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Dissidence : pour une nouvelle génération de résistance

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Dissidence :

Pour une nouvelle génération de résistance

Mémoire

Roxanne Lacourcière

Maîtrise en arts visuels

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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Résumé

Je m’intéresse aux femmes et à la résistance qu’elles imposent aux conditionnements en matière de beauté qui leur sont infligés par la société occidentale. Dissidence est le résultat de deux années de recherches et créations portant sur l’exploration de cette forme résistance. La dissidence est l’action ou l’état d’une personne qui cesse d’obéir à une communauté, à une autorité établie. Ce type de refus existe chez les femmes en regard aux normes imposées par les diverses industries gérant le domaine de la mode. C’est d’ailleurs autour de ces notions que je définis ma démarche artistique et mon corpus de dessins.

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Table des matières

Résumé ... iii

Liste des illustrations ... vii

Remerciements ... ix

Introduction ... 1

Chapitre 1 ... 5

1.1 Les femmes images ... 5

1.1.2 L’expérience de la photographie et Roland Barthes ... 6

1.2 L’éducation sociale ... 7

1.3 Les filles en série de Martine Delvaux ... 10

1.4 La résistance ... 12

Chapitre 2 ... 17

2.1 Le choix d’un même visage ... 17

2.1.1 Vanessa Beecroft et la sérialité ... 19

2.2 Les divers corps ... 20

Chapitre 3 ... 25

3.1 La femme et l’ornementation ... 25

3.1.2 Le choix de la mini miss comme motif ornemental ... 28

3.2 La broderie ... 29

3.3 Acétate Mylar, format et trait de crayon ... 32

Conclusion ... 35

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Liste des illustrations

Figure 1 J’t’une bitch (Détail), 66,04 cm X 91,44 cm, acétate, fil à coudre et crayon de plomb, 2014 ... 18

Figure 2 Vb56, Espace Louis Vuitton, Photographie de performance, Paris, 2005 .. Erreur ! Signet non défini. Figure 3 Je vous emmerde, 69,85 cm X 91,44 cm, acétate, fil à coudre et crayon de plomb, 2014 ... 21

Figure 4 Motif Papier peint Mini Miss (Détail), 2014 ... 26

Figure 5 Papier peint (www.aufildescouleurs.com) ... 27

Figure 6 Défilé Jean-Paul Gaultier, Spring-summer, 2014 (http://www.a-supply.com/globe/?cat=38) ... 30

Figure 7 Untitled, Izziyana Suhaimi, estampe et fil à broder, 2012 ... 32

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Remerciements

Je voudrais offrir mes plus sincères remerciements à ma directrice de maîtrise Marie-Christiane Mathieu pour sa patience et pour m’avoir permis d’élargir mes horizons en me guidant à travers mes explorations. Elle m’a permis de me connaître davantage et de repousser mes limites. Sans elle, ce mémoire n’aurait sans doute pas vu le jour.

Je tiens aussi à remercier les membres de mon jury Bernard Paquet et Branka Kopecki qui ont accepté de se prêter au jeu.

Finalement, je voudrais aussi remercier Khristopher Lord, qui me soutient au quotidien et qui trouve toujours le moyen de me faire sourire, ainsi que mes fidèles relectrices et mes amis d’atelier pour leur soutien inconditionnel, leurs encouragements, leur amour et leur amitié dans les péripéties qui sont survenues lors de ce long processus qu’est la maîtrise.

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Introduction

L’avènement de la photographie, des magazines et de la publicité a permis à la société occidentale la diffusion massive de l’image de la femme. Cette diffusion a eu pour but de véhiculer une certaine propagande sociale dont l’impact a été immédiat. L’image de la femme s’est retrouvée partout dans les revues, la télévision, les affiches publicitaires, etc. Le documentaire Amour, haine et propagande1, démontre que dès la Deuxième Guerre mondiale l’image de la femme a été utilisée, de façon survisible, afin de pousser les hommes au combat, de promouvoir l’effort de guerre, etc. Alors qu’elles étaient relayées au foyer, les femmes ont été engagées massivement dans les usines d’artilleries. Bien que d’un point de vue féministe cette utilisation de la femme comme main d’œuvre ait permis l’accès au domaine de l’emploi et qui plus est l’accès aux études dans des champs de pratiques majoritairement masculins. Principalement sur l’utilisation iconographique de la femme que je souhaite ici me concentrer, puisque leurs images ont motivé les troupes en temps de guerres. L’image des femmes est passée, en quelques années, du statut de représentation à celui d’ornement et de spectacle. L’image de leurs corps, avec la propagande, est devenue manipulable et maniable selon les besoins sociaux et les causes à défendre.

Mes recherches s’intéressent à l’image corporelle de la femme qui m’est contemporaine. C’est la résistance que celle-ci érige contre l’éducation sociale occidentale ainsi que l’image médiatique qui la conforme et la confine dans un rôle précis qui alimente mon travail. C’est cette conception de l’image corporelle féminine, soit la résistante comme cadre et structure d’un corps qui m’interpelle. Dans le premier chapitre, afin de circonscrire ce sur quoi mon travail tend à agir, je commencerai par faire le portrait des femmes images par le biais de la photographie et de l’éducation sociale en matière de beauté. Pour ce faire, j’appuierai mes propos sur la théorie des « filles en séries » de Martine Delvaux et sur les écrits des auteurs

1 Documentaire coproduit par Radio-Canada et la Canadian Broadcasting Corporation. http://ici.radio-canada.ca/television/amourhainepropagande/default.shtml

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Nelly Arcand, Miléna Babin, John Berger, Lena Dunham et Sarah-Maude Beauchesne. Ce chapitre se conclura avec une analyse de la résistance féminine. Dans le second chapitre, j’expliquerai les choix esthétiques et théoriques que j’ai pris dans la conception des divers corps dessinés constituant le corpus d’œuvres finales. Je présenterai le travail de Vanessa Beecroft en vue d’établir des points de comparaison avec ma pratique.

Dans le troisième chapitre, j’aborderai la présence de l’ornementation comme vecteur d’expériences par le biais du papier peint, de la broderie, etc. J’utilise l’ornementation afin d’illustrer une forme d’éducation sociale. J’ai retenu le motif de la « Mini Miss » pour la création dudit papier peint. Les Mini Miss sont ces petites filles entraînées et traitées comme des adultes pour rivaliser entrent-elles dans des concours faisant la promotion de la beauté. J’aborderai aussi les choix techniques et matériels pris dans la conception de mes dessins.

Au final, je vous propose les choix et les questionnements qui me suivent, surgissent et me guident lors de mon processus de création.

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3 Filles-machines, images, spectacles, filles-marchandises, filles-ornements… elles sont l’illusion de la perfection. Ces filles, je les voyais partout. Elles me donnaient l’impression de former à la fois un corps de ballet et une armée, des filles-chair à canon, produites par l’usine ordinaire de la misogynie, mais qui résistent à leur chosification. Des filles qui se redressent d’entre les morts. 2

2 DELVAUX, Martine. Les filles en série : Des Barbies aux Pussy Riot. Montréal, Les éditions Remue-Ménage, 2013, P11.

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Chapitre 1

Le premier chapitre de ce mémoire expose les diverses théories à la base de ma démarche artistique. Il sera question de l’image féminine véhiculée et promue par la société occidentale, image que la jeune fille est appelée, dès son plus jeune âge, à cultiver. Cette forme d’éducation sociale en matière de beauté se décline de différentes façons et je la mettrai en relation avec la résistance féminine. La mise en corrélation de ces deux aspects, soit l’éducation sociale et la résistance féminine, est un élément central de ma recherche. La résistance sera appuyée par la théorie exposée par Martine Delvaux dans son essai Les filles en série : Des Barbies aux Pussy Riots 3ainsi que par le travail d'autres auteurs comme Nelly Arcand, Sarah-Maude Beauchesne, John Berger, Miléna Babin et Lena Dunham.

1.1 Les femmes images

L’écrivain John Berger4 avance, dans l’un de ses textes engagés, l’hypothèse selon laquelle les femmes seraient surexposées aux regards des autres par l’abondance d’images que proposent les diverses industries régissant les codes actuels de la mode. Il avance que par leur diffusion massive, ces images finiraient par vivre à la place des femmes de sorte qu’il serait impossible de les dissocier l’une de l’autre. La femme deviendrait par cette indissociabilité l’image. Nelly Arcand5 soulève deux questions importantes : les femmes peuvent-elles arriver à se libérer de l’image qui leur est socialement imposée et qu’adviendrait-il si elles étaient en mesure de le faire? Le discours de cette dernière interroge la représentation féminine de la femme et de la fille normée et soumise aux conventions d’une société occidentalisée. Dans le texte

La robe6, elle décrit une scène où il est question des photographies qui nous marquent, qui nous hantent : des photos de nous, étant enfant. Martine Delvaux aborde dans son essai, cette expérience vécue par Nelly Arcand en tant que sujet d’une photographie :

3

DELVAUX, Martine. Op.cit. 4

BERGER, John. Voir le voir, Paris, Éditions B42, 2014, 168P. 5 ARCAND, Nelly. Op.cit.

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L’oncle photographe amateur voulait capturer avec sa lentille le visage furieux de l’enfant, et pour arriver à ses fins, il l’avait piégée. Elle a fini par se laisser photographier et vivre, des années durant, avec le souvenir cuisant de ce moment-là, la fois où elle a rendu les armes. Est-ce que ce jour-là, j’ai abandonné mon image? Est-ce que c’est le jour où j’ai fait mon entrée officielle dans le régime de l’image, à la manière des bals de débutantes qui servent à introniser les jeunes filles, toutes semblables dans leurs robes blanches, dans le royaume de la féminité bonne à marier, acheter, consommer, reproduire? 7

Martine Delvaux soulève le même questionnement que Nelly Arcand et John Berger au sujet de l’indissociabilité de la femme et de l’image. Cette expérience vécue par la personne prise en photo est décrite par Nelly Arcand comme inoubliable et parfois honteuse, ne serait-ce que par l’absence de contrôle qui est révélée lors du processus photographique. La photographie devient alors le premier abandon de la jeune fille au régime de l’image et il semble irréversible à partir du moment où la jeune fille traverse le temps pour devenir une femme. En somme, ce passage résulte du moment où l’individu de sexe féminin est lancé dans le monde régi par l’image, ce moment où elle devient image.

1.1.2 L’expérience de la photographie et Roland Barthes

À la fin des années soixante-dix, le critique et sémiologue Roland Barthes s’est intéressé à la photographie dans un ouvrage intitulé : La chambre claire : note sur la

photographie.8 Il écrit dans celui-ci que la photographie est porteuse de trois types

d’expériences physiques, celle vécue par l’« opérator », c'est-à-dire la personne qui prend la photographie, celle vécue par le « spectator », celui qui regarde la photographie et finalement, celle vécue par le « spectrum », c'est-à-dire la personne qui se fait prendre en photographie. C’est cette dernière expérience du « spectrum » qui m’intéresse tout particulièrement. Roland Barthes explique dans son écrit que le fait de se savoir photographié encourage la construction d’une image :

7

DELVAUX, Martine. Op.cit., P136 8

BARTHES, Roland, La chambre claire, note sur la photographie. Édition de l’Étoile, Gallimard, Le Seuil. 1980, 193P.

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Or, dès que je me sens regardé par l’objectif, tout change : je me constitue en train de « poser », je me fabrique instantanément un autre corps, je me métamorphose à l’avance en image. Cette transformation est active […] J’ai décidé de « laisser flotter » sur mes lèvres et dans mes yeux un léger sourire que je voudrais « indéfinissable », où je donnerais à lire, en même temps que les qualités de ma nature, la conscience amusée que j’ai de tout ce cérémonial photographique : je me prête au jeu social, je pose, je le sais […] Je voudrais que mon image, mobile, cahotée entre mille photos changeantes, au gré des situations, des âges, coïncide toujours avec mon « moi » […], mais c’est le contraire qu’il faut dire : c’est « moi » qui ne coïncide jamais avec mon image […] je ne cesse de m’imiter, et c’est pour cela que chaque fois que je me fais (que je me laisse) photographier, je suis immanquablement frôlé par une sensation d’inauthenticité, parfois d’imposture […] la Photographie représente ce moment […] où je ne suis ni un sujet ni un objet, mais plutôt un sujet qui se sent devenir objet : je vis alors une micro-expérience de la mort : je deviens vraiment spectre9.

Contrairement à la perte de contrôle décrite par Nelly Arcand, pour Barthes, cette description de l’expérience vécue par la personne photographiée est la construction d’un « moi » fictif. Une construction qui survient à partir du moment où la personne se trouvant devant l’objectif est consciente que son image sera figée de manière irréversible. Ce moment où la photographie change le sujet en objet. En ce sens, l’abandon au régime de l’image décrit par Martine Delvaux coïncide au devenir objet exposé par Barthes dans La chambre claire.

1.2 L’éducation sociale

L’anthropologue américaine Margaret Mead a étudié dans les années vingt le comportement inné qui était jusqu’alors associé au sexe biologique. Suite à des recherches de terrain effectuées dans différentes tribus d’Océanie, elle a prouvé que le tempérament ne découlait pas du sexe biologique, mais était plutôt le résultat d’une construction sociale et d’un enseignement particulier instauré par les diverses sociétés étudiées.

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Il nous est maintenant permis d’affirmer que les traits de caractère que nous qualifions de masculins ou de féminins sont pour un grand nombre d’entre eux, sinon en totalité, déterminés par le sexe d’une façon aussi superficielle que le sont les vêtements, les manières ou la coiffure qu’une époque assigne à l’un ou l’autre sexe. Quand nous opposons le comportement typique de l’homme ou de la femme arapesh à celui, non moins typique de l’homme ou de la femme mundugumor, l’un et l’autre apparaissent de toute évidence être le seul résultat d’un conditionnement social. 10

En dépit des conclusions et des preuves énoncées par Margaret Mead, de nombreux psychologues ont poursuivi leur recherche sur l’affiliation entre le sexe biologique et le comportement. C’est le cas de la psychologue Laurette J. Olson11, qui a écrit il y a une quinzaine d’années, quelques textes sur la façon innée avec laquelle une personne réagit et échange avec l’environnement dans lequel elle évolue.

Malgré le fait que cette étude semble aujourd’hui mise de côté par un bon nombre de psychologues travaillant sur les comportements innés et acquis, cette étude menée par Margaret Mead demeure très importante en ce qui a trait aux études sur le genre. Ann Oakley, sociologue et féministe britanique, affirme que : « Le “sexe” biologique

renvoie à la distinction biologique entre mâles et femelles, tandis que le “genre” renvoie à la distinction culturelle entre les rôles sociaux, les attributs psychologiques et les identités des hommes et des femmes. » Finalement, on comprend que dans une

société, le comportement typiquement masculin ou typiquement féminin est le résultat d’une éducation, d’un conditionnement subtil qui est instauré depuis bon nombre d’années. En se penchant sur des pratiques présentes dans la société occidentale, on constate que les femmes sont conditionnées dès leur plus jeune âge à entrer dans le moule qui leur a été fabriqué. Simone de Beauvoir, philosophe et théoricienne importante du mouvement féminisme des années cinquante, écrit à propos de cette pratique :

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MEAD, Margaret. Mœurs et sexualité en Océanie, Paris, Plan, 1963, P311-312.

11OLSON, L. J. Psychosocial Frame of Reference. In P. Kramer & J. Hinojosa (Eds.), Frames of Reference for Pediatric Occupational Therapy. Philadelphia : Lippincott Williams & Wilkins, 1999, P323-375.

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[…] chez la femme, il y a, au départ, un conflit entre son existence autonome et son “être autre”; on lui apprend que pour plaire il faut chercher à plaire, il faut se faire objet; elle doit donc renoncer à son autonomie, on la traite comme une poupée vivante et on lui refuse la liberté; ainsi se noue un cercle vicieux; car moins elle exercera sa liberté pour comprendre, saisir et découvrir le monde qui l’entoure, moins elle trouvera en lui de ressources, moins elle osera s’affirmer comme sujet; si on l’y encourageait, elle pourrait manifester la même exubérance vivante, la même curiosité, le même esprit d’initiative, la même hardiesse qu’un garçon. 12

Ce type de conditionnement voulant que la femme soit un objet, voire un ornement, se fait dès le jeune âge. Il établit un rapport de force dans les genres qui prend forme dans l’apprentissage de la féminité et de la masculinité. Très tôt, la jeune fille a tous les outils en main afin d’être la « bonne fille » que la société souhaite qu’elle devienne. Ce conditionnement, on le retrouve entre autres dans les concours de beauté destinés aux jeunes filles ainsi que dans les jouets conçus pour elles. La mise en marché des jouets destinés aux enfants favorise cette inégalité dans l’enseignement social13. Par exemple, les jouets destinés aux garçons encouragent les rôles de force, je pense, par exemple, aux figurines de Super héros ou de G.I Joe alors que ceux destinés aux filles, les ensembles de cuisine et les poupées, les cantonnent dans des rôles plus traditionnels de femmes au foyer et de mères de famille. Le jouet définit la place de l’enfant au sein de la famille et encourage par la même occasion, les stéréotypes de genres. Les concours de beauté quant à eux, favorisent une uniformisation de la beauté chez les participantes. Au final, l’éducation sociale favorise une identité normée et uniforme.

Martine Delvaux qualifie ce passage dans le conditionnement social comme étant l’« état de Girl », ce moment où le monde extérieur influence la façon d’être des filles. Où elles se trouvent des modèles et où elles commencent à se soumettre, à céder aux normes esthétiques qui sont socialement imposées. Les égéries publicitaires, ces modèles féminins sélectionnés par les diverses industries gérant la

12

DE BEAUVOIR, Simone. Le deuxième sexe, tome 1 : Les faits et les mythes, Paris, Gallimarg, 1986[1949], P30.

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mode participent en tant que figure dominante, tout comme les rôles attribués aux femmes au cinéma et la figure de la Barbie, à ce type de conditionnement.

Barbie n’est pas responsable ni de l’anorexie, ni de la dénigration des filles. Non, bien sûr, Barbie n’est responsable de rien. Mais comme le souligne Naomi Wolf, ce n’est pas l’image de la Barbie en tant que telle qui pose problème; c’est la prolifération d’images comme la sienne au détriment d’autres images. Si le mannequin anorexique, aux formes disproportionnées, était une image parmi tout un spectre d’images mises à la disposition des filles parmi lesquelles choisir mille et un avenirs, ce ne serait pas un problème. Le problème, c’est que cette image est la seule qui est présentée. 14

Ce conditionnement par l’image doublé de méthodes d’éducation sexistes, les modèles imposés aux filles et les activités spécifiques participent à l’élaboration de la femme idéale souhaitée et conçue selon diverses conventions propres à la société occidentale. Ce sont entre autres ces aspects qui définissent l’éducation propre à la société dans laquelle nous évoluons.

1.3 Les filles en série de Martine Delvaux

Le concept des filles en série élaboré par Martine Delvaux comporte deux facettes. Il y a dans un premier temps le conditionnement social présenté ci-haut, cet enseignement par lequel notre société cherche à contrôler l’image de la femme et il y a dans un deuxième temps, le revers de la médaille, les femmes contestataires et résistantes qui refuse de se conformer à cette éducation sociale. Cet amalgame, Martine Delvaux le définit comme :

[…] ces jumelles, dont les mouvements, s’agencent parfaitement, qui bougent en harmonie les unes aux côtés des autres, qui ne se distinguent les une des autres que par le détail d’un vêtement, de chaussure, d’une teinte de cheveux ou de peau, par des courbes légèrement dissemblables… Filles-machines, images, spectacles, filles-marchandises, filles-ornements… elles sont l’illusion de la perfection. Ces filles, je les voyais partout. Elles me donnaient l’impression de

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former à la fois un corps de ballet et une armée, des filles-chair à canon, produites par l’usine ordinaire de la misogynie, mais qui résistent à leur chosification. Des filles qui se redressent d’entre les morts. 15

C’est-à-dire que les femmes contestataires ne se différencient pas nécessairement de la masse par des caractéristiques physiologiques visibles. Cependant elles sont conscientes de la pression que l’éducation exerce sur elles, c’est justement face à ces conditionnements qu’elles se dressent. Ce sont ces survivantes qui se dressent aux travers des autres femmes qui n’ont su résister à l’encadrement imposé. Les « filles en série » qu’étudie Martine Delvaux se déploient dans de nombreuses formes. Il y a les marginales, les petites filles ou encore les filles poupées, les natures mortes, les SHOWGIRLS, les blondes et j’en passe. Autant de reproduction d’une même matrice permettant la création d’une armée de clones qui se laisserait, pour quelques-unes, guider par l’éducation sociale et pour les autres se dresserait contre elle. La résistance découle d’un caractère, d’une attitude et parfois même d’un désir, celui d’être maître de sa personne. Les filles en série sont cette ambigüité qui existe entre ce que la société attend des femmes et ce qu’elles sont réellement.

Dans mes recherches, j'interroge les exigences sociales et l’éducation qui en découle, en tentant une mise en relation avec la résistance qui se présente dans l’attitude de ces corps. Du côté visuel, je m’intéresse aux filles qui s’unissent pour résister à ce qui leur est dicté, à ce qui leur est enseigné comme socialement acceptable et qui tente par elles-mêmes de composer une nouvelle forme de « normes ». C’est en osant une reprise de possession de leur propre personne, de leurs corps et de leurs identités sociales qu’elles tentent d’y arriver. Cette résistance, me permet une exploration atypique du corps féminin, une exploration que je réalise par la femme au corps multiples présentée dans le corpus de dessins constituant l’exposition : Dissidence.

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1.4 La résistance

Ce côté résistant présenté par Martine Delvaux dans sa conception des filles en série, permet de mettre la lumière sur des recherches et réalisations d’autres artistes, réalisateurs, écrivains présentant eux aussi ce nouveau type de femmes. Je pense entre autres à Sarah-Maude Beauchesne étudiante en création littéraire à l’Université du Québec à Montréal, à Miléna Babin étudiante en langue française et rédaction à l’Université Laval ou encore à Lena Dunham, actrice-réalisatrice américaine. Chacune à leur façon, elles abordent ce nouveau type de femmes résistantes. Que ce soit par des personnages fictifs ou par des expériences qu’elles ont personnellement vécues, elles questionnent, au travers de la résistance féminine, les relations humaines et l’environnement parmi lesquels ces femmes évoluent.

La blogueuse Sarah-Maude Beauchesne écrit, sur son Blog Les fourchettes, de courts textes dans un langage cru et sans détour. Dans chacun d’eux, elle se met en scène et raconte sa situation en tant que femme, copine et petite amie.

Ma coloc braillait full elle disait : gnan gnan gnan t’as gâché ma vie il est où ton cœur Marie-Chienne m’a dit que t’as frenché le-dude-qui-dessine-naïf genre moi je planifiais accoucher de son enfant dans à peu près six ans gros max tu penses juste à toi où s’en va mon avenir amoureux. Au début je feelais cheap mais à bien y repenser non. Faque tout d’un coup j’avais pu de chums de filles pis j’habitais sur un futon métro de Castelnau. Grosse vie. Je mangeais beaucoup de ramens pis de gruau cher à l’érable. Ça me consolait. J’écrivais dans mon journal intime que j’étais triste pis je souhaitais à tous les jours de me faire des nouvelles amies dans rue par hasard pas besoin de travailler fort je souhaitais que des nouvelles chums de filles me tombent du ciel. J’avais brisé le code des filles. J’avais frenché le gars que mon amie-coloc voyait dans sa soupe depuis je sais même pas combien de temps peut-être depuis comme quatre jours si c’est pas moins. Parce qu’à notre âge on change de feu brûlant comme on change de sorte de crème glacée prèf. Moi en tout cas je change souvent ça dépend de mon mood. 16

16 BEAUCHESNE, Sarah-Maude. Prison de Castelnau.

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C’est par sa façon d’écrire que Sarah-Maude transmet une des formes de résistance constituant une nouvelle génération de femmes. Celle-ci se définit dans le langage et le choix des mots employé. Invisible à l’œil, il s’agit d’une résistance favorisant l’affirmation d’un « moi » propre à ce nouveau type de femme. Qui ne cache pas ses questionnements ni ses tourments. La femme résistante ne cherche pas à faire bonne figure, elle agit comme elle l’entend et assume les bons et les moins bon coups, pas de regret, elle cherche à vivre pleinement sa vie. De son coté, Miléna Babin présente elle aussi ce type de comportement qui semble découler d’une psychologie particulière, dans son premier roman Les fantômes fument en cachette17, paru en 2014 aux éditions X,Y,Z. C’est par Maeve, une jeune femme dans la vingtaine qui se retrouve prise dans un triangle amoureux ambiguë que l’on rencontre les premiers signes de résistance. C’est à travers les angoisses, les habitudes peu communes et les désirs du personnage face à cette situation que l’on rencontre la résistance. Miléna contrairement à Sarah-Maude n’utilise pas un style littéraire particulier, mais peaufine une psychologie propre au personnage, comme des tocs ou habitudes particulières, qui nous permettent de prendre conscience de la présence de ce corps résistant qu’elle nous offre. Lena Dunham pour sa part combine ces deux techniques et propose dans la télésérie GIRLS, la rencontre avec un petit groupe de filles. Rencontre qui nous permet de connaître leurs angoisses et les gens qui gravitent autour d’elles. C’est au travers de ces situations qui sont tantôt ordinaires, tantôt dramatiques ou complètement farfelues que l’on surprend l’essentiel du message véhiculer par la télésérie.

[…] des filles qui se demandent non seulement sans cesse dans quel monde on vit, un monde auquel elles participent tout en posant sur lui un regard critique, mais ce que ça veut dire d’être quelqu’un, sur quoi repose la singularité où se situer quant à l’exigence d’être comme toutes les filles. […] Tout, ici, a à voir avec la “réalité” et sa représentation. 18

Sarah-Maude, Miléna et Lena nous proposent divers protagonistes qui se refusent au mouvement général qui tente de faire d’elles des copies. L’imprévu, l’accident, les

17

BABIN. Miléna. Les fantômes fument en cachette. Canada Les éditions XYZ, collection Quai no5, 2014, 206P.

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débordements et surtout l’excès semblent les sortir de ce chemin tout en participant à cette libération et cette résistance.

Finalement, c’est dans une optique réaliste, comme le regard que posent ces trois femmes sur la société, que je réfléchis mes dessins. À travers ceux-ci, je propose ce qui pourrait servir de piste de réponse aux questionnements portant sur l’indissociabilité de l’image et de la femme, posés par Arcand, Berger et Delvaux. Les corps que je présente dans mes recherches visuelles ne sont pas hors-normes, ils accompagnent la résistance féminine par leur façon d’être et les caractéristiques psychologiques qu’elles renferment. Ces corps résistants ne sont pas monstrueux, ils ne sont pas non plus difformes. Ce sont des corps féminins ordinaires, jolis. Ils pourraient répondre aux critères esthétiques établis, mais refusent ce type d’autorité. Ils sont libres, ils se veulent résistants autant dans leur physique parfois négligé que dans leurs attitudes revendicatrices et insoumises. Ce type de femme assument ce qu’elles font, si elle porte du maquillage, c’est qu’elles l’on choisit et non parce qu’on leurs a imposé. Par exemple, dans le dessin J’t’une bitch, la femme porte du rouge à lèvre et une bague présentant le mot «Bitch». Bien que le maquillage et les bijoux soit propre aux normes sociales en matière de beauté féminines, l’attitude de la femme par le signe de « devil », la grimace qu’elle aborde ainsi que le « Bitch » qu’elle exhibe comme un trophée, bien qu’il s’agisse d’un mot à caractère péjoratif pour les femmes, participent à la création de la résistance. Dans cette proposition, c’est le détournement des codes imposés par la société occidentale, en ce qui a trait aux normes en matière de beauté, le tout agencé à l’attitude que l’on pourrais qualifier de provocatrice qui crée la résistance. Le nouveau type de femme qu’accompagnent les corps résistants refuse le moule social imposé, il préfère le modeler à leur guise. Je réfléchis la résistance féminine en m’éloignant des critères de beautés spécifiques imposés par la société occidentale, tout comme par l’apprentissage proposé par celle-ci. Ce que je tends à créer dans mes dessins c’est un comportement, un reflet de la réalité qui semble trop souvent écarté par les diverses industries construisant l’image féminine.

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15 L’exclusivité de l’image exige qu’on libère nos têtes des images stockées avant d’envisager une nouvelle relation. C’est sous cette condition que l’image feint de ne vivre que pour nous, de n’exister que pour nous en donner à voir; bien qu’en réalité elle se refuse, ne se laisse jamais prendre totalement, n’accepte pas qu’on la décrypte facilement. 19

19 ROCHEFORT, Jean-Claude. Christine Major, Angèle Verret : « Quand voir, c’est perdre ». Spirale : arts, lettres, sciences humaines, no194, 2004, P39.

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Chapitre 2

Ce deuxième chapitre est consacré aux divers choix esthétiques entourant la création des corps résistants dans le cadre de mon corpus d’œuvres finales. J’expliquerai l’utilisation du même visage pour l’intégralité des dessins proposés et les choix que j’ai faits concernant la création des corps.

2.1 Le choix d’un même visage

Le visage utilisé dans la création des corps résistants se révèle être un choix personnel. Peu importe à qui ce visage fait référence, ce n’est pas la personne physique et psychologique qui se cache derrière ce visage qui est important, mais plutôt les possibilités offertes par sa physionomie.

En premier lieu, je cherchais un visage offrant peu de références au temps, un visage au regard perçant et sur lequel il serait possible à l’aide du corps qui lui serait attribué, de créer une attitude, un caractère précis pour chacune des propositions. J’étais à la recherche d’un visage anonyme, un visage présentant une femme qui pouvait être n’importe qui, un visage n’offrant aucune référence aux femmes généralement utilisée comme égérie par la société occidentale. C’est en feuilletant de vieux croquis que je suis tombée sur ce visage, ni vieux ni jeune, sans ride, mais présentant des traits caractéristiques spécifiques comme les cernes et les creux sous les yeux témoignant un certain vécu. Ce visage présente de nombreuses dualités : il est doux et sévère, fermé et observateur. Ce visage devient dans mon corpus de dessins le visage de toutes les femmes, il est ce clone, cette armée de femmes présentée dans la théorie des femmes en série de Martine Delvaux. Il s’agit d’un visage intemporel, et ce, malgré la coiffure qui semble tout droit sortie d’une autre époque puisque l’industrie de l’image crée un roulement des modes qui favorise le retour de la tendance en ce qui a trait au « vintage20 ». Par ce roulement, cette coupe des années 1960 est tout à fait tendance en 2014 et donc, elle ne permet pas de

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http://www.ellequebec.com/mode/tendances/vintage-les-grands-crus-de-la-mode/a/25941,

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statuer sur l’époque à laquelle cette coiffure appartient. De plus, comme il s’agit d’un corps contestataire, celui-ci ne se laisse généralement pas influencer par les modes ce qui complexifie la relation temporelle.

Dans les dessins que je conçois, les visages ont généralement tous le même aspect, seuls l’inclinaison et l’ange de la tête changent. Pour certains corps, je me suis permis d’intervenir directement sur celui-ci. Par exemple pour J’t’une Bitch, j’ai effectué des retouches sur la partie inférieure du visage qui vise à transformer le bas du visage en une grimace, une attitude précise. J’ai aussi effectué les rehauts brodés sur cette partie afin que l’emphase soit mise sur le bas du visage. Ce qui est primordial dans ma conception

de la série des corps résistants est que sans être identique, le visage de la femme est toujours le même d’un dessin à l’autre.

Sur le plan théorique, l’utilisation d’un même visage pour l’intégralité des propositions visuelles constitue un élément substantiel de ma recherche. Celui-ci réfère à l’identité féminine, identité qui se rallie à la théorie que Martine Delvaux établit dans Les filles en série : des Barbies aux Pussy Riot. Il s’agit d’une femme aux mille et un corps, une porte-parole, une égérie témoignant d’une nouvelle génération de femmes revendicatrices et déterminées. Dans sa théorie, Delvaux évoque le fait que les femmes ne sont jamais seules dans leur corps, elles sont des dizaines, des milliers. Par ce multiple féminin, j’aime penser la femme comme une armée, une femme qui n’a pas la même force et le même impact critique, seule que toutes réunie. De plus, cette théorie illustre très bien mes images, la présentation d’un seul de mes dessins de femme n’a pas le même impact et surtout ne propose pas la même vision que tous les dessins réunis dans l’installation finale.

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19

2.1.1 Vanessa Beecroft et la sérialité

Cette uniformité des visages fait penser au travail de Vanessa Beecroft. Bien que notre travail n’agit pas dans le même registre et n’a pas les mêmes prétentions, je crois que cette artiste d’origine italienne exploite l’image de la femme de façon similaire. La sérialité est dominante dans son travail tout comme le concept de l’identique.

Vanessa Beecroft a commencé sa carrière d’artiste professionnelle en mettant en scène dans ses performances des femmes aux corps minces et sans formes. Types de corps très prisés dans le domaine de la mode. Bien que sa volonté initiale dans la création de ses performances reflétait un aspect biographique personnel, l’industrie de la mode s’est vite approprié ses images. Il faut savoir que dans ses premières performances, Vanessa Beecroft interrogeait son passé d’anorexique, du temps où elle tenait un journal et dans lequel elle notait tout ce qu’elle mangeait. Elle ne cherchait pas à témoigner de la beauté contrairement à ce que certains critiques affirment, mais plutôt à témoigner, à expérimenter une certaine forme de limite et de résistance. Les participantes c'est-à-dire les performatrices étaient à la base vêtues à même la garde-robe de l’artiste. C’est en raffinant sa démarche et ses performances,

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une fois que le domaine de la mode a mis la main sur son travail qu’elle a continué à nourrir ce lien en acceptant des collaborations avec Louis Vuitton21 ou encore Kanye West. Ces collaborations lui permettaient une grande visibilité et un public n’étant pas restreint aux domaines de l’art et de la performance. Même avec ces affiliations, elle poursuit sa création d’armées de femmes uniformes en étant fidèle à sa démarche initiale et c’est en exploitant une même image, celle de la objet, femme-ornement qu’elle y parvient. Elle pousse ses performeuses dans les limites les plus éloignées de la résistance corporelle.

Elle les pousse à aller jusqu’au bout de ce qui leur a été demandé pour toucher l’extrême limite de ce que leur corps est capable de subir. Beecroft veut voir ce qui surgit quand le corps n’en peut plus, qu’il se fane, quand le rêve pâlit – le rêve d’un devenir-poupée. Les filles de Beecroft sont autant de Marylin Monroe tombées des écrans et debout comme des soldats en rangs, autant de petites filles photographiées à leur insu. 22

Vanessa Beecroft, dans ses performances, explore le corps dans ses limites les plus extrêmes. Elle propose une forme de résistance corporelle à la pression exercée par une société. Miranda Purves définit d’ailleurs le travail de Beecroft comme « […] le

miroir de notre relation torturée avec les mannequins, la mode, la nourriture, la honte et de désir. »23 L’éducation sociale que je mets en relation avec le corps résistant dans mes créations, Vanessa Beecroft semble se l’être appropriée afin de repousser les limites de sa démarche artistique. Ne serait-ce qu’en affublant ses « filles » d’accessoires les plus recherchés et d’escarpins vertigineux et couteux. Elle est pour moi une grande source d’inspiration.

2.2 Les divers corps

La création des corps est une des étapes les plus importantes de mon travail visuel. C’est à ce moment que se définit le côté résistant des femmes présentées, c’est aussi

21 http://www.jewanda-magazine.com/2011/04/alphabet-concept-de-vanessa-beecroft-pour-louis-vuitton/ 22 DELVAUX, Op.cit., P84 23 http://www.elle.com/life-love/society-career/body-of-work-18969

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21

à ce moment que les modifications se créent sur le visage afin de bien agencer les deux parties entre elles. Plusieurs facteurs entrent en jeu lors de cette étape, puisque la résistance présentée ne se trouve pas seulement dans l’apparence corporelle, mais aussi dans l’attitude qui se dégage du

dessin, de la femme. D’où la nécessité de greffer divers éléments à l’image comme une coupe de cheveux, des vêtements, des bijoux, des tatouages, etc. Il arrive aussi que ces éléments aient une signification plus profonde qui demandent de la part du regardeur, certaines connaissances particulières, comme la symbolique reliée à l’histoire de certains éléments présents sur le dessin. Ceux-ci donnent accès à une seconde lecture du l’œuvre. Cependant,

ces connaissances ne sont pas nécessaires à la compréhension globale de la proposition visuelle, il s’agit davantage d’une lecture poussée de l’œuvre qui est présentée aux regardeurs. Par exemple, pour le dessin Je vous emmerde, on perçoit, au premier coup d’œil, une femme tatouée, les majeurs levés qui démontrent une attitude à la fois confiante, arrogante, revendicatrice et contestataire. Ce n’est qu’en portant une attention particulière à ses tatouages, une montre de poche, des fleurs ainsi qu’un crane qu’il est possible de comprendre le second niveau de l’œuvre. Le tatouage possède une symbolique24 qui suggère l’appropriation des vertus et des forces de l’être-objet auquel il s’assimile. Les vertus des pièces tatouées sur ce corps sont fascinantes. Toujours selon la symbolique, la montre de poche représenterait par son centre, l’aspect immobile de l’être, les roses et autres fleurs, quant à elles, supposent la beauté, un accomplissement sans défaut voire une renaissance. Outre l’appropriation des vertus, la symbolique du tatouage propose aussi l’immunisation

24 CHEVALIER & GHEERBRANT, Jean, Alain. Dictionnaire des symboles, mythes, rêves, coutumes,

gestes, formes, figures, couleurs, nombre. Paris, Les éditions Robert Lafint/ Jupiter, 1982, P.929.

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du sujet contre les forces maléfiques des figures tatouées. Le crane encré sur son bras droit protégerait cette femme de la mort ainsi que des effets du temps qui sont représenté par la montre sur sa poitrine.

Finalement, j’ai tenté dans mes dessins d’explorer différentes attitudes propres au nouveau type de femme résistante. C’est dans la conception de ces propositions ainsi que par les divers choix esthétiques que cette série s’est formée pour créer une armée de femme revendicatrice. L’utilisation d’un même visage pour l’intégralité des propositions visuelles s’est avérée être un choix efficace qui témoigne de l’identité féminine et du multiple présent chez la femme.

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23 Et comme toute chose est reliée à toute autre, l’art de la broderie trouve ses racines et sa légitimation dans les mythes, et dans les visions inspirées à ceux et celles qui brodent […]. 25

[…] ni femme perdue, ni femme parfaite, elle est justement dualité des identités et des choix de vie, à la fois crainte et admirée, pouvant être mère, mais pas épouse, ou épouse mais pas mère… La rêveuse de la Femme-Double me semble donner la possibilité d’être une femme aux multiples visages. 26

25

GOYON Marie. Le rêve de la femme-double, être femme et artiste dans les sociétés amérindiennes des plaines. Parcours Anthropologiques, no4, 2004, Revue du CREA, Université Lumière Lyon2, P34 26 GOYON Marie. Op.cit., P37

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25

Chapitre 3

Dans le présent chapitre, il est question des divers procédés employés sur le plan conceptuel et pratique dans l’élaboration de mon installation finale. J’aborderai la question de l’ornementation en expliquant les raisons qui me motivent à utiliser le papier peint et par la suite, j’expliquerai les choix que j’ai faits pour la création des divers corps résistants.

3.1 La femme et l’ornementation

De façon générale, l’ornement est utilisé de façon à enjoliver les choses. Il s’agit selon le dictionnaire Larousse d’un élément agrémentant un ensemble, l’ornement est présent à titre d’accessoire. C’est d’ailleurs de cette façon, sous la forme d’un élément de décor, d’une ornementation que j’ai pensé transmettre l’idée de l’éducation sociale dans mon installation finale. Ce que je souhaite réaliser par ce choix est un renversement des rôles entre la femme et l’éducation sociale qui est établi. « Les filles

en séries sont données depuis toujours comme pure décoration. Elles décorent, elles ont la fonction des accessoires et des bijoux, des frises et autre ornement architectural. 27» Les femmes servent à enjoliver les choses, elles sont

accessoirisassions, parures.

Il n’est pas sans noter que la société tente d’uniformiser l’image des femmes en proposant ses lignes directrices, ses normes et ses critères de beauté. Les égéries, ces femmes choisies par les diverses industries gérant la mode, sont présentées à titre de modèles, d’idéaux de beauté, afin de confiner la femme dans son rôle d’image. Ce sont ces modèles dont les femmes, et par la même occasion les corps résistants

tentent de se défaire depuis plusieurs décennies. Les féministes de 1968 n’ont pas mis le feu qu’aux soutiens-gorge; elles

ont lancé dans une grande poubelle des casseroles, faux cils, talons aiguilles, produits de maquillage, fers à friser et numéro du magazine

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Playboy perçu comme l’agent du proxénétisme culturel. Au final, c’est le devenir-ornement de la femme qu’elles voulaient éliminer, les mille manières de plastifier la femme en la “plastifiant”.28

La société tente de confiner la femme dans un rôle d’ornementation, d’où le questionnement de Nelly Arcand au sujet de l’indissociabilité de la femme et de l’image. En effectuant un renversement de la symbolique soit l’éducation sociale sous forme d’ornement, je propose l’inverse. L’éducation sociale, qui participe à la création de normes en matière de beauté, devient l’objet ornemental devant lequel peut s’épanouir une nouvelle génération de femmes revendicatrices.

Le papier peint est réalisé à partir d’un motif symétrique créé à l’aide d’une image de « Mini Miss ». La « Mini Miss » est une des formes d’apprentissage véhiculé par la société occidentale en matière de beauté, soit le résultat des compétitions destinées aux jeunes filles. Cette image, je la multiplie à l’aide d’un processus sérigraphique, me permettant la création d’un papier peint. Une fois installé, il envahit les murs de la galerie permettant la création d’une atmosphère enveloppante et immersive pour le regardeur. C’est à travers la survisibilité envahissante formée par le papier peint

que j’interroge le concept d’éducation sociale. J’entends par survisibilité le concept de sur visible établi par l’écrivain Michaël Lachance dans le collectif De la

monstruosité : expression des passions29. Pour comprendre cette théorie, il faut d’abord être au fait de la définition de la visibilité. Dans le dictionnaire Larousse, on la définit de la façon suivante : « Qualité de ce qui est visible. Possibilité de voir à

une certaine distance. » Le préfixe « sur » marque l’intensité, en l’occurrence

28

DELVAUX, Martine. Les filles en série : Des Barbies aux Pussy Riot. Montréal, Les éditions Remue-Ménage, 2013, P151

29 Palmieri, Christine. De la monstruosité : expression des passions. Montréal : Les éditions de l’instant même/ Jaune-Fusain, 2000, p.52.

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27

l’intensité de la visibilité. On peut conclure par ces définitions que le concept de survisibilité est une saturation de l’image donnée à voir. Pour Michaël Lachance, la survisibilité est l’excès de visibilité d’une personne et de son image, par exemple, Marylin Monroe serait une personne sur visible. En ce sens, la présence de la « Mini Miss » sous la forme d’un motif répété des centaines de fois est plus que sur visible. Dans la réalisation du papier peint, j’ai opté pour

un choix de couleur neutre et léger afin qu’il n’altère pas les dessins des corps résistants, une fois apposés sur celui-ci. C’est dans une teinte ocre, sur un papier à fusain de couleur crème, que les Mini Miss s’impriment et s’alignent donnant ainsi vie à un ornement mural discret. L’idée derrière cette neutralité des couleurs est fort simple, ce qui est offert au regardeur c’est un

papier peint offrant un motif rappelant vaguement les papiers peints classiques de type victorien. Le motif de petite taille ne permet pas de discerner au premier coup d’œil la nature de celui-ci. Sa couleur pâle demande aux regardeurs de s’en approcher afin de discerner les détails de celui-ci. Ce rapprochement n’est pas sans rappeler l’expérience que Georges Didi-Huberman décrit dans l’essai Phasmes, essais sur

l’apparition. Cette expérience qu’il a vécue lors d’une visite au Jardin des plantes de

Paris, où il a fait la découverte du phasme, cet insecte dont l’apparence physique s’apparente à une branche d’arbre, un morceau de bois. « Tel est le phasme, qui n’est

pourtant pas un fantôme. Regardant son décor, le “fond” vide d’animal, j’ai dû comprendre à un moment – moment où l’incertitude s’effondra, mais avec elle toute la certitude aussi – que la vie de cet animal, le phasme était ce décor et ce fond même. »30 Cette expérience que décrit Didi-Huberman, c’est l’apparition. En se rapportant à l’expérience suggérée au regardeur dans mon installation, il suffit de

30 DIDI-HUBERMAN, Georges. Phasmes : Essais sur l’apparition. Les Éditions de Minuits, collection “Paradoxe”, 1998, P.17

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28

s’approcher et d’identifier l’image de la « Mini Miss » sur le papier peint pour que celle-ci apparaisse nous permettant cependant un retour au motif ornemental en se reculant afin de permettre à l’œil de cesser « le focus » sur l’image. Ce rapprochement permet de mieux percevoir d’autres détails présents dans l’ensemble de l’installation, comme la présence de la broderie et du trait de crayon.

3.1.2 Le choix de la mini miss comme motif ornemental

Les compétitions de beauté visent à mettre l’accent sur l’apparence physique en favorisant un comportement particulier dicté par la société présentant ces événements. Généralement destinés aux adultes, on assiste depuis quelques années déjà, à un phénomène particulier, celui des Mini Miss. La promotion de la beauté chez les Mini Miss se fait dès l’âge de cinq ans. Les fillettes inscrites à ces concours s’entraînent à devenir de parfaites femmes fatales. Ce type de concours vise à faire défiler des enfants, à les juger et à les classer en fonction de leurs apparences physiques et de leur habilité à séduire. Les jeunes filles ne sont plus seulement habillées en princesses comme c’était le cas il y a vingt-cinq ans quand Monsieur Le Parmentier a créé le concours mini miss France. Aujourd’hui, les mini miss sont vêtues, accessoirisées et maquillées comme des femmes fatales, et ce, dans le simple et unique but de plaire aux jurys. Ce phénomène intéresse même certaines chaînes télévisées qui proposent des téléséries comme, « Honey Boo Boo » ou encore « Toddler & Tiaras » qui présentent les Mini Miss, leurs entourages, l’univers dans lequel elles évoluent, le tout sans faire abstraction de la pression exercée sur ces petites filles. En 201331, ces concours ont été critiqués.

Comment se perçoivent ces gamines à travers ces concours? Veut-on, comme société, valoriser le superficiel dès la jeune enfance? Sommes-nous esclaves de ces modèles féminins pourtant remis en question dans l'univers adulte? […] De tels concours renforcent l'obsession généralisée de l'image corporelle, établissant plus ou moins directement un lien entre

31

http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1074825-concours-de-mini-miss-les-petites-filles-ne-sont-pas-des-accessoires-de-mode.html

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jeux de séduction, volonté de plaire et nécessité de consommer. Sexualiser à outrance les plus jeunes est pourtant insensé. 32

C’est que le phénomène d’hypersexualisation chez les enfants est de plus en plus présent, tout comme les troubles d’estime de soi. Les standards en matière de beauté proposée par la société occidentale sont très élevés et les images d’égéries publicitaires vendues comme un idéal à atteindre sont généralement « Photoshopées ». Difficile pour les filles d’être fières de leurs apparences quand tout ce qu’on leur propose comme modèle est irréel.

L’utilisation de cette image présentée de façon symétrique et copier des centaines de fois tend à rappeler ce que la société cherche à inculquer avec ses méthodes d’éducation en matière de beauté destinées aux femmes, c’est-à-dire des copies identiques d’une même matrice.

3.2 La broderie

La broderie est une autre technique d’ornementation utilisée de façon générale sur les textiles. Son arrivée dans les pays occidentaux est due aux invasions musulmanes successives datant des années 711. C’est à partir du Moyen Âge, suite au règne des broderies sacrées encouragées par le roi Louis XIII, que la broderie a connue des années profanes où son utilisation était destinée principalement aux classes de la haute société. La broderie s’est imposée comme un symbole du luxe, et ce, jusqu’au XVIIe siècle. À cette époque la broderie était généralement réservée aux vêtements masculins et elle était utilisée de façon décorative dans la création de tapisserie et autre type d’ornements muraux. Peu à peu, la broderie s’est répandue au domaine des arts et du loisir.

Les premiers modèles, destinés non seulement aux professionnels de la broderie, mais à un plus large public, apparaissent en 1770 dans Lady Magazine. […] C’est le triomphe de “l’ouvrage de dames”. Certes, les résultats sont plus modestes que ceux des professionnels, mais la

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motivation de ces brodeuses est la même : embellir leurs toilettes et leur cadre de vie. 33

À partir de ce moment, la broderie est présente dans toutes les classes de la société, bon nombre de femmes pratiquent la broderie que ce soit à titre récréatif, pour des travaux rémunérés ou encore afin d’ornementer les vêtements de leurs enfants ou d’identifier leur lingerie.

Depuis quelques années, on observe un regain d’intérêt, de la part de l’ensemble du public, pour les ouvrages de dames. Faisant partie des loisirs et non plus des contraintes, ceux-ci répondent avant tout à l’envie de réussir un travail librement choisi dans les pages des revues spécialisées. Si la broderie a longtemps été, en Europe, l’apanage presque exclusif des hommes, elle symbolise aujourd’hui une activité plutôt féminine; elle reste un moyen de faire évoluer le goût en matière de décoration […] 34

Outre la décoration, la broderie entretient des liens étroits avec la mode. C’est Charles Frédéric Worth, précurseur de la haute couture qui a commencé vers la fin des années 1850 à intégrer la broderie dans ses créations vestimentaires destinées à une clientèle huppée. D’autres grands couturiers lui ont emboité le pas et encore aujourd’hui, certains créateurs utilisent cette technique d’ornementation afin d’agrémenter leur collection respective. Je pense entre autres à l’utilisation qu’en fait le styliste et couturier français, Jean-Paul Gaultier pour certaines pièces de sa collection

Spring-Summer Haute Couture 2014.35

La broderie est un élément important dans la composition de mes images. Cette ornementation offre une texture fascinante. J’effectue, dans mes dessins de corps

33

Cicatelli, Annie. “Autour du fil”, encyclopédie des arts textiles, Éditions Fogtdal, Paris, 1989, volume3

34 Cicatelli, Annie. Op.cit.

35 http://nowfashion.com/jean-paul-gaultier-haute-couture-spring-summer-2014-paris-5789

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résistants, certains rehauts en broderie à l’aide de fil à coudre. Avec ceux-ci, j’accentue certaines parties du dessin comme dans Je vous emmerde, dans lequel la broderie se trouve au niveau des roses tatouées sur le corps résistant. Les roses témoignent, comme mentionnées dans le précédent chapitre, d’une beauté, d’un accomplissement sans défaut.

Contrairement aux broderies plus traditionnelles où le fil à broder est employé, j’utilise un fil à coudre simple et délicat. En général, le fil à coudre est utilisé pour rapiécer, l’utilisation du fil à coudre à titre d’ornement dans mon travail agit comme une métaphore subtile au sens où les corps que je crée sont à l’image des femmes résistantes qui se reconstruisent une image, une identité. Elles n’ont rien à voir avec les corps standardisés et encouragés par la société occidentale, comme les égéries publicitaires. L’utilisation du fil à coudre vient aussi témoigner d’un élément présent dans la théorie de Martine Delvaux voulant qu’une fille seule soit plus fragile que toute réunie puisque c’est aussi vrai pour le fil. Un fil seul que l’on étire est beaucoup plus fragile que le fil cousu qui devient solide et presque incassable à main nue. En ce sens, la délicatesse de ce fil me permet, pour certaines pièces, la confection de lignes fines et discrètes, mais aussi de certains aplats selon les techniques utilisées.

La sélection de la couleur rouge foncé que j’ai faite pour les grands dessins a été plutôt simple, je suis attachée à cette couleur que je considère comme forte et féminine. « Le rouge est considéré comme le symbole fondamental du principe de vie,

avec sa force, sa puissance et son éclat […]. Le rouge sombre […] est nocturne, femelle, secret et, à la limite, centripète […] 36» L’utilisation de cette couleur,

jumelée aux diverses zones mises en rehauts, contribue au renforcement symbolique de la résistance corporelle et du nouveau type de femme que je tends à présenter dans ma série.

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Nombreux artistes travaillent la broderie en la jumelant à un autre médium, tels l’estampe, l’art numérique ou encore la sculpture. Je suis d’ailleurs grandement inspirée par le travail de Izziyana Suhaimi37, un artiste contemporain originaire de Singapour. Celui-ci, traite dans sa démarche, de l’effondrement des frontières entre cultures traditionnelles et populaires. Il fait, dans son travail, une utilisation traditionnelle de la broderie, en créant des motifs ornementaux qu’il vient insérer dans ses estampes et dessins. Bien que notre travail soit différent à plusieurs niveaux,

il existe des similitudes dans le traitement de l’image et dans l’utilisation de la broderie utilisée comme rehauts soulevant un questionnement envers certaines formes d’enseignement social. Bien que ses œuvres soient plus élaborées que les miennes sur le plan de la technique, le fondement reste le même.

3.3 Acétate Mylar, format et trait de crayon

Je réalise mes corps résistants sur un support de type Acétate Mylar mat. Il s’agit d’une feuille de cellulose dont la transparence n’est pas complète. Ceci permet une fois, les corps résistants apposés sur le papier peint, de laisser transparaître les mini miss à travers de ceux-ci. Cette transparence n’est qu’une des multiples possibilités que m’offre ce médium. La résistance matérielle de celui-ci est particulière. Contrairement au papier à fusain que j’ai utilisé pour la création du papier peint, l’acétate est difficile à plier et à marquer en plus d’être difficile à déchirer. Sa

37 http://my-bones.tumblr.com/

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33

résistance me permet de broder les rehauts sans que le papier se déchire ou se froisse sous la tension des fils.

J’ai fait le choix, en créant les divers dessins constituant l’installation finale, de ne pas m’arrêter à un format précis de papier. Les images sont retaillées une fois le dessin terminé. Cette technique permet une certaine liberté afin de recadrer de façon adéquate les éléments mis en évidence dans les propositions. Dans l’élaboration de mes dessins, j’ai opté pour différents types cadrages. Par exemple, j’ai utilisé le plan rapproché, pour J’t’une Bitch, puisque c’est dans cette zone que la résistance se trouve. Dans une autre œuvre comme Ouin pis..., j’ai

plutôt réalisé un plan américain qui met en évidence la position du corps. Ces choix entraînent une certaine dynamique dans l’installation finale qui se dévoile au gré des corps présentés, dynamique que le regardeur perçoit une fois au cœur de l’installation.

Mon trait de crayon est fin et tremblant. Souvent je travaille mes lignes par petit « coup », ce qui entraîne une certaine délicatesse dans le résultat final. Je travaille de grands aplats foncés de façon à donner du volume à certaines zones, comme le vêtement dans la pièce Ouin pis.... Je travaille aussi avec les ombres. Elles accentuent la douceur et la richesse présente dans le rendu des images. L’utilisation du crayon de plomb sur l’Acétate Mylar rend le noir grisonnant plutôt que profond. La semi-transparence du papier et la couleur de fond du papier peint teintent légèrement les blancs. En fait, le résultat nous rappelle le rendu photographique d’époque, facture intéressante qui ne permet aucune identification sur le moment de création des

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34

œuvres et qui permet par la même occasion d'interroger l’apparition des corps résistants dans l’histoire.

C’est par l’utilisation de ces diverses techniques que se construit l’installation finale découlant de mes recherches questionnant la relation existante entre l’éducation sociale en matière de beauté et les corps résistants.

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Conclusion

Nous y voilà, il ne reste que trois semaines avant l’exposition Dissidence qui mettra fin à ces deux dernières années de recherches. À ce stade, j’ai une vague idée de la forme que prendra cette exposition finale. Il semble qu’une fois les idées et les théories couchées sur papier, il soit plus simple de créer et de réfléchir des images cohérentes à un corpus précis. Mon cerveau cherche à se remettre en mode production et les idées fusent.

Les journées de retour à la création en atelier sont comptées. Plus qu’une vingtaine de journées durant lesquelles je pourrai coucher les idées sur le papier, où j’enfilerai les aiguilles afin de broder un peu de mon imaginaire sur celui-ci. Des journées où les créations parlent d’elles-mêmes, où, une fois les yeux fermer à réfléchir, les femmes construites un peu plus tôt se lèvent comme une armée prête à tout pour crier le message qu’elles portent. Voilà un bon moment déjà que je ne me suis pas abandonné à la création, que je n’ai pas permis à cette armée de prendre vie, trop occupée à lire, à dompter mes mots, mes idées dans la construction de mon mémoire. En ce moment, alors que je rédige les dernières lignes de celui-ci, je sens un retour au calme s’installer, un drapeau glorieux se hisser dans la bataille, plus question de se battre, les mots sont presque tous fixés. Le but est atteint, retour au camp de base pour recoudre les corps blessés en temps de guerres et pour recruter de nouveaux corps contestataires.

Ces femmes rapiécées qui constituent mon armée sont autant de Martine Delvaux, Nelly Arcand, Lena Dunham, Miléna Babin, Sarah-Maude Beauchesne, etc. qui réfléchissent le monde dans lequel elles évoluent. Autant de femmes qui tendent à une libération des critères esthétiques et de l’éducation sociale qui en découle. Mais au fond est-ce qu’elles en seront capables? Est-ce que les femmes arriveront un jour à se défaire de l’image qui tente de les confiner dans une position d’ornement?

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Bibliographie

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