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Spécificité des représentations phonologiques chez les bébés francophones de 14 mois : rôle du type de phonèmes et de la position dans le mot

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Academic year: 2022

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Master

Reference

Spécificité des représentations phonologiques chez les bébés francophones de 14 mois : rôle du type de phonèmes et de la position

dans le mot

ROCH, Sandrine

Abstract

Les études dans le domaine des représentations phonologiques sont principalement anglophones et montrent des résultats contradictoires selon la méthode, l'âge, les stimuli et les langues utilisés. Plusieurs études ont montré que chez le bébé, les consonnes sont représentées de manière plus détaillée que les voyelles et le début du mot est plus spécifié.

Toutefois, d'autres expériences n'ont pas trouvé de différences dans les résultats selon ces variables. Le but de notre étude était d'évaluer la spécificité des représentations phonologiques en variant le type de phonèmes et la position dans le mot. Nous avons réalisé trois expériences avec des enfants francophones de 14 mois en employant une méthode de regard préférentiel intermodal. Nous présentions à l'enfant deux images avec un mot bien ou mal prononcé correspondant à une des deux images, puis nous analysions son regard sur la l'image cible. Dans l'expérience 1 et 2, nous avons modifié des consonnes, respectivement des voyelles dans des mots bisyllabiques familiers et sur la première ou la deuxième syllabe.

Les consonnes [...]

ROCH, Sandrine. Spécificité des représentations phonologiques chez les bébés

francophones de 14 mois : rôle du type de phonèmes et de la position dans le mot. Master : Univ. Genève, 2011

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:17592

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Mémoire de Maîtrise Universitaire de Logopédie

Spécificité des représentations phonologiques chez les bébés francophones de 14 mois :

rôle du type de phonèmes et de la position dans le mot

Sandrine Roch

Directeur de recherche : Pascal Zesiger Assistante de recherche : Jane Jöhr

Membre du jury : Lucie Schoenhals

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Remerciements

Je tiens à remercier le professeur Pascal Zesiger et surtout son assistante Jane Jöhr pour leur disponibilité, leurs corrections et leurs remarques tout au long de la rédaction de ce mémoire.

Je remercie mes collègues de mémoire Sarah, Caroline et Juliette pour leur soutien et les nombreux e-mails échangés et un merci tout particulier à Sarah avec qui les longues journées

"bibli" ont été bien plus drôles !

Un grand merci à ma famille et mes amis qui m'ont soutenue durant cette période et particulièrement ma maman et Christine pour leur relecture précieuse.

Mes remerciements également à tous les bébés et parents participant aux expériences, sans qui cette recherche n'aurait pas pu se réaliser.

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Table des matières

Liste des abréviations

...5

Résumé

...6

Introduction

...7

Première partie : Partie théorique

...9

1. Développement langagier de l'enfant...9

2. Premières recherches ...12

2.1 Représentation globale...12

2.2 Représentation spécifiée...14

3. Actuellement ...15

3.1 Rôle de la méthode...15

3.2 Rôle de l'âge...18

3.3 Rôle des stimuli et des changements apportés...20

3.3.1 Familiarité...21

3.3.2 Type de phonème...21

3.3.3 Emplacement du changement dans le mot...24

3.4 Rôle de la langue...27

5. Notre recherche...30

Deuxième partie : Partie expérimentale

...32

1. Méthode...32

1.1 Expérience 1...32

1.1.1 Participants ...32

1.1.2 Matériel...32

1.1.3 Procédure...33

1.2 Expérience 2...35

1.2.1 Participants...35

1.2.2 Matériel...35

1.2.3 Procédure...35

1.3 Expérience 1 et 2...36

1.3.1 Plan expérimental ...36

1.3.2 Traitement des données...37

1.3.3 Hypothèses opérationnelles...37

(5)

1.4 Expérience 3...39

1.4.1 Participants...39

1.4.2 Matériel ... 39

1.4.3 Procédure...40

1.4.4 Hypothèses opérationnelles...40

2. Résultats... 41

2.1 Expérience 1 et 2...41

2.1.1 Consonnes... 42

2.1.2 Voyelles... 43

2.1.3 Consonnes selon la position dans le mot... 44

2.2 Expérience 3...45

Troisième partie : Discussion et Conclusion

...48

1. Consonnes et voyelles...48

2. Consonne initiale ou finale du mot... 53

3. Conclusion...55

Références bibliographiques

...58

Annexes

... 63

Annexe I : Formulaires...63

Annexe II : Stimuli auditifs...67

Annexe II : Analyses descriptives et ANOVA...70

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Liste des abréviations

ERP : Event-Related Potentials

HPP : Head-turn Preference Procedure IPL : Intermodal Preference Looking LLD : Longest Look Difference NBC : Name-Based Categorization PTL : Proportional Target Look ratio C:V : ratio consonnes:voyelles

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Résumé

Les études dans le domaine des représentations phonologiques sont principalement anglophones et montrent des résultats contradictoires selon la méthode, l'âge, les stimuli et les langues utilisés. Plusieurs études ont montré que chez le bébé, les consonnes sont représentées de manière plus détaillée que les voyelles et le début du mot est plus spécifié.

Toutefois, d'autres expériences n'ont pas trouvé de différences dans les résultats selon ces variables. Le but de notre étude était d'évaluer la spécificité des représentations phonologiques en variant le type de phonèmes et la position dans le mot. Nous avons réalisé trois expériences avec des enfants francophones de 14 mois en employant une méthode de regard préférentiel intermodal. Nous présentions à l'enfant deux images avec un mot bien ou mal prononcé correspondant à une des deux images, puis nous analysions son regard sur la l'image cible. Dans l'expérience 1 et 2, nous avons modifié des consonnes, respectivement des voyelles dans des mots bisyllabiques familiers et sur la première ou la deuxième syllabe.

Les consonnes modifiées dans l'expérience 3 étaient situées en position initiale ou finale dans des mots mono- et bi-syllabiques familiers. Les résultats ont montré que les consonnes étaient détaillées avec un avantage sur la deuxième syllabe. Aucun effet n'a été trouvé pour les voyelles et les changements sur la consonne initiale ou finale. Nos résultats impliquent que chez les enfants francophones de 14 mois, les consonnes sont représentées plus spécifiquement que les voyelles, avec un effet plus important pour la deuxième syllabe.

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Introduction

Depuis un certain nombre d'années, des scientifiques cherchent à savoir comment sont représentés les mots dans le lexique du jeune enfant. À la fin de la première année de vie, le bébé a une perception phonétique précise de sa langue maternelle et il peut en discriminer tous les phonèmes. Les chercheurs se sont alors demandés s'il utilisait cette habileté lors de l'apprentissage de nouveaux mots et si les représentations des mots de son lexique étaient plutôt globales ou détaillées.

Au début des recherches dans le domaine, certains auteurs ont montré que les représentations phonologiques étaient globales, alors que d'autres démontraient le contraire.

Les études récentes montrent un avis plus partagé et postulent que de manière générale, les représentations phonologiques sont détaillées. Cependant, il existe des divergences si on s'intéresse plus précisément aux propriétés de ces représentations. Existe-t-il par exemple des différences entre les consonnes, les voyelles et la place de chacune au sein du mot ? Les expériences ayant étudié ces représentations sont très variables et elles utilisent des méthodes, des âges, des stimuli et des langues différentes. Peu d'investigations systématiques ont été menées, c'est pourquoi, en 2007, Zesiger, Jöhr, Gabriel Mounir, Schoenhals et Frauenfelder (en prép.) ont commencé une série d'études avec des enfants francophones de 12, 18 et 24 mois (puis de 14, 18 et 22 mois par la suite) pour obtenir plus de données sur la spécificité des représentations phonologiques. Ils se sont demandés à partir de quand les enfants différencient les mots bien prononcés des mots mal prononcés en prenant en compte la familiarité des mots, le type de phonème modifié, la position du changement dans le mot et le trait substitué.

Notre étude s'inscrit dans ce cadre avec des enfants francophones de 14 mois. Pour évaluer les représentations phonologiques de ces bébés, nous avons utilisé la méthode de regard préférentiel intermodal qui est aussi utilisée par des auteurs anglophones, ce qui nous permettra de comparer nos résultats dans différentes langues. Nous avons aussi choisi de regarder plus en détail le comportement de ces enfants face à un changement sur les consonnes (expérience 1) et les voyelles (expérience 2) ainsi que selon la position du phonème modifié dans le mot (expérience 3). Actuellement, aucun consensus n'est encore établi par les auteurs selon ces différents paramètres. Dans notre partie théorique, nous allons

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d'abord revenir sur le développement langagier de l'enfant, puis faire une revue de la littérature sur l'évolution des recherches dans le domaine depuis les années 90, ainsi que sur les différents paramètres à prendre en compte dans l'analyse des expériences.

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Première partie : Partie théorique

1. Développement langagier de l'enfant

Lorsque l’enfant apprend une langue, il doit pouvoir mettre en mémoire dans son lexique, des formes sonores correspondant à des mots en les extrayant d’un signal sonore continu, grâce à des régularités dans sa langue maternelle telles que le pattern d'accentuation de la langue, les régularités phonotactiques, la probabilité d’occurrence ou encore les informations liées à la prosodie (Bertoncini & de Boysson-Bardies, 2000). Cependant, lorsque nous parlons, de nombreuses variabilités sont présentes pour un même mot, selon le locuteur, le débit de parole, le contexte linguistique ou les variations acoustiques. Malgré ces différences, le bébé arrive à extraire du flux continu de la parole, les propriétés de la forme phonologique d’un mot pour le garder en mémoire. Mais à partir de quel âge, arrive-t-il à avoir une forme phonologique précise dans son lexique ?

A la naissance, le bébé peut discriminer les phonèmes de toutes les langues. Puis, lorsqu'il se développe, il fait un apprentissage par sélection en réduisant son répertoire de phonèmes à ceux pertinents dans sa langue maternelle et en assimilant les phonèmes étrangers à ceux de son répertoire. Il y a une évolution d’un système universel vers un système spécifique à la langue environnante (Bertoncini & de Boysson-Bardies, 2000). Cette évolution se fait différemment selon le type de phonèmes, à savoir dès 6 mois pour la discrimination des voyelles de la langue maternelle (Kuhl, Williams, Lacerda, Stevens et Lindblem, 1992) et 10- 12 mois pour les consonnes (Werker & Tees, 1984). Le bébé perdrait cette capacité universelle de discrimination de tous les phonèmes quand il commence à produire et comprendre des mots vers une année de vie et c'est l'association sons-sens qui causerait cette perte selon Werker et Tees (1984). Pour d'autres auteurs (Maye, Werker & Gerken, 2002), ce serait l'exposition à la distribution fréquentielle des sons de la langue maternelle qui influencerait la détection des catégories phonétiques propres à la langue parlée dans le milieu de l'enfant et non l'introduction de l'association mot-objet.

Quand le bébé commence à apprendre des mots, il lui est plus difficile de distinguer des mots proches phonologiquement dans une situation référentielle, même lorsqu'il peut discriminer tous les sons de sa langue. L'équipe de Werker (Stager & Werker, 1997 ; Werker, Cohen, Llyod, Casasola & Stager, 1998) remarque que les bébés anglophones de 8 mois,

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mais pas de 14 mois arrivent à différencier deux nouveaux mots proches phonologiquement (« dih » et « bih ») dans une association simple mot-objet. Ces auteurs pensent qu'à 8 mois, les enfants traitent la tâche comme de la discrimination, c'est pourquoi ils la réussissent, alors qu'à 14 mois, ils la traitent comme un apprentissage de nouveaux mots. En effet, ces mêmes enfants réussissent la tâche dans une situation non-référentielle où on présente à l'enfant un damier noir/blanc pour chaque mot et pas un objet. Il n'y a donc pas d'association mot-objet et l'enfant peut traiter la tâche comme de la discrimination de phonèmes. De plus, lorsque les deux mots sont dissimilaires (« lif » et « neem »), les bébés de 14 mois les différencient. Ce sont bien les similarités phonologiques des deux mots qui empêchent ces enfants de réussir et non la difficulté de la tâche. Dès 17 mois (Werker, Fennell, Corcoran & Stager, 2002), les enfants arrivent à différencier « bih » et « dih » avec la même méthode. Le traitement de l'information effectué par le bébé évolue donc vers une représentation phonologique de plus en plus détaillée.

Hallé et de Boysson-Bardies (1996) postulent qu'à 8 mois, les enfants francophones ont un format détaillé et rigide pour pouvoir se souvenir des mots et les reconnaître. À ce moment-là, ils n'ont pas encore de représentations phonologiques et lorsqu'ils semblent comprendre ce qu'on dit, ils s'aident en fait du contexte et non de la forme acoustique du mot.

Puis, ils ont un format holistique vers 10-11 mois pour pouvoir mettre du sens sur les mots sans s'aider du contexte langagier. En 1994, ces mêmes auteurs ont trouvé qu'à 10½ mois, les bébés peuvent reconnaître (sans forcément y mettre du sens) des mots familiers grâce aux informations acoustiques seules. Jusczyk et Aslin (1995) ont trouvé qu'à 7½ mois déjà, les bébés peuvent reconnaître à l'aide de la Head-turn Preference Procedure (HPP), des mots entraînés auparavant et qu'ils n'arrivent plus à reconnaître ces mots lorsqu'ils ont effectué un changement phonétique sur la consonne initiale. Ils ont habitué les enfants à un mot isolé qui était répété plusieurs fois, puis ils mesuraient le temps d'écoute vers la source sonore lorsque ce mot ou un autre mot était présenté dans une phrase. Si les enfants écoutent plus longtemps la phrase où le mot familier est présent, il est ainsi supposé qu'ils détectent des similitudes entre le mot présenté isolément et inclus dans une phrase. Dans leur expérience, les enfants écoutent plus longtemps la phrase contenant le mot entraîné, mais perdent cette préférence lorsque le mot présenté dans la phrase diffère du mot familier par sa consonne initiale. Ces auteurs postulent donc que les représentations phonologiques des bébés sont détaillées précocement. Ces résultats ne sont pas incompatibles avec ceux de Hallé et de Boysson-

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Bardies, car dans l'expérience de Jusczyk et Aslin (1995), les enfants n'ont pas à mettre du sens sur les mots ; ils font de la discrimination, ce qui correspondrait au format détaillé et rigide que les enfants ont à 8 mois pour se souvenir des mots et les reconnaître. Pour Hallé et de Boysson-Bardies (1996), ce serait entre 9 et 12 mois qu'il y aurait l'émergence du sens chez les bébés.

Lorsque l'enfant apprend à reconnaître des mots dans sa langue maternelle, il fait face à un problème perceptuel à deux niveaux : il doit découvrir les catégories phonético- phonologiques qui sont propres à sa langue et il doit déterminer les formes phonologiques des mots spécifiques (Swingley, 2009). Il est encore difficile à dire si l'enfant apprend d'abord les catégories phonético-phonologiques, puis construit les mots à partir de ces catégories ou à l'inverse, s'il apprend d'abord les mots, puis construit leur phonologie à partir des relations similaires qui existent entre les mots. Swingley (2009) propose que les enfants commencent à renforcer la catégorisation des sons de la parole de leur langue et que cette amélioration les aide à apprendre et reconnaître les mots. L'enfant développerait cette capacité à reconnaître les mots entre 15 et 24 mois (Fernald, Pinto, Swingley, Weinberg & McRoberts, 1998). À 15 mois, les bébés peuvent regarder une image correspondant à un mot familier après qu'il soit prononcé et à 24 mois, ils peuvent reconnaître le mot avant la fin de la prononciation. À partir de 15 mois, les bébés augmenteraient considérablement leur vitesse et leur précision dans la reconnaissance de mots, et à deux ans ils pourraient même prendre des décisions par rapport à un mot sur la base d'informations acoustiques incomplètes. Benedict (1979) et Huttenlocher (1974) observent que les bébés arriveraient à reconnaître certains mots déjà vers 10 mois et associer un nom à son référent vers 12 mois. De plus, les enfants font un apprentissage précoce des mots, bien avant de les produire ou de les différencier avec détail. Par exemple, à 4 mois et demi, ils préfèrent écouter leur propre prénom plutôt qu'un autre, même si celui-ci possède la même accentuation que son prénom (Mandel, Jusczyk & Pisoni, 1995). À 6 mois, ils peuvent utiliser la présence de leur propre prénom ou du mot « Mummy » (et pas

« Tommy ») dans une phrase pour s'aider à identifier les frontières entre les mots (Bortfield, Morgan, Golinkoff & Rathbun, 2005). Mais à partir de quand les bébés généralisent-ils ces connaissances à tous les mots et comment ces mots sont-ils représentés dans le lexique ?

C'est dans ce contexte que les auteurs ont commencé à regarder plus en détail les représentations phonologiques des enfants et essayer de savoir s'il y avait une continuité entre les représentations phonétiques et phonologiques ou si elles étaient différentes l'une de l'autre.

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2. Premières recherches

Les premières recherches sur les représentations phonologiques des enfants datent des années septante et les auteurs étaient partagés entre deux grands courants : un en faveur de représentations globales et non spécifiées et un autre pour des représentations détaillées et spécifiées. Les études apportaient alors des explications allant dans un sens ou dans l'autre.

Aujourd'hui, ces deux courants sont moins marqués et les chercheurs s'accordent à dire que les bébés ont des représentations partiellement détaillées car ils sont parfois limités par des ressources cognitives trop importantes ou dépendantes de la nature des changements apportés aux mots mal prononcés. L'âge auquel les représentations seraient détaillées peut varier d'un auteur à l'autre selon la méthode, le type de stimuli, le trait modifié et la langue utilisés dans l'expérience. Ces différences seront traitées plus en détail dans le chapitre suivant sur les recherches actuelles.

2.1 Représentation globale

Lorsque les auteurs ont commencé à s'intéresser au domaine des représentations phonologiques, ils ont surtout testé les productions des enfants qui étaient plus facilement observables. Toutefois, il s'est avéré que les productions sous-estimaient les capacités réelles des enfants. Leurs productions avaient souvent une forme phonologique peu précise et variable pour un même mot (Fergusson & Farwell, 1975). De plus, on ne pouvait évaluer les capacités des enfants qu'à partir d’une année, après l’apparition des premiers mots. Un autre désavantage apparaît pour l'observation des productions ; un déséquilibre existe entre le nombre de mots produits ou compris. Par exemple, la taille moyenne du lexique productif d'un enfant de 14 mois est d'environ 10 mots, alors qu'il en comprendrait une cinquantaine selon des questionnaires remplis par les parents (Benedict, 1979). De plus, les ressources cognitives sont plus importantes pour la production d'un mot, qui fait appel à la mémoire de reconnaissance et de rappel, alors que seule la mémoire de reconnaissance est nécessaire pour la compréhension d'un mot (Huttenlocher, 1974).

Dans les années nonante, les chercheurs se sont alors intéressés au lexique réceptif. Ils ont utilisé des paires minimales ou des pseudo-mots se distinguant par un seul phonème de mots existants pour voir si les enfants faisaient une différence pour des modifications proches phonologiquement. Les résultats obtenus suggéraient qu’au début de la deuxième année de vie, les mots étaient globalement représentés dans le lexique. Avec le développement de

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l’enfant, l’accroissement de son lexique ainsi que sa familiarité avec les mots, les représentations devenaient plus détaillées. Par exemple, à l'aide de la méthode HPP, Hallé et de Boysson-Bardies en 1996 ont montré que des enfants francophones de 11 mois toléraient un changement dans le voisement et la manière d’articuler (plosives transformées en fricatives et vice versa) des mots familiers en position initiale. Par contre, ces auteurs ont observé une tolérance moindre lorsque le changement était effectué en position médiane ou lorsqu’ils supprimaient la consonne initiale. Pour ces auteurs, l'enfant de 11 mois ne possèderait donc pas encore de représentations fines des mots dans leur lexique mental, mais la structure des mots (suite de consonnes et de voyelles) serait bien représentée. D'autres auteurs comme Stager et Werker (1997), ont montré que les enfants anglophones de 14 mois arrivaient à apprendre deux mots distants phonologiquement, mais pas lorsqu'ils étaient similaires, avec une méthode de Switch Task.

La discrimination fine des phonèmes de la langue maternelle que ces enfants ont dès 6 mois pour les voyelles et à 10-12 mois pour les consonnes, ne servirait donc pas à l’établissement des premières représentations des mots (Bertoncini & de Boysson-Bardies, 2000). Certains auteurs parlent d'une discontinuité entre les représentations phonétiques nécessaires lors de la perception de la parole et les représentations phonologiques requises dans l'apprentissage de mots. C'est pourquoi, malgré le fait que les enfants arrivent à discriminer tous les sons de leur langue, lorsqu'ils sont dans une tâche qui requière la forme phonologique du mot, leurs représentations ne sont plus aussi spécifiées. D'autres parlent d'une continuité dans les représentations phonologiques. L'équipe de Werker (Stager et Werker 1997 ; Werker et al., 1998 ; Werker et al., 2002) postule qu'une tâche d'association mot-objet est trop difficile pour les apprenants novices par rapport à une tâche de discrimination. Ceux-ci n'utiliseraient donc pas toutes les informations stockées – représentations phonétiques, car ils seraient limités par leurs ressources cognitives. Les représentations phonétiques et phonologiques seraient les mêmes, mais l'accès à ces informations serait dépendant de la difficulté de la tâche. Stager et Werker (1997) parlent d'une réorganisation fonctionnelle avec un déclin des performances au niveau phonétique pour avoir une progression développementale au niveau phonologique. Ces auteurs font un parallèle avec la réorganisation fonctionnelle entre la discrimination universelle qui devient plus sélective pour les phonèmes de la langue maternelle vers 10-12 mois.

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2.2 Représentation spécifiée

Contrairement aux auteurs en faveur de représentations phonologiques globales, certains ont montré que le lexique des enfants, même très jeunes était encodé de manière spécifiée.

Par exemple, Jusczyk et Aslin, en 1995, montrèrent à l'aide d'une procédure HPP qu'à 7 mois et demi, mais pas à 6 mois, les bébés anglophones pouvaient reconnaître un mot dans une phrase lorsque ce mot avait été entraîné précédemment dans une phase d'habituation. Cette compétence disparaissait lorsque le mot entraîné était modifié sur sa consonne en position initiale. En reprenant la même méthodologie et une population d'âge identique, Tincoff et Jusczyk (1996) ont trouvé des résultats similaires lorsque le changement était effectué sur une consonne en position finale. Ces auteurs ont alors postulé que très tôt, les représentations phonologiques des bébés étaient détaillées. Leurs études seraient remises en question par rapport au fait qu'elles montrent une spécificité des représentations phonologiques des bébés.

En effet, leur tâche non référentielle ne serait pas traitée comme de la reconnaissance de mot mais comme de la discrimination. Cependant, Werker et Pegg (1992) ont trouvé que des enfants anglophones de 19 mois regardaient significativement plus une image lorsque le mot était bien prononcé et qu'il correspondait à l'image et moins lorsque c'était un pseudo-mot proche phonologiquement dans une tâche où seule une image est présentée. Swingley et Aslin (2000) ont trouvé que les bébés anglophones de 18 mois pouvaient différencier des mots familiers bien prononcés des mots mal prononcés grâce à une méthode de regard préférentiel intermodal (Intermodal Preferential Looking task – méthode d'IPL). Ils présentaient deux images à l'enfant, puis un stimulus auditif nommant une des deux images. Si les enfants ont des représentations phonologiques détaillées, ils devraient regarder plus longtemps l'image correspondant au stimulus auditif lorsque le mot est bien prononcé par rapport à un mot mal prononcé. Lorsque la consonne ou la voyelle d'un mot était modifiée, l'image correspondant à ce mot était regardée moins longtemps que lorsqu'il était correctement prononcé. Les enfants auraient donc des représentations phonologiques détaillées dès 18 mois. De plus, Swingley, Pinto et Fernald (1999) ont montré que les enfants pouvaient traiter le signal de la parole de manière incrémentale comme les adultes. En effet, ils mettaient un délai plus grand à regarder une image cible lorsque l'image distractrice correspondait à un mot partageant le même onset que le mot cible, mais aucun effet n'était observé lorsque les deux mots partageaient la même rime. Dans la même épreuve, les adultes obtiennent des résultats similaires. Ces auteurs soutiennent donc l'hypothèse de représentations phonologiques semblables entre enfants et

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adultes contrairement à la plupart des auteurs qui ont postulé une discontinuité entre ces représentations ; les résultats présentés précédemment montraient que celles des enfants étaient sous-spécifiées.

Au début, beaucoup de recherches ont montré que les représentations phonologiques des enfants étaient globales avant 14 mois et spécifiées plus tardivement. Ce sont surtout les recherches plus récentes qui apportent des résultats en faveur de représentations détaillées plus précocement et qui explorent les modifications apportées aux mots mal prononcés de manière plus approfondie.

3. Actuellement

Dès les années 2000, les auteurs s’accordent à dire que les représentations ne sont ni globales ni aussi spécifiées que ce que les auteurs avaient pensé. En effet, il existe une grande variabilité dans l'âge de la population, la méthode, la langue ou encore les stimuli utilisés et les représentations phonologiques pourraient être plus ou moins spécifiées selon la familiarité, le type de phonème ou encore la position dans le mot. Les prochains chapitres vont donc faire état, de manière non exhaustive, des résultats selon ces différents facteurs en commençant par les différentes méthodes utilisées.

3.1 Rôle de la méthode

Pour évaluer les représentations phonologiques dans le développement du langage, les auteurs ont utilisé plusieurs méthodes : la méthode de regard préférentiel intermodal (Intermodal Preferential Looking Task, tâche d'IPL de Golinkoff, Hirsh-Pasek, Cauley, &

Gordon, 1987), la Head-turn Preference Procedure (HPP) (Fernald, 1985 ; Colombo &

Bundy, 1981, 1983), la Switch Task (Stager & Werker, 1997 ; Werker, Cohen, Lloyd, Casasola, Stager, 1998) et la Name-Based Categorization Task, tâche de NBC (Nazzi &

Gopnik, 2001).

Dans le paradigme du regard préférentiel intermodal, deux images et un stimulus auditif sont présentés à l'enfant et on mesure la durée de regard sur chaque image. L'enfant a tendance à regarder plus longtemps l'image qui correspond au stimulus auditif. Si on émet l'hypothèse de représentations phonologiques détaillées, on s'attend à ce qu'il regarde moins longtemps cette image, quand le stimulus auditif est mal prononcé. Par exemple, si on présente à l'enfant le stimulus auditif tateau, il devrait moins regarder l'image du bateau

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qu'une écoute du mot correctement prononcé bateau. L'avantage de cette méthode est qu'elle évalue l'enfant dans une tâche référentielle qui ne demande que très peu d'effort cognitif pour le bébé. Elle est utilisée par des auteurs comme Mani et Plunkett (2007, 2008), Swingley et Aslin (2000, 2002, 2007), ainsi que dans notre étude où cette tâche sera expliquée plus en détails par la suite.

Certains auteurs, tels que Jusczyk et Aslin (1995) avec des bébés anglophones ou Hallé et de Boysson-Bardies (1996) avec de petits francophones, ont utilisé la méthode de rotation de la tête (Head-turn Preference Procedure – HPP). Cette méthode consiste à apprendre à l'enfant que s'il tourne la tête à droite ou à gauche vers un signal lumineux, un signal auditif est lancé et qu'il s'arrêtera lorsque l'enfant détourne la tête. On mesure ensuite le temps où le bébé reste tourné vers la source du signal auditif en faisant l'hypothèse qu'il regardera plus longtemps la lumière quand le stimulus auditif lui est familier. Par exemple, il regardera plus longtemps la lumière lorsqu'il entendra poupée par rapport à pupée qui ne lui est pas familier.

La Switch Task est réalisée en deux temps. Premièrement, une phase de familiarisation où l'enfant entend deux stimuli auditifs, chacun associé à un objet jusqu'à habituation, c’est-à- dire une diminution du temps de regard sur les objets. Dans un deuxième temps, une phase test où l'on présente à l'enfant, soit la même paire stimulus auditif-objet que dans la phase précédente (condition same-trial), soit une paire modifiée dont le stimulus auditif ne correspond plus à la même image (condition switch-trial). Si l'enfant a appris l'association sons-sens, il devrait donc regarder plus longtemps le switch-trial que le same-trial, car la nouveauté entraîne une déshabituation. Par exemple, un objet A reçoit l'appellation « dih » et un objet B « bih », on habitue l'enfant à ces deux paires, puis on lui présente soit l'objet A avec le stimulus auditif « dih » (same-trial), soit l'objet A avec le label « bih » (switch-trial) et on mesure son temps de regard. Celui-ci devrait être plus long pour le switch trial, s'il fait la différence entre les stimuli « dih » et « bih » qui sont proches phonologiquement. Cette méthode est utilisée par exemple dans les recherches de Stager et Werker (1997) ou Fennell et Werker (2003).

Finalement, une autre méthode peut encore être utilisée : la NBC Task. Elle demande des ressources cognitives plus importantes, car l'enfant commence par une phase d'apprentissage de nouveaux mots où on lui présente une triade d'objets dont deux reçoivent le même nom et le troisième est nommé différemment. Chaque objet est labellisé un certain nombre de fois

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pendant que l'enfant manipule l'objet. Puis l'enfant doit montrer l'objet qui va avec celui que l'expérimentateur lui présente. On s'attend à ce que l'enfant donne l'objet qui porte le même nom. Par exemple, un objet A est nommé « nouque » et deux objets B et C sont labellisés

« mouque ». Après la phase d'apprentissage, l'expérimentateur prend l'objet B et demande à l'enfant : « Peux-tu me donner celui qui va avec celui-là ? ». On s'attend à ce que l'enfant donne l'objet C qui a reçu la même appellation. Cette tâche est réussie par les enfants de 20 mois mais pas par ceux de 16 mois (Nazzi, 2005). On retrouve cette méthodologie dans les articles de Nazzi et New (2007) et Havy et Nazzi (2009).

Ces différentes méthodes ont un coût cognitif différent et peuvent sous-évaluer les capacités réelles des enfants. Par ordre de difficulté croissante de ces méthodes, il y a l’IPL et l’HPP qui sont les moins coûteuses car il suffit à l'enfant de tourner la tête vers une source sonore (HPP) ou de regarder une image (IPL). Une différence importante entre ces deux méthodes est que l'IPL évalue l'enfant dans une situation référentielle au contraire de l'HPP.

La Switch Task ajoute une mémorisation de paires de mots et un traitement de l’information pareil-différent selon la condition same-trial ou switch-trial, elle est donc plus difficile.

Finalement, il y a la méthode NBC, où l’enfant doit faire une action sur l’objet, ce qui lui coûte plus en énergie que de regarder une image. Il doit en plus faire une catégorisation pour associer l'objet qui va avec un autre objet. Havy et Nazzi en 2009, ont simplifié cette méthode en utilisant une tâche d’apprentissage interactif de mots, où ils ont enlevé l’aspect de catégorisation pour rendre le coût cognitif moins important. Cette fois, ils présentent à l'enfant deux objets qu'ils nomment plusieurs fois par un pseudo-mot et que l'enfant peut manipuler. Au lieu de demander l'objet qui va avec, l'expérimentateur prend un troisième objet et le place dans une tasse en disant un des deux mots, puis en demandant à l'enfant :

« Peux-tu mettre l'autre « mot cible » dans la tasse ? ».

Les trois premières méthodes ont l'avantage de pouvoir évaluer des mots familiers ainsi que des nouveaux mots (demandant une phase d'apprentissage), au contraire de la NBC Task qui ne peut utiliser que des nouveaux mots. En effet, elle ne peut pas prendre des mots familiers, car la catégorisation des objets serait visuellement trop proche. L'avantage des tâches avec l'apprentissage de nouveaux mots est qu'elles permettent d'avoir un meilleur contrôle sur les stimuli, par contre elles sont plus coûteuses au niveau des ressources cognitives.

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Dans les expériences, lorsqu'un groupe d'enfants ne montre pas de différence de comportement face à un mot modifié, il est important de se demander si la méthode était appropriée, avant de conclure que les représentations phonologiques de ces enfants ne sont pas détaillées. De plus, l'âge de l'enfant influence le choix de la méthode.

3.2 Rôle de l'âge

Lorsque l’enfant se développe, il acquière des représentations phonologiques de plus en plus détaillées pour finalement avoir un lexique bien développé. Les auteurs se sont demandés à partir de quel âge les représentations deviennent détaillées. Mais les recherches ne s’accordent pas entre elles et obtiennent des résultats parfois contradictoires selon la méthode utilisée.

Jusczyk et Aslin (1995) ont trouvé que les enfants anglophones de 7½ mois étaient sensibles à des mauvaises prononciations sur le début de mots entraînés lorsqu'il fallait les reconnaître dans une phrase, en utilisant la méthode HPP. Des auteurs de différentes langues ont trouvé que les enfants de 11 mois étaient sensibles aux mauvaises prononciations, avec la même méthode HPP (pour l'anglais et le français : Vihman, Nakai, DePaolis & Hallé, 2004 et pour le hollandais : Swingley, 2005a). La différence d'âge provient du fait que chez Jusczyk et Aslin (1995) la tâche ferait plus de la discrimination que de la reconnaissance de mots.

Dans une tâche d'apprentissage de nouveaux mots (association simple mot-objet), les enfants anglophones de 14 mois n'arrivent pas à différencier deux mots proches phonologiquement, contrairement à ceux de 17 et 20 mois ou ceux de 8 mois, mais ces derniers sont dans une tâche de perception et non d'apprentissage de nouveaux mots (Stager et Werker, 1997 ; Pater, Stager & Werker, 2004 ; Werker et al., 2002). En utilisant une Switch Task, Werker et collègues (1998) ont montré que c'est seulement à partir de 14 mois que l'enfant arrive à associer deux paires de mot-objet dans la condition où l'objet est animé et où les deux mots diffèrent phonologiquement. En 2002, Werker et collaborateurs ont montré des résultats semblables avec des bébés de 14 mois, même lorsqu'ils avaient modifié la procédure pour la rendre plus facile en prenant un temps d'exposition plus long, un critère d'habituation plus faible et des objets plus disparates. Ces résultats ne sont donc pas une conséquence d'une tâche trop difficile, mais bien un effet d'âge. À 14 mois, les enfants n'arrivent pas à apprendre deux mots proches phonologiquement, alors que dès 17 mois, ils y parviennent. À 14 mois, les enfants sont encore des nouveaux apprenants et associer un mot à un objet reste difficile.

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Mettre du sens sur ce qu'ils entendent pourrait ne pas leur laisser assez de ressources attentionnelles pour utiliser tous les détails d'un mot. Par contre, lorsque le mot est familier, les enfants anglophones de 14 mois réussissent la Switch Task (Fennell & Werker, 2003).

En utilisant une méthode demandant moins de ressources, par exemple le paradigme d'IPL, des résultats en faveur de représentations phonologiques détaillées sont déjà observés à 14 mois pour des mots familiers ou nouveaux (Mani & Plunkett, 2007 ; Swingley & Aslin, 2002 ; Swingley, 2009), mais rarement plus jeunes. Ces auteurs postulent donc une continuité entre la perception de la parole (représentations phonétiques) et l'apprentissage de mots (représentations phonologiques). De même, une étude plus récente de Yoshida, Fennell, Swingley et Werker (2009) démontre qu'en utilisant la tâche d'apprentissage de mots de la méthode de Switch Task, mais en prenant la procédure d'IPL pour la phase test, les bébés anglophones de 14 mois arrivent à apprendre deux mots nouveaux et similaires associés à deux objets. Ils décrivent deux types d'explications pour les enfants qui échouent à la Switch Task dans les études de l'équipe de Werker (Stager et Werker, 1997 ; Pater et al., 2004 ; Werker et al., 2002) : soit la difficulté de la méthode, soit l'apprentissage progressif des principes de phonologie qui permettent de différencier les mots. La Switch Task requière de l'enfant de refuser une paire de mot-objet modifiée. Lorsque les enfants apprennent des nouveaux mots, leur confiance dans ce nouveau label ne serait pas assez élevée pour rejeter la paire modifiée (Switch Task) alors qu'elle leur suffirait pour mettre le label correspondant le mieux à l'image qui leur est présentée dans un paradigme d'IPL. Dans la deuxième explication, les jeunes enfants peuvent avoir accumulé assez d'expérience pour les mots familiers, par exemple le mot anglais « ball » n'est jamais prononcé « doll » et ils distinguent

« b » de « d ». Dans l'apprentissage de nouveaux mots, les enfants plus jeunes auraient de la difficulté à utiliser cette connaissance spécifique pour généraliser le contraste b-d à tous les mots. C'est seulement vers 16-17 mois que des auteurs comme Havy et Nazzi (2009) avec des enfants francophones et une méthode d'apprentissage interactif de mots ou Swingley et Aslin (2007) avec des petits anglophones de 18 mois et une méthode d'IPL, ont trouvé que les bébés pouvaient apprendre des nouveaux mots proches phonologiquement dont seule la consonne en position initiale changeait. Par contre à 18 mois, ces enfants continuaient d'échouer lorsque les nouveaux mots avaient dans leur lexique un mot familier phonologiquement proche. À 20 mois, les études s'accordent à dire que les représentations sont généralement bien spécifiées pour les consonnes de mots familiers et nouveaux, quelle

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que soit la méthode utilisée (Bailey & Plunkett, 2002 ; Swingley et Aslin, 2000, pour l'IPL ; Werker et al., 2002 pour la Switch Task ; Nazzi, 2005 ; Nazzi et Bertoncini, 2009, pour la NBC). Pour les voyelles, les résultats sont un peu plus partagés, mais les différences entre le type de phonèmes modifiés sera repris dans le chapitre suivant.

Dans le développement du langage, il y a certains âges clés. Vers 18 mois, par exemple, il y a généralement une explosion lexicale où l’enfant passe d’une cinquantaine de mots à plusieurs centaines en peu de temps. Dans les résultats obtenus, si on trouve une différence entre des enfants avant et après l’explosion lexicale, il pourrait y avoir un effet de la taille du vocabulaire ou alors d’une maturation cérébrale liée à l’âge qui permettrait aux enfants d'avoir une représentation plus détaillée. Des auteurs comme Werker et collaborateurs (2002) ont trouvé une corrélation entre la taille du vocabulaire et leurs résultats, mais d'autres études n'ont pas montré un lien entre la taille du vocabulaire et leurs résultats (Havy & Nazzi, 2009 ; Mani et Plunkett, 2007, 2008 ; Swingley & Aslin, 2000, 2002). Dans des études utilisant les potentiels évoqués (ERP : Event-Related Potentials), Mills, Prat, Zangl, Stager, Neville et Werker (2004) ont montré une plus grande amplitude dans le signal entre des mots bien ou mal prononcés par rapport à des pseudo-mots à 14 mois et une plus grande amplitude entre des mots bien prononcés par rapport à des mots mal prononcés ou des pseudo-mots à 20 mois. Entre 14 et 20 mois, il y aurait donc un changement dans la catégorisation des mots mal prononcés qui seraient différenciés des mots bien prononcés, avec un effet visible dans l'activité du cerveau. Ces résultats seraient plutôt en faveur de représentations phonologiques différentes entre 14 et 20 mois, allant dans le sens des conclusions de Werker et collègues (2002) et Stager et Werker (1997).

Pour notre étude avec des bébés de 14 mois, la méthode IPL semble la plus appropriée pour cet âge car plusieurs auteurs ont trouvé des résultats significatifs avec ce paradigme, contrairement à la Switch Task qui semble demander plus de ressources attentionnelles et la NBC qui n'obtient des résultats qu'à partir de 20 mois.

3.3 Rôle des stimuli et des changements apportés

La méthode et l'âge ne permettent pas à eux seuls d'expliquer les différences de résultats obtenus dans les expériences. Le choix des stimuli selon la familiarité du mot, le type de phonème ou la position du changement dans le mot est tout aussi important.

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3.3.1 Familiarité

Des auteurs rapportent des différences dans le choix de stimuli par rapport à la familiarité du mot utilisé. Par exemple, Swingley et Aslin (2007), dans une tâche d’IPL avec des enfants anglophones de 18 mois, trouvent une différence pour les mots non-familiers qui ont une représentation moins détaillée que les mots familiers, lorsque le changement sur le nouveau mot est proche phonologiquement d'un mot familier du lexique. D'autres auteurs comme Ballem et Plunkett en 2005, ne trouvent pas un grand effet de familiarité pour les mots mal prononcés dans une tâche d'IPL, avec des enfants anglophones de 14 mois. Dans une Switch Task, Stager et Werker (1997) trouvent que les enfants de 14 mois peuvent apprendre deux nouveaux mots qui sont distincts phonétiquement mais pas quand ils sont similaires.

Cependant, Fennell et Werker (2003) ont trouvé que les bébés du même âge arrivent à distinguer deux mots proches phonologiquement lorsque les mots sont familiers quand la même méthode est utilisée. La familiarité du mot semble donc jouer un rôle selon l'organisation du lexique ou la méthode choisie. Plus la tâche est difficile et plus la familiarité jouerait un rôle pour la réussite de l'épreuve.

L'influence de la familiarité doit aussi être considérée par rapport au changement effectué sur le mot mal prononcé, à savoir si c'est une consonne ou une voyelle qui est modifiée.

3.3.2 Type de phonème

Dans la littérature, les auteurs obtiennent souvent des résultats différents selon qu'ils modifient une consonne ou une voyelle pour la reconnaissance ou l'apprentissage de mots.

Les voyelles, dans le développement de l’enfant sont acquises plus précocement que les consonnes (Kuhl et al., 1992). Acoustiquement, elles portent plus d'énergie, sont plus longues et ont une intensité sonore plus élevée ; elles pourraient donc être plus saillantes et détaillées plus précocement que les consonnes (Bertoncini & de Boysson-Bardies, 2000). De plus, Hallé et de Boysson-Bardies (1996) font l'hypothèse que les voyelles seraient plus spécifiées en français car elles sont rarement omises dans les premières productions des enfants, et en anglais, elles sont rarement élidées dans les syllabes accentuées.

D'un autre côté, Nespor, Peña et Mehler (2003) postulent que les consonnes et les voyelles jouent un rôle différent dans le développement du langage et la reconnaissance de mots. Ces auteurs ont montré que les consonnes ont un rôle plus important au niveau lexical, alors que les voyelles sont plus importantes au niveau de la prosodie et de la syntaxe car elles sont

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porteuses des variations acoustiques de durée, d’amplitude et de hauteur. Les consonnes seraient donc plus spécifiées au niveau des représentations phonologiques lors du traitement lexical d'un mot comme dans une tâche de reconnaissance ou d'apprentissage de mots. Ces différences de rôle ont été montrées avec des travaux effectués chez l'adulte, par exemple dans une tâche de reconstitution de mots où on présente un non-mot (kebra) qui peut être transformé en un vrai mot en changeant seulement un phonème (kobra ou zebra). Van Ooijen (1996) a trouvé que les locuteurs anglais sont plus rapides et font moins d'erreur lorsqu'ils remplaçaient la voyelle pour obtenir un vrai mot. De plus, ils changeaient plus volontiers une voyelle pour faire un vrai mot, ce qui signifie que l'information portée par les voyelles est plus variable que celle des consonnes dans le traitement de reconnaissance des mots. Une explication à ce phénomène pourrait être que les voyelles contribuent moins à l'identité lexicale et à l'organisation lexicale que les consonnes en accord avec l'hypothèse de Nespor et coll. (2003). Les mêmes résultats ont été trouvés dans d'autres langues par Cutler, Sebastián- Gallés, Soler-Vilageliu et van Ooijen (2000) pour l'espagnol et le hollandais. Ces auteurs émettent l'hypothèse que l'adulte, par expérience, a appris que les informations portées par les voyelles sont moins fiables que celles des consonnes et c'est pour cela qu'il changerait plus volontiers une voyelle d'un pseudo-mot pour arriver à un mot existant. Une autre raison donnée par ces auteurs est que les adultes pourraient avoir découvert qu'une erreur faite sur une consonne aboutit plus fréquemment à l'activation d'un autre mot du lexique qu'une erreur sur une voyelle. En effet, dans le lexique de l'adulte, il y a plus de paires minimales sur les consonnes que sur les voyelles (Nazzi, 2005). Changer une voyelle coûterait donc moins dans la précision du traitement de reconnaissance de mots. Mais est-ce que les enfants utilisent déjà les informations portées par les consonnes ou les voyelles précocement ou cette habileté se développe-t-elle plus tardivement ?

Fennell et Werker (2003) ont trouvé qu'à 14 mois, les bébés peuvent reconnaître deux mots familiers proches phonologiquement dont la consonne initiale est modifiée sur un trait avec une Switch Task, de même que Ballem et Plunkett (2005) avec la méthode IPL et des mots familiers ou nouveaux. Avec la méthode Switch Task, la consonne initiale serait détaillée seulement à partir de 17 mois pour l'apprentissage de nouveaux mots (Werker et al., 2002).

Les auteurs trouvent aussi des résultats pour des consonnes en position non initiale. Swingley (2009) a démontré que la consonne en position onset ou offset était spécifiée à 17 mois pour des anglophones dans des mots familiers avec la méthode d'IPL et Swingley (2003) avait

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trouvé le même résultat pour la consonne médiane chez des enfants de 19 mois. Pour les mots nouveaux, ce serait seulement vers 20 mois que les enfants détecteraient un changement sur la consonne initiale ou finale en utilisant la méthode de NBC (Nazzi & Bertoncini, 2009).

Moins d'études se sont intéressées aux changements sur les voyelles. Mani, Coleman et Plunkett (2008) ont trouvé que les bébés anglophones de 18 mois pouvaient différencier deux mots familiers différant d'une voyelle seulement lorsqu'ils modifiaient la hauteur ou la postériorité mais pas l'arrondissement et d'autres auteurs ont trouvé que les voyelles étaient spécifiées aussi dans l'apprentissage de mots. Par exemple, avec une méthode d'IPL, des bébés de 14 mois réussissaient la tâche lorsque la modification de la voyelle était faite sur les trois dimensions : hauteur, postériorité, arrondissement (Mani & Plunkett, 2008). En utilisant la Switch Task, Curtin, Fennell et Escudero (2009) ont trouvé que les bébés anglophones de 15 mois pouvaient différencier deux voyelles pour un changement de hauteur mais pas de postériorité ni d'arrondissement. Toutes ces expériences ont montré que les enfants pouvaient assez précocement reconnaître ou apprendre des mots proches phonologiquement par les consonnes ou les voyelles, mais aucune ne comparait directement les deux types de phonèmes. D'autres études se sont alors efforcées de comparer les deux types de phonèmes pour voir s'il existait une asymétrie ou non pour les consonnes ou les voyelles, lorsque la même tâche et le même âge étaient utilisés.

Nazzi (2005) trouve que les enfants francophones de 20 mois sont sensibles aux changements sur les consonnes mais pas sur les voyelles dans une tâche d’apprentissage de nouveaux mots avec la méthode NBC. Les mêmes résultats ont été obtenus avec des enfants de 16 mois dans une tâche d’apprentissage interactif de mots (méthode NBC simplifiée) dans une expérience de Havy et Nazzi (2007). Ces résultats sont en faveur de l'hypothèse de Nespor et coll. (2003) qui postulaient que les consonnes auraient un rôle plus important pour le niveau lexical. Nazzi, Floccia, Moquet et Butler (2009) ont montré que les enfants de 30 mois réussissaient à apprendre deux mots ne différant que d'une voyelle mais qu'ils utilisaient préférentiellement les informations portées par les consonnes. En effet, à l'aide de la méthode NBC, ils familiarisaient les enfants à trois objets portant un pseudo-mot différant soit par une consonne, soit par une voyelle d'un autre pseudo-mot, par exemple /gito/ – /gipo/ – /gupo/.

Dans la phase test, les enfants préfèrent associer deux mots partageant la même consonne plutôt que la même voyelle. Toutes ces études francophones montrent une asymétrie en faveur des consonnes. Mais une étude de Mani et Plunkett (2010) avec des bébés de 12 mois

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montre une légère asymétrie en faveur des voyelles. En effet, les bébés arrivaient à différencier des mots familiers lorsque la voyelle était modifiée, quelle que soit la dimension changée, alors que pour les consonnes seules celles qui différaient par la place ou la manière d'articuler étaient réussies. D'autres auteurs trouvent une symétrie entre les deux types de phonèmes. Mani et Plunkett (2007) obtiennent des résultats pour des consonnes et voyelles détaillées à 18 et 24 mois en utilisant la méthode d’IPL et des résultats moins robustes pour les bébés de 15 mois qui auraient plus de difficulté à établir l'identité des voyelles que des consonnes. Même s'ils sont sensibles à des changements sur les deux types de phonèmes, il y aurait donc une asymétrie en faveur des consonnes à 15 mois, puis une symétrie dès 18 mois.

En utilisant la même méthode, Swingley et Aslin (2002) trouvent que les voyelles et les consonnes sont déjà détaillées à 15 mois chez des bébés anglophones, même lorsque la modification était faite sur un trait.

Il n’y a pas encore de consensus au niveau des résultats obtenus pour les consonnes et les voyelles et il y a des différences dans les résultats selon la méthode utilisée et les langues. Les méthodes demandant plus de ressources comme la NBC montreraient une asymétrie consonnes-voyelles qui ne se retrouverait pas lorsque la tâche est plus facile. Notre étude pourrait apporter des informations supplémentaires en utilisant la même méthode que les équipes de Plunkett et Swingley, mais en comparant nos résultats avec le français sur des mots familiers, car aucune étude n'a été réalisée avec cette méthode sur des enfants francophones de 14 mois. Les études en français de l'équipe de Nazzi utilisent la méthode NBC et n'obtiennent pas les mêmes résultats que les études anglophones. De plus, la méthode qu'ils utilisent ne convient pas aux enfants de 14 mois car elle est trop coûteuse en ressources cognitives.

En plus du rôle des consonnes et des voyelles, un autre facteur important est à considérer : la place du changement dans le mot. En effet, le début du mot ou la syllabe accentuée pourraient être plus saillants et avoir une influence dans la spécificité des représentations phonologiques.

3.3.3 Emplacement du changement dans le mot

Des études ont cherché à savoir s'il y avait une différence lorsque le changement était fait au début du mot ou à la fin. Le début du mot pourrait être plus saillant du fait de la primauté dans le signal acoustique et du traitement incrémental de la parole. Une autre hypothèse serait

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que le pattern d’accentuation de la langue influencerait la spécificité des représentations phonologiques. Par exemple pour le français, qui est une langue plutôt iambique, la deuxième syllabe serait plus saillante et donc plus détaillée chez les enfants.

De nombreuses études avec les adultes ont démontré que nous traitions le signal de la parole de manière incrémentale et que l'onset était plus saillant. Marslen-Wilson (1987) trouve que les adultes sont capables d'identifier rapidement un mot parlé, même avant d'avoir toutes les informations acoustico-phonétiques. D'autres études montrent que les adultes font plus d'erreurs sur des pseudo-mots partageant le même onset par rapport à la même rime, dans une tâche d'identification de mot (Creel, Aslin & Tanenhaus, 2006) et Redford et Diehl (1999, cités par Swingley, 2009) trouvent que les adultes ont plus de difficultés à identifier des codas par rapport à des onsets. Qu'en est-il des enfants ?

Fernald, Swingley et Pinto (2001) ont trouvé qu'à 21 mois comme à 18 mois, les bébés reconnaissent un mot incomplet aussi vite et précisément que le mot entier. Dans une tâche de fixation visuelle, Swingley et collègues (1999) ont montré qu'à 24 mois, les enfants mettaient plus de temps pour regarder l'image cible par rapport à une image distractrice lorsque les deux mots partageaient leur onset (dog/doll). Ils étaient plus rapides quand les mots avaient la même rime (ball/doll) ou lorsqu'il n'y avait aucun phonème en commun (dog/tree). Dans cette même étude, les adultes présentaient des résultats similaires. Les enfants feraient donc rapidement un traitement incrémental de la parole comme les adultes. L'onset pourrait donc être plus saillant et plus détaillé phonologiquement.

Jusczyk, Goodman et Maumann (1999) ont démontré que les bébés de 9 mois écoutaient préférentiellement un mot monosyllabique qui partage le même début de syllabe (CV- ou seulement la consonne initiale), mais ne retrouvent pas ce phénomène lorsque les mots partagent la même rime (-VC). Très tôt dans le développement du lexique, les bébés auraient une préférence pour l'onset du mot. Mais Hallé et de Boysson-Bardies en 1996 ont trouvé qu'un changement sur la consonne médiane affecte plus les enfants francophones qu'une modification en position initiale ; la consonne médiane serait donc plus détaillée. Vihman et al. (2004) ont repris la même méthode avec des enfants anglophones de 11 mois et ont trouvé que la première syllabe était mieux détaillée. Ces auteurs expliquent ces résultats différents par un effet de langue où en anglais la première syllabe est accentuée alors qu'en français c'est la deuxième syllabe qui est généralement allongée dans des mots bisyllabiques. Ainsi, la

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syllabe est plus ou moins détaillée, selon l'accentuation de la langue. En 2005, Swingley a trouvé que les enfants de 11 mois, apprenant le hollandais, arrivaient à détecter un changement sur la position initiale ou finale d'un mot, mais les résultats pour l'offset étaient moins clairs.

Plusieurs auteurs n'ont pas trouvé de différence selon la position changée dans le mot avec des enfants plus âgés. Swingley (2009) obtient des résultats dans ce sens à l'aide de la méthode IPL avec des bébés anglophones de 14 à 22 mois. En 2003, il ne trouve pas non plus de différence entre une modification sur la consonne initiale ou médiane dans des mots familiers avec des enfants hollandais de 19 mois. Ces résultats se retrouvent chez Nazzi (2005) et Nazzi et Bertoncini (2009) dans une tâche d'apprentissage de mots mono- et bi- syllabiques avec des bébés francophones de 20 mois. Par contre, Zamuner (2006) trouve que des enfants hollandais de 16 mois ont des représentations phonologiques détaillées pour une modification sur le voisement pour la consonne en position initiale, mais pas finale du mot.

Toutefois, lorsque le changement était fait sur la place d'articulation, les résultats ne montraient pas de différence selon la position. En français, Havy et Nazzi (2009) observent le même résultat avec des enfants d'âge identique lorsqu'ils mesurent le temps de regard avec la méthode NBC. Ces auteurs soulèvent le fait que le type de traits modifiés pourrait aussi avoir son importance dans les représentations phonologiques des bébés.

En résumé, les études réalisées avec des enfants de 9 ou 11 mois en utilisant une méthode d'HPP semblent montrer un effet de position avec un avantage pour la consonne initiale dans les langues germaniques et un avantage pour la consonne médiane en français (Jusczyk et al., 1999 ; Hallé & de Boysson-Bardies, 1996 ; Vihman et al., 2004 ; Swingley, 2005). Au contraire, les expériences faites avec des enfants plus âgés et le paradigme d'IPL ne semblent pas montrer de différence entre les changements de positions. Dans ces études, les enfants ne sont dans une situation référentielle que pour l'IPL. La différence de résultats pourraient venir de cet élément ou résulter d'un effet d'âge. S'il y a un changement au niveau développemental, à quel âge les enfants ont des représentations phonologiques détaillées quelle que soit la position du changement dans le mot ? Entre 11 mois et 16 mois aucune expérience n'a été réalisée selon ce critère en français, c'est pourquoi dans notre expérience 3 nous modifions la consonne initiale et finale avec des enfants de 14 mois.

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3.4 Rôle de la langue

Les langues ne sont pas toutes construites de la même façon. Elles diffèrent selon les patterns d'accentuation, le nombre de consonnes et de voyelles, leur arrangement dans les mots ou la distribution fréquentielle des phonèmes dans le mot. Ces différences pourraient intervenir dans la construction des représentations lexicales des enfants.

Les langues trochaïques qui mettent l'accent sur la première syllabe pourraient influencer des représentations plus détaillées en début du mot qu'en fin de mot, alors que les langues iambiques, qui mettent l'accent sur la deuxième syllabe, auraient des représentations plus spécifiées sur cette syllabe. Pour le français, des auteurs comme Hallé et de Boysson-Bardies (1996) ont montré que des bébés de 11 mois préféraient des mots familiers à des mots non- familiers dont la consonne était modifiée en position initiale de la deuxième syllabe, accentuée en français. Cependant, ils n'avaient plus de préférence lorsque le changement était effectué sur la première syllabe non-accentuée en français. Pour des enfants anglophones du même âge, Vihman et collègues (2004) ont trouvé des résultats inverses qui vont dans le sens que la spécificité des représentations phonologiques dépendrait du pattern d'accentuation de la langue.

D'autre part, le ratio entre le nombre de consonnes et de voyelles (C:V) est différent selon les langues : par exemple, pour l'anglais (US) 24:17, le hollandais 19:16, l'espagnol 20:5 et le français 18:16 (Nazzi 2005). Il pourrait donc aussi avoir un effet de la langue sur les résultats selon le type de phonème modifié. Creel et al., (2006) ont fait varier ce facteur lors de l'apprentissage d'un lexique artificiel par des adultes. Dans une phase test où le participant devait choisir l'image correspondante au mot cible, les auteurs mesuraient le taux d'erreur par rapport à un distracteur partageant des caractéristiques avec le mot cible. Ils ont remarqué qu'un distracteur partageant les mêmes consonnes induisait plus souvent des erreurs que lorsqu'il partageait les mêmes voyelles. Ils ont aussi modifié le ratio consonnes-voyelles dans l'apprentissage du nouveau lexique, mais cette variable n'influence pas les résultats. Un lexique appris récemment utiliserait donc plus l'information des consonnes que des voyelles pour définir l'identité d'un mot, quel que soit le ratio C:V de la langue. Cependant, lorsque le participant apprenait un lexique avec une structure VC plutôt que CV, les mots partageant des voyelles augmentaient la confusion dans l'identification de mots. La position en début de mot serait donc plus saillante, quel que soit le type de phonème à cette position. Ce résultat infirme l'hypothèse de Nespor et al. (2003). Creel et collaborateurs (2006) se sont demandés

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si les mêmes résultats seraient obtenus avec une langue naturelle. Pour l'anglais, Van Ooijen (1996) a trouvé que les adultes substituaient plus souvent une voyelle d'un non-mot pour aboutir à un mot dans une tâche de reconstruction de mots. Quant à Cutler et collègues (2000), ils ont trouvé le même pattern de résultats avec le hollandais qui possède un ratio C:V proche de 1 et l'espagnol qui contient seulement 5 voyelles par rapport à 20 consonnes. Chez les adultes, il n'y aurait donc pas d'influence du nombre de consonnes par rapport aux voyelles dans une tâche de reconstruction de mots, mais bien une différence dans l'information portée par les voyelles et les consonnes pour la reconnaissance de mots. La répartition du nombre de consonnes ou de voyelles ainsi que leurs traits distinctifs pourraient aussi jouer un rôle. Par exemple, si une langue comme l'espagnol ne possède que 5 voyelles (a-e-i-o-u) qui sont relativement différentes phonétiquement, est-ce que celles-ci seraient détaillées plus précocement ? Au contraire, est-ce qu'une langue qui en possède 16 comme le français aurait des voyelles spécifiées plus tardivement parce qu'elles seraient plus proches phonétiquement les unes des autres ? Il n'y a pas encore assez d'études comparables avec des langues distinctes pour savoir si les représentations phonologiques se développent différemment selon ce critère. Il serait aussi intéressant de tester une langue qui possède plus de voyelles que de consonnes pour vérifier les résultats de Creel et al. (2006) dans une langue naturelle.

D'autres auteurs se sont demandés si des patterns structuraux plus fréquents dans une langue étaient mieux détaillés. Par exemple, Nazzi et Bertoncini (2009) ont testé des changements sur des consonnes dans une structure de syllabe consonne labiale – voyelle – consonne coronale ou l'inverse (consonne coronale – voyelle – consonne labiale) qui est moins fréquente en français, mais ils n'ont pas trouvé de différence significative dans leurs résultats. De même, les contrastes qui seraient plus pertinents d'une langue à l'autre pourraient être plus spécifiés. Mani et collègues (2008) trouvent que l'arrondissement des voyelles n'est pas spécifié chez des enfants anglophones de 18 mois. Ces auteurs expliquent leurs résultats par une redondance de l'information portée par cette dimension en anglais. En effet, les voyelles antérieures ne sont pas arrondies alors que les postérieures le sont (Ladefoged, 1971, cité par Mani et al., 2008). Selon ces auteurs, il faudrait comparer ces résultats avec des langues où l'arrondissement est plus pertinent comme le français ou le coréen pour vérifier cette hypothèse.

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Il y a encore peu d'études qui ont comparé systématiquement les différences entre les langues, mais au vu des divergences dans les expériences, ce facteur est à prendre en considération. Dans notre étude, nous allons comparer les résultats obtenus par les équipes anglophones de Plunkett ou de Swingley en utilisant la même méthode qu'eux.

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4. Notre recherche

Notre étude s'inscrit dans le cadre plus large d'une autre expérience commencée en 2007 par Zesiger et al. (en prép.) avec des enfants francophones de 12, 18 et 24 mois et financée par le Fonds National Suisse qui encourage la recherche suisse. À l'aide de la méthode du regard préférentiel intermodal (Intermodal Preferential Look – IPL), ces auteurs voulaient savoir à partir de quel âge les représentations phonologiques étaient détaillées et de quelle manière. Ils ont utilisé des mots familiers et nouveaux et ont effectué un changement sur des consonnes et des voyelles. Les modifications portaient aussi sur la position dans le mot et sur différents traits phonologiques substitués. Suite aux résultats obtenus, une série d'autres expériences est maintenant conduite avec des enfants de 14, 18 et 22 mois, car les résultats étaient insatisfaisants pour les 12 mois, probablement en raison d'un problème méthodologique. La méthode a été simplifiée, le nombre de mots a été réduit, la familiarité des mots, ainsi que la distance phonologique du changement ont été augmentées. Un renforcement de l’attention a aussi été introduit à l’aide d’un smiley qui applaudit. Nous nous sommes intéressés à la tranche d'âge des 14 mois pour ce mémoire, en observant le type de phonème modifié ainsi que le changement sur la position dans le mot.

Selon plusieurs études, il semblerait qu'à 14 mois, des changements s'opèrent dans les représentations phonologiques des bébés, ce qui en fait une population intéressante à tester.

En effet, ils se situent avant la période de l'explosion lexicale et obtiennent de meilleurs résultats que les enfants de 12 mois. C'est aussi à cet âge qu'on commence à pouvoir observer et mesurer une habileté dans l'apprentissage de mots. Werker et collaborateurs (1998) montrent que les enfants anglophones de 14 mois mais pas avant, arrivent à associer une paire de deux mots distincts phonologiquement avec deux objets mouvants en utilisant une méthode de Switch Task. Ils arrivent à faire cette association sans l'aide du contexte ou de l'adulte et après une brève exposition aux mots.

De plus, nous avons pris en compte les différents facteurs existants dans la littérature.

Nous utilisons le paradigme de regard préférentiel intermodal qui demande relativement peu de ressources attentionnelles de la part des enfants, ce qui permettra de mieux mettre en évidence leurs compétences réelles. C'est la même méthode que les études anglophones de l'équipe de Plunkett ou de Swingley. Les expériences francophones de l'équipe de Nazzi utilisent une méthode de NBC avec des enfants plus âgés et il n'existe pas encore d'études en

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