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La répartition des risques liés à l’exploitation des hydrocarbures d’Old Harry : étude de la responsabilité en cas de déversement

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(1)

La répartition des risques liés à l’exploitation des hydrocarbures

d’Old Harry : étude de la responsabilité en cas de déversement

Stéphanie Roy

Faculty of Law McGill University, Montreal

April 2015

A thesis submitted to McGill University in partial fulfillment of the requirements of the degree of Master of Laws, specialized in environment (LL.M.)

©Stéphanie Roy 2015

(2)

TABLE DES MATIERES RÉSUMÉ ... iii ABSTRACT ... iv REMERCIEMENTS ... v INTRODUCTION ... 1 MOTS-CLÉS ... 5

CHAPITRE 1. Old Harry, les Îles-de-la-Madeleine et les hydrocarbures ... 7

1.1 Les impacts potentiels ... 10

1.2 Les acteurs ... 13

CHAPITRE 2. Les régimes législatifs ... 15

2.1 Le régime canadien ... 15

2.1.1 La compétence territoriale canadienne en zone maritime ... 15

2.1.2 Le partage des compétences ... 17

2.1.3 Les rejets d’hydrocarbures concernés ... 19

2.1.4 La cogestion fédérale-provinciale ... 21

2.1.5 Autres lois applicables aux rejets d’hydrocarbures ... 25

2.2 Le régime international de responsabilité pour la pollution transfrontière ... 26

2.3 Le régime international de responsabilité pour la pollution par les navires ... 29

CHAPITRE 3. La responsabilité civile pour rejets d’hydrocarbures de plateformes extracôtières ... 32

3.1 Les parties en droit de réclamer ... 34

3.1.1 Au Canada ... 34

3.1.2 Au plan international pour dommages transfrontières ... 40

3.1.3 Au plan de la pollution par les navires ... 43

3.1.4 Commentaires généraux sur les parties en droit de réclamer ... 45

3.2 Les défendeurs : Qui assumera la réparation ? ... 46

3.2.1 Au Canada ... 46

(3)

3.2.3 Au plan de la pollution par les navires ... 60

3.2.4 Commentaires généraux sur les défendeurs ... 63

3.3 Le type de responsabilité et les plafonds d’indemnisation ... 63

3.3.1 Au Canada ... 64

3.3.2 Au plan international pour dommages transfrontières ... 74

3.3.3 Au plan de la pollution par les navires ... 77

3.3.4 Commentaires généraux sur la responsabilité ... 83

3.4 Les dommages : étendue et limites de la réparation ... 85

3.4.1 Au Canada ... 86

3.4.2 Au plan international pour dommages transfrontières ... 93

3.4.3 Au plan de la pollution par les navires ... 96

3.4.4 Commentaires généraux sur la compensation des dommages ... 101

3.5 Le forum compétent, forum conveniens ? ... 102

3.5.1 Au Canada ... 102

3.5.2 Au plan international pour dommages transfrontières ... 105

3.5.3 Au plan international de la pollution par les navires ... 107

3.5.4 Commentaires généraux sur le forum compétent ... 108

CONCLUSION ... 109

(4)

RÉSUMÉ

Old Harry est un gisement d’hydrocarbures situé dans le Golfe du St-Laurent, sur la frontière entre les provinces de Québec et de Terre-Neuve. Le gouvernement québécois est ouvert à l’exploitation du gisement et le gouvernement fédéral s’est engagé à adopter une loi encadrant ce type d’exploitation au large des côtes de la province. Or, le déversement de la plateforme de

Deepwater Horizon en 2010 a démontré les risques importants qui accompagnent cette

exploitation. La présente étude a pour objet l’analyse du régime de responsabilité civile pour les rejets d’hydrocarbures applicable à Terre-Neuve, puisque le régime québécois devrait en être inspiré. L’objectif est d’en faire ressortir les forces et les faiblesses, notamment quant à la répartition des risques entre les différents acteurs concernés et au principe du polleur-payeur. Cette étude sera réalisée en utilisant les éléments constitutifs d’un recours en responsabilité civile (demandeurs, défendeurs, type de responsabilité, fardeau de preuve, dommages et forum compétent) et en les comparant avec la Convention de 1992 sur la responsabilité civile pour les

dommages dus à la pollution par hydrocarbures encadrant la pollution des navires de transport

des hydrocarbures. Cette analyse permet notamment de conclure que les victimes d’un déversement dans le Golfe – tant canadiennes que transfrontières – supporteraient une part importante des risques liés à l’exploitation, puisqu’elles seraient sous-indemnisées en cas de déversement majeur et qu’il serait difficile d’obtenir compensation pour les préjudices environnementaux. Notamment, aucune convention internationale n’a été adoptée pour encadrer les marées noires causées par les plateformes extracôtières, ce qui ne facilite pas l’indemnisation des victimes de dommages transfrontières. De plus, la limite de responsabilité applicable ne reflète pas l’ampleur des dommages qui peuvent être causés et aucun fonds n’a été mis en place pour indemniser les dommages excédant la limite de responsabilité de l’exploitant. La loi à être adoptée pour le Québec devrait donc considérer ces éléments afin d’assurer la protection de l’environnement et des victimes de la pollution.

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ABSTRACT

Old Harry is an oil and gas prospect located in the Gulf of St. Lawrence on the border between Quebec and Newfoundland. It has neither been drilled nor exploited yet, but the Government of Quebec has demonstrated openness to its exploration and the federal government has yet to adopt any statute regulating offshore oil and gas exploitation in Quebec. However, the 2010 BP Deepwater Horizon case has shown there are important risks that come with this exploitation. The purpose of this study is to analyze Newfoundland’s legislation to highlight the strengths and weaknesses of its civil liability regime for oil spills, particularly regarding risk-allocation between the actors involved in the event of a spill and the polluter pays principle, as Quebec should have mirror legislation. It will use the components of a civil liability recourse (plaintiffs, defendants, type of liability, burden of proof, damages & forum conveniens), and compare this regime with the International Convention on Civil Liability for Pollution Damage (1992), which regulates pollution from ships that transport oil. This study concludes that victims of a spill in the Gulf – whether Canadian or transboundary – bear an important risk related to this exploitation, as they would be under-compensated and it would be difficult to obtain compensation for natural resource damages. Indeed, no international convention has been adopted so far to regulate pollution from offshore oil and gas exploitation, which does not facilitate compensation of transboundary victims. In addition, the liability limit prevailing in Canada does not reflect the magnitude of damages that could be caused and there are no funds to compensate victims for damages that would exceed the operator’s liability limit. Hence, the statute to be adopted in Quebec should take into consideration these elements to ensure that the environment, as well as victims of pollution are protected.

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REMERCIEMENTS

Je tiens à exprimer ma gratitude envers tous ceux qui m’ont fourni leur support pour la réalisation de ce projet de recherche et la rédaction de ce mémoire. Tout d’abord, je remercie vivement ma superviseure, professeure Jaye Ellis, qui m’a aidée à donner une direction à ce projet et, surtout, qui m’a aidée à garder le cap. Ensuite, je remercie le professeur Hoi Kong pour avoir discuté des questions constitutionnelles avec moi. De même, je remercie Me John O’Connor pour avoir pris le temps de répondre à toutes mes interrogations relatives au droit maritime. Merci à ma collègue Anne Iavaronne-Turcotte pour son support et ses commentaires éclairants. Je tiens aussi à remercier mon amie Me Stéphanie Auclair pour toujours remettre en question mes idées et me pousser à aller plus loin. Je remercie mon amoureux François-Xavier pour la même raison et aussi pour m’avoir écoutée encore et encore parler de mon sujet de recherche. Merci à mon amie Me Samantha McKenzie pour m’avoir prêté main-forte afin de rendre honneur à la langue de Shakespeare lorsque nécessaire. Enfin, merci à mes parents, sans qui je n’aurais pas eu les outils pour parcourir mon chemin académique jusqu’ici. Merci pour votre support continuel.

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INTRODUCTION

Depuis la Révolution industrielle, l’activité humaine est dépendante des combustibles fossiles, ce qui a un impact énorme sur l’environnement marin puisque le pétrole est le principal problème de pollution marine1.Les hydrocarbures rejetés dans les océans peuvent provenir tant du transport par voie maritime que des pipelines ou des plateformes extracôtières2. Les déversements

survenant sur la terre ferme sont également susceptibles de contaminer les océans, en s’infiltrant d’abord dans les cours d’eau et les nappes phréatiques. Le déversement de la plateforme extracôtière de British Petroleum (ci-après « BP »), Deepwater Horizon, survenu en 2010 dans le Golfe du Mexique, a causé des dommages à l’environnement marin dont les effets pourraient se faire sentir durant des décennies3. Cet évènement a également mis en lumière les dangers accompagnant ce type d’exploitation. Or, la province de Québec a l’intention d’exploiter le gisement Old Harry qui se trouve dans le Golfe du St-Laurent, sur la frontière séparant Québec et Terre-Neuve, à 80 kilomètres des Îles-de-la-Madeleine.

Si un déversement devait survenir dans le Golfe, les provinces avoisinantes sont-elles protégées par le régime législatif en place ? La présente étude a pour but d’analyser les régimes législatifs applicables en cas de déversement majeur d’hydrocarbures dans le Golfe du St-Laurent, dans le but d’en ressortir les forces et les faiblesses, notamment quant à la répartition des risques entre les différents acteurs concernés. Un tel régime de responsabilité civile pour pollution a pour objectif de protéger l’environnement et d’assurer une compensation adéquate aux personnes subissant les dommages par pollution. Une telle compensation par la partie responsable de la pollution permet que celle-ci supporte les dommages causés, en application du principe du polleur-payeur4. Eu égard à ce principe, le régime législatif applicable dans le Golfe pour le moment comprend, à notre avis, plusieurs lacunes qui imposeraient un fardeau très lourd aux personnes subissant des dommages, de même qu’aux Canadiens en général. Ces derniers devraient donc assumer une part non négligeable de la pollution, le cas échéant, avec le pollueur. Afin d’aborder ces différents

1 Hossein Esmaeili, The Legal Regime of Offshore Oil Rigs in International Law, Aldershot (ENG), 2 Hong Mei et Yanjie Yin, « Studies on marine oil spills and their ecological damage » (2009) 8:3 J Ocean Univ

China 312‑316., aux pp 312-313.

3 Tina M Smith, « Wildlife Protection and Off-Shore Drilling: Can There Be a Balance between the Two » (2010) 6

Fla M UL Rev 349., à la p 377.

(8)

éléments, le présent mémoire s’articulera comme suit.

Le premier chapitre dressera le contexte dans lequel s’inscrit cette étude. Il traitera de l’intérêt du Québec d’exploiter le gisement Old Harry et utilisera les Îles-de-la-Madeleine à titre d’exemple afin d’analyser les impacts environnementaux potentiels d’un déversement. En effet, un déversement survenant dans le Golfe du St-Laurent serait susceptible d’avoir des impacts graves et à long terme pour l’environnement marin, mettant ainsi en péril la survie des Îles dont les deux principales activités économiques sont le tourisme et la pêche. Le cas de Deepwater Horizon servira également d’exemple.

Le second chapitre présentera les régimes législatifs applicables en matière de rejets d’hydrocarbures qui seront étudiés. Je traiterai en premier lieu du régime de Terre-Neuve (2.1), soit la Loi de mise en oeuvre de l’Accord atlantique Canada – Terre-Neuve5 (ci-après

« LAACTN »), cette province ayant également juridiction sur le gisement Old Harry. De plus, Ottawa doit adopter une loi octroyant la cogestion de la ressource à la province de Québec prochainement, comme cela est le cas pour les provinces de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse6. Nous aborderons donc la question des compétences fédérales et provinciales pour ce qui est des ressources naturelles se trouvant sur le plateau continental. Nous analyserons par la suite l’entente de cogestion fédérale et provinciale en vigueur pour Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse, puisque’elle présente des particularités au point de vue constitutionnel. Ce chapitre définira également les cas de rejets d’hydrocarbures sous étude (une distinction doit être faite selon l’installation d’où provient le rejet). Enfin, d’autres lois particulières, dont la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs 7 ou la Loi sur les pêches8 octroient des recours spécifiques à certaines parties dans les cas de pollution des eaux. L’enchevêtrement de lois qui seraient concernées dans l’éventualité d’un déversement n’est donc pas simple et sera analysé.

5 Loi de mise en oeuvre de l’Accord atlantique Canada - Terre-Neuve, LC 1987, c 3 [LAACTN].

6

Ibid.; Loi de mise en oeuvre de l’Accord Canada - Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers, LC 1988, c 28 [LACNÉ].

7 Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, LC 1994, c 22 [Loi sur les oiseaux migrateurs].,

art 5.1 (1).

(9)

En second lieu, nous présenterons le régime international en matière de pollution transfrontière applicable si d’autres pays étaient pollués par un déversement d’hydrocarbures au Canada (2.2). Il s’agit notamment du Projet de principes sur la répartition des pertes en cas de dommages

transfrontières découlant d’activités dangereuses9, élaboré par la Commission du droit

internationale10. Ce dernier ne vise pas spécifiquement les rejets d’hydrocarbures extracôtiers, mais impose plutôt aux États une obligation générale de ne pas polluer au-delà de leurs frontières. Les traités négociés au plan international pour la pollution marine sont beaucoup plus axés sur la prévention que la responsabilité per se11. Le présent mémoire s’intéresse davantage aux mesures de responsabilité, non pas par manque d’intérêt pour la prévention, mais plutôt parce que cet aspect de la pollution marine est moins développé et gagnerait à l’être.

En dernier lieu, nous présenterons le régime international applicable aux marées noires causées par les navires de transport des hydrocarbures, en l’absence d’un régime international concernant celles causées par les plateformes extracôtières (2.3). Il s’agit notamment de la Convention de

1992 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures12.

L’étude de ce régime permettra, d’une part, d’alimenter l’analyse du régime interne applicable aux plateformes extracôtières et, d’autre part, de vérifier si l’existence d’un régime international présente des avantages ou désavantages pour gérer les conséquences de ce type de désastre. Bien qu’elle concerne la pollution par les navires, elle est l’une des conventions internationales les plus importantes en matière de pollution marine.

Le troisième chapitre sera voué à l’étude plus approfondie des différents régimes mentionnés ci-dessus, eu égard notamment au principe du pollueur-payeur. Cette étude sera divisée en sous-chapitres selon chacun des éléments constitutifs d’un recours en responsabilité civile, soit les demandeurs (3.1), les défendeurs (3.2), le type de responsabilité et le fardeau de preuve (3.3), les

9

Projet d’articles sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses et commentaires y relatifs, (2001) .; Projet de Principes sur la répartition des pertes en cas de dommages transfrontières découlant d’activités dangereuses, (2006) A/RES 61/36 .

10 Alan Boyle, « Reparation for Environmental Damage in International Law: Some Preliminary Problems » dans

Environmental Damage in International and Comparative Law: Problems of Definition and Valuation, New York, Oxford University Press, 2002, 17., à la p. 21.

11 Lakshman D Guruswamy et Brent R Hendricks, International Environmental Law in a Nutshell, 4e éd, St Paul

(MN), West Publishing Company, 2012., aux pp 219-220.

12 Convention de 1992 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, (27

(10)

dommages (3.4) ainsi que le forum compétent (3.5). Bien que la responsabilité de différents acteurs, notamment les compagnies d’hydrocarbures et le Canada, puissent trouver son fondement dans différents régimes, ces derniers comportent de nombreuses distinctions. Je tenterai de soulever et de clarifier les incertitudes quant à la responsabilité pour avoir un portrait global de la répartition des risques de déversement et des dommages qui seraient causés.

Pour ce qui est de la méthodologie, les méthodes doctrinale et comparative seront utilisées pour réaliser cette étude. Dans le cadre de la méthode doctrinale, nous utiliserons la littérature existante sur chacun des régimes législatifs afin d’en comprendre l’application et le fonctionnement. Quant à la méthode comparative, elle ne sera pas utilisée ici dans son sens traditionnel. En effet, cette méthode réfère généralement à l’idée de comparer deux systèmes juridiques distincts, c’est-à-dire le système juridique de deux États (les États-Unis et le Canada par exemple), afin d’en examiner les ressemblances et les différences. Cet exercice de comparaison permet parfois d’identifier si une approche présente plus d’avantages qu’une autre. Or, nous utiliserons plutôt cette méthode dans le but de comparer le régime national applicable aux rejets d’hydrocarbures provenant de plateformes extracôtières au régime international applicable aux déversements d’hydrocarbures des navires. Ainsi, nous ne comparerons pas le régime national à celui d’un autre État, mais plutôt avec un régime similaire de droit international public. Nous avons choisi de comparer avec ce régime, car il a été appliqué et testé à plusieurs reprises, comme nous en traiterons dans la section 2.3 ci-dessous. Cette comparaison nous sera utile pour faire ressortir les forces et les faiblesses des recours en responsabilité selon les régimes.

(11)

MOTS-CLÉS Cogestion (« joint management »)

Bien qu’il n’y soit pas défini expressément, le terme « cogestion » est le titre de la Partie I de la LAACTN. Il réfère à une gestion effectuée communément par les gouvernements fédéral et provincial. Notamment, les membres de l’Office Canada – Terre-Neuve des hydrocarbures sont nommés par les deux paliers de gouvernement13. Ce concept est très pertinent à la présente étude

puisqu’il caractérise le régime canadien de gestion des hydrocarbures extracôtiers à Terre-Neuve, ce qui a un impact sur les autres lois applicables de même que le forum adéquat en cas de litige.

Limite de responsabilité ou Plafond d’indemnisation (« limit of liability » ou « liability cap »)

La limite de responsabilité réfère à une limite de dommages pouvant être versés par la partie responsable. Cette limite est imposée par loi ou règlement. Par exemple, la LAACTN réfère à la « limite règlementaire ». 14. Les dommages pour rejets d’hydrocarbures sont limités au Canada, en Grande-Bretagne et aux États-Unis par exemple.

Le droit de la responsabilité civile réfère plutôt au concept de « plafond d’indemnisation » pour désigner le même concept, soit un seuil imposé par le législateur aux dommages pouvant être réclamés à certains débiteurs15.

Plateformes extracôtières (« offshore platforms »)

Cette notion fait référence aux plateformes de forage qui se situe dans la zone extracôtière d’un État. Au Canada, cette zone se situe :

au-delà de la laisse de basse mer de la province jusqu’aux limites fixées par règlement ou, en l’absence de tel règlement, jusqu’au rebord externe de la marge continentale, ou jusqu’à deux cents milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale canadienne là où le rebord de la marge continentale se trouve à une distance inférieure16.

13 LAACTN, supra note 5., art 10 (2).

15 Jean-Louis Baudouin et Patrice Deslauriers, La responsabilité civile, 7e éd, t 1, Cowansville (Qc), Éditions Yvon

Blais, 2007., au para I-1386.

(12)

Préjudice environnemental (« environnemental damage »)

Cette expression réfère à tous dommages causés directement à l’environnement. David Ong définit ainsi les dommages susceptibles d’être engendrés dans les cas de responsabilité environnementale :

Within the broad field of environmental tort liability, there is a discernible expansion of heads of liability, from mere reparation of damaged private interests in the form of property and economic losses to compensation for the restoration of the overall quality of a damaged environment.17

La question de savoir si un dommage purement environnemental est susceptible d’être indemnisé n’est pas claire, tant en droit domestique qu’international. Il en sera certainement question en ce qui a trait à la pollution des eaux par hydrocarbures.

Régime de responsabilité (« liability regime »)

La responsabilité pour les rejets d’hydrocarbures peut se fonder sur plusieurs lois, tant domestiques qu’internationales. Chacune de ces lois prévoit les conditions selon lesquelles une personne peut être tenue responsable des dommages causés par le rejet d’hydrocarbures. Par exemple, le régime canadien prévoit un système de responsabilité sans faute. Cela peut toutefois différer d’une loi à l’autre. On parle donc de différents régimes de responsabilité.

Rejets d’hydrocarbures (« oil spills »)

Ce terme est défini dans la LAACTN comme :

les déversements, dégagements ou écoulements d’hydrocarbures non autorisés sous le régime des règlements ou de toute autre règle de droit fédérale ou constituant des rejets de polluants imputables à un bâtiment auquel les parties 8 ou 9 de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada s’appliquent ou à un navire auquel la partie 6 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime s’applique.18

Il est primordial de faire la distinction de ces rejets avec ceux provenant des navires, qui sont régis par d’autres lois. Ce terme reviendra très souvent dans le cadre de cette étude, notamment pour déterminer les lois et la jurisprudence applicables.

17 David Ong, « The Relationship between Environmental Damage and Pollution: Marine Oil Pollution Laws in

Malaysia and Singapore » dans Environmental Damage in International and Comparative Law: Problems of Definition and Valuation, Oxford, Oxford University Press, 2002, 191.

(13)

CHAPITRE 1. Old Harry, les Îles-de-la-Madeleine et les hydrocarbures

Il apparaît nécessaire de dresser le contexte factuel dans lequel s’inscrit la présente étude afin d’identifier les conséquences juridiques d’un potentiel déversement majeur. Cet exercice permet de tracer les contours des recours qui pourraient être entrepris, c’est-à-dire la zone géographique concernée, les impacts potentiels et les acteurs qui seraient concernées ou touchées par un tel événement.

Old Harry est un gisement d’hydrocarbures situé sur la frontière entre les provinces de Québec et de Terre-Neuve, à 80 kilomètres des Îles-de-la-Madeleine19. À ce propos, une théorie suggère que le nom « Old Harry » aurait été emprunté à l’une des communautés situées dans l’archipel des Îles. Selon les estimations, Old Harry contiendrait jusqu’à deux milliards de pétrole brut et plusieurs trillions de pieds cube de gaz naturel20.

Le gouvernement québécois a déjà démontré son intérêt pour l’exploitation des hydrocarbures. Premièrement, Québec, sous le gouvernement du Parti Libéral, et Ottawa sont parvenus à une entente sur la cogestion de ces ressources et le partage des redevances en 2011, après 12 ans de négociations21. En vertu de cette entente, la province retirera l’équivalent de 100% des redevances provenant de l’exploitation et le gouvernement fédéral devra adopter une loi encadrant l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures extracôtiers dans la province de Québec22. Aucune plateforme extracôtière n’a été exploitée à ce jour dans la province de Québec,

alors aucune loi ne régissait cette exploitation dans la province, comme c’est le cas pour Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse23. Deuxièmement, l’ancienne première ministre du Parti Québécois, Mme Pauline Marois, était d’avis que les études environnementales pertinentes devaient avoir lieu, mais demeurait ouverte à l’exploitation, suggérant que le Québec devait

19

« Gisement Old Harry: les Madelinots se souviennent de l’Irving Whale » (27 octobre 2012), en ligne : Mes Îles au temps présent <http://www.ilesdelamadeleine.com/portail/2012/10/27/gisement-old-harry-les-madelinots-se-souviennent-de-lirving-whale/> (consulté le 25 avril 2014).

20 Ryan Cleary, « Playing Old Harry: Why hasn’t the largest known undrilled marine structure in Canada been

developed? » (2010) 12:2 Natural Resources in Atlantic Canada Magazine 18.

21 Canada et Québec, Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec sur la gestion

conjointe des hydrocarbures dans le golfe du Saint-Laurent, signé à Gatineau, Québec, 24 mars, 2011.

22 Sue Bailey, « Ottawa and Quebec reach deal on Old Harry oil and gas royalties » (24 mars 2011), en ligne : CTV

News <http://montreal.ctvnews.ca/ottawa-and-quebec-reach-deal-on-old-harry-oil-and-gas-royalties-1.622338> (consulté le 25 avril 2014).

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suivre l’exemple de la Norvège24. Le Parti Libéral nouvellement élu en avril 2014 désire accélérer les négociations avec le gouvernement fédéral afin de finaliser les projets de lois encadrant l’exploitation d’ici l’automne 2014, mais le projet de loi n’a pas encore été déposé25. Québec et Terre-Neuve ont toutes deux compétence sur une portion du gisement et sont en désaccord sur la délimitation territoriale à respecter pour l’exploitation. Ce désaccord pourrait mener à l’arbitrage si les provinces n’en viennent pas à une entente26. La compagnie pétrolière Corridor Resources Inc. (ci-après « Corridor Resources ») a déposé une demande d’approbation auprès de l’Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers (ci-après « l’Office ») afin de procéder à un forage d’exploration d’ici la fin de 201427. Ce forage ne contiendrait qu’un seul puits et aurait une durée de 50 jours. Il n’a pas encore été approuvé, puisque l’étude d’impacts environnementaux soumis par Corridor Resources le 20 décembre 2011 est toujours sous étude et en révision28.

Néanmoins, le forage d’exploration à venir n’est pas sans inquiéter les résidents des Îles-de-la-Madeleine. L’explosion de la plateforme de Deepwater Horizon survenue le 20 avril 2010 dans le Golfe du Mexique aux États-Unis a d’ailleurs attiré l’attention du public en général sur les dangers accompagnant ce type d’exploitation. Elle a également démontré le caractère inadéquat des régimes de prévention, d’intervention29 et de responsabilité30 prévalant aux États-Unis.

D’ailleurs, l’installation envisagée pour le puits exploratoire de Corridor Resources serait une unité mobile de forage en mer (MODU), comme celle de Deepwater Horizon, qui était aussi un

24 Annie Mathieu, « Gisement Old Harry: il faut prendre le temps, dit Marois », La Presse (6 août 2012), en ligne :

La Presse <http://www.lapresse.ca/le-soleil/dossiers/elections-quebecoises/201208/06/01-4562758-gisement-old-harry-il-faut-prendre-le-temps-dit-marois.php> (consulté le 25 avril 2014).

25 Parti Libéral du Québec, « Hydrocarbures – Une approche globale, cohérente, intégrée et rigoureuse pour le

développement responsable de la filière des hydrocarbures » (30 mai 2014), en ligne : Parti Libéral du Québec <http://plq.org>.

26 Stéphanie Marin, « Accord entre Québec et Ottawa sur le gisement Old Harry », La Presse (23 mars 2011), en

ligne : La Presse <http://www.lapresse.ca/actualites/201103/23/01-4382559-accord-entre-quebec-et-ottawa-sur-le-gisement-old-harry.php> (consulté le 25 avril 2014).

27 Secrétariat Canadien de consultation scientifique, Réponse 2013/014: Examen scientifique du programme de

forage d’exploitation de la zone prometteuse de Old Harry, 2013, en ligne : <http://www.dfp.mpo.gc.ca>.

28 Ibid.

29 Andrew Hartsig, « Shortcomings and Solutions: Reforming the Outer Continental Shelf Oil and Gas Framework in

the Wake of the Deepwater Horizon Disaster » (2010) 16 Ocean Coast LJ 269.

30 Thomas J Schoenbaum, « Liability for damages in oil spill accidents: Evaluating the USA and international law

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puits exploratoire31. La cause de l’explosion de cette plateforme serait un bris du ciment à la base du puits, à partir duquel se serait enchaîné une série d’erreurs humaines32. Les conditions d’exploitation des deux puits ne sont toutefois pas les mêmes. Le puits de Deepwater Horizon se situait à 5 486 m (18 000 pieds) de profondeur33, alors que celui de Corridor Resources serait à 460 m34, dans des températures plus froides. De plus, le Golfe du St-Laurent est sept fois plus petit que le Golfe du Mexique35 et il s’agit d’un milieu fermé et peu profond, ce qui pourrait amplifier les impacts de l’exploration et l’exploitation d’une plateforme pétrolière dans ses eaux36. Les deux projets sont donc différents, mais le risque demeure présent.

Or, les Îles sont renommées pour leurs paysages et leurs plages hors du commun. Leurs deux principales activités économiques sont d’ailleurs la pêche et le tourisme, toutes deux dépendantes du Golfe et sensibles aux changements environnementaux37. L’écosystème du Golfe du

St-Laurent, quant à lui, est reconnu pour abriter plusieurs espèces, supportant ainsi des industries telles la pêche et l’aquaculture38. Le gisement serait d’ailleurs situé au centre du parcours migratoire de la baleine bleue39. Selon la précédente ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, le Golfe du St-Laurent « est un milieu encore plus sensible que le golfe du Mexique »40. Un déversement de pétrole dans le Golfe du St-Laurent serait donc une catastrophe pour la subsistance des Madelinots et certainement néfaste pour les villes côtières du Québec et de

31 Corridor Resources, Description du projet - Forage d’un puits d’exploration - Old Harry, février 2011, en ligne :

<www.corridor.ca>., à la p 3-6.

32 John M Broder, « BP Shortcuts Led to Gulf Oil Spill, Report Says », The New York Times, sect Science /

Environment (14 septembre 2011), en ligne : The New York Times <http://www.nytimes.com>.

33 Ibid.

34 Description du projet de forage – Old Harry, supra note 31., à la p 1-1.

35 Alexandre Shields, « Old Harry - Un scénario de déversement truffé d’erreurs » (8 mai 2012), en ligne : Le Devoir

<http://www.ledevoir.com > (consulté le 22 avril 2014).

36 Secrétariat Canadien de consultation scientifique, Réponse 2013/018: Examen scientifique du programme de

forage d’exploration de la zone prometteuse de Old Harry révisé (2013), octobre 2013, en ligne : <http://www.isdm-gdsi.gc.ca>., à la p 3 ; Adam Walsh, « Red flags raised over spill damage risks at Old Harry reservoir », CBC News (27 octobre 2014), en ligne : CBC News <http://www.cbc.ca>.

37 « La structure économique », en ligne : Mes Îles au temps présent

<http://www.ilesdelamadeleine.com/portail/economie/> (consulté le 25 avril 2014).

38 Secrétariat Canadien de consultation scientifique, supra note 27., à la p 2.

39 Charles Côté, « Old Harry: un débat houleux s’annonce aux Îles-de-la-Madeleine », La Presse (8 avril 2011), en

ligne : La Presse <http://www.lapresse.ca/environnement/201104/08/01-4387759-old-harry-un-debat-houleux-sannonce-aux-iles-de-la-madeleine.php> (consulté le 25 avril 2014).

40 Paul Journet, « Old Harry: la CAQ veut voir « l’entente secrète» d’Hydro », La Presse (28 novembre 2012), en

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Neuve qui pourraient être affectées. Mais quels seraient les impacts d’un tel déversement, concrètement ?

1.1 LES IMPACTS POTENTIELS

L’exploitation des hydrocarbures extracôtiers comporte de nombreux impacts négatifs sur l’environnement marin, telle la pollution sonore nuisible pour les animaux marins et le rejet de divers polluants lors de l’installation et de l’exploitation de la plateforme41. Toutefois, la présente étude s’intéresse plus particulièrement aux impacts liés aux déversements et non à la simple exploitation. Les déversements d’hydrocarbures ne sont pas fréquents, mais ne représentent pas davantage un risque inexistant. Environ douze déversements (tant terrestres que marins) de plus de 4 000 litres sont rapportés chaque jour au Canada, dont environ un survient dans des eaux navigables42. De plus, dans les 40 dernières années, environ douze déversements majeurs (de 8 000 à 500 000 tonnes d’hydrocarbures) de plateformes extracôtières ont été rapportés à travers le monde43. Il est cependant difficile de prévoir totalement les impacts d’un déversement, car cela dépend de l’endroit où il survient et requiert des connaissances approfondies sur l’écosystème de l’étendue d’eau avant le déversement44.

Des études d’impacts environnementales ont été requises en vertu du régime encadrant l’exploration et l’exploitation à Terre-Neuve45. Corridor Resources a procédé à une telle étude46, mais le Secrétariat scientifique de Pêches et Océans (« Pêches et Océans ») a estimé qu’elle était incomplète, notamment en ce qui concerne la modélisation de la trajectoire de déversements

41 Guruswamy et Hendricks, supra note 11., aux pp 434-435.

42 Merv Fingas, Basics of Oil Spill Cleanup, 3e éd, London, GBR, CRC Press, 2012., à la p 9.

43 Ibid., aux pp 10-15; Voir aussi Dagmar Schmidt Etkin, « Analysis of U.S. Oil Spillage » (2009), en ligne :

American Petroleum Institute <http://www.api.org>., à la p 26.

44 National Academy of Sciences, « An Ecosystem Services Approach to Assessing the Impacts of the Deepwater

Horizon Oil Spill in the Gulf of Mexico: Report in Brief », en ligne : Division on Earth & Life of the National Academies <http://dels.nas.edu>.

45 LAACTN, supra note 5., art 138 (4) b); Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012), LC 2012, c 19.,

art 52, al 15 c).

46 Stantec Consulting Ltd pour Corridor Resources, « Évaluation environnementale du programme de forage

d’exploration de la zone prometteuse de Old Harry » (décembre 2011), en ligne : CNLOPB <www.cnlopb.nl.ca>. Voir aussi le modèle de déversement : SL Ross Environmental Research Ltd pour Corridor Resources, Devenir et comportement des déversements de pétrole: Modélisation appuyant l’évaluation environnementale réalisée par Corridor Resources pour le site d’exploration de la zone prometteuse de Old Harry, octobre 2011, en ligne : <www.cnlopb.nl.ca>.

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potentiels d’hydrocarbures47. En effet, Pêches et Océans estime que le déplacement du pétrole qui serait dispersé sous la surface de l’eau n’est pas suffisamment modélisé et que les scénarios ne tiennent pas compte de l’expertise acquise à la suite de l’explosion de Deepwater Horizon48. Corridor Resources a fait procéder à une révision du modèle de déversement49 et Pêches et Océans a conclu que ce dernier contenait encore des lacunes en octobre 201350.

De façon générale, les déversements d’hydrocarbures ont un impact majeur sur l’écologie marine. La Convention sur la diversité biologique définit la notion d’écosystème comme « le complexe dynamique formé de communautés de plantes, d'animaux et de micro-organismes et de leur environnement non vivant qui par leur interaction, forment une unité fonctionnelle. »51 Ainsi, lorsqu’une des composantes de cette « unité fonctionnelle » est atteinte, que ce soit une plante, un animal ou un micro-organisme, cela est susceptible d’entraîner un déséquilibre dans tout l’écosystème.

Or, les hydrocarbures déversés dans les océans causent la mort de poissons et autres espèces marines et peuvent changer leurs comportements alimentaires52. Les phytoplanctons et autres micro-organismes peuvent aussi être détruits par les hydrocarbures, de mêmes que certains mammifères marins (dont les phoques, les lions de mer et les morses) et certaines plantes aquatiques53. Les déversements polluent les plages, les quais et zones d’amarrage des navires (qui doivent ensuite être nettoyés et reconstruits). Ils polluent également les marécages côtiers et milieux humides qui sont des lieux importants pour l’alimentation et la reproduction de nombreuses espèces animales. Enfin, ils diminuent la fonction de régulation des gaz à effet de serre des océans, c’est-à-dire leur capacité d’absorption du CO254.

47 Secrétariat Canadien de consultation scientifique, supra note 27.,(réponse 2013/014) à la p 2. 48 Ibid., aux pp 44-45.

49 SL Ross Environmental Research Ltd pour Corridor Resources, Oil Spill Fate and Behaviour Modelling in

Support of Corridor Resources Old Harry Exploratory Drilling Environmental Assessment Uodated Report, décembre 2012, en ligne : <www.cnlopb.nl.ca>.

50 Secrétariat Canadien de consultation scientifique, supra note 36. (réponse 2013/018)

51 Convention sur la diversité biologique, (5 juin 1992) 1760 RTNU 79 [Convention sur la diversité biologique]., art

2.

52 Fingas, supra note 42., aux pp 207, 210-212. 53 Ibid., aux pp 215-219.

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Le cas de Deepwater Horizon a également démontré qu’un déversement d’envergure pouvait avoir énormément d’impacts négatifs sur l’environnement marin. L’explosion survenue sur la plateforme a enlevé la vie à 11 travailleurs. La fuite ainsi créée a duré 87 jours55, déversant quelque 4,9 millions de barils (205,8 millions de gallons) de pétrole brut dans le Golfe du Mexique56. Ce déversement de pétrole est devenu le plus important événement de ce genre dans le monde57.

Pour ce qui est des impacts connus du déversement de Deepwater : « [a]pproximately 632 miles of Gulf coast shoreline [have been] oiled and approximately 57,539 square miles of Gulf of Mexico, federal waters were closed to fishing in order to balance economic and public health concerns. »58 Des chercheurs de l’Université du New Hampshire ont trouvé qu’en plus des 14 espèces d’animaux marins déjà protégées par la loi fédérale, 39 espèces étaient à un risque élevé d’extinction après le déversement, pour un total de 53 espèces59. De plus, les marais et milieux

humides des côtes de la Louisiane, qui sont des écosystèmes très fragiles et essentiels à la faune, ont également été atteints par le déversement60. Ce dernier a donc eu des conséquences importantes et ce, sans compter celles qu’il reste à découvrir. De surcroît, ces conséquences pourraient se faire ressentir même après des décennies. Par exemple, du pétrole a été retrouvé sur les plages de l’Alaska 20 ans après le déversement de l’Exxon Valdez en 198961.

En plus des impacts de ces hydrocarbures sur l’écosystème marin, les étapes pour les en retirer affectent aussi l’environnement négativement. Plusieurs techniques ont été élaborées pour décontaminer l’eau après un rejet d’hydrocarbures : dispersants, récupération en mer, barrages, brûlage, etc. Les dispersants, par exemple, peuvent être utilisés pour traiter le pétrole et faciliter sa dispersion naturelle, mais les produits chimiques utilisés pour ce faire sont très nocifs pour

55 Smith, supra note 3.

56 Schoenbaum, supra note 30., aux pp 397-398.

57 Campbell Robertson et Clifford Krauss, « Gulf Spill Is the Largest of Its Kind, Scientists Say », The New York

Times, sect US (2 août 2010), en ligne : The New York Times <http://www.nytimes.com> (consulté le 30 avril 2014).

58 Smith, supra note 3., à la p 372. À noter que 632 mi correspondent à 1017.1 Km et 57 539 mi2 correspondent à

149 025.35 Km2.

59 Claudio Campagna et al, « Gulf of Mexico oil blowout increases risks to globally threatened species » (2011) 61:5

BioScience 393.

60 Suzanne Goldenberg, « BP oil spill reaches delicate wetlands of Louisiana », The Guardian, sect Environment (21

mai 2010), en ligne : The Guardian <http://www.theguardian.com> (consulté le 30 avril 2014).

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plusieurs espèces animales et végétales62. Le brûlage sur site (« in situ burning ») est une autre technique qui consiste à brûler des nappes de pétrole à la surface de l’eau rapidement après leur rejet. Le brûlage a notamment beaucoup été utilisé en 2010 après l’explosion de Deepwater

Horizon63. Toutefois, il comporte de nombreux effets négatifs évidents, dont des émissions toxiques et de fumée noire64. Au surplus, malgré les tentatives de nettoyage, les hydrocarbures vont tout de même contaminer les rives dans la plupart des cas. Or, décontaminer le littoral peut parfois nuire davantage à l’environnement et à la faune. La décision de décontaminer les rives doit donc prendre en compte des facteurs socio-économiques, esthétiques et écologiques. Il peut être parfois plus bénéfique de laisser la nature faire son œuvre afin d’éliminer les hydrocarbures65.

Il est indéniable que les Îles-de-la-Madeleine, comme toutes les provinces entourant le Golfe, seraient affectées par un déversement majeur d’hydrocarbures. La question de savoir si le régime de responsabilité statutaire en place et celui à être adopté sont efficaces se pose donc avec d’autant plus d’intérêt. Et la possibilité que les nappes d’hydrocarbures polluent l’eau sur des kilomètres jusqu’aux États-Unis n’est pas exclue. Pour évaluer l’efficacité du régime de responsabilité, il faut d’abord considérer les personnes qui seraient touchées et impliquées dans un déversement d’envergure.

1.2 LES ACTEURS

Plusieurs questions peuvent être soulevées par l’analyse de la responsabilité en cas de déversement et elles diffèrent selon le point de vue que l’on adopte face à cette problématique. De même, plusieurs acteurs, tant publics que privés, possédant des intérêts différents, voire divergents, seraient potentiellement concernés si un tel événement survenait dans le Golfe du St-Laurent.

En ce qui concerne les acteurs publics, la section précédente permet déjà de déterminer que les deux paliers de gouvernements seraient impliqués. Le gouvernement des provinces côtières

62 Fingas, supra note 42., à la p 131. 63 Ibid., à la p 147.

64 Ibid., à la p 148. 65 Ibid., à la p 163.

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subissant les impacts de la pollution serait certainement impliqué et il le serait de concert avec le gouvernement fédéral pour les opérations d’intervention et de nettoyage des hydrocarbures. En effet, la LAACTN confère à l’Office certains pouvoirs pour se charger de ces opérations. Est-ce que le gouvernement fédéral pourrait récupérer tous les dommages causés sur le territoire maritime du Golfe ? Par quel(s) moyen(s) les provinces pourraient-elles poursuivre les responsables des dommages causés à leur territoire ? Selon la loi provinciale ou fédérale ? Serait-ce le même régime que pour les dommages causés dans le Golfe ? D’autres États – les États-Unis par exemple – pourraient subir des dommages causés par le déversement. Comment la pollution transfrontière serait-elle traitée ? Ultimement, qui paierait pour ces dommages ?

Ensuite, plusieurs acteurs privés risquent également d’être concernés par le déversement, que ce soit pour une perte subie ou plutôt pour une faute commise. Les résidents des Îles-de-la-Madeleine, du reste de la province de Québec, de Terre-Neuve-et-Labrador et ceux des autres provinces maritimes, leur compagnie d’assurance de dommages, ainsi que des compagnies poursuivant des activités économiques liées au Golfe, tels que les pêcheurs et les compagnies d’hôtellerie, de même que les navires ne sont que quelques-uns des acteurs qui pourraient voir leurs intérêts affectés par un déversement. Quels types de dommages pourront-ils réclamer ? À qui ?

Parallèlement, toutes les compagnies privées impliquées dans l’exploitation et le commerce des hydrocarbures extracôtiers – la compagnie de pétrole ou de gaz naturel, la compagnie propriétaire de la plateforme et la compagnie qui l’exploite, la compagnie de transport, leur assureur de responsabilité de même que leur compagnie de financement ou leur banque – seraient susceptibles d’être impliquées à titre de partie(s) responsable(s). Seraient-elles toutes poursuivies directement si un déversement survenait ? Comment établir la portion de responsabilité de chacune des parties ? Comment établir combien chacune paiera dans le quantum des dommages ? De quels moyens exonératoires disposent-elles ? Leur responsabilité pourrait-elle être engagée pour des dommages causés à un autre État ? Le principe du pollueur-payeur est-il respecté par le régime ?

Ainsi, l’exploitation d’une plateforme extracôtière n’est pas simple et la responsabilité en cas de déversement forme un tableau d’autant plus complexe. Les chapitres suivants porteront sur la présentation et l’analyse du régime de responsabilité instauré par la LAACTN de même que le

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régime de responsabilité pour dommages transfrontières, ce qui devrait répondre à plusieurs des questions posées.

CHAPITRE 2. Les régimes législatifs

Au Canada, la question de savoir qui de la province ou du gouvernement fédéral a compétence sur la zone extracôtière pour explorer et exploiter les hydrocarbures sous-marins a été litigieuse durant de nombreuses années66. Cette question est cruciale puisqu’elle détermine le droit de réclamer des redevances aux compagnies qui exploitent la ressource, de même que la compétence pour légiférer sur les activités relatives aux hydrocarbures sous-marins. Elle détermine aussi qui a compétence pour établir les exigences de sécurité et de protection de l’environnement. Par ailleurs, les lois encadrant l’exploration et l’exploitation de ces ressources comportent également les dispositions applicables à la responsabilité civile en cas de rejets d’hydrocarbures et de pollution marine. Toutefois, si les hydrocarbures déversés devaient se rendre au-delà des frontières canadiennes, la responsabilité du Canada pour la pollution transfrontière pourrait alors être engagée. Il convient donc de distinguer les différents régimes de responsabilité applicables et leurs conditions d’application.

2.1 LE REGIME CANADIEN

2.1.1 La compétence territoriale canadienne en zone maritime

La zone extracôtière est-elle de compétence fédérale ou provinciale ? Autrement dit, qui de la province ou du gouvernement fédéral a compétence sur l’eau qui borde cette première ? Il faut d’abord noter que la zone extracôtière, qui borde les côtes des États, est séparée en différentes zones par le droit international. Les États peuvent exercer leur souveraineté sur certaines de ces zones seulement. Il convient donc de se pencher sur ces différentes zones pour, ensuite, examiner quel palier de gouvernement est compétent sur celles-ci.

Selon le droit international, il est clair que l’État a toutes les compétences souveraines sur son territoire, qui sont dites « compétences territoriales ». Claude Emanuelli les décrit comme étant « limitées par le droit international : immunité souveraine, privilèges et immunités

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diplomatiques et consulaires, règles régissant la nationalisation des propriétés étrangères, etc. »67 Mais, à quel endroit se terminent ces compétences territoriales ? Et qu’en est-il des zones extraterritoriales ?

Le droit international reconnaît que la souveraineté d’un État couvre ses eaux intérieures et sa mer territoriale, laquelle s’étend jusqu’à 12 milles marins au delà de ses côtes68. Au Canada, le territoire maritime des provinces couvre les eaux intérieures, qui s’arrêtent à la ligne de basse mer69. Les provinces sont donc propriétaires des ressources que ces eaux contiennent, de même que de leur lit et leur sous-sol70. Quant au pouvoir sur la mer territoriale, soit le territoire situé entre la laisse de basse mer et la limite de 12 milles marins, il revient au gouvernement fédéral71. Le droit international reconnaît également que les États peuvent exercer certaines compétences sur des zones extraterritoriales. C’est le cas notamment de la zone contiguë, qui se mesure à 24 milles marins à partir des lignes de base de la mer territoriale72 et où « l’État côtier exerce le

contrôle nécessaire pour prévenir les infractions à ses lois douanières, fiscales, sanitaires ou d’immigration sur son territoire ou à l’intérieur de sa mer territoriale »73. Enfin, cette zone est chevauchée par la zone économique exclusive (ci-après « ZEE ») dont les limites se situent à 200 milles marins à compter de la limite extérieure de la mer territoriale au Canada74. Dans cette zone, l’État côtier a le pouvoir souverain d’explorer, d’exploiter, de conserver et de gérer les ressources naturelles du fond marin, du sous-sol et des eaux surjacentes, sans contravention

67 Claude Emanuelli, Droit international public  : contribution à l’étude du droit international selon une perspective

canadienne, 3e éd, Montréal, Wilson & Lafleur, 2010. au para 1338.

68 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, (10 décembre 1982) 1834 RTNU 3 [Convention de Montego

Bay]., art 2. Sur la limite de 12 milles marins, voir la Convention de Montego Bay, art 4. Loi sur les océans, LC 1996, c 31 [Loi sur les océans]., art 4 et Ibid au para 546.

69 Ibid., aux paras 504 et 513. Voir également laLoi sur les océans, supra note 68., art 6 et 7. Selon la décision de la

CA, le territoire maritime de Terre-Neuve s’étend jusqu’à trois milles marins, ce qui n’a pas été tranché par la Cour suprême, ci-dessous section 2.1.2.

70 Emanuelli, supra note 67., au para 513 71 Ibid., au para 522.

72 Donc 12 milles marins suivant la mer territoriale, si l’État a conservé une mer territoriale de 12 milles marins. Voir

Jean-Paul Pancracio, Droit de la mer, Paris, Dalloz, 2010., à la p 217.

73 Emanuelli, supra note 67., au para 1342; Convention de Montego Bay, supra note 2., art 33 et Loi sur les océans,

supra note 68., art 10.

74 Convention de Montego Bay, supra note 68. et Loi sur les océans, supra note 68., art 13 à 15 ; Ibid., au para

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cependant au droit des autres États d’y naviguer, de survoler et de poser des câbles et pipelines75. Le Canada pourrait donc y exploiter des hydrocarbures.

Parallèlement, l’État côtier possède le droit d’exploiter les ressources de son plateau continental, soit « le prolongement naturel du territoire terrestre sous la mer »76. Le plateau continental canadien mesure 200 milles marins à compter de la ligne de base de la mer territoriale77. Le gouvernement fédéral exerce la compétence du Canada sur ces zones également et a des droits sur les hydrocarbures sous-marins qui s’y trouvent78. Comme l’explique la Cour suprême, un État ne peut être souverain ou propriétaire du plateau continental, mais il peut avoir des droits pour explorer et exploiter les ressources de son fonds :

Les droits relatifs au plateau se présentent comme une extension de la souveraineté de l’État riverain, mais c’est une extension qui a une portée moindre que la souveraineté absolue. La Cour parle de «titre» sur le plateau continental (p. 31) et affirme que le plateau continental peut, dans un certain sens, être «considéré» comme faisant partie du territoire de l’État riverain (p. 31). Mais suivant le sens ordinaire de cette expression, le plateau continental ne fait pas partie du territoire de l’État riverain.79

L’État n’est plus compétent au-delà de cette limite, soit dans la haute mer80.

2.1.2 Le partage des compétences

La question du partage des compétences opéré par la Constitution canadienne entre les deux paliers de gouvernement détermine elle aussi le droit de chacun des paliers de légiférer sur les ressources extracôtières. Au Canada, chaque province possède la compétence exclusive de légiférer sur tout ce qui concerne les ressources naturelles se trouvant dans les limites de son territoire, soit de la prospection, à l’exploitation et à la conservation de ces ressources81. Or, comme mentionné précédemment, les provinces n’ont pas compétence au-delà de leurs eaux

75 Emanuelli, supra note 67., aux paras 1383-1384. 76 Ibid., au para 1384.

77 Ibid., au para 1368 ; Loi sur les océans, supra note 68., art 17. Voir également Convention de Montego Bay, supra

note 68., art 76.

78 Ian Townsend Gault, « Jurisdiction over the Petroleum Resources of the Canadian Continental Shelf: The

Emerging Picture » (1985) 23 Alta Law Rev 75.

79 Renvoi relatif au plateau continental de Terre-Neuve, [1984] 1 RCS 86 [Renvoi Hibernia]., à la p 98. 80Emanuelli, supra note 67., aux paras 1400-1401.

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intérieures82. Toutefois, les provinces côtières ont longtemps réclamé les droits sur le territoire et les ressources se trouvant au-delà de leur côte et de leurs eaux intérieures83.

Dans l’affaire Renvoi relatif au plateau continental de Terre-Neuve, le procureur général du Canada demandait à la plus haute instance du pays de trancher qui avait compétence pour prospecter, explorer et légiférer sur les ressources du plateau continental, plus précisément ceux du champ Hibernia situé à 170 milles marins de sa côte84. La Cour suprême avait déjà été appelée à trancher cette question en ce qui concerne la Colombie-Britannique85. Elle avait décidé que le gouvernement fédéral y avait la propriété de la mer territoriale et des ressources de son sous-sol ainsi que les droits sur les ressources extracôtières du plateau continental86. Or, dans ce Renvoi

relatif au plateau continental de Terre-Neuve (« Renvoi Hibernia »), la Cour devait se prononcer

uniquement sur la compétence de la province concernant le plateau continental87. La Cour

d’appel de Terre-Neuve s’était déjà penchée sur cette question, à la demande du lieutenant-général en conseil de Terre-Neuve, et avait décidé que la province avait compétence sur la mer territoriale jusqu’à trois milles marins88 alors que le gouvernement fédéral avait compétence sur le plateau continental, soit jusqu’à 200 milles marins89.

Devant la Cour suprême, la province prétendait avoir acquis le droit d’explorer et d’exploiter les ressources naturelles du plateau continental, contrairement à la Colombie-Britannique. Elle alléguait avoir exercé sa compétence internationale sur ce territoire avant son entrée dans la confédération en 1949. Or, la Cour suprême en est venue à la conclusion que Terre-Neuve n’avait pas la souveraineté extérieure nécessaire avant son entrée dans la confédération pour prétendre à de tels droits et que le cas échéant, ceux-ci auraient été reconnus au Royaume-Uni et non à cette dernière90. Elle conclut également que la constitution ne prévoyait aucun droit à la province sur

82 Voir ci-dessus section 2.1.1.

83 Alastair R Lucas et Constance D Hunt, Oil and gas law in Canada, Toronto, Carswell, 1990., aux pp 69 et s. 84 Renvoi Hibernia, supra note 79., à la p 89.

85 Reference Re: Offshore Mineral Rights, [1967] SCR 792 [Renvoi Colombie-Britannique]. 86 Ibid., aux pp 816-817 et 821.

87 Renvoi Hibernia, supra note 79., aux pp 91-92.

88 Contrairement à la Colombie-Britannique qui n’a juridiction que jusqu’à la laisse de basse mer (limite des eaux

intérieures) : Renvoi Colombie-Britannique, supra note 85., aux pp 816-817.

89 Reference re Mineral & Other Resources of Continental Shelf, [1983] 145 DLR (3d) 9 (CA T-N). 90 Renvoi Hibernia, supra note 79., à la p 116.

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ces ressources en vertu de l’article 92 de la Loi constitutionnelle de 198791. Cette compétence appartient au gouvernement fédéral en vertu de son pouvoir résiduel en matière de paix, d’ordre et de bon gouvernement92. La Cour suprême a donc pris la même décision en ce qui concerne le plateau continental de Terre-Neuve et de la Colombie-Britannique et confirmé la décision de la Cour d’appel sur cette question.

Cette décision est d’autant plus importante que la Cour y mentionne, à titre d’obiter dictum, que les neuf autres provinces n’ont jamais acquis la souveraineté extérieure et qu’elles ne pourraient revendiquer de droit sur le plateau continental93. Conséquemment, la province de Québec n’aurait pas compétence sur le plateau continental. C’est la raison pour laquelle le gouvernement fédéral adoptera une loi en cogestion provinciale-fédérale pour le Québec, comme cela a été fait avec les provinces atlantiques.

2.1.3 Les rejets d’hydrocarbures concernés

Avant de se pencher plus avant sur la législation applicable aux déversements d’hydrocarbures, il est important d’en saisir l’objet. Tous les rejets d’hydrocarbures marins ne sont pas concernés par la présente étude. Une distinction doit être faite avec les cas de déversements causés par les navires ou encore par les plateformes d’exploration flottantes, où un autre régime législatif s’applique. Ainsi, pour vérifier quelle loi s’applique à la pollution, il faut vérifier 1) de quel objet il s’agit et 2) de quelle activité la pollution émane-t-elle. Par objet, on entend navire, plateforme, plateforme flottante, etc.94

Le régime de responsabilité instauré par la loi de Terre-Neuve, soit la LAACTN, s’applique pour les déversements, même lorsqu’un navire de transport est accosté sur la plateforme. Cependant, une fois que le navire a quitté la plateforme, c’est plutôt les lois sur le transport maritime qui s’appliquent, comme le confirme Ressources naturelles Canada :

Les changements dans les responsabilités portent sur l'ensemble de l'exploitation du pétrole et du gaz : le forage d'exploration, les opérations de production et le chargement des pétroliers pour le transport. Le régime de responsabilités[sic] et de sécurité des

91 Loi constitutionnelle de 1867 (R-U), supra note 81. art 92. 92 Renvoi Hibernia, supra note 79., aux pp 127-128.

93 Ibid. à la p 103.

94 A William Moreira, Cecily Y Strickland et David G Henley, « Liability for Marine Pollution from Offshore

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pétroliers s'applique après que le navire a quitté la plateforme de forage en mer. La Loi sur l’Office national de l’énergie s'applique au gazoduc qui transporte le gaz de l'île de Sable de la Nouvelle-Écosse jusqu'au continent95.

L’article 165 de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, définit ainsi les rejets visés par cette dernière :

« rejet » Rejet d’un polluant depuis un bâtiment, ou d’hydrocarbures depuis une

installation de manutention d’hydrocarbures engagée dans des opérations de chargement ou de déchargement d’un bâtiment, qui, directement ou indirectement, atteint l’eau, notamment par déversement, fuite, déchargement ou chargement par pompage, rejet liquide, émanation, vidange, rejet solide et immersion96.

Or, la qualification juridique des plateformes extracôtières n’est cependant pas toujours claire. Elle a néanmoins une importance cruciale, puisque lorsque la plateforme sera considérée comme un « navire », les lois maritimes seront applicables97, alors que dans le cas contraire, seul le régime dédié à cette exploitation sera applicable. Edgar Gold et al. dans Maritime Law expliquent que de façon générale, seules les plateformes flottantes seront considérées comme des navires :

The various offshore structures move and are moved and operated in national and international navigable areas where they may be involved in marine and marine-related accident similar to those involving normal vessels, for instance, collisions, grounding, pollution, loss of life, or personal injury. Their legal position, however, is far from clear. […]

In other words, until the situation is clarified either by international or national legislation or by definitive case law, it has been assumed that offshore structures that are not permanently fixed to the seabed are “ships.” This also means that such structures are subject to the various provisions of maritime law discussed in this book98.

Il faut savoir que plusieurs installations, certaines permanentes ou fixes, d’autres mobiles ou flottantes, sont utilisées par l’industrie lors des différentes phases de forage. Voici les principales :

- plateformes de forage auto-élévatrices (« Jack-up rigs »), rattachées au fond marin par des piliers de béton;

95 « Coopération fédérale-provinciale en vue de moderniser le régime de responsabilité lié à l’exploration et

l’exploitation du pétrole et du gaz extracôtiers », en ligne : Ressources naturelles Canada <www.rncan.gc.ca>.

96 Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, LC 2001, c 26 [Loi sur la marine marchande].

97 En matière de responsabilité pour la pollution au Canada, ce serait la Loi sur la responsabilité en matière

maritime, LC 2011, c 6 .

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- plateformes de forage semi-submersibles, tenant en place avec un système d’ancrage ou de positionnement dynamique;

- navires de forage, tenant en place par un système d’ancrage. Ils sont les plus mobiles (« mobile offshore drilling unit » ou « MODU »)99.

Ces derniers pourraient être considérés comme des navires dans certains cas100. De plus, le forage en mer requiert également plusieurs autres installations et systèmes de soutien, que ce soit des navettes pour les membres de l’équipage ou encore des navires de remorquage. Certaines installations nécessitent aussi l’utilisation d’unités de stockage flottantes (« floating storage units » ou « FSUs ») ou des unités de stockage et de déchargement (« floating storage and offloading » ou « FSO »). Il est à noter que la qualification de ces dernières à titre de navire fait encore l’objet de débat101. C’est pourquoi il est important de vérifier et qualifier l’installation causant le rejet d’hydrocarbures.

Le régime de responsabilité en cas de déversements instauré par la LAACTN s’applique donc seulement à certains types de pateformes. Les déversements impliquant des navires au Canada sont exclus de la présente étude, de même que les lois maritimes qui les régissent. Seul le régime international s’y appliquant sera étudié, comme il appert de la section 2.3 ci-dessous.

2.1.4 La cogestion fédérale-provinciale

Comme mentionné précédemment, la loi fédérale à être adoptée pour le Québec devrait refléter le système de cogestion fédérale et provinciale en vigueur à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse102. Mais en quoi consiste une telle « cogestion » et en quoi est-elle valide ? Il apparaît nécessaire de faire un survol de la LAACTN, Terre-Neuve ayant également juridiction sur le gisement Old Harry. Cet exposé des tenants et aboutissants du système de cogestion permettra de mieux comprendre le contexte particulier dans lequel s’inscrit le régime de responsabilité applicable aux déversements.

99 Ibid. à la p 71. Pour les MODUs, voir International Association of Drilling Contractors, « Drilling Lexicon:

Mobile Offshore Drilling Unit (MODU) » (2013), en ligne : IADC <www.iadclexicon.org>.

100 Ronen Perry, « The Deepwater Horizon Oil Spill and the Limits of Civil Liability » (2011) 86 Wash Rev 1., à la p

50.

101 Les États-membres des FIPOL, dont il sera question ci-dessous à la section 2.3, ne sont pas encore tous d’accord à

ce sujet. Voir FIPOL, Report on the Second Meeting of the Seventh Intersessional Working Group: Note by the Secretariat, 24 juillet 2013, en ligne : <documentservices.iopcfunds.org>., aux pp 6-7.

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