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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Pratiques corporelles scolaires et différenciations sociales : les inégalités « fabriquées » en partie par l'École

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND et D. RAICHVARG, Actes JIES XXVI, 2004

PRATIQUES CORPORELLES SCOLAIRES ET

DIFFÉRENCIATIONS SOCIALES : LES INÉGALITÉS

« FABRIQUÉES » EN PARTIE PAR L’ÉCOLE

Marie-Paule POGGI, Mathilde MUSARD, Jean-Francis GREHAIGNE GRIAPS/LASELDI (EA 2281)-UFR STAPS Besançon

MOTS-CLÉS : INÉGALITÉS SOCIALES – SOCIOLOGIE DU CURRICULUM –

CULTURE CORPORELLE SCOLAIRE – CONTENUS D’ENSEIGNEMENT

RÉSUMÉ : La recherche entreprise vise à identifier certains traits caractéristiques de la culture corporelle scolaire en collège. La façon dont les enseignants définissent les contenus de ce qu’il est légitime d’enseigner ainsi que les types de justifications qu’ils avancent dépendent des types de publics scolaires auxquels ils s’adressent. Ces choix conduisent à une distribution inégale des savoirs et des compétences en EPS entre les différents types d’établissements scolaires et alimentent donc un processus d’inégalité entre les élèves.

ABSTRACT : The overall aim of this project is to identify the characteristics of corporeal cultur in secondary school. The way teachers define the content of what can legitimately be taught and the types of justifications they advance are highly dependent on the types of student bodies with which they are dealing. Such socially differentiated choices lead to an uneven distribution of skills and knowledge in Physical Education between teaching institutions, thereby exacerbating the process of inequality between students.

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1. INTRODUCTION

Comme le souligne J.-M. Berthelot (1998), « l’infinie diversité des formes sociales de mise en jeu du corps humain semble défier l’analyse ». Nous avons choisi d’extraire de cette diversité, pour la soumettre à une analyse sociologique, l’une de ces formes sociales de mise en jeu du corps, celle qui se manifeste en milieu scolaire dans le cadre des cours d’éducation physique et sportive. Ce travail a pris pour point de départ l’expression d’une opinion relativement triviale : les enseignants d’EPS des banlieues difficiles disent ne pas exercer le même métier que leurs collègues des quartiers privilégiés. Ce sentiment de fragmentation du monde scolaire en deux blocs distincts est-il fondé sur des réalités ou n’est-il que le reflet de croyances isolées ?

Sans répondre d’emblée à la question, on peut tout de même noter que les disparités entre établissements scolaires se creusent, les collèges se différencient de plus en plus du point de vue de la composition sociale de leur public et des caractéristiques des enseignants. En effet, on constate une concentration plutôt accrue, de populations « favorisées » ou de population « défavorisées ». Dans ces conditions, comment va s’effectuer la sélection et la distribution des savoirs à transmettre au sein de cette institution scolaire divisée ? La question semble d’actualité au moment où F. Fillon fixe comme objectif prioritaire l'acquisition par tous les élèves d'un « socle commun de connaissances et de compétences ».

Le projet assigné à l’école de construire et de transmettre une culture commune s’affiche aujourd’hui clairement comme une priorité nationale. Face à l’hétérogénéité des élèves et des classes, est réaffirmée la volonté de transmettre à tous une culture commune.

2. PROBLÉMATIQUE ET HYPOTHÈSE

Nos options théoriques s’inscrivent dans cette tendance de la sociologie de l’éducation qui accorde une place de choix à la variable composition sociale du public des établissements dans l’analyse des phénomènes scolaires (définition des objectifs, des contenus, des méthodes de travail, etc.…). Les résultats de notre enquête montrent que, indéniablement, le profil socioculturel des publics scolaires sert de filtre aux choix opérés en matière de contenus d’enseignement dans les collèges en EPS.

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différenciée des connaissances et compétences aux collégiens en EPS. Notre préoccupation majeure est donc de savoir comment les choix, en matière de culture corporelle scolaire, peuvent alimenter un processus plus général de construction des inégalités sociales dans l’école.

3. LA SOCIOLOGIE DU CURRICULUM :

UNE NOUVELLE FAÇON D’INTERROGER LES CONTENUS ENSEIGNÉS

C’est J.-C. Forquin (1989) qui a largement fait connaître en France les travaux entrepris dans le champ de la sociologie du curriculum née en Grande-Bretagne dans les années 70. Retenons que cette approche rompt avec une conception neutre et universaliste des savoirs. En définissant le savoir véhiculé par l’enseignement non plus comme une entité absolue et douée d’une valeur intrinsèque mais comme une « construction sociale », les sociologues britanniques vont nous permettre d’interroger sous un angle nouveau les pratiques corporelles proposées en cours d’EPS. Dans cette perspective, le système des savoirs scolaires ne reposerait sur aucune justification objective, il dépendrait des caractéristiques du contexte et serait l’objet de conflits et de luttes de pouvoir. Les contenus d'enseignement sont l'objet d'une construction menée à l'intérieur de l'école, leur réalité ne va pas de soi. Ainsi, l'école impose une culture parmi d'autres et en EPS une culture corporelle parmi d'autres.

4. MÉTHODOLOGIE

L’enquête a porté sur deux académies de France métropolitaine, Rennes et Lyon, choisies pour leur profil sociologiquement contrasté. Un questionnaire postal a été envoyé aux 1418 enseignants d’EPS de ces deux académies début 1995. Cinq cent trente et un questionnaires, soit 37,4 % des 1418 envoyés, nous sont revenus. Nous avons pu répartir l’ensemble des collèges de notre échantillon en 9 classes d’établissements relativement homogènes du point de vue des caractéristiques sociales des élèves. L’enquête comportait également un volet qualitatif qui s’appuyait sur 25 entretiens menés dans l’académie de Créteil.

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5. PRÉSENTATION DE L’ENQUÊTE :

LE CHOIX DES CONTENUS EN EPS EN COLLÈGE

La recherche que nous avons entreprise nous a conduit à identifier certains traits caractéristiques de cette culture corporelle scolaire en collège en nous centrant plus particulièrement sur la sélection et la distribution des contenus transmis. En fait nous avons voulu répondre à une question classique en sociologie de l’éducation : « Quelles connaissances l’école donne-t-elle et à qui ? » (Tanguy, 1983) et ce plus particulièrement en EPS. Sans entrer dans les détails, on peut retenir ces principaux résultats :

1) Malgré les tentatives de l’institution pour uniformiser les contenus, les choix de ceux-ci varient selon les établissements. Même si des tendances générales se dégagent comme par exemple la préférence nette des enseignants pour les activités dénuées d’incertitude (Parlebas, 1986), on constate tout de même des variations selon le lieu d’implantation des établissements.

2) Les résultats montrent que ces disparités constatées entre établissements ne se distribuent pas de façon aléatoire, elles sont sous la dépendance de facteurs sociaux. Les disparités de contenus d’enseignement entre les établissements s’expliquent, en partie, par les variations liées aux caractéristiques sociales des publics scolaires.

3) Invités à décrire ce qui leur paraît indispensable d’enseigner en EPS au collège, les enseignants se réfèrent à deux thèmes dont le choix varie selon le lieu d’implantation des établissements. En établissements très défavorisés, la formation du futur citoyen constitue un objectif prioritaire. À l’opposé en établissements favorisés, c’est le développement personnel des individus et leur progression dans les apprentissages scolaires qui est au centre des préoccupations. Selon le profil du quartier, la façon de concevoir l’élève oscille entre une approche centrée sur « l’enfant citoyen » en établissements très défavorisés et une démarche organisée autour de « l’enfant apprenant » en établissements très favorisés.

4) Enfin, en ce qui concerne les objectifs visés, la diversification est de mise en établissements favorisés tandis que la nécessité de sélectionner et d’établir des priorités s’impose en établissements défavorisés. Intervenir dans les seconds conduit à des choix pédagogiques exclusifs, l’apprentissage de la vie en groupe et la préparation des futurs loisirs y sont nettement privilégiés. En revanche, en établissements favorisés tous les types d’objectifs pédagogiques sont représentés de façon à peu

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publics scolaires auxquels ils s’adressent. Ces résultats alimentent une tendance déjà repérée dans un certain nombre de travaux en sociologie de l’éducation. En EPS, à l’image de ce qui se passe dans les autres matières d’enseignement, les choix en matière de contenus d’enseignement sont socialement différenciés. Par conséquent, ces choix conduisent à une distribution inégale des savoirs et des compétences en EPS entre les différents types d’établissements scolaires et alimentent donc un processus d’inégalité entre les élèves.

6. CONCLUSION : LA PARTICIPATION DE L’EPS… À LA CONSTRUCTION DES INÉGALITÉS SOCIALES

En favorisant la mise en œuvre de contenus de formation dépendants des caractéristiques locales d’enseignement, les enseignants favorisent, en partie malgré eux, un différentialisme ségrégatif. Toute tentative non contrôlée de mise en œuvre de procédures de différenciation pédagogique s’expose à cet effet pervers. Car on connaît les dérives ségrégatives liées aux ajustements étroits du curriculum au profil socioculturel des élèves : privation de savoirs pour certaines catégories d’élèves (Tanguy, 1983) ou encore anticipation sur l’avenir social des élèves (Isambert-Jamati, 1984), deux effets pervers qui constituent des entraves à la démocratisation du système. Finalement, comme le souligne F. Héran (1991) dans une formule très explicite, des cheminements sont à rechercher entre un « différentialisme de ségrégation » et un « universalisme ethnocentrique et dominateur ». Certes, l’école se doit de respecter les différences culturelles mais sans pour autant enfermer les élèves dans leur communauté d’appartenance en les privant ainsi de toutes possibilités d’élargissement de leurs connaissances et à termes de chances de mobilité sociale. La nécessaire prise en compte des caractéristiques des élèves dans tout processus de formation ne peut faire oublier que tout acte d’enseignement ne se réduit pas à subir passivement les effets produits par le profil socioculturel des élèves.

La question se pose aujourd’hui avec acuité au moment où l’on s’interroge sur l’avenir du collège unique. Cet avenir du collège unique paraît en grande partie se jouer là, dans cette capacité à construire et à transmettre une culture commune qui aient, selon l’expression consacrée, du « sens pour tous et pour chacun » sans différentialisme de ségrégation mais sans pour autant s’enfermer dans une « indifférence aux différences » (Bourdieu, 1966) qui on le sait conduit le système scolaire « à donner en fait sa sanction aux inégalités initiales devant la culture ».

À l’issue de ce travail 4 remarques s’imposent :

1. Cette enquête nous met en garde contre un certain nombre d’illusions ou d’idées reçues concernant l’enseignement de l’EPS et la culture corporelle scolaire : illusion de l’existence d’une

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culture commune et universelle et illusion de la spécificité de cette discipline qui échapperait aux déterminismes sociologiques classiques.

2. Donc finalement, en EPS comme ailleurs, les savoirs enseignés n’échappent pas aux rapports sociaux.

3. Il reste alors à explorer le travail de production sociale des enseignants d’EPS : quelle est leur marge de manœuvre, comment l’exploitent-ils ?

4. Dans les travaux à venir, associer sociologie et didactique pourraient ouvrir des pistes de recherches prometteuses dans la mesure où il serait intéressant de faire l’analyse des paramètres socio-culturels susceptibles d’interférer dans le choix des contenus d’enseignement.

BIBLIOGRAPHIE

BERTHELOT J.-M. (1998). Le corps contemporain : figures et structures de la corporéité. Recherches sociologiques, 1, 7-18.

BOURDIEU P. (1966). L'école conservatrice. Les inégalités devant l'école et devant la culture. Revue française de sociologie. VII, 325-347.

DURU-BELLAT M. (2003). Efficacité et équité du collège : évolution des indicateurs, évolution des questionnements. In J.-L. Derouet (Ed.), Le collège unique en question (pp. 35-47). Paris : PUF. FORQUIN J.-C. (1989). École et Culture. Le point de vue des sociologues britanniques. Bruxelles : De Bœck-Wesmael.

HÉRAN F. (1991). Sociologie de l'éducation et sociologie de l'enquête : réflexions sur le modèle universaliste. Revue française de sociologie, XXXII-3, 457-491.

ISAMBERT-JAMATI V. (1984). Culture technique et critique sociale à l'école élémentaire. Paris : PUF.

TANGUY L. (1983). Savoirs et rapports sociaux dans l'enseignement secondaire en France. Revue Française de Sociologie, XXIV, 227-254.

Références

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