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Le patrimoine des Avignonnais : la construction du caractère patrimonial de la ville par les habitants

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Academic year: 2021

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(1)UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL. ET. L'UNIVERSITÉ D'AVIGNON ET DES PAYS DE VAUCLUSE. LE PATRIMOINE DES AVIGNONNAIS:. LA CONSTRUCTION DU CARACTÈRE PATRIMONIAL. DE LA VILLE PAR LES HABITANTS. THÈSE. PRÉSENTÉE EN COTUTELLE. COMME EXIGENCE PARTIELLE. DU DOCTORAT EN MUSÉOLOGIE, MÉDIATION, PATRIMOINE. (UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL). ET. DU DOCTORAT EN COMMUNICATION (OPTION MUSÉOLOGIE). (UNIVERSITÉ D'AVIGNON ET DES PAYS DE VAUCLUSE). PAR. ANNE WATREMEZ. 1er DÉCEMBRE 2009.

(2) UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL. Service des bibliothèques. Avertissement. La diffusion de cette thèse se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles supérieurs (SDU-522 - Rév.01-2006). Cette autorisation stipule que «conformément à l'article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l'auteur] concède à l'Université du Québec à Montréal une licence non exclusive d'utilisation et de publication de la totalité ou d'une partie importante de [son] travail de recherche pour des fins pédagogiques et non commerciales. Plus précisément, [l'auteur] autorise l'Université du Québec à Montréal à reproduire, diffuser, prêter, distribuer ou vendre des copies de [son] travail de recherche à des fins non commerciales sur quelque support que ce soit, y compris l'Internet. Cette licence et cette autorisation n'entraînent pas une renonciation de [la] part [de l'auteur] à [ses] droits moraux ni à [ses] droits de propriété intellectuelle. Sauf entente contraire, [l'auteur] conserve la liberté de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.».

(3) Remerciements. À mon directeur de thèse, Jean Davallon, qui m'a toujours soutenue. Disponible, toujours. présent dans les moments clés de la recherche, il a permis que se construise chez moi une. personnalité d'enseignant-chercheur. Merci pour tous ces moments partagés.. À mon codirecteur, Luc Noppen, qui m'a accueilli chaleureusement lors de mon séjour de. trois mois en 2006 à l'UQAM à l'Institut du patrimoine de Québec dans le cadre du. doctorat international conjoint en Muséologie, Médiation et Patrimoine. Je garde un grand. souvenir de mon passage au sein de cerre institution.. Aux membres du jury qui ont accepté d'évaluer ce travail: Michel Rautenberg, Michèle. Gellereau, Emmanuel Ethis, Lucie Morisset, Cécile Tardy.. À toute l'équipe du laboratoire Culture et Communication de J'université d'Avignon et des. Pays de Vaucluse qui, grâce à ses réunions, ses séminaires, ses colloques, ses veilles. scienti fiques a permis à cette recherche de s'épanouir.. Au département Sciences de l'Information et de la Communication de l'Universi té. d'Avignon et des Pays de Vaucluse, particulièrement Emmanuel Ethis et Virginie Spi es, qui. en tant que directeurs de département, m'ont permis d'enseigner pendant cinq ans.. Aux enseignants chercheurs: Emilie FIon, Cécile Tardy, Yves Jeanneret, Daniel Jacobi,. Hana Gottesdiener, Emmanuel Ethis, Virgine Spies, Damien Malinas, Geneviève Landié,. Pierre Louis Suet, Marie-Hélène Poggi, Agnès Devictor.. Un merci particulier à Helena Santos, professeur à l'université de Porto qui a été une de. mes premières lectrices.. Merci à Shayne pour son obstination à améliorer mon anglais.. Aux personnels administratifs sans qui rien ne se fait: Pascale Di Domenico, Bernadette. Boissier, Adèle A Zang, Patrick Liné.. Merci à la région Provence A Ipes Côte d'Azur qui a financé cette recherche pendant 3 ans. dans le cadre d'une bourse doctorale régionale et à la ville d'Avignon pour avoir soutenu. et permis ce financement.. Un grand merci à Roberte Lentsch, directrice du service Patrimoine historique et culturel. de la ville d'Avignon, cetre thèse a permis d'établir une coIJaboration entre les deux. institu tions.. Un merci particulier à la Maison Jean Vilar et à son directeur, Jacques Téphany pour. m'avoir prêté un salon dans cette belle maison afin de mener les entretiens collectifs.. Je remercie les enquêtés qui se sont prêtés aux différents jeux de la recherche et aux. nombreuses heures qu'ils m'ont accordées.. À la première cohorte des doctorantes du doctorat international: Emilie Pamart, Céline. Schall, Maud Cappatti, Amélie Giguère, Marie Lavorel, Marie Elisabeth Laberge et surtout. Soumaya Gharsallah.. Aux doctorants et docteurs qui, par leurs contacts quotidiens permettent une émulation. intellectuelle et amicale très productive, ils sont devenus des amis au fil de ces années:. Emilie Fion, Gaëlle Lesaffre, Bessem El Fallah, Emilie Pamart, Céline Schall, Stephane. Dufour, Maud Cappatti, Michael Bourgatte, Tanguy Cornu, Fanchon Deflaux, Olivier. - 5­.

(4) Lefalher, Cheikhouna Seye, Camille Jutant, Hécate Vergopoulos, Mylène Costes, Juliette Dalbavie, Valérie Vitalbo, Damien Malinas, Johanne Tremblay, Caroline Suffoni, Camille Moulinier. Un grand merci à Gaëlle Lesaffre pour avoir pris, sur son temps précieux, un moment pour relire la thèse. À ma famille et belle famille qui nous ont soutenus dans cet effort de longue haleine, dans ce marathon intellectuel. Merci aux parents, beaux parents, sœurs, belle sœur, beaux frères, neveux, nièces, filleuls, cousins, cousines.. À mes amis français, danois, brésilien: Cécile et Erwan, Marianne, Irène et Olivier, DaniJo, Mads et Linda, Eric Enfin Merci à Mathieu qui m'a poussée à faire de la recherche, qui m'a suivie à Avignon et m'a toujours fait confiance. Dans les meilleurs comme dans les moments difficiles il a toujours été là, parfois sans parler, juste à mes côtés.. - 6­.

(5) LE PATRIMOINE DES AVIGNONNAIS : LA CONSTRUCTION DU CARACTÈRE PATRIMONIAL DE LA VILLE PAR SES HABITANTS. Sommaire Remerciements. -5­ - Il ­. Introduction. Première partie. Comment comprendre le rapport des habitants d'une ville à ce qu'ils considèrent cmme leur patrimoine? ....... - 23 ­ Chapitre 1 : Les savoirs sur le patrimoine urbain: des approches pluridisciplinaires en sciences sociales - 27 ­ Chapitre 2 : Le patrimoine urbain d'Avignon du point de vue de l'institution patrimoniale. - 61 -. Chapitre 3 : La nécessité de penser le rapport au patrimoine en situation, l'espace urbain. dans - 97 ­. Chapitre 4 : Le processus de compréhension du rapport des habitants à patrimoine. L'analyse sémiodiscursive des corpus. leur - 139 ­. Conclusion partie 1. - 163 ­. Deuxième partie. Les trois opérations de construction de sens pour comprendre le rapport des Avignonnais à leur patrimoine... - 167 ­ Chapitre 5 : Qualifier le patrimoine ou l'ensemble des attributions. patrimoniales .. - 171. Chapitre 6 : Vivre le patrimoine ou l'ensemble des pratiques et relations patrimoniales. - 203 ­. Chapitre 7 : Partager le patrimoine ou la constitution d'un discours amateur ........................................................................................- 237 ­. Conclusion générale. La patrimonialité comme modalité de compréhension du caractère patrimonial de la ville par les habitants. - 259 ­. Orientation bibliographique. - 269­. Table des matières. - 285 ­. Annexes. - 289 ­. - 9­.

(6) Introduction. Introduction. Depuis mon mémOIre de maîtrise, le caractère patrimonial des villes m'a roujours intéressée. D'abord en étudiant les phénomènes de patrimonialisation dans le cadre de la mise en place d'un centre de ressources et de formation du patrimoine pour le secteur sauvegardé de Nîmes; le patrimoine étant ici abordé en tant que médiation entre la municipalité, les professionnels et les habitants d'une vilJe patrimoniale (il s'agissait de travailler à la préfiguration du Centre d'Interprétation de l'Architecture et du Patrimoine de Nîmes dans le cadre du label Ville et Pays d'an et d'Hisroire). Puis, pendant mon année de DEA (2003), s'affirme l'idée de la place primordiale de l'habitant dans la construction d'un regard patrimoniaJ en ville, place trop souvent reléguée au second plan, derrière celle du rouriste à valeur économique ajoutée. Mon étude, cette année-là, s'est portée sur « le public de proximité» d'un équipement culturel, le Carré d'Art (médiathèque et musée d'art contemporain de Nîmes) construit au cœur du centre historique de la ville. Des entretiens ont été menés avec le public de proximité de cet espace public, habitants et pratiquants de la ville. L'enquête a été réalisée à l'occasion des dix ans du Carré d'art. Rejeté dans un premier temps par une majorité des Nîmois en tant qu'établissement culturel imposé par un maire, mais Surtout parce qu'il a été à l'origine d'émotions patrimoniales fortes, le Carré d'Art fait aujourd'hui consensus auprès des habitants de Nîmes. Il s'est imposé en une vingtaine d'années (entre la présentation du projet au milieu des années quatre-vingt et son inauguration en 1993) pour devenir un lieu approprié, intégré, habité dans la vie quotidienne des Nîmois. Ce lieu ne se pratique pas uniquement pour ses fonctions (musée, bibliothèque, restaurant, parvis) mais son existence même, le fait qu'il soit là, la possibilité de le voir et de le pratiquer dans les parcours de la vie ordinaire, en fait un lieu de patrimoine. Il nous semble important de revenir en quelques lignes sur l'origine de ce projet culturel pour montrer les prémisses de la recherche actuelle. Le Carré d'Art fut dès le début une source de polémique pour les habitants: deux camps, les « pour» et les « contre », se sont affrontés. Il est affublé de l'injure de «chiottes de Bousquet », le maire de l'époque, dans les di fférentes manifestations qui deviennent médiatiques. Pourquoi tant de réactions patrimoniales à propos de ce nouveau lieu? Principalement parce que le Carré d'Art s'est construit sur l'emplacement de la mémoire collective de la ville gui se décline en plusieurs. ·11·.

(7) 1nlrodtlc/ion. temps fortS: la présence des différents lieux de cultes dont le dernier est la Maison Carrée (temple romain du. I. Cf. siècle ap J-c., dédié aux petits enfants de l'empereur Auguste) ; cœur. de la cité antique par la présence de la Curie et du Forum et surtout, c'est sur ce même lieu que les Nîmois du. X1X. e. siècle ont installé « leur nouvelle célébration collective et magique:. l'opérai ». De cet ancien opéra-théâtre municipal, brûlé en 1952, il ne reste que la colonnade de style ionique inscrite à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques. Celle-ci est un véritable symbole pour les Nîmois au point que certains, un ministre même, s'enchaînent à la colonnade pour empêcher son déplacement nécessaire au démarrage des travaux du Carré d'Art. Ce CJui suscite l'émotion relève donc de trois ordres. Premièrement la disparition, par le déplacement, de ce symbole de l'identité de Nîmes et d'une vie de quartier qui disparaît. Deuxièmement le fait du prince qui outrepasse l'avis de l'État à propos d'un monument historique: en effet, le maire, après avis défavorable de la commission régionale des Monuments Historiques, déplaça la colonnade pour l'instaUer sur l'aire d'autoroute de Caissargues (encore visible aujourd'hui). Il ya une transgression de la valeur morale du monument historique qui indigne. Le projet Carré d'Art devient au fur et à mesure un enjeu politique et municipal. Troisièmement, le non-respect de la continuité. avec le caractère antique du site, l'hyper modernité du Carré d'Art qui dérange, l'utilisation du fer et du verre comme principaux matériaux de construction et non de la pierre, matériau noble de la colonnade, la pierre étant considérée comme le matériau des monuments anciens. En filigrane, apparaissent certaines idées qui sont au cœur de la thèse: la première est de considérer que la pratique quotidienne, ceUe que l'on effectue tous les jours dans le cadre d'une activité citadine, a une influence dans la perception et la construction du rapport à la culture, du rapport au patrimoine. Le point commun liminaire à ces premières réflexions est la prise en compte de la dimension dynamique de la ville pour aborder le patrimoine et l'intérêt apporté aux habitants. La deuxième est la volonté d'aborder le patrimoine dans sa CJuotidienneté, il ne prend sens qu'au regard de ceux qui. le reçoivent (ses voisins, ses visiteurs, ses habitants). Pour ceux qui l'habitent ou le visitent, le patrimoine est un objer de pensée, d'affection ou d'aversion; il ne cesse d'être un événement (Fabre, 2000). Il n'est plus un simple témoin immobile de l'histoire mais la source d'événements, d'émotions collectives, de controverses, voire de révoltes. La dimension sensible est ainsi un aspect du patrimoine qui existe du côté des habitants et qu'il est intéressant d'étudier. ) Expression de Christian Liger, adjoint il la culture du maire de l'époque,Jean Bousquet.. -12 ­.

(8) 1nlrodt/clion. L'objet de recherche: penser le rapporl au patnmoine des habitants d'une ville à parlir de leurs pratiques.. En France, les recherches sur le patrlmome souffrent encore trop d'une division du monde académique, conduisant le plus souvent à penser le patrimoine à travers les différents intérêts des disciplines concernées par son analyse. Terre des historiens et historiens de l'art, puis des ethnologues et sociologues, des géographes et des économistes, enfin des sémiologues, le patrimoine est ramené à des « grilles de compréhension conceptuelles qui ont permis de caractériser le fait patrimonial en fonction des différents concepts préalablement forgés au sein des disciplines académiques >/. Si la thèse s'inscrit dans une discipline tout aussi marquée, les Sciences de l'Information et de la Communication, si elle souhaite poursuivre, en les renouvelant, les approches communicationnelles du patrimoine en l'étudiant dans un contexte et un rapport particuliers 0a ville et ses habitants dans leur attitude ordinaire de pratiquants), elle veut prendre en compte un ensemble de phénomènes qui sont habituellement considérés de manière isolée: la productivité de la parole des habitants, la performativité des pratiques citadines dans la construction de représentations, l'existence simultanée de représentations expLcites et implicites qu'on a du patrimoine. Elle souhaite utiliser des méthodes propices à la découverte de ces différentes dimensions. Issues de la sociologie urbaine et de l'ethnométhodologie, elles ne sont pas nouvelles en soi mais sont appliquées ici à la compréhension de la relation entre l'habitant et le patrimoine de sa ville. Des recherches ont déjà étudié le patrimoine des viJles, celui qu'on appelle patrimoine urbain. Celui-ci implique l'idée de conservation, de préservation, de restauration du cadre bâti dans lequel vivent des gens. Il est celui des professionnels, des spécialistes du patrimoine qui construisent une image de la ville à fort capital symbolique à la fois pour les habitants (le bien vivre) et pour les touristes (le bien visiter). Le patrimoine urbain a subi lui-même des évolutions dans son acception: on est passé du simple monument isolé au paysage urbain (avec les secteurs sauvegardés et les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager). Aujourd'hui il a un. rôle dans. le. devenir de. l'environnement, et il se doit de faire co-exister des constructions neuves et des bâtiments anciens. Il regroupe ainsi des politiques du patrimoine et des pratiques d'aménagements Exrrait d'un appel à communication pour le colloque inrernational « Parrimoine culture et désirs de territoires: vers quels développemenr)", Nîmes, les 25, 26, 27 février 2010. Il pose ce quesrionnemenr comme posrular d'une démarche pluridisciplinaire pour érudier le parrimoine. 2. - 13­.

(9) Introduction. participant à la production d'une identité du point de vue des professionnels à l'aide de différentes stratégies de patrimonialisation basées sur du savoir scientifique (ce qu'on a appelé cognitif). Cette identité est à la fois interne, à destination des habitants, et externe, à destination des touristes. Quelle est la place des habitants dans ce patrimoine urbain) Ils participent de plus en plus à la construction d'une identité mais leur rôle ne va pas de soi puisque les concertations avec la population locale n'ont vraiment été sollicitées qu'au début de la réflexion sur le patrimoine urbain Oes années soixante). Elles se sont imposées à la suite des différents échecs de planification urbaine et sont devenues aujourd'hui indispensables et chose courante. Les chercheurs se sont d'ailleurs intéressés aux relations entre les habitants et les décideurs: Ledrut (1973), Boudin (1984), Lamy (1996), Lussault (1997), Loyer (2000), Noppen et Morisset (2004), Drouin (2005)... Ainsi, la dernière décennie engage le patrimoine, devenu pluriel, sur la voie d'un nouveau rapport, plus décentralisé et plus sociologique, entre administrations, élus locaux et habitants (Lamy, 1996). Le patrimoine n'est plus l'apanage de l'Étal, il est de plus en plus un outil utilisé par les acteurs locaux. Les politiques publiques ne se contentent plus de réhabiliter et de valoriser, elles associent les citadins aux procédures de « requalification de leurs lieux de vie» (Rautenberg, 2003). Les stratégies de communication et la patrimonialisation élaborées par les acteurs du patrimoine urbain trouvent-elles un écho auprès de ce public qui vit la. ville au quotidien? Surtout, les objets patrimoniaux diffusés à travers elles, ce qu'on appelle aussi le patrimoine officiel, correspondent-ils aux objets patrimoniaux investis, pratiqués et représentés par ces habitants? Selon nous, la notion de patrimoine urbain s'intéresse uniquement aux objets qui le constituent et aux processus de patrimonialisation de ses objets patrimoniaux issus de savoirs scientifiques et cognitifs. On ne sait pas comment, concrètement, les habitants construisent une relation, un rapport à ce qu'ils considèrent comme leur patrimoine dans la ville. La recherche souhaite questionner ce rapport, trouver les méthodes pour le révéler et élaborer des analyses pour en comprendre la construction de sens. Comment les habitants considèrent des éléments de la ville comme ayant un caractère patrimonial) Un habitant est avant tout un pratiquant de la viUe, la pratique qu'il a est donc un des éléments essentiels dans la compréhension du rapport au patrimoine. Les pratiques vécues des habitants de la ville, étudiées depuis des années en anthropologie urbaine, sont recadrées ici dans une réflexion sur le patrimoine qui permet de s'interroger sur le lien entre les habitants et leur patrimoine. Ainsi, les spécificités de la ville qu'il faudra définir, rénovent nos savoirs sur le patrimoine. Elle est avant tout un espace dense de signes qui est pratiquée au quotidien par. ·14 ­.

(10) Introduction. des habitants l'arpentant tous les jours à pied, en voiture, en bus, à vélo. Cette pratique dynamique de la ville « désémantise » et « resémantise » la relation à son espace formel. L'hypothèse sous jacente pour répondre à la question est la nécessité de passer par une mise en discours de la pratique de la ville par les habitants in situ. Au-delà de ce premier questionnement central, un second apparaît en fiJigrane : la pratique de l'espace urbain a-t­ elle une influence sur la construction des représentations que l'on a du patrimoine? Autrement dit, comment l'habitant qui pratique sa ville renouvelle-t-il, par cette pratique même, son rapport au patrimoine. ~. Le choix du terrain s'est imposé naturellement pour deux ralsons: la première est d'ordre pratique puisque le financement de la recherche pendant les trois premières années imposait d'étudier une ville dans la région Provence Alpes Côte d'Azur. La seconde est liée à la question de recherche: comprendre l'ensemble des relations d'ordre patrimonial qui se tissent entre la ville et ses habitants est une opération complexe puisgue ces relations ne sont pas visibles et lisibles: il s'agit de les faire apparaître. Le choix d'un terrain fort, c'est-à­ dire une ville à caractère patrimonial diversifié, nous a semblé judicieux afin de faire ressortir ces relations ténues et impalpables. La ville étudiée, Avignon, en tant que ville culturelle et touristique, est traversée par de nombreux discours de médiatisation qui donnent à voir son patrimoine. Elle possède un caractère patrimonial ainsi gu'une personnalité spatiale forte qui ont des conséquences dans les différentes pratiques de la ville parce qu'iJs font partie intégrante de son identi[é urbaine. Ils permettent de mieux « faire ressortir» ou « attraper» cet ensemble de relations gui n'est pas visible a priori. Nous cherchons donc à travers l'exemple de la ville d'Avignon à expliquer un phénomène large gui peut exister dans d'autres villes parrimoniales ou non.. Le choix de méthodes qualitatives en situation. La. thèse. s'inscrit dans des. recherches selon lesquelJes le. parrimoine et la. patrimonialisation sont considérés comme des processus symboliques. Le processus de patrimonialisation, en tant que phénomène social, y est alors entendu comme un ensemble de pratiques, discursives et non discursives, vérifiant ainsi la fin de la division rappelée par Roger Chartier:. -15 ­.

(11) 1nlrodllcfion. « entre d'un côté, le vécu, les institutions, les rapports de domination, et, de. l'autre, les textes, les représentations, les constructions intellectuelles. Le réel ne pèse pas plus d'un côté que de l'autre» (Chartier, 1998 : 143, cité par Tardy, 2003 : 124). Du coup, la patrimoniaJjsation est abordée par les discours classés non en fonction de celui qui parle ou de la connaissance des faits mais, à l'instar du travail de Dérèze, en fonction de la quaJjté de la relation sociale des discours instaurée entre l'habitant-acteur et le chercheur. Les premiers sont appelés discours circulants car ils courent dans la vie ordinaire des gens, les seconds cliscours provoqués car ils SOnt stimulés, encouragés, imposés par le chercheur qui incite les acteurs sociaux à « faire part» ou à raconter l'autre. La recherche s'est déroulée en trois moments qui ont produit trois types de corpus: Le premier moment est la confirmation que les citadins développent bien un rapport spécifique au patrimoine. Cette relation a été repérée grâce aux entretiens exploratoires menés auprès d'une vingtaine d'habitants choisis de manière aléatoire (de mai 2004 à décembre 2006). Il Ya bien, à côté du patrimoine urbain officiel construit à partir de savoirs cognitifs et reposant sur certains objets patrimoniaux, une autre manière de penser le patrimoine, qualifié et pratiqué selon les logiques propres à l'habitant et tenant compte des spécificités de la ville. Celui-ci est vécu et son caractère sensible est très marqué. Cette première enquête, outre le fait d'avoir produit du discours, a permis également de produire des cartes mentales auprès d'une dizaine de ces habitants interrogés. Elles permettent d'identifier les objets patrimoniaux du patrimoine officiel intégrés chez les habitants et qui leur servent à se repérer dans J'espace. Les entretiens ont été menés soit à domicile, soit sur le lieu de travail soit dans un jardin public. Or, dans ce cadre-là, une des caractéristiques de l'habiter, la mobilité, était oubliée. Il nous a donc semblé indispensable, dans un second moment, d'une part de faire parler et marcher les enquêtés dans l'espace de la ville afin de se retrouver en situation d'habitants, et d'autre part de permettre à l'enquêté de montrer et de décrire les lieux sur lesquels se construit une relation au patrimoine. Le second corpus est donc constitué d'entretiens itinérants réalisés auprès de vingt enquêtés (de mars 2007 à juillet 2008), différents des vingt premiers constituants l'enquête exploratoire. Le choix de ne pas réinterroger les mêmes personnes (sauf une) se justifie par notre volonté de multiplier les lieux sur lesquels s'établit une relation. Appelé aussi dispositif méthodologique de narration, l'entretien itinérant constitue une mise en discours et en regard de la ville par l'habitant, in situ. Ce premier dispositif dessine la ville patrimoniale des enquêtés. Le. -16 ­.

(12) 1ntrodtlction. caractère immersif des entretiens itinérants permet de souligner une fois encore la dimension sensible du patrimoine considéré du point de vue des habitants. Ce deuxième corpus permet également de comprendre que le patrimoine des Avignonnais se construit à partir de tout un ensemble d'éléments: la pratique - passée et actuelle - de la ville, les phénomènes de remémoration, des conceptions du patrimoine bien élaborées, des modalités d'usage sur des lieux développées au fil des années, des manières de ressentir l'espace urbain ... Enfin ce corpus permet de repérer l'ensemble des qualifications que l'enquêté attribue aux lieux appartenant à son patrimoine. Le troisième moment est un ajustement méthodologique: lors des entretiens itinérants, certaines données, certains lieux avaient gardé un caractère flou, implicite. Il fallait donc revoir les enquêtés pour préciser et détailler les caractéristiques qui constituent la relation qu'ils ont avec leur parrimoine : la manière dont ils ressentent l'espace, ont des pratiques et parlent de représentations. Mais il s'agit aussi de pouvoir préciser et analyser plus finement ce qui avait été dit en entretiens itinérants. Ce dispositif a permis de comprendre que le rapport au patrimoine se construit aussi collectivement et de façon différente que le tête à tête enquêteur/enquêté. Surtout, le fait urbain et l'habiter ont comme caractéristique d'être collectif. La ville est certes constituée d'individus mais ils ne SOnt pas isolés, il fallait donc construire un dispositif qui puisse faire parler collectivement les enquêtés de la chose patrimoniale. Ce troisième dispositif, les entretiens collectifs, a été réalisé en février 2009. Trois groupes Ont été constitués de manière aléatoire, sachant que seulement treize enquêtés sur les vingt ont pu ou voulu participer aux rencontres. Dans ce cadre là, ce ne sont plus les lieux et leurs modalités d'existence qui sont au centre des discours mais plutôt un retour réflexif des acteurs sur leurs propres discours et sur les propositions du chercheur.. Les méthodes qualitatives à l'œuvre dans le travail ne sont pas nouvelles, mais elles sont appliquées de manière inédite à notre objet de recherche. Les méthodes utilisées peuvent relever du « bricolage », nous préférons parler de progression de différents dispositifs, effectuée grâce aux allers-retours terrain/questionnement, qui ont permis d'aboutir à une méthode efficiente. Ce serait ainsi la non-stabiüté et la non-fiabilité de l'outil qui pourrait nous être reprochée. Or, dès le départ l'ambition était de tester la portée heuristique des différents outils dans un contexte particuüer, la ville, dans le but de répondre à la question de recherche. Concernant la vaüdité des analyses et des interprétations, on peut se demander en quoi la co-construction chercheur/enquêté. -17­.

(13) In/FOrlI/clion. constitutive des clispositifs méthodologiques de narration peut les mettre en doute? On sait bien que l'objectivité n'est pas un but en soi et que la tentative de neutralisation est illusoire, d'autant plus que nous sommes nous-même habitante de la ville avec nos trajets quoticliens, nos lieux de patrimoine, etc. Le préalable méthodologique est que toute sollicitation exerce des effets sur les enquêtés et leurs discours. Ce qui peut être qualifié de biais, inévitable et évident, doit être compensé par une standardisation de la consigne, de l'amorce et de l'analyse. L'influence est alors toujours la même et, donc neutralisée.. Pour une analYse sémiodiscursive des corpus. Pour l'ensemble des analyses développées à partir des corpus, il s'agit d'explorer le processus de construction de sens de la relation des habitants à propos de ce qu'ils considèrent comme leur patrimoine. Les enquêtés sont placés d'une part en situation pour parler de leur rapport au patrimoine et d'autre part de discuter de leur propre cliscours sur ce rapport. C'est pourquoi nous parlons d'une analyse sémiodiscursive des corpus, c'est-à­ dire qu'on cherche à comprendre la signification du rapport au patrimoine d'un point de vue sémiotique en étudiant les discours qui le construisent. Les corpus sont considérés dans leur ensemble. Tout au long de la thèse, les analyses fonctionnent sur deux niveaux: une analyse de contenu permettant de repérer d'une part l'ensemble de lieux sur lesquels la relation se construit, d'autre part l'ensemble des qualifications à l'œuvre. Ensuite une analyse sémiotique, qui étudie la manière dont le sens de ces relations au patrimoine se construit. Pour cela nous postulons que la compréhension de la signification de celles-ci s'effectue à partir de différentes opérations de construction de sens, empilées dans les corpus, et dépliées pour les étudier séparément.. La thèse est constituée de deux parties. La première est la construcrion théorique et méthodologique de l'objet étudié, le rapport des habitants à ce qu'ils considèrent comme le patrimoine de leur ville. Une fois l'objectif de la recherche présenté, les méthodes et les outils d'analyses produits sont détaillés. La deuxième partie constitue la présentation des résultats des analyses issus des corpus, construits sur les trois opérations de sens identifiées: qualifier, facrualiser, légiférer le rapport au patrimoine. Des exrraits d'entretiens. -18 ­.

(14) lntroducliotl. illustrent en permanence l'argumentation, ils sont indiqués en italique. Enfin la conclusion propose de synthétiser l'ensemble des analyses produites et de montrer les apports théoriques et méthodologiques de la thèse dans le cadre d'une recherche en Sciences de l'Information et de la Commllllication.. -19 ­.

(15) Première partie : Comment comprendre le rapport des habitants d'une ville à ce qu'ils comme leur patrimoine?. Les savoirs sur le patrimoine urbain: des approches pluridisciplinaires en sciences sociales. Le patrimoine urbain d'Avignon du point de vue de l'institution patrimoniale. La nécessité de penser le rapport au patrimoine en situation dans l'espace urbain. Le processus de compréhension du rapport des habitants à leur patrimoine: l'analyse sémiodiscursive des corpus. - 21 ­.

(16) Comment comprendre le rapport des habitants d'une ville à ce qu'ils considèrent comme leur patrimoine?. La première partie correspond à la construction théorique et méthodologique de la thèse. La recherche étudie le patrimoine dans un environnement particulier, la vilJe. Cette dernière est devenue le lieu par excellence de fabrication du patrimoine (Rautenberg, 2003). Il Y a donc nécessité à prendre en considération les spécificités à la fois de la ville et du patrimoine. Nous envisageons, d'une part la ville selon les différentes approches pluridisciplinaires théoriques et méthodologiques issues des sciences sociales, d'autre part le patrimoine par le biais de ses acteurs, qu'ils soient institutions patrimoniales ou habitants, mais produisant des discours sur le patrimoine. En ce sens, le patrimoine est considéré comme un fait communicationnel. Comment peut-on aborder le patrimoine dans ce contexte urbain> La première approche, connue, développe la notion de patrimoine urbain se situant du côté des producteurs de la ville, de l'institution patrimoniale: par la documentation, le diagnostic, la recherche, la planification, ce sont les élus municipaux, les architectes, les urbanistes qui le façonnent en fonction de savoirs cognitifs construits au fil des années (premier chapitre).. Le patrimoine et la ville sont issus d'un long processus de réflexion de la part des chercheurs en sciences sociales. Nous discutons alors les différents courants de l'analyse de la ville d'une part, et du fait patrimonial dans la société d'autre part. Les acteurs du patrimoine urbain d'Avignon produisent des discours à propos d'objets patrimoniaux clairement identifiés venant d'une patrimonialisation de la ville liée à sa physionomie et issue d'un long processus historique et politique (deuxième chapitre). La deuxième approche, moins connue, est celle portant sur les habitants, basée sur leur vécu, c'est-à-dire la manière dont ûs vivent et ressentent l'espace urbain, leurs pratiques et leurs représentations. Nous connaissons mal ce qui se passe concrètement entre les habitants et leur patrimoine, plus précisément comment se construit le caractère patrimonial de la ville, ou la manière dont les citadins engagent des relations avec l'espace. - 23­.

(17) de leur viUe. L'objet de la recherche est alors la compréhension de la construction du rapport entre les habitants et leur patrimoine à partir de l'espace urbain et selon leurs propres. modalités. d'existence. et. de. compréhension. (troisième. chapitre).. Ce. questionnement impose d'employer une méthode de recueil des données qualitative qui prenne en compte les spécificités de l'environnement et des acteurs qui produisent ce patrimoine. Enfin, la posture d'analyse mise en place pour comprendre la construction du rapport des habitants à leur patrimoine est appelée sémiodiscursive puisque l'analyse sémiotique se fait à partir des discours produits par les habitants en situation (quatrième chapitre).. - 24­.

(18) Chapitre 1 Les savoirs sur le patrimoine urbain: des approches pluridisciplinaires en sciences sociales. 1.1. 1.2. 1.3.. Comment les chercheurs abordent-ils la ville? La construction historique du patrimoine urbain. La construction communicationnelle et symbolique du patrimoine. - 25­.

(19) Les savoirs sJ/r le patrimoine IIrbain : des approches pllllidisciplinaires en sciences sociales. Chapitre 1. Les savoirs sur le patrimoine urbain: des approches. pluridisciplinaires en sciences sociales. Le patrimoine urbain est fortement présent dans la ville, plus particulièrement dans les vilJes composées d'un centre historique. On doit savoir comment les chercheurs issus des sciences sociales ont abordé à la fois la cité et le patrimoine en tant qu'objets pluridisciplinaires. Trois dimensions de la viUe nous intéressent particulièrement et que nous retrouverons tout au long de la thèse: l'espace, les discours et les images de la ville. Par ailleurs, le patrimoine urbain se situe, selon nous, du côté des producteurs spécialistes qui ont élaboré un ensemble de connaissances sur la ville et la manière de la préserver qui doit aussi être repéré. Les savoirs historiques élaborés au cours des deux derniers siècles, et sociaux, constituent un terreau commun à propos du patrimoine qui circule dans l'espace public. Les habitants utilisent eux-mêmes ces références communes et Avignon est l'iUustration de l'ensemble de ces questionnements. Tous ces savOIrs Ont contribué à l'institutionnalisation du patrimoine urbain où l'État est le garant à la fois de la conservation et de la planification urbaine.. 1.1.. Comment les chercheurs abordent-ils la ville?. La ville dans laquelle la thèse s'effectue est une ville européenne occidentale dont on peut tracer des caractéristiques communes, une forme générale: un centre-viIJe historique le plus souvent piétonnier, des quartiers dits commerçants, celui des monuments historiques, des places disséminées sur l'espace urbain, des espaces verts et jardins publics, et des quartiers spécifiques (de cinémas, de théâtres, de magasin chics, de résidences ... ). Cette organisation de sites spécifiques est reliée par des artères et des moyens de. - 27­.

(20) Comment comprend" le rupport des habitants d'une ville à ce qn'ils considèrent COll1111e Imr patrill10ine ?. communication. La morphologie d'Avignon a une importance capitale dans la thèse puisqu'elle s'inscrit dans ce schéma tout en l'exacerbant. La ville est un lieu d'habitation « presque» normal pUJsque les trois quarts de la population française y résident. Le caractère déterminant de la réflexion sur la ville n'est donc pas à démontrer puisque tout est urbain. La ville a toujours été un objet d'étude complexe et riche, abordée par différentes disciplines, écoles et approches. Plusieurs courants. épistémologiques. structuraliste. et. peuvent être dégagés. fonctionnaliste,. la. géographie. dans son béhavioriste,. étude: la. la géographie géographie. des. représentations. La première considère la ville dans une perspective d'occupations du territoire, en quête de la stlucture invariante. La seconde est un retour à la perception du lieu, elle dégage dans un milieu urbain non seulement la perception, les attitudes ou les comportements mais surtout les liens entre l'espace et l'ensemble de ces phénomènes (Bailly, 1977). Elle aboutit à la sociologie de la perception urbaine. La troisième traite de l'espace et de ses représentations mentales. Selon Piaget « la représentation consiste soit à évoquer des objets en leur absence, soit lorsqu'elle double leur perception en leur présence,. à compléter la connaissance perceptive en se référant à d'autres objets non actuellement perçus» (piaget cité par Bailly, 1977: 5-6). Dans cette géographie des représentations, l'environnementalisme essaye de comprendre l'organisation sociale comme produit de l'environnement; la géographie régionale cherche à interpréter le vécu des habitants (il s'agit d'une géographie subjective qui appartient à un courant plus large, la géographie culturelle) ; enfin la géographie phénoménologique intègre les approches psychologiques dans les recherches sur la satisfaction spatiale. Elle s'interroge sur le vécu spatial des individus afin de révéler leurs tensions, leurs désirs et l'intériorisation de leur vécu. Longtemps, les analyses de la viUe ont été soit centrées sur les populations, soit sur les espaces, l'important étant alors de s'interroger sur les modes d'articulation en tre ces deux aspects du monde urbain. L'étude de l'espace urbain a longtemps été traitée selon deux perspectives: la perspective architecturale (étude des qualités formelles de l'espace, de la construction matérielle du cadre bati) et la perspective sociologique (étude des modes de vie citadins). Depuis une décennie émergent de nouvelles perspectives théoriques. En effet, l'étude de l'espace urbain procède d'une démarche plus localisée où le caractère situé des phénomènes est observé. De même le citadin est considéré comme ayant des ressources et des compétences, il est coproducteur de l'espace. Enfin, une place importante est désormais accordée aux apportS de la phénoménologie. L'espace urbain est pensé à partir de quelqu'un, donc à partir du point de vue de ceux qui s'y déplacent, y agissent, y parlent.. - 28­.

(21) Les savoirs S/lr le patrimoine urbain: des approches pluridisciplinaires en sciences sociales. L'étude de l'espace urbain emprunte notamment les concepts et les théories de la psychologie de la perception (Hall, 1971), de la sémiologie, de l'esthétique, de l'éthologie, de l'anthropologie et de la sociologie.. La question de la perception au sein des espaces urbains publics, qui nous intéresse particulièrement, est engagée dès le début du xx' siècle avec l'écologie urbaine de l'école de Chicago qui fait de la ville le cadre d'une vie sociale en mouvement. Plus particulièrement, Robert Park définit la ville en 1910 comme « llne société de passants». Cette définition ethnologique, en rupture avec les approches structuralistes, considère la vilJe comme un laboratoire permettant d'observer le changement social car elle amplifie et affiche les manifestations les plus variées de la nature humaine. L'écologie urbaine est définie par Mac Kenzie comme « l'étude des relations spatiales et temporelles des êtres humains en tant. qu'affectées par des facteurs de sélection, de distribution et d'adaptation liés. à l'environement» (Grafmeyer&)oseph 3 , 1990: 150). En considérant la ville comme un ensemble d'aires culturelles naturelles, J'approche écologique de l'École de Chicago met en relaeion les mobilités et les caractéristiques des groupes spatiaux qui s'établissent dans ces aires avec le processus de transformation de l'espace urbain. La ville est alors explorée du point de vue de sa constitution physique (ses quartiers, ses rues) et du point de vue de divers eypes de citadins: l'étranger, le SDF. (home/ess), le vagabond ... Ce[[e dernière approche est inspirée des travaux de Georg Simmel qui se focalise sur les attitudes et personnalités citadines. L'idée de personnalité urbaine, on dit aujourd'hui urbanité, est définie en 1938 par Louis Wirth dans Urbanism as a way of life4 Olivier Chadoin synthétise comme suit: « (1) les relations sociales en milieu urbain tendent à être anonymes, superficielles et éphémères; (2) par opposition aux liens interpersonnels qui unissent étroitement les membres du groupe primaire de rype villageois, les citadins. emretiennent entre. eux. des. relations. sociales. segmentées,. transitoires et empreintes d'utilitarisme qui n'engagent gue partieJJement les personnes; (3) l'individu est pris dans un système complexe de rôles et d'alJégeances. multiples. et. l'épanouissement. de. l'individu. dont. les. singularités sont valorisées, a pour contrepartie un nivellement ou une. ) Ces deux chercheurs ont introduit et traduit les textes fondateurs de l'école de Chicago: Park, Burgess, Mac Kenzie, Thomas. On les retrouve dans Grafmeyer Yves et Joseph Isaac (1990). • Traduit en français par « le phénomène urbain comme mode de vie» p 255-281 in Grafmeyer et Joseph (1990).. - 29­.

(22) COttllnent. cOlnprendl~. le rapporl des habilnnls d'Ilne ville li ce qll 'ils considèrent cOlnme leur patrillloillC ?. massification des opinions et des comportements; (4) mobiles et instables par excellence, les sans-logis ou l'étranger constituent des figures typiques qui permettent de penser la condition du citoyen en général» (Chadoin, 2004: 44).. La ville est ainsi à la fois ordre spatial, organisation sociale et état d'esprit. Dans. tOUS. les cas, recourir à l'expérience des acteurs sociaux, à travers les interactions qui se jouent entre eux en situation, permet d'appréhender la signification qu'ils en donnent. L'espace urbain est vécu à travers la perception que l'habitant en a, à partir de tout un ensemble de dimensions perceptibles par les sens (mouvements, bruits, lumière, odeur), à partir desquelles se construisent et s'ordonnent les pratiques et les imaginaires sociaux. Le citadin, en chacune de ces situations, bouge, échange, se mobilise, s'angoisse, se détend, s'émeut, s'enferme, s'aère, intègre les pulsions, les rythmes, les rationalités du milieu auquel il donne forme et sens (Sauvageot, 2003). L'expérience de la ville s'organise lors de l'appropriation « cursive »5 de celle-ci par les habitants: la construction de la perception se fait dans le lien entre discours et parcours. C'est dans cette posture de recherche que nous nous situons pour comprendre la construction du caractère patrimonial de la ville par ses habitants. La perception de la ville peut donc s'étudier soit par le prisme de la signification de son espace (approche sociosémiotique de la ville), soit par celui de l'étude des discours qui y circulent (approche sociolinguistique), soit enfin par sa sémiogénèse (l'histoire et la signification de ses formes). Ces trois courants dominent le champ, quels sont leurs apports et surtout en quoi permettent-ils de structurer notre posture théorique). 1.1.1. L'intérêt de l'espace: approche sociosémiotique (Ostrowetsky et de Certeau). La sociologie urbaine française s'intéresse, depuis vingt ans, à un objet spécifique: la production de l'espace par un ensemble social. L'espace n'est pas seulement un pur champ de déploiement de ['activité du sujet, il existe des règles silencieuses, des articulations sociales territorialisant le socius. L'espace s'approprie par le social, il est une dimension signifiante du rapport que les acteurs sociaux entretiennent avec leur enVIronnement spatial. La ville peut être abordée selon une approche sémiotique pour restituer la spécificité sociale de la dimension spatiale soit comme stock culturel, soit comme. 5. L'appropriation cursive de la vilJe est une expression d'Alain Rénier dans Espnce el Représentatioll (1982).. - 30­.

(23) Les savoirs Stlr le patrimoine urbain,' des approches pluridisciplinaires en scienceJ' JNiales. régularités observables, soit comme thème de l'imaginaire. Les formes urbaines ont la capacité à manifester du sens. La dimension spatiale ou la puissance sociale des dispositifs spatiaux (expression consacrée de Sylvia Ostrowetsky, 1979) sont déterminantes et doivent être réévaluées. Cette puissance sociale de l'espace, Maurice Halbwachs en fait le fondement de la mémoire et de l'expérience urbaine. Comment alors comprendre et décrire l'expérience d'un espace urbain? Comment définir l'acte par lequel cet espace prend forme? Cet acte est à la fois « acte de regard» - percevoir une forme urbaine - et « acte d'espace» ou « space act» (Ostrowetsky) qui est l'opération spécifique au rapport que l'homme entretient avec le monde qui l'entoure. Ce concept veut rendre compte de l'opération équivalente à ['acte de langage dans le domaine des formes architecturales, urbaines et plus largement spatiales. Cet acte d'espace montre le rapport qui s'établit entre le sujet et son cadre de vie, il a un rôle fondamental dans la construction d'un territoire et dans la constitution de l'identité du groupe en produisant un travail de mémoire.. M.ichel de Certeau a renouvelé l'étude de l'espace urbain en partant des pratiques des usagers 6• Il procède, dans la troisième partie « Pratiques d'espace» dans L'Invention du. quotidien, 1. Arts de faire, à une analyse des pratiques quotidiennes de l'espace urbain qui trament les conditions déterminantes de la vie sociale. Il développe donc une théorie des pratiques quotidiennes, de l'espace vécu et de la familiarité à la viUe à j'aide des outils d'analyse de la sémiotique narrative. C'est ainsi qu'il fait l'analogie entre l'acte de marcher et j'acte de parler. L'acte de marcher est un espace d'énonciation: il est un procès d'appropriation du système topographique par le piéton, il est une réalisation spatiale du lieu, enfin, il implique des relations différenciées. Le marcheur transforme en autre chose chaque signifiant spatial. Il sélectionne, « il crée du discontinu soit en opérant des tris dans les signifiants de la langue spatiale, soit en les décalant par l'usage qu'il en fait» (de Certeau, 1990: 149). Par ailleurs, nous pouvons identifier, en fonction de ces mêmes rhétoriques cheminatoires, des pratiques organisatrices de l'espace. Les cheminements des passants sont comme des figures de style. Il existe selon de Certeau une rhétorique de la marche: « l'art de tourner des phrases a pour équivalent l'art de tourner des parcours» (ibid 151). Le. récit du pratiquant a un rôle décisif dans l'organisation de l'espace: il décrit mais toute description est plus qu'une fixation, c'est un acteur cultureUement créateur. La description est fondatrice d'espaces. Là où les récits disparaissent, il y a perte d'espace (ibid 181).. Nous verrons plus loin ce qui différencie l'approche développée par de Certeau et celle de Augoyard qui fût le.premier il mobiliser le concept de « rhétorique habitante».. 6. - 31 ­.

(24) COII/II/ellt cOll/pnmdre le rapport des habitants d'Jllle ville à ce ql/'ils considèrent cOlI/lI/e leJir patrill/oine ?. L'analyse des pratiques d'espace comme celle des récits peuvent permettre de comprendre le rapport au patrimoine des habitants. L'espace n'est donc pas ici considéré comme un espace géométrique dont il s'agit de décrire la morphologie mais il est un lieu pratiqué, un espace anthropologique. De Certeau s'appuie sur la tradition phénoménologique de Merleau-Ponty lorsqu'il distingue un espace anthropologique (structuré par des relations interpersonnelles) et un espace géométrique (spatialité homogène et isotrope). De la sorte, la notion d'espace renvoie à une relation singulière au monde, à la dimension existentielle d'un lieu habité. L'auteur marque donc une distinction entre lieu et espace: le premier relève de l'organisation en positions, relations; il est donné, imposé. Il s'approche de la notion de dispositif proposé par Foucault en tant qu'organisation du pouvoir. L'espace, quant à lui, est organisé à travers la pratique des lieux; les pratiques redistribuent les logiques à l'intérieur de ces lieux, il est un processus construit. Il est considéré comme un effet produit par des opérations de mouvements (contrairement au lieu qui, lui, est statique). L'espace est un lieu pratiqué. « La rue géométriquement définie par un urbanisme est transformée en espace par les marcheurs. }) (de Certeau, 1990: 173.) Et pratiquer les lieux c'est en faire l'expérience. La pratique du lieu fait déployer les pratiques pour que le lieu devienne espace. De Certeau résume aInSI: « Un lieu est donc une configuration instantanée de positions. Il implique. une indication de stabilité. Il y a espace dès qu'on prend en considération des vecteurs de direction, des quantités de vitesse, des variables de temps.. [... J. L'espace serait au lieu ce que devient Je mot quand il est parlé [... J En somme, l'espace est un lieu pratiqué. }) (ibid. 173/174.) Le lieu, par la pratique, devient espace; c'est l'activité qui qualifie l'espace. Georges. Perec rejoint ces réflex.ions sur l'espace pratique en revisitant notre univers familier pour en rendre étrange la fonctionnalité. En 1974, dans Espèce d'espaces, il énonce les divers lieux de notre quotidienneté, inventaire de fonctions et discordance entre une somme de fonctions et les modes d'appropriation des lieux qui seuls peuvent leur redonner sens par la diversité des pratiques.. Pour en revenir à notre recherche, le caractère patrimonial de la ville se construit d'abord et en premier par une perception de l'espace urbain dans lequel il prend forme, et sur lequel tout un ensemble de pratiques existe et sont vécues par J'habitant. Il est donc d'abord une question d'espace vécu et pratiqué qu'il faudra repérer et comprendre.. - 32­.

(25) Les savoirs sur le pa/rimoinl urbain: des approches plJ/ndisciplinaires en sciences sociales. 1.1.2. L'intérêt du discours: l'approche sociolinguistique (Mondada). Une fois l'espace perçu, l'habitant peut se mettre à discourir sur etlou à propos de celui-ci, en absence ou en présence de celui-ci. On peut alors faire appel aux travaux des linguistes pour étudier la ville. Lorenza Mondada (2000) s'intéresse à la construction des savoirs urbains dans l'interaction et dans le texte. Son ouvrage Décrire la lIi//e montre un panorama théorique sur l'articulation entre discours et espace urbain. EUe étudie les discours qui traversent la viUe, lui confèrent un sens, un ordre, des valeurs, des qualités, une intelligibilité. Décrire la ville n'est pas une activité neutre et transparente mais plutôt une activité strucrurante qui construit ses objets de discours. Il faut donc analyser les façons multiples dont les différents acteurs disent la viDe et contribuent à la façonner. Les pratiques discursives en ville présentent trois caractéristiques. La première est leur omniprésence: le sens de la ville s'élabore chez les décideurs comme les usagers; la seconde est l'effet constitutif de ces pratiques: eUes produisent la verbalisation d'un espace, eUes lui confèrent un ordre, une intelligibilité, une structure propre, elles opèrent une mise en figure de l'espace, elles permettent un processus de catégorisation; la troisième est leur polyphonie: cette notion, reprise à Bakhtine, permet de situer la pluralité des voix qui peuplent un espace social comme caractéristique de toute énonciation, eUe est une figure caractéristique de l'urbain, de sa multiplicité et de son hétérogénéité. Selon Mondada, il existe plusieurs types de discours sur la ville, comme plusieurs énonciateurs. Les différents types de discours sont constirués d'images de la viUe, textes issus de la communication, discours oraux, entretiens, plans, parcours de visites, inscriptions visuelles, textes publicitaires ... Ils sont prononcés par différents énonciateurs : habitants, associations de citoyens et de quartiers, instirutions, touristes. Pour la recherche, nous développons l'hypothèse, d'une part, qu'il existe des représentations différenciées du patrimoine en fonction des énonciateurs et d'autre part, que ces discours contribuent à la construction d'une image patrimoniale de la ville qu'il s'agit de déceler. Dans cette approche sociolinguistique, les notions de contexte d'énonciation et de point de vue deviennent centrales. Le point de vue de celui qui parle, la construction de. - 33­.

(26) Comment comprendre le rappori tlef hab,tantf d'une ville à ce qu'ilf considèrent comllle leur patriN/oÙte ?. l'opinion, la perspective choisie pour montrer quelque chose est fonction de l'énonciation7 Dans les théories de l'énonciation, cette approche qui s'intéresse aux discours opère un tournant épistémologique et un déplacement de l'objet de recherche, de la phrase au discours. Selon Benveniste (1966), dans tout discours il est possible de mettre en évidence le contenu sémantique et la position de celui qui exprime ce contenu. Les théories de l'énonciation doivent permettre de repérer les marques d'énonciation qui manifestent un point de vue, une opinion, un dispositif d'argumentation. Le contexte d'énonciation, à savoir les compétences linguistiques (connaissance propre de la langue, du code, des règles sémantiques et syntaxiques) et paralinguistiques (gestualité, paraverbal, mimes, langage corporel), les compétences idéologiques et cultureUes (savoirs implicites sur le monde et notre propre système d'interprétation et d'évaluation des choses qui nous entourent), les déterminations psychologiques (prise en compte de l'individualité des sujets) et les contraintes de l'univers du discours modifient le processus de communication. De même, la méthode de l'entretien induit la formalisation d'un certain type de discours sur un objet en fonction de celui qui parle et de son identité. L'enquêté peut vouloir se valoriser, se justifier, être le porte-parole d'une idée ou d'une action. La parole peut être plus ou moins performative, elle peut relever de descriptions quotidiennes ou professionneUes. La catégorie sociocultureUe de l'enquêté relative à la connaissance cultureUe de la viUe engage des attitudes et des modes de verbalisations spécifiques. Les manières de décrire se modulent en fonction de J'appréciation que l'on a du lieu, du type d'usage qu'on en fait: stratégies professionneUes, banalité des fréquentations quotidiennes, découverte touristique ... De même, le degré de connaissance du site mobilise ou non la mémOlre.. Cette approche nous intéresse parce que le caractère patrimonial de la viUe est abordé par les discours déjà produits et diffusés (les logiques de patrimonialisation des politiques patrimoniales de la viUe) et des discours construits pour la recherche (les dispositifs méthodologiques de narration). Pour l'ensemble de ces discours produits, on doit également prendre en compte à la fois le contexte d'énonciation et les différents énonciateurs dans la constirution de l'échantillon, mais aussi dans l'analyse des données.. L'énonciation définie comme l'ensemble des phénomènes observables lors d'un acte communic~ùonnel particutier, comme ensemble du processus communicationnel, de la production à l'interprét~tion du message (Kerbrat-Orecchioni, 1(86). 7. - 34­.

(27) Lei savoirs sllr le patlimoine IIrbain : des approches plllridisciplinaires en sciences sociales. 1.1.3. L'intérêt de l'image de la ville ou des représentations: l'approche sémiologique (Lynch et Morisset). L'espace est donc perçu, puis discouru, malS il est aussi représenté. Nous nous intéressons alors à la manière dont, colJectivement, on construit une image de la vjIJe caractéristique de cette représentation, à partir de différentes significations issues d'un processus historique. Kevin Lynch dans The Image. of Ihe Cily,. travaille sur J'apparence visuelle de la ville. 8. américaine en étudiant la représentation mentale chez ses habitants. Lynch pense la ville « dans les termes mêmes de la conscience qui la perçoit », c'est-à-dire qu'il veut retrouver. l'image de la viIJe par ses lecteurs. Il identifie les éléments qui se combinent pour former l'image globale et s'interroge sur les qualités de lisibilité, d'identité et de mémorisation de cette image par les citoyens. La lisibilité est la clarté du paysage, la facilité à identifier les éléments de la ville et à les structurer en schéma cohérent. Cette clarté permet de s'orienter, grâce aux indications sensorielies et aux souvenirs, assurant ainsi la « sécurité émotive» des habitants. De plus, eUe fournit du sens, en permettant l'élaboration de symboles et de souvenirs collectifs. La ville est ainsi perçue de manière différente par ceux qui y vivent, qui l'abordent ou la traversent. La notion d'imagibilité est particulièrement intéressante: il s'agit « pour un objet physique, de la qualité grâce à laquelle il a de grandes chances de provoquer. une forte image chez n'importe quel observateur» (Lynch, 1985 : 11). C'est cette forme, cette cou.leur ou cette disposi tion qui. facilitent la création d'images mentales de. J'environnement. Les images de la ville sont le résultat d'une interaction, d'un va-et-vient entre le milieu et l'observateur. Les trois composantes de l'image mentale consistent en son identité (ce qui fait qu'on la reconnaît), sa structure (la relation spatiale de l'objet avec l'observateur) et sa signification pratique ou émotive. L'image mentale dégagée, image construite par des sentiments et des pratiques différentes, diffère selon leur façon de se repérer, leur goût de vivre, leurs impératifs esthétiques et leur désir d'appartenance à un milieu. Le but du travail est de trouver, malgré ces multitudes d'images mentales, d'une part un fonds commun d'éléments et de relations pour établir les caractères visuels d'une ciré; et d'autre part des images coUectives, représentarions mentales communes à de grandes quantités d'habitants. ~. Boston, Jersey Ciry er Los Angeles.. - 35­.

(28) Comment comprendre le rapport des habitants d'tlne vi/le à ce qu'ils considèrent comme letlrpatrù7Joine ?. d'une ville, zones d'accord que l'on peut s'attendre à voir apparaître sous l'interaction d'une même réalité physique, d'une culture commune et d'une nature physiologique identique. Les éléments du paysage urbain selon Lynch sont: le parcours, les nœuds, les secteurs, les limites, les repères. 1. les parcours (pa/hs) ou voies, c'est-à-dire les chenaux le long desquels l'observateur se déplace habituellement, occasionnellement, potentiellement. Ce sont les rues, allées piétonnières, voies du métropolitain, canaux, voies de chemin de fer. Ils permettent au citadin de se déplacer et sont ressentis comme des éléments de continuité. 2. les limites (edges): ce sont les éléments linéaires que l'observateur n'emploie pas ou ne considère pas comme des voies. Barrières plus ou moins franchissables, qui isolent une région d'une autre, elles peuvent être des coutures, des lignes le long desquelles deux régions se. relient et se. d'organisation. 3. le secteur. joignent. Les limites (dis/n·c~. représentent d'importants. facteurs. ou quartier: parties de la ville d'une taille assez grande,. qu'on se représente comme un espace à deux dimensions qui se reconnaissent à leur caractère physique et sensoriel. 4. les nœuds (nodes) : ils constituent des points, des lieux stratégiques de la ville, pénétrables par un observateur, points focaux intenses vers et à partir desquels il voyage. Ils peuvent être points de jonction, endroit où l'on change de système de transport, croisements ou points de convergence des voies, lieu de passage d'une structure à une autre; ou points de rassemblement qui tirent leur importance du fait qu'ils sont une concentration de certaines fonctions et de certains caractères physiques. 5. les points de repère (Iandmarks) : il s'agit d'un autre type de référence ponctueile mais extérieur, l'observateur n'y pénètre pas. Ce sont des objets physiques définis simplement: immeubles, édifices, monuments, signaux, enseigne, boutique ou montagne, dont la nature est d'être vus sous de nombreux angles et à des distances variées. Leur utilisation implique le choix d'un élément unique au milieu d'une multitude de possibilités. La qualité physique clé qui caractérise cette catégorie d'éléments est la singularité, aspect par lequel il se détache du contexte comme unique et mémorable. Ils deviennent plus faciles à identifier, plus aptes. à être choisis comme significatifs s'ils ont une forme claire, s'ils contrastent avec l'arrière­ plan. Les recherches de Lynch restent pourtant ambiguës: il privilégie une approche fonctionnelle. et. quantitative,. dans. une. perspective. écologique. et. proxémique. (compréhension du rapport de l'homme à l'espace), sans s'intéresser vraiment à la signification de la viile par les usagers.. - 36­.

(29) Les savoirs sJ/r le patrimoine Jtrbain : des approcbes plJ/ridisciplinaùu en sciences sociales. Historienne de l'architecture, spécialisée dans l'étude de la ville et de ses représentations, Lucie Morisset mène depuis plusieurs années ce qu'eUe qualifie comme une « herméneutique de la forme urbaine» c'est-à-dire une interprétation des phénomènes de la portion apparente de la ville, considérés en tant que signes 9 . Elle procède ainsi d'une part, à la morphogenèse de la ville (la genèse des formes, des structures de la ville) et d'autre part, à sa sémiogénèse (la genèse des signes). L'examen des formes urbaines permet de comprendre l'expérience humaine du territoire et donne accès à l'imaginaire collectif. Cette aureure s'intéresse particulièrement aux modalités de migration d'une signification partagée par une collectivité, depuis une « idée de ville» jusqu'à la matériaJisation de ceUe-ci dans une image, ainsi qu'au dialogue entre la ville et cette dernière. Ces. im~ges. de. représentations de la ville, en fonction de leur contenu et de leur forme, peuvent être « images scripturales» (écrits, projets, critiques ou narrations), « images picturales» (cartes, peintures, cartes postales, dessins architecturaux) ou « images construites» (bâtiments et formes urbaine) (Morisset, 1999a). L'image de la ville peut être décomposée en deux niveaux de lecture: d'une part une identité, la matérialité brute du paysage et de ses éléments; d'autre part une personnalité, issue de la signification conjuguée de ses facteurs identitaires. Pour Morisset lU , la ville est une œuvre ouverte, un palimpseste dont il faut saisir la personnalité il travers l'accès à son imaginaire et à ses représentations. La ville, composée de trois dimensions (une largeur (x), une longueur (y) et une profondeur (z)), possède à un temps donné (t) une signification (s) particulière. Soit la formule suivante: (xy+z)t = s. À un nombre de temps donné, correspondent autant de significations de la ville (et donc d'images de la ville) qui s'additionnent, se superposent pour donner accès à la « mémoire du paysage ». Soit la formule suivante: sl = (xy+z)t1 s2 = (xy+z)t2 s3. = (xy+z)t3. Chercheure canadienne, ses terrains d'étude se situent en Amérique du Nord, particulièrement la cité industrielle d'Arvida (terrain de thèse), Québec et Montréal. 10 Les lignes qui suivent s'appuient sur un séminaire de méthodologie qui a eu lieu à l'Université du Québec à Montréal, le 10 avril 2006, dans le cadre du cours « Méthodes d'analyse du cadre bàti» donné par Luc Noppen. Son intervention s'intitulait «Pour une herméneutique de la forme urbaine: morphogénèse et sémiogénèse de la ville ».. 9. - 37­.

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