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Reliquaires et rites funéraires dans les royaumes sakalava de l'ouest malgache

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Academic year: 2021

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Rites, cultes e t religions

Reliquaires e t rites funéraires

dans les royaumes sakalava de l'ouest malgache

Nous som m es ici d an s le c a d r e des royautés sa k ala v a du nom d es populations d e l'ouest m alg ach e. C e sont d e s royautés qui se sont é la b o r é e s du sud au nord d e la c ô te ouest d e M a d a g a s c a r entre le XVIIe e t le XIXe siècle, dont le fo n d em e n t est religieux. La personne royale, sacralisée, est au c e n tre d e la construction politique, e t règne p ar l'intermédiaire des reliques d e ses a n c ê tre s 4. La conservation d es reliques royales e t le culte qui leur est rendu, par le biais du rituel du bain des reliques, perm ettent au souverain d e réactualiser le c a ra c tè re s a c ré d e la m onarchie mais surtout d e légitimer son pouvoir e t son autorité. Nous nous attach ero n s ici principalem ent aux funérailles royales e t à la confection d e s reliquaires, pour terminer sur le rôle d e c e s regalia d a n s les grands rituels royaux.

Les funérailles royales

! est convenu c o m m e dans b e a u co u p d e royaum es africains q u e « le roi ne m eurt ja m a is ». La mort d'un souverain est un é v é n e m e n t capital qui interrompt la liaison av ec les puissances surnaturelles. Elle est v é c u e com m e une m e n a c e sur les vivants e t c'est pourquoi on n'inhume p a s le roi tant q u e son su c ce sse u r n 'a p a s é té trouvé. La vie du royaum e est alors suspendue : les fem m es sak alav a portent leur ch e v elu re d é n o u é e , g a rd e n t leurs ép a u le s nues, les hom mes sont nu-pieds et nu-tête. D'autre part, p ersonne n'est autorisé à se laver tcnt q u e l'enterrement n 'a pas lieu e t la fin du rite sera m a rq u é e par un bain purificateur. Le corps est lavé, enduit d e miel e t enroulé dans une étoffe b la n c h e .5 Les serviteurs royaux s 'o c c u p e n t alors d e récu p érer les sanies. C 'e st une opération qui devait durer au moins deux mois à l'origine e t qui a dû ê tre é c o u rté e sous la colonisation. Le corps est ensuite transporté au to m b e a u où i est ex p o sé sous une tente. L 'é ta p e suivante est la fabrication du cercueil. Enfin l'enterrem ent se fait d e nuit. Le corps est porté par q u a tre hom m es, les pieds p ré c é d a n t la tête, et enseveli la tê te à l'est, vers les a n c ê tre s . La fosse est c o m b lé e p a r

4 L 'a m b ig u ïté e t b sp é cificité des reliques corporelles du roi. dans le cadre d e ta royauté sakalava. m éritent notre attention puisqu'elles représentent et font le roi (fonction sym bolique et « faiseuse »). Mais ég a lem e n t, elles sont le roi lui- m ê m e dans la mesure où i s 'a g it des restes corporels des souverains défunts, conservés dans des reliquaires, e t qui jo u e n t un rôle d éterm inant dans l'accession au pouvoir. Cette « chosification » du p e rso n n a g e royal e s t essentielle d a n s la constitution e t ta cré a tio n d e ta structure et de l'a cte u r politique. Si le souverain n e possède pas les reliques d e ses ancêtres, il ne p e u t régner.

5 C 'e st à c e m o m e n t q u e l'on prélève les reliques. Q uant au miel, on suppose qu'il c o rre s p o n d à la nourriture des g ro u p e s to m p o n -ta n y. nourriture d e base des chasseurs-cueilleurs, substance essentielle d u m o n d e d e ta nature.

Marie-Piemre Ballarin

Curts c e cita o tio a

—^ Expansion sakalava

f /f t Région étudiée

A n t a n a n a r i v o

* o m l a h y

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Rites, cuites et religions

des pierres blanches, m élan g ées à du sable. Le lendem ain, la population et toute la famille royale se réunissent dans le v a la m e n a6 afin d 'éco u ter le discours d'adieu. Le rituel se clôt a v e c la prise du bain purificateur par tous les participants, obligatoire d a n s toutes les cérém onies.

C e ty p e d 'é v é n e m e n t était l'occasion d e raffermir les liens sociaux e t s 'a c c o m p a g n a it d e distribution massive d e viande. L'administration coloniale française tentera par tous les m oyens sinon d e les interdire du moins d 'é c o u rte r toutes les manifestations traditionnelles sakalava.

La confection du reliquaire

La matière, la forme e t l'ornementation des reliquaires sont étroitem ent liées au m onde des talismans (a o ly, sampy), du pouvoir d e c e s objets et d e ceux qui les font. Les charm es pro tèg en t d e la m aladie e t du malheur e t sont synonymes d e richesse, d 'a b o n d a n c e . Un certain nom bre d'interdits sont à respecter si l'on ne veut p a s s'attirer les foudres des ancêtres e t d e s esprits. Ils sont la protection essentielle lors des co m bats. La confection et la réalisation des reliquaires (jiny, m'rtahy) sont l'œuvre d'artisans, issus probablem ent d e lignages roturiers qui, investis d'u n pouvoir surnaturel, conservent jalousem ent leur secret puisque la fabrication d'un talism an est considérée com m e un a c te d an g ereu x . Les réc e p ta c les d e s reliques sont ornés d e perles d e couleur correspondant aux destins, d e pièces, d e métal précieux (arg en t et or selon les régions). Les piastres sont présentes dans e t sur le reliquaire. Elles sont é g a le m e n t introduites dans l'eau lustrale utilisée pour accom plir les aspersions rituelles7. On y trouve aussi d e s élém ents végétaux (m orceaux d e bois, racines...) e t du miel (substance essentielle du m onde d e la n atu re) ou d e l'huile v é g é ta le (k/nana8). Dans le sud-ouest e t le M enabe, la châsse ressemble à un petit sac triangulaire que l'on porte d an s le dos a tta c h é par le cou, à la m anière d e s talismans. Plus on a v a n c e vers le nord, plus le réc e p ta c le p e rd d e son a s p e c t « sa u v ag e e t naturel » pour devenir un coffret plaqué d'or ou d 'a rg e n t e t revêtir ainsi plus d e richesse, probablem ent sous l'influence des bijoutiers arabes. Les métaux précieux e t notam m ent l'or sont associés en Afrique au pouvoir e t à la prospérité. Les aristocrates sakalava zafim bolam ena du Boina sont caractérisés c o m m e étant les petits- fils d e l'or.

Le rôle d es reliquaires dans les grands rituels royaux

La confection des reliquaires fart partie du m o n d e mort puisque c e sont les serviteurs chargés d e s funérailles qui opèrent. Mais le reliquaire, une fois terminé, devient le garant d e la vie e t la personne royale, d é te n tric e des reliquaires, doit être associée à la vitalité du pays. C ette situation se concrétise lors du rituel d'intronisation. Les reliquaires ont ici un rôle actif d a n s l'ensem ble d e la cérém onie puisque l'essentiel des rites se déroule autour d e la maison reliquaire. La transmission des reliques royales au préten d an t au pouvoir, véritable rite d e passage, l'institue véritablement roi.

Enfin, le fa n o m p o a d e Majunga dans le Boeni m a rq u e la façon dont « le p o u v o ir dispose d'une possibilité régulière d e 'se mettre à l'é p re u v e ' e t d e m ontrer sa verdeur, à l'o cca sio n d e l'a cco m plissem ent des g ra n d s rituels périodigues. »9 Les reliques des ancêtres-rois sont alors « nettoyées » a v e c une mixture c o m p o s é e d 'e a u e t d e miel.

Le cycle cérém oniel dure six mois, au cours d esq u els plusieurs rites auront lieu : en février et mars, deux groupes sont chargés d e recueillir le miel qui servira à oindre les reliques au m om ent du fa nom poa . En avril, le

doany, lieu où sont conservées les reliques et où se déroulera le grand rituel, est nettoyé. C'est le signe du renouveau. En avril e t mai, les deux groupes porteurs d e miel arrivent à M ajunga a v e c leur dû. Eh juin, le miel est cuit. C e tte phase préparatoire se clôture a v e c le bain co n sacré à l'ancêtre-roi, m ettant en sc è n e les reliques. C hacun d e ces m om ents fonctionne sur le m ê m e m o d e q u e le fa n o m p o a . A uparavant, les fidèles e t les sujets sont informés d e la d a te d e la cérém onie. Tous les groupes sociaux constitutifs d e la ro y au té sak alav a du Boina sont représentés e t hiérarchisés.

Le grand rituel, en lui-même, dure environ huit jours. Les trois premiers sont co n sac ré s à l'accueil des invités, e t à la remise des offrandes. Tout au long, auront lieu d e s chants, des danses, d e s sacrifices d e zébus, e t d e s sc èn e s d e tro m b a .1 ° La veille du grand jour, a lieu le tsimandrimandry, qui e st une cérém onie nocturne p a r

6 Enceinte, palissade qui entoure les constructions funéraires e t maisons reliquaire.

7 M é la n g e de pièces en or ou en argent (tahler en a rg e n t massif édité en France à l'effigie de Sainte Thérèse, p e rso n n a g e représenté sur ta p iè c e en position d e b o u t), de perles de couleurs, de tanlmalandy (terre b la n c h e

m é la n g é e a v e c de l'eau sacrée servant de breuvage p o u r les malades, e t qui sert d 'o n c tio n au m o m e n t des oracles) e t d 'u n e association d ’herbes et de racines aux vertus bienfaisantes à l'im age du c o n te n u des talism ans.

8 Rgnon d 'In d e . Satropha curcas c. Euphorbiacées.

9 Balandier G. 1992. Le pouvoir sur scènes, p. 83. Balland.

10 La possession royale dans les royautés sakalava. le tro m b a , pa r laquelle ta co m m u n ica tio n passe a ve c les ancêtres, a une fo n ctio n politique et id é o lo g iq u e évidente. Institutionnalisée par les rois, elle soutient l'appareil politique et l’a u to rité

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Rites, cuites e t religions

laquelle on réveille les esprits au son d e s tam bours e t des chants, e t qui est à l'origine^probablem ent un rituel d'inversion, d e licence sexuelle e t d e réjouissances. Les Sakalava revivent les tem ps symboliques d e l'état d'inorganisation d e la société, e t le g ran d fanom poa, qui a lieu le lendemain, consacre le retour d e l'ordre. Au cours d e la cérém onie, les gens sont rassemblés autour du doany. Les fem m es sont sép arées d e s hommes. Les lignages proches du roi, c h a rg é s d'accom plir les rites, entrent dans la maison où sont conservées les reliques, e t a c c o m p a g n é s du roi e t des princes les « b aig n en t ». Ces lignages o nt joué un rôle fondam ental d a n s la constitution d e la royauté (dons d e femmes, a id e à la c o n q u ê te ) d'o ù ces tâches rituelles qui leur incombent. Le roi ne to u ch e pas aux reliques, d e m êm e qu'il n'assiste jamais aux funérailles royales. C e rite a lieu à huis clos, le com m un des mortels ne p eut voir les reliques. Après avoir terminé, les serviteurs royaux sortent d e c e tte m aison p o rtan t les regalia recouverts d'un tissu sur le dos, et font le tour d e l'enceinte sa c ré e . L'ensemble des fidèles du culte e t des sujets reçoit ainsi la bénédiction des ancêtres-rois. C'est un m om ent crucial, dont l'effet est amplifié par les chants, cris e t coups d e fusils donnés pour l'occasion. Quand le soleil est c o u c h é vers 17-18 heures, la cérém onie est close e t la foule se retire. 1 y a donc une multiplicité d e rites dans le rituel.

Le culte rendu aux ancêtres royaux sakalava, véhiculé par le rituel du bain d e s reliques, est une cérém onie religieuse qui exprime deux a sp e c ts fondam entaux du pouvoir m onarchique :

• Tout d 'abord, c 'e st un culte d e la vie e t d e la prospérité. La continuation d e ces bienfaits passe par la manipulation des restes des rois dont le pouvoir é m a n e d'un Dieu créateur lointain. L'eau e t le miel sont les deux vecteurs essentiels d e c e t e .

• C 'est aussi un rapport d 'a llé g e a n c e d e la population à son roi. C h a q u e groupe, c h a q u e individu a une fonction e t une p la c e à tenir dans le c a d re d e la cérém onie. L'histoire des clans s'exprime à travers le fa n o m p o a . C e rituel annuel perm et au souverain d e réactualiser son pouvoir sacré mais surtout d e légitimer son autorité. Dans cette théâtralisation d e la tradition, le souverain est fo n d am e n ta lem e n t au c œ u r d e la représentation par le biais d es reliques d e ses ancêtres.

des princes qui, m ê m e morts, p e u ve n t c o n tin u e r à exercer le pouvoir par l'intermédiaire d'une personne en état d e transe, elle -m ê m e a c c ré d ité e par les grands dignitaires royaux. Elle est aussi un moyen d'expression sociale, et peut avoir un rôle de contestation.

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