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L'aménagement touristique durable, une ardente obligation

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Submitted on 5 May 2012

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L’aménagement touristique durable, une ardente

obligation

Vincent Vlès

To cite this version:

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Vincent VLES

Lʼaménagement touristique

durable, une ardente obligation

Rapport de recherche

Université de Pau et des Pays de l’Adour - U.M.R. C.N.R.S.

n° 5603 « Société, Environnement, Territoire »

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Quelques ouvrages du même auteur disponibles chez les éditeurs ou en téléchargement :

VLES V., 1996. Les stations touristiques, Paris : Economica, collection Économie

des Services Poche, n° 2, 111 p.

VLES V., 1996.Le projet de station touristique, Bordeaux : Presses Universitaires

de Bordeaux., 403 p. (C.I.D., 131, boulevard Saint Michel 75005 PARIS - épuisé) VLES V., 2001. Service public touristique local et aménagement du territoire, Paris : LʼHarmattan, collection Logiques sociales, 220 p.

VLES V., 2003. Aménagement touristique : les embarras dʼune décentralisation inachevée. Exemple aquitain, Pau: Hégoa n° 23, SET, Unité Mixte de Recherche du CNRS et de lʼUniversité de Pau et des Pays de lʼAdour, 103 p.

VLES V., BERDOULAY V., CLARIMONT S., MORALES (M). (2005). Espaces publics et mise en scène de la ville touristique, VLES V. (dir.), Paris, Ministère délégué au tourisme, Direction du tourisme et SET-CNRS-UPPA, Rapport final de

recherche, 97 p.

http://www.univ-pau.fr/RECHERCHE/SET/Auteurs/Vles/EPT_CNRS5603.pdf

VLES V. (2006). Politiques publiques dʼaménagement touristique. Objectifs, Méthodes, Effets.. Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, collection Le territoire et ses acteurs, 483 p., ISBN-10 : 2-86781-413-8

CLARIMONT S., VLES V. (2006). Tourisme durable et intercommunalité dans le massif pyrénéen, Analyse comparée transfrontalière, Rapport de recherche, Ministère de lʼEcologie et du développement durable, Ministère de lʼEquipement – PUCA, Programme de recherches “Politiques territoriales et développement durable”, Pau : Université de Pau et des Pays de l'Adour, 96 p, 8 cartes.

http://www.territoires-rdd.net/recherches_axe2.html ; disponible également en archives ouvertes http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00681571

CLARIMONT S., VLES V. (2008). Tourisme durable en montagne : entre discours et pratiques. Préambule et introduction, Paris : Editions AFNOR, 226 p., ISBN 2-12-475578-1, http://www.revue-espaces.com/librairie/7184/tourisme-durable-montagne-entre-discours-pratiques.html

VLES V. (2010). « Du moderne au pastiche : questionnement sur lʼurbanisme des stations de ski et dʼalpinisme». Mondes du tourisme, n° 1, juin 2010, pp 39-48. (on line 12 juin 2010 URL : http://www.revue-espaces.com/librairie/7743/urbanisme-architecture-stations-sports-hiver-stations-montagne.html) ;disponible en archives ouvertes http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00681491

VLES V. (dir), HATT E., LAFORGUE J-D., CLARIMONT S., SECHET P., DELETRAZ G. (2009). Requalification des stations anciennes. Caractérisation du vieillissement et identification des stratégies de reconquête. Application sur le littoral landais à Seignosse-Océan. UPPA-Conseil Général des Landes, 24 novembre, 312 p. Disponible en archives ouvertes http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00681565

VLES V. (2011). « Entre redynamisation urbaine et banalisation des espaces : tensions et enjeux de lʼurbanisme touristique ». Mondes du tourisme, n° 3, juin 2011, p.14-25 URL : http://www.revue-espaces.com/librairie/8053/urbanisme-touristique-immobilier-loisirs-stations.html ; disponible en archives ouvertes

http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00681501

VLES V. (2011). La diversification de lʼéconomie « neige », créatrice de nouvelles solidarités territoriales en montagne. Pau : Université de Pau et des Pays de

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Ce livre est le fruit dʼune expérience de terrain comme conseil, expert ou chercheur auprès des collectivités locales, des services de lʼEtat français, et comme élu local. Il est aussi lʼexpression dʼun enseignement principalement dispensé depuis 1985 dans les universités de Bordeaux, de Pau et de Paris.

Il sʼadresse aussi bien à des étudiants quʼà des praticiens du développement territorial.

Mes remerciements vont à toutes celles et à tous ceux qui mʼont apporté leur soutien dans cette entreprise et plus particulièrement :

- au Conseil régional dʼAquitaine (Direction de lʼAide aux collectivités locales 1983 - 1986, Direction de lʼaménagement du territoire 1987 - 2003, Délégation régionale au Plan 1998 – 2000, Direction du tourisme 2001 2005, CCRRDT 2000 – 2002, Service Pyrénées 2004 – 2005, Comité régional au tourisme 1988 – 2004) et au Conseil économique et social dʼAquitaine 1997, 2005.

- à la DATAR (2001, 2005), à lʼAgence Française dʼIngénierie Touristique (2000), à ODIT France /DEATM Toulouse (1991, 2004), au Ministère délégué au Tourisme (2004 – 2005), au Ministère de lʼEcologie et du développement durable (2004–2006),

- à la Direction régionale des affaires culturelles dʼAquitaine 1995,

- aux Cabinets et services des Conseils généraux de Gironde et des Landes 1997 – 2004,

- à Jean-Pierre Lauwereins, Président dʼExtel – pour lʼappui permanent de la Société Centrale dʼEquipement du Territoire et du groupe Caisse des Dépôts et Consignations,

- aux nombreuses villes et aux communes qui mʼont ouvert leurs archives et confié des missions de montage de projets de développement touristique.

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Sommaire

SOMMAIRE ... 5

PROLOGUE ... 7

INTRODUCTION ... 9

1. OBJET ET METHODES DES POLITIQUES D’AMENAGEMENT TOURISTIQUE ... 20

11. DOCTRINES DE L’AMENAGEMENT TOURISTIQUE ... 21

12. UN DOMAINE D’INTERVENTION RECENT ... 33

2. ACTEURS ET MOYENS DE L’AMENAGEMENT TOURISTIQUE ... 179

21. L’ADAPTATION DE L’OFFRE A L’ECONOMIE DES LOISIRS ... 181

22. LES ACTEURS LOCAUX : COMMUNAUTES DE COMMUNES ET STATIONS CLASSEES .. 185

23. LE ROLE GRANDISSANT DES REGIONS ET DEPARTEMENTS ... 195

24. LE DESENGAGEMENT PROGRESSIF DES ETATS ... 206

25. LA GESTION DE L’AMENAGEMENT TOURISTIQUE PAR LE SERVICE PUBLIC TOURISTIQUE LOCAL ... 224

3. FORMES ET RESULTATS DES POLITIQUES D’AMENAGEMENT TOURISTIQUE ... 252

31. LA FIN D’UN OXYMORE : L’ESSOR DE L’ENJEU TOURISTIQUE URBAIN. ... 254

32. L’AMENAGEMENT TOURISTIQUE RURAL ... 282

33. L’AMENAGEMENT TOURISTIQUE ET LA PROTECTION DE LA MONTAGNE. ... 322

34. LA PROTECTION ET LA MISE EN VALEUR TOURISTIQUE DU LITTORAL ... 371

EPILOGUE ... 411

TABLE DES MATIERES ... 419

TABLEAUX ... 422

BIBLIOGRAPHIE ... 423

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1. Les données chiffrées figurant dans cet ouvrage sont les dernières connues pour la catégorie précisément citée. Les méthodes dʼenquêtes, de recensement et lʼévolution des observations étant parfois très variables dans le secteur du tourisme, certains chiffres ne peuvent pas être mis à jour à périodicité fixe : les formes des comptages, leur nature qui change selon les organismes commanditaires rendent parfois les comparaisons difficiles. Cʼest pourquoi certaines données qui figurent ici peuvent dater parfois de quelques années.

Sauf indication contraire, les chiffres correspondent aux publications 2002 ou 2003 (évaluations et décomptes 2001-2002).

2. Les sommes évaluées en francs (portant sur des opérations programmées ou réalisées avant lʼan 2000) figurent généralement en francs. Les sommes évaluées sur des opérations engagées ou à réaliser à partir du 1er janvier 2000 figurent la plupart du temps en euros. Lorsque les délais le permettaient, il est apparu utile, cependant, de convertir le maximum de montants dʼinvestissement afin de faciliter les comparaisons.

3. Ce symbole (*) renvoie au lexique en fin dʼouvrage.

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Prologue

Lʼaménagement touristique « durable », une ardente obligation

Dans une recommandation au Conseil des ministres et à la Commission prise en septembre 2005, le Parlement européen place le développement touristique au cœur des stratégies de développement durable et le définit comme une priorité de tout premier plan pour les politiques publiques territoriales des états européens1

. Pourtant, avec la globalisation, nombreux sont ceux qui, dans les pays capitalistes des années 90, avaient tourné leur regard vers le marché en pensant quʼil serait dorénavant le grand ordonnateur de tout développement et, désormais, la seule référence de lʼintervention publique. Cʼétait faire fi de lʼeffet de levier que constitue encore pour demain le tourisme durable dans lʼaménagement du territoire.

Le développement touristique traditionnel a longtemps fonctionné sur un modèle de croissance extensif lui-même basé sur lʼaugmentation constante du nombre de visiteurs (indépendamment de la capacité dʼaccueil des territoires) et la priorité des bénéfices à court terme. Son paradigme a souvent reposé sur une offre banale, consumériste et standardisée, peu liée aux cultures et traditions locales. Les conséquences de cette économie apparaissent vite dans la forte pression quʼelle fait peser sur lʼenvironnement en termes de détériorations et de pertes irrémédiables des qualités paysagères des territoires de destination. En effet, entre les divers modèles qui ont présidé à lʼaménagement touristique en Europe même, celui qui a prédominé depuis cinquante ans en Italie, en Espagne et en France est un tourisme de masse basé sur une offre standardisée de produits touristiques qui ont permis de gérer la demande dʼun nombre élevée de touristes. Ce tourisme de masse a généré une croissance économique très forte sans prendre toujours bien en considération ni lʼusage rationnel du territoire ni la conservation des systèmes naturels. En face de ce modèle touristique sans contrôle, une revendication sʼest peu à peu faite jour au sein des sociétés exigeant un tourisme « soutenable » qui rende le développement de lʼactivité compatible avec le respect de la préservation des espaces naturels, des cultures et des sociétés.

Les sociétés modernes ont pris lentement conscience que la dépendance dʼun territoire vis-à-vis du seul marché touristique, sans politiques publiques qui permettraient de le contrôler et de lʼencadrer, reproduit sans coup férir les avatars propres à une économie de consommation avec son lot de gaspillages et dʼatteintes irréversibles sur lʼenvironnement social, culturel et naturel. Ce que

1

Résolution du Parlement européen sur le tourisme et le développement (2004/2212(INI)), textes adoptés par le Parlement Jeudi 8 septembre 2005 - Strasbourg, Edition

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souhaitent dorénavant les sociétés locales, cʼest un contrôle par les citoyens du développement de leur territoire par le biais de politiques publiques participatives. Ce mouvement touche au premier chef la définition des politiques de loisirs : la pratique et lʼusage des espaces géographiques, revendiqués par les sociétés et également par de plus en plus de touristes, sʼinsèrent dans lʼapprofondissement de la démocratie et de ses institutions. Lʼhistoire récente des politiques publiques dʼaménagement touristique depuis 1946 en France, mais également partout en Europe, montre que lʼidée que le tourisme doit être soumis à un projet local et maîtrisé dans le temps est la seule qui en rende les contraintes acceptables, et pas seulement du point de vue environnemental : il doit devenir « durable ». La revendication forte de sa gestion démocratique fonde le nouveau paradigme de lʼaménagement touristique.

Ce qui devient essentiel, ce nʼest plus seulement comme dans les années 1970-1990 de suivre et de satisfaire la demande en programmant localement une offre dʼhébergement ou de produits standardisés. Aujourdʼhui, ce qui est important, cʼest la maîtrise de cette demande. Pendant un siècle, lʼespace et lʼénergie étaient en abondance et bon marché. De nos jours, les sociétés sont tenues de mettre en place des modes de consommation plus efficaces non pas à cause seulement dʼune pénurie de ressources, mais en raison de contraintes socio environnementales plus larges : bruit, pollution, appauvrissement des liens sociaux, perte des particularités et des identités culturelles. Les aménageurs touristiques sont appelés à participer et plus encore sans doute à anticiper les changements des comportements des producteurs et des consommateurs pour maintenir les grands équilibres qui fondent la démocratie.

Lʼidée quʼil est possible de consommer moins dʼespace et dʼénergie sans restreindre la pratique touristique tout en transformant lʼidée que lʼon se fait de la croissance économique fait peu à peu son chemin.

Cet ouvrage a lʼambition de montrer comment la nécessité du recours à lʼaménagement touristique durable du territoire est apparue très lentement mais de manière sensible et continue en France depuis les années 1975, comment elle sʼest concrétisée dans les modes de production de lʼéquipement et de lʼurbanisme touristiques mais également dans les formes de sa gestion par lʼEtat, les collectivités territoriales et les sociétés locales.

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Introduction

Objet et méthode

Cet ouvrage est un peu particulier. En effet, il reprend partiellement certains thèmes et conclusions publiées il y a dix ans dans ce qui fut la seconde partie du « projet de station touristique »2. Cʼest donc en partie la réédition entièrement

actualisée, refondue, restructurée et augmentée dʼune publication qui a participé à la réflexion scientifique et technique relative à lʼaménagement touristique local3.

Lʼoccasion est ici donnée de légitimer et de promouvoir à nouveau la connaissance des politiques publiques dʼaménagement et de développement touristique local auprès de ceux qui désirent les connaître mieux, de ceux qui les utilisent, de ceux qui en définissent la portée et la nature. A la suite de la deuxième vague de cette « décentralisation » dʼaoût 2004, très controversée en ce qui concerne le tourisme, il importait de refonder entièrement la présentation et le contenu du discours sur les politiques publiques dʼaménagement touristique en lʼenrichissant des apports de nombreux débats, dʼavancées notoires des pratiques sur le terrain et de lʼévolution des politiques en cours. En les articulant et en les synthétisant, cet ouvrage reprend donc les conclusions dʼune série dʼarticles publiés par lʼauteur ces dernières années sur lʼévolution de lʼurbanisme touristique sur le littoral, la restructuration des domaines skiables et lʼadaptation du fait touristique à lʼenvironnement montagnard, la mise en scène de la ville touristique et les pratiques décentralisées de son aménagement4.

2 V. Vles, Le projet de station touristique, Bordeaux : Presses Universitaires de Bordeaux.,

1996, 403 p, ISBN 2-86781-184-8, (C.I.D., 131, boulevard Saint Michel 75005 PARIS)

3 P. Merlin, Tourisme et aménagement touristique, des objectifs inconciliables ?, Paris : La

Documentation française, col. Les Etudes de la Documentation Française, 2001, 216 p.

4

V. Vles et al., « A propos de la tourismologie, la science par autoproclamation », Espaces, n° 178, Paris : Editions ETE - G.D.R. CNRS n° 503-, 2001, p. 16 à 19. ; « Autour de lʼimage de la cité : urbanisme et production touristique », Communication aux XXVIIIèmes Journées

de Géographie du Tourisme et des Loisirs de Lyon, 9 – 10 – 11 mai 2001, 13 p. ; V. Vles et

A. Escadafal, Lʼapport des stations et territoires touristiques au développement local, rapport dʼétude, Paris : Délégation à lʼAménagement du Territoire et à lʼAction Régionale – Université Michel de Montaigne-Bordeaux 3, 2000, 50 p. ; Service public touristique local et

aménagement du territoire, Paris : LʼHarmattan, collection Logiques sociales, 2001, 220 p, Aménagement touristique : les embarras dʼune décentralisation inachevée. Exemple aquitain, Pau: Hégoa n° 23, SET, Unité Mixte de Recherche du CNRS et de lʼUniversité de

Pau et des Pays de lʼAdour, 2003, p, ISBN 0937-9366 ; Espaces publics et mise en scène

de la ville touristique, Rapport intermédiaire, UPPA-Laboratoire SET UMR 5603 et Ministère

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On essaie ici de comprendre, dʼutiliser et de sʼinsérer dans les politiques et les techniques de management touristique local pour y déceler ce qui a changé dans les modes opératoires, comment sont apparues les différentes formes de la prise en compte de la « durabilité ». Lʼouvrage revêt, pour cela, une forme un peu particulière : à la fois descriptif, historique et analytique, ce nʼest ni un manuel (qui ne serait quʼune compilation ordonnée dʼinformations objectives), ni un ouvrage de recherche fondamentale (avec exposé et démonstration dʼune hypothèse dʼexplication dʼun phénomène isolé). Descriptif, il dresse un tableau aussi riche que possible des politiques publiques touristiques locales des territoires français et européens, de leurs effets dans leur contexte mondial et de leurs évolutions. Historique, il contient des renseignements sur la genèse de ces politiques et des organismes qui les ont conduits, objet de culture en soi bien évidemment, mais surtout instrument de connaissance pour celles dʼaujourdʼhui ou de demain. Analytique, le propos nʼest pas seulement dʼen dresser un état des lieux définitif, mais bien également de tenter lʼévaluation des pratiques de « durabilité » sur le terrain. Il ne pouvait être question de renoncer à lʼun de ces objectifs pour nʼen privilégier quʼun autre. Cʼest pourquoi le propos lie en permanence des savoirs théoriques ou parfois à tendance encyclopédique à des exemples et des études de cas concrets, donc très circonscrits dans le temps et dans lʼespace (exemplarité de politiques locales dʼéquipement et dʼhébergement touristiques, méthodes de management territorial du tourisme, évolutions des couples produits/clients en station ou équipement touristique, gestion des grands sites, clubs dʼinvestisseurs, schémas directeurs dʼaménagement touristique, connaissances des partenaires, actions sur la qualité de service,…).

Lʼensemble de lʼessai repose entièrement sur lʼanalyse des méthodes de lʼaménagement et du management touristique local dans leurs dimensions dʼanticipation, dʼimplantation négociée et de médiation. Lorsque les espaces sont différenciés (la ville littorale, la ville montagnarde, la ville à la campagne...), après un exposé de cadrage économique général portant sur la consommation touristique qui vise à marquer les continuités ou les différences économiques, chaque thème dʼintervention fait lʼobjet dʼune analyse diachronique des modes dʼintervention publique et dʼune tentative dʼévaluation de leurs résultats.

Le premier chapitre interroge longuement lʼévolution des doctrines et les méthodes générales de la prospective touristique territoriale. Les chapitres suivants fournissent des applications sur des cas concrets de modes de gestion des politiques touristiques dans leur environnement spatial et institutionnel. Car il nʼy a pas de pensée hypothético-déductive sans exemples. En raison du

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foisonnement des expériences locales, ceux-ci ne sauraient, toutefois, prétendre à lʼexhaustivité. Lʼouvrage nʼest donc pas une compilation désordonnée dʼétudes de cas. Son rôle est double : il consiste à retenir et à classer les expériences les plus fréquentes, sans la connaissance desquelles il serait impossible de comprendre la réalité de ces politiques publiques locales, et à présenter celles qui sont révélatrices dʼéchecs ou de réussites.

Dans lʼexposé de ces exemples, on se réfère à des équipes dʼétude dirigées en laboratoire de recherche universitaire et qui ont souvent travaillé en groupes pluridisciplinaires. Leurs travaux couvrent des exercices souvent délicats de planification et de management sur une station ou une ville. Cʼest pourquoi une partie des ouvrages de référence figurant en bibliographie sont des études de cas concrets quʼon ne trouve pas en librairie mais seulement dans les services de prêt inter-bibliothèques des universités. Lʼanalyse des expérimentations que constituent ces études va de lʼexposé de la commande dʼun programme (de tourisme durable) au projet de management en le resituant dans son contexte institutionnel, en définissant ses enjeux, identifiant les stratégies possibles des acteurs, évaluant lʼavant-projet sommaire (pré-programme) et en étudiant les phases opérationnelles de sa conduite sur le terrain (échéancier, maîtrise dʼouvrage, coûts et financements).

Lʼensemble des analyses porte donc plus sur les faits de terrain que sur les discours et les représentations.

Aménagement touristique

Car les collectivités locales mettent en œuvre, depuis 1990, des politiques touristiques renouvelées, conformes à la mission de développement économique que leur donne le Code général des collectivités territoriales. Le Conseil dʼEtat, dans une décision prise en 1985, a considéré que cette mission était une mission de service public5. La grande variété des opérations dʼéquipement et les

expériences nouvelles de gestion développées par ce service public confortent les modèles dʼun aménagement du territoire transformé par les pouvoirs locaux, qui a cessé dʼêtre uniquement fondé sur lʼutilité économique et le zonage fonctionnaliste. Les opérations et les missions locales révèlent une intervention spatiale diversifiée, plus soucieuse des volontés et des possibilités locales, dans un schéma où les collectivités ne copient plus un modèle de développement mais tentent de sʼadapter à une économie soutenable.

Voici posés les cadres du propos : on y analyse le rôle des territoires touristiques dans l'économie, leur production immobilière, les politiques d'aménagement durable qui encadrent leur développement et leurs modes de gestion. On y examine les conditions du développement touristique du territoire sous lʼangle de la

5 Lʼensemble des bases juridiques de cette mission dʼintervention publique est analysé

dans : Vincent Vlès, Service public touristique local et aménagement du territoire, Paris : LʼHarmattan, collection Logiques sociales, 2001, 220 p

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maîtrise institutionnelle des politiques touristiques dʼurbanisme. On y présente les nouveaux modèles de fonctionnement du service public touristique local, fondés sur les principes de liberté dʼentreprendre des collectivités locales, dʼégalité et de différence dans la question de lʼéquité territoriale. Et ce, tout en maintenant la mixité des interventions publiques et privées propres à ce secteur : on y interroge des politiques de management qui fondent lʼaction publique sous des modalités souvent pour le moins originales.

Le lieu touristique, qui est une destination pour les voyageurs, tire son originalité économique du processus inversé qui lie la consommation touristique au déplacement des consommateurs vers le produit à consommer. Ce phénomène de délocalisation a le grand avantage de permettre, par la mesure des flux de clients, l'évaluation de la consommation mais également celle des processus de relocalisation qui concernent la production des équipements d'accueil. On aurait tort cependant de réduire l'analyse des destinations à la perception de sommes d'argent se déplaçant dans l'espace. La réduction de la connaissance des flux à celui de la connaissance des pouvoirs d'achat, des investissements, des gisements économiques est lourde de signification : cette forme de mépris (Urbain, 1991 : 47) dévalorise le touriste en ne le reconnaissant pas en tant qu'homme. A terme, elle dévalorise donc également ce même produit, le banalise et, ce faisant, provoque en station des références et des comportements anti-touristes. Si l'estimation économique légitime l'action du planificateur, la estimation culturelle du tourisme peut déterminer sa sous-estimation économique. Le travail sur la satisfaction du visiteur en tant qu"être culturel" est indissolublement lié à la valorisation à long terme de la station. La différence fondamentale entre le touriste et la vache à lait est que le touriste est Homme : au fil des années, « l'homo touristicus », exigeant, a acquis une autonomie de décision qui embarrasse déjà (et embarrassera sans cesse davantage) les professionnels de la commercialisation du produit touristique. Les tenants de l'optique "produit" le savent pourtant bien : on n'attire pas le touriste en station comme on écoule des paquets de lessive en supermarché. La différence entre ces deux "objets" qui justifient leur mise en vente est essentielle et réside entièrement dans leur contenu : le produit touristique témoigne de l'insertion dans la vie sociale et culturelle et réfère à l'épanouissement de l'individu ; c'est un service d'enrichissement de l'être humain. Le paquet de lessive est d'essence purement utilitaire et matériel : il agit sur le paraître.

Ces raisons, qui paraissent essentielles, fondent la présentation qui suit de la station comme destination(*). On y place l'analyse économique à ce qu'elle doit rester à nos yeux : un moyen contrôlé, non une fin.

Le terme de station(*). est très souvent employé pour désigner la seule urbanisation touristique des bords de plage ou de haute montagne. Cette réduction

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est étymologiquement erronée : le mot station vient du verbe latin stare ; statio = je m'arrête, je reste. Gérer une destination, cʼest seulement y faire venir les touristes, alors que gérer une station, cʼest aussi les faire rester au moins pour une nuitée, au mieux pour un séjour. Petite ou grande, la ville touristique qui accueille des voyageurs pour des arrêts de courte ou de longue durée est donc une station. En termes économiques, le territoire touristique est un système spatial de production et de distribution de biens et services de loisirs : unité géographique, économique et sociale organisée d'hébergements et d'équipements offrant un ensemble de prestations généralement diversifiées, elle est gérée comme une ville, mais aussi comme un pôle de vente de services regroupant des entreprises variées. La commune est juridiquement fondée à se déclarer responsable de leur coordination et de la promotion du site. Cependant, la station n'étant pas une structure de droit privé, la municipalité n'a pas autorité sur les opérateurs économiques et acteurs sociaux locaux. Du point de vue social et culturel, la ville touristique offre des activités de loisirs fondées sur la mise en valeur de ressources naturelles (rivages de mer, montagne, eaux thermales, espaces agro-sylvo-pastoraux, patrimoines culturels), ou sur l'enrichissement personnel (de l'esprit, du corps). Elle permet à des populations différentes de se rencontrer, de se connaître. En termes d'aménagement du territoire et de planification économique et sociale, c'est à son niveau qu'est effectivement organisé le tourisme et qu'il produit une valeur ajoutée. Ce tourisme contribue à polariser l'urbanisation et à créer de la richesse économique. Seules les villes ou les agglomérations, quelle qu'en soit la taille, offrent les fonctions de service et de commandement nécessaires à la pratique de l'activité touristique. Elles rythment la répartition de la consommation touristique en pôles aux formes, à la nature et au fonctionnement différents.

Aujourdʼhui lʼaménagement et lʼurbanisme ne sont plus dans lʼignorance de ce secteur dʼactivité mais plutôt volontiers dans sa reconnaissance. En conséquence, il importait de faire un point complet sur les recherches et les pratiques récentes dans un secteur dʼavenir de lʼaménagement touristique qui lui a longtemps tourné le dos : le tourisme urbain et sa gestion publique. Lʼoxymore produit par les deux termes « tourisme » et « ville » disparaît peu à peu pour lʼurbaniste. Faire du tourisme, ce nʼest plus fuir la ville ! Intégrer les problématiques du tourisme durable dans la gestion urbanistique de la ville devient peu à peu envisageable. Le tourisme apporte ici un éclairage nouveau à des disciplines déjà installées : comment, par lʼimage quʼil permet de délivrer dʼun lieu , pose-t-il des problèmes nouveaux (de mise en scène des espaces publics, par exemple) que lʼurbanisme ne se posait pas ? La ville (la station, le village, le site) est de plus en plus perçue, conçue comme une scène touristique et les interrogations sur sa mise en forme sont nombreuses. Cette perspective est dʼautant plus importante quʼelle traverse tous les milieux (la ville internationale, la station balnéaire, la station dʼalpinisme et de sports dʼhiver, le village de caractère ou la station verte de vacances) et interpelle des disciplines variées : urbanisme, sociologie, anthropologie, géographie, économie, gestion, histoire de lʼart, architecture, management public...

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Si le tourisme urbain est lʼune des formes les plus anciennes de lʼactivité touristique, la ville nʼest vraiment prise en considération par les politiques publiques dʼaménagement touristique que depuis le milieu des années 90, à quelques cas près, dʼailleurs limités aux capitales. Aujourdʼhui, le tourisme apparaît comme un véritable enjeu pour les cités petites ou grandes tant du point de vue économique que par la production dʼune image valorisante susceptible dʼaccroître leur attractivité. En France, les villes génèrent désormais la plus forte consommation touristique, estimée à 23,6 milliards dʼeuros, dont 60 % proviennent des touristes étrangers. Le tourisme urbain représente 25 % des nuitées totales, 30 % des séjours effectués par les Français eux-mêmes (soit la deuxième place dans le choix de la destination de vacances, devant la mer et la montagne) et 40 % des séjours effectués par les étrangers (Direction du Tourisme, 2003).

Cette activité est loin dʼêtre anecdotique car en termes de chiffre dʼaffaires, le tourisme représente la première activité économique mondiale. Dans lʼUnion européenne ce secteur emploie directement 9 millions de personnes et participe à hauteur de 5,5 % du P.I.B. européen. Les régions du Sud sont particulièrement concernées (plus de 10 % pour la Toscane, lʼAndalousie, 8 % pour lʼAquitaine, lʼAragon). LʼEurope compte 12 des 40 premières destinations de vacances dans le monde. La majorité des Européens restent dans leur pays dʼorigine ou se rendent dans un autre pays européen pour y passer leurs vacances. Plus de 90 % des Européens fixent leurs séjours dans des villes, que ce soient des centres urbains montagnards, des stations littorales (63 % des Européens portent leur préférence sur les plages bordant la Méditerranée), des sites patrimoniaux du continent, des stations nouvelles, anciennes, des « villages verts » ou des europoles.

Lʼimportance du tourisme pour les cités et les territoires est aujourdʼhui indiscutable. Les nouvelles politiques locales le montrent à trois niveaux :

- la mise en place de stratégies de développement du tourisme par les collectivités locales urbaines (qui nʼexistaient, avant les années 1990, que dans les très grandes destinations internationales) et la recherche de lʼefficacité de leur système municipal ou intercommunal de gestion touristique,

- le développement du tourisme comme une stratégie pour définir un modèle de territoire du présent et du futur, dans une dialectique renouvelée des processus de production et de consommation des services et dans une recherche différente du sens donné aux espaces urbanisés : espaces de production, espaces de consommation, scènes symboliques et de représentation, espaces de pratiques ludiques pour les habitants permanents,

- le tourisme comme moyen pour renforcer la fonction internationale et les avantages concurrentiels de la cité sur la scène mondiale.

(16)

La ville touristique, la station est donc avant tout une collectivité territoriale organisée autour dʼhébergements, dʼéquipements et de services marchands. Elle concentre un volume de lits hôteliers, para-hôteliers et non banalisés important et offre un ensemble de prestations ludiques ou de découverte toujours plus diversifiées. Gérée par une collectivité locale (commune, communauté de communes ou dʼagglomération), la cité est aujourdʼhui appréhendée et dirigée comme une station touristique dont on cherche à rapprocher les activités, cʼest-à-dire comme une unité de production et de consommation de loisirs constituée de sites multiples, souvent indépendants à lʼorigine mais qui le sont de moins en moins. Il est rare, cependant, que lʼensemble des services ou équipements touristiques urbains soient gérés par un seul prestataire et encore plus rare quʼils le soient par la seule collectivité locale. Dans ce cas, et dans ce cas seulement, on peut faire lʼanalogie en Europe avec la « station intégrée » américaine ou des destinations tropicales artificielles, le « resort ».

Destination complexe, difficile à cerner et plus encore à gérer, le territoire touristique est multiforme et regroupe des pratiques (tourisme dʼagrément, de vacances, dʼaffaires, de passage) et des durées de séjours qui varient fortement. Lʼarticulation du marketing et de lʼaménagement (le tourism planning des anglo-saxons) dans ce système territorial combine production et distribution de biens et services marchands. Cette intervention relève dʼorganismes touristiques locaux au statut et aux compétences aujourdʼhui enfin presque totalement clarifiés qui mettent en œuvre les politiques publiques locales de développement touristique dans un cadre juridique, fiscal et technique codifié. Le management des services touristiques locaux fait appel à des savoir-faire précis et spécialisés, notamment dans lʼexercice des fonctions de commandement, de coordination, de prospective et de développement territorial. La charge dʼassurer, en partie ou en totalité, des missions touristiques fondamentales revient aux collectivités dans la quasi-totalité des pays démocratiques : accueil et information de la clientèle, réservations centralisées et partagées, promotion et communication publicitaire, relations publiques, animation générale des loisirs, appui technique ou commercial auprès des entreprises et des hôtels, exploitation de services dʼéquipements de loisir et forfaits produits/hébergements, fabrication et commercialisation de produits touristiques à lʼéchelon du bassin touristique, aménagement des espaces publics, construction et vente de biens immobiliers, recherche dʼinvestisseurs, dʼaménageurs, dʼexploitants ou de prestataires spécialisés.

Mais ces missions ne relèvent pas que de la sphère publique : afin de faire bénéficier pleinement leur entreprise des avantages des réseaux économiques dans lesquels ils insèrent leur activité, les hôteliers, restaurateurs mais également tous les services liés à lʼorganisation et au déroulement des séjours (transports, commerces, gestionnaires dʼévénements, de congrès, dʼéquipements ludiques, de

(17)

salles de spectacle, agences immobilières) participent à la réflexion sur les missions et les méthodes de travail des organismes publics ou parapublics de conception des politiques dʼaménagement et de développement touristique.

Ces mouvements de fond qui traversent la gestion de la cité sont suffisamment puissants et nouveaux pour quʼon sʼattarde sur leurs tenants, enjeux et aboutissants.

Tourisme durable et gestion intégrée du territoire

6

Les chercheurs sʼaccordent à dire que le concept de « développement durable », de nature polysémique, est encore extrêmement controversé. Certains y voient un oxymore, forme linguistique qui concilie les contraires et qui relève donc dʼabord du discours diplomatique (Rist, 1996 : 315). Pour ceux-ci, le développement durable serait une « opération de camouflage [qui] apaise les craintes provoquées par les

effets de la croissance économique pour empêcher sa radicale remise en cause »

(id. : 316). Les approches critiques du concept ne manquent pas (Blot, 2005 : 129-146). Cependant, la montée en puissance de la question des limites des ressources naturelles, des problèmes sociaux, économiques et culturels dans la notion de développement a progressivement poussé les gouvernements vers lʼobjectif dʼun « développement socio-économique équitable respectueux de

lʼenvironnement » (Sachs, 1997 : 16).

Le concept de « tourisme durable », dans son mode dʼapproche globale (environnementale, économique, sociale et éthique) apparaît au sein de ce courant de pensée et a trouvé un écho et des applications opérationnelles de plus en plus réelles dans les politiques publiques nationales puis régionales depuis une huitaine dʼannées. Issu du rapport Bruntland (1988), qui décrit le développement durable comme « un processus de changement par lequel lʼexploitation des ressources,

lʼorientation des investissements, les changements techniques et institutionnels se trouvent en harmonie et renforcent le potentiel actuel et futur de satisfaction des besoins des hommes », le tourisme durable marque la priorité donnée dorénavant

à des problématiques plus globales que sectorielles (Hunter, 1997 ; Céron Dubois, 2002 : 11). Il sʼagit, sur le long terme, de conjuguer les dimensions sociales, économiques et environnementales avec le tourisme, qui, lorsquʼil nʼest pas maîtrisé, devient facteur de dégradation des milieux naturels et de désorganisation des sociétés.

6 VLES (V), CLARIMONT (S),Tourisme durable et intercommunalité dans le massif

(18)

Lʼessor paradigmatique du référentiel « tourisme durable » est rapide et récent. En 1992, lʼAgenda 21 ne mentionne le tourisme que très brièvement : Aucun chapitre nʼest spécifiquement consacré au tourisme (alors que lʼagriculture, lʼindustrie, les services et même lʼeau font lʼobjet, chacun, dʼun important chapitre). Pourtant, une première interrogation porte sur son impact sur la consommation dʼénergie, la pollution atmosphérique et sa contribution à lʼeffet de serre (WTTC, 1997). La croissance continue des transports et des mobilités touristiques contribue largement aux émissions de gaz et les déplacements liés aux loisirs sont devenus un des principaux facteurs de conflits entre développement durable et développement touristique : effet de serre, énergie, pollution de lʼair, bruit, morcellement des habitats, coûts sociaux des déplacements remettent en question lʼorganisation traditionnelle de lʼaménagement touristique. Dʼautres problèmes, plus localisés, comme lʼartificialisation des milieux fragiles en montagne, la consommation dʼeau, lʼappauvrissement de la biodiversité sont lʼobjet dʼune attention nouvelle de la société. De manière plus systématique, depuis 5 ans les impacts du tourisme sur les pollutions, lʼérosion, la flore et la faune, la consommation des ressources naturelles, lʼurbanisme et lʼarchitecture, les paysages ont alimenté le discours sur le tourisme durable (Fullana, Ayuso, 2001 : 26).

Le thème de la durabilité du tourisme est enfin largement débattu en 1995 à la Conférence de Lanzarote, réunie pour débattre des moyens de contrôle du tourisme balnéaire dans les îles (notamment Canaries et Baléares), qui débouche sur lʼadoption dʼune Charte du tourisme durable. Cette dernière inspire une Charte européenne du tourisme durable dans les espaces protégés (1999), élaborée par un groupe mixte composé de représentants des organismes de gestion des espaces protégés européens, du tourisme et de leurs divers partenaires. Cʼest la Fédération EUROPARC qui est à lʼorigine de lʼinitiative. La Charte européenne renvoie aux trois dimensions utilisées pour définir le développement durable :

- environnementale : préservation des ressources naturelles en vue de leur transmission aux générations futures (solidarité intergénérationnelle) ;

- économique : un développement viable à long terme ; - sociale : équité et participation des populations.

Les principes du tourisme durable y sont définis comme «la forme de

développement, aménagement ou activité touristique qui respecte et préserve à long terme les ressources naturelles, culturelles et sociales, et contribue de manière positive et équitable au développement économique et à lʼépanouissement des individus qui vivent, travaillent ou séjournent dans les espaces protégés » (p. 3). Les objectifs affichés dans la Charte sont donc

dorénavant de « répondre aux attentes de nouvelles clientèles européennes en

et du Développement Durable – Laboratoire SET UMR 5603 CNRS-Université de Pau et des Pays de lʼAdour, 2005, 211 p.

(19)

redonnant du sens au voyage : celui de prendre le temps de découvrir et de rencontrer dʼautres gens, dʼautres lieux, de sʼenrichir de cette rencontre en donnant un peu de soi ».

Cependant, ni le concept de « tourisme durable » ni sa mise en application nʼont été jusquʼici clairement définis, ce qui place les acteurs et opérateurs locaux dans une grande méfiance vis-à-vis de ce terme. Dʼautant que le tourisme durable nʼest pas seulement une adaptation du discours sur le développement durable. Le concept renvoie à des problématiques spécifiques, nouvelles et très précises posées à la société dans le domaine particulier des loisirs et de lʼaménagement touristique tels quʼils ont été conçus pendant les « trente glorieuses ». Les questionnements actuels de la société concernant le tourisme sont devenus très précis et restent souvent encore sans réponse. Par exemple, on ne peut plus réduire lʼévaluation du tourisme à une dialectique économie - environnement, mais on doit le replacer au centre dʼune problématique de territoire : Que rapporte le tourisme ? A qui ? Comment est-il vécu et accepté par la société locale ? Pose-t-il des problèmes dʼenvironnement social, économique, écologique locaux? Au-delà du territoire, comment le tourisme participe-t-il à lʼéquilibre global des sociétés ? Le territoire concerné contribue-t-il à la cohésion de la société en accueillant le temps des vacances des publics variés ? Le tourisme rentre-t-il par exemple en concurrence pour lʼusage de lʼeau avec des activités situées dans le même bassin versant ? A-t-il des effets sur les équilibres naturels ou humains au-delà du territoire de destination ? ...

Lʼensemble de ces questions renvoie à la nécessaire coordination des projets et programmes qui ne traitent pas seulement du tourisme en tant que branche économique créatrice dʼemplois et de services : parce quʼil fait intervenir ou se greffe sur tous les autres secteurs dʼactivité (transports, environnement, agriculture, ressources en eau, paysages, hébergement, habitat et urbanisme, ramassage et traitement des déchets, etc.), le tourisme durable suppose que les opérateurs dépassent dorénavant la simple procédure dʼaménagement ou le très classique plan dʼaction « marketing de produits de séjours » : il requiert la mise en œuvre dʼune démarche intégrée dans la définition et la conduite des projets.

Quʼimplique la gestion intégrée du tourisme ? Dans le rapport pour une redéfinition de la politique française du littoral, publié par la DATAR en septembre 2004, la gestion intégrée occupe une place de choix. Cʼest « une nouvelle façon

dʼagir » (DATAR, 2004 : 129) qui se décline à différents niveaux :

- au niveau politique, avec le dépassement des politiques sectorielles partielles nombreuses sur lʼespace littoral ou montagnard (politiques de lʼeau, de prévention des risques, agricole, touristique, de transport);

- - au niveau territorial avec lʼétablissement dʼune meilleure hiérarchisation des objectifs et des instruments de lʼaménagement du territoire de lʼéchelon européen à lʼéchelon local, ce qui suppose de dépasser lʼempilement dʼoutils et de procédures;

(20)

- - au niveau spatial avec une prise en compte de lʼespace touristique ne pouvant être réduit aux territoires des stations et à leurs prolongements immédiats.

Le tourisme durable fait référence à cette vision systémique entre interactions constantes et rend vain toute tentative de « regarder séparément chaque côté de

lʼinterface » (DATAR, 2004 : 130). Il implique concrètement une triple intégration :

sectorielle, verticale (« lʼintégration verticale des outils dʼaménagement du

territoire ») et spatiale (stations – vallées) et rejette, dans les projets

dʼaménagement, la « juxtaposition ou superposition de solutions partielles » (id :129).

Loin dʼêtre un « écran de fumée destiné à masquer lʼacuité de la crise

environnementale en la diluant dans lʼéconomique et le social » (Moissec & al.,

2004 : 87), le tourisme durable sʼinscrit donc dans un contexte idéologique nouveau que Marcel Jollivet qualifie « dʼhumanisme moderne » (2001 : 9).

Lʼaménagement touristique durable est considéré ici comme un objet révélateur des interrelations sociales. Il suppose une approche interdisciplinaire, indispensable à lʼappréhension des problèmes posés dans ce contexte.

(21)

1. Objet et méthodes des

politiques dʼaménagement

touristique

Les politiques publiques d'organisation de lʼaménagement touristique sont récentes ; les élus leur confèrent généralement une importance bien moindre qu'à d'autres secteurs de l'aménagement (aux politiques des transports, du logement, des services collectifs, du développement économique). La compréhension de l'importance de ce secteur dʼactivité dans l'économie mondiale relève dʼune lente prise de conscience depuis les années 1990 : le tourisme nʼest affiché comme la première activité mondiale de services que depuis 1994 et, même sʼil domine nettement en France le secteur de l'agro-alimentaire, que ce soit en termes d'emploi, de produit intérieur brut ou d'excédent dans la balance des paiements, son image reste floue et peu valorisante.

Ces politiques sont également récentes parce que les lois qui les encadrent ont été promulguées seulement lors de la dernière décennie et que la décentralisation de ce secteur nʼétait pas encore achevée en 2004. Les premières lois relatives à lʼorganisation régionale du tourisme datent de 19877. La première tentative de

répartition des compétences dans le domaine du tourisme date de la loi du 23 décembre 19928, qui porte et donne à la commune la compétence de lʼurbanisme

touristique et lʼorganisation de cette activité ; insuffisante, elle a dû être complétée par la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, puis par la loi de décentralisation dʼaoût 2004.

7 Loi n° 87-10 du 3 janvier 1987 relative à l'organisation régionale du tourisme, Journal

Officiel de la république Française, 13 janvier 1987, page 454.

8

Loi n° 92-1341 du 23 décembre 1992, dite « Loi Mouly », portant répartition des compétences dans le domaine du tourisme, Journal Officiel de la république Française,24 décembre 1992 page 17657.

(22)

11. Doctrines de lʼaménagement

touristique

Les collectivités locales ont pleinement investi le tourisme comme nouveau champ dʼintervention économique et dʼaménagement ou dʼurbanisme ouvert par la loi. Lʼenjeu politique paraît aujourdʼhui évident compte tenu de lʼinteraction du tourisme avec le développement durable et lʼaménagement du territoire9.

Cependant, pour entreprendre cette démarche, les collectivités territoriales ont dû libérer leur politique dʼaménagement de la seule fonction dʼorganisation de lʼespace que lʼEtat avait donné pendant les décennies précédentes à lʼaménagement touristique. En effet, le concept dʼaménagement touristique en Europe occidentale a fortement évolué depuis 40 ans sous lʼinfluence de lʼéconomie néo-libérale, des décentralisations ou des régionalisations (Espagne, Italie, France...) qui ont conféré aux pouvoirs locaux un statut nouveau et produit une fragmentation de lʼaction publique (GAUDIN, 1999).

La diversification actuelle des modes de gouvernement est née de lʼémergence de politiques procédurales qui opèrent par contractualisation du financement des projets et des opérations.

1. Politique contractuelle et démocratie de proximité

Le modèle européen et surtout français dʼaction publique a été très longtemps prescriptif, centralisateur et très peu pluraliste (Billé, Mermet, 2003). Ce nʼest que très récemment et très progressivement que le mode dʼintervention des pouvoirs publics est davantage négocié à lʼéchelle des territoires, des acteurs et des populations locales. Par la politique du contrat, qui a placé depuis 1974 les collectivités locales sur un même pied dʼégalité que lʼEtat - Nation, le centralisme a cessé de représenter seul lʼintérêt général. La gestion du « bien commun » et du « service public » locaux est peu à peu revendiquée par les collectivités locales. Le contrat initie dans un premier temps la décentralisation française (1981) ou espagnole (1985) qui met en place des dispositifs de délibération en vue de la formulation dʼaccords collectifs autour de projets locaux. Cette diffusion de modèles délibératifs nouveaux sʼeffectue progressivement en France, en Espagne alors que les pays nord européens (ou lʼItalie, pour des raisons historiques qui

9 F. Gerbaux, « Le développement touristique local entre régulations sectorielles et gestion

territoriale », Le tourisme, facteur de développement local, Presses Universitaires de Grenoble, col. Débats, 1999, p. 71 à 87.

(23)

tiennent à la construction de lʼunité du pays et au refus du modèle mussolinien) lʼexpérimentent depuis plus longtemps.

Lʼintervention touristique marque particulièrement bien ce glissement progressif, dans les trente dernières années, dʼune démarche dʼaménagement « descendante » (top-down), conçue autour dʼune conception dʼorganisation spatiale du territoire national, de son zonage fonctionnaliste à celle de la prise en compte de revendications ou dʼinitiatives (souvent dans le cadre des contrats de Plan, de pays dʼaccueil, de pôles de séjours) « ascendantes ». Cette démarche nouvelle de type « bottom-up » (GAUDIN, 1999 : 236) met fin à lʼaménagement touristique planifié par lʼEtat qui se positionnait au nom des rééquilibrages de lʼespace national et promeut les territoires dans leur pluralité et leur diversité. Pris dans le tourbillon de cette thématique « des territoires », le paradigme de lʼaménagement touristique comme revendication locale prend de lʼampleur et domine totalement aujourdʼhui le politiques publiques. Il repose désormais sur une conception de développement économique, social et culturel dans le respect des équilibres et des volontés locales : même si le terme est encore peu employé, il est fondé sur un développement qui se veut durable.

La participation du public devient peu à peu un des principes de lʼaction publique qui sʼimpose aux principes de lʼaction publique dʼaménagement touristique. Cette préoccupation, inscrite dans la loi française sur la démocratie de proximité du 25 juin 2001, sʼefforce de répondre à lʼattente, sans cesse exprimée par les acteurs locaux depuis les années 1968-1975, dʼune transformation des processus de décision dans le sens dʼune plus large concertation. A lʼinterface de lʼéconomie et de lʼenvironnement, le tourisme nʼéchappe pas à ce mouvement, il en est même souvent un des symboles affichés.

Dans cette perspective générale de co-production de lʼaménagement, les approches des politiques publiques ont permis de mettre lʼaccent sur les interdépendances directes ou indirectes entre des logiques dʼacteurs fort différentes et sur le fait que lʼaménagement fait intervenir, en plus des professionnels de la politique et des élites administratives, un nombre croissant dʼexperts privés, des leader dʼopinion et de médiateurs entre plusieurs mondes dʼintervention (Gaudin, 1999 : 231). Les configurations des négociations contractuelles observées dans le champ de lʼaménagement touristique fait apparaître des principes nouveaux dans lʼintervention publique dans lesquelles le « bricolage » des normes dʼaction et lʼémergence de solidarités nouvelles (notamment autour de lʼintercommunalité) tient une place de choix. En aménagement touristique comme dans les autres secteurs du développement territorial, le répertoire du « pays », par exemple , prend tout son sens comme rencontre de démarche descendante conçue il y a quarante ans dans le cadre de

(24)

lʼEtat-nation et les revendications ou les initiatives locales actuelles, de type ascendant.

La connaissance scientifique de lʼaménagement touristique, qui reconnaît aujourdʼhui très précisément le principe de la participation, est restée très longtemps enfermée dans les raisonnements englobants de la doctrine dʼaménagement du territoire de lʼEtat - nation, celle qui examinait seulement lʼutilité marchande des investissements en fonction de leur localisation et de leur rentabilité économique attendue. Lʼaménagement touristique national sʼindexait alors sur la souveraineté de lʼEtat. La référence actuelle des « territoires » marque, par cette simple utilisation du pluriel, la pluralité des logiques ascendantes. Dans les opérations de loisirs des villes, des stations, des « pays », cette seule perspective ne peut plus retranscrire la part symbolique de plus en plus forte de lʼaménagement touristique comme expression de la diversification des modes de gouvernement des démocraties occidentales. La seule perspective économique ou « marketing » du phénomène explique peu, explique mal lʼextraordinaire foisonnement des pratiques du « service public touristique local » et de ses résultats.

Pour comprendre le fondement de lʼintervention publique dans lʼurbanisme touristique, il convient désormais de lire lʼaménagement touristique autrement que comme une seule affaire de rangement des activités et des hommes sur lʼespace, un agencement efficace des équipements, des services, des activités sur le territoire. Il est aussi la résultante de lʼadaptation à une modernité, de lʼexercice libre et équitable (ou jugé comme tel par les habitants autochtones et les voyageurs) dʼune activité distributive de services et usages attachés à la découverte dʼun lieu.

Mais, il y a un demi siècle « lʼaménagement du territoire, [cʼétait encore] la

recherche dans le cadre géographique de la France, dʼune meilleure répartition des hommes, en fonction des ressources naturelles et des activités économiques» (Claudius-Petit, 195010

), où lʼEtat autorisait lʼaménagement et la construction des équipements touristiques en fonction de leur utilité, dans un schéma de meilleure répartition des hommes et des activités sur le territoire national. Dans les premiers Plans économiques et sociaux nationaux, puis lors de la mise en place des Missions dʼaménagement du littoral (1967-1982), du Plan neige, les logiques dʼintervention relatives à lʼurbanisme touristique, étaient celles de la recherche dʼune plus grande homogénéité spatiale11. Elles

10 Conseil des Ministres

11 V. Vles. Production de lʼaménagement rural et recherche de lʼéquité spatiale, H.D.R. sous

(25)

impliquaient une intervention directe sur la partie de lʼespace national ou régional la plus défavorisée, par des aides ou des schémas dʼaménagement. Les actions sur le littoral étaient soutenues et polarisées alors que déjà, à lʼinverse, le développement touristique de lʼespace rural et de la montagne était systématiquement contractualisé.

Aujourdʼhui, les Etats européens, tout en se désengageant politiquement et financièrement de ce secteur, prennent davantage acte de lʼinégalité des chances des villes et territoires en termes dʼaccès au développement touristique. Ils veillent à établir une équité territoriale par des textes de lois qui précisent les droits et les devoirs des collectivités. Parce quʼavec la globalisation de lʼéconomie, les états - nations ne sont plus des états « Providences », lʼinégalité spatiale et lʼabsence de richesse locale ne font plus guère lʼobjet dʼun traitement de discrimination positive systématique à lʼéchelon central. En France, les deux mouvements de décentralisation ont accompagné ce désengagement progressif et ont introduit peu à peu dans les esprits et dans les pratiques lʼidée de différenciation spatiale12 au profit de villes ou de stations

emblématiques disposant déjà dʼune notoriété et dʼun outil de production organisé : par exemple, en Aquitaine, les pôles urbains de renom (Bordeaux, Biarritz, Arcachon, Pau...) apparaissent aujourdʼhui systématiquement dans les priorités régionales affichées aux contrats de Plan (contrats de stations). Ce qui est valable en Aquitaine lʼest (sous dʼautres appellations de procédures de mise en œuvre) pour toutes les régions françaises ou européennes.

Lʼurbanisme touristique nʼest donc plus si étroitement lié à lʼordonnancement très technocratique et hiérarchisé quʼil était du temps de Claudius-Petit, de Pierre Racine ou dʼEmile Biasini13, Lʼaménagement touristique est devenu producteur

dʼune dynamique négociée de développement pour et par la société locale. Cette négociation sur le terrain oblige peu à peu la cité à adopter, dans son fonctionnement, des principes de neutralité, dʼégalité devant tous les opérateurs et les usagers et de continuité de son action publique. Alors quʼil y a vingt ans, lʼintervention puissante des Etats avait lʼambition de « ranger » des activités économiques sur ses territoires avec (ou sans) leur accord, aujourdʼhui la communauté dʼagglomération, la communauté de communes ou la ville, qui ont repris lʼinitiative, doivent se livrer à un exercice beaucoup plus difficile : coordonner

Montaigne- Bordeaux 3, 1993, Éditeur : Atelier National de Reproduction des Thèses : 9, rue Auguste Angellier 59046 Lille cedex, n° 1449.15041/93, 412 p.

12 V. Vles, Service public touristique local et aménagement du territoire, collection Logiques

sociales, Paris : LʼHarmattan, mars 2001, 222 p.

13

Respectivement Président du Conseil, Président de la Mission dʼaménagement touristique du littoral Languedoc-Roussillon (« Mission racine ») et Président de la Mission interministérielle dʼaménagement de la côte aquitaine (« MIACA »).

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lʼaction des opérateurs publics et privés, avec la volonté de soumettre le flux des touristes à un dessein local de gestion dʼensemble de la cité. La description et lʼentendement de cette activité impliquent donc moins la référence au paradigme utilitariste du schéma dʼaménagement classique dans lequel la connaissance des faits sociaux et spatiaux précède et commande lʼintervention, quʼà la prise en compte dʼun projet sociétal à long terme porteur de sens démocratique.

Ces dynamiques nouvelles dʼaménagement touristique interviennent dans un cadre de référence profondément modifié, marqué par le paradigme de lʼaction nationale « équitable », celle qui intervient non plus partout avec des procédures et des programmes stéréotypés, mais qui laisse à chaque ville, à chaque communauté locale le soin dʼintervenir, en fonction de sa situation, en fonction des avantages distincts des catégories dʼopérateurs ou dʼusagers qui la fréquentent, en fonction des ressources territoriales quʼelles possèdent et en fonction de ce qui leur manque. Ce nouveau modèle de lʼaménagement touristique tourne volontairement le dos à la conception "égalitariste" de l'intervention publique traditionnelle qui promouvait une forme dʼurbanisme reproduit presque à lʼidentique en tous lieux. Le projet dʼaménagement touristique est aujourdʼhui dʼabord le fruit du projet politique local et celui des pratiques sociales dans l'espace économique. Désormais, lʼaménagement touristique est un signe intentionnel des collectivités territoriales, le moyen volontaire de communiquer, le produit d'une idée conceptualisée, bref une réalité strictement déterminée en tant qu'intention locale.

En effet, lʼensemble des opérations en cours depuis une dizaine dʼannées montre aujourdʼhui que l'aménagement touristique n'est pas fondé sur un seul code14 dans lequel objectif et contenu du projet peuvent être analysés sur un même

plan et avec une fin unique qui serait : « faire venir toujours plus de visiteurs ». Même si le terme nʼest pas très utilisé, la préoccupation du tourisme durable15 dans

les destinations apparaît très clairement dans la plupart des projets des collectivités qui ont à gérer leurs flux touristiques. Lʼaction publique quʼelles mettent en œuvre pour inventer du développement territorial sʼappuie sur l'interprétation désormais locale de situations multiples et variées. Lʼaménagement touristique est devenu producteur dʼune dynamique négociée de développement pour et par la société locale. Cette négociation sur le terrain lʼoblige peu à peu à adopter, dans

14 Code : système conventionnel de signes, signaux ou symboles, grâce auquel un

"émetteur" peut transmettre un message, une information, une idée à un "récepteur" ; en ce sens l'aménagement touristique est un code dont la création artificielle fait l'objet de conventions explicites entre les différents types d'usagers.

15 J-P. Ceron et G. Dubois, Le tourisme durable dans les destinations, Limoges : Pulim-

(27)

son fonctionnement, des principes de neutralité, dʼégalité devant tous les opérateurs et les usagers, et de continuité16 de lʼaction publique.

Lʼaménagement touristique du territoire nʼest donc plus seulement lʼintervention qui intègre des activités économiques dans un site, mais c'est aussi un exercice collectif de maîtrise progressive de lʼaction des opérateurs d'un lieu, pour le soumettre à un dessein de gestion de la cité. La description et lʼentendement de cette activité impliquent moins la référence au paradigme utilitariste dʼune rentabilité économique à court terme quʼà la prise en compte dʼun projet touristique local à long terme qui donne un sens démocratique à lʼaction publique. Lʼintervention publique « équitable » intervient non pas partout de manière égale mais avec discernement, en fonction de la situation locale, des avantages distincts des catégories dʼopérateurs ou dʼusagers, de ce quʼils ont et de ce qui leur manque. Ce « modèle» dʼintervention intègre désormais la recherche de la « durabilité » du tourisme et tourne volontairement le dos au paradigme "égalitariste" (à toutes les communes la même chose), adapté au système politique centralisé des Nations des deux derniers siècles, mais qui ne correspond plus à la très forte diversité des interventions actuelles et à la prise en compte de seuils de fréquentation et de capacités de charge fort différents.

2. Lʼeuropéanisation de lʼaction publique et le

paradigme de lʼaménagement équitable

En 1957, le Traité de Rome, acte fondateur de la Communauté économique européenne, insiste sur le souci de « renforcer lʼunité de ses économies et dʼen

assurer le développement harmonieux en réduisant lʼécart entre les différentes régions et le retard des moins favorisées ». Pour autant, le Traité nʼenvisage pas

dʼaction précise pour réaliser cet objectif et il faut attendre vingt ans pour que le règlement du 18 mars 1975 crée le Fonds européen de développement régional (FEDER), destiné à corriger les principaux déséquilibres régionaux dans la Communauté par une participation au développement et à lʼajustement structurel des régions en retard de développement et à la reconversion des régions industrielles en déclin. LʼEspagne et le Portugal intègrent la Communauté européenne en 1986. Pour aider les régions méridionales de la France, de lʼItalie et de la Grèce à surmonter la concurrence venant de ces nouveaux Etats membres, les Programmes intégrés méditerranéens (PIM) définissent, pour la première fois, des actions coordonnées pluriannuelles de développement. La réforme fondamentale de 1988 des fonds structurels européens consacre les principes de

16 par exemple : si le groupe de presse Amaury sʼest vu confier quelques années la gestion

du Futuroscope (moyennant redevance), le Conseil général de la Vienne reste propriétaire des lieux.

Figure

Tableau 1 : Estimation du nombre de lits touristiques en France au 1 er  janvier  2002 38
Tableau 2 : Capacité (chambres) et fréquentation moyennes de l'hôtellerie  homologuée
Tableau 3 : Résidences de tourisme :
Tableau  6 :  Voyages  personnels :  répartition  des  séjours  et  des  nuitées  selon  le  type dʼespace (France)
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