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"LA RÉVOLUTION FRANÇAISE,
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PRODUCTION ET MIGRATION DES RECITS A TRAVERS
LES LITT~RATURES
FRANÇAISE, ANGLAISE, AMtRICAINE
ET ITALIENNE
par
..
Paola Irene Galli Mastrodonato
A thesis submitted to the
Faculty of Graduate Studies and Research
MC
Gill University
. in partial fulfillment of the requirements
for the degree of
Doctor of Philosophy
.
Comparative Literature program
, ,February 1983
@
1983, Paola Irene Galli. Mastrbdonato
ALL RIGHTS RESERVED / TOUS DROITS
RÉSERV~S"1 ... / \ \ ( ,
L~
\ i i RÉSUMÉ,
Le présent ouvrage se propose d'~tudier les modes et les
effets de représentation de la R~volu~ion fra~~ise dans. un
échantillonage de romans publi~s entre 1789 et 1800 dans les
.
quatre domaines nationaux suivants: français, anglais,améri~
cain et italien. Dans une '~proche à la fois sociologique
et narratologique, nous avons cherché à réévaluer une période
traditionnellement négligé~ sinon exclue par l'historiogra-,
phie littéraire en procédant au recensement et au
réperto-1
riage de la fiction romanesque produite dans les quatre
domalnes, tout en prenant en consldération, dans un deuxième
temps, les données quantitatives qui têmoignent d'un grand
essor de la production romanesque autant que du public de
-lecteurs en correspondance avec les années quatre-vingt-dix.
Nous avons ensuite inséré ces données dans le contexte du
discours romanesque pré-révolutionnaire tel qU'lI s'est
constitué depuis 17~O environ.
Nous aboutissons ainsl à une typologie d.'ensemble des
réclts llttéraires produits pendant la période
révolution-naire, axée sur un modèle de la clrculation et de la ré
cep-tion des ,oeuvres qUl Vlse à établlr la portée problématique
de chaq~ texte ainsi que son degré d'adéquation topique
\
aux conventions narratives canonisées par la tradition. On
en Vlent à repérer ainsl toute émergence ou déplacement des
thèmes narratifs susceptlble
ae
mettre en relief unerepré-sentation de l~ Révolution française.
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Al?STRACT•
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,-' \ i i iThe present work attemp~s to stud~ the modes and instances
through which the French Revolut~on is represented within
a corpus of selected novels published between 1789 and' 1800
in four national literatures, namely the French, English,
American and Italian. By applying a methodology which
•
defines itself as both sociological and narratIVe , we
have sought to reevaluate a period traditionally excluded
,,~
from literary hlstoriography, by means of a survey and a
listing of the novelistlc fiction produced ln the four fields.
We have then inserted our quantitative data which clearly
show ,th~ steady growth in the produption of novels as well
as in the reading public during the 1790's, wlthin the context
Gf pre-revo1utionari nove1lstic discourse from about 1760
onwards.
Our overall aim has then been to
~set ~p
agen~~al
typology of litera~y narratives produced durlng the
revolu-tionary period according to the model of circulation and
reception of works which tends to establish the prob1ematic
impllcations of each text as weIl as its degree of conformity
to narrative con~entl0ns canonlzed by tradition, so, as to
point out each instance in which a narratiye emergence or
displacement of literary themes has given rise t~a
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' iv RIASSüNTOCon questa tesi ci si ~ proposti di analizzare lé
modali-~â e le istanze di'~appresenta~ione della Rivoluzione
france-se
in
una'serie di roman~i pubblicati fra il 1789 e il 1800nelle seguenti quattro aree linguistico",cultur'ali,: la francese,
inglese, americana e italiana. Applicando una metodologia di
ispirazione narratologica nonché sociologica, abbiamo dov~~o
rivalutare in
prim~
luogo un periodotradiz~onalm~nte
trascu-rato se non addirittura escluso dalla storiografia letteraria
effettuando un censimento, attraverso dei sondaggi, della
nar-rativa romanzesca prodotta nelle quattro aree, prendendo in
considerazione, i~ un secondo tempo, i dati quantitativi che
rivelano uno sviluppo notevole della produzione romanzesca e
deI pubblico di ~ettori proprio durante gli anni novanta.
Questi dati sono stati quindi inserit1 nel contesto deI
discprso rornanzesco pre-rivoluzionario quale si era costit~ito
da circa il 1760 in poi. Abbiamo quindi stabilito una
tipolo-gia d'insieme dei racconti letterari prodott1 durante i l
'perio-do rivoluzionario, secon'perio-do un modello della circolazione e
della recezione delle opere che ha come scopo di valutare siâ
i l messaggio problematico di ogni teste che il pr"oprio grade
di conformità topica aIle convenzioni narrative fissate dalla
tradizione. Si è, cosl potuto evidenziare qualsiasi
procedi-rnenta att~averso i l quale risaltino dei terni narrativi capaci
,
di mettere in rilievo un~ rappresentazione della ~ivoluzione
francese .'
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Ce qui prouve cette
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que les grands
êv~nementsont des suites
incalculables" .
Notre-Dame de Paris de Victor Hugo
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vii
TABLE DES MATIÈRES
REMERC IEMENTS .
viii
NOTE BIBLIOGRAPHIQUE .
.
.
.
..
.
ix INTRODUCTION CHAPITRE l CHAPITRE II CHAPITRE III CHAPITRE IV CHAPITRE V CHAPITRE VI CHAPITRE VII CHAPITRE VIII CHAPITRE IX CHAPITRE X CONCLUSIONS NOTES . . .....
...
.
. .
.
. .
- La R~volution française et la p~riodisat~on 1itt~raireLa production roman~sque soùs la
35
R~volution, 1789-1800 . . . . 53
- Le discours romanesque avant la
R~vo lu tlon . . . . . . . . ' . 69
- Le champ de réception du roman 108
- Le champ romanesque sous la
R~volutlon, 1789-1800 . . .
- Le roman sentlmental entre fixité'
et renouvellement . .
- Le roman "nolr" et de mystère ou
le dévoilement des abus . . .
- Le roman "philosophique" et la radica Ilsa,tion des con f li ts .
La Révolution françalse comme
obJet romanesque . . .
.
. .
\.
L'année 1800 et la mise en roman
de l'histoi~e . . . . • . . . • . "
. . .
.
, oC • \ 129 142 181 258.
314 335 349 353BIBLIOGRAPHIES - CORPUS PRINCIPAL
•
• • 362- CORPUS SECONDAIRE 366
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(
J ----REMERCIEMENTS ~ 1Je tiens ~ remercier particuli~rement mon directeur
de th~se M. ~arc Angenot, professeur de litt~rature
comparée, qui m'a suivie tout au long de mes études de doctorat par ses innombrables conseils, sa présence
amicale et ses precieuses mises à point en matière de
viii
th~orie litt~raire. Mes remerciements s'adressent ~galement
à M. George H,. Szanto, directeur du progranune de littérature
comparée, qu~ a su me venir en aide en m'offrant son
assistance dans les pénibles circonstances qui affligent
souvent la v~e empirique d'une étudiante étrangère.
Je voudrais également exprimer ma reconnaissance envers le Conseil de recherches en sciences humaines du
Canada qui a subventionné mes études à travers un programmé
d'échanges culturels avec mon pays, ainsi qu'à l'Université
Mc Gill qui a défrayé les coûts d'un voyage ~ Paris et qui
m'a octroyé deux bourses spéci~les cette dernière année.
Enfin, Je voudrais remerc~er mon mari, M. Carlo
Mastro-donato, qui non
seuleme~t
a dactylographié ce travail maisqui a su m'encourager incessament, par sa patience et son
optimisme, à ne pas abandonner ~ne tâche qui paraissait
parfois au-dessus de mes forces.
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ix
À PROPOS DES "R!FÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
En raison de l'étendue et de .la quanti t~ des sources
primaires et sec0ndaires auxquel\es nous avons da faire
recours dans le corpus de notre étude, i l nous a sembl~
pr~f~rable, afin d'éviter de couper la lecture par des
no~s bibliographiques, de mentionner à côt~ de chaque
citation la
.
r~férence entre parenth~ses.
par nom de l'auteuret date de l'~dition soulignée de l'ouvrage ou de l'article,
suivi par le nombre de la page. Le lecteur devra se reporter
au CO~PUS SECONDAIRE de la bibliographie pour tout ouvrage
cons t i tuant le cadre ré férentiel général de y"étude, et .;\U
CORPUS PRINCIPAL po),)! chaque "texte primaire" qui sera marqué
par le premier mot du titre souligné suivi par le nombre de
la pa~e, tandis qu'il devra consulter les "textes de
référence" pour les oeuvres pré-révolutionnaires ou les
pi~ces de ~éâtre.
-INTRODUCTION ). \ \ \ . /
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~---c.--,...t..~-..,...~ .... -... ~-... _-----
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La problématiqueLa présente recherche ne pourrait se concevoir sans
retracer, ~ quelque sorte, les diff~rentes_étapes qui ont
.aarqué la const,i tution de son objet: le recensement et le
répertoriage de la fiction.' romanesque publi.ée pendant la
période'!évolutionnaire dans les quatre domaines
nationaux--françai~.
anglai~,
itali~en
et américain--qui se sontdistingués par une relativè homologation de leurs pratiques ,
narratives tput au 'long de la deuxième
moit~
du' XVIIIe\ l
sièale.
Tou~ d'a~ord, on a dO reconnaître que la Révolution
fraI'lç~ise, , obj et de réflexion historique depuis pr~s de deux
siècles, a'été étrangement mise à ~'~cart dans le domaine
des études littéJ;:air'es. A proprement parler, on se contente ~
if
'de savoir qu'elle est présente dans les manuels d'histoire,
en tant~Que transition entre.l'Ancien Régime et la
Restaurà-tian, entre la chute d'une ~onarchie et le triomphe de la
bourgeoisie, sans se préoccuper excessivement du sort qu'on J
lui réserve dans l'histoire littéralre. Cette d~nière
offre, en régIe générale, une sch~matisation et une
réparti-tian par "courants" ou "siècles" qui reproduit fidèlement
l'approché .dix-neuvièmiste des faits littéraires,
r ...
6"""l'~""W ... 4'"Qf_ ... _ - - - - _ . . . : . _ - - - - _ .. _-_.(
'., 3 '. '.des matériaux perçus comme caractéristiques d'une époque par
les historiens de la littérature. La "grande rupture"
(Barbéris, 1978, 24) déterminée historiquement en 1789 par
1
l'avènement d'un processus révolutionnaire dont l'''cilprès
coup" se poursuivra tout au long du dix-neuvième siècle, bien
gu' implici t'ement cpnsidéré~ en raison même de son rôle
acces-.
saire, n'a trouvé qu'un faible écho dans le~
histoires·lit-téraires 00 l'on remarque une véritable ~cotomisation de ~a
période révolutionnaire.
Ceci nous amène à notre deu.ième étape. Selon un schéma
.
ass~z répandu, on a tel').dance 1:1. décrire le XV\I Ile siècle par'
la division paRsablement arbitraire en deux phases distinctes:
.
\"la prem~ère moi tié 1 1715-1760, serait l'ère des lumières, et
la seconde (1760-1790) serait l'âge de la sensibilité". Le
'XIXe siècle, d'autre part, commencerait vers 1820; et il y
aurait
ains~
entre 1790 et 1820, une sorte "de no man'sfland,qu'on ne savait trop à quel siècle attribu~r, une période
inçertaine" (Orecchioni, 1972, 321 qu'on préfère éluder tout
simplement, en joignant les deux bouts d'une tradition artificiellement reconstituée autour de Bernardin de St.
Pierre, Mrjle 'Be. Staël et Chateaubrland. Napoléon vaincu, on ..
'.
,
fait~oIncider, dans l'historiograph~e littéraire, la
res taura tlon poli t~que -·a"~ec la éonsolida tion du "pouvoir ft
romantique, nouvelle doctrine des classes émergentes.
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.
4
Troisièmement, en vertu de ces remarques préliminaires,
la période 1789-1800 se constitue graduellement comme un
"vide" daIs les ouvrages de systématisation littéraire, par
le fait même de correspondre épistémologlqbement avec la fin
d'un siècle et d'un vieil ordre politique et social. Tout
ce qUl paraît pendant la période--romans, drames,
poésie--acquiert presque automatiquement une connotatlon inférieure
en raison de la primauté qu'on attribue ~ l'événement et ~
sa réverbération à tous les niveaux de la Vle collective, y
compris le domalne desi"arts" qUl se trouve ainsi taxé d'un
caractère "mineur", tendançieux et de Clrconstance. La
théorie de la "tourmente" révolptlonnaire (Géruzez, la66, 246)
qui emporte tout, justifie, selon les auteurs de manuels,
l'opération de gommage ~~fectuée sur la production romanesque
et dramatique de la période puisque l'acte créateur de
l'esthétique romantlque est considéré virt~ellement impbssible
dans une parellIe contingence.
L'excluSlon des écrivains et auteurs dramatiques d~ la
période est alnSl sanctionnée par des critères
d'''illisibili-té" qui entraînent la relégation de ces derniers dans les
catégorles l11arglnales des "mineurs" et des "oubliés". Ces
cr i tères--se Ion lesque Is "la trach t'ion Il ttéralre a retenu
Balzac malS pas Eugène Sue considér6s pourtant par leurs
'
.
(
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, , .\(Mouralis, 1975, 61)--ont été décrits par Bernard Mouralis
co~ne étant à la base de l'oeuvr~ de sélection qui dirigé
les efforts des historiens littéraires. Les romans et les
5
drames des auteurs de la période révolutionnaire sont encore
aujourd' hui jugés "illisibles" selon des crlt'êres ambigUment
moraux ou esthétiques qui portent généralement sur la
"quali té" et la "forme" des oeuvres considérées.
1
La répartition au gré de la faveur critique entre "bons"
et "mauvais" a eu pour effet de produire une stratif:i!'cation
arbitraire des oeuvres et des auteurs: on tol'ère la prolixité
d'une Mlle de Scudéry mais non pqS celle d'un Ducray-Duminil,
on accepte volontlers le sentimentalisme doucereux de
Bernardin de St. Pierre malS non pas celui des femmes-auteurs
~e son temps, et ainsi de sUlte. Loin d'être une simple
méprlse qU'lI suf~it de réparer, la notion d'illisibilité
cache'de profonds enjeux qui codiflent et systématisent la
transmiSSlon cl'un h6ritage culturel à partir de ce qui est
considé'ré comme fonctionnel au maintien d'un certain pouvoir . ,
par les l~glslateurs esthétiques des classes dominantes.
Ma recherche a été donc marquée, d'ès le début, par la
nécessité de reconstituer en premier lieu le tableau réel de
l'activité llttéralre pendant une période traditionnellement
délaissée par la critlque et l'historiographie. Une telle
démarche lmlJllqualt la mise en question des cadres de
.
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"p~riodisation existants-~tou; m~rqu~s par des lacunes,
~'
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omissions et insuffisances majeur~s--et ~a définition de
nouveaux pûramètres pour le recensement de donn~es
"sub-mergées" qu'il fallait remonter à la surface par des moyens
typologiques d'analyse quantitative et taxinomique. Les
chiffres de nouvelles publications et rééditions de romans
parus pendant la période révolutionnaire, suriout en France
et en Angleterre, nous montrent l'existence d'un genre en
plein essor, contrairement aux théor~es du "v~de" ou de
"l'intervolle sans intérêt" chaudement soutenues par nos
historiens 1ittéra~res. Albert Thibaudet, ~ans son grand
ouvrogc de 1936 (r~6dlté récemment), consacre sept pages à
la "llttéràturc révolutlonnùlre" dans son ensemble et huit
•
11gnes ,""lU rOn1i:ln en clécré t an t CJu' en tre "les Liaisons
dangereuses eL le début du XIXe slècle, l'lnterrègne
litléraire est complet" (H)). De la même façon, Michel
Ralmonù, dans son manuel de 1967, àccorde sept pages à
6
]'hlsloire du roman entre la Révolutlon et 1800, en
définis-sant ce dernier corrune genre éminemment "con~entlonnel"
malqrf 10 faveur crOlssante qU'lI rencontre aupr~s d'un
o
"public populaire avide de romans" (8).
I l S'oglt donc de rééqullibrer--avant de procéder à
l'analyse des textes eux-mêmes--les sorts trop visiblement
dégradés d'une foule de "mineurs", d~" inconnus Il et d' "oubliés Il
41'
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1
•
• 1
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p~r rapport ~ l'émergence reconnue de quelques ~grands",
tels Diderot, Restif de la Bretonne et le marquis de Sade
en France, Godwin et Mary Wo~15tonecraft en Angleterre,
Charles Brockden Brown aux Etats-Unis et Ugo Foscolo en
Italie. Une telle opération ne vise surtout pas la mise en
relief d'une érudition de réhabilitatlon qUl aboutirait â
rendre classlques les "illisibles"; on souhaite plutôt le
renversement de la problématlque habltuelle à travers une
lecture symptomale des textes recensés gui pose leur perti-
,-j
nence en termes d'uoe histoire des idées qU'ii faut retracer.
La transition entre la "présence" pré-révolutlonnaire et le
"vide" révôlutionnalre redevient ainsl intelligl.ble en
effaçant, pour ainsl dire, l'lilislbllité de la Révolut~on
,
",
françal.se tant comme période gue comme obJet .
• L'~ffort de restltuer à la luml~re de l'investigation
" ,
cJ:'i tlque un (·nsemble de textes voués désormais à l'oubli ne
doit pas s'l.nscrire d,lns la perspcctlvè--trop vaste pour les
limites de la présente étude--d'une,hlstolre des mentalités
gUl Vlse à retrouver d~ns les textes de flctl0n un
térnoignag~\védu d'une époque de grande agltation politique, soclale et culturelle, nl. dans celle d'une hlstoire sociale
proprement dite qui s'lntéresse plutôt à la description des
diff~rentes cl'asses E!t groupes sociaux pendant la période
.
..
" , 2révolutlonnaire. Il s'agit au contralre de rendre raison
•
,
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8
de ces textes en les in~érant dans le réseau contemporain
de leur production et réception pour ne pas dissocier la
narratologle d'une analyse qui assure l'''intelligibl1ité
soclale" des faits.littéralres (Angenot et Suvin, 1981,
119) .
En s'étant insplrés des remarques de Pierre Barbéris,
,
selon lequel "il n'est pas d'hlstoire 11ttéraire innocente"
(1971, 17), et, par conséquent, "c'est déjà dans la recherche
et dans l' étalement de~ fai ts que s'opère le premier travaJ-l
thécdrlque et que se défini tune manlère de l1re" (19), une
problématlque de la périodisation, telle que nous l'avons
envisagée, ne peut faire abstractlon des mécanismes
économi-ques, soclologlques et culturels qUl sous-tendent la production
matérlel1e de Ilvres dans une soclété donnée Zi un moment
historlque pr6cls. Nous sommes ainsl amenés à définlr les
( .
années 1789-1800 à partir des par~mêtrcs décrlvant la fréquence
de dlffusion de ce qu'on publie el qu'on Ilt le plus, afin de
1
déternllner 1<.1 présence approxlma II ve cl' un roman, ou d,' un groutJe de romans, dan':) le champ de leclure d'un publlC,hlstürlquement
~n expanslün et dont on peut rnc:,urer les tendances et
orlenta-tions. Pourtant, les éléments conslltutlfs d'une pérlode ne
seront pdS éLllJlls Cl. priori selon des critères préal~blement
élaborés par une\crltique partlelle, mais Ils découleront
d'une description "matérielle" (Laufer, 1970, 777) des objets
'.
9:
\
qui la peuplent.
Ainsi,'c'est dans une perspective totalisante,qui vise
à reconstltuer l'ensemble des axiomatiques sociales et des
lieux communs présen,ts dans les textes chois is que nous,
avons fixé la problématique englobante de notre étude, en
proposant, à cet e~fet, d'adopter les procédés de la
productIon et migration des réclts afin d'établir des
critères d'analyse globalis~nts qUl puissent s'appllquer
.à la tot~llté de la flction romanesque produite dans les
quatre domaInes natlonaux pendant la pérlode révolutionnaire.
Les obJectifs et la méthod~
La pratique de répertorier et t1'échantillonner un
l
certain nombre de romans publlés entre les années 1789-1800,
vise essentlellement un double obJectif. Premlèrement,
insérer les dOI).nées quantitatives décrlvant la pérlode
;éVOlU~
tionnaire 2i l' alde des eSScllS bilJlio(Jraphlques sur la
diftu-sion des oeuvres ~ succès eL les relevés statlstlques sur
r
les chlffres des éditlons el réédltlons dans le contexte du
domalne romanesque pré-rGvolutlonnJlre LeI qU'lI s'est
constltué LlUX environs de J760 ct élprès, afin d'établir une
classificatlon selon ld fréquence de circulatlon de différents
/--,.
rée i ts romdne~>ques at repérer Ll LI1S l toute var la tl6n, \nu Lil tion
6u bien équivalence entre les deux ensembles narratlfs
pré-/:
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Il 11
,
1
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..
10
et post-Révolution.
On devralt ainsi aboutir à notre deuxiême objectif,
qui
serait CClUl de po~er la pertinence d'une typologie générale
des récits capable de faire ressortir une "représentationl l
de la Révolution française selon des critêres lmmanents à
~
la période qui montrent le chemlnement historlquement
concret des éléments topiques et des thématlques flgurales.
À cet égard, on pourrait offrlr comme exemple le cas du roman
sentimental qUl demeure relatlvcment stable pendant la
.\
deuxième mOItlu du XVIIIe siêcle, conformémen"l à une sérIe
de conventlons--comme l'emploI de la forme épIstolaire--qui
_églsscnt le sLatut de son acceptabIlité. Le "coefficient
historique" des dates de publlcdtion--pour reprendre une
expreSSlon appllqué0 par MIchel Oelon clUX ~crIls théorIques
de NodIer (1980, 32)--lns~re pourlant chaque roman
sentImen-tal dans la diachronie révolutIonnaire qUI deVIent ainsi le
lieu de l'écrIture et de
.
Id
lecture, une nouvelle "zone" de , 8roduction et de réception susceptIble de créer de nouvellesformes de réCIts romanesques.
On remarque ains i l'ébauche cl' une cllégèse révol ution-naire dans l'~~\l_<J.r:~ (1797) de Sénac de MeIlhan, le maIntien conscl.ent J'un modèle ;;,entirnenlaJ flxe'ùans Adèle de Sénange
(1794) ùe' Mme !le ~()\ll'd qUi r0td!Jllt ainsi une contin,ulté , topIque avec le monde romanesque de l'AnCIen Régime,
(~
I l
"
l'exaltation d'un amour rationnel et socialement utile selon les princlpes "philosophiques" propagés par la Révolution
dans Anna St. Ives (i792) de Thoma~ Holcroft, le suicide
comme dénouement ultime dans un rapport amoureu~ interdit
mais qui marque aUSSl l'échec de la bourgeoisie à devenir
classe révolutionnaire et le repli idéologique sur des positl0ns individualistes et asociales dans Claire d'Albe
(1799) de Mme Cottin et Le ultime lettere di Jacopo Orti's (1798-1802) de Ugo Foscolo.
Ces romans--tous éplstolaires et ayant une intrigue
amo~euse COMne élément fonctionnel de la séquence narra
ti-ve--ne mettent donc pas en scène de simples "images" de la ,uévolution française gue n,ous devrions mécanJ.quement
J.denti-fier
a
l'ald~ de nos propres idées pré-conçues sur leprocessus révolutJ.onnaire; ils ne sont pas non plus un
. "reflet" progressiste ou réactionnaJ.re de la destinée histo-rique des masses sous la Révolution, mais ils possèdent une lisibilité quJ. ne peut être définie qu'hJ.storiquement'
puisqu'clIc est le produit à la fois d'une tradJ.tion
textuelle ancrée dans le temps et d'un résedu matériel de
t •
,
circulatlon et de diffusion qui en détermine la contempora-néité.
Il ,devr~J.t ùJ.nsi ressortir clairement, que la recherche
menée autour de mon sUJet de thèse a été ma!quée par la
o
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Q l~découverte, assez déconcertante, d'un manque presque complet
~e cadres méthodologiques adéquats. Un aussi vaste éventail
de préoccupùtibns théoriques que celui qui m'intéresse7-1a
' • .".. J
pér todisùtlon l i ttéraire et ses mécanismes d'exclusion relles
,
à une tradition historiographique tendancieuse et
contradic-toire, l'émergence d'écrivains "obscurs", "oubli@s",
"secon-daires" ou de "troisi~me ordre" qui m'a fait graviter vers
les régions "infra"-littéraires des monographies et
rééva-luations crltiques, les relevé~ statistiques sur les
publi-cations et rééditions de romans qUl font de complément aux
études récentes sur la Rezeptions asthetlk et la définition
3 ~
d'un horizon q'ùttente, les essalS sociologlques s~~ les
changements dans la cQmposltion d~ publlC romanesque aussi
bien que la llltérature populalre ct sa dlffuSlon __ n,a pas
encore trouve une systématisatlon methodologique
compré-hensive, en ra1son Sclns doute, du morcellement ldéaliste
gUl affecte touJours les sciences hum,unes.
Les dlsclplines littéraires, en particulier, en sont
également tOllchées gr✠au rôle hégémonique attrlbué à une
attitude formelle statique, qu'elle soit de slgne
structura-liste ou appartenant à la vieille école historiciste. Dans
ce sens, nous souscrlvons entièrement à la prlse de position
qUl anime les "thèses sur la 'sociolog 1'e' de la Il t téra ture"
de Marc Angenot et Darko Suvln, parues récemment dans
(
.
'13
Littérature:\
J
.
NO~Une stratégie comme "étudions les formes l~ttéra~
res à statut institutionnel non canonique
(dénom-mées il y a quelque temps paralittératures)" n'est
donc pas touJours une forme de sceptic~sme un peu
cynique face é1UX contralIltes institutionnelles de
l'universlté: cela Fcut,se justif~er en vue de
dlssoudre des f6tichismes et de prendre des points
de vue nouveaux. (~981, 127)
"po~nts ùe vue nouveau'X" veulent frayer de nouveaux
chem~ns dans le domaine de la recherche littéraire en
s'inspirant de ce "radicale ribaltamento dell'ottica
tradi-z~onale" tant souhaité par Gianfranco Corsini (1974, 63).
Le choix ùu corpus--des textes ct des a~eurs
a
étudier--nedevrait plus être un acte arbitra~re d'éclectisme critique
mais le résultat d'un
rovesc~dmento dei valori cOStitu1ti e tramandati
dalla Istltuz10ne medes1ma, dl modo che i "grandi" e i "m1nori" non appa1ZlI10 P1Ù lbernat1 nell'ordine arbiLrarlo slabililo dalla trilùizione critica e storlC1yraf Lea ma llcJCquistlI10 la dlnamlcltd stori-ca che dd eS~l spelld nel quc1(]ro ~ll un.::! rlcostru-zione dialcttlca deI rca10 rapporlo, ln oqni data epocJ 0 SOclet il', tré1 }' opera e 11 sua pubblico.
(Conani,
.1JU
'l,
63)La r6déLul1 tlOI1 du "rapport réel" eXlstant dans chaque
soci0té entre l'oeuvre et son public, aboutlra~t ~ cette
lecture "posit1ve" toujours assez rare dans les m~lieux
scolaires et académlques et pourtant Sl brlilamment
anti-cipée par Anton10 Gramsci i l y a plus de cinquante ans:
Pare certo che l'attività critica debba sempre
<.
1
1
~1
~
1•
(
(
•
avere un aspetto positivo, nel senso che debba mettere in rilievo, nell'opera presa in esame, un valore positivo, che se non pua es sere arti-stico, puo es sere culturale e allora non tanto varrà il singolo llbro--salvo casi eccezionali --quanto i gruppl di lavori messi in serle per
tendenza culturale. (1977, 22)
La valeur :'posltlve" d'une analyse quantitative de
li1
l'ensemble des textes publlés pendant une'pérl0de
historl-quement définie, met en relief la valeur ~e'consommation de
c~aque obJet produit avant même qu'il ne reçolve une
clas-si~lcatlon selon des critères esthétigues établis a
poste-14
rlori par un~ critlgue idéologlquement favorab~e ou
défavo-rable.~ un 'cei~ain discours. De toute façon, on devrait plutôt inslster, comme'l'indique Henrl. Zalamansky, sur
l' "lmportance 'socio16giqu,e" des oeuvres qu'on pé'ut arr i ver
. .
pratiquement à mesurer en adoptant les deux crltères de
recensement du
syn'ch'rDniq~e'
et du dlachronlque quipermet-~
1
tent de donner, dans un premier moment, "un classement des
oeuvres selon lû hiérarchle des sùccès" et, ensulte,
ct' é tabllr des courbes de di [fus ion dans le temps qui
"montreront comment une problémélllque et sa réponse naissent
!1ées" (~9fl, 7J)~. Selon celte méthode, i.l n~.ssort qu'ulle
pareille "étude sur les succès et les puçlics est primordiale,
car elle constltue le seul moyen obJectif de contrôle de
~.:!::!~~~~a~ce _~OC10 l og lque des oe~~.Ees, . don'ë cles con t'enuç;
(
• 1
(
15
véh1.culés" (Zalamansky, 1972 73-74). En faisant abstraction
des critères esthétiques, on peut dona considérer une telle
démarche "le point de départ de toute étude s.ociologique de
la
littérature et . en particulier indispensable à la'de~cription de la période" (Za1amansky, 1972, 74).
Nous sommes ainsi amenés à définir la notion de récit,
notion qui résume les grandes lignes du travail théorique
esquissé ]usqu'icl. Nous nous proposons en effet de
consldérer chaque texte ~n tant que "produi t culturel",
comme d'ail leun.;· l'a suggéré Charles Gri~vel ~n paraphrasant
presque la J"l.()tion gramsclenne de "tendGl1za culturale":
le texte tait partie d'un système textuel global
dont l' cxempL11.rc n'est qu'un état; la collection où il fl<Jure constltue le seul "cas1' observable:
le roman est prls dans son ensemble comne
accomplissement de cet ensemble et
assujettisse-ment au tout lnstitutionnel. (Grivel, 1973, 7)
Cette notion de "collection" dont parle Grivel par,
rapport aux séries romanesques de la fin du XIXe si~cle,
nous serlons plutôt tentés de l'appliquer au système global
S
des conventlons et normes narratives qui moulent l'ensemble'
du discours romanesque de la deuxième mOltié du XVIIIe
slècle et dans lequel se situe topiquement chaque texte
pris individuellement. Le "récit" serait'alors une unité
textuelle minimale capable de décrire explicitement
l' "homologle structurelle" qui existe entre "elementi dei
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16 ,> 1contesto (ormaIe dell' opera • ", :" ed elementi deI contesto
storico-sociale" (Eco, 1976,· 3'9) en considéraht "quelle'
-
...
~.'
-• .. 1 '1 .. •
maèrostrutture comunica-tiv'e- ch~' sono gli elementi dello
intreccis" (37).
En d'autres termes, . i l s'agit de définir le récit
selon une double perspective. D'une part, le récit "serait
,
alors, en premier examen, l'ét.alement dans une séquence
événementielle d'enthym~mes fondés dans une logique
pratico-sociale" (Angenot, 1981, 120), et d'autre part, i l se
rapprocherait de ces "thématiques" décrites par Jacques
Dubois, "structu"res microcosmiques, s" offrant à la lecture
comme univers complets et réduits" (1978, 156). Dans ce
"sens, "parlant le monde à travers une 'sociét'é du texte',
Il
la
fiction Ilttéraire en thématise eertalns aspeats, plusles uns que les autres" (Dubois, 1978, 156). ceci veut
surtou t dire· qu'on ne souhaite pas d'établir une eorrespoj1: :,
dance univoque entre réei t, texte et g.enre lnsti tuti~nne},
dont i l fait partrie, mais qu'on'Noudralt plut9~ s'Inspirer
" de la notion de ,"topique .des" gènres" ~pquisséè par Maurice
Domino:
Etudier une-oeuvre depuis la topique des genres,
c'est é"lire un lieu privilégié non pour étiqueter et ~lasser une oeuvre, non pour en mesurer 'le sens'
- éupposé unique, mais plutôt par~i sa polysém~e pour
mesurer l'action de l'oeuvre visible d'abord'qaQs
ce travail de la forme oD ~'inscrit ~ 1& t6ia.l~ ~
"pratique de l' écri ture du texte et la pra'tique ·Je
ses lectures. c'est se plac~r'dans l'Histoire.oD
,
,
,.-
...
iii
...
:.~,
')1
" " ,-,
f ' ~ ..,...
...
.'(
4 4 • Ji , , . s'inscrit sa production, 'fini des lectures[iui enfaites. (1979, 14'i)
"
et dans ce devenir indé-sont faites et en seront
",
Selon cette approche méthpdologique faisant appel à la
fois ~ la sémiotique textuelle et ~ la sociologie de 'i~ ~
produç::tion et de la diffusion des oeuvres, "tout texte se!=a
,.
" donc a~alysé en ce qu'il se réalise dans un genre, porteuf
de signes institutionnels e~ produit d'un état historique"
.• " (Dubois, 1978, 154) ... À titre d'exemple, on peut citer,
encore uné fois lE! cas du "roman sentimental" qui, tout;_-a-u . -,,'"
1 •
long de Son évolution textuelle, de sa "gen~se", peut' ne 1 "'~,
17
pas correspondre au "récit sentimental" tel qu'il ~e
consti-tue à un moment historique déterminé, appelant de différents
effects de réception et' renvoyant à des "problématiques" qui
peuvent contredire idéologjquement le projet génétique dé
départ,.
.'
••
Si on considère œhaque genre comme la somme de ses traits
formels--modé narratif et intrigue--on pourra suivre les
e
ùéplacements dans la distribution de la troisièmeR~~s~~ne~
de la premièrB ou de la technique épistolaire, afin
d'identifier les récits véhiculés par ces modes et signaler
d'éventuelles émergences. Les'modes narratifs, tout en étant
des catégories empiriques, renvoient toutefois à des procédés
de migr~tion discursive du matériel romanesque à travers le
réseau de l'acceptabilité et de la lisibilité sanctionnées
"
•
1
(
o
•
par les conventions narratives.
Etant donné les limites théoriques et méthodologiques
..
imposés par la nature particulière de notre étude, le choix
du corpus romanesque a été le produit d'une sélection
raisonnable qui.a dG tenir compte des critères specifiques
pour chaque domaine.
18
"
Dan le domaine français, le choix des textes a été soumiS
à ~double condition: la non-dispon~bilité de certain~ ,
romans dont les auteurs sont presque complètement inconnus
aUJourd'hui et dont souvent il ~'existe que l'édit~on
originale à la Bibliothèque Nationale de Paris, et d'autre
part l'exigence d~ considérer des oeuvres à succès d~ forte
diffusion à l'époque.'
~
A cet effet, les romans de Ducray-Duminil, Pigault- .
Lebrun, Mme de Genlis, Mme de Souza, Mme Cottin, Regnault-~\~,
War1n, etc., ont été choisis en fonction d'un double
coefiiclent: d'une part la date de publication qui les
+'
insère dans le système de production littéraire de la période
.
et d'autre part le nombre de rééd~tlons pour chaque roman
afin d'établlr le degré de diffusion d'un.recit ou groupe
de réei ts dans le "champ de lecture" du réseau social
post-révolutionnaire.
Certaines pièces et mélodrames représéntés pendant la
période ont éte ci tés parfois en tant que textes de référence
,
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..
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..-...,., _ "'r-/
· ... ..,.' -.... ,
... _,_ ... .., ____
4_~-~·_--- -..
(
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(
19
afin d'élargir l'horizon de retentissement des typologies et
axiomatiques! sociales qui migrent de l'esp~ce narratif à
l'espace dramatique et vice versa.
En ce qui concerne le domaine anglais, la période
1789-1800 est marquée par le grand essor du roman "gothique" ou
"noir". De fait, on retrouve une concordance presque
parfaite entre le degré dé diffusion domestique de certains
romans et le succ~s instantané des traductions chez le
publ.l.c français. A cet égard, l'année 1797 est
particu-liêrement cruciale ~uisqu'elle rend man.l.feste l'étend~e
d'un mouvement migratoire qui a intéressé les deux cultures
tout au long du XVIIIe siècle. C'est ainsi qu'à côt~ des
romans de Mrs. Radcliffe et de "Monk" Lewis on retrouve
dans le champ de lecture du "noir" les romans des "j acobins"
anglais William Godwin, Thdmas Holcroft et Mrs. Inchbald.
Puisqu'il serait impossible, dans le cadre de cet ouvrage,
de lire tout ce que de "gothique"- est accessible aujourd'hui,
,
je me bornerai a considérer les oeuvres à plus fort impact
(The Myster.l.es of Udolpbo, The Italian et The Monk) et celles
qui se posent explicitement, tel le roman de Helen Craik
Adela.l.de de Narbonne, ou impllcitement, en rapport direct
avec le "matériel" révolutionnalre à la fois narratif et
symbolique.
Aux Etats-Unis, dans un pays qUl s'arrogeait la primauté
•
,
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l
1 f' l 1 1 1 1) 1:i·
1 1 '1.-'.
(
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20
d'un passé "révolutionnaire", on suivra avec attention et
prévention les événements de France. Les quelques romans
produits pendant la période coïncident historiquement avec \
l'émergence d'une littérature natlonale et gardent,
cependant, des llens étroits avec le domaine anglais
d'origi-ne. On analysera de préférence les textes romanesques qui
se rapportent explicitement aux événements révolutlonnaires
français, en excluant tout autre roman qui s'lnspiro
directement de l'expérience de la Rêvolutlon américalne.
..
Par con~rc, le "Ci1S" italien pose tout partlcullèrementdes problèmes spécifiques. Dans un pays qui ne possédait
pas une unité natlonale et culturelle, la production
litt~-raire même se trouvalt subordonnée à des impératlfs
poli-tiques d'ordre réglonal. C'est alnSl que les fortunes du
roman au XVIIIe siècle sont presque excluslvement reléguées
aux villes de Venise et Naples, centres actifs d'édition et
diffusion de romans surtout en traductlon.
Avec l'avènement de la Révolutl0n, on assiste à une
dissémlnation progressive de r6clls multlformes--pamphlets,
mémoires, po~mes et odes, plaCeS el pantomlmes--qui proposent,
à différents nlVC<:lUX de réceptlon, une premi~re "lecture" 4
des événements françi11s. Les éC~lVi11nS et les poèles se
rangent immédiatement dans un des deux camps farouchement
opposé q du pour ou contre, en choislssant les armes
(
21
argumentativcs les plus approprIées. Pour sa part, le
roman, dans un telle polémlClue, se trouve défavorisé, soit
en raison de sa maruinailsatlon par rapport aux genres
, J
"nobles", poés le éplClue et tragédie class lque, soit aussi
à cause de l'absence d'un public nombreux dG à la composition
soclale Spéc1flque
a
chacun des centres culturels et leurrelati ve d1spersion et isolement sur le territoire na tional.
Par conséquen t, le ChO_1X des textes serd forcément
rédult à Cduse de la difflculté
a
r~const1tuer un panoramacomplet de la product1on romanesque Ital1enne, "faute d'études
récentes en ce sens, ct l'on pourra consIdérer les deux seuls
romans dispon1bles dujourd'hul, les Ultlme lattere di Jacopo
Ortls de Foscolo et le Nottl romane d'Alessandro Verrl,
alors qu'Ippollto pindemonte avaIt publll; OIl .1790 son
, .~'
Abarilte, û.ll~gorie rOll1anesque de la RévolutIon qu'il nous
d pas é li' po-ssIole de repérer.
L'élat de la recherche
f
-En r~évaluant--ou plutôt en légit1mant--une pér10de
exclue .des systématisations littéraires, J.'a1 dG organJ,ser,
!ecpnse~ et 0chant1llonner des textes écartés du domaine des
enquêtes aCddém:-ques et de la critique contemporiline, en ;
dévèloPF)Cl.nt d1nsi , dos approches "paralittéralros" ou
"contre-ins ti tu tionno lles" à l'égard d'une zone de recherche lalssée
aux m~~ges des rangements hlstor19yraphiques. La fictJ.on
l,
\J
22
..
(
rJ ,
romanesque, à l'intérieur d'un tel cadre, est marquée par
une présence quanti téltlve remarquablc autant que par un, silence 111111terrUll\pu, jusqu'il !lOS Jours, sauf par c1uelques
réhabl] J_ld tlOllS ti:lrdl ves Cil [orme de monographies sur la
"vle et les oeuvres" de Séni1c de Meilhan, Loaisel de 'l'réogate, Mme Cot tin ou Mrs. Inchbald et le5 "j acobins" anglais, parmi d'autres.
L'état présent des études menées autour de la période révolutionnalre peut être résumé par l'exclamation qu' Etiemble prononcc il l ' OCCi1S10n de son essai sur "les écrivàins e t la Révolutlon": "Triste lnlan littéraire d'une grande et féconde
Suivi1nt ce point de vue, on a d'habltude prlvilôrJlé les idéolol[ucs, les orateurs, les
pamphlétaires, les eSSi1ylstcs ~e L~ RévulutJ6n et tout au plus
quelques ûrama turqes en n6<] IHjeLln l Cil tlèr cmcn t ILl production
romanesque, .,. è1 cause de Lt rudeE,sc dCE, Lemps qui ne lénssaicnt aux éCrlVi11nS "que le choix enlt'e l'écho.faucl, le sUlcide, l ' é mi <J rat l ( ) n, 0 li 1 cl sc r v l 11 l0 l1' U Il Mal r l e - J 0 sep h de Ch é nie r "
( E t i e mb le, Il) ~ 8, [lU 1 ) .
La contlnUJ Lé ldédle avec] '1\I1CJ,Cn I\êcpmc est ûu reste
renforcée pclr l'importctnce qu 'on donne d l'expérience de
l ' émiq J-a t ion el il ses proLl<]onls les royalls tes et arlS to-creles--tcls les Joseph de Malstrc, Mallet dD Pan, Rlvarol,
"-l'abbé Barruel, Chateaubriand, etc.--qui pourront conunencer
,,- r ... "'''''., ... ;< - , ~
23
"
à s'expri~er sur le terrItoire français seulement sous le
Consulat. Alns i , l' Emigré de Sénuc de Mei Ihan est proclamé
"le seul roman lISIble gu'aienL produit ces dix années-là"
(Etlemble,
22.58,
878), coupant de toute légitimité historiquela grande, Ill,lsse des romùns publiés de 1789 à 1800 et désormais
relé<Jués c1ùns les sections "à part Il des histOIres l i t'téraires
sous les élPtJe lIa tians de l i ttéra ture de "colportage" ou de "romcm populaire". 5
Seule L'oeuvre patiente et méconnue des bibliographes et compilùtcurs de catalogues pour les cabinetS de lecture
du XIXe sIècle, tels A. Marc, pigoreau, Giraul t de Saint~
Fargeau et Charles Monselet, il permis à des chercheurs
moderneG co~ne Angus MùrtIn, Vivienne Mylne et Richard
Frùutschl de recenser et de recons ti tuer presque ab nihilo
--en se servan t ct 1.1SS ides exhdUS ti ves bio-bibliographies de
Quérald, MIChùud et André MonCjlond--L.l totûllté du genre romanesci,ue frùnçiJ.IS Imprltné. en Frùnce entre 1751 et 1800, ouvrû'J'è do:) t on ne sùurél'it milllnüser l'Importùnco pour
notre 0l UélL' • r 1 f.1.u L cependal1 t remarquer qu 1 un travaIl d'une
telle cxûctJlude formelle ct dnalytlque esl pratIquement ineXJ_stélllL cl,lns los UOll1ùIneS cll1CjLilS ct surlout.ltil1ien, où
i l faul encor c sc bilser sur Id r.nbllogrClphlc vieillotte et confuse de C;. B. MarchesI ùfln d'avoir unc vue d'ensemble sur
la productIon romanesque italIenne du XVIIIe sl~cle.
\(
) t~,
(
(
\
24
Le manque d'~tudes qUl analysent le panorama romanesque
de la dernière d~cennle du XVIIIe siècle dans son intégralité
--c'est-à-dire, dans la production matérlclle des éditions,
rééditlons et traductions des langues étrang~res--a été le
résultat ù' une str<1tiflcatioll académique trop rlglde, le
produit J'un découpage posltivlste en catégories statiques dépourvues de flexibilité: "prérornùntisme", "pre-romantic" , "preromantlclsrno", "neoclùsslclsmo" ct "Setteccnto". Une
pan~.1111' clélsSJ flcùllon--selon letquelle i l "s'ùglt de
rechercher 1 compte tenu de ce que l'on sal t du rom~ntisme
trlomphan t, tous les signes avan l- coureurs de son avèncmen tIf
(Viù1lanel:{, 1:975, 15) - - i l surgl vers la fin du dlX-{lcuvlème siècle en Fr .. inee grâce ùux travùux "évo1utionnlstes" de
Brunetlôre et Lanson, ausslt6t SU1V1S~ au début du vingtième
slècle, par Jes dlX-hultlèmistes et compùratlstes Mornet,
Monglond, Van Tleghem, Baldenspeu:fer ct l1ùz ù rd. Leurs
conclUSlons, comme nous le rappelle d' ùilleurs Paul
Vla llùnclx, "on t é l é rcprlses dtlns les manuels d' his toire littér0irc qui sont toujours en uSùqc dans l'enseignement 'sèconclélJre r! l même dilns l' ensclejnement s upér leur" (~2.~, 13), déterminë1nt dinsl le sort de lil p(.rlode révolutionnalre,
alternaLlvumenl englobée soit rlans l'ensemble du dix-huitième
sl~c1e illulnlnlste ,donl les orùLeurs et polGmistes de la
Révolution formenl une exlenslon logique, SOlt dans les
,r '
... "
.
1
i."
25
premières années du dix-neuvième siècle, vu comme le point
'''''.'' .,
d'abo~t~ssement de la trânsition proto-romantique préparée
par les 6migrés.
On retrouve la même imprécision terminologique dans le
domaine ltallcn, oQ Marco Cerruti cr~tiqqe les deux "concetti
categoriali . d~ 'preromanticismo' e di 'neoclassicismo',
divenut~ armai, specie i l primo, eccessi vamente comprensi vi,
soprattutLo su un piano che rischla dl esscre 0 intende
es sere non dl rildo metastorlco" (1969, Il). Lil difficulté de cerner les llmltes p0rloulgues d'un d6coupaqe aussi
abstrall il cl'nrlLbué à lLl crlstalllsLltion cl'un modèle
historlograph~que touJours en vaque dans les ffiilnuels, selon
lequel on "selule" du Lllx-l1Llltlèmc siècle de Goldon~, Parlni
et Alflcri vers la synthèse u~x-neuvlèllllste cL .n0o-class~que
des Seeolcr~ foscoliens, en survoL.ml tout Zi fcllt le
"trien-nio gi,?-cob~no" Je 1796-1799 et ses auteurs Inllitants.
Wa l ter Bll1n 1, historlen du préromantisme,,~ ta lien 1 se
~
prononce éga J emen t con tre la ,II f<11ile riduzlone Sain t-P ierre
Chateaubr~anci" (1974, 11) 1 en estimant gue cc seralt une
erreur de "l1m~tare degli studl sul preromanticismo alJ..a
auscultazione delV ~nima sensibllc' a cui Cl hd abltuato
soprattutto la crltlcd francese dei var~ Mon01ond e Trahard" l 1
"
.l
(5). Une telle approche lmpressionniste empôcherait les
chercheurs de reconnélÎtre suffl,)sé.llnment le r6Ie part~culier
(
f'
rI
\
•(
(
joué PQr l~ doctrlne sentimentale dans chaque pays de
l'Europe pendant le XVIII~ si~cle, doctrine qU1, surtout
en Italie, sc d1r l'le vers ~In "viqoroso senso deI concreto
ed a coscienza deI dramma della si~uaz1one umana, della
storii1 umani1, con L1 prcsenzQ plll '0 mena segre ta delle
grandi 1ntulzlon1 d(~l V1CO" (131I1n1, 1974, 5).
Cette présence concrète de l'hlstoire sera surtout évidente dlm::. !!~~.l.tllT).~ letter~_<l~_ ,TacopD Ortis, roman de
Ugo Foscolo qui 1ntè~lre Id probl~lI1atlque eXlstentielle de
l'homme en L::ll1t qu"être POl1tlC]l1C dU vleux canevas d'une
intrl<jue sentimentale à 1..1 Nouvelle lIélcùse, en réClll"ant·
QlnSl une transitloll importante vers une nouvel Le! typolO(jle
26
• de la flctlon romancsque, tri1nsitloll qu'on ne pOUl L u t
-
explHluer r:::-:cl ur; l VCll1en t pdr l' LIppe 11 Cl. t10!1 de "pr01 oman tiCJue" .DLlns le dama ine Lll1CJ Lns 0qctleIl1Clll--podrldtll 81 rlche en
'.:ravaux de s'in th~sc hlS to t LOq r'ilph lqllC!, P!l rnonoqrûpllles sur
les autGUl-S dc l'époque ct en OUVl'c\C]CS qui analysent l ' a r r 1ère-plan socio-cu 1 turcl (lc.' Id [ln du cllx-hui tlèrne
slècle--on foncllonne encore avec les mêmes catégories; bien Cl u' on rCCOnni1.1OiSe souvent leur amblLJU L té pé rlodique:
"The terms 'prc- rr:Jlnan LlC 1 and 'neoc lélss ica l ' a r e useful,
ù1 thOll<Jh L he.' Ilne scpJ.rél t11Hl the lllera tures they deslgna te cannot always bc distlnctly macle Clut--indeed, sometimes seems nol to eXlst" (l''oster, 1949, 1).
Chose étrange, la période révolutionnaire semble
cependant trouver dans les manuels anglais un espace
beaucoup mieux en relief que dans leurs équlvalents
français. La Cambridge His tory of Eng lish Li tera ture,
publiée initidlement en 1914, consacre son onziême volume
à "The Period of The French Revolutlon", tandis que le
manuel d'Oxford considère le découpage 1789-1815 comme une
phase particullère de la littérature anglalse, une
charnl~re yU1 unit deux siècles en passant "from the
destructlon of the Bastille to the battle of Waterloo"
(Renwick, 1963, 10). Eviderrunent, la primauté qu'on accorde
a
l'événement historlque et ses répercussions dans la ~ielntellectuellc de la société anqla1s~, font prlvllégier
le~ 6crlls des philbsophes et pOlémistes rangés dans les
deux camps opposés des sympathlsdnts "jdcoblns" et leurs
adversaires de la réaction conscrvdtrice.
Dans une telle approche, la production romanesque
rempll t toujours un rôle acceSSOl.re et de "témoin" d' une
tranSl tlon somme tou te peu brillante, entre les derniers
"grands" du clix-huitlème slècle liluminé--tels Rlchardson, "
Fielding et- Smollett--et les hérauts du siècle nouveau,
Jane Austen cL Walter Scott.
Les représentatlons de la Révolutlon française
Dans une thèse qui veut retracer et reConstituer
"
27 1 1 !-! qtl
, , t 1 , 1 'l~
'1 \ ~ 1(
\
..
l'émergence, la consolidation et la propa~ation d'un objet
représenté--la Révolution française de 1789 en tant que
28
sujct du discours et lïèu de l'écriture--il faut tout d'abord
menbonner brlèvemen t quelques prises de posi tion et points
de vue qui rendent compte de l'état actuel de la recherche
J
.. dans ce dOIlld Lne.
Les quelques études consacrées aux protagonistes
reconnus de la 'transltion romantique--Nodier, Mme de Staël
et Chateaubriand--soulignent la présence d'une représentation
"mythlque" de la Révolutl.on française dans les écri ts
surtou t théorIques de ces dernl.er,s. Dans son article sur
"Nodler et les mythes révolutionnalres", MIchel Delon ahoisi t de considérer la Révolution "l'événement fondateur, central
dans la pensée et la conSClence du 1ge siècle, ~als souvent
dénlé, refoulé, déplacé" (;!}80, 31), et pour cela affectant
un "c3ractère mythlC]Ue" (32). En ana lysan t "la Sain t-, 1
..
Barthélémy et la Terreur chez Mm~ de Staël et les historiens
de la Révolutlon au XIxèrne siècle", Delon affirme encoJ;"e une
fOlS que ] II l-<L~volu tlon "joue u\ rô le centra l, comme acte
nalssance, heureux :)1..1 néfLlstc, ~ la Frdnce moderne",
de
pUlsque "les débats attuels sur son l.nterprétûtlon prouvent
. . que les événements qui la consll tuent conservent
ûUJourd' huï toute leur violen.ce symbollque" (1981, 49). De
/
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tels débats devraient indiquer aux chercheurs la ligne de
séparation épistémologique entre l'écriture historiographique
d'une part et la fictionnelle de l'autre, afin de suivre la
"crJ.stallisation mythique" de chaque formatJ.on discursive q
selon le sch6ma esquissé par Roger Bellet ~ l'occaslon de
son enquête sur "le sang de la gUJ.llotine et la mythologie
de Jean Hiroux (1830-1870)":
Il sc . déve loppe aprês 1815/ selon un rythme déterrnln6 pc1r les rêvoi utions mêmes du XIXème siècle, une J.déologie de la RévolutJ.on française qui consent à ses débuts modérés / parfois tolère les Gl rondlns, mui s quJ. souven t réd Ul t l' en5emb le au rèqne des Mon tagnards i qUl réc!ul t ce1ul-ci à
la 'rerreur; qUi réduit clIfin celle-cl à l'exercice
de la yulllotlne. (!9Bl, 64)
Ces s tri1 tég lCS idéolocJlqucs de l' hJ.s tor lographle
révolutionn':llre recoupent les mêmes opérations de "réduction"
et "cris tallisa tian" qu 'on VOlt il l'oeuvre dans le diSCours
romanesque. Anne Leoni et Roger Riplll, en analysant
"quelques aspects de la Révolution française dans le roman
-feuilleton" des années l836-l8,4U, ont repéré deux "formes"
de récit qui réalisent la mise en roman des "Jugements"
portés ~ur la RévolutJ.on par les prcmlcrs chroniqueurs,
mémorl,a1istes, essaylstes et. "hlstClriens". D'une part, on
remarque une crltlClue dc l'Ancien Hé<Jime qui s'expr1.me
•
axiornùtlCJucmcnt pÙ.r un dénouement qUl pose la nécessJ.té de
la Rpvolutlon tout en l'excludllt du r~c1.t "pulsqu'elle n'y
apparaît que pour le terminer" (Leoni, 1975, 392). D'autre
'1 _.-:..._-...._-D
}
J,
_ . . , ... _ _ .. _ _ _ L.-,_ ... ~~ ... z _~
,
c
,
,.' 30part, la Révolution apparaît comm§ sujet du récit dans une'
narration qui se"fait ~pisodique et anecdotique; en dépit
de toute certitude historique. Dans ce cas, la Révolution
"se manifeste avant tout sous la forme brutale d'un destin
qui menace des irldividus, sépare ceux q~i s'aiment, dresse
des proches les uns contre ~es autres" (3?3). Cette
~ .. ,"métamorphose" de la ~diégése révolutionnaire dans une.
If fatali té Il déguisée en "conflit moral et sentimental", ~
.
résume tout à fait le procédé contradictoire, en term~s de
lecture idéologique, qui sous-tend la reprlsentation
romanesque de la Réyolution, à la foi.s présence et absence
di rôle historiqu~ de l'événeme~t:
Ou b~en la Révolution, r:épondant à une attente
1 réelle, vient trancher les drames qui naissent
de l'ordre de l'Ancien' Régime, et alors elle est
absente du récit. Ou bien elle est au centre
de l'oeuvr~, et alors elle s'évanouit, se
transforme en une sorte de cataclysme OÙ
s'affrontent bons et méchants indépendamment
de toute signification poll.tique. (Leoni, 1975, 394).
Ce p~ocessus de banalisation de la Révolution s'accentue
vers le milieu du s~ècle. Dans le Chevalier de Maison~Rouge
d'~lexandre Dumas, par~ entre mai 1845 et février 1846, la
typologie des personnages souligne l'effacement des conflits
politiques eh faveur d'une polarisation manichéenne de
l'~nivers romanesque: "Schématisés à l'extrijme, ils se
bornent à
,
incarner un vice, et cette caractérisationpersonnelle permet de jeter le discrédit sur l'ensemble de
..
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C' '.31
1 ,," ..la période" (396t. La décennie qui va de 1860' ~ 1870 ~arque
" ~~
une réductio~ ultérieure des éléments représentés: la .
Révolution c'est bel ét bien ·"la guillotine au dedans et
la gloire aux frontiêres; l~s ~an~-culottes sanguinaires,
.. .. '.1
les tricoteuses féroces, les ~~ldats insouciants, héroiques
et généreux, en sont'les types immuables" (410).
.
~-Sous Napoléon Illon attèint la crista11~sation fina~e,
avec des romanciers qui "représentent la Révolution comme
up mouvement de subversion politique, sociale et morale; les
intrigues qu'ils imaginent imposent une étroite association
1
de la Révolution et du crime" (413).
La criminalisation de la révolte populaire est l'effet
le plus visible de la consolidation du. pouvoir de la
bourgeoisie sous le Second Empire et la Ille République.
Cela s'exprime autant par les "images" romanesques que par
les manuels 'd'histoire circulant pendant la même pér~ode.
Comme l ' a admirabl~ment décrit Régine Robin dans son essai
sur "la stéréotypie rép~blicaine", le manuel de Lavisse, "l'uq des plus répandus à l'êpoque", est conforme à ,cette • tj
1
vision rédu~trice de la Révolution assimilée à la Terreur
en tant que débordement criminel: "Sur trente-six lignes
~onsacrées dans les Récapitulations à la Révolution française,
,seize lignes con~amnent la terreur, Manifestement la
réflexioq de récapitulation qui ~e retient que l'essenti~l
développe une conception restrictive de la'Révolution"{Robin,
:
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