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La femme dans les romans d'Anne Hébert /

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Texte intégral

(1)

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" '1 _ ...

~~~z---~

LA FEMME DANS LÈS ROMANS D'ANNE HEBERT

by

,-Jeannine Aonzo

"

TheS1S Submltted ta

the Faculty of Graduate Studies and Research McGill University

in. partlal 'fu1filment of the requirements for the degree on;

Master of Arts

Departmen t of F:ren"ch Lê:lnguage and Li terature

©

June 1981

f

(2)

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c -Deparlmcnt of F~ench LanguQge ~nd Literature Master of Arts ,Jecmnine l\nllzo

LA FEMME DANS LES ROMF~S D'ANNE HEBERT

\

ABSTRl\CT

\

4-Thi~ work is the study of womcln's condltlon as portrayed ln the HeberllQn WrJtlng. EQch time lt w~s pos-sible, a parQllel was estQbllshed wlth the cQndltlon of real women in the sa~e er~s.

Four ~spccts werc studiod:

t.:\

l Women as 'wrlters and thG~r writlng;

II The Ilebertlan woman: mysllfied ëlnd rebeillous; , I I I The Ilebertliln woman <md love;

IV - ,Physlcal and mor~l vlolence.

We could observe in this stud:h that Anne Hébert, through her characters, hQS crltlclzcd ln a stinglng way, the condition of women in Québec and their role in society, during the years 1830 t hrough 1950. Her work 1 S cl ki nd of plea in . favour of the equali ty of sexe~ ùl ~1 i levels of life: family, social, cultural, leogal and, polltical.

(3)

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/ Depor tmcnt of French Language and Literature Master

oe

Arts

Jeannlne l\onzo

LA FEMME DANS LES ROMANS D' ,ANNE lIEBERT

RESUME

C'e travall est une ét'~de~E3 la condition de la femme ~ travers l'oeuvre h6bcttienne. Chaque fOlS que cela a été " possible "un parallèle a été ~tabli avec celle de la femme

réell\ des mêmes ,époques.

Quatre aspects ont été étudlés:

l Lé} femme éCr1.Valn et l~écrlturei 1.

JI La femme hébertlenne: mystlfiée/révoltée;

,

III La femme hébcrt lenne et l'amour;

'I:d

IV

La

violence phys,illuc et moI',lle.

On peut, au terme de cette étude, conJtater qu'Anne Hébert, parole bli31S de ses personna~es, a falt une critlque mordante de la condition de la'femme québécoise au sein de

It,

la socié~6 de 1830 à 1950 eQviron. Son oeuvre est un

pIal-doyer en faveur de, l'égaIlté des sexes

à

tous les nlveaux:

familial, social, éduc~tif, culturel, légal,et politique.,

.

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(4)

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'--TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION ,

l,

Cl1apltre prenller - LA FEMME ECRIVAIN ET L'ECRITURE

Chapitre II - LA FEMME IlEBERTIENNE: MYSTIFrEE/ REVOL'rEE . .

.La f6minlté ou le déterminant s~xucl.

.La nature f6mlnine ou le détermlnant bù.ologigue. . . .

.La place de la femme dans la société de l'époque. . . ".

Chapi tre III - LA FEMMÊ HEBERTIENNE ET L'AMOUR . .

~ Page 26 , 33 49 56 66

.Le mythe du prlnce 'charmant . 68 "

.La dés~ncarnation de l~amour; l'lgnorance

et ses: conséquences . 78

.La culpablllté llée à la sexua~ité. 89

Chapltre

tv

'- LA VIOLENCE PHYSIQU.E ET MORALE. .La violence dans le couple: viol légal

et sé vices.

,

..

.Le vlol des femmes et des enfants .

.La violence mor<)le. . .' .' .

.L'lnc~ste et la vlolence envers les enfants

1'1 <J l CONCLUS l ON . BIBLIOGRAPHIE. " i i .,' , , ,

.

98 99 103

110

119

124

131

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(5)

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l, \ ,

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! 1 , ) ~ ~ , DJTRODUCTION

,Il appartlent à l'artiste et

à l'écrivain

de

saisir ce que peut avoir à la fois de pathé-tique et de passionnant, cette prise de conscience et cette re-cherche de la vérité, dans la luruère de l'expression

retrou-vée.

A nne He ert 'b l

En ét udia'nt l ' oeu'vre romanesque d'Anne Hébert, on y

découvre une fresque de la conditlon féminlne au Canada

fran-. çais de 1820 à 1960 environ. En effet, une profonde analogie existe entre les tabous, les lntcrdits et les mythes auxquels sont confrontés les personnagès féminl.ns de l'oeuvre et ceux

"

qui, pendant cette même pérlode' pesèrent sur les femmes

canadiennes-françaises. ~ La flclion masque à peine la ré,lllté

sO,ciale sous-jacente. 1\ travers et par ses personnages fé'11i-nil!s, l'auteur démythifl.e la femme, elle lui redonne une d imens ion humaine et rej et t~ la "PEEmme" telle que 'prô.née par

1

Anne Hébert, '''Quand i l est question de nommer la

,vie ... " .. Le Devoir, Montréal le 22 octobre 19EO, p. 6.

(

(6)

i

10 l ' l .; 2

l'~lite masculine au pouvo1r, ainSl que par Lous les zélateurs

des diverses idéologles -de l'époque.

L'oeuvre cntlère lnstrult le procès de cette soclété on la femme n'avalt pour tout drolt que des obllq~tlons. Seule, face aux pouvoirs familléll, marital, rellq1E'UX ct politJ.LJuc, comment la femme prlvée d 'autonOm.l8 SOCli1lE' et de> drctlts Jllri-.

,

diques pouvait-èlle s ' épélnOUlr en tant que personne 1 épouse et

m~re?

Ne soyons Pêl,S é·tonnés si tous les per sonnùges téml-nlns de l'oeuvre l1ébertienne semblent souffrlr d ~une incapaclté ' .. , traglque: ils ne.~p-.euvent .trouver le bonheur nI le dlspenser

autour d'eux. Cette lnaptltude au bonheur ùpparait comme

l'aboutissement d'un long et,sournois processus d'allénùtJon collectl ve qui, pour l ù femme, commencE'

"

~ Jù nalssance pour ne

prendre fin qu'~ la mort.

Nous nous proposons d'étuùlcr sous ses dlfférenf:cs \

facettes lé] femme hébertienne, d'anùlyscr les mythes, les tabous et les interdlts qui la ~açorinent depuls sa plus tendre enfance et qu'elle subit plus ou moins passlvement ou qu'elle reJette avec vlolence .

\

(7)

-f

3

,

Nol,lS nous efforcerons d'établlr un parallèle J'ntre la'

.~/

~

femme fict1.ve et la femme réelle à travers leur contexte

Soclo-culture\. Nous insisterons s~r les pOlnts communs afin

-~. ~ .II

de met tre en rellef~a portée soclolog ique d'une telle oeuvre alnsi que son imp~ct ,sur<:',~'~emble des femmes m'icl et

d'ai~-leurs. \'.... '"- ... _c/ (

'> l "

Fémlniste à' son insu pcut-.:.rêtr,e, Anne Hébert a contri-bué par son oeuvre ~ 1'avanqement de la cause des femmes au Québec.

, ,

Fa6c at:rx--p~~voi~ S oppr lHlillll s de la \

-opposé la force l.nC;sive

~u

verbe.

d \, '

<.~

Nous nous devons

jk

, 1

ociété, elle a

termes de la loi ce n "est que

~e(

18

o~tobre

\19 9 que canadienne devin ~

~

\

effèct l. vement une "personne n'est que le 1 er

1

j ulliet

i

964 seulement l ' Il incapacité j uri

dique" de la Québécoise~

, , 1

Les mouvement( f ' m , n i s t e ' radicahsés qu'

~

pattir de 1,970 envlrôn' mais d

rU1S

fort longtemps les femm s contestent le droit que

SI

sont arr,ogé les hommes de les défi-nir et de leur at t . b,ûer 1 un rô el.., doms la société sans qu' eiles

aient leur m

à

dire. Ma he reusement, les moyens dont

dis-posaient :es femmes cont esJ

ata~res

ét ëllent très limités. Non

1

\

1

(8)

1 ( " '.

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\ , \

\

/

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4

\

\

seu~ement

elles

~'aV8'en~

que très peu

( 1

, accès au:~ média

~

I,~

1

(,

J

1

"mals eh plus

ch~cunc

de ieurs lntervent ons était

\ tournée

1

en

dérIsion par ceux\ qui détenaIent le pOUl

Olt.

1

Quelques ef écrivalns osèrent dénoncer dans \leurs oeuvres li) situatirn de l~ femme etl les lourdes

consé-quences qui en résultal!nt pour la famIlle et l'ensemble de la société. Anne Hébert fut de ceux-l~. Que ce SOJt dans,sa poéSIe, ses 'nouvelles, son théâtre ou ses romans, la femme es t omnlprésent e. culpablliséc, déclH::lée, dIVIsée, sa quête de l'unIté lntérieure; t~e l'autonomie et du bonheur est

cons-l,

tante mais "vouée

~e

Plis souvent

à

l'échec. Toùte l'oeuvre

sel présente comme un etfort dc sa1S1C' du réel "fin de se

l'~pproprier,

de

Ilhab~~er

en

q~elque

sorte. Pour ne

1

VIvre comme des étrang~4~s ~ nous-m~mes et au

de notre réalIté intérie'ure et de celle qui nous en\our

~ . d' . ~' .\

Anne Hebert a prlS conSCIence,. es ses premIers,ecrl\S, pouvoir contestataire des,: mots, dC:ll1S ~n P,)ys oll le s~,le ptait une v,crtu.

1

\

L oeuvre hébertlen'~e dérouta plus d' un

l

"'-l

"-culin, alors qu 1 elle sOlulevël ] 1 è-rllhous Iasme de'

"-1

"

des lectrices tant ZlU anada qu' à l'~tranger.

"'-d

l " " '.

personnages féminins, lhn grand nombre d,e \~emmcs retro vèrent critique 1 mas-1 la plup\art 1 A trave

""

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\

\

\

(9)

,1

. . .

1

1

\

5

1

,

)l~urs

angoisses, leur solltùde.

~leur

face aux ln1quités , subles en silence, leur désespoir, mais (]

... 0 espo1r.

Ignorant o~ reJetant le llt téral"re. Anne

1

aéb~d: f i t oeuvre de ,p1onnière ~n m<lt lère d' éCrl. t ure de femme.

/

Elle osa' décr1re 1;] condition

fot

]ë\ r~al1t féminines; ce

monde intér1cur S l r1clw et si dIfférent d celui, des hommes

C't pour cela si peu souvent comprlS cl' eux. Elle a une vision particulière des contraintes socjo-culture11es lmposées aux femmes pat les hommes pour leur seul privll~ge.

La vér Hé dérange. Anne Hébert ne put se faire édi-"

ter au Québec umt son réallsme ébranlaIt l-<)es bonnes conscien-ces. Ne pouvant l'empêcher d'écrire, on refusa de l'.éditer au nom de la morale. Lors d'une entrevue r~allsée par Réginald

.

,

Martel pour le Journal La Presse, elle déclara qu'il lui fut répondu comme excuse. atrefUS de prendre son texte: "Notre ma ison est Jeune et saine et l10us ne publIons pas d'oeuvres

o

telles que la vôtre.,.l Ne pouvant trouver d 'éd1teur, \e11e

(

pUbllla Le Torrent à compte ct 'auteur, et ses. oeuvres suivantes

à Par is.. Une fois s a renommée établie

à

l'étranger, on voulut

.lClté par Réginald Martel dans "Eloge de l'innocence", entrevue avec Anne Hébert, La Presse, satnedi 1er décembr e

1979, pp. BI, B3.

(10)

...

bien la rccoJl:-laîtrc lCl. Et .LI s'eh trOLlv'Î puur lUI repro-cher cl 'êt-re éditée PI1 France!

;;

~

.

Notre é'tude porte sur l'ensemhle de l'oeuvre iomùnes-

."-que d'Anne Hébert, '1 compris son recueIl de nou'.lelles' lntitule ,

Le Torrent. Nous lncJ urons également ,dLlns notre cmalyse cer-, ,

talns des personnùgcs les 'plus marquants de l'oeuvre ti1éEitrale.

Nous nous proposons d' étudler les personnùges fénn-nins, leur condItion socio-culturelle et l ' imp.::lct' de celle-cl

• s ur leur Vle lntér leure et le~r relat lon au mond,e. Not re

trav~lil a po ur ob] ectlf

la

contrant a t ion du texte l i t térane

..".

aVec des documents soclologiques afin de I1lcttre en relief le, réalisme hébertlen en ce qUI concerne la peinture de ,la fe,mmc et de la société du Q~lébec. Nous utiliserons les rapports émanant d 'or-..gùnismes gouvernementaux et para-gouvernementaux i

o

en par~icùlicr ceux du Conseil du statut de la femme. Les grandes études faltes par des socIologues, des psychologues et des éducateurs" sur certa~ns ëlspects de la cond i t,ion f,émll1ÎQe

, q

concernë.lnt notre travail, seront aussi consultées.

Notre recherche comporte quatre parties por\ant

cha-I

\

cune' sur un point maJeur touchant les femmes dans la so'ciété et dans l'oeuvre hébertienne.

\

(

(11)

7

,

Dans 1 e preml:€r, chapl tre, nous ana lyserons le rapport orlglnal CXlstant entre l~ femme 6crlvclin et ] 'éciiture. Nous

fc:"ons une dna]ysc vi'sùnl il déqoqer 1.:1 posltion d'Anne -Hébert face à l'écr lt ure, à Sil portée soclale ct "culturelle.

,

Nous verrons en qUQ1 elle cs t un ... nstrument perl vllégié de

contesta--< \

p~

t J,on el de llLJCratlon lnd.lv.Lc1uel19

.

ct collect.Lve.

Le second chapltre portera sur les concepts de féml-,/'

nité et de ~ture fémln1nc; l'lmpact de ceux-ci sur le développcmenc des femmes ct ,.. sur'1~ur comportement. Nous

d~gagero~ il. partlr des textes. étudlés, les éléments

permet-tant ùe situer la fèmmc dans lé) .soclété' de l'époque.

(

.

, Le trct,sième chapitre sera consèlcré à l'amour dans l' oe~re hébcrtienne et ddns la soc16t'é d' hler et d' auj a~r-

,

' .

d'llul. L~s g~~nds mythes amoureux dont celui du prince charmant seront étudiés; leur influence sur les

comporte-...

ments amo~reux de la femme, flctlve ou réelle.

Ir-Dans le quatrlème chapltrc nu us traiterons de l

tlémer~

, genee de li] violence à l'endrolt des femmes et des enfants. Nous cssL'lyerons d.' ~n recher:cher les Cëluses et d'en analyser

.

,

... :. les conséquences tant au m.veau de 'Id famllle qu'à celui de

~

la soclété en génértll. _

(12)

R

/'-Dans la conc1uslon nous ferons le.point'sur la condi-tlon de lb femme fictlV€"ct nous verrons s'JI est possible d'étob11r 'm p<:1Tallèle .lVCC cellc de 1<1 femme CJuébécoise de

l'~poque. CCCl no~s permettra de répondre ~ notre

lnterroga-, ()

"

tlon lnltlillc: les romans d'Anne Hébert d~nonccnt-lls, au moyen de lQ flctlon, le trlste sort de 1<:1 fomme québ~coise,

ou ne sont-lIs que pure émanatlun d'un esprJ,t créateur que

y. .Ji, " " ,

le SOUCl du reci ne preoccupeut gucrc, comme semble le

preten-:- f~

dre Adrien ThéilO, pans un artlcle consacré à 1 ',oeuvre d '.Anne".

, . ~

IIébert, dans Livres, et auteurs québéc01S 1971;

Je ne VOlS' rien dans l'oeuvre romilnesque d'Anne

I~bert qUl pUlsse me faire crOlre quc le pays

qù'elle explore ressemble d'une façon ou d'une autre au Canada français que nous avons'connu ou que nous connaissons encore.

rI

s'aglt pour moi d'une Jvcnture de création tout à fait person-nelle qu'il m'est impossible d'aJuster sur l'aven-ture collectlve des gens d'lci. l

.I~ "

N'DUS espéron~o q,ll€, notre étude nous permettra de

r6futer les propos de l'autour do cet artjcle el de montrer que l'oeuvre i1ébertj~ne, par Je bli1iS de ~a flction, reJoint

!

-les grandes pr6occupa~lons dc~ fem~cs concernant leur sltua-ti"l dans l" soclêtê et la place qUl leur est falte par les

;

lAdrlen Thérlo, "La Mùison de 1él belle et du prince . . . ",

~ivres et auteurs québécois 1971, Montréal, éd. Jumonville,

(13)

...

..

,

!

9

pouvoirs socio-politico-religieûx. p Nous pensons _ IJ q~'e l'artiste

ne peut être dissocié, pas plus que son oeuvre, du contexte

, socio-culturel de son époque: Anne, Hébert ,en est profondé-

..

ment 1-con~dlcnte lürsqu'ellc"dlt: .'

,

Pas plus qt.iè l'aralgnée qui file sa toile et la

plante qUl falt ses feuilles et seS fleur~,

l'artiste "n'invente".

(. .) Li) vérité qUl était éparse dans le monde

prend un visage précis, celui d'une lncûrnation singullère. 1

'J'

(14)

...

"" CHAPITRE PREMIER

LA FEMME ECRrvAIN f~'I' L' ECHI'rURE

Que cclul qUl a reçu fonc-tlon de la parole vous prenne en charge comme un coeur téné-breux de surcroît, et n'ait de çesse que soient justlfiés les Vlvants et les morts en un seul chant parmi l'aube et les her-Des-.

'b l

Anne He er~

Pour Anne Hébert, l'écrivé:lln a une nllssion à remplir.

Il "a re~u fonctlon de lû parole"; et par, le fait même il se

trouve investi d'une lourde charge OlnSl que d'une grande

res-ponsabillté: témolgner pour ceux dont lù parole est

prlson-\

nière. Pour ce faire, 11 est essentIel que l'artiste demeure

imperméable aux multiples pressions SOCla les .af ln de préserver

son ~nt~grité et 1~,v6rité profonde de son discours poétique

et littéraire. C'est une quest10n de morale esthétiquè et

t

l Ib1 ., . d' p. 75 .

(15)

,) -...-::c_

Il <---- oil l ,

d'honnêteté intel"lcctuelle vis-"à-v~s de ceux auxquels s'adresse

l'6criva~n.

~l cette tr~s haute morale de l'artiste

véri-t~ble ne cioïnc~de pas touJours avec l'oeuvre

édi[~ante ou engagée. Quelques écrlvôlns ne

falslfient-lls pas parfois sans vergogne la vérité

poét~quc ou romanesque dont Ils ont à re.ndre compte,

'pour la falre serv~r ~ une cause tout extérieure à

l'oeuvre elle-même?l

Anne Hébert condamne les écrivains et les poètes qui

mettent )eur plume au serv~c~ d'un pouvolr ou d'une ldéologie.

Ils sont, scIon ellc, doublement coupables c~r ils trahissent

non seulQment leur d~t malS également ~e public lecteur.

L'oeu-vre éd:ffiante ou_ ~ngagèé offre l'lmage d'un monde

unidi'mension-nel ,qpl masque le réel et neutrallse l'esprit çritiq~~~du

lecteur peu ou mal informé· ce qUl ~ pour effet d'accroître

son angolsse existentielle et son 19norance .

pour Anne Hébert, écrire ce n'est pas diriger, montrer

la route 0 SUl vre, la seule, l'unlque qui cond uise à la vérité:

, 1

pour elle, l'écriture est "la solltude rompue comme du

~ain,,2

" l ' t ' ~ ,,3

par toute paro e Juste, vecue e exprlmee.

1

Ibld., p. 70.

2nébert, "Mystère de la p~role" in Poèmes, p. 71.

"

(16)

,

' . ( (; / ! 12 / / / authent~que est'r6volut~onn~lreocar

,.

-, elle

touc~e la raClne de l'être et favorlse t'émergcnce de la

cons-~ ~

/

cience individuelle et collectlve, Cc quj "provoque souvent des actlons contestatalres.

et lucldes sont souvent persécutés et contralnts de s'~xller.

AU'Québec, on ne portalt pas ~ttelntc ~ la personne de l'écri-valn malS on le contraignalt par de multIples pressions socia-les ~ se tnlre ou à partlr v~rs des C1CUX plus cléments.

Borduas et ,"\nne Hébert en sont deux cxe-mplcs l!t non des moin-dpes! Cette époquc est :1cureL'l--scmcnt révoluc, ce QUl Où permis

à des romans comme Kdmour~skLl et Les Enfants du

sa~at

d'être

f

,/

diffusés lCl Sélns que l'anathème soi t Jeté su't leur auteur.

Les temps ont chélng6, malS le grand roman demeure toujours une fenêtre ouverte sur le monde ëllnsi qu'une école

"

de lucid~té pour ceux qU'lI re]Olnt dans le silence et le

recuelilement de la lecture. ' Le romancier n'invente rien, son

hyper-senslb~ lité fait de lUl un vOy<lnt au sens rimbaldien du

terme ~ D~ns son oeuvre "La vérité qUl. étal.t. éparse dans' le monde prend un

. 1

s ingul iè.re. "

Virage net et précls, celui d'une incarnation Cette "incarnat ion si ngullère" se ·tr adui t chez

lIbid., p. 68.

"

(17)

---...

---::"-'---

-13

AmIe Hébert par une plural:l té de sens. 'L 'oeuvre hébert ienne

,

est;:-'à lë~ fOlS quebécoise

N

unIverselle pêlr 'le filit d'une .t

1 ~ ~ v"

tr i};'51e c:lchimle,

7"- . dont les composantes so~t le mythique, le

r-::

S.ymbollque et

le

"l ~ TJ'

romanesque. Ces trOIS éléments s'inter-pénètrent et s_~.nd.~s pour autant perdr'7 de

u·~~~"'_··-

--- --- leur Impact socio-cul turel.

Au Québec on a mIS'

i'

accent sur les aspects mythiql}8s et symbollq"ues de l'oeuvre alors CJu'rn Frùnce, l'origInalIté

rom~nesque a davantage retenb l'attention des lçcteurs et de

la crItIque en générùl. Résolument unIverselle et pourtant 1

foncièrement q~ébécolse, l',oeuvre cl' Anne Hébert est en accord avec notre époque, o~ la pensée vise ~ l'unIversalité tout en' éplouvùnt lé beSOIn d'afflLmer avec force son enracinement dans l'espace et le temps.

/

Née dùns une famille aisée de Québec, Anne Hébert eut,

~, l

selon son propre temolgnage, une enfùnce heureuse. Ses pa-~ l rents se charg~rent de son InstructIon primaire car en raIson

" d'une santé délIcate, elle de v Zll. t sou vent garder la chambre.

De ~es études secondaIres nous ne savons. que peu de choses. Sl

lNOLls relevons ces informùtlons chez Eené Lacôte et Pierre pagé, bj ogrilphcs d'Anne HéJ:)ert,

(18)

l ,

I?

14

~ \

cc n'est qu'elle passa quelque temps dans un couvent ~ Qu~bec,

~poque dont' elle ne par0ît pas garder un excellent souven1.r.

D'un temp~ramen~_ fougueux ct indépend <lnt, elle semble

"

avoir profondément souffert de la surprotectlon dont elle a

ét~ l'objet dans sa petlto enfance, et qui la rendait affectl-vement dépendante

~es ~Lréns.

La pens6c chrétlenne de son p~re

l'a profond~mcnt influenc6e ains{ que le duallsme Janséniste de son rulieu, comme li'; plupart des écrivalns de l'époque .

.

-:"~

~nne' Hé1bert reconnaît que son COUSln Së:nnt -Denys Garneau eut

L\lle influence certaIne sur sa façon de VOlr le monde et d'aller

à sa découverte.

Sa douloureuse expérlence humalne nous ~ é~é

communlquée sans r6m1.ssion. Son oeuvre agit en nous et nous f,oree à tout ramet tre en question. l "

(. . ) J'étais la plus petl te. rI m' apprenD~li t

à voir la campagne. La lumiê't-e, la eC;>\lleur, la forme: i l les falsëllt surg~r devant mOL. rI

a~ppelait la lumière par son nom et la lunuère répondait. 2

Vivant dans une société prlvllégl~c, où les oeuvres

.

des grands écrivalns de France et d'ailleurs c~rculaient

1- /

Clt,e par Pierre Pùgé

i!:!.

Anne Hébert, coll. canadiens d'au]ourd'hul", MontréCl.l, Edltions Fld'C's, P. 20.

.

, ) "Ecrivùins " 1965, ,~ 1

(19)

\ '\

..

, 15

"-librement, Anne Hébert'

é'i

ai

~

rêvol tée

~i:lr

l '

obscur.a~tisme

culturci dans lequel était ~dlnLenu le pcu~le québécois au

nom d'une ldéologic dépas5ée. Sn 0r~nde sens16illté la

ren-"

~ ,

~Olt extrêmement vulnerable aux ~ultiples lnterdlts et

obli-gCltlons dont on 1l0urrissi:llt la Jeunesse d'alors. La poésie

{)

,lui pcrmlt de sublimer ses frustrations et de canaliser la' colère qu'elle sentait sourdre en elle sans pouvoir en

déter-miner Clvec pr6clslon les ralsons. Toute son oeuvre romanesqu~,

tll~âtrale et poétique s' att'-Ziê'h-e-, __ ~ éclairer l'origine de ce mal

--._~---d'être qUl 6lalt le Slen en même temps que celui de tout un ~

peuple.

Deux forces s'affrontent dans son oeuvre poétique:

( le d6s1r de mort et le déslr de Vle.

i

Po~mes témolgne de

.,

cet te duall té profonde e"t permanente que l'on retrouve chez

" tous l'es personnages hébertlens. Ce recuell, qui renferme en

quelque sorte,l'art.poétiq\le d'Anne IIéber.·t~ est divisé en deux

parties. La proemière tr~puit un long et douloureyx combat

lntérleur contre l'emprise d~s ténèbres. L'être humain divlsé

et alféné est à la recherche de son mOl originel afln de

-re-f21re son unité premlère et de pouvoir enfin accéder ~ la

lumi~re e~ tant qu'être autonome, libre et responsable de lui~

même. Dans ld seconde partie, le poète règle ses comptes avec

(20)

, 16

\

\

Sqcié~&

\

la et affirme avec f~rce et paSSlon son désir de vivre enve~s ct conlrc tous.

\

"

Le comb<lt pour lZl liberté

s'unLversalèse et les moyens pour le rendre efficace- s'y pré-cisent. Le passage du po~m~ en vprs au p?~~C en prose ~st une ôtape' décLsive

dln~

le chemIllement dE' l'artist,el, qui

annonce le romi1n et i1vec lui un d6sJ_r d'ouverture <lU monde en

...

-même temps qu'une acccptéltion de soi--même -et de

'r'a.

vie. C'est

~-en quelque sorte la vlctolre de la lumi~re sur les for~es des ténèbres.

Pour Anne Héber t ~ l' écr i ture "n'est pas le repoJ!,?~ du l

septlème Jour" ; c'est une nécesslté Lntérieure qUl permet à

'l'écrivùIn de maintenir le contact avec le monde, d'être le médium entre le m®i individuel et le mOL collectIf. Malgré

.

cc contact et peut-être i'l cause do celUI-ci, le bonheur et l'ùngolsse sont toujours présents: le bonheur cl ',écr ire et en -même temps "l'angoIsse de· ne pùs être à l~l haute~r du don

2 reçu"

Ecrire est une mission eXIgeante, car celui qUl lia 11

reçu fonctlon de la pë1rolc [et] la pasS'ion du monde,,3 ne peut

IHébert, poèmes, p. 73.

2Ibid .. , p. 74.

\

.:

(21)

-Q

"

i f 1

17

rester insenslble ~ la mlsère de celUI qUl, incapabie ~e se

c

dire, ~e"l:;t muré dans le .sll,r.=nce de sù parole cùptive.

L'écri-turc est de cc falt investIe d'une do~ble

...

fonction: indi v i

-duelle et collectlve. De l ' écr l ture"" libérée, sembl~ble à une

l

"~pée nue" qUJ. ùurëut 1<1 "mlssioo, du feu et de la brûlure ", 2

,

dol t émerger la lumière ùfin que "1 ù ,soli t ude soi t rompue

comme du paln". 3 L'écrlvain d~vient en quelque sorte le

détenteur de la parole Ilbérattice ùuprès d~ ses

contempo-1

'.

rains. Il est à la fOlS la mémoire et lù conSClence du monde.

Il parle pour lUl et s'lmpllque à sa place. Il est celui qui

Jalonne Je chemin parcouru et Incite ~ aller de l'avant.

L'écrivain, et plus partIculi~rement la femme-écrivain,

_~-- 1

èl une lourde responsèl,J:nllté ÙU seIn de l ù socl.été en raison de

"

l'impùct du discours ~crIt dont

la

c~édlbilité est rarement

remlse en questlon, sauf par les crltlques. L'écriture de

la

femme rompt le sil,ence sécul<:llre des femmes empêc:lées de se dire

, par le pouv9ir masculin. Rétablir les falts, séparer le mythe

1

du réel, détruIre les tabous et les croyances erronées

vé,hi-7'

culés par bien des discours officiels et dIdactiques afin

de

.

2Ibld ., p. 75.

(22)

( ;. \

\

\

18 /

I~

1\\

1 \ \ \

Ilbérer les femmes mor~lement, oClillcment ot phy~iquementj \

\\ telle est la mission de li:! femme-écd Vênn. ' P:Jrtc-flambeau '~e

ses soeurs. i l lU1 fdut en leur tom. se nommer. se dl.re. se \

découvrir et se cOlllprendre ilfin e pouvoir comprendre les

iJ"U~

~"

tres. Pour ce fùlre, que dlldée reçues à renverser, de

intérieure de la femme et qulell

\

sa

, , \

,

du monde.

SOlt en mesure d'exprimer

LI écr i t ure de 1<1 femme d {ffère de celle de l ' homme, la forme miJ1S par le fond; elle no. lUl renVOle pas ion du monde ~uquel 11 '-est habitué depuls cles temps lmmémoriaux: la slenne~ C'est là un rlsque évident, Cilr déj à marglnale au niveau du pouvolr socio-poli tique, ne va-t-elle pas au-devant de la "lnarginallsatlon" de son dis-cours Ilttéraire? ~a femme salt, par ~xpérience, comblen i l . lui est dIfficile de se faire entendre et en~orc plus de se faire comprendre. En effet, certains refusent slmplement un

l' 1 \

I l

discours qui les remet en question. "Affrontecr l ' hégémonie du

, l

pouvoir p:1allocratJ_que" n r est pas une mlnce entreprlse pour

IMadele lne Oue 11et te-Mlch alska, La Femme et l ' écr i t ure, Actes de la rencon):re québécoise internationale des écrivains', in revue Liberté, 1976, nO 106-107 (vol. 18, nO 4-5), jui11et-octobre 1976, Montréal, p. 87.

\

J

(23)

\

0>

19

une femme; c

'e~t\pou\

tan t le défi que celles qui veulent

1, ' \

l\

écr ire opt il \ releyer . . ô"te~t: ,!?ourquol "se conS<:lcrer à l'écrl-o

-

----'

- ~ ~ 1 f~'~r ,~t' - l

ture n'cst pùs une vi.fti"'he ~xp~eSSlOll".'

'"

.

, ..,i '.

t nt fidèle à sa v6rlté

i~i~:h ure~,

a brlilamment relevé ce

~é\Ei.

Son à,L,scours est féminln

~élr

la manière dont le réel

Anne Hébert, cn

res-\ - d

-Y e\st apprel1en e, e t unlverse par" ()

l \1 -

resona~ce l ' lumalne qUl

S

'e~

dégage.

Anne Hébert se rangerait à l'avis de

,

,Madeleine Ouellette-Michalska qUl ,(lff rmait,; en 197,5, que

\

\

l'écr~ture était pour les femmes le pernier pas vers

l'auto-\ 1

nomie véritable: 1

.,;..-L'écriture, comme lJ langage, passe l '

~,mage

~raphique

qui la' re,brodul t.

~

est

act~

en jnême temps que ,poss/ession et ,él cidation du

réel. Nommer uneihose, c'est la tirer de son

~ndétermination et faire en sorte qu'elle eXlste.

Utiliser l'écritu e constitue onc une o~uvre

permanente. Or,

~raditionnell

ment, la Femme

donnait l'existe~ce, mais n'av l t pas le

privi-lège de la nommet. 2 ,

- f

/'

Il

! :

Si, ~u Ouébe~; pour la femme d'aUJourd'hui ce

privi-lège est devenu un dr61t dont elle se prévaloir, c'est·

grâce à la lutte menél par ses ainé's au cours des dernières

lSuzanne Paradis, La Femme t l'écriture, p. 187.

20uellette-Mlchalska, La Fe me et l'écriture, p. 87.

'---~~-~---~---

-

,-1

(24)

,

.

20

1

décennles. ,Ma'lgré les obstacles mlS en trClvers de :Leur route,. les femmes ont pr l8 la paro~e ct ont osé dénoncer 'les

nombreu-se,s iniquités dont elles avalent ~ souffrlr. '"

~1

Au Québec, le sllence des femmes est aussi 'celui de toute une soclété, la soclété canadienne-françùlse de

l'épo-1

que, où l'obscurantisme étai t ,érigé 'en dogme pélr le pouvolr politlco-religleux. Dans un article paru ~e 22 octobre 1960 dans le Journal Le Devoir, Anne Hébert constate am~rement que lorsqu'

i l est question de nommer la VlC tçut court (amour, l-jCline, ennui, -j oie, deuil, cl1lmère, colèroe', saisons-, mort,) cette chose étonnélnte qui nous est donnée sans retour, no~s ne pouvons que balbutier. l

, 0

Pour elle, il s'aglt d'une ribérJtlon par la parole, pas seulëment des fcmmE.s malS de tout un peuple "que toutes l es contlngences îlstorlqucs, culturelles, rcllgleuses et ' J ' 1 lingulstiqucs ,,2 ont r()c]ult au sl1encc en le couP":lnt de lui-même ,et du réel. La d6térloratlo~ de la langue l'lnqul~te~

car que peuve~t 'f-Blre ceux et celles dont "l"a langu~ Quérile,

1 "b He ert, "Quand i l ' est question de nommer ... ", p. "16.

(25)

21

,1

l

~quivoque et. hum~l~ée" constltue un lîùndicùp à la communica-tion vêr itable; se LlJ re ~ Non, c'est lS qU'lntervient

,

~I'écriviJin:

I l appartient ~ l'wrt~ste ct à l'6crlvùln de saisir ce .(lù8 peut ùVOlr à lù fOlS de

p.Jthétl-quc ct de poJ s S lonnwnt, cel te pr lSC de cons'c lence

et cette rechérche de la 'ilbe~té2 dans leI lu-Inlète de l'expresslon retrouvee.

"L'express lon retrouvée", toute l'oeuvre :lébertienne est contenue 'd,ms cos l1Iots. L'expression dont tout un peuple, et plus particullèrement les femmes, a pendant trop longtemps

été prlv~. Ce qui ù fùlt appa~aItre un manque profond, une

inaptitude à se dire cL Zl dlre l'essentiel; une p'e) du mot, qui trahit les !llentimcnls et les sensations intér H~L1res.

~,

- ~

L'expresslon retrouvée marque un tournant _important dans la prise de C'on~Clencc collcctlVC c.t lndlviduelle des Cùn'adlens

f~ùnçais. C~r "Lw paroJe manl[este l'être au monde, l'être de l ' homme et l'être de la pensee. ,,3

'\I/IbÜb.

3Georges Gusdor f, La philosophique, nO '3, Pûr lS,

: 1968, , p. 38.

Parole 1 coll. "SUP", inl t-iation

i

Presses Unlversitaires de' France,

(

..

(26)

.

,

, ""

-'

-

22

1;

Au Québec,. êlÙ momf'nt' où f"'\nne, Hébert comm"cncc 'à écrire,

~

1êl parole est prlsnnnl~rc du s11ence d~ns 1cqpel on l'n cnfer-'l'oute cette vie' ~ nommer 1

tout ce silence à meubler, ,toules c~s émotlons à fëlire re-c'est à l '6Cl."lvè"lin que cl.";tte lourde t;'lche

.

",

~ev 1.ent. I l est 1~.mé0iateur, le portç-purolc et ë1USSl , , l

'inl-,

.

tiateur à la pùrole.

'1;'out comme le pe.uple ql)ébéc01S, les personnages

hébertien~ souffr~nt d'une lncapaclté à dialoguei. - Mais, par la mag:ie de l ' éc;r*lture, le lcc-teur franchit le silence et

"

pénètrè dé:lns l.es méandres intérieurs des sUJets. I l devr!eri t

'\...

-le compllce des rêv0s -les plus fous et des,pensées -les plus subversives qui les hantent. Les sllences devlennent Les moments les plus lourds de sign~ficutlon, Ils lib~rent uro

très grande clléJrge émotive ene mett.::1nt èI nu l'être profond de

chacun à trêlvers le processus d'ldentiflcëltJOn du lecteur au per sonnage. La parole écritc dit l'lnexprlm~ble et lUl donne droit de clté. Ella op~re une véritable cJtharsis de l'être et en plus fëlvorlsc 1.::1 résurgence de forces, en sommcll. C'est en cela que l'écriture n'est Jnmais neutre.

L' écr i va ln <lU thent ique commuriique ëlvec son lecteur

par delà les mots et 11 favorlse la communlcatlon de celul-cl

1

','

(27)

(>

{ "

23

avec lo-s êlutrcs par l'expression retrouvée.

La communication vrale est réalisatipn d'unité, c'est-à-dire oeuvre commune. UDité de chacun

avec l' autre..~ m,:Jis' ensemble unité de soi-même

avec l' Zlutre. (. . .)

L'expression l~ plus pure, l'affirmation du g6nie dans l'êlr~, fonde une nQuvelle communion, et la communicLlt.ion parfêllte libère en nous

des possibilités d'expresslon qUl sommeillaient.l

"-Pour certains écrivains, plus le sUJet touche la racine de l'être, plus ]a distùnclation dans le temps et l'espace est nécessalre: Anne Hébert est de ceux-là. E~le

s'est eXll"ée pour ne plus ressentir "1' 6touffement anù:llant ", 2 3 malS aUSSl parce "qu 1 un 'peu d'éloignement permet de voir"

"'

plus obJect.ivement le réel e~ de mieux le rendre. L'écriture

est un lnst~ument' privil~gi6 de libération intérieure, par

"

l'analyse du vécu et de ses répercussions au nlveaux cons-cient et lnconsclent de l'être.

\~

La discipline de l'expresslon débarrasse [l'écri-vêlin] des SlJl'ctres qUi le llLll1tent. (. .) La parole attesLe 1<:1 distance.prise. (. .) Parler, écrire, exprimer, c'est faire, c'est durer par del~

la crise, recommencer à Vlvre, alors même que l'on

lIbid., p. 55.

2 Anne Hébert, "Une entrevue avec )'mne/H~t<---'

Forces, nO 17, Montréal; 1971, p. 47. '(Î?ro

I1

,

'os recueillis par l\nùré annc Lafond à Par is. )

1

"

/

1

(28)

--~---,

1

t

24

,.

croit seulement revivre sa pelne. L'expression a vLlleur d' cxorci~,me parce qu' etlé consacre la résolutlon de ne pas s'abandonner. l

,

"

Le romi:Jn, en ob] ectivan t un vécu inc1 i v iducl et co~. lectif dépassé, permet à l'écrlVJln et ~~teurs de

}'ùs---~

sumer et-de s'en dislancler. Il f~vorise également, par une analyse rétroactlve du passê, uno meilleure compréhension du

.

présent où "l' aI:~rlvolsement de la réahté est enfin

P0SS1-ble".2

Pour- Anne rrébert, 6crlrc est un engLlqement de tout

\

l'être dans une recherche "de 1'identlté ct de l'unlté ciG

sOl-même, une réconclllûtlon ûvec le destin dérlsoire de la

-,

"-souffr <'mce et de la mor t . ,,3 MalS c'est au-del~ du SUb]Cctlf une "misslon' humalnc":

-Prendre cette provlncc en flagrant d611t d 1 eXl,stence. L'appréhender. LUl rendre

justice.' LUl donner li'] pêlro le. 'Niche de poète. IIonnf.'ur de ViVi1Ilt. 4

IGusdorf, La Pùrole, p. 68.

2Hébert, "Quund 11 est question de nommer ... ", p. 6.

3M~urice

Blain, "1,nno Hébert ou le risque de vivre", Liberté, vol. l, Montréal, 1959, p. 322.

4Anne Hébert, "Le Québec, cet te avent ure démesurée", La Presse (cahier "Un slècle", 13 février 1967), p. 16.

"

(29)

25

Toute l'oeuvre hf>bertlenne donne l (,parole aux

femmes. Femmes d'lC~ ou d'ailleurs; femmes cl 1 j-uer et d' au-jourd 'hui; femmes, que l'on a prlv6es ln]usfement du droit

à la parole de c!1i:llr o...t. de sang depuis des temps immémo-

,

riaux.

.." , /

r

(30)

ln CHAPITRE I I hA FEMME 1 'BERTIENNE: 1 l ' l , MYSTIFIEE / REVOLTEE /

La ilile crla qu'elle n'aValt Dl coeur nl vlsage et qu 'on l'avai~ trahie dès

,

"

l'Or1.glne.

Anne Hébert l

Dans tous les romans et pièces de théâtroe d'Anne tI

Hébert, les femmes crlent leur angoisse, leur détresse et leur haine face ~ un monde qUl les a leurrées. Un monde qui leur est hostlle malgré la ,vénération ostentatolre dont on las entoure. Trlstc conditlon soclale que la leur, au sein d'une soclété dont elles sont exclues Qn tant qu'êtres,hu- .

mains ~ part entière, et qui les relègue Q~ nom de la

tradi-~ ,

.

'tion,» de lù morale et de la relHJlon, à une fonctl.on' bio+o-gique.

La femme h6bertl.enne est mystifiée d~s son plus Jeune âge par l'éducatlon ~cçue au nom de valeurs Jllusoires qUl. ne

l He ert, ~b Poèmes, p. 95.

(31)

"

'.

27 /

t lennent ùucunement compte âe ses asplrat ions., -'ma is 'visent

à

\ :

en falre une parfaite femme-obJet. Sa révolteUest l'aboutls-': ,

sement d'une lente m3turotion de

la

conSCience qui, peu

à

peu ou ..à-la suitr d'un choc émotionnel violent, réalise le pré-1

-~'-1 ,;

j udice s uln.

La vlolence de la révolte~est proportionnelle à la trahison ressentie, i1 la blessure fcnte au mOl, au désarroi moral et ~ li) crise eXistentielle q~l en

e découle. La

perma-c - _ l

nence de ... 1.:1 haine meur tr ière d'Adélaïde Menthe peut parai tre

-3

!!l' _ ''1

disproportlonnée Sl l'on ne tient compte que de l'offense. 4, __

.'

Mais si l'on e~saie de VOlr uh peu plus 101n et d'analyser l'impact de celle-cl sur le moi dans sa rel~tlon mOl-autrui-le "

monde, on constate q~'il y a un effondrement complet de c~ '-relation p;:Jmordiulc pour l'être - humain;- ,; - ~

."

Les j eunl'S châ tela lns, sous le couvert de la camara-derie, ont abusé de,. la confiance et de la naïveté de la ]eun,e fille, ils sc sont servi d "elle comme ils l'auraient fai t d'un obJet et ils l'ont exposée au,x railleries de tous en la ren-vCfyùnt chez elle, dU VJ lIage, en Jupon.

\ Sa· dignité tburnée én

l Anne Hébert, "La Mercï.Sre ass ass inée", Le Temps

sauvage, coll. L'Arbre, vol. G2, Montréal, Ed. HMH,' 1973-, p. 21.

(32)

\

!

L

28

d6rision, so~ §trc profond bafoué et humil16 par ceux eh qu~ , elle avait pl~c6 sa confiance, le tout a provoqu~ une déchl-, ruredéchl-, une blessure trop grande .pour que son mOl puisse oubJier.

Coupée des autres ct du monde, tout son'-êtr~ demande justlce. N'ayant plus rlen ~ perdre, elle irù ]usqu'ùu bout de sa haine et ne vivra que pour l'assouvlr: élimln~r tous les auteurs de son humiliation publiqu~.

Le personn~ge d'Adélùfde Menthe est le plus violent de

l'oeuvre. Dôll1S les romans, les gr a ndes hérof nes on l une ré.;;:

volte plus nuancée, p~écédée d'une longue analys~ de soi et de l'autre, afln de cérner l'origlne de ce mêll d'être qUl les· entrave et les enchi-lînc, de cette culpabllité qUl surglt ., à

pr~'~(\

de tout et de rl!.3n et qUl enlève le goût de vivre. Connaître la nùtur~ de ces force~ aliénantes qUl, depuls plus d' un ~iècle, contraignent les humalns de ce pùys à "§tre au

~ , 1

monde comme n' y et ant pOlnt Il •

Au Québec, les hommes comme les femmes ont souffert du dualisme jans6niste qui lmprégnait Héducat ion et la vie.

L' une de ses conséquences fut la honte du 'corps et la négat lon' de ses besoins, qui provoqua chez certains êtres épris d'absolu

"

,.

.\

(33)

,.

29

.

une divlsion profonde du moi, en plus.d'un sentiment de ~ul­

\,.

panilité lié ~ la sexuallté.

Cependant COCl n'expllque qu'en partie la révolte de lù femm~ hébertlenne et canùdtenne-françalse, , Son origlne ,découle .beùucoup· plus, semble-t-ll, de J: 'attitude ambiva19nte.

de la soclÉ:t6 à leur 6q~rd. Les nombreuses ldéologles politlCO-religieuses: le messianlsme, la colonis-atlon, la revi:lnche des berceaux . . . , flr0ryt se développer des stéréotypes

socio-culturels préjudlCJ,.ables 'aux femmes. Dans la bourgeoisie, '" le purltanisme ,mglo-pro(estant s'aJouta au Jansénlsme ambiant'

\

et contribua Zl créer un cllmat de négation et d' jmpulssance face

à

la vie et une fascinùtion de la mort.

f

C'est dans cc cllmat partlcllller que se développa une (

o~

:ertaLne conception de la femme et de sa place dans la

SOClét~

dont nous ùvons blen de la dlfflculté à nous défaire, même

/~

notre. époque. "La mys t lque de la femme" ès t le nom qu),'Ël donne / / , Betty Friedan1 à cette conceptlon qUl est basée sU{l'exclusion

. /

~ .

. systématique des femmes des zones de pouyOl~ po~r les cantonner

~----~

à la mai~on ou dans des emplois s~ns prestlge ct mal r~munérés.

l .

Bet ty Fr iedan, IJd Femm~ mystlfi6e, Pé.Œ l S,

Deno~n-Gonthier, 1964, préface.'

-,

(34)

30

C'est 1 au nom de çet te idéol.ogle que la femme fut,

pendant de trop nombreuses générations, ~sscrvie: véritable esclave moderne au serVlce de l'homme et de l'Elal. Des fcm-, ".

mes courageuse~ n '11661 tèrent pas à dénoncer les torts

considé-rables falts aux l~urs. Mais 'leurs comb,ats furont l'obJet <

d'une campagne ,de dén1gremcnt .virulente de la part do ceux .qUl avaient tout lntérêt ~ ce que la sltuatlon perdure

long-temps. Malgré les p1ètres résultats, elles continuèrent leurs

attaqu~~ cont~e les abus de pouvoir et les lné~alités. Mais

la prise de conscience féminlne était trop faible et l'empr1se ,

de la coalltlon PQl1tico-religleuse trop profonde pour que les manifestations fémlnlstes alcnt un lmpact ~éformateùr rapide. Le temps leur a donné raison cependant.

Anne Hébert dénonce tous les stéréotypes véhlculés par la société et qui font de, la -femme un objet sexuel et une

machine procréatrlce. Alors ~ue l'homme a une valeur intrln-sèque, la femme d01t sc soumettre à des crltèrcs extérieurs à

\

elle-même pour avo~r une place dans la société. L'homme-su]et se déterml.ne, lù femme "ob] et Il e.:::;t déterminée par lui pour son

bien-être sans 6gard ~u sien. C'est la source de toutes les lnlquités dont elle est victlme depuls ~es générations et encore de nos jours sous le couvert de la llbératlon sexuelle.

(35)

r

31

Les prlncipaùx stéréotypes féminlns que l'on retrouve dans l'oeuvre et dans la soclété de l'époque peuvent être

" regroupés sous trolS thèmes:

l~ f6mlnité, ou le déterminant sexuel;

- l~ nature fémlnlnc, ou le déterminant blologique;

~ l~ pJace de la femme dans la société, ou l'~xclusion

du pouvoir et la subordination réglementée.

o Ces trois aspects de l'ldéolbgie ont largement

~on-tribué à creuser un fossé d'amertume et d'lncompréhension

"-entre les sexes, accrOlssant les inégalltés fa~lliales,

socia-les et pOlitico-culturelsocia-les. Les femmes étalent les grandes'

perdantes mJu; l,CS hommes n' y trouvère{lt pas plus leu,r compte

que leurs compagnes; cependant les privllèges masculins

étaient trop importtlJlts pour qU'lIs y renoncent facllement;

c'est ce qui expllquc, en part18, la lenteur des réformès réelles.

Rien,

nl

la race, nl la classe, ne détermine

une Vle humalne autant que le sexe. Les hommes

comme les femmes sont vic;times de leur rôle à

cette chfférence prè's que les femmes sont en outre les victimes des vlctimes. 1

lAllce Schwarzer, La Petite Différence et ses qrandes

conséguences~ Paris, Editions des Femmes, 1977, p. 250.

,

(36)

,r

32

Le bonheur G besoin de lib~té el de respect pour

s'épanouir. Il ne peut se développer là où ~éside un

rap-"

port de force. C'est c~ qui explique la remise en question de l'lnstitution du mariage, des lois sexistes qui le régis-saient Jusqu'~ une date tr~s récente (la nouvelle loi sur la famille est en vigueur au Québe~ depuis le ~ avril 1981). Le mariage, dans la forme antérieure ~ la nouvelle législation, était voué une fois sur trolS à l'échec, selon les

~tatlsti-quesi malS que de couples dont l'amour est mort depuis long-,temps et qui restent ensemble pour de multi'ples raisons,

" pécuniaires et soclales, le plus souv~nt.

"Les liens du mariage, c'est ça. Une grosse corde

b ' len attaches pour s' etoutfer ensemb e. " ; " l l Bien que l'homme ait

le

meilleur: rôle dans le ma,riage, i l n 'y trouve pas le bonheur escompté", Pourquoi cette désillusion, ce désanchan- {fT tement'de part et d'autre? L'homme est piégé par l~ mythe de la virllité et la femme par celui de la féminité. Une

~

réévpluation des rôles sexuels est nécessalre pour que la \

compréhe,nsion s' amél iore entre les deux sexes, et que l~ bon-\"

heur puisse s'installer durablement. Cependant ceci n'est

lAnne Hébert, Kamouraskù, Paris, Ed. du Seu~l, 1970, p.O 87.

(37)

'-

---,

1

, ,

guère faeI.1e, cor les hommes veulent êt:ro heureux SélllS quo

leur pouvoir s'en trouve amoindrI.

Les femmes se rendent bl An compte que c' e-? t non seulement li) répclrtltlon tLlditlonnellc des rôles féminiD et masculln qUI dolt changer, lllalS aUSSl

la conceptlon même, du mar iaqe et de lLl famille. ~,

Si on veut vr~iment'assurer aux femmes une réelle égalité, les ldées au sUJet du mariiJge dOIvent , changer ég,llemcnt. 'Dzms -le mar lage, mJr l et

femme dOL vent deven{r des par tenaHes, (. • .).

L~~lJ.A!ns fam.lllilUX se resserreraient alors de,

nouveàu pêJrce que ni la femme nI l' homm~ ne se

sent1.rait prls <lU piège, dans le mar laqc, conune

, cela arr1ve souvent. l

a

La femme hébertlenne, tout comme dans la Vie réelle 1 souffre d'être llmlt,ée i'l VLVYC pùr personne 1nterposée, ëJfl'n de Se çonformcr' ClUX eXHlc.nccs de Id soc1ét(~ qUI veut qu 1 elle SOlt douce cl sounase! 011 un mot: férmninc.

La fémlnité, OU -le détcrmlnant sexuel

..

Qu'cst-C(~ (lLle la fémlIuté? C~rùctère fémlI1ln;

cnsem-, '

ble des caraétè?rcs propres ;) la femme. Nbus n'avons pu t.rou ver

une défil1ltion plus eXpl.lClte, malgré le ,g~::1nd nombre de

lRapport de la Commission rOYëlle d'enquête sur la SItuatIon de la femme au CLlnLldél (Bird4, OttC1wù, Tnforma'llon-Canada, 1970, p. 4, Cl té po.r MonCl-Josée Gagnon ln Les Femmes

vues par le Québec des homm~s, 'Montré al, éd. du Jour ~ 1974, p. 81.

1." ' ':)

TI

(38)

o

34

dictionna lXes consul tés. L'absence de défini t ~on va lable

0:

prouve que nous avons affaire à un mythe. Selon' Mirceil Eliade, l le mythe est unG traditlon sacrée", une révélation pr imord~ le, un modèle exemr:laire. Au Québec, lu fémini té est àevenue le symbole de la femme-épouse-mère, rCJ etant la femme-femme. Parce que le corps est, aux yeux de l'Eglise, à

la source de tous les péchés, on a essayé de s'en dlstancer

en adoptant un r iJjor lsrne moral QUlsible à t'ous malS dont ICi femme a, cl û payer le pr lX. "Le seul bonneur et le seul

pres-tlge accordés à la f-emrnc, dans ce pays: , J la maternlte." ~ 2 Ce o "culte de la mère" réduisnit la femme à un rôle blologique et

lui retlra1.t par le L?it même le droit de chOLslr son mode

1'1,.

person~el d' épanoulssement en tant qu' ~t re humaln à part

cn-ti,ère.

C'est s'enfermer dans un cul-de-sac SJ,. on ne donne pas de pouvoir soclal direct aux' femmes et s i , surtout, on stérillse symbollCluerncnt la femme en l ' enfer m~mt d ans son rôle de mère. 3

) ,

1

lMircea Eliade, Aspects du Mythe 1 Par is, éd. Gallimard, coll. Idées, na 32, p. 10.

2 Hébert, Le Temps sauva'ge, p. 26.

3Maur ice Champagne, La Viol,ence au'Pouvoir, Montréal, éd. du Jour, l"97l, p. 107.

i

~~JI

J

(39)

\'

-_\~

35

Pendant longtemps, icl. et al.lleurs, la féminité con-si§tâit ~ intégrer un rôle soclo-cuLturel censé définir la 'femme, le rôle sexuel surtout. "Dp façon lapldalre, être

~

"

fémlnlnc, c'est s'effacer, c'est être faible, c'~st être prête l

à s.ervir,~e' est <1volr des enfants." Une certal.ne coquett~rie

,

dans l'allure'et l'hablilement es~ de mlse malS sans exc~s.

Elle doit être belle et séduisante, elle doit . . . elle doit . . . 1

Tout est .codlfié etll'éducation a pour misslQn de faire inté-grer J.es nombreuses tègÏes et' respecter les interdits édictés par la société afln que la femme SOlt conforme aux déslrs de

~

l'homm~ auquel on la destlne.

o

La petite fll~e est, dès sa petite enfance,

cpnditlon--.

.

née à faire Slennes IGS eXlgenc~S de son mlileu, le plus

sou-}

vent par crainte d'cn être rejetée. C'est de l'allénation

progr~mmée

pour 'le bien.-êtr'è pe lél soclété e2- de l ' homme

gu'elle sera appelée ~ serVlr dans lE mariage.

La différence entre la. bonne et la mauvaise féminité. résidait surtout dans l'attitude de la 'ffFmme vls-à-vis

cf=

la sexuallté en général et de sa sexualité en particulier. La

l'Marceile Dolment et

Marc~l

Barthe, La Femme au Québec,

Otta~a, éd. Les Pres~es Libres, 1973, p. 30.

(40)

/

36

r '

sexualité f6mlnlne 6t~lt, et est encore, p6ur~un grn9~ no~brc

d'hommes un myst~re complet, troublant et môme inquiétant.

""

Mieux valal t évacuer le problè'me en affirmant que seul l'e

mâle avait des pulsions se~uelles, donc des besoins. La

pas-sivité de la femme fut hautement affirmée et même donn$e commE' la r-0rmalité par de nombreux spécialistes, alors qu'il eût, été plus juste d'y VOlr l'une des conséquences de la répresslon sévère de lQ.sexualité de la-petite f1lle et des lnnlbitlons

profondes qui en déco~lent.

,

De plus, le fait que la femme soit, de par son mariage, contralnte'au devoir conJugal bon gré mal gré, n'est pas pour la délivrer de ses lnhibltions

sexuelles. Marie-Loulse de Lachevroti~re, marlée contre son

.

gré, fait tout ce qu'elle peut pour éVlter son époux: "Elle

,

J, souffral t de migr<ünes et de vapeurs et s,,t. rangeai t pour

~ l

échapper ·l~ plus possible à son _ClevolT conJugal." Augustln,

son marl, est scandallté d'être dlnsi rejeté.' Il pense, comme beaucoup de ses semblables, qu'il sufflt de vouloir une femme

pour que celle-ci se donne avec plalsir. L'attitud~ de son

o

\0

épouse, en plus de le blesser, le surprend: pourquol ce

*

dédain? N'a-t-il pas rem~s de l'ordre dans la situation

l Ann'e Hébert, "Un grand mor:iage", in Le T rrent,

Montréal et Par is, HMH, coll. ilL' Arbre 1\ 1 vol. na 1972,

p. 182'.

,

,

r

, l

(41)

-37

\

flnanct~rc de son bc~u-p~reP N'~-t-ll pas une position

1

envIable ct cnvlé~? Augustln p~sse ~ côté du véritable pro-:Jlème car 11 est persuadé, comme la plupart de ses contempo-r ains,

. que l'acte amoureux est, de la part de la femme, un "service" qu'elle rend à l'homme; 1.1

"prend" son pLlisir et il donne en échange une compensation. Le.corps de la femme est un obJet qui s'achète; pour elle, 11 représente un capi-tal qu'elle est ùutorisée 0 exploiter. l

,

AugustIn est très fier de s'être aIllé à unê grande famille bourgeOIse, lUl, le flls d'un cordonnler et d'une lavandière. Son mariage avec la fille d'un aristocrate, lui

a

a apporté le prestige ct l'honorabillté sociale que sa réus-site flnanci~re seuIL ne lUl auialt JamalS permis d'obtenir. La grande perdante est la Jeune femme que l'9n a mariée sans lui demander son ûv1s et qUl n'a été, entre son père et son époux, qu'une monnale d'échange, un obJet que l'on vend ou

,

que l'on achète et de qUI l'on attend en plus des services.

Anne Hébert SItue la révolte de Marie-LouIse d21ns le refus de se donner

se~uellement'à'son

marI. Tous ses person-. nages féminIns éprouvent la même humillation face au devoir

lSimone de BeaUVOIr, Le Deux~ème Sexe, Paris, Gallimard, ,NRF-,-coll. Idées', nO 15"3, tome 2, 19-49, p. 16.

(42)

38

conJugal; alors que sous la contrainte elles sont presque

toutes fr~gides DU pilSS~VCS, elles retrouvent, dans le d6s~r

partagé, l'ivresse ùmoureuse. Que la cage soit dorée ou non,

Îè mariage est une p~lson pour les femmes hébert~ennes bien

qu'elles y trouvent une certaine sécurité et un

aft~ùnchisse-ment social impensable pour la cél_ibata~re de l'époque. Lil

femme mar~ée est maîtresse chez elle, alors que la célibataire

était la servante de sa fam~lle, chez les pauvres, et un para~

,

site dans les fam~lles bourgeoises.

La femme se devait de suivre le chemin que l.'Eglise

et l'Etat avaien~ défini pour~elle:

Jusqu'à la fin des années cinquante, tout ce qu'on voulut des femmes d'ici c'est qu'elles SOlent épou-ses et inères O'u ml.eux encore "épouépou-ses-vlerges-et-

"épouses-vlerges-et-mères" lorsqu'elles "embrassaient" la v~e

rellgleu-se. Tout un vocabula~re mystlco-rellgleux

s'atta-chalt

J

les persuilder de leur "noble mlsslon"

(. .) . I i ful - "en]Olnt" aux femmes de produlre

des enfahts catholiques et françals et de les mener

elles-mêmes à l'âge adulte, ou si la ~hose ne leur

sourialt pas, de se consacrer au-service de DlCU et

au SOlD des mdlades, des orphelins, des 6collers et

des dérnunls; le célibat lafque étant taxé d'égofsm,e

et d'lndivlduallsme. l

Les stéréotypes faisaient l'objet d'un~ telle

campa-gne de publicité' que Même les -vict~mes n'osèrent s'en

lQuébéco1.ses du }(Xe S lècle, textes c,hois is et

présen-tés par Michèle Jean, Ottawa, éd. du Jour, 1974, p. 13.

(43)

39

dissocier et les mères élevèrent leurs fl] les comme elles avaient été é)evéps, 'pour le malheur de celles-cl. Il n-' est

-:;'

pas facile de se d6fQ1re de tout un passé de dépendance et de soumission n1, à plus forte ra1son, d'adopter une attitude crltique. L'influence des coutumes et les presslons de

l'Eglise étaient telles qu "11 étal t malaisé de s' y

sous-tralre, pour ne pas dlre ~mpossible; à moins de s'exiler, ce qui n'~tùit pas à lù portée de nombreuses femmes, étant donné leur dépendance flnancière. Le service de D1eu, mOlns contraignant que celUi de l'homme, donnalt de la considéra-tian et du 'prestlge ~ celles qU1 le Cho1slssalcnt. La voca-tlon n'étalt pas u~ pr6requls indispensable: la règle y

"0 règle C[U1 me soutenait et deVù1 t m'acheminer doucement. vers le D1eu dont J'al pr_éféré, le serVlce ~ tous les autres S€rV1CeS offerts à la femme. Il l AinSi se lamente une

petite nonne Jetée dans le monde sans préavis et qUl s'estlme trahie.

Il fallùlt Lure du plus yrand nombre de petlt~es

filles des femmes conformes aux normes de la féminité, sans

..

~enir compte de leurs aSBirations légitimes et naturelles.

"

(44)

40

Les injustices les plus criantes furent Justlfiées pnr des citations blbllqUCS ou plus prosnïquement p~r le car~ct~rc

infaillible des propos des gouvernùnts rellgieux et laïques. La femme n'avait pas drolt ~ la parole, seul le maître savalt ce qui était bon pour elle. Anne Hébert, par l'il'ltermédlnire de son personnage d'Agn~s~ critlque la sufflsance do certains rellgieux:

Très tôt l'infaillibillté de certains prêtres m'a humilié l'esprit et rompu, le coeur, tandis que l'on m'~tEachalt la culpabillté au cou, comme une meule, pour me noyer; Nous n'avions

qu'~ nous talre, surtout les femmes. QU'lI

4nt

questlon de beau temps, de polltlque, d'art ou d'éducation, eux seuls possédaient 'la vérlté, et nous n'avlons yu'à nous en féliclter intérleu-rement, ma ~~re, ma soeur et moi. l

Eduquer une flll~1 c'était et, c'est encore très sou-vent falre vlolence à sa nature profonde afln qu'elle réponde

aux crit~res de la f6mlnité tels que vo~lus par la soclét~ et

les hommes en généra 1. Quel que salt l'acharnement de la fll-lette à préserver son mal prof0nd,'

II

lui faudra s' lncliner ou courir le rlsque d'ôtre ~eJetée. Dnn~ tous les cas, qu'elle SOlt docile ou révoltée, le moi sera déchiré et culpablilsé. La peti te fi] le se pIle, aV,ec plus ou moins de faclll té, aux

(45)

41

exigences de la fùmJlle, de l'école et de la société, croyant naïvement', comme on le lUl dIt, que son bonheur futur est

à

cc prix.

.'

D~s l'enfance, fliles et garçons sont élevés dlfférem-ment, même en 1981. On~ncourage l'agressivlté.du petit m~le et on falt tout pour développer son autonomIe; alors que l'on frelne et neutralise ces mêmes ~onctIons chez la yetlte fille. L' un doit apprendre à commander ct' l'autre à obélr. Le petit garçon vOlt son horIzon s 'élarglr de Jour' en jour' alors que celui de sa soeur sc"rétrécit de plus en plus VIte. A l ' Lln

l~ monde et ses défIs, à l'auire l'univers clos et monot6ne de

la maIson, du bureau, de l'atelier ou de l'usine avec, en plus, le travall de m~fe de faml11e et d'épouse.

.'.

L'éducatlon d'ElIsabeth est conforme à celle de toutes les filles de l~ bonne société de l'époque d'Anne Hébert. La petltB, audacieuse et indépendante, se cabre lorsque ses. tante\ veulent l ui incu~quer une "bonne éducation" l "af-in d' e~ falre une Jeune fille digne de son milieu, soumlse et docile. Ce n'est pas chose fuCIlê et les tantes se plaIgnent:

Pas moyen de la tenlr. Il n' y a rien ;) en faire. Je vous assu~~. Elle a le diable dans le corps. Vous ne réusslrez Jamais

, " -)

\

\

..

Figure

TABLE  DES  MATIERES  '--

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