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Exploration du travail d'une classe en réseau sur un objet partagé en situation d'arts plastiques

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Academic year: 2021

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Exploration du travail d’une classe en

réseau sur un objet partagé en

situation d’arts plastiques

Mémoire

Esther Simard St-Pierre

Maitrise en technologie éducative

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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Résumé

Cette étude s’est déroulée dans le contexte de l’École en réseau au Québec. Une classe du primaire a utilisé un espace numérique collaboratif (Knowledge Forum) pour la réalisation d’activités d’éducation artistique, soit l’appréciation d’un corpus d’œuvres et la création d’un objet d’art. La progression du discours écrit relativement à ces deux objets de partage a été étudiée. Nos résultats montrent que les élèves ont réussi à faire progresser leurs contributions sur les deux objets partagés. En interagissant entre eux, ils ont créé des artéfacts de connaissances partagées et développé un langage artistique propre. À la suite de nos constats, des implications pédagogiques ont été formulées pour d’encourager la participation des élèves lors d’activités d’éducation artistique au moyen d’outils numériques qui soutiennent la collaboration.

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Abstract

This study was conducted within the context of the Remote Networked School (RNS) initiative in Quebec, Canada. An elementary classroom made use of a collaborative digital space (Knowledge Forum) for arts education. It supported the conduct of activities related to two shared objects, the appreciation of arts and crafts and the creation of an art object. This study focused on classroom discourse regarding these objects. Our results show that students were able to make contributions that advance their classroom discourse regarding the shared objects. By interacting with each other, they created knowledge artifacts and developed their own artistic language. Moreover, educational implications were drawn for encouraging students to participate during arts education activities using collaborative digital tools.

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Table des matières

Résumé ... iii Abstract ... v Table des matières ... vii Liste des tableaux ... ix Liste des figures ... xi Introduction ... 1 Chapitre 1 Problématique ... 2 1.1 Les sociétés créatives et l’école d’aujourd’hui ... 2 1.2. Les technologies au service de l’éducation ... 3 1.3 La collaboration et l’émergence de la créativité ... 5 1.4 Le Knowledge Forum, une plate‐forme technologique appuyant le travail créatif avec les idées ... 6 1.5 L’éducation artistique un potentiel pour la création de connaissances ... 12 1.6 L’initiative l’École en réseau (ÉER) ... 13 1.6.1 La place des arts plastiques au sein de l’école québécoise ... 14 Chapitre 2 Cadre théorique ... 17 2.1 La construction du savoir, une démarche sociale et créative ... 17 2.2 La métaphore de la création de connaissances : de la coélaboration de connaissances à l’approche trialogicale ... 21 2.2.1 La coélaboration de connaissances ... 25 2.2.2 L’approche trialogicale ... 30 2.3 La création d’un savoir artistique par la médiation des artéfacts conceptuels et matériels/ou l’objet partagé en arts plastiques ... 34 2.4 Questions de recherche ... 37 2.5 Pertinence de l’étude ... 38 2.6 Limites ... 39 Chapitre 3 Méthodologie ... 40 3.1 Contexte ... 40 3.2 Les participants ... 41 3.2.1 La classe ... 41 3.3 Expérimentation de devis ... 43 3.3.1 Un projet d’arts réalisé en réseau ... 45 3.4 L’intervention ... 49

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3.4.1 La planification du projet et son implantation ... 49 3.4.2 Observations périphérique et participante ... 53 3.5 La collecte des données ... 58 3.5.1 Ethnographie des artéfacts sur le KF ... 59 3.6 L’analyse des contributions ... 59 3.6.1 L’analyse des artéfacts produits par la classe en réseau ... 63 3.6.2 Les considérations artistiques de l’objet d’art ... 68 3.7. L’accord interjuge ... 70 Chapitre 4 Présentation des résultats ... 71 4.1 La progression de l’objet partagé ... 71 4.1.1 Le questionnement au cœur du processus ... 72 4.1.2 La progression de l’objet d’appréciation ... 76 4.1.3 La progression de l’objet d’art ... 81 4.2 Considérations artistiques de l’objet d’art ... 91 Chapitre 5 Discussion ... 96 5.1. La construction de l’objet d’appréciation en tant qu’objet de connaissances ... 96 5.2. L’objet d’art au service de la réorganisation de la classe en réseau ... 98 5.3 La pensée artistique de la classe en réseau, une expérience personnelle et partagée ... 101 5.4 Implications pédagogiques ... 102 5.4.1 La création d’une culture de classe qui favorise les interactions ... 102 5.4.2 La création d’artéfacts matériels médiationnels ... 103 5.4.3 Le développement de la pensée artistique de la classe en réseau ... 104 5.5 Limites et pistes de recherche ... 105 5.5.1 L’analyse des pratiques de la classe en réseau ... 105 5.5.2 Les intentions pédagogiques de l’enseignante et la transformation de sa pratique ... 106 5.5.3 L’impact de la collaboration avec les acteurs culturels ... 106 Conclusion ... 109 Références ... 111

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Liste des tableaux

Tableau 1 Calendrier des activités éducatives du projet en réseau ... 51

Tableau 2 L'analyse des contributions ... 61

Tableau 3 Nature des questions ... 63

Tableau 4 Niveau d'explication du discours d'appréciation ... 65

Tableau 5 Les composantes du discours de création ... 67

Tableau 6 Considérations artistiques de l'objet d'art ... 69

Tableau 7 Total des contributions effectuées par la classe en réseau .. 71

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Liste des figures

Figure 1. Perspective du KF ... 8

Figure 2. Contenu d'une note ... 9

Figure 3. Escaliers des pratiques de collaboration dans l'éducation appuyée par les technologies ... 22

Figure 4. L'approche trialogicale représentant différentes dimensions de la médiation (Paavola et al., 2012) ... 32

Figure 5. Répartition des questions posées selon l'objet partagé. ... 73

Figure 6. Répartition des questions posées par auteur selon l'objet partagé ... 74

Figure 7. La nature des questions posées par auteurs ... 75

Figure 8. Répartition du niveau d'explication du discours d'appréciation ... 77

Figure 9. Contenu d'une note 1 (partage d'informations illustré) ... 79

Figure 10. Contenu d'une note 2 (partage d'informations illustré) ... 79

Figure 11. Répartition du discours de création ... 82

Figure 12. Exemple de progression du discours de création de l'objet d'art ... 86

Figure 13. Contenu d'une note appuyée par des artéfacts visuels ... 90

Figure 14. Considérations artistiques de l'objet d'art ... 92

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Introduction

La société industrielle a laissé sa place à une société de connaissances. Cette dernière, intimement liée à la diffusion des technologies de l’informations et de la communication, s’associe de plus en plus au concept de créativité. Ces technologies offrent également un fort potentiel dans le champ éducatif. Les recherches sur la créativité sociale suggèrent que le produit créatif résulte des interactions entre différents individus. Les disciplines artistiques tirent ainsi leur pertinence du fait qu’elles permettent l’émergence et le développement de la créativité. Toutefois, malgré les politiques ministérielles qui incluent le domaine des arts dans le curriculum obligatoire, les milieux éducatifs ne permettent toujours pas son implantation de manière uniformisée; l’inégalité d’accès à l’éducation artistique est encore une réalité objective.

Le contexte de l’École en réseau (ÉER) a servi de pierre d’assise à un projet d’arts réalisé en réseau : De jeunes artistes sans frontières. Dans la cadre de cette étude, nous proposons une expérimentation de devis en arts plastiques avec des classes du primaire pour faciliter la création par les élèves en interaction, et ce, appuyée par un espace numérique collaboratif (Knowledge Forum). Nous voulons ainsi favoriser l’apprentissage des arts plastiques et le développement de la créativité chez les élèves, décrire le processus créatif collectif à travers les diverses formes de médiation qui se sont manifestées et nous allons également analyser le développement d’un langage propre à la discipline artistique.

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Chapitre 1 Problématique

1.1 Les sociétés créatives et l’école d’aujourd’hui

Depuis l’avènement des nouvelles technologies qui permettent un accès à l’information de manière fulgurante, voire instantanée, une nouvelle dynamique sociétale est apparue. Ainsi, ce sont toutes les sphères de la société qui évoluent à un rythme effarant et c’est ce qui leur confère une transformation en profondeur (UNESCO, 2005). Maintenant, est-il promu que ce qui déterminera le succès économique et social d’une société sera la capacité de produire, d’échanger et de transformer des connaissances afin de résoudre des problèmes complexes en s’adaptant aux circonstances en continuel changement. C’est pourquoi le concept de créativité est associé depuis plus d’une décennie à celui de société du savoir (OCDE, 2001). Selon Sawyer (2008), les spécialistes seraient nombreux à nommer maintenant notre situation actuelle, caractérisée par cette nouvelle forme d’économie, l’économie créative. L’économie de la créativité pourrait donc être la forme économique de demain. L’UNESCO (2005), p.60 souligne :

On constate en effet que, sous l’effet conjugué de la mise en réseaux, de la mondialisation et de l’essor des nouvelles technologies, la créativité elle-même connaît des bouleversements sans précédent. L’innovation et l’invention sortent ainsi du culte médiatique de la vitesse et de l’inouï pour devenir la condition d’une maîtrise du futur de nos sociétés, mais aussi de notre espèce.

Qui plus est, l’école, par rapport à ces changements importants, est appelée à évoluer et modifier son rôle puisqu’elle aussi est affectée par la circulation grandissante des savoirs par l’entremise des nouvelles technologies (Maestracci, 2006). La société industrielle a laissé, peu à

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peu, sa place à une société de connaissances. L’école étant basée sur une standardisation provenant de l’ère industrielle doit maintenant s’ajuster afin de répondre aux besoins imminents de la société créative. Ainsi, l’école, même si sa finalité première demeure le développement de la personne, n’a plus comme objectif de préparer les élèves à un travail ouvrier et routinier. Au contraire, un nombre grandissant d’entreprises d’aujourd’hui attendent de leurs employés qu’ils soient aptes à prendre des décisions, à collaborer et à innover grâce à leur créativité. Ces mêmes employés seront amenés à résoudre des problèmes complexes au sein de leur travail ainsi qu’à créer du nouveau savoir. Selon Sawyer : « La mémorisation des faits et des procédures ne suffira pas à assurer, demain, la réussite des élèves au sein de l’économie de la connaissance.» (Sawyer, 2008, p. 2) La réduction des pratiques éducatives de simple transmission des savoirs disciplinaires est nécessaire afin de prioriser le développement des compétences nécessaires pour la création de nouvelles connaissances. «La créativité est par exemple nécessaire jusque dans les sciences dites dures, comme les mathématiques ou la physique, où la logique ne suffit pas. Ce n’est que par l’essai et l’expérimentation que l’on parvient à un nouveau savoir.» (UNESCO, 2008, p. 8) L’école devra former une population qui sera engagée dans la création de connaissances, l’innovation et l’apprentissage tout au long de la vie. L’avenir de l’apprentissage doit donc impliquer en son centre le développement de la créativité (OCDE, 2008).

1.2. Les technologies au service de l’éducation

Les nouvelles technologies qui permettent des avancées dans tous les domaines de la société, offrent également un fort potentiel dans le

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champ éducatif : l’utilisation des technologies de l’information et de la communication en éducation semble maintenant faire consensus sur leur bénéfice. Les interactions avec les outils, les objets concrets, c’est-à-dire matériels, offrent vraisemblablement un environnement potentiellement intéressant pour la résolution de problèmes en collaboration (Hennessy et Murphy, 1999). La recherche a démontré que les représentations externes comme des graphiques, des chiffres, des cartes et du texte, soit sur papier ou sur un ordinateur-écran peuvent améliorer les avantages éducatifs des interactions collaboratives. En effet, un large éventail de retombés sont à l’ordre du jour tels que l’augmentation des résultats scolaires, la consolidation de la motivation scolaire, la persistance de communication avec les parents, la mise en réseau de communautés et d’écoles, une gestion et des suivis de qualité au sein de l’école et le développement des compétences nécessaires au 21e siècle (UNESCO, 2011).

Cependant, l’arrivée de TIC dans la salle de classe ne se suffit pas d’elle-même. En effet, elle sera plus ou moins réussie selon la capacité d’innovation pédagogique de l’enseignant. Selon l’UNESCO (2011), les enseignants devront structurer des environnements d’apprentissage permettant de tirer profit de ses nouvelles technologies en créant entre autres : « une classe socialement active, en stimulant l’interaction coopérative, l’apprentissage collaboratif et le travail de groupe. » (UNESCO, 2011, p. 9-10) De plus, avec l’apparition de nombreuses technologies interactives dans le paysage éducatif, il est maintenant plus simple de créer de tels environnements d’apprentissage qui permettent l’approfondissement des connaissances et la création de connaissances chez les élèves (Bransford, Brown et Cocking, 1999; UNESCO, 2011). Du point de vue d’Hakkarainen, ces « pratiques de la

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connaissance » sont profondément inscrites dans l’environnement physique et culturel de l’apprentissage comprenant entre autres, des outils, des instruments et tous autres produits provenant de la richesse matérielle issue de la culture en général.

Toutefois, le potentiel éducatif de ces technologies n’est pas encore actualisé au maximum de sa capacité. Il est donc important de tenir compte du contexte social dans lequel ces technologies de l’éducation vont œuvrer puisqu’elles n’apparaissent pas seulement comme des problématiques techniques et de logiciels. En effet, les outils technologiques peuvent être des sources d’informations faramineuses, mais peuvent aussi devenir « des extensions des capacités humaines et des contextes d’interaction sociale pour soutenir l’éducation. » (Bransford, Brown et Cocking, 1999, p. 230) Ces outils peuvent vraisemblablement soutenir des groupes d’élèves qui participent activement à leur apprentissage : plusieurs outils technologiques de collaboration ont vu le jour afin de soutenir ces interactions puisqu’ils favorisent, entre autres, les rétroactions entre pairs.

1.3 La collaboration et l’émergence de la créativité

Différentes recherches sur l’innovation réalisées ces dernières années ont brisé le mythe du génie individuel. Les besoins en innovation et en créativité impliquent maintenant la promotion de ce nouveau type de collaboration (UNESCO, 2005). En effet, plusieurs auteurs avancent que les idées créatives les plus importantes apparaissent généralement à partir des équipes de collaboration (Bereiter, 2002; Jonh-Steiner, 2000; Sawyer, 2006). En collaborant, les individus tentent : « de provoquer une précipitation de l’innovation, de l’inventivité. Le groupe devient un

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véritable accélérateur des intuitions individuelles : une stimulante émulation favorise la genèse de nouvelles idées, de nouvelles pratiques » (Souriau et Souriau, 2010). À ce sujet, Csikszentmihalyi, spécialiste de la créativité, suggère que : « La créativité ne naît pas d’un cerveau, mais d’une interaction entre les idées et un contexte socioculturel » (Csikszentmihalyi, 1996, p. 21). Alors, la créativité serait toujours liée au contexte social puisque cette dernière doit être reconnue socialement pour qu’il devienne un véritable aspect de nouveauté et d’innovation : la reconnaissance un caractère important dans la créativité puisque la créativité ne peut être dissociée de sa validation par les pairs (Csikszentmihalyi, 1996). Il faut aussi tenir compte « des facteurs sociaux tels que la collaboration, les réseaux de soutien, l’éducation et le contexte culturel » qui favoriseraient son émergence (Sawyer, 1999). C’est pourquoi il est pertinent de renforcir le développement de la créativité en situation de collaboration.

1.4 Le Knowledge Forum, une plate-forme

technologique appuyant le travail créatif avec les idées

À travers l’histoire, les outils et objets se sont développés au fil du temps et ont généré de nouveaux contextes et occasions favorables au développement de la créativité. Différentes recherches sur la créativité sociale suggèrent que le produit créatif résulte des interactions entre différents individus, mais aussi, elle serait encouragée par des outils et des artéfacts matériels 1 (John-Steiner, 2000). Les outils peuvent

considérablement modifier la façon dont un domaine progresse (Moran

1 Les artéfacts matériels sont la mise en forme concrète des idées incarnées dans des

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et John-Steiner, 2003). C’est pourquoi les technologies, nouveaux outils de notre temps, peuvent devenir des environnements propices à l’émergence de la créativité en situation de collaboration.

Le Knowledge Forum (KF) est un outil technologique de collaboration qui permet de communiquer à l’écrit de manière asynchrone. Le KF permet aux élèves de collaborer sur des activités d’apprentissage en travaillant sur une base de données commune afin de créer de la connaissance collectivement : « Knowledge Forum has been used as a tool for creating of knowledge artefacts, facilitating knowledge building discourse, and supporting collaborative idea improvement. » (Tan et Tan, 2014) Selon le point de vue des initiateurs du KF, Scardamalia et Bereiter, les activités de classe dites traditionnelles ne permettent pas de soutenir les interactions entre pairs. Lors d’une recherche, par exemple, les élèves recueillent des informations sur un sujet et les présentent dans un rapport qui est lu que par l’enseignant. Généralement, ce dernier ne peut fournir que de brefs commentaires. Cependant, un outil de collaboration technologique comme le KF soutient les interactions entre pairs. En effet, les élèves peuvent suivre ce que leurs pairs écrivent sur un sujet donné et commenter leur travail. En plus de cela, cette plate-forme d’apprentissage offre beaucoup plus que des interactions entre les élèves, elle permet aussi à toute une communauté de travailler conjointement sur le même objet de savoir en œuvrant à l’amélioration constance de leurs idées (Scardamalia et Bereiter, 2010). Cet outil conserve donc les traces écrites des processus réflexifs des élèves dans les notes qu’écrivent les élèves dans les différentes perspectives (voir Figure 1 et 2). Un discours transformatif, et une amélioration des idées, peut émerger puisque les élèves ont la possibilité de réviser, d’améliorer ensemble les idées prometteuses des

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notes qu’ils ont écrites auparavant. L’organisation du forum, sous forme de perspectives et de notes, permet de se situer au cœur du travail avec les idées composées par leurs contributeurs (Scardamalia, 2002). En d’autres mots, le KF est un outil qui permet de créer des artéfacts de connaissances2, il facilite la construction de cette connaissance et il

supporte l’amélioration collective des idées (Tan et Tan, 2014).

Figure 1. Perspective du KF

2 Les artéfacts de connaissances sont les idées, les questions, les explications et les

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Figure 2. Contenu d'une note

Le modèle du Knowledge Building (KB), proposé par Scardamalia et Bereiter (1994), est une pédagogie qui permet le développement de la créativité en collaboration. Un processus de résolution de problèmes collectif est au cœur de cette pédagogie : il mobilise les élèves dans une investigation, un projet pour mieux connaître en commun. En effet, les élèves, étant confrontés à un contexte de résolution de problèmes, améliorent leur compréhension de l’objet à l’étude, et ce, de manière collective. L’objectif du KB est certes d’améliorer la compréhension individuelle d’un problème donné, mais aussi de travailler pour la construction collective de nouveaux artéfacts afin d’enrichir et de transformer l’état initial de la connaissance de cette communauté (Bereiter, 2002; Paavola, Lipponen et Hakkarainen, 2004). Les individus peuvent apprendre les uns des autres, et ainsi, chacun n’a pas à réinventer des formes culturelles, mais peut construire, individuellement et historiquement, sur le travail collectif des autres (Bereiter, 2002). Le couple KB/KF est un parfait exemple d’une tentative de remodeler l’éducation d’une manière fondamentale, de sorte qu’il devient un effort cohérent pour initier les étudiants à la création dans une culture de la

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connaissance (Bransford, Brown et Cocking, 1999). Il « crée une culture qui favorise le travail créatif à partir d’idées. » (Bereiter et Scardamalia, 2010). Le KF et sa pédagogie est donc des plus intéressantes en ce qui concerne l’éducation à la créativité : il tend à encourager la création de nouvelles connaissances sur le monde (nouvelles idées ou concepts). Le KB engage les élèves dans un processus collaboratif d’amélioration constante de leurs idées contribuant ainsi à la connaissance de toute la communauté. Le KB aide les élèves à apprendre en collaborant et facilite les productions collaboratives incluses dans des activités selon un « mode design » :

Design mode comprises a broad range of activities concerned with knowledge production and improvement: theorizing, invention, design, identifying promising ideas, searching for a better way, in short, all the kinds of activities that mark a knowledge-creating organization (Scardamalia & Bereiter, 2014, p. 49).

Inspirés par le KB, Hakkarainen et al., (2006) ont mis de l’avant, dans une perspective de création de connaissances3, l’approche trialogicale

plaçant les pratiques sociales au centre du processus plutôt que les idées. L’approche trialogicale est à l’origine de la recherche sur l’apprentissage collaboratif supporté par les technologies. Les technologies de l’information et de la communication (TIC) offrent maintenant des outils et des instruments4 qui rendent la création de

connaissances accessible, et ce, même pour les élèves du primaire.

3 Il s’agit de la 3e métaphore (Paavola, Lipponen, et Hakkarainen, 2004) en référence

au deux autres (AM et PM) présentées par Sfard (1998) et qui seront détaillées plus loin.

4 Dans le projet KP-Lab, divers outils ont été élaborés afin de favoriser la collaboration

sur des objets partagés ainsi que la transformation et la réflexion sur les pratiques de la connaissance. Une plate-forme technologique semblable au KF, le KPE (Knowledge

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D’après ce point de vue, la technologie améliore l’apprentissage seulement par des pratiques sociales transformées :

[…] the interaction between people does not happen only through words and concepts and by communicating and changing ideas (like in dialogues) but through developing shared objects (artefacts and practices) where the role of shared objects and their iterations have a more prominent role than traditionally recognized (Paavola et Hakkarainen, 2014, p. 70).

De la même façon, l’approche trialogicale fait la promotion des pratiques de création de connaissances et de pratiques sociales par l’utilisation d’environnement technologique pour supporter le design collaboratif. Le design, entre autres, apparaît être par définition un processus trialogical en raison de l’importance qu’il accorde à la conception d’un objet de design partagé. L’apprentissage à travers le design collaboratif guide les participants à développer de manière itérative leurs idées et les engager dans un travail concret avec la matière afin qu’elle incarne leurs idées (Paavola et Hakkarainen, 2014). Ce type de travail permet d’étendre le champ de la création de connaissances en repoussant les limites d’une culture plus conceptuelle, vis-à-vis la création collective d’artéfacts et, à évoluer aussi vers une culture matérielle de la création5 (Paavola et

Hakkarainen, 2014, p. 73).

5 Nous attendons par culture matérielle de la création ce qui fait référence aux

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1.5 L’éducation artistique un potentiel pour la création

de connaissances

Plusieurs auteurs s’entendent à dire que l’éducation artistique se veut une excellente porte d’entrée pour varier sa pédagogie et qu’elle offre plus particulièrement l’opportunité de travailler en collaboration pour créer un produit créatif et partagé. En fait, de nombreuses études démontrent que le travail effectué à travers les disciplines artistiques soutient le développement de la créativité chez les jeunes par le fait, entre autres, de la flexibilité du cadre disciplinaire (Sawyer, 2006). Ces disciplines artistiques deviennent des outils à estimer et permettent de rencontrer les exigences et préoccupations de formation et de l’éducation à la créativité. Mais qui plus est, la créativité serait en quelque sorte un type de résolution de problèmes, ou de représentation symbolique, qui peut être enseignée et apprise (Moran et John-Steiner, s. d.). Le travail artistique place les apprenants à conceptualiser des idées et à exprimer une pensée certes, mais aussi à travailler de manière concrète avec la matière (PFÉQ, 2006). Le contexte qu’apporte l’enseignement des arts, par la création d’artéfacts conceptuels et matériels, se veut aussi être également une excellente façon d’apprendre.

Comme l’ont souligné Seitamaa-Hakkarainen, Viilo et Hakkarainen (2010), le travail créatif avec les idées peut aussi inclure la création d’objets d’art conceptuel et matériel : les participants sont encouragés à mettre en œuvre, en parallèle, des objets conceptuels et matériels. D’un point de vue de création de connaissances, les idées créées par les apprenants à travers une résolution de problème peuvent également s’incarner dans la matière à travers le dessin ou autre création concrète.

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La résolution de problème, étant à la base de cette approche, mobilise ainsi les élèves dans un authentique questionnement partagé. Il apparaît ainsi essentiel de fournir aux élèves des expériences concrètes de résolution et de conception complexes à travers l’éducation : des tâches qui leur permettraient de s’engager dans un processus itératif d’amélioration de leurs idées s’incarnant dans des objets matériels. Au Québec, l’initiative l’École en réseau met de l’avant les pratiques de création de connaissances, mais peu de ces pratiques concernent la conception matérielle proprement dite.

1.6 L’initiative l’École en réseau (ÉER)

Née de la volonté du Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) de mettre en place des solutions aux difficultés vécues par les petites écoles situées en milieux éloignés de l’ensemble du Québec, l’École en réseau (ÉER) se veut une initiative pour permettre une égalité des chances dans ces milieux. En effet, le déplacement vers les centres urbains entraine une baisse démographique en milieux ruraux et donc, dans les écoles. Plusieurs défis accompagnent l’enseignement dans cesdits milieux. Les classes multiâges sont nombreuses puisqu’il y a peu d’élèves inscrits dans chacune des écoles. Il n’est pas rare de rencontrer des enseignants pouvant tenir une classe à triple, voire quadruple niveau. Il peut être difficile pour les élèves d’interagir à des fins d’apprentissage, voire de socialiser, avec d’autres élèves du même âge ou du même niveau scolaire. L’ÉER peut, d’une certaine manière, renverser cette tendance. Les résultats de cette

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initiative se sont avérés positifs : plusieurs écoles rurales ont à ce jour enrichi l’environnement d’apprentissage selon ce modèle6.

Effectivement, des partenariats sont mis en place entre différentes classes, ce qui permet aux enseignants de pratiquer le « team teaching », de créer des équipes de travail délocalisées et d’amener les élèves à contribuer au discours collectif par leur expertise et cela, au-delà des murs de la classe. La pédagogie de la coélaboration de connaissances, décrite précédemment, est au cœur de l’École en réseau. Deux outils technologiques de collaboration ont été retenus comme soutien/support à la communication dans l’ÉER : le KF comme support à l’écrit et le système de visioconférence VIA comme support à la communication orale. À l’aide de ses outils, les élèves peuvent s’adonner à des activités d’apprentissage qui prennent en compte le programme de formation de l’école québécoise et toutes les matières sont ainsi considérées : mathématiques, des sciences, du français, etc. Ses activités d’apprentissage réalisées au sein d’une classe en réseau sont conçues en cohérence avec le programme de formation et ne sont pas seulement considérées comme une activité périphérique. Le questionnement des élèves est mis de l’avant dans une démarche collective afin qu’ils réalisent des apprentissages profonds et durables.

1.6.1 La place des arts plastiques au sein de l’école québécoise

Les politiques éducatives souhaitent préparer et former pour le mieux les jeunes qui assureront le relais en devenant très rapidement les principaux acteurs de la société. Ces politiques permettent la transmission de la culture et favorisent ainsi une diffusion des valeurs

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de la société tout comme la compréhension et la perpétuation de ces dernières : « La sensibilisation aux pratiques culturelles et aux formes artistiques ainsi que leur connaissance renforce les identités et les valeurs individuelles et collectives et contribue ainsi à la protection et à la promotion de la diversité culturelle. » (UNESCO, 2006, p.7) C’est à partir de cette idée que l’enseignement des arts trouve sa pertinence puisqu’elle devient le véhicule des identités et un moyen d’outiller les élèves à devenir de petits créateurs, des innovateurs de la société de demain (UNESCO, 2006). « Les arts constituent également un phénomène social. Ils s’inspirent des valeurs culturelles et sociales véhiculées dans la vie quotidienne et ils contribuent à leur mutation.» (PFÉQ, 2006, p. 190)

Les programmes d’arts et l’espace que l’on crée pour l’art n’est pas un luxe, mais bien une nécessité dans l’éducation (John-Steiner, 2004). Toutefois, la stratification des matières scolaires est encore une réalité qui joue contre l’enseignement des arts. Aujourd’hui, l’éducation artistique est toujours considérée comme étant une discipline secondaire et est victime de nombreux préjugés (UNESCO, 2010). Malgré les politiques ministérielles qui incluent le domaine des arts dans le curriculum obligatoire, les milieux éducatifs ne permettent toujours pas son implantation de manière uniformisée; l’inégalité d’accès à l’éducation artistique est encore une réalité. En effet, les arts détiennent une position des plus précaires dans son application pédagogique. En raison des choix à faire en matière budgétaire, l’enseignement des arts est souvent laissé-pour-compte et réduit aux initiatives locales et ainsi, au bon vouloir des institutions (Maestracci, 2006; UNESCO, 2006). L’UNESCO (2008) fait état de cette problématique :

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Pour que l’éducation artistique soit insérée avec succès dans l’enseignement, les enseignants ont besoin d’une ample base de connaissances qu’ils ne possèdent souvent pas. En fait, bien des enseignants n’osent pas s’aventurer dans l’art. La question est donc maintenant de savoir comment rapprocher ces deux domaines; comment amener les enseignants à acquérir ce savoir. Car de simples connaissances théoriques et techniques ne suffisent pas pour enseigner l’art sur le mode ludique, en prise sur l’expérience et la vie quotidienne des enfants et des adolescents, il est indispensable de s’appuyer sur une pédagogie appropriée. (p.10)

En dépit des politiques ministérielles québécoises qui font la promotion des arts dans le curriculum obligatoire, la qualité de l’éducation artistique est encore aujourd’hui un enjeu majeur. En effet, en considérant les petites écoles en milieu rural, il est évident que les choix en matière budgétaire ne permettent pas l’intégration de spécialistes en enseignement des arts plastiques dans les classes. L’accès à un enseignement des arts, tel que prescrit par le programme de formation de l’école québécoise, reste un défi car il y a très peu de spécialistes d’arts dans les écoles au niveau primaire. Il revient donc aux enseignants titulaires de réaliser les activités d’apprentissage en arts plastiques malgré que ces derniers n’ont habituellement aucune formation en la matière. De plus, les activités d’apprentissage liées aux arts plastiques dans les écoles de l’ÉER restent très limitées. Nous avons constaté que, même si les élèves utilisent le KF pour apprécier des œuvres d’art, ils ne s’engagent pas pour autant dans un processus de création complet.

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Chapitre 2 Cadre théorique

2.1 La construction du savoir, une démarche sociale et

créative

Le paradigme constructiviste, associé à la fois à Piaget et à Vygotsky, reconnaît que les enfants participent à la création de leurs propres connaissances. Le développement chez l’enfant n’est plus vu comme un processus de transmission passive de son environnement, ou de l’instruction des adultes, mais plutôt comme un processus actif dans lequel les enfants réalisent, en quête de sens, des transformations de l’information du monde extérieur. À travers le jeu, qui permet d’apprendre à créer et à manipuler des symboles et des signes, l’enfant construit sa vision du monde. Peu à peu, l’imagination créative et la réflexion sur des concepts vont se côtoyer avec l’âge, et ultimement elles mûriront dans la créativité artistique et scientifique. C’est pourquoi, selon Sawyer (2003), le développement est perçu comme étant un processus créatif en lui-même : le paradigme constructiviste du développement intellectuel est fondamentalement une théorie de la créativité.

L’hypothèse centrale de la théorie de Piaget (1962) demeure dans l’idée que de nouveaux schémas mentaux sont construits par l’enfant. Ces schémas ne constituant pas que de simples accumulations de nouvelles connaissances représentent plutôt des réorganisations complètes de la pensée. Toujours selon Piaget, ce processus, par lequel les enfants construisent leurs connaissances du monde, se réalise de manière totalement indépendante, individuelle. Pour sa part, Vygotsky avance que l’apprentissage se veut une démarche sociale, une construction

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sociale. Les individus vont construire leur compréhension du monde à travers les informations qu’ils reçoivent de la parole et l’action des autres, c’est-à-dire qu’ils coconstruisent leurs connaissances à partir de ces expériences. Les individus synthétisent diverses influences qui deviennent la base de leurs nouveaux concepts et, du même coup, leurs stratégies cognitives.

L’innovation de Vygotsky a été d’élaborer son concept de zone proximale de développement qui considère le niveau de développement « réel », déterminé par une résolution de problèmes effectuée de manière autonome par l’individu, et le niveau de développement « potentiel », déterminée par une résolution de problèmes assistée par une personne plus expérimentée.7 Ainsi, un enfant peut apprendre

seulement des choses qui sont prédisposées à sa zone proximale de développement. Selon le point de vue de Vygostky (1985), il serait alors beaucoup plus avantageux pour un enfant de travailler avec un adulte ou un pair plus expérimenté pour qu’il puisse apprendre. À première vue, dans un contexte de classe, seules les interactions entre l’enseignant et l’élève peuvent être considérées (Moran et John-Steiner, 2003). Piaget avance que l’enfant, compris dans une situation d’interactions avec un adulte, aurait plutôt tendance à délaisser ses propres idées. C’est en confrontant leurs idées provenant de différents points de vue que les enfants semblent faciliter la construction de leur savoir. Les interactions entre pairs de compétence égale favoriseraient plutôt des conflits sociocognitifs et entraîneraient la construction de nouvelles structures ainsi qu’une compréhension conceptuelle plus

7 Wood, Bruner et Ross (1976) auront précisé ce principe qu’ils nommeront

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soutenue (Lai et Law, 2006, p. 127).

C’est bien ce qu’avancent Brown et Campione (1995) en présentant la dynamique particulière d’une communauté d’apprentissage qui se veut être un terrain fertile à la co-construction des savoirs. Dans une communauté d’apprentissage, ce sont les interactions entre pairs qui sont priorisées (Brown et Campione, 1995). L’élève n’est plus vu comme un récipient à remplir, mais bien comme un investigateur, voire un petit chercheur (Ibid). Ce sont les élèves qui sont porteurs de la connaissance et sont alors considérés comme étant des experts de contenus, rôle qui était réservé à l’enseignant traditionnellement. Guidés par l’enseignant, les élèves vont réaliser des recherches selon leurs intérêts et vont partager le fruit de leur découverte aux autres membres de la communauté (Ibid). C’est ce que Brown et Campione appellent distributed expertise : grâce au partage des compétences, les élèves vont être en mesure de trouver des idées et de créer de la connaissance qui ne pourrait être réalisé seul (John-Steiner, 2000). Les élèves impliqués dans une recherche comprenant un processus itératif vont mettre en place leurs propres problèmes de recherche et leurs questions conjointement (Brown et Campione, 1995; Seitamaa-Hakkareinen, Viilo et Hakkareinen, 2010). Ainsi, la diversité des élèves est vue comme une force importante pour la communauté et permet des interactions riches entre les apprenants :

During this process of advancing the collective knowledge, it is possible for the less competent members to benefit from interactions with more competent members; the more competent members may also benefit as the overall knowledge and competence of the community could also be advanced. (Lai et Law, 2006, p. 127)

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Les interactions qu’offrent les pairs aidants dans l’apprentissage peuvent aussi bien intégrer des objets tels que des livres, des journaux, des vidéos, et des ordinateurs (Lai et Law, 2006, p. 125). En effet, la technologie offre une infrastructure particulièrement facilitante à la création de la connaissance. Certaines de ses technologies éducatives sont conçues pour fournir des échafaudages qui guideront les discussions en collaboration des élèves. Selon Sawyer, un apprentissage constructiviste efficace peut être favorisé par des technologies puisqu’elle supporte le déroulement des capacités naturelles d’improvisation des élèves (Sawyer, 2008). De ce fait, les forums électroniques se veulent d’excellents outils pour amorcer un travail d’investigation en collaboration puisqu’ils permettent, au-delà d’un simple partage de l’information, le partage des interprétations, l’articulation et la construction de nouvelles interprétations à travers des interactions (Lai et Law, 2006). C’est aussi le cas d’une communauté d’apprentissage en réseau, caractérisée, entre autres, par l’accès à des ressources provenant du Web (Laferrière, 2005) et qui a comme effet d’enrichir les différents environnements d’apprentissage en permettant un accès aux outils numériques ainsi qu’en insistant sur le travail collaboratif. Ces environnements d’apprentissage en réseau «se distinguent par leur nature participative, l’accessibilité à des ressources sur Internet et la présence d’artéfacts d’apprentissage ou de coélaboration de connaissances, incluant des productions collectives» (Laferrière, 2013). Le travail créatif et collaboratif soutenu par les technologies est particulièrement précieux pour les plus jeunes puisque cela leur permet de passer directement à ces activités. Nul besoin de formation particulière et d’expertise pour assurer la réussite de ces activités (Sawyer, 2006). Il permet donc aux étudiants de construire

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collectivement des connaissances ensemble et d’innover en collaboration, de la même manière que les communautés professionnelles comme les laboratoires scientifiques et les équipes commerciales (Scardamalia et Bereiter, 2014).

2.2 La métaphore de la création de connaissances : de

la coélaboration de connaissances à l’approche

trialogicale

Sfard (1998) propose deux métaphores qui permettent d’illustrer les différentes théories de l’apprentissage : celle de l’acquisition (AM) et de la participation (PM). La perspective de la métaphore de l’acquisition (AM) suggère que l’individu reçoit de manière passive la connaissance pour qu’éventuellement un transfert dans une situation donnée se réalise : l’enseignement est alors centré sur la médiation et la transmission des concepts ou des connaissances. Une troisième métaphore de l’apprentissage a été proposée afin de souligner les changements et les phénomènes émergents liés à la créativité collaborative dans les diverses théories de l’apprentissage (collaborative creativity theories of learning ) (Paavola, Lipponen, et Hakkarainen, 2002; 2004; Hakkarainen et al., (2004).

D’un point de vue technologique, cette métaphore se manifeste aux pratiques collaboratives les plus basses de la Figure 3 (Lakkala et al., 2009).

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Il s’agit des pratiques où le réseau sert simplement de canal de transmission d’un matériel éducatif sans aucune communication entre les apprenants via, par exemple, un tutoriel ou une capsule d’apprentissage vidéo. En ce qui concerne la pratique 2, les interactions se font uniquement entre l’enseignant et l’apprenant où des rétroactions par courriel sont émises dans une plate-forme e-learning, par exemple. La pratique 3 insiste légèrement sur les rétroactions entre étudiants, toutefois, ces interactions restent à un niveau assez embryonnaire : les élèves peuvent commenter le travail de leurs pairs sans toutefois interagir entre eux pour la révision d’un document.

Pour sa part, la métaphore de la participation (PM) propose que l’apprentissage se réalise en participant au sein d’une activité : l’apprentissage n’est plus un fait purement individuel, il se concentre sur les liens et les interactions qui se construisent entre les individus à travers une communauté8. Cette métaphore se reflète à la quatrième

pratique de la Figure 3. Elle décrit les pratiques où les étudiants sont directement et réciproquement en interaction les uns avec les autres. Les forums de discussions sont des exemples de technologies appliquées. Souvent, le principal objectif de ces activités est de permettre aux élèves de s’exercer à communiquer ou à défendre une certaine argumentation, c’est-à-dire présenter différents points de vue, ou simplement de construire un discours sur les commentaires de chacun.

8 Cette métaphore renvoie aussi au concept de participation périphérique légitime

(Lave et Wenger, 1991) et donc aux actions concrètes réalisées dans un contexte d’apprentissage.

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Pour sa part, la métaphore de la création de connaissances se base sur les différentes théories de la créativité collaborative. Cette métaphore comprend donc les théories de Nonaka et Takeuchi sur la création de connaissances en contexte organisationnelle (Nonaka et Takeuchi, 1995), la théorie de Bereiter et la coélaboration de connaissances (KB) (Bereiter, 2002), ainsi que la théorie de l’activité où s’entreprennent des cycles d’apprentissage expansif (Engeström, 1987). Les différences concernant les contextes et les acteurs impliqués dans la création de connaissances suggèrent des motivations différentes pour chaque perspective, mais se rejoignent là où un ensemble de pratiques sociales font avancer l’état des connaissances au sein d’une communauté (Paavola et al., 2004). La création de connaissances implique plus que la création d’une nouvelle idée, elle nécessite l’élaboration d’un discours collectif afin, entre autres, d’étudier des problèmes, de promouvoir de nouvelles idées et d’évaluer si l’état des connaissances dans la communauté progresse (Aalst, 2009). Les similitudes entre ces différentes perspectives ont été répertoriées en sept caractéristiques par Paavola, Lipponen, et Hakkarainen (2004, p. 562) :

(1) La poursuite de la nouveauté.

(2) La médiation est au cœur de ses perspectives.

(3) La création de connaissances est vue comme un processus social.

(4) Les sujets individuels ont aussi un rôle important dans la création de connaissances.

(5) Ces pratiques de la connaissance vont au-delà de la connaissance purement conceptuelle.

(6) Cependant, la reconnaissance des objets conceptuels est importante.

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(7) Les interactions entre les individus sont effectuées autour et à travers des objets partagés (Paavola, Lipponen et Hakkarainen, 2004, p. 562; Paavola et al., 2011).

Les pratiques de la création de connaissances se référent aux paliers 5 et 6 de la Figure 3 des pratiques collaboratives en éducation (Lakkala et al., 2009). Il s’agit du type de travail collaboratif le plus difficile. Ce type de travail se produit lorsque les collaborateurs tentent de produire et de modifier le produit de la connaissance à la suite d’efforts partagés; tous les membres participent et prennent la responsabilité de l’avancement et le développement d’un objet épistémique9. Le dernier palier des

processus de collaboration, qui intègre des objets de connaissances partagées, apporte également une réflexion commune pour son développement et les procédés qui sont associés à ce type de pratique.

2.2.1 La coélaboration de connaissances

Le modèle de la coélaboration de connaissances, ou création de connaissances, insiste fortement sur l’aspect de la création collective de connaissances c’est-à-dire qu’un discours collectif prend forme au sein d’une communauté donnée. Scardamalia et Bereiter définissent la coélaboration de connaissances comme la création délibérée et l’avancement des connaissances ayant une valeur pour une

9 «Les objets épistémiques (ou artéfacts épistémiques) fournissent un objet partagé

pour la communauté : ils représentent un motif pour la communauté où cette dernière converge et canalise les efforts de ses membres. Les artéfacts épistémiques ont un double rôle : ils agissent comme objets de médiation pour l'amélioration des connaissances, mais représentent également les résultats de la création de connaissances. En d'autres termes, les artéfacts épistémiques médient le processus de création de connaissances, mais ils sont aussi la connaissance en train de se faire, conduisant à la création de nouvelles avancées de la connaissance. » (Tan et Tan, 2014, trad. libre, p. 38).

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communauté. Ils affirment également que ce même processus est synonyme de création de connaissances (Scardamalia et Bereiter, 2003). L’amélioration des idées est le mécanisme clé de la création de connaissances et les idées améliorées représentent la compréhension profonde des étudiants sur un phénomène ou un sujet particulier. Cette pédagogie a été développée avec deux caractéristiques communes à la perspective de la création de connaissances, c’est-à-dire le rôle important des artéfacts épistémiques décrits plus haut et le processus collaboratif de la création de connaissances (Tan et Tan, 2014).

Le caractère unique de la coélaboration de connaissances provient des bénéfices de ce type de pratique. Bereiter distingue l’apprentissage de la construction de la connaissance en faisant valoir que l’objectif principal des membres d’une communauté est non seulement d’améliorer leur compréhension individuelle, mais de travailler conjointement et activement pour le développement de nouveaux objets de connaissances culturellement partagés : « Knowledge building involves collective cognitive responsibilities in advancing shared knowledge artefacts through knowledge building discourse among individual students.» (Tan et Tan, 2014, p.30) L’apprentissage individuel devient alors un sous-produit au processus de la construction de connaissances. En tentant de répondre à des problèmes de compréhension, les élèves en arrivent à une compréhension des grandes idées du curriculum, mais aussi, à cultiver leur capacité de pousser l’explication au niveau nécessaire à la création de connaissances (Scardamalia et Bereiter, 2014). Ainsi, le discours collectif qui se dégage des investigations de la communauté se veut un investissement cognitif important pour les élèves (Bereiter et Scardamalia, 2003). L’un des principes essentiels dans une communauté de coélaboration de connaissances est de

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développer une responsabilité cognitive collective10 entre les élèves afin

qu’ils s’engagent dans une amélioration constante de leurs idées (Scardamalia, 2002).

La poursuite de la nouveauté et le savoir-faire créatif qui émanent d’une communauté de coélaboration de connaissances constituent l’effort continu d’aller au-delà du niveau actuel de compétences afin de s’adapter aux exigences de l’environnement en évolution perpétuelle (Scardamalia et Bereiter, 1993). Afin d’améliorer leur compréhension de l’objet d’étude (un problème rencontré), la communauté de coélaboration de connaissances travaille activement pour construire de nouvelles formes de connaissances afin d’enrichir, mais surtout de transformer l’état initial de la connaissance de la communauté (Paavola et al., 2008). C’est-à-dire que l’apprentissage est alors assimilé à des procédés de résolutions de problèmes où les nouveaux objets conceptuels, les idées, les questions, et les théories sont collectivement créées, et la connaissance initiale des participants est sensiblement enrichie ou considérablement transformé.

Les caractéristiques des individus, tels que leurs talents et leurs habiletés cognitives, jouent nécessairement un rôle dans le processus, mais la création de la connaissance est fondamentalement un phénomène collectif. Ce qui régule le processus devient plus la morale, les normes sociales et les objectifs communautaires. Les interactions

10 Selon Bereiter et Scardamalia, il est important de favoriser le transfert progressif

des responsabilités cognitives aux élèves, responsabilités traditionnellement réservées à l'enseignant. «La formulation des objectifs du processus d’apprentissage, l’identification des problèmes et des difficultés dans ce processus, l'évaluation des progrès de la connaissance, la révision des questions, la révision des stratégies, le renforcement de l'engagement intellectuel et l'égalité des chances.» (Bereiter et Scardamalia, 2014, trad. libre, p. 49-50) devraient être réalisés par les élèves eux-mêmes lorsqu’il y a responsabilité cognitive.

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sociales sont donc au cœur du processus : les nouvelles idées et les innovations apparaissent entre les individus plutôt qu’à travers les individus seuls. En effet, dans un processus de résolution de problème en commun, les individus qui ont des informations partielles, mais différentes sur le problème en question, semblent améliorer leur compréhension collectivement via ces interactions. Le processus de compréhension apparaît comme relatif à l’itération, en ce sens qu’il émerge à travers une série de tentatives de la communauté d’expliquer et de comprendre les objets d’études. C’est ainsi que les élèves s’engagent dans un mode design :

Instead of “doing” knowledge building in selected subjects at selected times, students should always be alert to the possibility of better ideas, better explanations, better ways of doing things, never quite satisfied with final answers, always looking for opportunities to design and redesign and to act on the basis of well-constructed ideas and understandings. (Scardamalia et Bereiter, 2014, p. 50)

Les questions et les problèmes de compréhension deviennent alors la force motrice du développement des connaissances (Bereiter et Scardamalia, 1993). Le questionnement des élèves exerce alors un rôle de médiation dans ce modèle où il met en œuvre des cycles de création : ce processus de résolution de problèmes est médié par des artéfacts de connaissances partagées, telles que des questions, des explications, des plans, des dessins, des diagrammes et des idées externalisées par l’écriture sur le KF, entre autres (Bereiter et Scardamalia, 1993; Bereiter, 2002).

La théorie des World de Popper (1972) sous-tend l’approche de la coélaboration de connaissances de Carl Bereiter (2002) : « Knowledge building is premised on the existence and possibility of working on

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epistemic artefacts (Sternly, 2004) or what Popper (1978) regarded as the World 3 object. » (Tan et Tan, 2014, p. 22) En effet, les artéfacts conceptuels du World 3 de Popper ne sont pas des vérités éternelles ou des idées pures, mais bien des constructions humaines dans un processus constant de changement réel où réside un potentiel d’amélioration (Bereiter, 2002). Le travail intellectuel, selon Bereiter, vise à ajouter de la valeur aux entités du World 3 qui est caractérisé par les artéfacts conceptuels et l’approche de la coélaboration de connaissances tend à engendrer la participation des étudiants à la création et le développement de cesdits objets. Nonobstant, selon Latour (1999, 2005), il est essentiel de reconnaître la nature hybride de ces artéfacts pour comprendre la création de connaissances en matière d’éducation. En effet, conformément à cet auteur, tous les artéfacts sont des hybrides dans la nature en terme de « contenant », c’est-à-dire qu’ils auraient à la fois un aspect conceptuel et matériel.11 De plus,

selon le point de vue d’Hakkarainen (2014), la coélaboration de connaissances de Bereiter et Scardamalia accorde trop peu d’attention au rôle des outils, des instruments et de prototypes. Une faiblesse réside au centre des différentes approches de l’apprentissage puisqu’il y a une focalisation exclusive sur les artéfacts conceptuels, en ignorants du même coup ceux réalisés matériellement. L’approche trialogicale, en revanche, met l’accent sur le développement et la création de connaissances par l’interaction entre les diverses formes de connaissances, mais aussi entre les pratiques et la conceptualisation. Le design, entre autres, apparaît être par définition un processus trialogical

11 Latour (1999, 2005) entend par «conceptuel» ce qui comporte les intentions, buts et

significations. Tandis que les artéfacts matériels prennent une forme «externalisée» pendant un acte de création, puisqu’il nécessite des développements et des partages à certaines étapes du processus.

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en raison de l’importance qu’il accorde à la conception d’un objet de design partagé.

2.2.2 L’approche trialogicale

L’approche trialogicale a été élaborée afin d’incarner la métaphore de la création de connaissances en pratique, et ce, tout en étant axée sur l’apprentissage appuyé par la technologie. L’un des objectifs initiaux du projet KP-Lab, mentionné préalablement, a été d’appliquer l’approche trialogicale à l’apprentissage en développant des pratiques pédagogiques, des modèles et des outils pour soutenir l’activité d’apprentissage basée sur la création de connaissances en collaboration. La coélaboration de connaissances, ou KB, se veut être une des bases de cette approche. Toutefois, contrairement aux travaux de Bereiter et de Scardamalia dans lesquels le discours construit collectivement focalise essentiellement sur les idées, l’approche trialogicale désigne ces processus où les gens sont en collaboration et où ils développent systématiquement des objets partagés (Paavola et Hakkarainen, 2005). La coélaboration de connaissances de Bereiter et de Scardamalia (Bereiter 2002 ; Scardamalia et Bereiter, 1994) découle essentiellement des idées des trois «mondes» de Karl Popper (1972) : (matériel, mental et culturel/conceptuel). Selon ce point de vue, les êtres humains ont la particularité de pouvoir produire des artéfacts culturels ou conceptuels qui sont autre chose que des processus mentaux, ou des « artéfacts » matériels. La coélaboration de connaissances peut également être interprétée comme une forme de processus trialogical bien que ce dernier souligne davantage le rôle des pratiques et des aspects matériels des artéfacts que la coélaboration de connaissances (Paavola et Hakkarainen, 2014). La force de la coélaboration de connaissances

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est qu’elle met l’accent sur les moyens d’organiser le travail des élèves en vue de l’amélioration des idées en collaboration. Cependant, selon Paavola et Hakkarainen (2014), la coélaboration de connaissances ne tient pas compte des pratiques et des procédés plus « terre à terre », ainsi que de la manière dont les objets conceptuels doivent être concrétisés pour être partagés et développés en collaboration. Effectivement, même si l’objet partagé est « immatériel » (tels que la compréhension d’un sujet, l’amélioration des pratiques de travail, ou la conception d’un évènement ou d’un service), l’activité des membres devrait de toute façon être organisée autour de la production d’objets matériels médiationnels (tels que des plans, des rapports ou des modèles visuels) qui aident concrètement à la médiation des efforts de collaboration (Lakkala et al., 2010). L’objectif de travailler sur un objet développé collectivement est qu’il devient le point central dans l’organisation générale des activités des élèves. L’enseignant vise donc à promouvoir des pratiques de design collaboratif autour de cet objet principal. En d’autres mots, l’apprentissage est une forme d’activité trialogicale qui focalise sur l’avancement collectif d’un objet partagé. Différentes formes peuvent être associées à cet objet partagé, par exemple, un discours écrit ou une forme matérielle. En opposition à la perspective dialogicale qui place l’apprentissage dans le développement émergent de sens dans l’interaction sociale, la perspective de la création de connaissances représente une approche trialogicale puisqu’elle met l’accent non seulement sur les individus ou sur une communauté, mais aussi sur la manière dont les participants développent en collaboration des artéfacts tout le long d’un processus de création de connaissances (Hakkarainen, 2013, p. 20). L'idée de base est que les objets partagés

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développés en collaboration sont mis dans le centre, et médient les activités des participants sous plusieurs dimensions (voir Figure 4).

Figure 4. L'approche trialogicale représentant différentes dimensions de la médiation (Paavola et al., 2012)

2.2.2.1 La médiation au sein de la perspective trialogicale

L’approche trialogicale est basée sur différentes théories de la médiation (Paavola et al., 2012). Les grandes influences de l’approche sont la théorie de l’activité, la théorie des artéfacts culturels de Poppers (1972) et la théorie de la médiation sémiotique et pragmatique de Peirce (1992). Ces différentes avenues sont construites à partir de l’approche de la médiation de Vygotsky comme fondement pour comprendre l’ensemble des activités humaines. Selon Vygotsky, l’individu s’approprie des outils, signes et symboles compris dans son environnement social

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peuvent contrôler leur comportement extérieur (culturel et social) en utilisant des signes et des outils (Vygotsky, 1978). Les signes, les outils et les artéfacts sont ainsi développés dans des processus itératifs et sociaux.

La perspective trialogicale propose des environnements d’apprentissage qui permettent de tenir compte de médiations multiples, ce que certains chercheurs appellent la multimédiation12. La médiation épistémique,

entre autres, joue un rôle important dans cette approche. Cette médiation est le processus de l’approfondissement d’un objet de connaissances par la création délibérée d’objets de connaissances externes (notes écrites ou représentations visuelles). Il va de même de la créativité des experts et des professionnels qui apparaît à travers la cristallisation de leurs idées dans des artéfacts. Ce sont ces mêmes artéfacts qui supportent tout le processus créatif. C’est-à-dire que ce processus, qui permet de travailler de manière créative avec des idées, n’est donc pas une activité purement conceptuelle, elle ne dépend pas que de personnes créatives, mais exige plutôt une réorganisation fondamentale des pratiques de toute une communauté (Paavola et al., 2004). Le processus par lequel le développement de quelque chose de nouveau émane d’une collectivité ou le développement de pratiques de connaissances exige habituellement des individus, des groupes et des institutions sociales des efforts itératifs impliquant relativement de

12 La multimédiation comprends quatre types de médiation : la médiation

épistémique qui se rapporte à l’apprentissage de l’objet, elle concerne la construction de sens de l’objet de connaissances; la médiation pragmatique qui se rapporte aux transformations des pratiques sur/au-dessus/à travers l’objet c’est-à-dire la gestion de la règlementation, etc.; la médiation sociale qui s’applique aux individus, à savoir la création de liens interpersonnels, les habitudes de communication, etc.; la médiation réflexive qui concerne le sujet lui-même, afin de refléter ses actions, ses pratiques et ses résultats (Lakkala et al., 2004).

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longues périodes de temps (Paavola et Hakkarainen, 2014). Cette réorganisation de la communauté est donc liée aux autres types de médiations (pragmatiques, sociales et réflexives): « In well-designed technology-mediated learning environments, all these aspects of mediation support one another.» (Paavola et Hakkarainen, 2014, p. 8-9)

2.3 La création d’un savoir artistique par la médiation

des artéfacts conceptuels et matériels/ou l’objet

partagé en arts plastiques

Avec les idées émergentes du constructivisme, la création artistique est de plus en plus comprise comme étant construite là où se chevauchent les idées, les images et les savoirs. En effet, la créativité impliquerait une externalisation des schèmes de pensées et le travail de création artistique inclurait la mise en œuvre d’artéfacts conceptuels et matériels. Selon Gosselin (2006), « le travail de création artistique serait en lui-même une démarche de connaissance. Le motif des artistes qui s’engagent dans cette démarche est la communication de transmettre une pensée, un savoir artistique. Ce serait en quelque sorte une manière de participer à la construction du discours sur l’art. » (p.21), c’est-à-dire de partager un savoir qui transcende l’œuvre matérielle et l’acte de création en tant que tel.

Selon Vygotsky, l’art est la technique sociale de l’émotion, c’est un outil de la société qui réunit les aspects les plus intimes et personnels de notre être dans le cercle de la vie sociale. À travers le processus créatif, la créativité rend compte des émotions de l’artiste d’une manière systématique, et elle permet d’obtenir un effet esthétique qui provient des tensions entre la forme et les sens. La pensée artistique est

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exprimée dans une dialectique continue entre la culture, les matériaux et les expériences émotionnelles des individus créateurs (John-Steiner, 2000). Une fois exprimés, ces significations et symboles sont incorporés dans des objets culturels, des produits créatifs qui perdurent au fil du temps pour être utilisés par les générations futures (Vygotsky, 1971, p. 249). Vygotsky qualifie l’acte d’externalisation comme la construction et la synthèse des significations en fonction des émotions et de symboles cognitifs. Ce sont ces significations, ces sens à construire, qui offrent un potentiel au travail créatif en collaboration. Tout comme la dynamique sous-jacente à la coélaboration de connaissances où le processus de résolution de problèmes est médié par des artéfacts de connaissances partagées, la création artistique l’est tout autant. En effet, elle est médiée par les idées générées qui émanent de réflexions communes, de conversations soutenues et par la négociation afin d’atteindre de nouvelles connaissances (John-Steiner, 2000). « Ce sont par la suite, des concepts, une variété de significations et de sens qui seront synthétisés et transformés dans le produit créatif. » Les programmes d’arts et l’espace que l’on crée pour l’art ne sont pas un luxe, mais bien une nécessité dans l’éducation. Les programmes d’arts et l’espace que l’on crée pour l’art ne sont pas un luxe, mais bien une nécessité dans l’éducation (Moran et John-Steiner, 2003, p. 75) Les constructions dynamiques, en d’autres mots, les œuvres, qui résultent de l’« externalisation » sont en fait des « significations matérialisées », composées, entre autres, d’idées communes, de croyances, de connaissances, d’émotions et bien entendu de culture (Vygotsky, 1971)13.

13 Le partage des émotions à travers l’art ne signifie pas que les individus vont lui

donner le même sens, cela dépend du bagage et de l’historique de chacun : ce que Vygostky qualifie de médiation culturelle (Vygotsky, 1959/1987).

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Souriau (2006) apporte aussi des précisions en ce qui concerne l’objet d’art. Une œuvre est en fait le résultat d’un travail qui s’avère être une chose fabriquée et le caractère matériel de l’œuvre est ce qui lui permet d’exister indépendamment de son acte créateur. L’inverse est tout aussi vrai, car, « quelle que puisse être l’importance du faire matériel, dans l’œuvre d’art il est guidé par une pensée. » (Souriau, 2010, p. 1080) Le processus créateur des artistes professionnels est similaire à ce qui peut être effectué dans la salle de classe par des élèves qui travaillent sur un objet partagé, soit lorsque les élèves, dans un processus de conception (design), s’engagent de manière simultanée et en parallèle dans un travail conceptuel, et ce, avec les idées, et dans un travail plus « pratique » avec la mise en matière de prototypage d’idées en créant ou en utilisant sensiblement des artéfacts matériels (Seitamaa-Hakkarainen, Viilo et (Seitamaa-Hakkarainen, 2010). Les élèves qui s’engagent dans un tel processus sont portés non seulement sur le développement des idées des participants en prenant part à un processus de création de connaissances, mais dans un volet plus pratique, qui sous-tend la conception d’objets matériels, peu importe leur nature. Le processus de conception, tout comme la coélaboration de connaissances, est lui aussi de « nature itérative » : tout le processus est alors médié par les artéfacts conçus à chaque étape par les élèves. Les efforts des participants sont organisés autour d’un processus d’amélioration des idées où les idées de conception (artéfacts conceptuels) sont partagées, externalisées, en étant incarnés et explicités dans des croquis visuels (artéfacts graphiques) afin de donner aux idées une forme matérielle dans des prototypes ou dans un résultat final quelconque (objet partagé) (Seitamaa-Hakkarainen, Viilo et Hakkarainen, 2010, p. 217).

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2.4 Questions de recherche

En référence aux standards de qualité proposés par l’UNESCO en matière d’éducation artistique et de développement de compétences reliées à la création de connaissances, notre recherche vise à délimiter un espace pour l’éducation artistique au sein d’une classe en réseau en combinant les approches de la coélaboration de connaissances/création de connaissances et ce, en cohérence avec le Programme de formation de l’école québécoise (PFÉQ). Ainsi, nous allons vouloir favoriser l’apprentissage des arts plastiques et le développement de la créativité chez les élèves. Ces apprentissages se feront via l’exécution d’un processus créatif à travers la réalisation de deux objets partagés : l’appréciation d’un corpus d’œuvres d’art et la création d’une œuvre d’art.

S’appuyant sur les propos des experts sur la créativité, un défi reste encore, à ce jour, celui de saisir la créativité dans l’action : « The main challenge is to capture creativity in the making, to focus on where turning points are most likely to occur, and to focus on the social transformation of emotional and cognitive experience. » (John-Steiner et Moran, 2003, p. 84) Selon ces auteurs, plusieurs modélisations sont proposées pour comprendre ce processus de création, mais se situent plutôt au niveau individuel. Nous croyons que le KF est une plateforme qui permet de saisir la démarche de création en collaboration de manière plus précise.

Bien que la présente recherche soit inspirée par l’approche du KB, un des points centraux de cette étude sera de comprendre le rôle fondamental de la culture matérielle dans l’apprentissage appuyé par la

Figure

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