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Faire du portage d'une politique "diversité" un processus créateur : une affaire de réseaux et de collégialité ?

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Academic year: 2021

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(1)Colloque 'Le management de la diversité' | Consortium doctoral 2 février 2012 Lyon IAE Lyon. Faire du portage d’une politique diversité un processus créateur : une affaire de réseaux et de collégialité ? Maria Giuseppina BRUNA Chargée d’enseignement à l’Université Paris-Dauphine Doctorante contractuelle, IRISSO (Dauphine-CNRS) Chaire « Management et Diversité » (Fondation Dauphine) Membre de l’Association Nationale des Directeurs des Ressources Humaines (ANDRH) Directeur de thèse : Prof. Emmanuel Lazega Contrat doctoral de l’IRISSO (Université Paris-Dauphine-CNRS) Sociologie, sociologie des organisations et des réseaux Première année d’inscription en thèse : 2009. 1. Faire d’une politique de diversité un processus créateur : une affaire de collégialité ? Le portage d’une politique de diversité constitue un changement organisationnel profond, potentiellement déstabilisant – mais régénérateur – pour l’entreprise, doublement perçue comme acteur social et économique. S’inscrivant à la lisière entre sociologie et management, la thèse invite à interroger, par un chassé-croisé entre théorie et analyse de terrain, le déploiement d’une politique diversité au sein du Groupe La Poste, sous le prisme de la théorie de l’innovation (Alter Norbert, 2005, 2006). Fort culture d’entreprise sédimentée dans la longue durée et d’une implantation territoriale d’exception, le Groupe affiche une sensibilité à l’égard des problématiques de la diversité et développe, depuis 2005/2006, une politique pro-active d’égalité des chances. Dans une perspective transdisciplinaire, la thèse prend en examen l’agencement organisationnel ainsi que la structure formelle et informelle de la Direction de Projet « Diversité et Handicap » (D.P.D.H.), l’organe-pivot du portage de la politique diversité du Groupe. Organisation à tendance collégiale (Lazega Emmanuel, 1999 ; Lazega Emmanuel, Wattebled Olivier, 2010), aplatie et polycratique composée, à l’exception du secrétariat de seuls cadres supérieurs, la D.P.D.H. repose sur un système d’échange social généralisé et multiplexe liant les experts diversité entre eux. Mobilisant une méthodologie tant qualitative (conduite d’entretiens semi-directifs) que quantitative (administration de questionnaires de réseaux), la thèse de propose de : 1.

(2) Colloque 'Le management de la diversité' | Consortium doctoral 2 février 2012 Lyon IAE Lyon. cartographier le réseau professionnel des principaux co-porteurs de la politique diversité, reconstruire la structure informelle sous-jacent la D.P.D.H. en différenciant les processus sociaux (coopération, apprentissage, conseil, cooptation) liant les acteurs entre eux, 1) analyser la structuration (le plus souvent dyadique ou triadique) liant les experts diversité et leurs principaux interlocuteurs sectoriels et régionaux. Investiguant l’articulation entre centralisation stratégique et décentralisation organisationnelle d’une politique diversité, la thèse interroge l’impact sur l’appropriation collective et la « performance » de la politique diversité : 1) du développement d’une collégialité bottom-up à l’intérieur de la D.P.D.H., 2) d’une structuration en réseau du « système partenarial diversité » réunissant la myriade de co-porteurs sectoriels et régionaux de la politique diversité, 3) et de sa recomposition métonymique dans une forme de collégialité top-down, sorte d’instrumentation bureaucratique de la collégialité. La thèse vise à comprendre comment, reposant sur un original régime de régulation conjointe (bureaucratique et collégiale, collégiale top-down et bottom-up), la D.P.D.H. parvient à assurer. l’unité. fonctionnellement. coopérative. d’une. interdépendants,. équipe et. de. pairs-experts. médiatise,. au. autonomes. travers. d’une. bien. que. dynamique. décentralisatrice, le déploiement territorial d’une politique de diversité.. 2. Une politique de diversité comme processus créateur? Cadrage conceptuel 2.1. Emergence d’une pratique nouvelle : marginalité-sécante et étrangéité innovante Acteurs transgressifs (Babeau Olivier, Chanlat Jean-François, 2008), les innovateurs affichent, selon Alter (2005, 2006), une certaine distance - symbolique, culturelle et relationnelle - vis-à-vis du système professionnel au sein duquel ils évoluent. Celle-ci tiendrait à leur profil sociologique de marginaux-sécants, à la fois « congruents » (Moscovici Serge, 1976), « étrangers » et socialement intégrés au sein de leur organisation (Alter Norbert, 2006 : 265-282). Connecteurs relationnels reliant des sphères structurales disjointes, ils se rapprochent de l’idéaltype simmelien de l’Etranger (Simmel. Georg,. 1999. [1908]). Vivant –. métaphoriquement autant que métonymiquement - la dialectique du proche et du lointain, l’Etranger simmelien bénéficie d’une forme de distanciation cognitive, d’éloignement du 2.

(3) Colloque 'Le management de la diversité' | Consortium doctoral 2 février 2012 Lyon IAE Lyon. regard lui offrant une lecture contrapunctique de la réalité. Ainsi, la plupart des responsables diversité affichent, au sein de leurs entreprises, un positionnement de marginal-sécant qui est gage à la fois d’une intégration professionnelle forte et d’une distanciation à l’égard des dynamiques intra-organisationnelles. Et ce car la marginalité-sécante de l’Etranger le situe simultanément au cœur du système social (puisque son interconnexion relationnelle lui aménage un accès facilité à des ressources stratégiques et à une information non-redondante et l’inclut dans de nouvelles et avantageuses structures d’opportunité) et à la périphérie de celuici (puisque son altérité cognitive traduit une différence dans sa structure de socialisation, dans la configuration de ses réseaux). Posture intellectuelle qui tient au parcours biographique des acteurs, l’étrangéité innovante des apporteurs-d’idées et des porteurs-de-nouveauté est positionnement distancié et réflexif (Bruna Maria Giuseppina, 2011 a, c). C’est dans ce détachement procédural que prend naissance et essence un regard éloigné dans lequel s’enracine et se vivifie un criticisme de la distance et germe parfois une créativité nouvelle. Pour peu qu’elle soit collectivement portée. Ainsi, c’est dans une dynamique sociale d’appropriation négociée de la critique que s’enracine un processus créateur. Et ce car le refus délibéré de la critique aboutit à rigidifier le système, l’absence de regard extérieur glace la lymphe créatrice des ensembles organisés. C’est néanmoins dans la capacité du marginal-sécant à refuser le principe de l’ancrage et donc de la fixité que s’exprime son potentiel critique et donc productif. Faire d’un espace social un point de chute n’implique pas, selon Simmel, de l’élire à locus de socialité engagée (et donc affective). Faute de quoi l’étrangéité de l’étranger serait neutralisée. Car en effet l’étrangéité est moins un acquis qu’une dynamique, une posture qu’un positionnement, un héritage biographique qu’une conquête d’itinéraire contre soi-même. Lorsque l’on transpose la leçon simmelienne au cas des systèmes organisés, il apparaît que l’étrangéité cognitive des acteurs marginaux-sécants découle d’une pluri-socialisation les ayant conduits à goûter à de multiples univers sociaux. A l’encontre des tendances essentialistes, il s’agit là de rappeler que la seule diversité innovante est relationnelle (Chanlat Jean-François, Bruna Maria Giuseppina, 2011). L’étrangéité innovante n’est pas un état de fait mais bien une affaire de positionnement. Brokers au sens de l’analyse des réseaux (Burt Ronald, 1992, 1995, 2001), les porteursd’innovation affichent souvent une pluri-socialisation (qui substantifie leur regard éloigné) et une intégration professionnelle forte (qui est gage de diffusion et de légitimation de leurs idées ou pratiques novatrices). Plus qu’observateurs participants, les acteurs innovateurs sont 3.

(4) Colloque 'Le management de la diversité' | Consortium doctoral 2 février 2012 Lyon IAE Lyon. des joueurs de l’extérieur dotés d’une distanciation cognitive qui est trace de leur altérité. La possession d’un réseau social élargi (Granovetter Mark, 1973, 1974), peu dense et riche en trous structuraux (Burt Ronald, 1992 : 30-32; Burt Ronald, 1995 : 604-605) constitue la source première de leur poly-statutariété et de leur pouvoir, jusqu’à devenir le soubassement relationnel de leur congruence psychologique. Le réseau de l’apporteur-de-nouveauté s’avère ainsi un catalyseur de décryptage organisationnel, un médiateur de traduction et un vecteur de dissémination de la nouveauté. Ainsi médiatise-t-il un processus de transcodage (décodage des codes, normes du système de la part de l’étranger) et de transposition (des idées nouvelles dans le lexique et la grammaire symbolique de ses interlocuteurs). C’est pourquoi, de par leur positionnement de marginauxsécants, les acteurs pluri-socialisés et polystatutaires s’avèrent particulièrement aptes à insuffler et piloter des politiques de changement organisationnel.. 3. Le tissu relationnel de l’apporteur d’idées et le portage de la politique diversité Le tissu relationnel d’un apporteur-d’idées s’avère ainsi un vecteur de dissémination de la nouveauté, dont il médiatise la traduction dans la grammaire de l’organisation. Aussi, la congruence d’un acteur-innovateur et son étrangéité relative vis-à-vis du patrimoine normatif dominant s’avèrent vaines s’il ne dispose pas d’un patrimoine relationnel suffisant pour diffuser ses projets. Aussi, dans le cas de portage d’une politique de diversité, la dissémination de la philosophie diversité promue par la Direction et son transcodage dans un programme d’action de terrain ne peuvent se lire en faisant abstraction du profil des promoteurs-de-diversité. Et ce car le niveau et les formes d’intégration professionnelle des responsables diversité conditionnent la réussite du processus de transmutation de la philosophie diversité en une politique innovante, collectivement signifiée et approprié. Assise sur une diversité relationnelle, l’étrangéité innovante des porteurs-de-diversité : - s’enracine dans une forme de poly-socialisation professionnelle qui est synonyme de diversification des informations et des perspectives et gage de distanciation cognitive, - nécessite d’une intégration professionnelle suffisante pour accompagner le transcodage et la dissémination d’idées et pratiques novatrices, Ainsi, la possession de réseaux intra- et extra- organisationnels s’avère pour les responsables diversité condition d’exercice de leur profession. Même la congruence des promoteurs-dediversité s’avère influencée par deux paramètres relationnels : 4.

(5) Colloque 'Le management de la diversité' | Consortium doctoral 2 février 2012 Lyon IAE Lyon. - leur appétence personnelle à la diversité, soit-elle reconductible à des convictions politiques, à des croyances éthiques, à leur itinéraire biographique, - leur statut social : un acteur poly-statutaire (possédant des formes hétérogènes et noncongruentes de statut) et poly-intégré (appartenant à plusieurs cercles relationnels) est supposé être plus congruent (i.e plus réfractaire aux conditionnements majoritaires). A ce titre, un acteur poly-statutaire affichant une forte appétence personnelle à la diversité semblerait tout indiqué pour assurer le portage d’une politique transformative pro-diversité. Il n’en demeure pas moins que constituer une politique diversité en processus créateur nécessite de s’inscrire dans une dynamique collective. Ce qui implique d’interroger les mécanismes de socialisation professionnelle des responsables diversité, en prenant en examen la structuration de leurs relations coopératives, consultatives et formatives les liant à leurs pairs, à leurs subordonnés ou à des interlocuteurs locaux, sectoriels ou extérieurs impliqués dans le portage de la politique diversité. 2.1. La politique diversité, un processus créateur assis sur une dynamique sociale. Faire du portage d’une politique diversité un processus créateur et non pas une invention dogmatique (Alter Norbert, 2005) implique de l’inscrire dans une dynamique sociale de négociation, de transformation symbolique et d’appropriation collective. Cela requiert d’adopter une perspective de permanence (Chanlat Jean-François, Dameron Stéphanie, 2009) et une logique d’appréciation des résultats à long terme. Ainsi, faire de la politique diversité, un processus créateur comporte une conversion profonde de l’entreprise, appelée à accepter la déviance (Alter Norbert, 2005, 2006) et la transgression (Babeau Olivier, Chanlat Jean-François, 2008) pour parfaire l’ordre établi. Là où l’acceptation de la critique est gage de fertilité créatrice, l’évolution réglementaire (qui suit la remise en cause des croyances originelles) constitue un vecteur de durabilité, puisqu’elle touche à la sphère de l’officialité. Ainsi, la traduction d’une politique diversité dans la concrétude opérationnelle du terrain demeure conditionnée à une triple conditionnalité de nature temporelle (long terme), procédurale (transversalité), managériale (modalités de gestion des équipes diversifiées et des relations avec des publics et des partenaires diversifiés, stratégies de leadership adoptées…). Prendre le temps du mûrissement situationnel, de l’accouchement processuel (Jullien François, 1997, 2005 ; Jullien François, Bruna Maria Giuseppina, 2011) amène ainsi à résister dictats du court-termisme, satisfaisant ainsi à un « impératif de permanence » (Dameron Stéphanie, 2002). Il s’agit là de prendre le temps d’accompagner le changement (Watson 5.

(6) Colloque 'Le management de la diversité' | Consortium doctoral 2 février 2012 Lyon IAE Lyon. Warren E., Kumar Kamalesh, Michaelsen Larry, 1993 ; Chanlat Jean-François, 2000 ; Alter Norbert, 2005 ; Osty Florence, Sansaulieu Renaud, Uhalde Marc, 2007 ; Roberson Quinetta M., Park Hyeon Jeong, 2007). Autrement dit, de dépasser les décisions d’à coup pour faire de l’introduction et de la gestion de la diversité une exigence constante et non-négociable. Le portage d’une politique de diversité appelle ensuite à engager une dynamique dialogique et partenariale (Chanlat, 2000 ; Barth Isabelle, Falcoz Christophe, 2007; Peretti Jean-Marie, 2007 ; Cornet Annie, Warland Philippe, 2008 ; Bruna, Chauvet, 2010) à même d’accompagner la transmutation de la nouveauté en innovation collectivement appropriée et institutionnellement consacrée. Ainsi, le processus créateur légitime le changement en l’insérant dans un partage normatif. Loin d’ostraciser l’ordre, il intègre le nouveau dans l’ordre ancien qu’il transforme de l’intérieur (appropriation collective, institutionnalisation ; acceptation et prise en compte de la critique ; renversement normatif). Dans cette endogénéisation de la nouveauté se joue un double processus de contestation/recréation de l’ordre et d’endogénéisation intrinsèque du changement. Dans le cadre de la diversité, cela passe par la remise en question de mécanismes traditionn els de recrutement et de management s’avérant, de facto, peu efficaces en vue d’assurer l’égalité des chances (détection et rétention des potentiels, politique de constitution de viviers, stratégie de promotion selon les compétences). Ainsi, faire d’une politique de diversité un processus créateur appelle à accepter, approprier et institutionnaliser un changement organisationnel profond, touchant tant au patrimoine. normatif. qu’au. positionnement. environnemental,. aux. modalités. de. fonctionnement qu’aux intérêts stratégiques de l’entreprise (Barth Isabelle, 2007 :1-25). Un changement appelé aussi à influencer les mécanismes d’animation et de coordination d’équipes en voie de dissémination, d’internationalisation et, bien sûr, de diversification. Cela appelle à refonder le patrimoine de valeurs de l’organisation, dans une perspective de responsabilisation éthique de l’entreprise ainsi qu’à réviser les dispositifs intraorganisationnels déployés pour assurer l’égalité des chances et la promotion au mérite. Au contraire de l’invention dogmatique imposée par le haut de manière autoritaire, le processus créateur est appelé à faire l’objet d’une transformation symbolique et d’une appropriation collective de la part des acteurs de l’organisation. Si la mise en place d’une politique de diversité nécessite du support de la haute hiérarchie, sa réussite repose sur l’investissement actif et constructif des salariés. Ainsi, faire d’une politique de diversité un processus créateur s’avère être une affaire de réseaux et de collégialité.. 6.

(7) Colloque 'Le management de la diversité' | Consortium doctoral 2 février 2012 Lyon IAE Lyon. Synthèses précaires de gestion bureaucratique (reposant sur une autorité légalo-rationnelle) et de régulation endogène (ancrée dans une action collective entre pairs), les organisations à tendance collégiale (Lazega Emmanuel, Wattebled Olivier, 2010) se voient de plus en plus souvent confier le portage de politiques de changement au sein d’organisations bureaucratiques. Et ce car, reposant sur un original régime de régulation conjointe, elles parviennent à assurer l’unité coopérative d’équipes de pairs-experts fonctionnellement et professionnellement interdépendants, bien que poussés à l’autonomisation. Réunissant des collaborateurs qualifiés, expérimentés, poly-socialisés et pluri-statutaires, les organisations à tendances collégiales reposent sur une alchimie savamment négociée de délégation bureaucratique et d’autonomie professionnelle et permettent une systématisation et une mise en cohérence des initiatives portées par les professionnels à l’échelle sectorielle ou territoriale. Dans le cadre du portage d’une politique de diversité, l’édification de structures à tendance collégiale au sein de grandes entreprises à l’architecture bureaucratique cherche à assurer un déploiement coordonné de la myriade d’initiatives portées à l’échelle locale et sectorielle. Le phénomène collégial s’avère ainsi à même de confiner l’éclatement territorial ou sectoriel des initiatives portées par l’entreprise en matière de diversité et renforcer la discipline sociale intra-organisationnelle en alimentant une forme nouvelle de régulation conjointe (Reynaud Jean-Daniel, 1989 ; Babeau Olivier, Chanlat Jean-François, 2008) : bureaucratique et collégiale (Lazega Emmanuel, Wattebled Olivier, 2010 ; Bruna Maria Giuseppina, 2011 c).. 2. Faire d’une politique diversité un processus créateur : le cas de La Poste 2.1 Le portage d’une politique diversité chez La Poste : prolégomènes Organisation patrimoniale enracinée dans une culture de service public La Poste affiche, de par son histoire, son implantation territoriale diffuse et la différenciation de sa clientèle, une sensibilité philosophique vis-à-vis de la problématique diversité. Le plan Ambition 2015 fait de la promotion de la diversité l’un des axes stratégiques de la politique sociale du Groupe. Il se propose de renforcer le modèle social de La Poste tout en revivifiant le pacte de confiance le liant à ses collaborateurs, ses partenaires et ses publics. Dans une perspective volontariste où s’entremêlent considérations morales, injonctions politiques et motifs économiques et commerciales, La Poste s’engage, dès 2006, en signant la. 7.

(8) Colloque 'Le management de la diversité' | Consortium doctoral 2 février 2012 Lyon IAE Lyon. Charte de la Diversité « à favoriser la mixité, garantir l'égalité des chances et lutter contre les discriminations dans le recrutement et les parcours professionnels »1. Il s’agit d’un acte politique à la claire connotation performative qui a stimulé un apprivoisement progressif des enjeux de la diversité, puis une appropriation collective de la politique élaborée afin d’y répondre. Ainsi la signature de La Charte a joué un rôle d’entrainement opérationnel et a contribué à lancer une dynamique diversité, associant, à des degrés divers, l’ensemble des parties prenantes de La Poste. S’inscrivant dans la perspective d’une responsabilisation sociétale de l’entreprise et d’une conversion éthique du management, la promotion de la diversité se configurait au sein du La Poste comme une évidence éthique et une urgence opérationnelle. Le transcodage opérationnel de la stratégie diversité du Groupe visait trois objectifs : 1. une conversion éthique du recrutement et du management (programmes de sensibilisation et de formation des salariés à la question de la diversité, dispositifs ad hoc favorisant la diversification de l’encadrement, révision des procédures de recrutement/management…), 2. une adaptation des infrastructures postales aux évolutions de la législation, notamment en matière d’accessibilité des agences, 3. un renforcement de l’investissement territorial du Groupe (décentralisation opérationnelle de la politique diversité) Ouvrant un triple questionnement conceptuel, procédural et vocationnel, la conduite d’une politique de diversité chez La Poste participe d’un repositionnement de l’entreprise dans son environnement et d’un processus de légitimation sociale. Définie comme « une perception ou présomption généralisée selon laquelle les actions d’une entité sont souhaitables, convenables ou appropriées au sein d’un système socialement construit de normes, valeurs, croyances et définitions » (Suchman Mark, 1995 : 574), la légitimité est une ressource stratégique pour les organisations (Dowling et Pfeffer, 1975 ; Kostova et Zaheer, 1999). Elle constitue, de surcroît, une forme de « statut conféré et contrôlé par les parties prenantes » (Buisson, 2005). Or, l’investissement d’une dynamique d’égalité des chances peut se configurer pour une entreprise comme un vecteur de légitimation sociale. Aussi la politique diversité de La Poste se configure-t-elle tout à la fois comme : - la concrétisation d’un engagement moral satisfaisant aux injonctions éthiques et juridiques (renforcement de la légitimité morale) (Suchman Mark, 1995; Barth Isabelle, 2007 : 7) ; - une réponse aux enjeux de la modernité : la diversification des sociétés occidentales étant. 1. Voir le site de La Poste http://www.laposte.fr/collectivites-et-territoires/la-strategie-du-groupe-horizon-2015. 8.

(9) Colloque 'Le management de la diversité' | Consortium doctoral 2 février 2012 Lyon IAE Lyon. une réalité sociologique indéniable, la mise en place d’une politique diversité se configure comme une réaction à des processus endogènes à la modernité. Ainsi contribue-t-elle à renforcer sa légitimité pragmatique (Suchman Mark, 1995 ; Barth Isabelle, 2007 : 8). Acceptant un retour réflexif sur les motifs - éthiques, légaux et économiques- l’ayant poussée à investir le chantier de la diversité, La Poste cherche, de plus, à renforcer sa légitimité cognitive (Suchman Mark, 1995, Barth Isabelle, 2007 : 8). Ainsi, à l’aune de la théorie de la construction de la légitimité, « le management de la diversité peut être un levier dans une stratégie de légitimation de l’entreprise auprès de ses parties prenantes » (Barth Isabelle, 2007 : 5). Or, comme le rappelle Barth (2007), la légitimité de l’entreprise à l’égard de ses parties prenantes s’assoit en premier lieu sur sa performance économique. Prééminente aux Etats-Unis mais encore secondaire dans les discours des entreprises françaises, la légitimation par l’économique d’une politique diversité constitue, néanmoins, un vecteur essentiel de sa crédibilisation et de son rayonnement. Le financement d’une politique diversité est ainsi perçu comme relevant d’une logique d'investissement immatériel appelé à entraîner, à moyen/long terme, un retour positif. Ainsi, dès son plan d’action 2006, La Poste a inscrit la promotion de la diversité dans une triple intentionnalité : éthico-juridique, commerciale et productive. Ethico-juridique dans sa volonté de contrer les discriminations et de restaurer l’égalité des chances à l’embauche et dans le déroulé de carrière. Commerciale dans son dessein de bâtir un Groupe aux couleurs de la France, en accroissant l’attractivité et d’accessibilité de ses agences pour les publics les plus divers. Une telle politique cherche à satisfaire à un impératif d’égalité des chances consubstantiel à la mission de service public incombant à La Poste et parfaitement congruent à sa culture d’entreprise. La prise en compte du facteur diversité dans sa politique de recrutement et de management cherche également à réaliser des avantages commerciaux grâce à une diversification du profil des collaborateurs de proximité. Productive enfin dans son ambition de valoriser, dans une perspective d’innovation, la pluralité des « profils des postiers, leur créativité et leurs différences. [Et ce car le…] groupe La Poste entend créer les synergies et les conditions pour mieux accueillir ses clients et développer une offre de services innovante et adaptée à leur diversité »2. Ainsi, les évolutions du discours pro-diversité traduisent le passage d’un impératif sociétal exogène (exigence morale, injonction légale) à un enjeu endogène à l’entreprise (stimulation de la performance).. 2. http://www.charte-diversite.com/charte-diversite-signataire-la-poste-groupe-1624.php. 9.

(10) Colloque 'Le management de la diversité' | Consortium doctoral 2 février 2012 Lyon IAE Lyon. S’inscrivant « une stratégie pro-active promouvant la diversité comme facteur de performance […]3 », la politique du Groupe se fixait trois objectifs-clés : -. une conversion éthique du recrutement et du management (programmes de. sensibilisation et de formation interne à la problématique de la diversité, dispositifs favorisant la diversification et féminisation de l’encadrement, programmes de révision des procédures de recrutement et management dans une perspective pro-diversité), -. une adaptation des infrastructures postales aux contraintes législatives,. -. un renforcement de l’investissement local du Groupe en développant sa présence aux. Forums de l’emploi à l’échelle des territoires, et cela afin de faire de La Poste « une entreprise aux couleurs de la France ». 2.1 Le phénomène collégial dans le portage de la politique diversité chez La Poste Porteuse d’un changement profond touchant la politique diversité de La Poste est portée, de fin 2005 à janvier 2011, par la Direction de Projet «Diversité et Handicap » (D.P.D.H.). Chargée de transcoder des engagements politiques dans la concrétude de l’action de terrain, la D.P.D.H. pilote le déploiement de la stratégie diversité du Groupe dans une perspective de transversalité thématique et de dissémination géographique. Du traitement des réclamations pour discrimination à l’élaboration de partenariats stratégiques avec le monde associatif, professionnel ou académique, de la sensibilisation des collaborateurs à la lutte anti-discriminations à la promotion de nouveaux projets de coopération responsable, la D.P.D.H. se place au carrefour des sollicitations (des tutelles, de la hiérarchie, des employés et des publics) en matière d’égalité des chances. A la frontière entre organisation d’expertise et cabinet stratégique, la D.P.D.H. est composée, à l’exception notable du secrétariat, de seuls cadres supérieurs, expérimentés et hautement qualifiés, affichant, par delà une diversité d’itinéraires professionnels, une forte loyauté à l’égard de La Poste. Bien intégrés au sein du Groupe, ils sont, pour la plupart, expérimentés en gestion des ressources humaines, management d’équipe et gestion de l’action sociale. Bien qu’impliquant une différenciation en termes hiérarchiques, fonctionnels et salariaux, l’appartenance des experts diversité à différents « échelons » n’entame point leur sentiment de co-statutariété, qui s’appuie sur leur co-affiliation à la catégorie des « cadres supérieurs ». Encastrée dans une architecture bureaucratique, la D.P.D.H. a dû faire face, de par sa sociologie, à un effritement du pouvoir hiérarchique, assis sur une forme d’autorité légalorationnelle et, de par sa mission, à une dé-routinisation des tâches confiées aux experts. 3. Ibidem.. 10.

(11) Colloque 'Le management de la diversité' | Consortium doctoral 2 février 2012 Lyon IAE Lyon. Fonctionnellement interdépendants, les pairs-experts, échappent à la division du travail telle qu’elle est prévue par l’organisation bureaucratique, accomplissent des tâches complexes et affichent une l’identité embryonnaire de professionals au sens de Scott (1965). Résistant « aux règles bureaucratiques, à la supervision et au contrôle de la hiérarchie » (Lazega Emmanuel, Wattebled Olivier, 2010 : 3), ils jouissent d’une relative autonomie et partagent une forme d’oligopole en matière de pilotage des macro-initiatives diversité. La transversalité et la poly-technicité de leur mission leur garantissant une forme de pouvoir vis-à-vis de leur hiérarchie (de par leur faible substituabilité dans leurs fonctions) et une légitimité professionnelle à s’auto-évaluer, ils participent aux côtés de la hiérarchie, à la définition des critères d’appréciation de leur propre travail et de leur propre performance. Néanmoins, là où le professional scottien tire sa légitimité de la maîtrise d’un corpus stabilisé et assez jalousement protégé de compétences techniques « acquises en dehors de l’organisation au cours d’une longue formation qui le socialise et rend superflu tout contrôle social » (Lazega Emmanuel, Wattebled Olivier, 2010 : 3), les experts diversité de La Poste acquièrent leur crédibilité professionnelle de la systématisation et de la théorisation d’une pratique expérimentale qui découle de la conduite de leur mission. Autonomes sans être indépendants, ils se configurent comme les têtes-de-pont de réseaux professionnels élargis, bâtis au cours de longues carrières au sein de La Poste. Comme le révèle la cartographie de leur patrimoine relationnel, les experts diversité possèdent des réseaux professionnels élargis, peu denses et riches en trous structuraux (Burt Ronald, 1992, 1995, 2001), reposant sur une connectivité mi-fonctionnelle mi-personnelle. Reconnaissant une autonomie relative aux responsables diversité, la D.P.D.H. se configure ainsi comme une organisation « polycratique » à tendance collégiale (Lazega Emmanuel, 1999) fondée sur système d’échange généralisé et multiplexe reliant les experts par des liens intenses, durables et réciproques de coopération, de conseil et de formation/apprentissage. a) Une organisation hétéronome professionnelle fondée sur une collégialité bottom-up Sensible aux impératifs politico-stratégiques de la haute hiérarchie mais également aux exigences processuelles et procédurales de la base, la D.P.D.H remplit une mission d’interconnexion et de médiatisation orientée de demandes et d’offres multiples impliquant La Poste en matière d’égalité des chances. Résolument tournée vers l’extérieur, elle s’inscrit à la jonction des sollicitations internes et externes à La Poste en matière d’égalité des chances. Ainsi la D.P.D.H. se configure-t-elle comme une « organisation d’expertise » regroupant « sous une forme collégiale […] des travailleurs très qualifiés, autonomes, individualisés 11.

(12) Colloque 'Le management de la diversité' | Consortium doctoral 2 février 2012 Lyon IAE Lyon. avec des objectifs se déployant sur le champ de l’économie des compétences » (Lazega Emmanuel, 1993 : 16-17). Ainsi les experts Diversité Groupe mobilisent-ils des compétences d’un genre particulier où s’entremêlent connaissances techniques, expérientielles et relationnelles, expertises d’usage et savoir-faire. Se qualifiant comme les experts d’un domaine de spécialité encore embryonnaire, ils se vivent comme des professionnels, bâtissant une identité groupale triplement relationnelle : - oppositive (par rapport au domaine administratif, perçu comme applicatif, routinier et standardisé, et cela dans un univers professionnel où la projectualité, rimant avec liberté processuelle et créativité des acteurs, est survalorisée), - distinctive (par rapport aux secteurs liminaires d’activité : G.R.H., communication… - et agrégative (via la reconnaissance d’une communauté de positionnement des professionnels de la diversité). Le phénomène collégial bottom-up s’avère un antidote aux tensions centrifuges affectant la D.P.D.H. Et ce car il freine le processus d’autonomisation des professionals, permet une hiérarchisation de la poly-normativité issue de l’éclatement territorial et sectoriel des initatives diversité et, in fine, contribue à renforcer la discipline sociale en alimentant une forme nouvelle de régulation conjointe (Reynaud Jean-Daniel, 1989 ; Babeau Olivier, Chanlat Jean-François, 2008) : bureaucratique et collégiale. L’intensité, la fréquence et la forte proportion de relations coopératives, consultatives et formatives au sein de la D.P.D.H. laissent entrevoir les frontières d’une nouvelle profession dont les experts s’emploient à définir les confins : - en véhiculant une justification rétrospective du réalisé (rationalisation discursive ex post), - en fournissant une offre systémique quant au faisable (rationalisation et standardisation procédurale, accumulation des connaissances), - et en assurant un balisage prospectif de l’à faire (détermination du cadre général d’un projet au sens de portage d’initiatives pro-diversité à l’échelle du Groupe, à l’aune des engagements, des valeurs et des plans stratégiques de La Poste). Ainsi la D.P.D.H. est-elle appelée simultanément à développer : 1) une rationalisation discursive des initiatives diversité éparpillées sur tous les métiers et territoires du Groupe (dire la diversité), 2) une clarification méthodologique et procédurale des programmes pro-égalité des chances (agir pour la diversité), 3) une téléologie de la diversité (penser, voir et expliquer la diversité).. 12.

(13) Colloque 'Le management de la diversité' | Consortium doctoral 2 février 2012 Lyon IAE Lyon. Satisfaire à la triple vocation de dire, agir pour et d’expliquer la diversité à l’échelle d’une grande entreprise implique ainsi de sédimenter un patrimoine collectif de connaissances (théoriques, informationnelles et empiriques), de compétences (techniques) et de savoir-faire (relationnels) indispensables à l’accompagnement technique et à la mise en cohérence d’une myriade d’initiatives décentralisées. S’ancrant dans une sorte d’ « économie de la qualité » (Karpik Lucien, 1989 : 187-210), la D.P.D.H. repose sur une quasi-égalité statutaire entre des pairs-experts mobilisant une connaissance théorico-pratique acquise via un retour réflexif sur les données expérientielles. Organe collégial encastré dans l’architecture bureaucratique de la Poste, la D.P.D.H. constitue une niche d’hyper-socialisation où se suspend la logique court-termiste de l’intérêt individuel. Ainsi, la légitimation professionnelle des experts diversité s’appuie sur un tissu dense de relations coopératives, consultatives et formatives entre collègues, confluant vers un système d’échange social généralisé et multiplexe. Organisation hétéronome professionnelle au sens de Scott (1965) chargée de coordonner le système d’action de La Poste en matière de diversité, la D.P.D.H s’appuie sur une forme de collégialité bottom-up pour élaborer une offre systémique en matière de diversité. Consacrant l’égalité statutaire des professionals, le phénomène collégial (Lazega Emmanuel, 1992, 1993, 1999, 2001) permet, au sein de la D.P.D.H., une hiérarchisation négociée de la polynormativité émanant de la multiplicité des initiatives de terrain. Il favorise ainsi le développement de « discours systématiques et rationnels » englobant le diagnostic, l’élaboration de propositions et la définition d’une stratégie d’action. Ainsi la D.P.D.H. assure-t-elle une rationalisation et une systématisation, tout autant discursives que procédurales, des initiatives diversité du Groupe. Inscrivant la myriade d’actions locales ou sectorielles dans une forme de projectualité de moyen-long terme, elle assure une forme d’imputation rétrospective de finalité à la panoplie d’initiatives émergeant au sein de La Poste en matière d’égalité des chances. Aussi remplit-elle simultanément une fonction ordonnatrice (collecte et traitement de l’information, capitalisation et diffusion de la connaissance, recensement des enjeux et des exigences des acteurs et groupements d’acteurs), managériale (pilotage, coordination ou soutien aux initiatives pro-diversité) et régulatrice (systématisation discursive rétrospective, élaboration normative, standardisation procédurale). Là où une poly-normativité non-hiérarchisée porte en elle le risque d’un éclatement des discours et des pratiques, la collégialité bottom-up est créatrice de consensus et productrice de normes communes, partagées par la profession. Ainsi, si « polynormativité rime autant avec créativité régulatoire qu’avec incohérence normative [la sociologie néo-structurale suggère 13.

(14) Colloque 'Le management de la diversité' | Consortium doctoral 2 février 2012 Lyon IAE Lyon. que…] ce sont souvent des acteurs multipositionnés mais improbables occupant des formes hétérogènes et non congruentes de statut social qui sont les plus influents dans cette définition des règles prioritaires lorsqu’ils peuvent associer à leur pouvoir (contrôle de ressources, expertise technique, temps, droit, etc.) une forme de légitimité » (Lazega Emmanuel, 2011 : 139). L’activité régulatrice apparaît ainsi comme le fruit de processus complexes de négociation, de stabilisation et d’institutionnalisation de règles communes, sortes de compromis normatifs à la validité précaire et à l’efficacité locale. Ainsi, s’intéresser au processus d’hiérarchisation de la poly-normativité et de polyprocéduralité entourant le déploiement de la politique diversité invite à interroger le façonnement d’une activité régulatrice doublement encastrée : dans la hiérarchie et dans une collégialité bottom up aux mécanismes encore embryonnaires. Celle-ci est supportée par un système d’échange social généralisé et multiplexe où circulent des ressources diverses en nature et quantité, comme en témoigne l’intensité et la forte réciprocité des relations entre experts, soient-elles coopératives, consultatives et, à moindre échelle, formatives. A l’encontre de la toute puissance normative de l’organisation, la collégialité bottom-up garantit aux experts une part d’autonomie à l’égard de la hiérarchie, tout en assurant la production d’une offre systémique en matière de diversité. De facto, là où la pluralité des missions locales contient en elle le risque d’un éclatement des pratiques et des discours, la collégialité bottom-up, loin de rentrer en rivalité avec les modes bureaucratiques de gestion, laisse entrevoir une forme émergente de régulation conjointe (endogène et bureaucratique). Or, loin de s’extraire du processus d’échange social liant les experts entre eux, la Directrice de la D.P.D.H. a développé une forme originale de leadership participatif et transformatif, fondé sur la stimulation des dynamiques de groupe et la pratique de la collégialité (assemblées générales, séminaires, comités de direction…). Ainsi, malgré un différentiel de positionnement hiérarchique, s’est-elle présentée plus en experte transversale, dotée d’une forme de compétence générique s’étendant sur tout le chantier diversité de La Poste, qu’en autorité monocratique. S’inscrivant au cœur même des processus coopératifs, consultatifs et formatifs internes à la D.P.D.H., elle a redoublé son autorité hiérarchique d’un prestige personnel, attenant à sa centralité dans le réseau informel interne à la D.P.D.H. Oligopoliste polystatutaire, la Directrice dispose de formes hétérogènes et non congruentes de statut (Lazega Emmanuel, 2011 : 139) lui conférant à la fois une légitimité collégiale de managingpartner et un pouvoir bureaucratique de supérieur hiérarchique.. 14.

(15) Colloque 'Le management de la diversité' | Consortium doctoral 2 février 2012 Lyon IAE Lyon. b) La collégialité top-down ou le ressaisissement bureaucratique de la collégialité ? Les experts diversité constituent une sorte d’animateurs de réseau tirant profit individuellement mais aussi collectivement de leur marginalité-sécante (Alter Norbert, 2006 : 265-282). Acteurs-ponts se plaçant à l’interface de cercles relationnels différents, ils tirent avantage de leur positionnement de connecteurs relationnels de sous-structures disjointes (autrement dit, séparées par des trous structuraux). Ainsi les experts diversité bénéficient-ils d’un accès privilégié à des ressources stratégiques – in primis informationnelles et communicationnelles- non-redondantes. De par la variété de leurs contacts (se déployant trans-hiérarchiquement, trans-géographiquement et trans-sectoriellement au sein de La Poste), ils présentent une probabilité supérieure d’être candidats à l’inclusion dans de nouvelles structures d’opportunité. Ce qui, faisant d’eux des acteurs poly-statutaires, accroît leur légitimité, leur prestige au sein du réseau organisationnel (Burt Ronald, 1992 : 30-32; Burt Ronald, 1995 : 604-605 ; Bruna Maria Giuseppina, Chauvet Mathieu, 2010 : 31-32) et leur octroie une sorte de pouvoir à l’égard de leur hiérarchie. Pouvoir relationnel inscrit dans une forme de non-substituabilité des collaborateurs dans un poste, qui marque un affaiblissement des possibilités régulatrices de la bureaucratie traditionnelle à l’égard des équipes-projet. D’où la nécessité d’encadrer l’autonomie des responsables diversité par la constitution de comités de pilotage thématiques associant tant les experts eux-mêmes que les référents régionaux, sectoriels et locaux les plus actifs. La collégialité top-down s’avère ainsi un instrument de reconquête bureaucratique du réseau « diversité » développé par les experts. La collégialité top-down se déploie via l’institutionnalisation de Comités de pilotage thématiques associant, dans une perspective trans-métiers, l’ensemble des parties prenantes de la politique diversité de La Poste. Contribuant à l’appropriation collective de la politique diversité au sein des métiers et des territoires, les Comités participent à consacrer symboliquement la prééminence de l’équipe Diversité Groupe sur le traitement des problématiques organisationnelles, communicationnelles et managériales de la diversité. Dans ce cadre, la création de Comités de pilotage thématiques traduit le souci du hautencadrement d’assurer une construction partenariale et une appropriation collective de la politique diversité. Et cela par le biais d’une forme de collégialité top-down appréhendée comme un mécanisme de gestion organisationnelle encastré dans un fonctionnement bureaucratique. Ainsi le Comité de pilotage « Accessibilité web » rassemble-t-il, autour de la D.P.D.H., l’ensemble des référents « accessibilité informatique » dans les équipes de communication ainsi que les équipes d’administration des principaux sites-web du Groupe.. 15.

(16) Colloque 'Le management de la diversité' | Consortium doctoral 2 février 2012 Lyon IAE Lyon. Encore plus emblématique, le Comité de pilotage « Diversité » animé par la Directrice de la D.P.D.H. associe l’ensemble des Directeurs Régionaux Groupe (ou leurs Délégués en charge de la GR.H., de la Diversité et/ou de la R.S.E.). Il veille à assurer l’orientation stratégique, la coordination et la légitimation de la politique diversité du Groupe à l’échelle des territoires. Il s’agit là de mettre en cohérence et de valoriser les innombrables initiatives portées, de manière décentralisée, par les filiales et les succursales de La Poste ainsi que de contribuer à la sédimentation de compétences et de savoir-faire en matière de promotion et de gestion de la diversité. Il s’agit là de capitaliser les expériences pilotées directement par le Siège mais aussi montées en collaboration avec leurs référents sectoriels, régionaux et locaux. Au sein de ces Comités se cristallise une unité coopérative entre co-porteurs, plus ou moins intensément et directement associés, d’un pan de la politique diversité du Groupe. Comme le laisse entrevoir une enquête actuellement en cours, ces Comités participent à la cristallisation institutionnelle et à la consécration bureaucratique des tissus coopératifs, consultatifs et formatifs reliant les experts diversité et une myriade d’acteurs sectoriels, régionaux et locaux. Sans entamer l’autonomie des experts dans la conduite de leurs missions, la collégialité topdown sonne comme une réappropriation par la hiérarchie bureaucratique des dynamiques d’échange social liant les professionnels et leurs interlocuteurs sectoriels ou régionaux. Conçue comme mécanisme de gestion bureaucratique, la création d’organes de collégialité top-down est venue consacrer, par un mécanisme d’aboutement bureaucratique, le leadership sectoriel ou technique de certains leaders d’opinion en matière de portage de la politique diversité. Ainsi la nomination au sein de ces Comités vaut-elle métonymiquement reconnaissance du rôle joué par les myriades de collaborateurs qui, par delà leur niveau hiérarchique, constituent des aiguillons essentiels du portage de la politique diversité.. Conclusion S’appuyant sur un original régime de régulation conjointe (bureaucratique et collégiale, collégiale top-down et bottom-up), la D.P.D.H. repose sur un système d’échange social généralisé et multiplexe qui sert à une discipline sociale mi-hiérarchique mi-endogène Générateur de consensus, le réseau coopératif, consultatif et formatif interne à la D.P.D.H. participe à consolider une profession en faisant de ses théoriciens-praticiens des experts. Ainsi la collégialité bottom-up a-t-elle participé, pour la période étudiée (2005-2011), à renforcer l’autorité hiérarchique du top-management en reconnaissant à la Directrice un réel leadership collégial. Loin d’entamer ou de concurrencer l’autorité rationnelle-légale des dirigeants,. 16.

(17) Colloque 'Le management de la diversité' | Consortium doctoral 2 février 2012 Lyon IAE Lyon. l’émergence d’une telle régulation conjointe, favorisée par un mode de management participatif, a ainsi permis un adoubement collégial de l’autorité hiérarchique. Conçue comme mécanisme de gestion bureaucratique, la constitution d’organes de collégialité top-down ne s’est pas opposée aux modes de régulation endogène de nature bottom-up, mais bien au contraire est venue consacrer le leadership sectoriel ou technique de certains leaders d’opinion, tout en veillant à empêcher un éclatement de l’équipe. Ainsi, comme le relèvent les prémices de cette étude de cas, la transmutation d’une politique diversité en processus créateur est plus une affaire de réseaux (des porteurs-de-nouveauté) et de régulation (collégiale et/ou bureaucratique) qu’une simple question de volonté (politique), de possibilités (pratiques) ou de profil (des innovateurs ou des pourfendeurs de la nouveauté). Bibliographie Alter Norbert, 2005, L’innovation ordinaire, P.U.F., Paris. Alter Norbert, 2006, Innovation, organisation et déviance in Alter N. (dir.), Sociologie du monde du travail, P.U.F., Paris, pp. 265-282. Baret Christophe, Huault Isabelle, Picq Thierry, 2006, Management et réseaux sociaux. Jeux d'ombres et de lumières sur les organisations, Revue française de gestion, vol.4, n°163, pp. 93-106. Barth Isabelle, 2007, Le management de la diversité : axe stratégique urgent et important ou nouveau pari de Pascal pour les organisations contemporaines ?, Actes de la XVIème Conférence Internationale de Management Stratégique, A.I.M.S., Montréal, pp. 1-25. Babeau Olivier, Chanlat Jean-François, 2008, La transgression : une dimension oubliée de l'organisation, Revue Française de Gestion, vol. 34, n°183, pp.201-219. Barth Isabelle, Falcoz Christophe (dir.), 2007, préf. Cathy Kopp, Le management de la diversité. Enjeux, fondements et pratiques, L’Harmattan, Paris. Boyer Luc, Scouarnec Aline, 2005, Le DRH de demain : Esquisse d'une rétro-prospective de la fonction RH, Management & Avenir, n°4, pp. 111-138. Bruna Maria Giuseppina, 2010 a, Interroger la performance individuelle et organisationnelle au regard du genre et de l’encastrement relationnel et structural des acteurs : une revue de littérature exploratoire, in Lazega E. (dir.), Bruna M.-G., Oubenal M. et Penalva E. (coord.), Cahier n°1 de l’ORIO, Paris, pp.83-107. Bruna Maria Giuseppina, 2011a, Diversité dans l’entreprise : d’impératif éthique à levier de créativité, Management et Avenir, n°43, pp. 202-225.. 17.

(18) Colloque 'Le management de la diversité' | Consortium doctoral 2 février 2012 Lyon IAE Lyon. Bruna Maria Giuseppina, 2011b, « Genre, réseaux et entreprise : le modèle états-unien du double encastrement mis en débat », 7èmes Rencontres Internationales de la Diversité, IAE de Corse, Les Défis de la Diversité, CPIE A rinascita, Corte, 29-30 septembre 2011. Bruna Maria Giuseppina, 2011c, Diversité, réseaux et innovation : contributions théoriques et investigation empirique, in Lazega E., Bruna M.G. et Eloire F. (dir.), Cahier ORIO n°3, Pairs, pp. 76-94. Bruna Maria Giuseppina, Chauvet Mathieu, 2010, La diversité, un levier de performance… sous conditions de management, in Dameron S., Chanlat J.-F. (dir.), Cahier de recherche n°2 de la Chaire « Management et Diversité », Université et Fondation Paris-Dauphine. Burt Ronald S., 1992, Structural holes. The Social Structure of Competition, Harvard University Press, Cambridge. Burt Ronald, 1995, Le capital social, les trous structuraux, et l'entrepreneur in « Analyse de réseaux et structures relationnelles. Études réunies et présentées par Emmanuel Lazega », Revue Française de Sociologie, vol. 36, n°4, pp. 599–628. Burt Ronald, 2001, Structural Holes vs Network Closure as Social Capital, in Lin Nan, Cook Karen S., Burt Ronald S., Social capital: theory and research, Transaction Publishers, New Brunswich, pp.31-56. Chanlat Jean-François, 2000, Sciences sociales et management. Plaidoyer pour une anthropologie générale, Presses de l’Université de Laval, Laval. Chanlat Jean-François, Dameron Stéphanie, 2009, Management et Diversité : lignes de tension et perspectives, 4èmes Rencontres internationales de la diversité, Corte. Chanlat Jean-François, Davel Eduardo, Dupuis Jean-Pierre, 2009, Gestion en contexte interculturel. Approches, problématiques, pratiques, plongées, PU Laval, Laval. Chanlat Jean-François, Bruna Maria Giuseppina, 2011, Diversité et performance dans l’entreprise : une affaire de management, Ena Hors les Murs, sous presse. Chauvet Vincent, Chollet Barthélemy, 2010, Management et réseaux sociaux. Bilan et perspectives de recherche, Revue française de gestion, n° 202, pp. 76-96. Cornet Annie, Warland Philippe, 2008, GRH et gestion de la diversité, DUNOD, Paris. Crozier Michel, Friedberg Erhard, 1977, L’acteur et le système, Editions du Seuil, Paris. Cox Taylor, Blake Stracy 1991, Managing Cultural Diversity: Implications for Organizational Competitiveness, Academy of Management Executive 5(3):45-57. Dameron Stéphanie, 2002, La dynamique relationnelle au sein d'équipes de conception. Travail humain, volume 65, n°4, pp. 340-361.. 18.

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(20) Colloque 'Le management de la diversité' | Consortium doctoral 2 février 2012 Lyon IAE Lyon. Lazega Emmanuel, 2011, Sociologie néo-structurale : du méso au macro, in Lazega E., Bruna M.G., Fabien E. (dir.), Cahiers de l’ORIO n°3, IRISSO/ORIO, Paris, pp.135-144. Laufer Jacqueline, 2005, La construction du plafond de verre : le cas des femmes cadres à potentiel, Travail et emploi, n°102, Avril – Juin 2005. Nalebuff Barry, Brandenburger Adam, La Co-opétition, une révolution dans la manière de jouer concurrence et coopération, Village Mondial, 1996. Osty Florence, Sansaulieu Renaud, Uhalde Marc, 2007, Les mondes sociaux de l’entreprise. Penser le développement des organisations, La Découverte, Paris. Orlando Richard, 2000, Racial diversity, business strategy, and firm performance: A resourcebased view, in Academy of Management Journal, 43(2), p.164-177. Peretti Jean-Marie, 2007, Tous Différents. Gérer la diversité dans l’entreprise, Editions d’Organisation, Paris. Reynaud Jean-Daniel, 1989, Les Règles du jeu : L'action collective et la régulation sociale, Armand Colin, Paris. Roberson Quinetta, Park Hyeon J., 2007, Examining the link between diversity and firm performance: The effects of diversity reputation and leader racial diversity, Group & Organization Management, 32, pp.548-568. Sanoussi Kag, 2011, Reflexe Sapiens, Ed. Respublica, Paris. Simmel Georg [1908] 1999, Sociologie, étude des formes de la socialisation, P.U.F., Paris. Scott William R., 1965, Reactions to Supervision in a Heteronomous Professional Organization, Administrative Science Quarterly, 10 (1), pp. 65–81. Suchman, Mark, (1995), Managing Legitimacy: Strategic and Institutional Approaches“, The Academy of Management Review, vol. 20 Waters Malcom, 1989, Collegiality, Bureaucratization, and Professionalization: A Weberian Analysis, American Journal of Sociology, 94, pp. 945–72. Watson Warren E., Kumar Kamalesh, Michaelsen Larry K., 1993, Cultural diversity’s impact on interaction process and performance: comparing homogeneous and diverse task groups, Academy of Management Journal, 36, 3, pp. 590-602.. 20.

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