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La rhétorique encomiastique dans les éloges collectifs de femmes imprimés de la première Renaissance française (1493-1555) /

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(3)

par

Renée-Claude Breitenstein

Département de langue et littérature françaises

Université McGiIl, Montréal

Thèse soumise à l'Université McGiIl en vue de l'obtention du diplôme de Doctorat es Lettres

Décembre 2008

(4)

?F?

Published Heritage Branch 395 Wellington Street Ottawa ON K1 A 0N4 Canada Direction du Patrimoine de l'édition 395, rue Wellington Ottawa ON K1A 0N4 Canada

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(5)

Cette thèse vise à définir les modalités argumentatives de la rhétorique encomiastique

dans les éloges collectifs de femmes imprimés qui firent florès dans la première moitié du

XVIe siècle, à travers les deux espèces de ce genre : les recueils de femmes illustres (qui

célèbrent des figures exceptionnelles) et les apologies du sexe féminin (qui défendent

l'ensemble des femmes par la louange). Les limites de l'enquête vont de Ia première

traduction française imprimée du De mulieribus clans de Boccace, intitulée De la louenge et

vertu des nobles et cleres dames (1493), au Fort inexpugnable de l'honneur du sexefoeminin

(1555) de François de Billon qui fournit un premier panorama historique de la tradition

encomiastique. Cette étude réunit deux espèces de l'éloge collectif, qui ont jusqu'à présent

surtout été abordées séparément et qui méritent d'être saisies d'un seul geste. La perspective

rhétorique qui est la nôtre s'appuie sur les manuels de composition et les traités de rhétorique

anciens, ainsi que sur les théories récentes de l'argumentation. Contrairement à d'autres travaux se prévalant d'une telle approche, cette étude porte sur une période courte, d'une

cinquantaine d'années, ce qui permet d'inscrire les textes dans le politique et le littéraire.

Cette thèse montre comment - par quelles voies de l'invention et par quels dispositifs

formels - s'élabora un discours de célébration à propos de la femme, saisie à travers le paradigme du collectif, alors même que cette dernière réunit des discours contradictoires et que la topique qui la caractérise en reconduit les tensions. Au-delà de ce porte-à-faux discursif, cette thèse prétend mettre en évidence un aspect méconnu de l'éloge : sa fonction de

redéfinition de l'objet célébré. Elle propose donc, dans une perspective de poétique des

genres, une réflexion sur la rhétorique épidictique comme un espace propice à l'exploration

d'enjeux éthiques, tels que la mise en vedette de figures féminines singulières, le façonnement

de la persona auctoriale ou encore l'introduction d'objectifs secondaires porteurs de valeurs

(6)

This thesis aims at defining the argumentative terms and strategies of the rhetoric of

praise in printed collected eulogies of women of the first half of the XVIth Century, both in

collections of famous women (which celebrate exceptional feminine figures) and apologies of the female sex (which defend womankind through praise). The inquiry starts with the first

French printed translation of Boccaccio's De mulieribus clans, entitled De la louenge et vertu des nobles et cleres dames (1493), and ends with the Fort inexpugnable de l'honneur du sexe foeminin (1555) by François de Billon, who provides the first historic panorama of the

encomiastic tradition. Its specificity lies in the combination of two types of collective eulogy, which up to now have been separately analyzed but which in fact deserve to be taken up in a single interpretative gesture. Our approach, that of rhetoric, is founded in composition manuals and treatises on ancient eloquence, as well as recent theory on argumentation. Unlike other studies which take the rhetorical approach, this thesis deals with a relatively short time span, about fifty years, which allows a reading of the texts in their historical and literary

contexts. Through the vantage points of inventio and disposino, this thesis shows how a discourse praising women collectively was built, at a time when women formed the crux of contradicting discourses and the centre of a topics that crystallized those tensions. Beyond this

uncertain discursive situation, this thesis also claims to bring to light a neglected aspect of

eulogy: its function as definition of object praised. It offers, therefore, a reflection on

epideictic rhetoric from a perspective of the poetics of literary genre. This is seen as a space

that is propitious to the exploration of ethical stakes, such as the valorization of individual feminine figures, the fashioning of the author's persona or the introduction of secondary objectives which bear new values.

(7)

Mes remerciements les plus chaleureux vont à Diane Desrosiers-Bonin, ma directrice de thèse, dont les conseils avisés, les patientes relectures et les encouragements indéfectibles

m'ont accompagnée tout au long de la préparation de cette thèse. Je tiens également à témoigner ma gratitude à ceux et celles qui m'ont aidé à préciser certains aspects de ma

réflexion. Je pense en particulier à Jean-Philippe Beaulieu, à William Kemp et à Éliane

Viennot.

Pendant les cinq années consacrées à ce travail, les colloques de la Société canadienne

d'études de la Renaissance (SCÉR), ceux de la Société internationale pour l'étude des femmes

d'Ancien Régime (SIÉFAR) et ceux du Cercle interuniversitaire d'étude sur la République

des lettres (CIERL), entre autres, ont fourni un cadre propice aux échanges intellectuels. Ces

rencontres m'ont permis d'exposer et d'affiner mes hypothèses, au fur et à mesure de mes recherches. Les conseils et les suggestions des membres de ces différentes sociétés savantes ont été grandement appréciés.

Le soutien financier du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et celui

de diverses instances de l'Université McGiIl (la Faculté des Arts, le Département de langue et

littérature françaises et le Research Grants Office) m'ont garanti d'excellentes conditions d'études et de recherche. Je désire également remercier les professeurs et le personnel du DLLF, qui m'ont toujours appuyée dans mes démarches, administratives et autres.

Enfin, j'adresse une pensée toute spéciale à ma famille et à mes amis, à qui je dois mes

plus sains écarts et mes plus joyeux retours au travail. Merci en particulier à Joël Castonguay-Bélanger, à Hélène Hotton, à Mathilde Régent, à David van Schoor et à Tristan Vigliano, qui

(8)

RÉSUMÉ/ABSTRACT

i/ii

REMERCIEMENTS iii

TABLE DES MATIÈRES

iv

LISTE DES ABRÉVIATIONS

viii

LISTEDESGRAVURES ix

INTRODUCTION 1

I -Présentation, balises de l'enquête, corpus 1

II - État présent de la recherche

10

III - Hypothèses 12

IV - Approche méthodologique 15

CHAPITRE 1. LA FEMME COMME OBJET DE DISCOURS 22

I - La rhétorique de l'éloge 22

Historique du genre épidictique, de l'Antiquité à la Renaissance 23 Fondements antiques : présentation et problématiques 23

La Seconde Sophistique 29

Les Progymnasmata 31

(9)

Grammaire et ars poetriae 37

La représentation de l'homme dans l'éloge 44

Les extrêmes comme « logique » de la rhétorique épidictique 49 a) la disputano pro et contra, 49 ; b) Vamplificano, 52

II - La représentation de la femme dans la première moitié du XVIe siècle

à travers les discours ambiants 53

Les discours savants 55

Le Polyanthea de Mirabellius 58

La femme à la croisée de traditions littéraires contradictoires :

problème de définition 62

III -L'application de la rhétorique de l'éloge à la femme 64

Des éloges et des femmes : un porte-à-faux discursif 64

Problématisations 66

a) Yamplificano et l'objet femme, 66 ; b) la dispute et l'objet femme, 68 ;

c) la Querelle des femmes, 71

IV -Les modalités de la prise de parole dans les propos liminaires 76

La louange collective des femmes chez Boccace : une lacune à combler 77

La réorientation de la tradition de vies vers la riposte : l'épître dédicatoire anonyme à Anne de Bretagne dans le Livre de Jehan Bocasse de la louenge et vertu des

nobles et cleres dames 79

La riposte entre éloge et défense 81

L'aveu de la riposte, un principe fondateur entre exhibition et dissimulation 82 a) la riposte à l'échelle du texte entier, 83 ; b) la riposte concentrée

dans les liminaires, 88 ; c) Ia riposte effacée des liminaires, 95

La représentation de l'ennemi 102

L'extension de la riposte aux dédicataires 107

CHAPITRE 2. ÉLOGE ET ARGUMENTATION

115

I - L'argumentation paradoxale 115

La riposte et l'hybridation des genres rhétoriques épidictique et judiciaire 115 a) une incompatibilité inscrite dans la rhétorique classique ?, 1 15 ; b) le paradoxe

et l'éloge paradoxal, 1 1 8

Le paradoxe comme mode d'argumentation 122

a) 1a doxa 122

b) la réfutation de la doxa 127

1. Neutralisation des contenus problématiques : l'exemple de la femme qui mange

son enfant 129

2. Réhabilitation d'une figure féminine indéfendable : l'exemple de Médée 135 3. Relecture d'une autorité « Mieux vaut la malice d'un homme que la bonté

d'une femme » : l'exemple du Dialogue apologétique 143 1) L'Ecclesiaste, 7, 26 et 28, 144 ; 2) Ecclésiastique, 42, 14, 151

(10)

c) Enjeux du raisonnement paradoxal : affrontements perennes et décrochages

165

II -Les topoïdes éloges collectifs de femmes 169

État présent

] 69

Les lieux de la personne 1 74

1) les origines (eugeneia), 175 ; 2) le corps (sòma), 179 ; 3) les vertus morales et les actions (aretai etpraxeis), 187 ; 4) l'éducation (paideia), le métier ou le

caractère (epitêdeumata) et le savoir comme « vertu », 198

Les principaux arguments des éloges collectifs de femmes 205

a) l'amplification 206

1) exempla et amplification, 208 ; 2) l'argument de totalité, 209 ;

3) la comparaison, 211 ; 4) la double hiérarchie, 214 ; 5) le dépassement, 215

b) les arguments liés au contexte paradoxal 217

1) le freinage et la concession, 217 ; 2) l'argument d'autorité, 220 ; 3) les

arguments visant à discréditer l'adversaire : les intentions malveillantes

et la rétorsion, 227

c) les chevilles discursives 229

1) le topos de l'ineffable, 229 ; 2) la prétention, 231

CHAPITRE 3. LA DISPOSITIO DES ÉLOGES COLLECTIFS 234

I - Quelle définition de la disposino ? 235

La disposino dans les traités de rhétorique 236

La notion de recueil 239

II - Éloge collectif et éloge individuel :

la redistribution de la louange entre singulier et pluriel 241

Les figures singulières 243

1) La Vierge Marie entre lignée et détachement 244

Lignées..., 244 ; ...et détachement, 247

2) Jeanne d'Arc, figure inimitable ou modèle pour les nobles ? 254

Jeanne d'Arc : une figure isolée, 255 ; la Jeanne d'Arc de Postel : un modèle pour les nobles ?, 257

3) La dédicataire 263

1) le regroupement sous les auspices d'une figure principale 266

2) le couplage 269

a) L'association de la Vierge Marie et d'une figure d'exception : Louise de

Savoie et Anne de Bretagne, 269 ; b) Anne de France et Dame Prudence

dans la Nefdes dames vertueuses de Symphorien Champier, 273

3) les configurations plurielles 276

a) la lignée, 276 ; b) la constellation, 280

Conclusion : dissonances et collectivités 286

III - Les enjeux de la compilation 292

Autour d'Henri Corneille Agrippa 295

(11)

au Jardin defoelicite [ . . .] de François Habert 296 Le De nobilitate & praecellentiafoeminei sexus d'Henri Corneille Agrippa,

295 ; Le Jardin defoelicite de François Habert, 304

2) Questions de genres et de théologie :

de la dispute médiévale à l'éloge paradoxal 321

Émergence de la figure de l'auteur

331

1) La figure de l'auteur en compilateur 335

a) La Nefdes dames vertueuses de Symphorien Champier, 336 ; b) Le Palais

des nobles dames de Jean Du Pré : admiration et mémoire, 338 ;

c) Le Jugement poetic de l'honneurfemenin de Jean Bouchet : une poétique de l'inscription, 343 ; d) Le Fort inexpugnable de l'honneur du sexefemenin de François de Billon : compilation et polémique, 345

2) La figure de l'auteur en homme de métier 351

a) L'homme de lettres, 351 ; b) L'homme de lettres et l'homme d'épée, 354 ;

c) Le secrétaire, 356 ; d) Le médecin, 360

Conclusion 362

IV - Conclusion 372

CONCLUSION GÉNÉRALE

392

Compilation et argumentation 394

Quelle fonction pour l'éloge ? 399

Élaboration de valeurs 405

(12)

DA — Dialogue apologétique excusant ou defendant le devot sexe femenin, introduict par deulx personnaiges, l'un a nom Bouche maldisant, l'autre femme dejfendant, auquel (pour excuser ou deffendre le diet sexe) est alléguée la saínete escripture, les docteurs de leglise comme sainct Jherosme, sainct Ambroise, sainct Grégoire, sainct Augustin, sainct Bernard et

plusieurs auctorites des philosophes, Paris, [s.n.], 1516, petit m-4° BnF RES-P-R-268

DN - De la noblesse et preexcellence du sexe foeminin, faict & compose par noble Chevallier, & Docteur en deux droietz Messire Henry Corneae Agrippa, Conseillier Indiciare

du trespuissant Empereur Charles cinquiesme, A l'honneur de la tresredoubtée Dame

Madame Marguerite Auguste, Princesse d'Autriche & de Bourgongne, tanslate [sic] de Latin

en Francoys, Paris, Denis Janot, s.d. [1530 ?], m-16°, BnF RES P-R-858

FI - François de Billon, Le Fort inexpugnable de l'honneur du sexe femenin, construit par Francoys de Billon secretaire, réimpression de l'édition de Paris, 1555, introduction par M. A. Screech, East Ardsley/New York/La Haye, S. R. Publishers/Johnson Reprint

Corporation/Mouton, 1970, pagination irrégulière.

J - Jean Bouchet, Œuvres complètes I. Le Jugement poetic de l'honneur femenin, édition

critique par Adrian Armstrong, Paris, Champion, 2006, 594 p.

JF - François Habert, Le Jardin de foelicite, avec la louenge & haultesse du sexe feminin en

rymefrançoyse, divisee par chapitres. Extraicte de Henricus Cornelius Agrippa, par le Banny

de Liesse, Paris, Pierre Vidouë, 1541, in-8°, BnF RES-Ye- 1686

NCD - Boccace, Le Livre de Jehan Bocasse de la louenge et vertu des nobles et cleres dames, translaté et imprimé novellement à Paris, Paris, A. Vérard, 1493, in-fol., BnF RES-G-365

NDV- Symphorien Champier, La Nef des dames vertueuses, édition critique par Judy Kern,

Paris, Champion, 2007, 305 p.

P - Charles Estienne, Déclamation XXIV. Que l'excellence de la femme est plus grande que

celle de l'homme, dans Paradoxes [1553], édition critique par Trevor Peach, Genève, Droz, 1998, p. 222-231.

PND - Jehan Du Pré, Le Palais des nobles dames, édition critique par Brenda Dunn-Lardeau, Paris, Champion, 2007, 492 p.

VD - Jean Marot, La vraye disant advocate des dames, dans Les deux recueils, édition

critique par Gérard Defaux et Thierry Mantovani, Genève, Droz, 1999, p. 93-1 19.

VFNM - Guillaume Postel, Les Très merveilleuses victoires desfemmes du nouveau-monde &

comment elles doibvent à tout le monde par raison commander, & mesme à ceulx qui auront la Monarchie du Monde vieil, Genève, Slatkine Reprints, 1970. Réimpression de l'édition de Turin qui elle-même reproduisait l'édition de Paris, Jean Ruelle, 1553, 1869, 115 p.

(13)

inexpugnable de l'honneur du sexe femenin, Paris, Jean d'Allyer, 1555, non paginé, BnF

NUMM-52231 378

Fig. 2. Page de titre représentant l'arbre de Jessé, dans Dialogue apologétique excusant ou

defendant le devot sexe femenin [...], Paris, [s.n.], 1516, petit in-4°, A i r°, BnF

RES-P-R-268 379

Fig. 3. Page de titre du premier livre, dans Symphorien Champier, La Nef des dames

vertueuses, Lyon, Jacques Arnollet, 1503, in-4°, b iii v°, BnF

NUMM-79103 380

Fig. 4. Evanne, dans Symphorien Champier, La Nef des dames vertueuses, Lyon, Jacques

Arnollet, 1503, in-4°, d i v°, BnFNUMM-79103 381

Fig. 5. Didon, dans Symphorien Champier, La Nef des dames vertueuses, Lyon, Jacques

Arnollet, 1503, in-4°, e ii v°, BnFNUMM-79103 381

Fig. 6. Tuliane, dans Symphorien Champier, La Nef des dames vertueuses, Lyon, Jacques

Arnollet, 1503, in-4°, g i r°, BnFNUMM-79103 382

Fig. 7. Jeanne d'Arc, dans Symphorien Champier, La Nef des dames vertueuses, Lyon,

Jacques Arnollet, 1503, /«-4°, 1 ii r°, BnFNUMM-79103 383

Fig. 8. Suzanne de Bourbon, dans Symphorien Champier, La Nefdes dames vertueuses, Lyon,

Jacques Arnollet, 1503, /«-4°, 1 iiii r°, BnFNUMM-79103 384

Fig. 9. Suzanne, dans Symphorien Champier, La Nef des dames vertueuses, Lyon, Jacques

Arnollet, 1503, in-4°, h iii v°, BnFNUMM-79103 385

Fig. 10. Anne de Bretagne, dans Jean Boccace, Le Livre de Jehan Bocasse de la louenge et

vertu des nobles et cleres dames, translaté et imprimé novellement à Paris, Paris, Antoine

Vérard, 1493, in-fol, aiv°, BnFRES-G-365 386

Fig. 1 1 . La Vierge à l'enfant (?), dans Jean Boccace, Le Livre de Jehan Bocasse de la louenge

et vertu des nobles et cleres dames, translaté et imprimé novellement à Paris, Paris, Antoine

Vérard, 1493, in-fol, c i r°, BnF RES-G-365 387

Fig. 12. Femme allaitant, dans Jean Boccace, Le Livre de Jehan Bocasse de la louenge et

vertu des nobles et cleres dames, translaté et imprimé novellement à Paris, Paris, Antoine

Vérard, 1493, infoi, c viii r°, BnFRES-G-365 388

Fig. 13. Page de titre, dans Jean Du Pré, Le Palais des nobles Dames [...], [Lyon], [Pierre de

Sainte-Lucie], [1534], in-8°, BnF NUMM-70805 389

Fig. 14. La basse cour, dans Jean Du Pré, Le Palais des nobles Dames [...], [Lyon], [Pierre de

Sainte-Lucie], [1534], /n-8°, a viii r°, BnF NUMM-70805 390

Fig. 15. La Salle, dans Jean Du Pré, Le Palais des nobles Dames [...], [Lyon], [Pierre de

(14)

Présentation, balises de l'enquête, corpus

Cette thèse part de la confrontation d'une question théorique et d'un constat, apparemment contradictoires. La question, posée dans une perspective de poétique des genres, porte sur la rencontre d'un genre oratoire et d'un objet de discours : comment fait-on l'éloge des femmes à la Renaissance ? ou, plus précisément : comment un genre oratoire traditionnellement associé aux plus hautes fonctions de célébration peut-il être appliqué à la femme qui est, à cette époque, considérée comme un objet bas, décrié par les discours savants, bref, indigne d'être glorifié ? ou encore : comment les femmes, qui ne sauraient incarner les valeurs et les vertus dominantes fondant le genre encomiastique, deviennent-elles des objets de discours ? Ces interrogations resteraient sans objet si la production scripturaire ne venait témoigner d'un engouement marqué pour la louange des femmes. Alors que le bon sens voudrait que le porte-à-faux discursif soit entouré du silence que semble appeler cette impossibilité logique, les éloges de femmes connaissent une efflorescence de formes : poésie pétrarquiste, blasons du corps féminin, chants royaux à la Vierge, panégyriques de princesses et de grandes dames, tombeaux poétiques et autres pièces de circonstance, célébrations de Grisélidis ou de Jeanne d'Arc, répertoires

(15)

de femmes illustres et déclamations défendant la supériorité du sexe féminin constituent

autant de variations du troisième genre oratoire identifié par Aristote, l'éloquence

épidictique, qui vise à louer la vertu et à blâmer le vice (R, I, 3, 1358 bl). Le hiatus entre

les savoirs officiels et ces morceaux encomiastiques invite à s'interroger. Le travail

entrepris dans cette thèse peut être perçu comme un pont entre la question posée plus haut

et les témoignages littéraires chantant l'excellence des femmes.

Les discours savants, en général peu favorables aux femmes, et les discours littéraires et moraux, qui donnent à lire des opinions plus variées, font de la femme un objet de discours à part entière, mais fragmentaire, réunissant et accumulant les définitions contraires. Cette surdétermination met à la disposition des laudateurs des

femmes une pléthore d'arguments et de bribes de discours incompatibles. Ces contenus

détachables et réutilisables, qui diffèrent par leur origine, leur nature et leur ton, constituent la matière brute dans laquelle puise l'invention.

Ce matériel contradictoire, canalisé par sa récupération dans les lieux communs du discours d'éloge, fait l'objet d'un brassage dans chaque texte. Remanié, réutilisé et repositionné, il est soumis au mode de production des textes du corpus : l'imitation. Or, la matière de l'invention n'est pas simplement rassemblée au hasard du processus de

collection, mais reconfigurée dans un nouvel ensemble. Cette étape, qui correspond à

l'opération rhétorique de la disposition, sert des stratégies argumentatives visant à l'élaboration de nouveaux dispositifs de sens.

' Aristote, Rhétorique, textes établi et traduit par Médéric Dufour (et André Wartelle pour le livre III),

Paris, Les Belles Lettres, 1960-1973 (2e édition), 3 vol. Les références à cet ouvrage sont indiquées par le sigle R, suivi du livre et des précisions propres à cet ouvrage, et placées entre parenthèses dans le corps du

(16)

Cette thèse voudrait montrer comment les textes s'inscrivent dans le genre

épidictique et comment ils modulent cette appartenance, en mettant en évidence les

emplois variés d'un argumentaire et les choix effectués dans l'organisation de la matière.

Nous nous pencherons sur les deux opérations que sont l'invention et la disposition,

c'est-à-dire que nous chercherons à identifier des traits communs et à dégager leur

variabilité interne et externe, au sein de la topique et à l'échelle plus large du discours. En

partant de la volonté de célébration explicitement revendiquée par les textes, nous

souhaitons établir comment ceux-ci font varier et réinterprètent, de l'un à l'autre, la

notion d'éloge cristallisée dans des éléments micro- ou macro-textuels et réactivée dans

de nouvelles configurations. Nous désirons aussi montrer comment les éloges

retravaillent et modulent le cadre de pensée et la dimension éthique (au sens de virtùs)

fournis par le troisième genre rhétorique à travers des formes spécifiques. Cette approche

a ses défauts ; elle est nécessairement lacunaire : elle ne mène ni à une analyse complète

de chacun des textes, ni à l'identification d'un argumentaire épidictique exhaustif. En

revanche, nous espérons contribuer à une meilleure compréhension de l'éloge des

femmes, au vu de son activation dans des genres et des formes importantes au XVIe

siècle.

Parmi les nombreuses formes de l'éloge appliqué aux femmes, nous en retenons

deux : les listes de femmes illustres et les apologies du sexe féminin, qui témoignent d'un

intérêt pour l'éloge collectif, qu'il s'agisse de célébrer des dames exemplaires ou de

défendre l'ensemble des femmes. Puisant dans une tradition de récits de vie remontant à

Plutarque, les compendia de femmes renommées pour leurs qualités exceptionnelles (et

parfois leurs non moins retentissants défauts) participent du champ de la morale pratique,

(17)

c'est-à-dire de l'éthique, en ce qu'ils réunissent des modèles (et des contre-modèles) de

comportement. Ces éloges sont donnés en rafales, dans des listes réunissant plusieurs

dizaines de rubriques, créant un effet de nombre visant à emporter l'adhésion. Les

apologies, quant à elles, visent un champ d'application plus large et célèbrent le sexe

féminin en le défendant. Elles ont recours à une gamme variée d'arguments - l'exemple,

certes, mais également l'autorité et la preuve logique - réunissant une matière issue de

tous les champs du savoir.

Dans un cas comme dans l'autre, l'ombre de Boccace plane sur ces textes

caractérisés par l'esthétique de l'imitation et la pratique de la compilation. En effet, le De

mulieribus clans inaugure, au XIVe siècle, une tradition en réunissant pour la première

fois des figures exclusivement féminines. Ce recueil connaît par la suite de nombreux

avatars en latin comme dans les langues vernaculaires. Matrice des recueils de femmes

illustres ultérieurs, il fournit également le patron de la production apologétique du

Moyen Age tardif et du début de la Renaissance. Dès le XVe siècle, Christine de Pizan

propose, avec sa Cité des dames, une récriture de ce traité de Boccace, qui est elle-même

suivie d'un long débat sur la nature féminine relancé à plusieurs reprises sous l'Ancien

Régime et dans lequel l'histoire littéraire a vu une « Querelle des femmes ».

Plusieurs facteurs expliquent le succès de ces éloges collectifs en France. La

visibilité du discours sur les femmes doit être interprétée à la lumière des changements

culturels profonds qui agitent la Renaissance, en particulier des interrogations soulevées quant au rôle de la femme dans la société et au sein de la famille. Elle est liée à une volonté de redorer le blason de la femme, digne compagne de l'homme, dans un contexte

(18)

humaniste de débat favorable au mariage2. Par ailleurs, l'imprimerie en plein essor ne

tarda pas à s'emparer du lucratif discours pro et contra3 diffusé en latin mais aussi en

vernaculaire. L'utilisation du moyen français permit de toucher un nouveau public, moins

lettré, notamment celui des femmes auxquelles s'adressent de nombreux éloges collectifs.

Enfin, la tendance, inaugurée par Boccace, d'associer une dédicataire à un livre sur les

dames, fut encouragée par la présence, dans les cercles du pouvoir royal, de femmes

influentes qui stimulèrent le développement de foyers d'intérêt pour les textes célébrant

leur sexe, souvent pour des raisons proprement politiques. Les figures les plus en vue

furent Anne de France, duchesse de Bourbon, épouse de Pierre de Beaujeu et sœur de

Charles VIII ; Anne de Bretagne, duchesse de Bretagne et deux fois reine de France par

ses mariages successifs avec Charles VIII, puis Louis XII ; Louise de Savoie, mère de

François Ier, appelée à exercer la régence en l'absence de son fils. Ces trois femmes de

L'Ancien Régime est le terrain d'un débat touffu relatif à la nature de la femme rassemblant et opposant attaques misogynes et défenses pro-féminines. La critique a vu dans cette polémique et les écrits qui l'accompagnent une « Querelle des femmes », dans laquelle peuvent être distinguées trois étapes : les questions du mariage (au XVe et dans la première moitié du XVIe siècle), de l'amour (dans les années 1541-1543) et de l'éducation (dès le début du XVIIe siècle). La réflexion sur le mariage produit de nombreux textes, qui pèsent les avantages et les inconvénients respectifs de la vie contemplative et de la vie

active. Ils témoignent d'une volonté de redéfinition du rôle attribué à la femme au sein de la famille et dans

Ia société en général. Les positions misogynes et philogynes se traduisent en termes de misogamie et philogamie. La controverse renaissante, préparée par les Lamentations de Matheolus, la « Querelle du

Roman de la Rose » qui opposa Jean de Meun, Jean de Montreuil et Pierre Col à Christine de Pizan et Jean

Gerson et, plus tard, les Quinze joies de mariage, se perpétue au XVIe siècle à travers des écrits didactiques tels que, entre autres, le De legibus connubialibus (1513) d'André Tiraqueau, YEncomium matrimonii

(1518) d'Érasme, la Sylva nuptialis (Ve éd. 1521) de Jean de Névizan, le ??? ???a??e?a? f?t??? adversas

Tiraquellum (1522) d'Amaury Bouchard, le De institutione foeminae christianae (1523) de Vives,

VInstitutio matrimonii christiani (1526) d'Érasme, le De sacramento matrimonii (imprimé en 1529) de

Corneille Agrippa. (Pour une liste plus complète de ces textes, voir Érasme, Déclamation des louenges de

mariage [1525], traduction par Ie chevalier de Berquin, introduction, notes et commentaires par Emile V.

Telle, Genève, Droz, 1976, coll. « Textes littéraires français, n° 225 », p. 75, et Maïté Albistur et Daniel

Armogathe, Histoire du féminisme français du Moyen Age à nos jours, Paris, Éditions des femmes, 1977,

p. 81-83). La brûlante question du mariage, débattue dans des textes littéraires, théorisée par des écrits moraux, est abordée dans notre corpus, qui traite ce thème d'actualité de front, comme Champier (le deuxième livre de la Nef des dames vertueuses s'intitule «du regime de mariage ») et Lesnauderie (La Louenge de mariage), ou indirectement, à travers les nombreuses figures féminines célébrées pour leur

amour et leur fidélité à leur époux pendant le mariage et après leur mort.

Floyd Gray, Gender, Rhetoric and Print Culture in French Renaissance Writing, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, coll. « Cambridge Studies in French, 63 », 227 p.

(19)

pouvoir, qui constituent un noyau dur autour duquel gravitent plusieurs recueils encomiastiques sur les dames, étaient liées par des liens d'amitié ou de rivalité. Leurs liens de parenté, leurs rapports avec le roi et la vie aulique les amenèrent à se côtoyer. Par exemple, Anne de France recueillit et éleva à la cour Louise de Savoie et Marguerite d'Autriche, deux princesses appelées en leur temps à exercer le pouvoir . A ces dames s'ajoutent d'autres figures importantes auxquelles sont également dédicacées des éloges

collectifs. Ce sont les femmes gravitant autour de François Ier : Marguerite de Navarre, sa

sœur, et Anne de Pisseleu, sa maîtresse attitrée, ainsi que celles de la cour d'Henri II, entre autres, Marguerite de France, sa sœur.

Cette thèse s'intéresse aux listes de femmes illustres et aux apologies du sexe féminin imprimées, publiées entre 1493 et 1555, c'est-à-dire à partir de la date de composition d'un recueil de femmes illustres, à savoir la première traduction française imprimée du De mulieribus claris de Boccace, intitulée Le Livre de Jehan Bocasse de la louenge et vertu des nobles et cleres dames , jusqu'à la publication d'une apologie : le Fort inexpugnable de l'honneur du sexe foeminin de François de Billon , qui tire un Pauline Materasso fait un récit détaillé des vies de ces trois princesses dans une biographie intitulée Queen's Mate. Three Women of Power in France on the Eve of the Renaissance, Aldershot/Burlington, USA/Singapore/Sydney, Ashgate, 2001, 317 p.

Boccace, Le Livre de Jehan Bocasse de la louenge et vertu des nobles et cleres dames, translaté et

imprimé novellement à Paris, Paris, Antoine Vérard, 1493, in-fol., BnF RES-G-365. Désormais, les

références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle NCD, suivi de la page, et placées entre parenthèses

dans le corps du texte. Lorsque cela sera nécessaire, nous ferons ponctuellement référence au texte latin et à

la deuxième traduction française, qui date de 1551, en indiquant clairement l'origine des citations en note

de bas de page. Pour le texte latin, voir Boccace, De mulieribus claris [1361-1362], édition et traduction par Virginia Brown, Cambridge, Harvard University Press, 2001, «The I Tatti Renaissance library, 1 »,

530 ? ; pour la deuxième traduction française, voir Boccace, Des Dames de renom, nouvellement traduict d'italien en langage françois d'après la traduction italienne de Luc Antonio Ridolfi, Lyon, Guillaume

Roville, 1551, t'n-8°, BnF NUMM-54502.

François de Billon, Le Fort inexpugnable de l'honneur du sexe femenin, construit par Françoys de Billon

secretaire, réimpression de l'édition de Paris, 1555, introduction par M. A. Screech, East Ardsley/New

York/La Haye, S. R. Publishers/Johnson Reprint Corporation/Mouton, 1970, pagination irrégulière. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle FI, suivi du feuillet, et placées entre parenthèses dans le corps du texte.

(20)

premier bilan historique de la Querelle. Il s'agit d'un corpus hétérogène qui regroupe des textes de longueur variable allant de quelques pages à la somme encyclopédique, rédigés en prose ou en vers, des traductions et des originaux en vernaculaire, des textes influents et des écrits marginaux, composés par des auteurs prolifiques ou par des poètes

signataires d'un seul texte7. U serait difficile de proposer une nomenclature définitive de

leurs formes, qui sont variées et relèvent de la disputano et de la declamano (qui peuvent toutes deux être reliées au genre du dialogue), de la compilation humaniste ou médiévale, comme dans le songe allégorique.

À l'issue du dépouillement que nous avons effectué8, dix textes principaux ont été

retenus, selon les critères suivants : la date de première publication (1493-1555), la langue (le moyen français), le support (imprimé), la présence d'un appareil dédicatoire. Ainsi, ces textes, publiés en français pour la première fois pendant la période 1493-1555 Bien que nous n'ayons pas renoncé à commenter certaines gravures là où de premières remarques s'imposaient, nous nous intéresserons en priorité au texte. L'iconographie, qui participe pourtant pleinement de la rhétorique encomiastique que nous désirons mettre en lumière dans notre corpus d'éloges collectifs de femmes, fera l'objet d'une recherche postdoctorale que nous mènerons avec Cynthia Brown à l'Université de Californie à Santa Barbara à compter de janvier 2009.

8 Les textes relatifs à la femme sont particulièrement nombreux dans la première moitié du XVIe siècle, comme l'a montré l'analyse croisée des bibliographies consultées : Protestations et revendications

féminines. Textes oubliés et inédits sur Véducationféminine (XVIe-XVIIe siècle), édition établie, présentée et

annotée par Colette H. Winn, Paris, Champion, 2002, coll. « L'Éducation féminine, de la Renaissance à l'âge classique», p. 231-238; le dictionnaire et la liste de femmes célèbres en ligne de la Société Internationale pour l'Étude des Femmes de l'Ancien Régime (SIEFAR) http://www.siefar.org/RessourcesListeDico.html ; Maïté Albistur et Daniel Armogathe, Histoire du féminisme français du Moyen Age à nos jours, op. cit,, p. 81-83 ; Marc Angenot, Les Champions des femmes. Examen du discours sur la supériorité des femmes 1400-1800, Montréal, Presses de l'Université du Québec, 1977, p. 173-1 84 ; Ruth Kelso, Doctrinefor the Lady ofthe Renaissance, Doctrinefor the Lady of the Renaissance, Urbana, Presses de l'Université de l'Illinois, 1956, p. 326-424. Cette période faste, qui s'étiole dans la seconde moitié du siècle, avait été préparée par le Moyen Age tardif, dont un aperçu est fourni dans Alcuin Blamires, Karen Pratt et C. William Marx (éd.), Woman Defamed and Woman Defended : an Anthology ofMedieval Texts, Oxford, Clarendon Press, 1992, 327 p. On remarquera que les textes de la deuxième Querelle, celle que l'on appelle la « Querelle des Amyes », développée en milieu lyonnais, ont été écartés parce qu'ils s'intéressent principalement à la question de l'amour dans une perspective néoplatonicienne et n'ont pas été rédigés dans le même esprit que ceux qui nous intéressent. Le corpus primaire est donc composé d'un noyau dur de textes publiés entre 1493 et 1538, auxquels s'ajoutent quatre autres ouvrages - ceux de François Habert, Charles Estienne, Guillaume Postel et François de Billon - qui s'y rattachent par leur appartenance commune à un même état du discours social.

(21)

sous forme imprimée, soulignent tous explicitement leur intention laudative dans les paratextes. Outre l'ouvrage de Boccace traduit en français et celui de Billon déjà évoqués, ce sont la Nefdes dames vertueuses (1503) de Symphorien Champier , La vraye disant advocate des dames (1506) de Jean Marot , la traduction française du De nobilitate et praecellentia foeminei sexus (1529) d'Henri Corneille Agrippa , Le Palais des nobles dames (1534) de Jean Du Pré , Le Jugement poetic de l'honneur du sexe

femenin (1538) de Jean Bouchet13, une adaptation versifiée du De nobilitate d'Agrippa

Nous nous servons en priorité de l'édition moderne de Judy Kern basée sur l'édition princeps (Lyon, Jacques Arnollet, 1503) et qui tient compte des variantes des éditions de 1515 et 1531. Voir Symphorien Champier, La Nef des dames vertueuses, édition critique par Judy Kern, Paris, Champion, 2007, 305 p. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle NDV, suivi du feuillet, et placées entre parenthèses dans le corps du texte. Toutefois, le matériel iconographique n'étant pas fourni dans cette publication, nous faisons ponctuellement référence à l'édition princeps conservée sous Ia cote BnF NUMM-79103, lorsque nous faisons allusion aux gravures.

Jehan Marot, La vraye disant advocate des dames, dans Les deux recueils, édition critique par Gérard Defaux et Thierry Mantovani, Genève, Droz, 1999, p. 93-1 19. Il faut remarquer que cette édition moderne a été établie à partir de deux textes : le ms. BNF fr. 1704 a fourni le texte de base, auquel ont été ajoutées les variantes de l'imprimé conservé à la Bibliothèque de l'Arsenal sous la cote RES 8-BL-9903. Ce manuscrit et cet imprimé, un recueil factice, présentent d'importantes différences au regard de la rhétorique dédicatoire, essentielle pour l'étude de l'éloge, notamment Ie retranchement d'une partie du « prologue de l'acteur » et d'éléments dans le corps du texte. Nous nous servons de l'édition moderne de Defaux et Mantovani en tenant compte des variantes apportées par le passage à l'imprimé. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle VD, suivi de la page, et placées entre parenthèses dans le corps du texte. Voir aussi Le grand blason des fausses amours par Guil. Alexis, La vray disant avocate par Jehan Marot, Le passe temps de tout homme et de toute femme par Guil. Alexis, Le Livre de Facet, comploration

sur le trespas de la mère de François 1er, Paris, 1535, Arsenal, RES 8-BL-9903. La version incluse dans le

volume X du recueil de Montaiglon est basée sur cette édition. Voir Anatole de Montaiglon, Recueil de

poésie françoises des XVe et XVIe siècles : morales, facétieuses, historiques, Paris, P. Jannet, P. Daffis,

1855-1878, coll. « Bibliothèque elzévirienne, 32, 1-13 », vol. X, p. 225-268.

Henri Corneille Agrippa, De la noblesse et preexcellence du sexe foeminin, faict & compose par noble Chevallier, & Docteur en deux droictz Messire Henry Cornelle Agrippa, Conseillier Indiciare du trespuissant Empereur Charles cinquiesme, A l'honneur de la tresredoubtée Dame Madame Marguerite Auguste, Princesse d'Autriche & de Bourgongne, tanslate [sic] de Latin en Francoys, Paris, Denis Janot, s.d. [1530 ?], BnF RES P-R-858. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle DN, suivi du feuillet, et placées entre parenthèses dans le corps du texte.

12 Jehan Du Pré, Le Palais des nobles dames, édition critique par Brenda Dunn-Lardeau, Paris, Champion, 2007, 492 p. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle PND, suivi de la page, et placées entre parenthèses dans le corps du texte.

13 Jean Bouchet, Œuvres complètes I. Le Jugement poetic de l'honneurfemenin, édition critique par Adrian Armstrong, Paris, Champion, 2006, 594 p. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle J, suivi de la page, et placées entre parenthèses dans le corps du texte.

(22)

par François Habert (1541) , la déclamation «Que l'excellence de la femme est plus

grande que celle de l'homme » tirée des Paradoxes (1553) de Charles Estienne15 et Les

Très merveilleuses victoires des femmes du nouveau-monde (1553) de Guillaume

Postel16. Nous ferons toutefois de fréquentes incursions dans d'autres éloges

collectifs dont on trouvera la liste complète en bibliographie .

François Habert, Le Jardin de foelicite, avec la louenge & haultesse du sexe feminin en ryme françoyse, divisee par chapitres. Extraicte de Henricus Cornelius Agrippa, par le Banny de Liesse, Paris, Pierre Vidouë, 1541, BnF RES-Ye- 1686. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle JF, suivi du feuillet, et placées entre parenthèses dans le corps du texte.

Charles Estienne, «Déclamation XXIV. Que l'excellence de la femme est plus grande que celle de l'homme », dans Paradoxes [1553], édition critique par Trevor Peach, Genève, Droz, 1998, p. 222-231. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle P, suivi de la page, et placées entre parenthèses dans le corps du texte.

Guillaume Postel, Les Très merveilleuses victoires des femmes du nouveau-monde & comment elles doibvent à tout le monde par raison commander, & mesme à ceulx qui auront la Monarchie du Monde vieil, Genève, Slatkine Reprints, 1970, (réimpression de l'édition de Turin, 1869, qui elle-même réimprimait l'édition de Paris, Jehan Ruelle, 1553), 115 p. Désormais, les références à cet ouvrage seront indiquées par le sigle VFNM, suivi de la page, et placées entre parenthèses dans le corps du texte.

17 Signalons ici quelques textes qui n'ont pas été retenus, mais qui n'en demeurent pas moins importants, dans la mesure où ils constituent la toile de fond du corpus primaire et qu'ils participent du discours social

de la première moitié du XVIe siècle. Ils n'ont pas été comptés au nombre des textes principaux, soit parce

qu'ils sont antérieurs à la période retenue, comme dans le cas de La Cité des dames (1404-1405) de Christine de Pizan et de deux textes composés vers 1440 : Le Champion des dames de Martin Le Franc et le Triomphe des dames de Juan Rodríguez de la Càmera traduit par Ferdinand de Lucenne, soit parce qu'ils ne comptent pas de propos liminaires, comme dans le cas de La Louenge et beaulté des femmes de Jean Du Pont-Alais et de l'anonyme Dialogue apologétique excusant ou defendant le devot sexe femenin, ou parce que le recueil avoue dès le titre un enjeu différent de celui de l'éloge des femmes, comme dans le cas de La Louenge de mariage et recueil des hystoires des bonnes, vertueuses et illustres femmes de Pierre de Lesnauderie, ou encore parce que le texte a paru sous forme manuscrite exclusivement, comme Les Vies des femmes célèbres d'Antoine Dufour. En outre, un texte qui n'aurait pas pour but principal la célébration des femmes, comme le Temple de bonne Renommée de Bouchet, qui compte des femmes illustres à raison d'un chapitre sur douze, n'est pas inclus. La traduction française du De mulieribus claris composé dans la

seconde moitié du XIVe siècle a été retenue au nombre des textes primaires parce qu'elle marque une étape

essentielle de la diffusion de ce texte fondateur en vernaculaire. Notons encore que La Cité des dames (1404-1405) de Christine de Pizan circule sous forme manuscrite, tandis que Le Champion des dames de Martin Le Franc et le Triomphe des dames de Juan Rodríguez de la Camera traduit par Ferdinand de

Lucenne connaissent deux impressions, la première à la fin du XVe siècle, la seconde en 1530. Le

Champion des dames fut imprimé à deux reprises, une première fois à Lyon entre 1485 et 1500 et une seconde fois à Paris en 1530. La date de cette première publication n'est pas avérée. « Incunable attribué par Piaget à Guillaume le Roy, imprimeur à Lyon vers 1485 ; Tchemerzine préfère la fourchette 1490-1500

[...] » (Robert Deschaux, « Introduction », dans Martin Le Franc, Le Champion des dames [mi-XVe siècle],

édition de Robert Deschaux, Paris, Champion, 1999, coll. « Classiques français du Moyen Age», t. 1, introduction, p. XVI). Le Triunfo de las doñas fut traduit en français par Ferdinand de Lucenne et circula sous forme manuscrite en 1460, puis il fut publié à Paris chez Pierre Le Caron vers 1490 sous le titre Le triumphe des dames et ensuite chez Pierre Sergent en 1530 sous le titre Le triunphe et exaltation des dames.

(23)

Étatprésent de la recherche

Notre thèse entend occuper un espace laissé vacant dans la critique en faisant

dialoguer les deux manifestations complémentaires du genre de l'éloge collectif. À

l'exception de l'ouvrage de Stephen Kolsky sur la Renaissance italienne18 et de la très

récente étude de Helen Swift portant sur des textes français de la période 1440-153819, on

s'est rarement penché simultanément sur les apologies et les listes de femmes illustres et on a préféré se consacrer aux unes ou aux autres séparément. Ce choix est dû à des approches critiques différentes qui restreignent le dialogue entre les textes. Ce sont des historien(ne)s qui ont souligné avec le plus d'insistance l'importance de s'intéresser aux catalogues composés à la gloire de la femme. Tandis que Nicole Pellegrin suggérait de se pencher sur ce matériau de tout premier ordre pour en exhumer une « mémoire historique vivante" », Andrea Grewe estimait « indispensable pour une connaissance approfondie des modèles de vie féminine et de leurs transformations sous l'Ancien Régime » une recherche transhistorique incluant l'ensemble de cette tradition de compilation. Cet axe

vise surtout à reconstituer des vies dont les détails ne nous sont pas parvenus22. Si les

recueils de femmes illustres n'ont que récemment retenu l'attention de la critique Stephen Kolsky, The Ghost of Boccaccio. Writings on Famous Women in Renaissance Italy, Turnhout, Belgique, Brepols, 2005, coll. « Late Medieval and Early Modern Studies, 7 », 254 p. Nous revenons plus en détail sur cet ouvrage aux pages 17 et 18.

19 Helen Swift, Gender, Writing, and Performance : Men Defending Women in Late Medieval France (1440-1538), Oxford/New York, Oxford University Press/Clarendon Press, coll. « Oxford Modern Languages and Literature Monographs », 2008, 285 p. Nous revenons plus en détail sur cet ouvrage aux pages 17 et 18.

20 Nicole Pellegrin, « L'androgyne au XVIe siècle : pour une relecture des savoirs », dans Femmes et pouvoirs sous l'Ancien Régime, Paris, Éditions Rivages/Histoire, 1991 , p. 18.

21 Andrea Grewe, « L'historiographie des femmes - L'exemple de Brantôme », dans L'Histoire en marge

de l'histoire à la Renaissance, Paris, Éditions Rue d'Ulm, 2002, coll. «Cahiers V. L. Saulnier, n° 19 »,

p· !14·

22 À cet égard, on soulignera le travail fondateur effectué par Éliane Viennot à propos de Marguerite de Valois et d'autres grandes dames. Voir Éliane Viennot, Marguerite de Valois. Histoire d'une femme, histoire d'un mythe, Paris, Payot, 1993, 478 p. ; id., « Des femmes d'État au XVIe siècle : les princesses de la Ligue et l'écriture de l'histoire », dans Femmes et pouvoirs sous l'Ancien Régime, op. cit., p. 77-92.

(24)

historienne, les apologies au contraire ont fait couler beaucoup d'encre depuis la montée

des revendications féministes en Europe et aux États-Unis. L'Histoire du féminisme

français du Moyen Age à nos jours proposait dès 1977 un premier panorama de la

Querelle, du VIe siècle à 1789, sous l'appellation de « féminisme élitaire ». Depuis, la

plupart des études sur la femme rappellent les phases principales de la Querelle23. Un

article récent de Gisela Bock et Margarete Zimmermann analyse la construction idéologique dont la Querelle fait l'objet ; il réévalue, avec justesse, les points ressassés

par la critique24 comme la réitération du caractère figé des échanges pro et contra,

souvent présentés comme dénués d'enjeux autres que ludiques25 et propose de lire les

textes en contexte. Pour la critique féministe, le terme « rhétorique » en est souvent venu à prendre un sens péjoratif.

Bien que reconnus pour leur dimension rhétorique, ces textes n'ont pas donné lieu à une étude spécifiquement axée sur l'éloge dans une perspective de poétique des genres. Marc Angenot, Les Champions des femmes. Examen du discours sur la supériorité des femmes 1400-1800, op. cit., p. 1 1-70 ; Madeleine Lazard, Images littéraires de la femme à la Renaissance, Paris, Presses universitaires de France, 1985, p. 9-16 ; Ian Maclean, Women Triumphant. Feminism in French Literature 1610-1652, Oxford, Clarendon Press, 1977, p. 25-63 ; Emile V. Telle, L'Œuvre de Marguerite d'Angoulême, reine de Navarre, et la querelle desfemmes, Genève, Slatkine Reprints, 1969, p. 9-68 ; Linda Timmermans, L'Accès desfemmes à la culture (1598-1715). Un débat d'idées de Saint François de Sales à la Marquise de Lambert, Paris, Champion, 1993, p. 20-28.

24

Gisela Bock et Margarete Zimmermann, « The European Querelle des femmes », dans Medieval Forms ofArgument : Disputation and Debate, G. Donavin, C. Poster and R. Utz (dir.), Eugene, Oregon, Wipf and Stock Publishers, 2002, p. 127-156. Voir aussi Margarete Zimmermann, « Querelle des femmes, querelles du livre », dans Dominique de Courcelles et Carmen Val Julián (dir.), Des Femmes et des livres. France et Espagnes, XIV-XVU siècle. Actes de la journée d'étude organisée par l'Ecole nationale des chartes et l'École normale supérieure de Fontenay/Saint-Cloud (Paris, 30 avril 1998), Paris, Ecole des chartes, 1999, coll. « Études et rencontres de l'école des chartes, 4 », p. 79-94.

25

«Ces combats de plume [...] gardent pour la plupart le caractère conventionnel et ludique d'affrontements rhétoriques, d'escarmouches intellectuelles où se répondent avec monotonie invectives et panégyriques sans pour autant faire progresser ni trancher Ie débat », Madeleine Lazard, Images littéraires de la femme à la Renaissance, op. cit., p. 1 1 . Voir aussi Floyd Gray, Gender, Rhetoric and Print Culture in French Renaissance Writing, op. cit., 227 p. Plusieurs chercheurs pensent au contraire que la défense des femmes véhicule des enjeux autres que simplement ludiques. Voir Pamela Benson, The Invention of the Renaissance Woman. The Challenge of Female Independence in the Literature and Thought of Italy and England, University Park (Pa.), The Pennsylvania State University Press, 1992, 325 p. ; Alcuin Blamires, The Case for Women in Medieval Culture, Oxford, Clarendon Press ; New York, Oxford University Press, 1997,279 p.

(25)

À l'exception des ouvrages de Marc Angenot et d'Alcuin Blamires, qui dégagent les

principaux arguments de la défense des femmes pour l'Ancien Régime et la période médiévale respectivement , les ressources de la rhétorique de l'éloge ont été peu mises à contribution pour analyser les recueils de femmes illustres et les apologies du sexe féminin. L'esthétique de la liste dans les recueils de femmes illustres a certes suscité une

réflexion27, mais la célébration collective des femmes au XVIe siècle n'a pas fait l'objet

d'une étude à part entière. Toutefois, sans nécessairement se réclamer d'une approche rhétorique, plusieurs ouvrages récents ont abordé des thèmes connexes à l'éloge" .

Hypothèses

Notre réflexion s'oriente autour de trois pistes principales, explorées en filigrane dans toute la thèse pour la première, et explicitement, au chapitre 3, pour les deux autres : Marc Angenot, Les Champions des femmes. Examen du discours sur la supériorité des femmes 1400-1800, op. cit., 193 p. ; Alcuin Blamires, The Case for Women in Medieval Culture, op. cit..

27

Jean Céard, « Listes de femmes savantes au XVIe siècle », dans Femmes savantes, savoirs des femmes.

Du crépuscule de la Renaissance à l'aube des Lumières. Actes du colloque de Chantilly (22-24 septembre 1995), Colette Nativel (dir.), Genève, Droz, 1999, coll. «Travaux du grand siècle, n° 11 », p. 85-94 ; Claude-Gilbert Dubois, « Une esthétique de la sériation. Les recueils de "Vies" et la collectivisation du modèle biographique (1560-1600)», dans Suites et séries. Actes du troisième colloque du Cicada, 3-5 décembre 1992, Bertrand Rouge (dir.), Pau, Presses universitaires de l'Université de Pau, 1994, p. 23-28 ; Glenda McLeod, Virtue and Venom. Catalogs of Women from Antiquity to the Renaissance, Ann Arbor, The University of Michigan Press, 1991, 168 p.

28 Claudie Martin-Ulrich a publié un livre consacré à Vethos de la princesse, La Persona de la princesse au XVIe siècle, personnage littéraire et personnage politique, Paris, Champion, 2004, coll. « Études et essais de la Renaissance, XLIX », 624 p. Trois études d'envergure, les livres de Patricia Eichel-Lojkine sur les recueils d'hommes illustres à la Renaissance, celui de Marie-Claude Malenfant sur Yexemplum, ainsi que la

thèse de doctorat de Catherine Pascal sur les femmes illustres au XVIIe siècle ont en outre ouvert de

nouvelles perspectives. Voir Patricia Eichel-Lokjine, Le Siècle des grands hommes : les recueils de Vies d'hommes illustres avec portraits du XVIe siècle, Louvain, Paris, Sterling (Va.), Éditions Peeters, 2001, coll. « La République des lettres, 5 », 447 p. ; Marie Claude Malenfant, Argumentaires de l'une et l'autre espèce de femme. Le statut de /'exemplum dans les discours littéraires sur la femme (1500-1550), Québec,

Presses de l'Université Laval, 2003, 548 p. ; Catherine Pascal, La Tradition des femmes illustres aux XVIe

et XVIIe siècles, Thèse de doctorat, Université de Montpellier (Paul Valéry, Montpellier III), 2001 , 1266 p.

Cette thèse porte principalement sur le XVIIe siècle. Elle s'intéresse à sept recueils de femmes illustres :

Les Vertueux faicts des femmes de Plutarque, Des Dames de renom (1551) de Boccace, La Cour sainte (1627) de Nicolas Caussin, Les Femmes illustres ou les Harangues héroïques (1642-1644) de Scudéry, La Femme héroïque (1645) de Du Bosc, Les Eloges des douze femmes illustres (1646) et La Gallerie des femmesfortes (1647) de Pierre Le Moyne.

(26)

1) les formes des éloges collectifs de femmes, apologies du sexe féminin et recueils de femmes illustres, sont le symptôme d'une hésitation plus générale entre l'argumentation et la compilation ; 2) les textes sont parcourus de tensions internes, dues à la superposition de l'éloge collectif et individuel dans le même acte de célébration ; 3) les éloges collectifs de femmes sont le terrain d'enjeux variés ; parmi ceux-ci, le plus important est l'émergence de la figure de l'auteur.

1 . Argumentation et compilation

Si la supériorité de l'homme et l'infériorité de la femme sont fermement ancrées dans Gepisteme renaissante, les réponses au problème théorique que génère la rencontre de l'éloge et de l'objet de discours « femme » sont variées et suggèrent une gradation du caractère paradoxal des textes plutôt qu'une rupture. Des recueils de figures exceptionnelles aux apologies, mais aussi de texte en texte, elles s'inscrivent sur une

« échelle de paradoxisme29 ». Il y aurait donc un hiatus entre ce que préconisent les

discours dominants et les réponses diverses faites par les laudateurs des femmes. Ces variations doivent être lues en parallèle avec la réorientation de la notion de lieu commun qui, selon Francis Goyet, connaît une dérive à la Renaissance, de l'argumentation vers la compilation .

2. Éloge collectif et éloge individuel

La faveur dont jouit le paradigme du collectif à la Renaissance, qui permet, par l'accumulation et la répétition d'éléments récurrents, de souligner une visée protreptique

29

Mariana Tutescu développe l'idée d'une gradation de l'intensité du paradoxe, qu'elle appelle G« échelle du paradoxisme » dans « Paradoxe, univers de croyance et pertinence argumentative », dans Ronald Landheer et Paul J. Smith (dir.), Le Paradoxe en linguistique et en littérature, Genève, Droz, 1996, coll. « Histoire des idées et critique littéraire, n° 350 », p. 82-83.

30 Francis Goyet, Le Sublime du «lieu commun». L'invention rhétorique dans l'Antiquité et à la Renaissance, Paris, Champion, 1996, p. 68.

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et d'atteindre un plus haut degré d'abstraction, ne doit pas voiler les tensions qui s'installent au sein des éloges. Ces tensions touchent les paradigmes de l'individuel (les figures mises en évidence par des stratégies formelles : paratextes, insertion de pièces versifiées, longueur des exemples ou des rubriques) et du collectif (les figures féminines accumulées considérées comme un groupe, la masse indifférenciée du sexe féminin), de l'extraordinaire (les femmes illustres) et de l'ordinaire (les femmes du commun), de l'ancien (la majorité des figures féminines, issues d'un passé reculé) et du nouveau (la dédicataire et les rares figures féminines issues d'un passé récent). Elles doivent être reliées à l'enjeu didactique des textes et plus spécifiquement à la distinction entre

exemplum et exemplar3i . L'élaboration de modèles de comportement, qui passe par la

comparaison implicite ou explicite entre les figures féminines, crée différentes configurations dans l'économie des recueils encomiastiques, invitant à une lecture non

linéaire.

3. Diversité des enjeux

Comme l'a montré Cynthia Brown dans son étude sur les rhétoriqueurs32, les

premières décennies du XVIe siècle connaissent un repositionnement de l'auteur face à

un public plus vaste, d'une part, et à son texte, dont il revendique plus fortement la paternité, d'autre part. Ces préoccupations transparaissent dans les textes du corpus, qui sont marqués par la figure de l'auteur, représenté comme compilateur actif, bâtisseur de son texte ou soulignant la disposition de la matière en en révélant le plan. De fait, la 31 Marie-Claude Malenfant, Argumentaires de l'une et l'autre espèces de femme. Le statut de /'exemplum dans les discours littéraires sur lafemme (1500-1550), op. cit., p. 47-72.

32 Cynthia J. Brown, Poets, Patrons and Printers. Crisis ofAuthority in Late Medieval France, Ithaca, New York, Cornell University Press, 1995, 252 p. Voir aussi Cynthia J. Brown, « Du manuscrit à l'imprimé en

France : le cas des Grands Rhétoriqueurs », dans Les Grands Rhétoriqueurs. Actes du Y Colloque

International sur le Moyen Français. Milan, 6-8 mai 1985. Vol. 1, Milan, Vita e pensiero, 1985, coll. « Contributi del "Centro studi sulla letteratura medio-francese", voi. Ili », p. 103-123.

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plupart des textes du corpus connaissent une superposition de l'éloge de la dédicataire et de la valorisation de soi. Le façonnement d'une figure de l'auteur en devenir à travers un ethos plausible est l'un des enjeux fondamentaux des recueils sur les femmes de la

première moitié du XVIe siècle. Dans le même ordre d'idée, mais d'un point de vue plus

général, le succès des éloges collectifs de femmes diffusés par l'imprimerie assure à ces textes une place légitime au sein des discours renaissants. Malgré - ou peut-être précisément en raison de - leur dimension paradoxale, les éloges collectifs sont ancrés dans la doxa et sont à même de soutenir des enjeux complexes, proches ou éloignés du but encomiastique principal. Ils jouissent d'une endoxalité qui ne réside pas nécessairement dans leur capacité à déjouer le porte-à-faux discursif, mais dans l'appréciation et la reconnaissance dont ils font l'objet de la part des lecteurs de l'époque. Au-delà des objectifs explicitement exposés, ils sont le terrain de finalités diverses : louer les femmes permet d'aborder d'autres sujets.

Approche méthodologique

Afin de respecter et de mettre en évidence la spécificité argumentative des textes du corpus, il nous semble opportun de puiser dans les outils discursifs et conceptuels fournis par les traités de rhétorique (Aristote, Cicerón, Quintilien), ainsi que par les manuels de composition antiques, médiévaux et renaissants (Progymnasmata, arts de seconde rhétorique), de même que par plusieurs études de fond récentes qui leur ont été

consacrées33. Ce corpus théorique fournit les renseignements essentiels sur le mode de

33 Parmi ces études, citons La Rhétorique de l'éloge dans le monde gréco-romain de Laurent Pernot, qui fournit un relevé détaillé des contenus et de l'idéologie encomiastique ; « Or ne mens ». Couleurs de l'éloge et du blâme chez les « Grands Rhétoriqueurs » de François Cornilliat, qui porte plus spécifiquement sur le genre épidictique pendant la période qui nous intéresse ; et Le Sublime du « lieu commun ».

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composition et la théorie de la connaissance qui nourrissent les éloges à l'étude, soit les schémas abstraits dont les textes produisent autant de variantes. Comme l'a fait remarquer Aron Kibédi Varga dans un article intitulé « Rhétorique et production du texte », la rhétorique est également un outil d'analyse mis au service de la critique : d'un point de vue méthodologique, elle est un « ensemble de techniques permettant de décrire et de reconstruire la production des discours et des textes ». A travers les contenus et les formes déterminés par les opérations oratoires (inventio, disposino, elocutio), théorisés dans les traités et rendus familiers par la production discursive environnante actualisée dans des textes « littéraires » ou autres, s'élabore un espace commun, qui permet à l'auteur et au lecteur de s'entendre : pour Aron Kibédi Varga, les textes et les discours sont des actes de communication. Cette lecture rhétorique bénéficie également des recherches en théorie de l'argumentation menées par Ruth Amossy, Anne Herschberg Pierrot, Elisheva Rosen et Christian Plantin en théorie de l'argumentation, et plus particulièrement sur la doxa .

L'invention rhétorique dans l'Antiquité et à la Renaissance de Francis Goyet. Voir Laurent Pernot, La Rhétorique de l'éloge dans le monde gréco-romain, op. cit. ; François Cornilliat, « Or ne mens ». Couleurs de l'éloge et du blâme chez les « Grands Rhétoriqueurs », Paris, Champion, 1994, 947 p. ; Francis Goyet, Le Sublime du « lieu commun ». L'invention rhétorique dans l'Antiquité et à la Renaissance, op. cit., 785 p. Le genre épidictique a fait l'objet de quelques autres études, mais elles sont rares. Citons pour mémoire celles de Theodore Chalón Burgess et de Vinzenz Buchheit pour l'Antiquité et d'Osborne Bennett Hardison pour la Renaissance. Voir Theodore Chalón Burgess, Epideictic Literature, Chicago, University of Chicago Press, 1902, 261 p. ; Vinzenz Buchheit, Untersuchungen zur Theorie des Genos Epidiktikon von Gorgias bis Aristoteles, Münich, M. Hueber, 1960, 260 p.; Osborne Bennett Hardison, The Enduring Moment. A Study of the Idea of Praise in Renaissance Literary Theory and Practice, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1962, 240 p.

4 Aron Kibédi Varga, « Rhétorique et production du texte », dans Théorie littéraire, Marc Angenot, Jean Bessière, Douwe Fokkema et Eva Kushner (dir.), Paris, PUF, 1989, coll. « Fondamental », p. 220.

35 Ruth Amossy et Elisheva Rosen, Les Discours du cliché, Paris, SEDES, 1982, 151 p. ; Ruth Amossy, Les Idées reçues. Sémiologie du stéréotype, Paris, Nathan, 1991, coll. «Le texte à l'œuvre », 215 p. ; Ruth Amossy et Anne Herschberg Pierrot, Stéréotypes et clichés : langue, discours, société, Paris, Nathan, 1997, coll. « 128 », 128 p. Voir aussi Christian Plantin (dir.), Lieux communs, topoi, stéréotypes, clichés, Paris, Kimé, 1993,522 p.

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Toutefois, cette approche rhétorique gagne à être croisée avec les apports récents de la réflexion sur l'intertextualité, qui fournit un instrument pour penser le rapport entre les textes, leur inscription les uns dans les autres. Nous abordons le corpus d'éloges collectifs comme un réseau dans lequel chacun des textes se trouve intégré et nous cherchons à rendre compte du travail d'assimilation et de transformation qui les touche. Le sens de chacun d'entre eux émerge dans l'interaction qu'il entretient avec les autres textes, dans les variations qui se font jour au sein de la série. Le fait que le corpus abordé soit fondé dans une même volonté de célébration et fasse appel à l'horizon d'attente propre à l'éloge confère à l'analyse un double mandat d'interprétation : les récurrences aussi bien que les silences, ce qui est présent autant que ce qui est absent .

Avant de préciser le détail du plan de cette thèse, nous aimerions encore spécifier

comment nous entendons mettre l'intertextualité à contribution. Une manière de

souligner la porosité des recueils de femmes illustres et des apologies du sexe féminin serait de montrer la circulation des exempla féminins en s'intéressant aux coïncidences, mais surtout aux variations que chaque nouvelle insertion détermine. Cette perspective intertextuelle a été adoptée récemment par Stephen Kolsky et Helen Swift, qui ont l'un On pourrait être surpris de ce recours au cadre conceptuel récent de l'intertextualité : il pourrait même apparaître comme un détour. En effet, la Renaissance dispose, avec la mimesis, d'une théorie de la composition littéraire. L'imitation est un mode d'élaboration des textes et, plus généralement, du sens, fondé sur l'émulation par rapport à un modèle prestigieux ; elle préside à la production des textes. Toutefois, nous voyons dans l'approche intertextuelle le pendant herméneutique de l'imitation comme principe d'écriture. Ce cadre méthodologique trouve ses matériaux d'étude privilégiés dans la récurrence d'éléments minimaux : les lieux ; l'imitation est le moyen par lequel les lieux continuent de s'écrire. La différence notable entre imitation comme outil de production et intertextualité comme instrument de lecture - et qui rend la notion d'intertextualité nécessaire - est une différence de positionnement par rapport au modèle : l'imitation propre à la Renaissance présuppose un modèle en amont ; l'intertextualité postule une plus grande liberté par rapport à la source ; même, elle s'en affranchit. Tout en sachant reconnaître le pouvoir d'attraction de certains textes - le simple fait de délimiter une période présuppose la reconnaissance de textes-balises forts - nous nous réservons la possibilité de saisir et de parcourir notre corpus dans la synchronie. De fait, l'armature rhétorique fournit des schémas abstraits relatifs à l'invention et à la disposition ; l'intertextualité nous permet de penser le rapport entre les textes et le travail interne d'assimilation et de modification qu'ils effectuent. Ces approches nous semblent complémentaires.

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comme l'autre travaillé autour de l'idée de reprise et de récriture de modèles, en développant la métaphore du spectre hantant les textes. Le premier a travaillé à partir du De mulieribus claris et de ses avatars, dans The Ghost of Boccaccio ; la seconde a théorisé les influences, perceptibles tant de manière implicite qu'explicite, dans une

« spectropoetics38 » éclairant les réseaux précis du pro et contra, principalement à partir

des éditions du Champion des dames et de la figure de Martin Le Franc. Tout en reconnaissant la pertinence et l'intérêt de ces questions connexes à celles que nous nous posons, nous favorisons une approche qui n'en est pas moins intertextuelle, mais qui est davantage axée sur des préoccupations génériques et formelles. Du coup, nous laisserons de côté le travail de l'identification des sources et des filiations : il sera relativement peu fait référence au De mulieribus claris de Boccace, même si la première traduction française imprimée sert de terminus a quo à notre enquête. La question de la circulation de la matière entre les textes sera abordée dans une perspective rhétorique, à la fois comme une topique disponible (chapitre 2) et comme une topique que la figure auctoriale configure (chapitre 3).

Le premier chapitre rendra compte de la rencontre d'un genre rhétorique, l'éloge, et d'un objet de discours, la femme. Son objectif est triple. Tout d'abord, un historique de la rhétorique de l'éloge, de ses origines antiques à la Renaissance, doit dégager les grandes lignes de la réflexion menée sur ce genre oratoire et isoler les pratiques encomiastiques, tant orales qu'écrites, qui ont contribué à « l'état de l'éloge » observable 37 Stephen Kolsky, The Ghost of Boccaccio. Writings on Famous Women in Renaissance Italy, Turnhout (Belgique), Brepols, 2005, coll. « Late Medieval and Early Modern Studies, 7 », 254 p.

38 Le premier chapitre de l'ouvrage d'Helen Swift est consacré à une définition de cette poétique. Voir Helen Swift, Gender, Writing, and Performance : Men Defending Women in Late Medieval France (1440-1538), Oxford/New York, Oxford University Press/Clarendon Press, coll. « Oxford Modern Languages and Literature Monographs », 2008, p. 18-99.

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au début du XVIe siècle. Portant sur presque deux siècles d'histoire de la rhétorique, cette

synthèse ne paraît pas inutile parce qu'elle permet de rendre compte des tendances les plus caractéristiques de l'éloge, des traits topiques et formels modulés dans des productions littéraires et, plus généralement, d'un ensemble cognitif déterminant une représentation du monde et de l'humain. Tous ces éléments constituent un horizon d'attente que leur application à la femme problématise. Le deuxième objectif de ce premier chapitre consistera précisément à éclairer la disconvenance de cet objet de discours et du genre encomiastique, à travers l'étude de la représentation de la femme dans les discours ambiants et une réflexion sur l'application problématique des paramètres de l'éloge à ce thème disputé. Il appert que la célébration des femmes fait de l'éloge un genre mixte, tendant vers la polémique, ce qui explique sa participation à la Querelle des femmes. Enfin, nous effectuerons un premier coup de sonde dans les textes, en analysant l'élaboration de la parole paradoxale et la construction discursive de l'ethos du scripteur dans les propos liminaires de plusieurs éloges collectifs. Une attention toute particulière sera portée aux marqueurs génériques et aux légitimations dont ils font l'objet.

Le deuxième chapitre explorera la dimension argumentative de l'éloge à travers le prisme du paradoxe et de Yinventio. Un bref tour d'horizon des traités de rhétorique antique montre que l'hybridation des genres épidictique et judiciaire ne trouve que peu ou pas d'écho dans la théorie classique ; en revanche, l'éloge paradoxal, qui réunit l'éloge et le blâme, permet de penser l'éloge en contexte polémique. L'analyse d'attaques misogynes ancrées dans des propositions doxiques illustre les différentes stratégies argumentatives mises à contribution par le discours pro-féminin afin de réintégrer la

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