• Aucun résultat trouvé

Les timbres percussifs comme source d'inspiration à la composition de trois oeuvres

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Les timbres percussifs comme source d'inspiration à la composition de trois oeuvres"

Copied!
69
0
0

Texte intégral

(1)

Les timbres percussifs comme source d’inspiration

à la composition de trois œuvres

Mémoire

Arnaud Korth

Maîtrise en musique — Composition

Maître en musique (M.Mus)

Québec, Canada

©Arnaud Korth, 2017

(2)

Les timbres percussifs comme source d’inspiration

à la composition de trois œuvres

Mémoire

Arnaud Korth

Sous la direction de :

(3)

iii

RÉSUMÉ

Ce mémoire de maîtrise porte sur un projet de création dont le fruit consiste en trois œuvres instrumentales récentes ayant pour source d’inspiration les timbres percussifs. Ces trois œuvres sont :

1. Et pourtant elle tourne ! pour quatuor à cordes ;

2. Obsession pour mezzo-soprano, flûte, clarinette, vibraphone, piano, violon et violoncelle ;

3. Au bord de l’eau pour orchestre.

De manière générale, ce mémoire présente mes réflexions sur les manières dont le timbre peut servir d’élément de cohésion du discours musical. Plus spécifiquement, ce mémoire traite de mon souci de produire des timbres percussifs par des instruments de non percussion et des timbres non percussifs par des instruments de percussion, le tout en des discours cohérents et intéressants.

Quant à la structure même du mémoire, suite à une introduction où sont exposés les origines du projet de création et son cadre théorique, le premier chapitre présente un survol historique de l’évolution du paramètre du timbre et de la place des percussions dans les musiques occidentales. Ce premier chapitre dévoile également un système permettant d’évaluer la qualité percussive d’une sonorité. Le deuxième chapitre présente, à l’aide de nombreux exemples tirés des œuvres à l’étude, les diverses incarnations du timbre percussif aux instruments de non percussion, ou son évitement aux instruments de percussion. La conclusion traite de l’incidence du projet de recherche sur mon langage musical.

(4)

iv

ABSTRACT

This master’s thesis examines three of my recent instrumental compositions that use percussive timbres as inspiration. These three pieces are:

1. Et pourtant elle tourne ! for string quartet;

2. Obsession for mezzo-soprano, flute, clarinet, vibraphone, piano, violin and violoncello; 3. Au bord de l’eau for orchestra.

This thesis presents my reflections on the parameter of timbre as a mean of strengthening the cohesion of the musical discourse. More specifically, this thesis explores how to generate percussive timbres by non-percussion instruments, as well as non-percussive timbres by percussion instruments, in the context of a coherent and interesting musical discourse.

Following an introduction where the origins, objectives and theoretical framework of this creative project are presented, the first chapter lays out my preparatory research, outlining the history of the evolution of timbre and the role of percussion instruments in Western music, as well as building a system to identify and qualify sounds for their percussive qualities. In the second chapter, the pieces are examined and examples are provided. These examinations illustrate how percussive and non-percussive timbres were used. The conclusion discusses the impacts of this creative project on my musical language and future works.

(5)

v

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... iii

ABSTRACT ... iv

LISTE DES TABLEAUX ... vi

LISTE DES EXEMPLES ... vii

LISTE DES ABRÉVIATIONS ... ix

INTRODUCTION ... 1

A. Origines du présent travail de création ... 1

B. Réajustements des objectifs du projet de création ... 2

C. Définitions du timbre et cadre théorique ... 2

D. Structure du mémoire ... 5

CHAPITRE 1 ... 6

1. Recherches préliminaires ... 6

1.1 L’évolution du rôle du timbre ... 6

2. Les timbres percussifs ... 10

2.1 Le timbre percussif idéal ... 10

2.2 Le rôle de la percussion dans le répertoire ... 12

2.3 Le geste percussif et résultat en-temps ... 15

3. Les timbres percussifs comme source d’inspiration ... 16

3.1 Évaluation du profil timbral des sonorités ... 16

3.2 Prédéfinition de profils timbraux ... 17

3.3 La dissonance comme facteur percussif ... 18

CHAPITRE 2 ... 19

4. Analyse des timbres percussifs dans Et pourtant elle tourne ! ... 19

4.1 Présentation générale de Et pourtant elle tourne ! ... 19

4.2 Matériaux timbraux percussifs ... 20

4.3 Forme globale de l’œuvre ... 25

5. Analyse des timbres percussifs dans Obsession ... 33

5.1 Présentation générale et forme d’Obsession ... 33

5.2 Matériaux timbraux percussifs ... 34

5.3 Forme globale de l’œuvre ... 39

6. Analyse des timbres percussifs dans Au bord de l’eau ... 46

6.1 Présentation générale d’Au bord de l’eau ... 46

6.2 Matériaux timbraux percussifs ... 47

CONCLUSION ... 55

BIBLIOGRAPHIE... 57

ANNEXES... 60

Annexe 1 – Partition de Et pourtant elle tourne ! ... 60

Annexe 2 – Partition d’Obsession... 60

Annexe 3 – Partition d’Au bord de l’eau ... 60

Annexe 4 – Enregistrement sonore de Et pourtant elle tourne !... 60

Annexe 5 – Enregistrement sonore d’Obsession ... 60

(6)

vi

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Profil d’une sonorité percussive idéale. ... 11

Tableau 2 : Gradation des six niveaux de timbres. ... 11

Tableau 3 : Liste des percussions dans diverses œuvres importantes du répertoire orchestral. ... 14

Tableau 4 : Profil timbral d’un pizzicato dans le grave du violoncelle. ... 17

Tableau 5 : Profil timbral établi au préalable. ... 17

Tableau 6 : Gradation des modes de jeu aux cordes selon leur qualité percussive. ... 20

Tableau 7 : Forme globale de Et pourtant elle tourne !... 25

Tableau 8 : Forme globale d’Obsession ... 40

(7)

vii

LISTE DES EXEMPLES

Exemple 1 : Liste des échelles de qualités subjectives du timbre proposée par Sethares. ... 4

Exemple 2 : Condensé des instruments utilisés dans le sujet de l’orchestration du « Ricercare » (1935) de Jean-Sébastien Bach par Anton Webern ... 8

Exemple 3 : Col legno tratto au violoncelle ... 21

Exemple 4 : Cordes étouffées dans les registres graves et moyens ... 21

Exemple 5 : Frottement de l’archet sur le corps du violon 2 et du violoncelle ... 22

Exemple 6 : Modes de jeu avec l’archet en durées brèves au violon 2 et à l’alto ... 22

Exemple 7 : Cordes étouffées jumelées au tremolando au violon 1 ... 22

Exemple 8 : Pizzicato ayant pour rôle de marquer la pulsation ... 23

Exemple 9 : Col legno battuto au violoncelle ... 23

Exemple 10 : Tapotement du doigt sur la caisse de l’instrument à l’alto ... 24

Exemple 11 : Pizzicato et pizzicato Bartók jumelés aux cordes étouffes au violoncelle ... 24

Exemple 12 : Col legno tratto jumelé aux cordes étouffes et tremolando au violon 2 ... 24

Exemple 13 : Premiers accords de Et pourtant elle tourne !. ... 26

Exemple 14 : Augmentation progressive de la tension harmonique. ... 26

Exemple 15 : Formation d’un temps lisse par des métriques changeantes et des durées longues ... 27

Exemple 16 : Dynamisation de l’agogique jumelé aux attaques simultanées à 4 et à 2 instruments... 27

Exemple 17 : Augmentation de l’intensité dans la première section ... 28

Exemple 18 : Passage moyennement percussif au début de la deuxième section ... 28

Exemple 19 : Apparition des modes de jeu frappés et dynamisation de l’agogique dans la deuxième section ... 29

Exemple 20 : Discours harmonico-rythmique ponctué de timbres percussifs ... 30

Exemple 21 : Discours mitoyen à l’alto ... 30

Exemple 22 : Sous-section percussive ... 31

Exemple 23 : Discours musical axé sur les timbres et l’agogique ... 31

Exemple 24 : Pulsation marquée à la fin de l’œuvre ... 32

Exemple 25 : Attaques sur les contretemps aux violons 1, 2 et à l’alto ... 32

Exemple 26 : Discours percussif idéal ... 33

Exemple 27 : Obsession de Charles Baudelaire, extrait des Fleurs du mal. ... 34

Exemple 28 : Ricochet au violoncelle ... 35

Exemple 29 : Bruits de souffle à la clarinette ... 36

(8)

viii

Exemple 31 : Flatterzunge et jet whistle à la flûte ... 36

Exemple 32 : Slap tongue à la flûte et à la clarinette ... 37

Exemple 33 : Lames étouffées au vibraphone ... 37

Exemple 34 : Vibraphone joué à l’archet ... 38

Exemple 35 : Cordes étouffées au piano ... 39

Exemple 36 : Pincement les cordes du piano ... 39

Exemple 37 : Niveau de dissonance élevé dans la première section ... 40

Exemple 38 : Jeu normal du piano servant de ponctuation percussive ... 41

Exemple 39 : Dynamisation de l’agogique ... 41

Exemple 40 : Commentaire percussif comme signal de la deuxième section ... 42

Exemple 41 : Commentaire avec intensité forte lors de la deuxième section ... 42

Exemple 42 : Clusters au piano et au vibraphone ... 43

Exemple 43 : Attaques simultanées lors de la troisième section ... 43

Exemple 44 : Niveau de dissonance élevé dans la troisième section ... 44

Exemple 45 : Matière très peu percussive de la quatrième section ... 45

Exemple 46 : Dernière intervention des instruments lors du dernier commentaire ... 45

Exemple 47 : Imitation de la cloche par le vibraphone ... 46

Exemple 48 : Les pavillons des instruments de cuivre frappés par un objet. ... 47

Exemple 49 : Emploi de la sourdine straight dans un passage à intensité forte ... 48

Exemple 50 : Emploi des cloches tubulaires dans Au bord de l’eau ... 49

Exemple 51 : Sonorité percussive par le niveau de dissonance élevé ... 50

Exemple 52 : Geste dissonant incorporant des modes de jeu percussifs ... 50

Exemple 53 : Accentuation des bois par un timbre composite de triangles et de pavillon des cuivres ... 51

Exemple 54 : Vibraphone synchronisé aux cors ... 52

Exemple 55 : Vibraphone colorant la tenue du hautbois ... 52

Exemple 56 : Répétition d’un motif transposé du vibraphone accompagné du piano ... 52

Exemple 57 : Enveloppe spectrale d’un roulement de cymbale crash ... 53

(9)

ix

LISTE DES ABRÉVIATIONS

Abréviation Nom complet

bsn cb. clar. fl. htb. percs pno trb. trp. vcelle vib. vl. basson contrebasse clarinette flûte hautbois percussions piano trombone trompette violoncelle vibraphone violon ex. mes. exemple(s) mesures(s)

(10)

1

La révolution la plus brutale et la plus marquante qui ait affecté le monde musical dans les années récentes n’a pas pris sa source dans une quelconque remise en cause de l’écriture musicale (sérielle ou autre), mais bien plus profondément dans le monde des sons eux-mêmes, autrement dit dans l’univers sonore que le compositeur est invité à gérer.1

INTRODUCTION

A. Origines du présent travail de création

Le présent projet de création est le fruit d’une réflexion ayant débuté lors de ma troisième année d’études de composition au premier cycle. Considérant l’importance de la diversité des manifestations du musical, il était au départ difficile de circonscrire un seul projet de création original. Cependant, certaines idées étaient récurrentes : les modes de jeu et l’impact qu’ils ont sur le timbre, ainsi que la perception de ces timbres et les percussions.

Au fil de cette réflexion, j’ai cherché à mieux comprendre la nature du discours musical propre à certains ensembles musicaux : Qu’est-ce qui caractérise une pièce de percussions ?

— Quel rôle occupe la percussion dans une pièce pour instrumentation diversifiée ? Est-ce qu’elle s’oppose au reste des instruments du fait de l’importante différence de timbre ? —

Ne serait-il pas possible d’écrire une pièce pour ensemble diversifié où la percussion occuperait un rôle semblable aux autres instruments ? — Ne serait-il pas possible de prendre certains éléments du langage de la musique pour percussions et de les appliquer à d’autres instruments qui n’ont, traditionnellement, rien à voir avec la percussion ? Et ce, afin que la pièce, ou au moins une partie de celle-ci puisse être perçue comme ayant un discours musical percussif ?

Suite à ces réflexions, l’idée de composer une pièce pour percussions sans percussions m’est apparue particulièrement intéressante. Elle est ainsi devenue l’idée instigatrice du projet de recherche dans sa forme initiale.

1 Tristan Murail, « La révolution des sons complexes, » dans Tristan Murail : modèles et artifices, textes

(11)

2

B. Réajustements des objectifs du projet de création

Les objectifs du projet de création initial ont évolué tout au long de mes études de maîtrise. Au départ, le projet s’apparentait presque à une étude psychoacoustique sur la perception des timbres. En conséquence, plus le projet avançait en respectant les objectifs initiaux, plus il s’éloignait d’un processus de création, cherchant avant tout à produire certaines illusions auditives et s’attardant trop souvent à des questions relevant de la recherche et de la perception chez l’auditeur que du discours musical efficace et de la création.

En effet, la première version de ma pièce pour quatuor à cordes Et pourtant elle tourne !, se concentrait trop sur les « effets sonores » qu’il est possible de produire avec un tel ensemble. Le discours musical était donc éparpillé, voire maladroit, et ce malgré le fait que la pièce s’approchait au plus près du sujet de recherche.

Face à cette problématique, j’ai été amené à prendre du recul par rapport au projet de création, afin de le réorienter pour mieux me l’approprier. Pour ce faire, j’ai décidé de laisser de côté l’idée qu’il fallait que l’illusion soit parfaite. J’ai aussi décidé corollairement de garder certains éléments plus traditionnels dans le discours des pièces, notamment chez les instruments de non percussion, puisque l’auditeur cherche le plus souvent des points de repère lors de l’écoute. Cela m’a permis, entre autres, de retravailler le discours musical de

Et pourtant elle tourne ! afin qu’il soit cohérent, et que les sonorités faisant partie de la pièce

soient mieux intégrées à celui-ci. J’ai donc appliqué ces considérations pour composer des musiques de concert intéressantes autour d’un concept unique, mais non exclusif : les timbres instrumentaux percussifs.

C. Définitions du timbre et cadre théorique

Je m’intéresse dans le cadre de ce projet de création au paramètre du timbre. Les définitions du timbre sont multiples, mais la définition qui semble aujourd’hui la plus acceptée2 est celle de l’American National Standard Institute (ANSI) : « Timbre is that

2 Des définitions similaires se trouvent dans le dictionnaire de musique Grove Music Online et dans le

(12)

3

attribute of auditory sensation in terms of which a subject can judge two sounds similarly presented and having the same loudness and pitch are dissimilar. »3 Cette définition fait en quelques sortes écho à la description du timbre par le théoricien de la musique et compositeur français Adolphe Danhauser : « l’oreille la moins exercée distingue facilement le timbre d’un violon de celui d’une trompette ou d’un hautbois. »4

De façon un peu plus technique, le compositeur et chercheur français Jean-Claude Risset ajoute à cette définition que : « on attribue généralement le timbre perçu à la complexité de la forme du son, soit encore au spectre en fréquence, c’est-à-dire au dosage d’harmoniques constituant la vibration sonore périodique. »5 Risset, accompagné du psychoacousticien américain David L. Wessell, admettent cependant qu’une définition du timbre d’un instrument qui se concentre exclusivement sur l’enveloppe spectrale est incomplète.6 Cette conclusion provient du fait que les expériences de synthèse additives ne sont toujours pas infaillibles pour une oreille entrainée.7

Le timbre peut aussi être caractérisé de façon qualitative, comme le fait le philosophe français Jean-Jacques Rousseau lorsqu’il explique que le timbre est : « cette qualité du Son par laquelle il est aigre ou doux, sourd ou éclatant, sec ou moelleux. »8 Plus récemment, le théoricien américain William A. Sethares explique que le timbre est un attribut multidimensionnel du son9 et propose une liste partielle de qualités subjectives du timbre :

3 American National Standard Institute et Martin Sonn, « Timbre, » dans Psychoacoustical Terminology

(New York : American National Standards Institute, c1973), 56.

4 Adolphe Danhauser, Théorie de la musique (Paris : H. Lemoine, c1929), 119.

5 Jean-Claude Risset, « Hauteur et timbre des sons », Rapports IRCAM, n° 11 (1978) : 1.

6 Jean-Claude Risset et David L. Wessel, « Exploration of Timbre by Analysis and Synthesis, » dans The

Psychology of Music, 2e éd., édité par Diana Deutsch (San Diego : Academic Press, 1999), 117. 7 Ibid.

8 Jean-Jacques Rousseau, Dictionnaire de la musique (Paris : Chez la veuve Duschene, 1768), 528. 9 William A. Sethares, Tuning, Timbre, Spectrum, Scale, 2e éd. (London : Springer, 2005), 28.

(13)

4

Exemple 1 : Liste des échelles de qualités subjectives du timbre proposée par Sethares.10

dull ←→ sharp cold ←→ warm soft ←→ hard pure ←→ rich compact ←→ scattered full ←→ empty static ←→ dynamic colorful ←→ colorless

Toutes ces définitions prennent une certaine importance dans ce projet de création. La définition que je trouve la plus satisfaisante par sa simplicité et son ouverture est celle de l’ANSI. De même, sans utiliser la liste des qualités timbrales de manière stricte, je retiens tout de même ce concept, car il suggère la caractérisation subjective des timbres, cette caractérisation subjective étant centrale à mon projet de création.

Or, la définition qui aura eu le plus d’impact sur le projet de création est sans doute celle du compositeur français Marc-André Dalbavie, qui explique que le timbre est : « constitué par les autres paramètres musicaux comme le rythme, la hauteur, l’intensité, etc., et contient donc en lui un potentiel synthétique qui en fait un élément "à part". »11 Cette définition m’a

mené à analyser les composantes du timbre afin de mieux les utiliser et à assurer une meilleure cohérence du discours musical.

Par ailleurs, une attention particulière est portée dans ce mémoire à la différence entre timbre et instrument. Cette différence s’est révélée nécessaire durant le processus de création puisque, comme le démontrent les psychoacousticiens américains Stephen Handel et Molly L. Erickson, un seul instrument peut produire des timbres si différents que cela peut tromper la perception d’un auditeur quant à savoir si les sons proviennent d’un même instrument.12 Il est donc difficile de parler strictement du « timbre du violon » ou du « timbre du hautbois. » Ici, instrument fait strictement référence à l’instrument utilisé pour produire un son, alors que

timbre renvoie à une caractéristique spécifique perceptible d’un son.

10 Ibid.

11 Marc-André Dalbavie, « Pour sortir de l’avant-garde, » dans Le timbre : métaphore pour la composition,

sous la direction de Jean-Baptiste Barrière (Paris : C. Bourgois : I.R.C.A.M., 1991), 303.

12 Stephen Handel et Molly L. Erickson, « A Rule of Thumb: The Bandwidth for Timbre Invariance Is One

(14)

5

D. Structure du mémoire

Ce mémoire de maîtrise est divisé en deux chapitres. Le premier chapitre présente les recherches ayant précédées et accompagnées la composition des pièces, ainsi qu’un bref survol historique de l’évolution du paramètre du timbre dans les musiques occidentales et dans les musiques pour percussions. Toujours dans ce premier chapitre sont sommairement exposées les façons dont le timbre percussif a été utilisé comme source d’inspiration lors du processus compositionnel.

Le deuxième chapitre porte sur les pièces composées durant mes études de maîtrise, tout en les analysant dans le cadre du projet de création, soit la gestion de timbres percussifs et son influence sur les divers paramètres musicaux dans les œuvres à l’étude. La conclusion présente ma réflexion des impacts de ce projet de création sur mon langage musical. Le mémoire est accompagné des partitions et des enregistrements des pièces.

Par ailleurs, je tiens à souligner que ce projet en est un de création. Le but du présent mémoire est avant tout de mettre en lumière les façons dont le timbre m’a inspiré et servi d’outil lors du processus de composition des pièces présentées dans ce mémoire. Il ne s’agit donc pas ici d’un catalogue musicologique démontrant toutes les façons dont le timbre percussif peut apparaitre dans une œuvre musicale.

(15)

6

CHAPITRE 1

1. Recherches préliminaires

Le présent travail de création a été précédé par une phase de recherche visant à cerner le développement du rôle du timbre dans l’histoire des musiques occidentales, et plus particulièrement par les compositeurs du 20e et 21e siècle.

Dès le début de cette recherche, il est apparu que certains courants, comme le spectralisme et les musiques de timbres,13 ont eu une importance capitale dans le développement récent

du rôle du timbre. Déjà, certaines techniques d’écriture, telles que l’orchestration et les mélodies de timbres avaient joué un rôle indispensable pour son évolution. Mais, plus que tout, la technologie musicale et les musiques électroacoustiques ont grandement contribué à la compréhension et l’exploitation du paramètre du timbre. Ces avancées ont permis la création d’un grand nombre d’œuvres où le timbre joue un rôle central dans le discours musical. Les compositeurs d’aujourd’hui sont d’ailleurs confrontés à un éventail de matériaux sonores presque infini.

Dès lors, d’entrée de jeu, le nombre d’avenues possibles dans le cadre de ce travail de création était considérable. Cela dit, même si les musiques électroacoustiques exercent une influence sur ma façon de penser la musique et de la composer, j’ai décidé, pour de simples questions d’affinité, de ne pas travailler directement les musiques électroacoustiques et les technologies musicales, et de me concentrer seulement sur les instruments acoustiques dans le présent projet de création.

1.1 L’évolution du rôle du timbre

Le travail actuel de nombreux compositeurs de musique instrumentale sur le timbre est le produit d’une longue et lente émancipation de ce paramètre dans le courant de l’histoire de la musique occidentale. Une émancipation face aux paramètres traditionnellement considérés comme plus importants, soit la hauteur et le temps. Le compositeur français

(16)

7

Tristan Murail parle de cette émancipation comme d’un : « grand mouvement de la musique occidentale où le timbre, jadis insignifiant au regard de l’écriture, est progressivement pris en compte, reconnu comme phénomène autonome, puis comme catégorie à part entière. »14

En parallèle, le musicologue grec Makis Solomos explique que l’émancipation du « timbre-objet » est directement « liée à l’histoire de l’orchestration qui, elle-même, émerge progressivement à travers les extraordinaires "progrès" que connait la musique instrumentale européenne à partir des débuts du baroque. »15

En effet, le timbre prenait auparavant une place presque anonyme, voire accidentelle dans la musique instrumentale. Murail explique que : « dans les partitions des 16e et 17e siècles, le timbre n’était pas vraiment pris en compte, et n’était pas noté explicitement. Beaucoup d’œuvres pouvaient se jouer aussi bien au hautbois qu’au violon, être accompagnées par un clavecin ou par un luth ; on utilisait les moyens disponibles, sans attacher beaucoup d’importance aux sons effectifs. »16 Dès l’époque baroque, de plus en plus d’œuvres sont

composées pour des instruments spécifiques,17 précisant par la même occasion les divers timbres devant être entendus, en plus de donner naissance au « langage idiomatique pour instrument. »18

Étant liés de près à l’orchestration, les divers timbres servaient avant tout à colorer les divers plans musicaux. En 1844, dans son Grand traité d’instrumentation et d’orchestration

moderne, le compositeur français Hector Berlioz rend compte de cette technique de

coloration. Il va plus loin en ajoutant que les timbres peuvent désormais servir : « à produire des impressions sui generis (motivées ou non par une intention expressive) indépendantes de tout concours des trois autres grandes puissances musicales [hauteur, durée et intensité]. »19

Selon Solomos, Berlioz est « le premier compositeur pour lequel le timbre tend à devenir

14 Tristan Murail, « Conférences de Villeneuve-lès-Avignon, » dans Tristan Murail : modèles et artifices,

textes réunis par Pierre Michel (Strasbourg : Presses Universitaires de Strasbourg, 2004), 79.

15 Makis Solomos, « Timbre et son, » dans Théories de la composition musicale au XXe siècle, vol. 2, sous la

direction de Nicolas, Donin et Laurent Feneyroue (Lyon : Symétries, 2013), 1428-1429.

16 Tristan Murail, « Conférences de Villeneuve-lès-Avignon, » dans Tristan Murail : modèles et artifices,

textes réunis par Pierre Michel (Strasbourg : Presses Universitaires de Strasbourg, 2004), 99.

17 Par exemple, les Concertos brandebourgeois de Jean-Sébastien Bach (BWV 1046-1051).

18 Tristan Murail, « Conférences de Villeneuve-lès-Avignon, » dans Tristan Murail : modèles et artifices,

textes réunis par Pierre Michel (Strasbourg : Presses Universitaires de Strasbourg, 2004), 99.

(17)

8

catégorie compositionnelle à part entière, »20 traitant ainsi le timbre comme un élément

significatif de la poétique d’une œuvre. L’évolution du rôle du timbre tend dès lors à s’accélérer, notamment avec les œuvres pour orchestre des compositeurs Richard Wagner et Claude Debussy. Chez ceux-ci, l’orchestration et le timbre ne sont plus des paramètres secondaires, mais bien des parties intégrantes du discours de l’œuvre.21,22

L’importance du timbre s’accentue pour les compositeurs du début du 20e siècle, en

témoigne l’idée de klangfarbenmelodie conceptualisée par le compositeur autrichien Arnold Schoenberg en 1911 dans son Traité d’harmonie. Schoenberg la décrit en ces termes : « out of that which we call simply 'tone color', progressions whose relations with one another work with a kind of logic entirely equivalent to that logic which satisfies us in the melody of pitches. »23 Un des essais les plus connus de klangfarbenmelodie est celui du compositeur autrichien Anton Webern, que l’on trouve dans son orchestration de 1935 du « Ricercare »24 de Jean-Sébastien Bach. Dans cette orchestration, la klangfarbenmelodie donne une nouvelle dimension à la pièce de Bach par une distribution continuelle des fragments de la mélodie entre les divers timbres :

Exemple 2 : Condensé des instruments utilisés dans le sujet de l’orchestration du « Ricercare » (1935) de Jean-Sébastien Bach par Anton Webern (mes. 1-9). Tous les cuivres ont une sourdine.

L’un des premiers essais d’utilisation du timbre comme « matière première » se retrouve probablement dans le travail du compositeur italien Giacinto Scelsi (1905-1988). Murail explique que le travail de Scelsi repose sur ce qu’il traduit comme étant : « [la] "profondeur"

20 Makis Solomos, « Timbre et son, » dans Théories de la composition musicale au XXe siècle, vol. 2, sous la

direction de Nicolas Donin et Laurent Feneyrou (Lyon : Symétries, 2013), 1429.

21 Nicolaï Rimsky-Korsakov, Principle of orchestration: with examples drawn from his own works (New

York : Dover Publications, [1964]), 2.

22 Marc-André Dalbavie, « Pour sortir de l’avant-garde, » dans Le timbre : métaphore pour la composition,

sous la direction de Jean-Baptiste Barrière (Paris : C. Bourgois : I.R.C.A.M., 1991), 308, 312.

23 Arnold Schoenberg, Theory of harmony, traduit de l’allemand par Roy E. Carter (Berkeley : University of

California Press, 1983), 421.

(18)

9

du son. »25 Murail explique aussi que : « Le travail d’écriture [de Scelsi] porte donc sur les

allures, les densités, les registres, le dynamisme interne, les variations et micro-variations du timbre de chaque instrument : attaques : type d’entretien, modifications spectrales, modulation de la fréquence et de l’intensité. »26

En parallèle, la technologie musicale et les musiques électroacoustiques ont permis, entre autres, de mieux comprendre les mécanismes du timbre. Grâce à des outils tels que le sonagraphe, elles ont notamment révélé que la qualité d’un timbre est intimement liée au transitoire d’attaque de l’enveloppe d’un son.27 Les avancées technologiques ont aussi mené

à la composition d’œuvres pour haut-parleurs par la création de timbres complexes de façon complètement analogue à partir d’une combinaison d’un ensemble de sinusoïdes — par exemple, le compositeur français Pierre Schaeffer au Club d’essai à Paris avec des œuvres comme la Symphonie pour un homme seul (1950) et Phèdre (1959), et le compositeur allemand Karlheinz Stockhausen au Studio für Westdeutscher Rundfunk à Cologne avec des œuvres telles que Studie I und II (1954) et Gesang der Jünglinge (1956).28

Plus tard, des compositeurs de musiques spectrales se serviront des découvertes récentes sur le timbre et le spectre harmonique comme modèle dans la composition de certaines de leurs œuvres.29 Parmi ces techniques de composition issues des musiques électroacoustiques,

on y retrouve, par exemple, le fractionnement, le filtrage, la création de spectres harmoniques, l’exploration et la modulation spectrale.30 Ces techniques peuvent notamment être observées

chez les compositeurs Tristan Murail, dans des œuvres telles que Gondwana (1980) et

Désintégrations (1983), et Gérard Grisey, dans des œuvres comme Partiel (1975) et Talea (1986).

25 Tristan Murail, « Scelsi, dé-compositeur, » dans Tristan Murail : modè les et artifices, textes réunis par

Pierre Michel (Strasbourg : Presses Universitaires de Strasbourg, 2004), 79.

26 Tristan Murail, « Scelsi, dé-compositeur, » dans Tristan Murail : modè les et artifices, textes réunis par

Pierre Michel (Strasbourg : Presses Universitaires de Strasbourg, 2004), 79.

27 Pierre Schaeffer, La musique concrète (Paris : Presses universitaires de France, 1967).

28 Simon Emmerson et Denis Smalley, « Electro-acoustic music, » dans le Grove Music Online, Oxford Music

Online, http://www.oxfordmusiconline.com/subscriber/article/grove/music/08695.

29 Julian Anderson, « Spectral Music, » dans le Grove Music Online, Oxford Music Online, http://www.oxfordmusiconline.com/subscriber/article/grove/music/50982.

(19)

10

2. Les timbres percussifs

2.1 Le timbre percussif idéal

Dans mon travail précompositionnel, j’ai dressé une liste des paramètres mettant en lumière les caractéristiques d’un timbre percussif. J’ai choisi les éléments constituant cette liste à la suite d’un processus d’écoutes de musiques faisant usage de la percussion, et d’une réflexion sur les sonorités et le rôle discursif de cette famille d’instruments.

Les éléments de cette liste de paramètres sont : • l’attaque ;

• la durée de l’entretien (l’apport énergétique) ; • l’intensité ;

• la hauteur ;

• la résonance (la vibration libre) ; • le volume.

J’ai sélectionné ces éléments, car ils m’apparaissent avoir une influence foncière dans la caractérisation des timbres que je veux modeler. Il serait possible d’ajouter d’autres éléments, mais tenter de dresser une liste exhaustive ne serait pas nécessairement utile dans le contexte de ce projet. Comme l’explique le psychoacousticien néerlandais J.F. Schouten, malgré le fait que des oreilles plus affinées puissent identifier certaines différences importantes entre deux timbres, les différences plus minutieuses restent impossibles à identifier pour le plus grand nombre.31

Les paramètres de la liste me permettent de définir le potentiel percussif d’un son ou d’une combinaison de ceux-ci, allant d’une sonorité percussive idéale jusqu’à l’absence de qualité percussive. À mon sens, une sonorité percussive idéale correspond au profil établi dans le tableau 1.

31 J. F. Schouten, « The perception of timbres » (communication présentée durant le 6th international

(20)

11 Tableau 1 : Profil d’une sonorité percussive idéale.

Attaque très claire, sans être masquée ; l’attaque devrait être de type frappé Entretien bref ; sans aucun entretien du son

Intensité très forte

Hauteur le moins de hauteur précise possible ; bruit blanc sans perception d’un fondamental

Résonance soit aucune, soit très longue (selon le type de percussion) Volume soit très large, soit très mince (selon le type de percussion)

Dans l’évaluation du caractère percussif des sons et des sonorités que je compose, je considère chacun de ces paramètres comme une échelle, et non pas seulement comme un ensemble binaire. Cette possibilité de gradation permet une plus grande flexibilité interprétative, fort utile dans un contexte de création. Le tableau 1 ne représente donc que mon interprétation du timbre percussif idéal.

Dans le contexte de ce mémoire, l’ensemble de ces paramètres permet de modeler certaines sonorités ayant divers niveaux percussifs, allant d’un timbre non percussif à un timbre percussif idéal. Plus spécifiquement, j'ai balisé la gradation des niveaux des timbres à six niveaux spécifiques, tel qu’indiqué dans le tableau 2.

Tableau 2 : Gradation des six niveaux de timbres. plus percussif percussif idéal

très percussif percussif

moyennement percussif peu percussif

moins percussif non percussif

Par ailleurs, les paramètres n’ont pas tous une importance égale à mes yeux. Je considère que certains contribuent plus à la qualité percussive d’une sonorité, malgré que cette gradation puisse minimalement changer selon les besoins du discours musical et du type d’instruments. Globalement, l’entretien et l’attaque me semblent avoir généralement plus

(21)

12

d’importance que l’intensité et la hauteur, qui sont elles-mêmes plus importantes que la résonance et le volume.

Il est aussi possible de croire que certains des éléments du tableau 1 semblent contradictoires. Ainsi, la résonance et le volume incluent les deux extrêmes opposés de l’échelle. Cela s’explique : on peut considérer comme très différents le volume et la résonance d’un wood-block et d’une cymbale, même si la sonorité de ces deux instruments possède chacune une haute valeur percussive.

Finalement, la durée de l’entretien d’un son et la résonance sont traitées comme des paramètres indépendants dans la liste. Ici, l’entretien a trait à la durée où l’instrumentiste met en vibration le corps de son instrument (p. ex. : souffler dans un hautbois), alors que la résonance a trait à la vibration dite « naturelle » d’un instrument (p. ex. : la vibration libre d’un tam-tam après qu’il ait été frappé par l’instrumentiste et avant que l’instrument ne cesse complètement de vibrer ou ne soit interrompue). Il se doit de souligner que la résonance exclut cependant la réverbération d’une salle, puisqu’il s’agit d’une variable sur laquelle je n’ai pas de contrôle lors du processus de composition.

2.2 Le rôle de la percussion dans le répertoire

Mes recherches m’ont, par ailleurs, mené à considérer le rôle de la percussion dans la tradition des musiques occidentales. Ce rôle de la percussion m’a permis d’étudier le « langage musical percussif ». Pour ce faire, je me concentre sur le répertoire orchestral, puisqu’il permet de facilement comparer les différentes familles.

Peu utilisée au départ, l’importance de la percussion au sein de la musique orchestrale augmente peu à peu depuis 18e siècle, puis grandement vers le début du 20e siècle. Mais même à cette époque récente, on note chez certains compositeurs que la percussion n’a pas un rôle aussi essentiel que les autres familles. Par exemple, le compositeur et théoricien anglais Ebenezer Prout offrait cette mise en garde aux jeunes compositeurs en 1910 :

The student will do well in most compositions to avoid the use of the percussion instruments (excepting, of course, the kettle-drums [la timbale]) entirely. In a symphony they would mostly be utterly out of place. […] If

(22)

13

injudiciously used in the bass drum and cymbals will give vulgarity, and the triangle triviality, to the music.32

Et encore, quelques 40 ans plus tard, le compositeur français Charles Kœchlin servait un avertissement semblable :

[I]l convient de mettre en garde les jeunes musiciens contre l’abus de la

percussion ; Il n’est pas douteux que les codas de certaines œuvres —

écrites pourtant par des maîtres — insistent avec un si grand et si bruyant concours de timbales, cymbales, grosse caisse et autres sonorités violentes, que cela devient tout-à-fait bastringue : indigne de ce qui précédait. Tant est dangereuse la recherche de l’effet, et la surenchère en matière de fff… Mais sachez bien que la vraie force de votre musique vient de l’idée même, de la beauté harmonique et chantante, de la richesse des contrepoints, de l’équilibre orchestral, — enfin, des justes proportions en matières de durée ou de sonorité. La percussion arrive en surplus.33

Bien que Kœchlin admette que l’utilisation percussions discrètes, voire imperceptibles, puisse être un cas où elles « réalisent l’œuvre, »34 il est tout de même possible d’observer que la percussion avait encore mauvaise presse il n’y a pas si longtemps.

Malgré cela, l’effectif des instruments de percussion au sein de l’orchestre prendra de plus en plus de place durant le 20e siècle. Les quelques timbales, cymbales et grosses caisses se verront adjoindre une pléthore de nouveaux instruments. Entre autres : le xylophone, le marimba, les cloches tubulaires, le glockenspiel, le tam-tam, le célesta, ainsi que nombre de cymbales et de gongs et d’instruments extra-occidentaux en tout genre. Déjà, certaines de ces œuvres pour orchestre utilisent une quantité remarquable d’instruments de percussion, dont certains plutôt hors-norme pour l’époque. Parmi ces œuvres, notons : la 6e symphonie de Gustav Mahler, Jeux de Claude Debussy, Amériques d’Edgard Varèse et la

Turangalîla-Symphonie d’Olivier Messiaen. Le tableau 3 donne la liste des instruments de percussion de

ces musiques.

32 Ebenezer Prout, A treatise on instrumentation; a practical guide to orchestration (Philadelphie : T. Presser

Co., 1910), 95.

33 Charles Koechlin, Traité de l’orchestration (Paris : Max Eschig, 1954), 107. 34 Ibid.

(23)

14

Tableau 3 : Liste des percussions dans diverses œuvres importantes du répertoire orchestral.

Œuvre Compositeur Liste des percussions

6e symphonie35 (1906)

Gustav Mahler - caisse claire - célesta - cloche à vache - cloches - cymbales - fouet - glockenspiel - grosse caisse - marteau - tam-tam - tambourin - timbales - triangle - verge - xylophone Jeux36 (1913)

Claude Debussy - célesta - cymbales - tambourin - timbales - triangles - xylophone Amériques37 (1926)

Edgard Varèse - caisse claire - carillon - castagnettes - célesta - cloches - cymbales - fouet - glockenspiel - grelots - grosses caisses - sirènes - tam-tam - tambour à cordes - tambourins - timbales - triangle - xylophone Turangalîla-Symphonie38 (1948)

Olivier Messiaen - caisse claire - cloches tubulaires - cymbales - grosse caisse - maracas - tam-tam - tambour - tambour de basque - temple-block - triangle - vibraphone - wood-block

Malgré l’augmentation de son effectif au sein de l’orchestre, le rôle de la percussion dans le discours musical reste sensiblement le même. Le compositeur et chef d’orchestre américain Samuel Adler explique en 2002 que les usages les plus courants de percussion à l’orchestre sont les suivants :

35 Gustav Mahler, Symphony VI, A minor (first version) (New York : Eulenburg, [1968]). 36 Claude Debussy, Jeux : poème dansé (Paris : Durand, 1914).

37 Edgard Varèse, Amériques (1929) : for orchestra (Milano : Recordi, c.2000).

38 Olivier Messiaen, Turangalîla-symphonie : pour piano solo, onde Martenot solo et grand orchestre (Paris :

(24)

15

Uses of the Percussion Section39

1. to simulate march music (for example, à la Turque) or to give an ethnic flavor (this does not apply to the early use of the timpani);

2. to emphasize accents and general rhythmic activity; 3. to build or to cap a climax;

4. to create a dramatic beginning to a work […];

5. to color certain pitches or entire passages by doubling other instruments in the orchestra.

Cette liste des usages démontre que, même encore aujourd’hui, le rôle traditionnel de la percussion dans le répertoire orchestral est directement lié aux paramètres discursifs du temps, de l’intensité et de la coloration des hauteurs. Lors du travail précompositionnel, j’ai conclu que d’associer ces rôles traditionnels de la percussion, particulièrement ceux associés au temps et à la construction de climax, aux timbres percussifs augmenterait drastiquement l’efficacité discursive de ces timbres. Évidemment, il est possible de trouver des extraits isolés où les percussions sont utilisées autrement. J’ai cependant décidé, dans le cadre de ce mémoire, de me concentrer sur la tradition musicale, et les attentes que celle-ci crée chez l’auditeur.

2.3 Le geste percussif et résultat en-temps

En plus des sons individuels ayant un timbre percussif et du rôle traditionnel de la percussion, les gestes musicaux percussifs ont également été d’une importance primordiale dans le processus de composition des œuvres à l’étude. Ces gestes musicaux percussifs sont, en quelque sorte, l’alliance de ces deux éléments. J’ai voulu assigner aux sonorités percussives un rôle associé à la percussion afin que les gestes musicaux en-temps40 soient

plus efficaces.

Or, l’efficacité du geste percussif est complexe à assurer puisqu’il dépend beaucoup de l’instrumentiste. En effet, bien que la partition puisse être écrite en fonction de la mise en valeur de certains timbres, une interprétation plus « libre » d’une pièce pourrait masquer ce

39 Samuel Adler, The Study of Orchestration (New York: W.W. Norton, 2002), 497.

40 En 1964, le compositeur grec Iannis Xenakis s’intéresse à deux catégories musicales qu’il nomme hors-temps

et en-temps. Grosso modo, l’organisation musicale relève du hors-temps ; la réalisation du en-temps. Iannis Xenakis, « Enquête sur la musique sérielle. La voie de la recherche et de la question, » Preuves 177 (1965) : 33-36.

(25)

16

travail. En parlant de la Sequenza V (1966) du compositeur Luciano Berio, pièce contenant une quantité élevée de passages percussifs au trombone, le compositeur Paul Craenen note que l’effet peut être amoindri, voire manqué, selon le niveau de fidélité de l’interprétation : « In some performances […], the note is clearly re-articulated at the end of each crescendo. That considerably reduces the percussive effects. »41

Afin d’augmenter l’efficacité des gestes percussifs, il est donc important pour le compositeur de communiquer aux instrumentistes toutes les informations nécessaires à la réalisation, notamment par l’intermédiaire de pages liminaires détaillées ou de discussions. Lors de la création des pièces à l’étude, j’ai ainsi remarqué une énorme différence dans la qualité du travail sur le timbre chez les ensembles avec lesquels j’ai eu l’occasion de discuter au préalable des enjeux spécifiques des œuvres.

3. Les timbres percussifs comme source d’inspiration

Les éléments présentés au point 2 ont été d’une grande aide lorsqu’est venu le temps de m’inspirer des timbres percussifs durant la composition des œuvres à l’étude. Cette inspiration s’incarne notamment par l’évaluation du profil timbral des diverses sonorités utilisées lors de la composition des œuvres à l’étude, de même que par la prédéfinition de profils timbraux. Ces deux processus m’ont aidé à choisir des sonorités conséquentes avec le profil timbral recherché, selon le contexte discursif.

3.1 Évaluation du profil timbral des sonorités

Le but de mon travail n’étant pas d’identifier scrupuleusement chacune des possibilités de timbre percussif, j’ai réfléchi et évalué librement les timbres de mes œuvres selon les échelles paramétriques présentées dans le tableau 1. À titre d’exemple, le tableau 4 montre le profil timbral d’un pizzicato de violoncelle moyennement fort sur la hauteur fa142

provenant d’un violoncelle ayant une résonnance de 2 secondes.

41 Paul Craenen, Composing Under the Skin: The Music-making Body at the Composer’s Desk, traduit de

l’allemand par Helen White (Leuven : Leuven University Press, 2013), 186.

(26)

17

Tableau 4 : Profil timbral d’un pizzicato dans le grave du violoncelle.

Attaque plus précise qu’à l’archet, bien que plutôt mate : l’utilisation du doigt sur la corde rend l’attaque moins brillante

Entetien très bref

Intensité moyennement forte

Hauteur hauteur précise dans le grave ; fondamental clair Résonance plutôt longue : 2 secondes

Volume plutôt large

Selon mon analyse, ce son au violoncelle possède un timbre moyennement percussif, car les paramètres de l’entretien et de l’attaque, les deux plus importants, s’inscrivent dans la lignée d’un son percussif idéal, alors que les autres paramètres du profil en sont plus éloignés.

3.2 Prédéfinition de profils timbraux

En plus de telles évaluations du profil timbral de sons spécifiques, j’ai également pensé les timbres et les discours par la prédéfinition de profils timbraux. Il m’était alors possible, a

posteriori, d’associer des sons spécifiques à ces profils prédéfinis. Pour exemple, le tableau 5

montre le profil timbral prédéfini sans référence immédiate à un son précis. Tableau 5 : Profil timbral établi au préalable.

Attaque claire, précise et marquée

Entretien moyennement long : 2 à 3 secondes Intensité très forte

Hauteur hauteur précise dans l’aigu Résonance très brève

Volume mince

Dans ce cas-ci, le profil timbral peut être considéré comme percussif puisque la majorité des paramètres se rapprochent du timbre percussif idéal, à l’exception de l’entretien et de la hauteur. Les façons de traduire ce profil en sons concrets seraient, par exemple :

• un flatterzunge aigu à la flûte ou à la clarinette ;

• un tremolando aigu au violon ou à l’alto joué près du pont ;

• un roulement de baguette au vibraphone qui serait étouffé directement après.43

43 Tous ces modes de jeu envisagés font usage d’attaques répétées. Dans le contexte de ce projet de création,

(27)

18

3.3 La dissonance comme facteur percussif

De façon plus abstraite, je me suis inspiré du concept de dissonance comme phénomène « percussif. » Si cela inclut les dissonances mélodiques et harmoniques conventionnelles, j’ai aussi été mené à considérer, par extension, les dissonances cognitives. Ainsi, un instrument qui produit un son auquel on ne s’attend pas ajoute selon moi une nouvelle valeur percussive aux sons environnants et aux discours. En ce sens, lors de la composition des œuvres à l’étude, j’ai librement considéré comme dissonance tout ce qui va, à mon sens, à l’encontre de la tradition musicale, d’une manière ou d’une autre.

Cette façon de voir la dissonance provient d’une réflexion sur le rôle extérieur, presque « étranger », de la percussion au sein des discours orchestraux, servant avant tout d’outil de coloration et d’accentuation grâce aux bruits qu’elle produit.

Bien que cela ne puisse pas nécessairement être perceptible à l’écoute, cette conception de la dissonance a été utile lors de la composition des œuvres à l’étude. Ces réflexions m’ont permis de déterminer avec une plus grande précision si les sonorités utilisées présentent le niveau percussif souhaité.

(28)

19

CHAPITRE 2

Ce deuxième chapitre sert à identifier les façons dont les timbres percussifs ont inspiré la composition des trois œuvres à l’étude. Ces trois œuvres sont :

• Et pourtant elle tourne ! ; • Obsession ;

• Au bord de l’eau.

4. Analyse des timbres percussifs dans Et pourtant elle tourne

 !

4.1 Présentation générale de Et pourtant elle tourne !

Et pourtant elle tourne ! est une pièce pour quatuor à cordes. La première version de cette

pièce, d’une durée de 5 minutes, a été composée dans le cadre de ma participation au

Composer’s Kitchen — Vancouver Lab tenu par le Quatuor Bozzini en 2013 à la Simon

Fraser University en Colombie-Britannique. Une deuxième version de cette pièce, d’une durée de 10 minutes, a été composée en 2014. Grosso modo, cette deuxième version est, à bien des égards, une augmentation de la première version. C’est cette deuxième version qui est ici à l’étude.

Le titre de cette pièce provient d’une traduction de la citation apocryphe de Galileo Galilei, qui aurait prononcé les mots « Eppur si muove ! » après que l’inquisition l’eut forcé à abjurer sa théorie de l’héliocentrisme en 1633. Ce titre, choisi a posteriori, incarne le mouvement continu de la forme de l’œuvre dans sa première version.

Cette pièce est celle où le sujet de recherche prend le plus de place : fond et forme traitent du timbre percussif. Tous les instruments de l’ensemble participent à la production de timbres percussifs.

Le timbre percussif s’incarne concrètement au cours de l’œuvre par l’utilisation de nombreux modes de jeu.44 La juxtaposition et la superposition des timbres articulent le discours et la forme de l’œuvre. Je m’inspire aussi dans cette œuvre, mais de façon plus

44 Dans le cadre ce mémoire, mode de jeu correspond à une manière non usuelle de jouer l’instrument, qui

(29)

20

abstraite, du rôle de la famille des percussions à l’orchestre tel que décrit au point 2.2. Cette source d’inspiration reste toutefois secondaire dans cette pièce, tout comme dans les autres œuvres à l’étude.

4.2 Matériaux timbraux percussifs

Les timbres percussifs apparaissent de différentes façons dans cette pièce pour quatuor à cordes. Ceux-ci peuvent être groupés en deux catégories principales :

• les modes de jeu à l’archet ;

• les modes de jeu pincés ou frappés.

Dans la présente analyse, les modes de jeu à l’archet sont généralement considérés comme étant peu ou moyennement percussifs, alors que les modes de jeu pincés ou frappés sont considérés comme étant au moins moyennement percussifs. Le tableau 5 présente une gradation des modes de jeu, selon leur qualité percussive.

Tableau 6 : Gradation des modes de jeu aux cordes selon leur qualité percussive. Qualité

percussive

non percussif peu à moyennement percussif

percussif à percussif idéal Types de

modes de jeu

jeu normal modes de jeu à l’archet

modes de jeu pincés

modes de jeu frappés

Cette gradation subjective m’a permis d’évaluer le niveau percussif des timbres produit par ces deux groupes de modes de jeu afin de mieux les intégrer au discours de l’œuvre.

4.2.1 Premier groupe : les modes de jeu à l’archet

Dans cette pièce, les modes de jeu avec l’archet sont considérés comme peu ou moyennement percussifs, compte tenu de leur caractère mitoyen entre le jeu normal des instruments à cordes et les timbres frappés. Les modes de jeu avec l’archet employés dans cette œuvre sont :

• col legno tratto ; • cordes étouffées ;

• jeu sur le corps de l’instrument avec l’archet ; • tremolando.

(30)

21

À mon sens, le mode de jeu à l’archet qui incarne le mieux le terme mitoyen entre le jeu normal et les timbres percussifs créés par les divers modes de jeu est le col legno tratto.45 Exemple 3 : Col legno tratto au violoncelle (mes. 17-18).

Les cordes étouffées jouent un rôle semblable à celui du col legno tratto. Elles sont tout de même considérées plus percussives que le col legno tratto puisque seulement une région du spectre harmonique est perceptible, plutôt qu’une hauteur précise. Dans cette pièce, les cordes peuvent être étouffées à trois endroits sur le manche afin de faire entendre trois différents registres, soit grave, moyen et aigu.46 Dans la partition, le symbole de croix accompagné d’un cercle représente l’endroit où les instrumentistes doivent bloquer les cordes : la ligne verticale représente le manche et la ligne horizontale représente la hauteur approximative de la main qui bloque les cordes.

Exemple 4 : Cordes étouffées dans les registres graves et moyens (mes. 20).

45 Le col legno tratto est un mode de jeu qui consiste à mettre la corde d’un instrument en vibration avec le

bois de l’archet plutôt que le crin.

(31)

22

Les instruments doivent aussi jouer avec l’archet directement sur le corps de l’instrument. Ce mode de jeu est considéré plus percussif que l’étouffement des cordes puisque le registre est encore plus difficile à identifier. Dans la partition, ce mode de jeu est représenté par un symbole représentant le corps de l’instrument traversé d’une ligne droite indiquant l’emplacement approximatif où les instrumentistes doivent frotter.

Exemple 5 : Frottement de l’archet sur le corps du violon 2 et du violoncelle (mes. 37-38).

En général, les trois modes de jeu précédents sont jumelés à des durées longues, ce qui les rend plus faciles à identifier à l’écoute, mais ils sont aussi parfois associés à des durées plus brèves, ce qui augmente leur caractère percussif.

Exemple 6 : Modes de jeu avec l’archet en durées brèves au violon 2 et à l’alto (mes. 34-36).

Les modes de jeu peuvent être combinés entre eux afin d’assurer aux timbres résultants un caractère plus énergique. C’est d’ailleurs l’utilité première du tremolando dans cette pièce. Exemple 7 : Cordes étouffées jumelées au tremolando au violon 1 (mes. 47-48).

(32)

23

4.2.2 Deuxième groupe : les modes de jeu pincés ou frappés

Par la nature subite et dynamique de leurs attaques, les modes de jeu pincés ou frappés sont plus proches du timbre percussif idéal que les modes de jeux du premier groupe. Les modes de jeu pincés et frappés employés dans cette œuvre sont :

• pizzicato ;

• col legno battuto ; • pizzicato Bartók ;

• tapotement du doigt sur la caisse de l’instrument ; • cordes étouffées.

Le mode de jeu pincé du pizzicato est, en soi, seulement moyennement percussif. Cependant, ce mode de jeu est souvent utilisé pour marquer la pulsation, le rendant ainsi un peu plus percussif puisqu’il remplit un des rôles de la percussion tel qu’étudié au point 2.1. Exemple 8 : Pizzicato ayant pour rôle de marquer la pulsation (mes. 56-60).

Ayant un niveau percussif semblable à celui du pizzicato, le mode de jeu du col legno

battuto47 apparait seulement à quelques reprises dans la pièce, comme un élément de variation du timbre de l’ordre des modes de jeu du deuxième groupe.

Exemple 9 : Col legno battuto au violoncelle (mes. 37).

(33)

24

Plus près du timbre percussif idéal, les pizzicatos Bartók et les tapotements du doigt sur le corps de l’instrument sont amplement utilisés au cours de la pièce. Le tapotement est identifié dans la partition par l’indication fingertap et par une tête de note triangulaire. L’endroit où les instrumentistes doivent taper est indiqué par le même symbole que le jeu de l’archet sur le corps de l’instrument. Dans le contexte de cette œuvre, je considère que le tapotement est le mode de jeu le plus proche du timbre percussif idéal puisqu’il a le potentiel de rencontrer tous les niveaux des paramètres identifiés dans le tableau 1.

Exemple 10 : Tapotement du doigt sur la caisse de l’instrument à l’alto (mes. 28-29).

Finalement, afin de créer une unité discursive et conceptuelle au sein de la pièce, les modes de jeu du deuxième groupe sont parfois joués tout en étouffant les cordes avec la main gauche. Comme l’étouffement des cordes entrave le discernement d’une hauteur précise, il augmente ainsi grandement la qualité percussive des modes de jeu pincés ou frappés.

Exemple 11 : Pizzicato et pizzicato Bartók jumelés aux cordes étouffées au violoncelle (mus. 97-98).

(34)

25

4.3

Forme globale de l’œuvre

Dans sa première version, la pièce présentait un discours unique et directionnel du timbre non percussif au timbre percussif. Cela avait pour effet de créer une forme continue où les repères discursifs de récurrence étaient absents. En tant que compositeur, je craignais que cela ait une incidence néfaste sur l’intérêt des auditeurs. Pour des besoins d’efficacité du discours musical, j’ai donc décidé d’augmenter la durée de la pièce dans le but d’inclure des récurrences dans la forme. Ceci est accompli en utilisant exclusivement du matériel déjà existant dans la première version. Ce matériau est notamment réintégré sous forme d’inserts au centre de la pièce.

Selon l’articulation des discours du timbre percussif, la forme se découpe en quatre grandes sections :

Tableau 7 : Forme globale de Et pourtant elle tourne !

Sections A B A’+B’ C

Discours global du timbre percussif

non percussif peu percussif à moyennement percussif très peu percussif et moyennement percussif percussif à très percussif Durées des sections

2 min 3 min 30 s 2 min 15 s 2 min 15 s

Numéros de mesures 1 à 16 17 à 60 61 à 80 81 à 99 Type de sonorités harmonico-rythmique timbres frottés vers pincés et frappés harmonico-rythmique et timbrales timbres majoritairement pincés et frappés

4.3.1 Première section (A)

La majorité des matériaux timbraux non percussifs sont exposés dans la première section. Ces matériaux non percussifs sont principalement présentés sous la forme d’un discours mélodico-harmonique. Ce travail sur la hauteur évolue progressivement vers des sonorités plus percussives, notamment par l’utilisation de la dissonance (voir 3.3). L’harmonie est d’abord contextuellement consonante et les accords sont disposés de façon très large afin d’éviter toute tension.

(35)

26

Exemple 13 : Premiers accords de Et pourtant elle tourne ! (mes. 1-3).

L’harmonie devient de plus en plus dissonante et la disposition des accords se resserre alors que la section progresse. Cela a pour conséquence d’augmenter la tension harmonique et, du même coup, le caractère percussif. Le niveau de tension harmonique varie tout au long de la section selon une courbe d’augmentation non linéaire.

Exemple 14 : Augmentation progressive de la tension harmonique.

Dans cette première section, le paramètre du temps présente un discours similaire à celui de la hauteur, bien que sa structure soit différente. Le temps est d’abord lisse,48 notamment de par l’utilisation de longues durées entre les attaques. De plus, la perception du temps est initialement flouée par l’utilisation d’une métrique changeante, dans le but d’éviter une pulsation trop marquée. Cela dit, même si la métrique change, la pulsation peut rester la même et donc être perceptible.

48 C'est-à-dire un temps où la perception des rythmes ou d’une pulsation, qu’ils soient réguliers ou non, est

(36)

27

Exemple 15 : Formation d’un temps lisse par des métriques changeantes et des durées longues (mes. 1-4).

L’agogique se dynamise ensuite rapidement : le nombre d’occurrences des attaques augmente et des attaques simultanées à 2 et à 4 instruments apparaissent afin de marquer le temps de façon ponctuelle.

Exemple 16 : Dynamisation de l’agogique jumelé aux attaques simultanées à 4 et à 2 instruments (mes. 9-12).

Toujours dans le but d’établir initialement un discours musical non percussif, le paramètre de l’intensité dans cette section est globalement doux. À deux reprises au cours de la section, l’intensité augmente afin de contribuer à l’augmentation de la tension : la première fois vers une intensité moyennement forte, la deuxième fois vers une intensité forte.

(37)

28

Exemple 17 : Augmentation de l’intensité dans la première section (mes. 6 et 15).

4.3.2 Deuxième section (B)

La deuxième section consiste en une progression de timbres peu et moyennement percussifs vers des timbres très percussifs. Ainsi, le début de cette section présente un grand nombre de modes de jeu à l’archet (premier groupe), les modes de jeux pincés (deuxième groupe) n’y apparaissent quant à eux que sporadiquement. Afin d’unifier la texture des deux premières sections, le jeu normal réapparait de façon irrégulière au cours de la section. Exemple 18 : Passage moyennement percussif au début de la deuxième section (mes. 17-21).

Dans l’optique de transiter des modes de jeu frottés à des timbres très percussifs, les modes de jeu pincés et frappés apparaissent au cours de la section. Ce processus de transition des timbres est accompagné d’une dynamisation de l’agogique.

(38)

29

Exemple 19 : Apparition des modes de jeu frappés et dynamisation de l’agogique dans la deuxième section (mes. 27- 33).

4.3.3 Troisième section (A’+B’)

La troisième section consiste en un retour au discours harmonico-rythmique, inspiré de la première section (A’). La différence majeure avec la première section est que le timbre percussif est ici toujours présent (B’). Toutefois, plutôt que d’occuper un rôle de plan premier, il sert plutôt à ponctuer le discours harmonico-rythmique.

(39)

30

Exemple 20 : Discours harmonico-rythmique ponctué de timbres percussifs (mes. 63-67).

Au début de la section, l’alto sert de terme mitoyen entre les deux discours, passant régulièrement entre l’harmonico-rythmique et les timbres percussifs.

Exemple 21 : Discours mitoyen à l’alto (mes. 61-71).

En son centre, la troisième section est entrecoupée d’une sous-section où le timbre percussif occupe beaucoup de place. Celui-ci se résorbe néanmoins rapidement et laisse finalement le discours harmonico-rythmique reprendre le dessus.

(40)

31 Exemple 22 : Sous-section percussive (mes. 68-73).

4.3.4 Quatrième section (C)

Les modes de jeu du deuxième groupe (pincés, frappés) sont presque omniprésents dans la quatrième section. Cette section agit en tant que point culminant du processus de progression vers le percussif entamé dès la première section.

Dans le contexte de composition, j’ai voulu émuler dans cette section la musique pour instruments de percussion (point 2.2). Le discours musical, en plus d’être timbral, est donc aussi axé sur le dynamisme de l’agogique : les durées sont brèves et les occurrences d’attaques sont fréquentes.

(41)

32

Toujours en ce qui a trait à la dynamisation de l’agogique, la pulsation à la croche est ici beaucoup plus marquée. Cet enjeu devient de plus en plus important alors que la section progresse.

Exemple 24 : Pulsation marquée à la fin de l’œuvre (mes. 97-98).

De même, j’ai privilégié l’usage d’attaques syncopées dans cette section. Exemple 25 : Attaques sur les contretemps aux violons 1, 2 et à l’alto (mes. 83-84).

(42)

33

La pièce se conclut par ce que je qualifierai comme étant, dans le contexte de cette pièce, un discours percussif idéal. Par cela j’entends qu’il incarne un discours que l’on pourrait facilement transposer à un ensemble de percussions.

Exemple 26 : Discours percussif idéal comme conclusion de l’œuvre (mes. 95-99).

5. Analyse des timbres percussifs dans Obsession

5.1 Présentation générale et forme d’Obsession

Obsession est une pièce pour flûte, clarinette, violon, violoncelle, piano, vibraphone et

mezzo-soprano et est d’une durée de 10 min 30. Composée en 2014, la pièce a d’abord été créée par l’Ensemble Paramirabo et la chanteuse Chantal Grenier à la salle Henri Gagnon de l’Université Laval à Québec, sans vibraphone. Celui-ci a par la suite été enregistré dans le studio du Laboratoire audionumérique de recherche et de création (LARC) par le percussionniste et pédagogue Jean-Luc Bouchard. J’ai ensuite effectué le mixage sonore afin que les deux enregistrements semblent provenir de la même interprétation.

Le titre de cette pièce provient du poème éponyme de Charles Baudelaire, tiré de son recueil de poèmes Les Fleurs du mal. Ce poème sert de texte à la pièce.

Figure

Tableau 1 : Profil d’une sonorité percussive idéale.
Tableau 3 : Liste des percussions dans diverses œuvres importantes du répertoire orchestral
Tableau 4 : Profil timbral d’un pizzicato dans le grave du violoncelle.
Tableau 6 : Gradation des modes de jeu aux cordes selon leur qualité percussive.
+4

Références

Documents relatifs

Mais l’idée de jeux artistiques renvoie à d’autres réalités qui ne sont pas néces- sairement ce que je pointe avec la notion de jeu expressif et, sans cette dénomination, il

Nous tâcherons ici de retracer le parcours scientifique que ces regards croisés permettent d’effectuer : partant de la question de la place du jeu (et des joueurs·euses) dans

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des

Ainsi, dans le numéro de la revue lettriste où avait été publié une première fois « Théorie de la dérive », un compte rendu de dérive raconte comment à la suite d’une

We also observe ( see proposition 5.3) that if we consider the principal series as paramatrised by a multiplicative character of a two dimensional semi- simple commutative algebra

A partir de la représentation dans le modèle Objet utilisée dans le cadre de la mesure fondée sur la connaissance [31, 32], nous proposons une nouvelle repré- sentation reposant sur

ﺮﻳﺪﻘﺗﻭ ﺮﻜﺷ     ﻊﺿﺍﻮﺘﻤﻟﺍ ﻞﻤﻌﻟﺍ ﺍﺬﻫ ﻡﺎﻤﺗﻹ ﺓﻮﻘﻟﺎﺑ ﺎﻧﺩﻭﺯﻭ ﻪﻤﻌﻨﺑ ﺎﻨﻴﻠﻋ ﻦﻣ ﻱﺬﻟﺍ ﷲ ﺪﻤﺤﻟﺍ. ﻑﺮﺸﻤﻟﺍ ﺫﺎﺘﺳﻸﻟ ﻥﺎﻓﺮﻌﻟﺍﻭ ﺮﻜﺸﻟﺎﺑ ﻡﺪﻘﺗﺃ " ﻲﻣﻭﺩﺭﺯ " ﻱﺬﻟﺍ ﺤﺒﻟﺍ ﺍﺬﻫ

Une scène complète de la pièce est consacrée au choc que vivent les trois personnages après avoir compris qui est Michel : surpris de voir qu’un chrétien peut leur