ,. ... ..., .. ~.., ••

t<..f)I'I., .. ' ... "'I'IIIII'I""'~ .. .,'1I''1I...,. ... 't'1~11~q"1' ... "-1 .. ....,.-I<1,.."""'( 1"."_tl"n ... .oj.t.,_ ... t"' ... II"r.,-e..t ... ~'l"' .... -~4'l

11:-s ont le sens de ce-qul va se passer ... les chers malaÇie;; du

-

'--Grand n vont se fùire ouvrir avec amour . . . . ,,15 f

Selon Céline, l'hGmme ne peut utillser son intelligence,

.

que lorsqu'il est intére~sé. L'homme est un animal muni d'une

13 Lou is-Ferdinand Céline, Féerie ,Eour une autre fois (Parls: Gallimard, 1952) , p. 64.

1-14Louis-Ferdinand Céline, Ii' école des cadavres (Paris: Denol:H, 1938), p . 103'.

(18)

.

.

, p

13

intelligence qu'il ne peut utiliser qu'à mauvais escient. La comparaison suivante avec un bigorneau illustre bien cette ldée:, ~

Si la marée, la lune et le sole 11 ne semblent pas au bigorno, absolument prçpices à ses petites évolutions, i~ s'abstiendra, i l n'en fera qu'à sa coquil-le. C'est exactement. du kif avec l'homme sauf qu'il peut toujours lui vous tromper avec ses 'O~il Oui! Je vous

s~is! Je suis entièrement d'accord! Bravo! Bravo l ' L' homme c' e~t la machine à mentlr.'

"Bigorno sournois .16

~

Ici Céline assimile lli~telligence de l'homme à une force

e"\.. ' •

négative alors que son

côl'

émotif ou "animal" est 10 force

, ,

;~

positive. Ce refus du langage, des idées et de l'intelli-gence, trois traits propres à .l'humaln et qui distinguent

a

celui-ci de l'animal, n'est ni plus ni moins que le refus de,' l'humain çhez l'auteur. L'émotion humaine ell~ aussi est--trop complexe et l'auteur doit la réduire soit en

l'animali-(

sant comme nous l'avons vu ici, soit en réduisant les

personnages qui éprouvent des émotions comme nous le verrons plus loin.

''''

16 "l' Ce lne, L'école des cadavres, p. 218.

(19)

..

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,.

u' Chapitre II l'-LE PHENO~ENE REDUCTEUR

--.

-" -~""f' " , ;~ , ;

-',1 " , "

.,.,

\

\.

(20)

Voyons maintenant quelques méthodes que l'auteur uti-lise'pour rédulre ses personnages. Le style analytique est une de ces méthodes utillsées par l'auteur. Ce style est une

technique parfois employée par l'auteur: surt~ut dans les oeuvres ~Ul précèdent Guignol's Band. Il symbolise un refus de toute totalité. Céline réduit les êtres à leurs éléments et en -'~ un pour obscurcir tous les autres. Par ex~mple,

. "

dëj,ns Mort à crédl t, il parle de "6422 blénnorrhées, ( .. ~) 4322 ménopauses ... l Il réduit lCl les femmes à une seule" de leurs composantes tout en négligeant tout le reste de la'

personnalité féminire. Cette réduction provient d'une peur de

_cc" - - - c -c-~

=-=---~--- ~

--. --- 11 être humai!!. '.' -~,~_-.s~~.E;n,tic~11-l1;::·J;)."~P,Qj.u::-,,n~,.en

.env.is-ager--.qUc-L...yJqe~--_i"-':~'::;':_ -~ .. -"':;':: -./-.-. . ,~r-:.;--• • - - . ---.,.

~~.,,-~--partle car 11 en a peur. L'être humain dans sa totallté est beaucoup trop apeurant pour que Céline puisse l'aborder. Ce phénomène réducteur ~st constant chez l'auteur.

t

Quelle est la vision des personnages quia l'auteur?

.

parapine dans le.~oyage au bout de la nuit ne prononce que

ICéline, Mort à drédlt, p. 24 •

(21)

16

vingt phrases en deux ans. Il Y a lci une réduction claire. Ce phénom~e d~~duction peut être manifesté de différentes façons. En"c;:,rtalfis cas c'est 1) maladie qui peut amoindnr' un personnage servant ainSl à le réduire. La maladie tra-verse tout l'oeuvre célinlen. D~ns le Voyage au bout de la o nuit, i l Y a tous les clients du n~rrateur, le docteur

Bardamu. Dans Mort a crédlt, la mère de Ferdinand est in-, ... firme. Dans D'un château l'aut~e, il y a un vleil lnfirme et des offlciers allemands qui se font soigner par le narrat~ur ainsi que tous ses autres clients.

il

'1

Une autre forme de réductlon est l'acte lnaccompli. Il existe plusieurs de ces aétes dans l'oeuvre célinien. Par

exemple, Jean Voireuse, dans le Voyage au baut de la nuik, perd

-

-- -- -- -- -- - - r

-Ferdinand, dans Mort à crédit, V2 à Folkestone pour étudler

"

l'anglais mais n'apprend absolument rlen. Cou~tial dans toutes ses tentatives d'inventlons échoue infailliblement. La mort vient couronner ses échecs d'une façon symbollque. Dans D'un château l'autre, les gens dans leurs tentatives d'échapper aux Allemands échouent tous aussi. Et enfin, dans GuignoI's' Sand,

'"

.

\

l'inspecteur Matthew ne réussit ]amB1S à appréhender les

(22)

~-1

,

,

17

inaccomplis vient réduire les aglssements mêmes des person-/{

, nages.

Céline réduit aussi les émotions. Elles sont ,un sUJet 'beaucoup trop c?~exe pq~r l'auteur. Il choisit alors de les

écarter en ravalant les personnages qui les éprouvent. Il s'empêche par le fait même de les envisager directement. L'émotion étant un fa~ teur propre à l'humaln, et céline ne pouvant Y faire fdce, ' l\.ct ' l -. \ Olt les rédulre. \,\

"

..

,

~tte v~lonté

réductrice, chez Céline, ne se limite pas aux procédés mentionn~s, mais elle npper2ît aussi sous la forme

-d'animallté humaine. Effectivement, en utllisant }'animalité humaine, Céline réduit l'homme à une de ses fonctions animales tout en négligeant ses autres composantes. Nous avons vu

com-propres à l'humain. Voyons malntenant comment il déshumanise différentes émotions en les animalisant. Tout d'abord, il y a un refus quasi-global de l'humain chez Céline qui se tradult implicitement par une survalorlsation de l'animal. Ce refus apparaît, par exemple, dans la dédlcace de Féerie pour une autre fOlS qui seq,lit comme suit: "Aux anlmaux, Aux malades, Aux

(23)

1

18 des malades et des prisonniers,

>",J

d'êtres déchus et incomplets. Le mqlade est un être qui ne fonctionne pas normalement. Le prisonnier, privé de sa libetté, est un être lui ~USSl réduit. De là, encore une fois, la prédilection du narrateur pour les êtres amoindrls ou incomplets. La dédicace s'adresse d'abord aux animaux que Céline semble chérir par-dessus tout.

damne ainsi,impl~cltement les hommes.

Une autre preuve que Céllne refuse les humains est que dans la maladie ou la mort ils n'ont pas leur place.

,

C'est ,ainsi que, fièvreux, 11 pense plus à une ~hienne qu'à une

personne: Il

c'

est un fa i f-, Je pense tOUjours à elle, même

dans la fièvre ... d'abord Je peux me détacher de rien, ni d'un souvenlr, ni d'une personne, à plus forte raison d'une

amour passé ou d'instants privilégiés de sa vie, Céline, lui, près de la mort, se rappellera ses anlmaux:

Quand Je finirai Je valS vous dire: c'est en pensant aux qnimaux, pas aux hommes! à 'Tête de 'Chou',. à 'Nana', à 'Sarah' ma chatte qu'est partie un soir qu'on n'a Jamais revue, aux chevaux de la ferme, aux animaux compagnons qu'ont souffert mille fois comme des hommes!

,

2Céline, D'uri château l'autre, p. 174 .

(24)

~

/ / 19

lapins, hiboux, mer~esl passé tant d'hivers avec nous 1 .au bout du mondel ... la mort me sera douce ..• 3

Sa mort même est, s ' i l la souhaite, offerte aux animaux et non pas aux humains: "Oh, J'ai envie de mourir ••• mais pas pour vous! Je veux pour Bébert, Tête de Chou, Valby, chats sauvages, et pour Sarah ma chatte sacrée et pour les animaux de l a f entle ... ,,4

Cette valorisation de l' "an~mal" sera présente ailleurs dans la valeur qué 'Céline attribue à la IIchaleur animale" qui pour lui est un indice ou un ingrédient essentiel de l'amitié: "Les amis c'est des' livres de police' vivants ... tout chauds,

"

cha l.eur animale ... Il 5 L'amitié, une émotion propre

à l'humain~

,

ti-r face à querqu~n

TI'

est pas vécu dans toute sa pléni tt'\,de chez

célin~. ( En fait, il ne se fie à personne. Il voit les pires

!.

intentions chez ses amis. C'est la misanthropie connue de célirte qui I~ p6~sse à nier ainsi l'amItié. Dans D'un chêteau

3 Céline, Féerie pour une autré fois, p. 309.

4 Ibid., p. 310. 5Ib id., p. 13 •

' \ J

(25)

; ,

.

, -1 \

'\

(l'autre, il écrit au iii "

s\lJ'et de ses amis:

20

ils attendent surtout que je c~ève, les vieux

amis! le fond du fond! .•. ils ont recueilli

les uns les autres, tous, un peu de manuscrits,

de papiers, des

b~uts,

au mepment de la grande'

saccagerie ..• da~s les escaliers ••. les

pou-belles .•. bien assurés, prévoyant qu'au moment où Je crèverais, fatal, tout ça prendrait de

la vale~rl .•. mais que Je crève nom de Dieu

tout de suite! •.•

La vision paranoïaque du narrateu l'empêche de vivre des

sen-timents tels que l'amitié sans les remettre en question ou sans

du moins les réduire à l'animalité comme c'est le cas dans

l'exemple précédent. L'amour subit le même sort comme nous le

1

I -_ _ _ _ _ _ _ _ ~v~e:::.::_r=r~o~n~s_=__=l:.:_u~s ____ =lè::'o:.':'i~n~. __________________ . : _____ _

Un autre exemple de cette vision animalisante des êtres

---:-~ :--- --- --l1um~sort--quanâ· Fér?~_n~~? ___ s __ -e-aelll_~~~e .ëon(â1i:~Tlt ~~Jonkind

dansé

-_-~--::;-_ _ . _ -.,_~;L..._"..;=...-. _ """ _ _ -=~ _- _ _ _ =-=-_~~-.;-::;....,::. - ___ .._

.

\ ~ Mortà ·crédi t peut bien le pèrcevoîr, quel=artlmal il v01tà la

-place du narrateur: "Je lui mahquerais peut-être dans son

~onde, ce petit biscornu, tout cavaleur, tout cinglé •.• Comment

qu'il me voyait lUl, au fond?

.

Comme un boeuf? Comme ... une

r...

7-r"

a~gous te. ? " ~ ..

Nous savons que Ferdlnand e~t ami avec le petit

6 Céline, Di un château l'autre, p. 22 ...

"

7 Céline, Mort ~~~-..;;;..:=-=..;;,. à crédit, p.

(26)

.'

/

1 21

/

----~ j

-4onk~.~Jllmalité sert ici à

~eut ressentir envers celui-ci.

refouler l'affeltivité qu'il

1

Dans Gu~gnol's Band, quand le f

.faux~Chinois touche la nuque du narrateur, en signe d'amitié

au de paternit$, > ée dernler ressent le geste de la façon

sui-8

vante:. "Il me tapote la nùque •.• i l me calme co~e un chlen."

La force affective de l'amour est aussi déshumanisée dans l'oeuvre célinlen. Dans l~'Voyage au bout de la nuit, quand l~ mère d~ Bardamu vient VOlr son flls milltaire, l'amour qu'elle peuttressentlr à le revoir falt que le narrateur la considère coinrne étant lnfé,rieure à une chienne. Ains 1 elLe:

pleurnichàit comme une chienne à laquelle on a rendu enfln son petit . . . elle demeurait

cependant inférieure à la chienne parce qu'elle croyait aux mots elle qu'on lui disait pour m'enlever. La chienne au moins ne croit que ce qu 1 e Il e sen t • 9

"-Dans Mort à crédit, quand la m~re de Ferdinand

llem-,1

brasse avant de le quitter, l'amour qu'elle ressent face à

.

cett~ '

il

' )

déchirure rappelle l' animalit~ au narrateur: "Elle ml embrassait

,J~llement

fort,

da~s

une trombe tellement violente, que J'en

8Louis~Ferdinand Céline, Guignol's Band (Paris: Gallimard. 1952), pp. 346-347.

9 Céllne, Voyage au bout de la huit, p. 98 •

(27)

22

~acillals ... La force d'un cheval en tendresse qui lui remontait

) <

dans ces cas-là du fond de sa carcasse biscornue ••. "lO

La haine est aUSSl ~ne émotion que l'auteur choislt d'animali,ser. La femme de Courtial déteste son mari et elle

.

exprime la haine qu'elle lUl voue ainsi: "Mals j'aimerais mieux, tenez, Ferdinand! Vlvre avec un slnge verlta e ... . . ~ bl! "Il

Ailleurs, Céll~E~_ victime de ses lecteurs, exp~ime la haine que ceUX-Cl ressentent ~nvers lui:

Je peux plus ouvrir ma plume. Que ça soye en Correctlonnelle, sous les coups

'd'attendus' fë:rouches, ou dëms l'anti-charnbre des patrons, Je' me trouve ~ l'instant boule-versé, décapé, racorni lnfec~, au rang des larves empestantes. 12

\

Voyons 'comment l'auteur rédui t les émotions provo-quées par la falrn et la peur dans son oeuvre. L'émotion

qu'engendre la faim chez Jonkind est réduite à plusieurs repri-ses. C'est ainsi que ce personnage déJà animalisé pour sa stupidité se voit réduit à nouveau lorsqu'il a faim. Quand i l

lOCéline, Mort à crédit, p. 168. llIbid., p. 343.

(28)

--_.~.

'<

23

voit les étalages des épiceries, celui-ci ne peut plus

maîtriser sa faim: "Jonkind 11 étai t heureux quand il voyait ces choses-là. Il sautait sur le potiron, i l mordait dedans. comme un cheval ... ,,13 Les habitudes alimentairef de Ferdinano , -font qu'on le traite de chien. Sa polyphagie est re&ponsable de cette appellation. C' es tains i qu'on lui crie:'" Ferdinand! Encore une fois' Tu vois même pas ce que tu manges'

-.,(

Tu avales tout ça sans mâcherl Tu ef!.?Jloutis tout comme un chlenl'"

Le besoin de manger qu'éprouvent Ferdinand, sa mère et les gens du quartier où ils habitent est réduit à l'animalité:

Pour nous l'âme, c'étalt-la frovsse. Dans chaque piaule, la peur de manquer elle suintait des murs .•. Pour elle on avalait de travers, on escamotalt tous les repas, on faisait 'vinaigre' dans nqs courses, on zigzaguai t comme des puces là travers les quartiers de Parls.15 1

,

La peur est aussi un sUJet g'ànimalisation pour l'au-teur. Quand la femme de Courtial et Ferdinand cherchent Courtial, Céline décrit leur état affectif comme suit: "On

~<,

.... ~ 13Céllne, Mort à crédit, p. 202.

l4Ib id., p. 119./ l5 I bid., p. 126 .

(29)

/ ,

24

.~-~~~~~~

-~~--- 16

soufflal t plre que des boeufs avec la patronne. Il J La peur

• j '

d~; ne pas le retrouver ou l' insécurlté que ~absence de celui-ci cré~ en eux évoque pour Céline l'animalité.

~êrne une sibuation aussi primitive que celle du

batte-ment du coeur est décrlte ~ornrne celle d'u~ animal: Une bombe encore qui nous effleure! . . .

<c-/ exploser net au courant . . . Le souffle

alors qui nous bascule ..• Tout le boyau

- - - q Œ l V O U S enoecroche •.• Le coeur qui vous

remonte en bouche! .•. à palplter tel un lapin.' •. 17

.

Quoique l'allusion au lapin iCl ait plutôt une valeur descrip-tive, elle 0E~néanmoins porteuse de sens. La comparaison au lapin ,montre bien la fragilité de l'être humain.

Ferdlnand, qui n'a pas le temps de se torcher proprement, étant touJours pressé, compare, son empressement à celui "d'un

oiseau:

'

...

on était toujours pressés ..• Je me torchais toujours aussi mal, J'avalS toujours une gifle en r~tard .•. Qu~ je me dépêchais d'éviter •.. Jë gardais la porte des chiots ouverte pour entendre venir •.• Je faisais

'~caCël comme un oiseau entre deux 'orages _ .

.1

8

16Céline, Mort à crédit, p. 448. 17célin~, Guignol's Band, p. ~l . l'J3 Céllne, Mort à crédi t, 'p. 55.

(30)

25

~~--r;e plais"ir-ou---1cr-jbiê e~n une autre émotion que

l'ou--teur choisit d'animaliser. C'est ainsi qu'il décrit le plaisir qu'il éprouve à entendre la musique de Borc de la façon

sui-vante:

Arp~ges, teilles, la rémoulade! ••. et Je te

connais ..• à la ritournelle genre des rues ..• dvec les variantes les meilleures q4i soient pour le charme ... plaintives, clinquantes, sautillées, ça peut ne finlr jarnais •.. c'est irrésistible .•• Ca forcerait un crocodile à

la rêvasserie ... 19

\

\

Dans Guignol's Band, BO,O, qui se dit être heureux que le narrateur soit sauvé de

l'inc\nd~e

qu'il

~~-Lvi-même

falt

~

naître, au lieu de crier de JOle, Jappe: .. Ah l i l se tient plus d'émo'tion ..• Il en pousse des petits

i l jappe élU tour de

n~us!

... 20

crls de Joie! .•. i l pleure ...

, ...

Décrivant sa joie quand i l voit l'eau, Céline nous

.. -

~-décr~t la Jouissance qu'il ressent en ayant recours à l'anima-lisatlon:

le Transbo'rd a ttendai t, c' étai t in vi tant, le petit boat, ça faisait dix minutes sur le

fleuve . . . Je suis tenté d~s que ~~ vo~s l'eau .•• la plus petite raison ça val ... Je ferais le 19céline, Guignol's Band, p. 185 •

(31)

••

o ,1 26 , \

tour du Bassin des Tuileries" au moindre pré-texte!, dans un verre de montre si J'étais mouche un tout petit pe'u ... 2",1

\

On voit alnsi que plusieurs émotions ~voquent pour céline l'animalité humaine,. L'auteur" ne peut pas faire face à ces émotions chez l'être humain. Même si Céline fait preuve dlune grande émotlvité par son style, i l ravale néanmoins les émotions. On peut comprendre sa peur devant une émotion aussi envahissante que l'amou~. La fuite devant l'amour n'est pas un phénomène si lnsolltœ chez plusieurs personnes. Cependant la réduction dLune émotion aussi quotidi~nne que le plaisir d'entendre Boro nous montre bien la crainte de l'auteur devant l'émotif.

Que cette réductlon du domaine affectif s'attaque à

une gamme variée d'émotions est bien signe qu'il s'ùgit là plus r

qu'un simple effet stylistique. Il s'agit plutôt d'~n mécanisme de défense facs aux lmpondérables que. constituent les émotions pour l'au teur.

i)

1

(32)

...

,

:

1

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- - - "---- - - ---;- -

,-1

VISION ,

P~IERE

ANIMAIJ-~ANTE

DE LI HOMME AGRESSIF PARTIE .' - t, , " •

(33)

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,

---

_._~

...

--.--. \

,

chapitre

III L'UNIVERS GUERRIER

\

(34)

-.

"

\

\ \ \ '. \ "'! \

I l Y a plusieurs sltuations chargées d'agressivlté qui évoquent l'animalité humaine chez Céline. La guerre en est une des plus fréquentes. Elle constltue le thème maJeur de plusieurs oeuvres entières, entre autres,

\:>.

D'un château l'autre.

\

Casse-Plpe, Nord et

Effectivement, la guerre réduit l'ho~e au niveau d'une

.'

\

bête. Clest ainsi que Céline éqrit en parlant des aerlens au ~b ' \ .

de ut de GUlgnol's Band: "D'autres aériens

q~

cherchent notre

\ l

perte 1 • • • Ils s'en foutent hommes bétail ou chos\~s! . . . " I~ n' y

\

a plus de différenciation en temps de guerre ent~e le domalne animal et le domaine humain. Voire, la pUlssance \égalisatrice

,

de la 'guerre est d'ùne telle force qulon ne distingue plus la

\

',-domaines. C' eS"t

~ans

doute pour matière inanimée de ces deux

cela que Céline reproduit si souvent'des

sltu~tions

de

guer~e

dans son oeuvre. L'inhumanité de l'homme à la guerre est uni-versellement reeonnue comme étant très grande. a guerre donne ainsi naissance à une multitude de prétextes à ra aler l'homme au 'niveau des bêtes.

lCéline, Guignol's Band, p. 9 .

(35)

'.

30

Non seulement l'homme est-il ravalé au rang d'un animal par l'ennemi aérlen, malS de plus i l devient animal dans ~ette situation. L' homme en temps, de guerre hennl t à

la façon d'un cheval. Ses crlS sont des cris de bête: La guerre es~ à recommencer

Vous revoici tout frémissants.

Hennissants, avides aux pirouettes. 2

Ce sont ces mêmes bombardements qui tout en détruisant les gens réduisen t les hommes au rang de larves: Il Les bras

partout entremêlés ... brisés, fondus dans la tremblotel ... dans la bouillie ~e bouse~panique en limaces d'hommes à

sauve-~ui-peu t! ... ,,3

La dégradation symbollque de l'homme dans l'exemple suivant doit être entendue plus largement comme une dégrad-ation dê l' homme par la guerre: Il On s'aidai t des odeurs pour

retrou-ver la ferme de l'escouade, redevenus chiens dans la nUlt de guerre ... 11

• 4 Les soldats ne sont ni plus nl mOlns que des

5

"animaux humains pour les grands abattolrs •.. ". Cette idée

2Céline, Guignol's Band, p. 17.

3

Ibld., D. Il.

---

~

4 Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 40.

(36)

q

L.<

'.

- -- -

3-1--es t reprise dans L'école des cadavres où Cé line écri t: "Vous

connaissez pas le tout dernler mot de la Science 'transfu-

-,

sionnante'? L'anlmal humain aux cornbats,".6

- - - --- --- ---Dans-la--v-i-s-ien--eé-l:i.-n:J:-efine dumoooe,-cLest-le- d'ui-r--- - - 1

qUl enVOle les Français à la guerre. Il s'agit encore ici

d'une vision manichéenne de l'univers. Les JUlfs sont la cible de toute l'agressivité de l'auteur. Dans un monde que Céline ne comprend pas et qui est souven~ incompréhensible, 11 cher-che en vain une explication. Une chose aussi absurde que la guerre de 1914-1918 ne peut être justifiée. Les conditions de vie que Cette guer,re en traîna en France ne le peuvent pas plus. C'est à ce désarroi que l'auteur tente de trouver une cause. Cette cause devient à ses yeux les Juifs. En les accusant de tous les torts et les inJustices vécus, Céline ne règle certes pas les problèmes de l'heure. Mais i l déferle sur eux beau-coup d'aigreur et d'agressivité qui lui ont peut-être permis de vivre plus facilement.

Cette exploitatlon machiavélique de certains par l~s

Juifs est anlmalisée pèr l'auteur. Tout comme les bestiaux

6Céline, L'école des cadavres, p. 248 •

(37)

e

--•

- - - 32 -

---sont élevés en fonction d'une production agricole, le troupeau

d'h~ains exploités par les Juifs sert à leur enrichissement - . "

et à leur survie. VOlci dans

les

propres mots-de l'auteur com-ment il envisage cette politique d'exploitation humaine:

"

Pour la grande famille jUlve nous ne sommes "'1 qu'autant de bidoches corvéables, plus ou

mo~ns fainéantes, plus ou moins vendables,

plus ou moins coriaces, plus ou moins dociles. On va vous vendre aux Juifs, rassemblés en partis de drolte et de gauche comme on va vendre un troupeau de vaches, bien mugissan-tes, au Juif encore, le Jour de la foire. Les créateurs d'un Partl, de n'importe quel

Par~i, de droite ou de gauche, n'ont qu'une

idée dans la tête, dès le début de leur aventure. Quel prix que Je pourrai les re-vendre, le moment venu, aux Juifs, mes

branquignols? Quand ils beugleront assez fort? C'est tout.( ... )Un bon troupeau politique, bien fanatisé, bien hurleur,

c'est de l'or en barre. Le Juif est touJours preneur. Pour le Juif c'est tout de la vache, de l'électeur, du soldat, de la bonne qualité de viande aryenne qui lui donnera Jamais de déboires. 7

L'animPl français sert aussi 'à des boucheries.

~

Le Juif est le meneur de jeu al~rs que se débattent frénétiquement les

\

bestiaux français: "Les Etats A.cyens: Parcs à bestiaux pour tueries juives. Batailles rltuelles pour équarisseurs,

(38)

33

L _____

~

_ _ _

~

______

.~----~~-~---_.,."\

/

, , beuglements, charrois en tous genres ph~pomènes sociaux,

;' 8

divers, traite des vaches pendant les entr'actes." Cette

considération des Français comme bestiaux revient à d'autres reprises dans L'école des cadavres: "Jus te deux' ou trois

'}rognemen ts ---farouches - pour f6u-a iITer -la meute, les bes tiaux baveux, et hop! d'autor c'est engagé, la guerre commence!" 9 et "les soldats des Juifs, les bestiaux des Juifs."IO

Vus pa r les Juifs, les Français ne sont pàs

exclusive-il'

ment-des bestiaux, mais plus généralement des animaux. Céline ne représente pas l'homme comme un seul animal en temps de

,,;

guerre bien que la comparaison à des bestiaux reVlenne à

plu-sieurs reprises. L'idée sous-Jacente à de multiples

représen-tations animales est naturellement la simple idée de ravalement.

Qu'il soit réduit au rang des bestiaux, des porcs ou des chiens,

l'homme demeure essentiellement déshumanisé. C'est clans la cltatlon suivante que l'auteur compare l'homme aux porcs, et aux chiens: "On nous a toujours traflquj§s, vendus comme des porcs,

4(

8 Céline, LI école des cadavre~ p. 282. 9 Ibid., pp. 240-241.

(39)

\,

34

comme des chiens, à quelqu~ pouvoir hostile pour les besoins dl une politi-que absolilihent" étrangère touJours désastreuse.

"l~

Unttoaspect intéressant de l' an~rnalisation duran t'la dire, dont Céline revêt cette réduction. I l e s t évident que

'

.

0"

l:on dépèce un animal le plus souvent ~our pouvoir le manger. Curieusement, Céline emploie cette image 'pour" les gens à l~

guerre. Dans Féerie pour une autre fois, quand i l s'agit de guerre, il s'agit de "dépeçages ,de vendus": ." toutes les

radios en beuglaient •.• ' double Z, double Z' 1 d'un bout du monde à l'autre bout .•• Ces certitudes! pas des riens! de ces

"

dépeçages de_ vendus 1 archl-promis 1".12

En fait, l'idée de dépeçage lui Vlent quelquefois direc-~ tement après avoir fait mention de la guerre tellement ces deux notions sont reliées dans son esprit. C'est ainsi qu'en parlant

...

d'une guerre future il écrit: "Quand on viendra vous dépecer, vous épurer indivlduellement par

-

d~Bsect~ons à vif des

rnem-~,"I:I

-'

".

13

~-bres." Ailleurs, en parlant d'une guerre éventuelle, on l i t

llcéiine, L'école des cadavres, p. 87. '

12Céline, Féer~e pour une autre fois, p .~ 44.

(40)

,/

.'

35

dans L',école Ides cadavres,' "Vous trouvez ça très normal? De pas être encore en pipe devant Vesoul? Epinal? En trajn de

vous faire dépecer sur la frontière espagnole?" 14

<)

Comme i l o9été rnentlonné, le dépeçage n'est qu'une des

premières étapes dans l'apprêternent d'une viande. Ailleurs, 'Céllne falt ressortlr l'idée de la gu'erre conune étant une

inunense cuislne servant des" viandes humaines. Ainsl, un

débar-,

quement contre les boches

est(v~

comme une gibelotte, une sorte

'"

de frlcassée:

1

r

--'

Le8 ondes s'en enrouent de Tomsk à Sydney, Australie, à'Ab~rdeen à Tchad, que ça ~a être une gibelotte comme on a pas vu depuis . trois siècles! la manière que ça va s algner,

éouler à torrentq" viscères, partout 1 la

l '. l ' 15

g uan~e, le charnler naZl. toute la cllque!

E~ prévoyant la guerre, Céline décrlt en quelque sorte une

.'

vëlste cUlsine

Olt-

toutes "les vlandes frçmçùises indigènes seront demain hachées, gré;illées, f~rcies 'petits éclats', menues grenailles, fondues, revenues 'estouffades', servies chaudes au. gaz, sur lep champs de ba tal11e des cinq fronts." 16

l4céllne, L'école des cadavres, p. 246.

l5 c éline, Féerie Eour une autre fOlS, pp. 19-20.

0 {j

!

16 Céline, L'école aes cadavres, pp. 27,9-280.

.

(41)

·'

-,

36

Ailleurs" les Français auront le choix de se trans former en pièces de charcuterie: "Qu'attendez-vous Françals pleins d'entrailles? pour vous f~lre résoudre en 'délikatessen'? •. transplacer tout ch~uds les vitaux organes? Mouler hémorra-giques en Vlctolres-rillettes? Répartir en lnfinies Tranchées-sauclsses?,,17

.-Mais tout ceci est du point de vue paranoïaque de Céline l'oeuvre des diaboliques chefs ]ulfs. Ce sont euX'" qui

!

"clUX cuisines fricotent, farcissent, tarabisquent nos restes,

'-, Ils nous refllent aux arlequins, aux vomissures du destin en "'" énonnes ,~ Bouchees Catastrophe'''. 18

L'attitude de Céllne face à la guerre est très néga-tlve. La ,vision manichéenne expliquée~plus haut et le fait qu'il soit un mutiré de guerre et qu'il dlse avoir souftert de maux de tête toute sa vie après sa trépanation expli~~nt cettè attitude. 'Casse-piI2e es t peu t-être la transcription littéraire la plus

den~e

,de Céline où sa haine de la guerre

17 Céline, L'école des cadavres, p. 39.

18 .J,

(42)

1

..

37

ressort constamment. Mais sa v~sion de la guerre n'est pas

1

toujours acerbe. Il réussit dans Guignol's Band à en faire la

1

satire. Le pass~ge suivant, écrit dans un style très ironique, nous montre ces braves .. coeurs de lynx" à la guerre: Il,Quand

, ,

les vaillants se font connaître, les purs, les durs, les

,

intraitables, les 'coeurs de lynx, alors on peut dire que ça

fume. ' 1,,19

,

Il' reste alors tout de même une vision satirique de la guerre bien qu'elle soit très rare. La vision de la guerre qui prédomine chez l'aut~ur est une vision plus dure, dénuée de comique.

19céline, Guignol' s Band, p. 19. ,1

(43)

---

... ...

)

,

Chapi tre IV

LES SITUATIONS DE BATAILLE

-l '

(44)

~

'.

La guerre n'est pas le seul domaine que Céline a exploité pour' so'n contenu d' agt'essi vi té. La bataille aussi recèle beaucoup d'agressivité. Elle constitue une autre

'-l

sltuation qUl prOvoque chez Céline ~es visions d'animalité.

1

,Le combat est une situation de guerre au,x dimensions réduites. MOlns catastrophique qu'une guerre, i l en conserve néanmoins

les éléments d'agressivité et de victime.

Plus généralement, il s'agit d'une agression, mais

,7

JI

d'une agression presque touJours réciproque. C'est ainsi qu'en décrivant l~s dockers qui se battent contre Cascade pour avoir insulté la Joconde, Céline écrit: "Les dockers, tout rouges, foncent en force! à coups de béliers ils rentrent dans le

III

tas ...

Dans Guignol's Band, ce sont surtout des altercations entre femmes que l'auteur choisit de charger d'a~lité.

»

Ainsi, les femmgs qui sont Juste à côté d'une bataille font

,

surgir chez Céllne l'idée d'une volière. Toutes ces f:~es

lCéllne, Guignol's Band, p. 152 •

(45)

,- "'" -~

40

ensemble ressenblen t des oiseaux: "Ca faisait une volière en ergots, Jacassante, plaillante, quelque chose à bien ~~~?

. 2 1

étourdir, la bataille tou,t près, on s'entendait plus." La mis6gynie de Céllne est évidente iCl.~ Il attaque souvent les

femmés dans son oeuvre.

Quand la Joconde veut protéger Cascade des dockers qui veulent l'attaquer, le narrateur la VOlt telle une lionne: "Elle saute au devantl .•• elle le couvre! Elle râle au péril!

. l . 1 fi 3

rugl t lonne . . .

Dans les oeuvres analysées, i l s'agit souvent de

com-1

bats ou de disputes prévus, anticipés par l'auteur et qui n'ont pas vraimen't lieu. En fai t, dès qu'il Y a cette agression insé-parable du comb~t, il y a dans l'imagination de l'auteur

animalité humaine. Ainsl, dans Guignol's Band, Carmen qui se / ' dlspute avec Angèle, lui crie: Il A la niche horreur . . . à la

niche' .. 4

2 Ce ~l' lne, GUlgno . l ' s Ban, d p., 55

3 Ibid ., p. 15l. 4 Ibid ., p. 87.

(

(46)

/

-•

41

Après que Ferdinand ait montré sa haine pour Courtial

à un inventeur vindicatif, ce dernier le remercie.

l/jI En

antl-cipant une lutte avec cet inventeur, Courtlal le traite de ~ gorille: "Ce gorille m'aurait disloqué! Là sur place! Tu

"

t , es ren u comp e .•. d t l ,,5 Il faut noter que l'idée de disloca-tion s'apparente à celle de dépeçage qui est récurrente chez Cé line.

.

Ailleurs, dans D'un ch5teùu l'autre, Céline prévoit que les femmes du château pourraient dépecer Clotilde: "Il est ce qu'il est, touJour§ une ch9se, il nous a empêché le massacre! .•• les femmes là qu'étaient des furies, que Je voyais dépecer

Clotilde, la regardent tendrement, d'un coup ..• et se signentl,,6 Il Y a encore l C l l'idée de démembrement. Ailleurs, dans ce

mêmè texte, Céline écrlt au sujet d'une altercation éventuelle entre Gertrut et Achille: "Je vous parle d'Achille . . . qu'lls se dépiautent à vif! •.. tous les deux' . . . bien rouges écarlates! ..• épeluchés! . . . l'étal pour tous ... ".7 L'étal signlfie un débit de vlande, d'où encore une fois, l'idée de ségrégation des parties

5Céline, Mort à crédit, p. 312.

6Céline, D'un château l'autre, p. 285.

(47)

42

du corps, l'idée d'une destruction totile allant plus loin que la mort. En disloquant ainsi l'individu et en le segmen-tant en différentes parties ou fragments, on obtient une perte encore plus forte de l'identité; une annih2iatlon encore plus dévastatrice. DéJà la mort fait perdré l' identité à une per-sonne quoiqu'elle demeure reconnaissable. Mais ce démembrement empêche toute reconnaissance et sert à dissoudre encore plus fondamentalement l ' lntégrlté et la plénltude humalnes intolé-rables pour Céline.

Les 'éléments communs à toutes ces sltuations de bataille sont, rappelons-le, l'agressivité et l'exlstence d'une victime. Dans le cas des dockers, Cascade est lù victime potentielle. Ensul te, quand la Joconde les attaque, ils risquent de devenir sa victime. Ensui te, Carmen et Angèle sont, tour à tour, vic-times l'une de l'autre. Puis, Courtial est la vlctime

potentlelle de l'inventeur. clotilde est la victime éventuelle

~

des femmes du château et enfin Gertrut et Achille sont victimes l'tin de l'autre.

~ette agressivité et cette idée de victime que Céllne transmet dans son oeuvre se ratti'Jchent à son expérience de lù vie. Elles représentent une peur d' 2gression chez l' auteur .

(48)

--•

43

céline est paranoïaque. Ce faït est connu. Les combats qu'il imagine chez ses personnages ne sont qu'une transposi-tion lit2éraire de ses hantises personnelles. Appréhendant des suites à ses oeuvres véhémentes, i l craint peut-être

des représailles et transpose cette agression dans son oeuvre.

-- -- -- -- ---- - - " - - - ---~ -- -- - - - --~ -~ -~ - - - -.' \. / 1

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i) ,

(49)

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Chapitre V

LES SITUATIONS D'AGRESSION

~---~---~ - -_:. - ---~--- ---~- - - -_ _ _ _ - - 1 -_ _ _ _ _ - - - - _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ -11

.

(50)

L'agress~un est un élément commun à l~ guerre et aux

combats. Mais Céline ne représente pas des agressions uni-quement dans la guerre et le combat. Nous étudierons donc l'agression qu~nd elle apparaît sous d'autres formes. Il Y ~ essentiellement deux possibllités quand i l s'agit d'agres-slons chez Céline. Il animalise la relation d'agression, mais toujours d'une façon unrvoque. SOlt l'agresseur est un animal traquant la victlme humaine désemparée, ou bien la victime est un animal pourchassé par un ou plusieurs humains inexorables. Victime et agresseur sont rarement tous les deux animalisés

...

s imul tanémen t.

Examinons d'abord le cas où l'agresseur est animalisé.

Dans la plupart de ces cas, c'est le narrateur qui est la

\

victime. Céline VOlt ses vengeurs comme des anlmaux. Pour

traduire la façon subverslve dont ils ont agl, l'auteur les qualifie de taupes: "JI ai pris la fuite, 11 a fallu, les vengeurs étaient préparés, ils'se massaient, piaffaient sous

aupes

(51)

46

l 7

les vengeurs!". Ailleurs, c'est Ferdinand qui est attaque dans Mort à crédit: "JI avais même pas fini de èauser ..• Pas un mot! ••• 'BaoJm!' Il me chargel ..• la brute m'emboutit! .•. Je prendJ tout dans le buffet' ••. Je bascule .•. Je cascade à

2

la renverse .•. un taureau furieux 1 ... "

~

Même avant qU'll y ait agression, dans les gestes préliminaires on VOlt l'animalité ressortir. C'est ainsi que

) ~ lorsque Jules le poteleur traite le narrateur de bQche aans Féerie pour une autre fOlS, les gens écument. L'agression, ,. et conséquemment 11 animalité, sont déclenchées: "Il savait ~ ce qu'il avait dit! qU'll m'avait désigné traître! tfai té! les crocs que je voyais! les crocs des personnes! ( ••• } Y

avait qu'à voir leurs crocs hors' leur bave' ... Ils étaient

3

en état de fùuvesl". Mais ce n'est pas seulement le narra-teur qui est la prOle d'agressions. Dans Mort à crédit~ Courtial se décrit comme étant poursuivi, "Traqué par les

h ... yenes en b d ' an es .... contralnt aux plres argu les . .•. . . t" ,,4

lCéline, Féerie pour une autre fois) p. 84.

2Cé~ine,

Mort à crédit, p. 358.

---~-'-~-=--~:;.;.;;..:::.:...::.".".~,;;;:;~~~---'::....::..-=--=--:=-=---~

-3 Céllne, Féerie pour une'autre fois, pp. 282-28-3. 4 Céllne, Mort à crédit, p. 353 .

l,

,

(52)

47

Notons qu'il s'agi t dans/'""o'les deux derniers cas où

le narrateur est la victime, d'animaux impitoyables, le tau-reau et les fauves. Il y a réduction ici de l'agression à sa

cornposante~anlmalière. La force des animaux invoqués réduit

aussi la capucité de réaction de la victime, l'occurrence.

du narrateur en

"

Il arrlve aussi que l'agresseur SOlt humain et la 1

/

victim& ahimalisée. Dans le cas où le n~rrateur est la vic- 1

dépèce. __

~'

es t

cet~e

___ .

/_.~-- /_.~-- /_.~-- /_.~-- /_.~-- /_.~-- /_.~-- - ' " " - - - - ---_\_~---

.

tirne, i l est souvent question qu'on le

même image qui a é t'é é tud ié e dans le cas ; , 1 a gue,rre.

Indirectement, elle étalt rattachée alors à/l'idée de cuisine

fJ

de viandes humaines. Mais ici, l'idée e dépeçage demeure lsolée.

dépecer:

6

ci tons quelques exemples, où s s agresseurs veulent e

Si vous eûtes ~h.a1-1ali -a -trouf, les dames,

les demoiselles ruteuses, les vieux amis la

1

mousse au coin, nécroman , défouisse~rs déJà

reniflènt'votre ca~ne, v us me comprendriezi

voulant tout tout

de

su' te! le gland, les

1

couilles, votre

u~time

1us,

fr&m~ssant, ahanan~

d'attente de votre dépeçage, tenant plus sous leurs airs convenables .•. 5

- - - -- - - -- -- - -

-5 "l' ce lne, Féerie pour une autre fois, pp. 34-35.

'1

"

(53)

1-

,-e

48

C'est possible, c'est même probable, ils,me passeront par la croisé~ ..• on me dépecera au

t , 6

tro t01r ...

Dans ces deux cas, il s'agit d'un dépeçage violent et gratuit. La f1n ultime est l'acte lui-même. Ce dépeçage ne rapporte rien aux agresseurs. Ce n'est ni plus ni moins qu'un deverse-, ). ment d'agressivit~.

L'auteur se condisère un peu comme un bouc émissaire, u

la cible de beaucoup d'agressivité, l'être à dépe~er:

"'Bagatelles'I Juste ce qu'il fallait, ce qu'on me demandait! •..

- - ~ - - - -~- = = = = , L

te

\ T "

le livre du bouc! .. celui qu'on égorge, dépèce! mais pas eux-! .•. ". 7 On veut Sà mort semble-t-il et voici comment il décrit ce

sou-hait de ses élgresseurs; J

, '

Je fais partie GU grand soulèv~ment, mes! rognons, ma tête, mon ùorte ... une épaisseur d'un mètre de viande est promise, Place de -la Concordel L'équarrissage public des

traîtrepl ( .•• ) La curée à cent mille contre

uni Ab~olu~ent franco tous r1squesl Le

rêve réalisé des dames, des demoiselles et des grandes peausseries 1 La Peau, Industrie

na~lonale! Le Jeu tout délicesl La chasse

à la bête baîllonée, ligotée, les proies sur un platl 8

6 ~ l '

. Ce 1ne, Féerie pour une autre fois, p. 19.

7Céli~e, D'un château l'autre, p. 319.

Figure

TABLE  DES  MATIE RES

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