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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Annonce d'une anomalie foetale et traditions culturelles et philosophiques : comment guider les praticiens ?

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A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND et D. RAICHVARG, Actes JIES XXVI, 2004

ANNONCE D’UNE ANOMALIE FŒTALE ET TRADITIONS

CULTURELLES, PHILOSOPHIQUES :

COMMENT GUIDER LES PRATICIENS ?

Nadia LÉTICÉE

Laboratoire d’éthique médicale, Université Paris V, rue des Saints-Pères, Paris

MOTS-CLÉS : ÉCHOGRAPHIE FŒTALE – ANNONCE D’UNE ANOMALIE FŒTALE – PRISE EN COMPTE DES SPÉCIFICITÉS CULTURELLES

RÉSUMÉ : L’annonce d’une anomalie fœtale découverte à l’échographie est un exercice difficile. Une étude récente nous a permis de dégager que la communication avec les couples pose problème aux échographistes aujourd’hui. Si la façon dont l’annonce d’une malformation est perçue varie avec l’origine et les croyances des couples, la connaissance des représentations symboliques des malformations dans différentes traditions pourrait-elle aider le praticien ? Peut-on le guider pour faciliter son annonce dans le respect de l’originalité de chacun ?

ABSTRACT : Breaking bad news after an ultrasound fetus examination is difficult. A previous study shows that sonographers feel uneasiness in this situation. We know that the parent-to be understand the practician’s purpose according their own medical knowledge, and according their personal feeling and conviction of life. We wonder if we can help the sonographers by teaching them, variabilty of symbolic representation of various abnormalities.

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1. INTRODUCTION

À l’occasion d’un précédent travail, les médecins réalisant des échographies fœtales ont signalé leur difficulté accrue à annoncer un pronostic ou un diagnostic d’anomalie fœtale depuis « l’Arrêt Perruche ».

Pour mémoire, la Cour de cassation, dans son arrêt du 17 novembre 2000 stipulait : « Dès lors que les fautes commises par le médecin et le laboratoire dans l'exécution des contrats formés avec Mme X. avaient empêché son choix d’interrompre sa grossesse afin d’éviter la naissance d’un enfant atteint d’un handicap, ce dernier peut demander réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues ». Il a été interprété qu’un enfant obtenait une réparation pour des erreurs qui semblaient être la cause même de son existence mais non de son handicap puisque celui-ci était dû à la rubéole maternelle, indépendante elle, des erreurs médicales. La seule manière d’éviter le handicap aurait été de ne pas laisser naître l'enfant. Tout portait donc à croire que la Cour de cassation acceptait que Nicolas Perruche soit indemnisé du seul fait de sa naissance, alors que sa mère avait formulé sa demande d’interruption de grossesse en cas de rubéole avérée. Il a donc été reproché à cet arrêt que le seul fait de naître pouvait devenir un préjudice. Par extension, beaucoup ont accusé la Cour de cassation, sous prétexte d’indemnisation, de juger du bien fondé de la vie elle-même et d’entériner l’idée que certaines vies « ne valaient pas d’être vécues ».

Notons que l’arrêt Perruche s’inscrit dans un nouvel espace social, celui du développement d’une nouvelle culture de la procréation. Celle-ci s’est progressivement installée depuis 1960 avec la contraception et la légalisation de l’avortement, puis le développement de la médecine fœtale et des techniques de procréation médicale assistée.

Nous nous sommes interrogés sur les moyens à mettre en œuvre pour améliorer la communication « échographiste-parents » dans ce contexte. L’opportunité de travailler sur une formation en communication spécifique à l’annonce d’une anomalie fœtale, fait suite à la demande nouvelle des professionnels d’accéder à ce type de formation, formulée dans le travail précédent.

2. L’ANNONCE D’UNE MAUVAISE NOUVELLE EN MÉDECINE

Souvenons-nous que la plupart des médecins exerçant aujourd’hui n’ont bénéficié d’aucune formation en communication durant leurs études. Plusieurs travaux ont évalué la perception des médecins quant à leurs compétences en communication. Elles signalent que globalement les médecins s’évaluent mal et se considèrent souvent plus performants qu’ils ne sont. D’autres ont

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sondé les patients et révèlent que ceux-ci attendent principalement vérité, disponibilité et écoute de leur praticien dans de telles situations. Quand on leur demande de comparer l’annonce d’une mauvaise nouvelle faite par les policiers à celle faite par les médecins, ils jugent meilleure l’annonce des policiers.

Du côté des médecins, cette annonce est rendue difficile car elle renvoie ce dernier à ses propres limites. Sa vocation de guérir et d’apaiser les souffrances est mise en échec par un diagnostic lourd ou un mauvais pronostic. Cela participe à la difficulté de cette annonce.

Du côté des patients, quelques travaux ont souligné que dire la maladie expose à des tensions entre le savoir et le croire d'une personne face à cette maladie.

Dire la maladie est un processus complexe. Le Code français de déontologie médicale (articles 35 et 36) et la loi du 4 mars 2003 sur les droits du patient obligent à donner toute la connaissance au patient en vue de lui permettre d'être plus autonome dans son choix de vie. Néanmoins, alors qu'il est de tout temps légitime, codifié et désormais légiféré d'informer tout patient - ou son représentant - de sa maladie et de la gravité de celle-ci, le patient ne peut tout comprendre ni adhérer à ce qu'il vient d'entendre sans vivre une déstabilisation d'autant plus importante que le diagnostic remet en cause le pronostic vital. C’est une des raisons principales des difficultés des médecins partagés entre le droit du patient de savoir et la nécessaire protection qu’il doit lui assurer en tant que praticien.

3. SPÉCIFICITÉ DE L’ANNONCE LORS DE L’ÉCHOGRAPHIE FŒTALE

Dans le cadre du diagnostic anténatal, le travail de l’échographiste, en plus de celui de lire et d’interpréter les images qu’il a lui-même fait apparaître sur un écran, consiste en un travail d’annonce quasi simultanée entre la « pratique technique » et le résultat de ce qui a été lu. La qualité de cette annonce dépendra de son contexte et de l’habileté du praticien à gérer cette simultanéité. Le contexte est sous-tendu par les enjeux de chaque partie. D’un côté, les futurs parents viennent « voir leur bébé » et s’assurer « que tout va bien ». Pour certains, l’échographie est également le moment de créer du lien familial : « écho-photo de famille ». L’échographiste quant à lui a pour mission de dépister un problème ou une anomalie. Il s’évertue donc à « ne passer à côté de rien ».

Les futurs parents en ont-ils réellement conscience ? Quelle idée ont-ils de l’échographie fœtale ? Quand ils s’y rendent se souviennent-ils qu’il s’agit d’un examen médical, non obligatoire, qui « ne voit pas tout » ? Qu’en attendent-ils ? On peut distinguer ici trois types de 3 situations. Les parents dont l’histoire médicale est simple et qui viennent à un « simple examen de routine ». Il y a également ceux qui ont déjà eu un enfant porteur d’une « malformation ». Enfin, il y a ceux qui sont

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dans une « situation à risque » en raison d’une maladie maternelle antérieure à la grossesse ou apparue depuis.

Du côté de l’échographiste, comment celui-ci justifie-t-il son activité ? Un diagnostic fait en période anténatale pourrait permettre d’instaurer un traitement fœtal in utero ou améliorer la prise en charge à la naissance. Il peut permettre à des parents de se préparer à l’idée de prendre en charge un enfant atteint d’un problème de gravité variable ou encore de leur permettre de choisir d’interrompre la grossesse en cas d’anomalie d’une particulière gravité. Ces décisions vont dépendre de l’idée que les parents se font de l’anomalie annoncée, elle-même tributaire de leurs connaissances ou croyances dans le domaine mais aussi de la façon dont ils pourront entendre le discours médical et donc de l’habileté de ce dernier.

Mais si ces bénéfices légitiment l’activité, la technique utilisée a des limites dont l’échographiste, lui, en a pleinement conscience. Tout ne se voit pas à l’échographie, car de nombreuses maladies n’ont pas d’expression « anatomique » et ne sont donc pas accessibles à l’échographie. D’autre part, certaines modifications de « l’anatomie attendue » pourraient être visibles, mais pour des raisons techniques bien identifiées ne le seront pas, même par un échographiste entraîné. Ceci impose donc une certaine réserve quant au résultat d’une échographie fœtale même « normale ».

Un autre aspect rend cette annonce spécifique. Celui de l’interruption de la grossesse (IMG). La façon dont le couple recevra l’information interviendra sur la poursuite ou non de cette grossesse, c’est-à-dire sur un choix de vie ou de mort pour cet « être en devenir ». De cette lourde responsabilité, naissent de nouvelles tensions. Pour l’échographiste, il s’agit d’informer sans alarmer, avec autant de tact que possible car le choc émotionnel empêchera le couple d’entendre tout ce qui sera dit. Il s’agit d’être loyal et précis. Ce dernier point est parfois délicat, car si, dans certaines situations, l’image échographique permet un diagnostic de certitude d’anomalie curable ou d’anomalie grave ou non viable, parfois l’image fait suspecter une anomalie (sans certitude diagnostique) ou le diagnostic est précis mais le pronostic incertain.

Cette situation est complexe. D’autant qu’elle engendre également une atteinte narcissique pour les parents et procure un sentiment d’impuissance aux deux parties. Les parents peuvent se sentir « disqualifiés » à faire un enfant « normal ». Le praticien a du mal à lutter contre la maladie qu’il annonce, la douleur et la souffrance dont son annonce est responsable, et la mort en cas d’orientation vers l’IMG.

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4. PERSPECTIVES : COMMENT GUIDER LES PRATICIENS ?

Ainsi cette situation médicale complexe, dans le climat français actuel, crée un malaise dans la population des échographistes se consacrant au diagnostic anténatal. Nous nous interrogeons sur les outils à développer pour aider les praticiens à « dire l’anomalie » pour que les parents puissent accueillir au mieux cette information déstabilisante. Comment éviter le choc qui une fois produit peut développer une surdité psychique ? Comment communiquer alors que les champs de préoccupations sont si différents : recherche de malformation versus obtenir une « image de famille » ; s’intéresser à un fœtus concret, pour l’un, qu’il mesure, qu’il voit et dont l’anatomie se révèle, par opposition à cet enfant idéalisé, imaginaire représenté sur l’écran par ces zones noires, grises et blanches qui ont peu de signification, pour les autres. Comment exposer les incertitudes liées au caractère anténatal de l’annonce ? Comment faire accéder les couples à la notion de risque acceptable ? Comment éviter de réduire l’annonce au simple préambule d’une décision à prendre ? Si la façon dont l’annonce d’une malformation est perçue, varie avec l’origine ethnique, les bases philosophiques et les croyances religieuses des couples, la connaissance des représentations symboliques des malformations et handicaps, organe par organe, en fonction de ces différentes traditions pourrait-elle aider le praticien dans son annonce ? Se souvenir au moment où il rend le résultat que la valeur symbolique des anomalies varie selon les traditions : main coupée du voleur musulman, sort jeté à une famille africaine en cas de fente labiopalatine, etc. peut-il l’aider ? Le choix des mots doit-il être influencé par l’origine culturelle des couples ?

L’amélioration de l’annonce à ce moment particulier qu’est le résultat d’une échographie fœtale passent certainement par les réponses que nous pourrons apporter à ces différentes questions, mal explorées aujourd’hui.

BIBLIOGRAPHIE

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