DE LA ~QMPETEN~E SCIENTIFIQUE A LA COMPETENCE ECO-SOCIALE
Yves BERTRAND
Direction de la Recherche
Ministère de l'Education du Québec
Résumé Les changements apportés aux systèmes d'éducation et d'en-seignement des sClences avaient pour objectif la compét~nce
scientifique. Les prochains changements seront-ils~ quant à eux~ sous le signe-d~ la compétence éco-sociale ?
'~1U
Plus·ieur pays occi(JentclUx. r'cl·C,ettent actuellement en cause l 'enseigneffient des sciences donné dans leurs ins-titutions. En effet. lc:s réformes alT,orcées n'ont pas attei nt tous les objeeti fs 'Ii sés. Cette situ] t ion, nous la retrouvons dans de nombreux systêmes et le Québec n'y échappe pas. L'éducation scientifique au Québec a pu bénéficier des avantages du retard accumulé: En effet, fortement imprégné d'un humanisme religieux, l'enseignement au Québec a subi une révolution dans les années soixante et s'est doté de nouvelles structures. C'est alors qu'est arrivée la vague américaine des nou-veaux programmes en chimie (CHEM STUDY), en physique (PSCS) et en biologie (GSCS). Le Québec adopta ces pro-grammes et se mit donc au rythme des autres pays.
Cela explique, en bonne partie, comment le Québec s'est retrouvé avec des problêmes touchant l'enseignement des sciences qui n'étaient pas différents de ceux rencontrés dans d'autres pays.
Nous jetons donc, dans ce texte, un rapide regard sur la nature de ces problêmes. Pour ce faire, nous examinons tout d'abord, les caractéristiques internes au systême d'éducation; puis, dans un second temps, nOLIs voyons les relations entre l'enseignement scientifique et les objectifs de la société dans son ensemble. Nous concluons enfin sur la nécessité d'un changement radical de perspec-tive, à savoir,le choix de la compétence éco-sociale
*
LES PROBLEMES INTERNES A L'ENSEIGNEMENT DES SCIENCES L'enseignement des sciences éprouve actuellement des dif-ficultés dont nous pouvons retracer les causes dans le système lui-même.1 •• Nous pouvons noter un désintéressement pour les
sciences de la nature, c'est-à-dire, la physique,
la chimie et la biologie. Ainsi, en France, le
nombre d'étudiants en sciences est resté inchangé alors qu'il doublait en médecine et s'accroissait
des deux tiers en droit et en économie; il
augmen-tait de moitié en lettres(l). En ce qui concerne
le Québec, le nombre des étudiants inscrits en sciences au niveau des cegeps a atteint un plafond
de 11% en 1970; il est passé à 8.2% entre 1970 et
1975 pour se stabiliser autour de 8% depuis lors. Cette situation s'expliquait partiellement par le fait que les étudiants choisissent des filières plus faciles, moins sélectives, moins angoissantes, et, fondamentale-ment, plus "rentables" en termes d'accès à des postes sur le marché du travail.
2•. Il semble aussi que les universités se soient fait
doubler par l'informatique, la micro-électronique et la
formation à caractère plus technologique. A moyen terme,
cette tendance devrait s'accentuer et les étudiants
s'o-rienteront davantage vers ce type d'études. On constate,
en France, que le nombre de maTtrises de physique et de
chimie a "très fortement" diminué. Les maTtrises de
bio-chimie, de biologie et de géologie ont augmenté et celles
d'enseignement ont diminué d'un tiers. Les maTtrises
"techniques", qui n'existaient pas en 1969, comptent main-tenant pour près d'un cinquième des maTtrises(2}.
1. Source: Le ~londe de l'éducation, février 1982, p.S.
- ..~1
En ceCi u i r e ilrue Îcl 1) '"dil '" i e et 1il dicla ct] CI ue cle s
sei en ces, cei les - ci se111b l en t tr~0 pré0ecu pé e spa ( l a
t ra n sm i s s ion dusilV(jir (i i. El les né g l i CI eTlt lil l"
paration ,'éelle de l 'étudianl, son processus de
cons-truction du savoir (les repr,"sentations
pré-scientifi-ques, les démarches, les obstacles épistémolog'ques)
ainsi que les conditions devant faci] iter le passage
a
la connaissance scientifique.Une enquête conduite au Québec (niveaux secondaire lV
et V) révêle que 35 des étudiants sur les 45~ qui
ont une moyenne inférieure à 60%, ont une attitude
fa-vorable aux sciences mais échouent en raison de
diffi-cultés de parcours, d'un manque de connaissances
préa-lables, de conflits avec le professeur ou de retard
accumulé(2) •
Il y a donc un certain nombre de questions auxquelles
nous répondons rarement:
• comment les él êves peuvent-i l s s'approprier l es
con-cepts scientifiques actuels? Doivent-ils les
cons-truire?
• comment les concepts scientifiques se substituent-ils
aux représentations premiêres?
• Quels sont les obstacles principaux franchi r'?
1. Voici une remar'que de J. Piaget assez intéressante:
"il est vr'ai que l'on a souvent adjoint les
labora-toires aux enseignements magistraux, mais répéter' des
expériences déjà fai tes est encore fort éloigné d'une
éducation de l 'esp,'it d'invention et même d'une
forma-tion de l'esprit de contrôle ou de vét'ification". Oans
"l'enseignant interroge Jean Piaget", par Boris Baton,
Co Parents, Genève, no 90, nov-déc. 1981, p. 11.
2. Source: J. Asselin, "Inventaire d'attitudes à l'égal'd
•
•
Quell es sont les stratéjies pédagogiques facilitan-tes pour faire évoluer les concepts?
etc. ( l )
L'enseignement des sciences, au niveau secondaire, est donné surtout par des hommes de façon globale, le champ scientifique comprend très peu de femmes notamment au niveau universitaire.(2)
Les contenus des cours sont généralement peu ou pas re-liés aux réal ités quotidiennes.(3)
Diverses études constatent des différences notables entre les performances des filles et celles des garçons dans les
sciences de la nature et dans les mathématiques. Ainsi,
les filles réussissent mieux en biologie que les garçons
ma i sel les 0nt te ndan ce il é vit e r les cou r s de phy si que et
réussissent moins bien en mathématiques. Quel rôle jouent
alors les attitudes créées par le milieu culturel et
ren-forcies par la société? Pourquoi les performances des
fil-les diminuent progressivement au niveau secondaire?(4)
Les étudiants n'ont pas tous atteint le niveau formel de
la pensée exigé par certains cours. L'étude de Mirette
La-gacé auprès de 6 000 étudiants il leur entrée au niveau l du
l. Giordan, A., "Problèmes posés par les processus de
cons-truction des concepts en sciences". In J.E.S. II, ~
che des processus de construction des concepts en scien-ces, Chamonix 1980, pp. 16-17.
2. Cf. la recherche EFUS (Etude des femmes universitaires
scientifique) dirigée par J. Dofny, F. Capet Antonini,
S. Simard Savoie, 1. Lasvergnas Grémy, il J'Université
de Montréal en 1978. La présence féminine n'atteint
pas 5 dans les secteurs de mathématiques et des sciences
physiques.
3. Cf. Les études suivantes: British Columbia Science
Assess-ment, Summary Report; Manitoba Science Assessment.
4. Cf. Les études citées en note 1/ 3; voir aussi BADGER, n.E.
"Why Aren't Girls Better at maths? A Revie\'/ of Research",
Educational Research, vol. 24, no l, nov. 1981, pour une
étude condUlteenAngleterre, en lrelande et aux Pays de Galles.
414
-collège (âge d'environ 17 ùns) conclut que 41.9 des
étudiants en sciences de la nature maîtrisent les rai-sonnements de niveau formel, mais que seulement 28,3% des étudiants en sciences de la santé les maîtrisent. Pour les autres étudiants, 12:0 ont atteint ce stade.(l)
* LES PROBLEMES FONDAMENTAUX DE L'ENSEIGNEMENl DES
SCIENCES
Une seconde série de problèmes nous apparaît importante.
Il s'agit des problèmes écologiques, sociaux, politiques
et culturels que la société attaque avec peu de succès. Notons ainsi:
• La détérioration progressive de l'environnement et la
dégradation des écosystèmes;
• La raréfaction des richesses naturelles et les
gaspil-lages;
• l'accroissement des barrières politiques entre les pays;
• la pseudo-collaboration des pays;
• l'investissement accru des énergies dans la recherche
militaire;
• l a fa i met l a ma l nutri tion;
• les disparités entre les populations humaines quant à
leurs ressources;
• les multiples pollutions;
Pl usi eurs de ces probl èmes sont rel iés à des stratégies de
développement et de progrès industriel ayant pour objectif l'augmentation maximale de la production, du rendement et
des profits. En somme, comme le soul igne l'Unesco(2),
"les pays industrialisés, qui doivent aussi faire face à
des problèmes complexes dus à l'introduction d'innovations
scientifiques et technologiques, ne tiennent pas
suffisam-ment compte des ~épercussions q~e cel les-ci peuvent avoir
sur l'envi ronnement. La poll ution ct "ori gi ne industrielle,
1. TORKIA-LAGACE, M., La pensée formelle chez les étudiants
de collège 1: objectif ou réalité? Québec: Ministère de
T'éducation, 1981, p. 160.
2. UNESCO, L'éducation relative à l'environnement: les
gran-des orientations de la conférpnr.e de Tbili.-.si. Paris:
la surexploitation et le gaspillage des ressources, ainsi que les problèmes socio-culturels caractéri-sant la vie dans les grandes villes, sont autant
d'exem-ples des difficultés que connaissent ces pays. Le
rapport de l' Unesco a ffi rnlera que notre c ri se écol ogi que semble liée au mythe de la domination de 1 'homme sur la
nature et â son corallaire: " une conception
technico-économico-utilitaire du monde selon laquelle on accorde
une valeur absolue à la croissance, considérée comme la
seule voie conduisant au progrès social". Il est évident
que ces problèmes ne trouvent pas leur source principale
dans l'enseignement des sciences,(l) mais celui-ci
pour-rait, s'il était orienté différemment, contribuer â
ré-duire les effets négatifs du progrès scientifique et in-dustriel.
Une éducation scientifique, axée sur l'util isation criti-que de la connaissance et sur une évaluation des
consé-quences des actions entreprises sous le couvert du ~
~, pourrait avoir des effets bénéfiques sur les
per-ceptions que les individus auraient de leur rôle dans l'évolution des sociétés.
*
LA COMPETENCE ECO-SOCIALENous sommes donc en mesure de constater que la science et la technologie servent prioritairement des objectifs éco-nomiques(2) et que leurs applications s'inscrivent dans une
logique aux effets souvent destructeurs. D'où la nécessité
d'une nouvelle conception du développement centré tout d'abord sur de nouvelles définitions des besoins sociaux et
culturels, ainsi que sur l'équilibre biophysique. Cela rend
1. t1a is l'Unesco affi rme que l es nombreux probl1:>mes actuel s
sont en partie imputables au fait que tr1:>s peu de person-nes ont été préparées a cerner la complexité changeante de la réalité étant donnée une éducation traditionnelle trop abstraite et trop parcellaire.
2. Un dossier du journal Le Monde ("8ilan économique et
so-cial",janvier 1982) raî:Jilo----rteClue 40% de la recherche
416
-urgent la conception d'une nouvelle conception du développement centré tout d'abord sur de nouvelles définitions des besoins sociaux et culturels, ainsi
que sur l'équilibre biophysique. Cela rend urgent
la conception d'une nouvelle éthique qui rejette
l'ex-ploitation, le gaspillage et la productivité cunçue
comme une fin en soi. Autrement dit, l'amélioration
des conditions de vie est tout
a
fait complémentairea des relations avec la nature conçues dans la perspec-tive d'un équilibre symbio-synergique.
Si 1 e développement soci o-cul turel et l' équi libre bio-physique sont deux concepts complémentaire, ils ne sont pas indépendants de la participation active des
citoyens à leur vie quotidienne. Il est
indispensa-bl e que les ci toyens organi sent et gèrent leur envi
ron-nement de tous les jours. Pour ce faire, ils doivent
posséder l'information nécessaire à la gestion de la
vie quotidienne et ils doivent être en mesure de mani-puler cette information, de la jauger, de l'utiliser,
etc. C'est ce qui définit le fondement de la
compéten-ce c'est-a-dire le savoir "quoi faire" avec de
l'infor-mation. Il faut donc dépasser le stade de la
consomma-tion d'informaconsomma-tion et s'inscrire dans la voie de l'uti-lisation dans le cadre de nos décisions sociales,
éco-nomiques, politiques, etc. Autrement dit, un individu
a une certaine compétence "éco-sociale" lorsqu'il peut
poser des questions sur le sens et la pertinence des réalisations humaines, explorer des voies de changement
et lorsqu'il peut modifier les systèmes éco-systémiques
(ou éco-sociaux) qui structurent sa vie quotidienne. (1)
1. Nous inspirant de G. Bateson, nous dirions CJue
l'habi-leté à contextualiser de l'information constitue
]'es-sen~e de la compétence éco-sociale; Bateson parle de
En somme, la compétence éco-sociale est la capacité effective que possède un individu (ou un groupe) de modifier les rapports entre les systèmes naturels et
les systèmes sociaux qui tissent la vie quotidienne
dans la perspective d'un mieux-être des communautés éco-sociales.
Comment relier alors le scientifique et l'éco-social
dans le domaine de l'éducation? Quelle perspective
faut-il adopter?
Nous pensons justement qu'il s'agit d'un changement
de perspective~ Paradoxalement, la compétence scientfique doit cesser d'être l'objectif ultime et "total
i-taire" de l'enseignement des sciences. Elle doit
plu-tôt devenir un élément important de la compétence éco-sociale.
Un changement de perspective aurait une cor.séquence
prin-cipale sur notre conception de l'éducation. Nous
cesse-rions de voir l'enseignement des sciences comme une pro-gression linéaire vers une compétence scientifique
défi-nie en aval par l'université. Nous pousserions
davanta-ge vers un système de sorties permettant à l'étudiant
de quitter tout en ayant une certaine compétence éco-so-ciale puisque nous aurions répondu aux questions
suivan-tes: que faut-il à un étudiant, en termes d'instruments
intellectuels, affectifs (et autres) lorsqu'il "sort" du
système d'éducation à un moment donné? De quoi a-t-il
besoin pour participer à l'évolution de la société? Quel
est, alors, le rôle des connaissances scientifiques dans ce programme axé sur la compétence éco-sociale?
*
L'EDUCATION A LA COMPETENCE ECO-SOCIALEL'éducation scientifique devrait se donner comme final ité
- 418
-objectifs sont à la fois généraux et particuliers dans
la mesure où la finalité globale est adaptée aux
réali-tés écologiques, sociales et culturelles de chaque
com-munauté et de chaque région. Cependant certains
objec-tifs ont une valeur générale et peuvent se concrétiser
dans diverses réal isations locales.
11 Ainsi, l'éducation scientifique doit permettre à
l'être humain de comprendre la nature complexe des
systèmes socio-naturels et de percevoir les
intérac-tions entre le social, le culturel et le biophysique.
L'éducation serait donc scientifique, non pas parce
qu'elle porte sur la nature (la chimie, la biologie,
la physique) mais par son approche et ses int~rpré
tations des interactions entre les systèmes.(l)
2, L'éducation scientifique devra favoriser à tous les
niveaux de la société, "une participation
responsa-ble et efficace de 1 a popul ation à la concepti on et
au contrôle des décisi~ns mettant en jeu la qualité
de l'environnement naturel, social et culturel".(2)
Il faut donc amél iorer les capacités décisionnelles
des individus et des collectivités qui doivent
"ma-nipuler" des réseaux de pl us en pl us con,plexes de
besoins, d'actions et de valeurs. Autrement dit, la
connaissance acquise ou construite par un individu
doit lui permettre de participer activement à la vie
communautaire.
3. La perspective globale et théorique doit être couplée
à l'insertion quotidienne des individus qui
appartien-nent à des milieux différenciés de travail, à des
ré-gions ayant des caractéristiques proches, ainsi qu'à
des regroupements ethniques particuliers. En somme
les interactions entre des communautés et des mil ieus
spécifiques réels et quotidiens deviennent le lieu
de la "véritable" Praxis. (3)
1. Le jour est proche où nous trouverons curieuse
l'expres-sion "sciences de la nature" et où nous dirons qu'elle
fait partie de la pré-histoire du développement
scienti-fique~
2. Unesco, L'éducation relative à l'environnement, p. 24.
3. En somme, la perspective globale n'exclut pas la
solu-tion de problèmes concrets. Elle doit plutôt favoriser
la "définition collective des stratégies et des actions
tendant à résoudre les problèmes affectant la qualité
4. L'éducation scientifiqlJe doit être ~jJ.2.c:...i...E.U
naire. L'articulation des contenus, divisés
arbi-trairement en discipl ines et des processus
d'ap-prentissage quelquefois rédui ts ct des modèles
simplistes) doit se faire dans une globalisation de l'enseignement, c'est-à-dire, se libérer de la
réduction établie des relations entre l'homme et
son univers à des sciences dites "exactes".
Notons, ici, que l'interdisciplinarité, elle-même, ne peut être réduite ct de la multidisciplinarité
(des liens "artificiels" entre les sciences). Au
contraire, l'interdisciplinarité est une entrepri-se (individuelle ou collective) de création de nouveaux savoirs ou de nouveaux rapports entre le savoir et le savoir-faire dans une perspective
glo-bale. Ajoutons que l'interdisciplinarité doit être
une caractéristique, de la démarche de l'étudiant.
En effet, celui-ci, habitué à un découpage
parcel-laire de la connaissance scientifique, ne dispose
d'aucun instrument théorique lui permettant de
cer-ner des problèmes complexes dont les solutions font
appel ct divers champs de connaissance. Par
consé-quent, les individus démissionnent au profit des
spécialistes et justifiant ainsi la nécessité de la
technocratie, on ne daigne plus faire participer les gens, perçus comme de simples exécutants ou de sim-ples consommateurs.)
5. L'éducation scientifique doit cesser d'être un
cata-logue ou un dictionnaire des connaissances acquises puisqu'elle est fondamentalement une démarche et un
processus. Il faudrait donc s'écarter des
concep-tions classiques de la pédagogie axées sur la trans-mission de la connaissance et sur l'acquisition
d'at-titudes pré-établies. Au contraire, partons de
l'appé-tit insatiable de connaissances chez la personne et
de son désir de résoudre des problèmes. Alimentons
son processus naturel de création et de systématisation
de la connaissance. Oublions les disciplines
particu-lières pour s'attacher davantage aux relations entre
notre univers et nous. Pensons ct des stratégies
éduca-tives "génératrices" plutôt que "classificatices",
c'est-ct-dire ct des dynamiques de production de
connais-sance au lieu du savoir livresque et encyclopédique.
6. Notons enfin une caractéristique essentielle de
l'édu-cation scientifique. Elle doit être continue
(perma-nente) et accessible ct tous. D'une part, les systèmes
socio-naturels sont en évolution perpétuelle tout comme
les connaissances. Par conséquent, il faut constamment
remettre ct jour les problématiques et leurs modes de
résolution. D'autre part, l'école doi t cesser d'être
- 42:]
-*
connaissance scientifi U2. CElle-ci doit se p,Htager
(CGIi1I1:e tout le t'este) et doit s'udl'esser ~ tous les
iileIIIb r e s d' une colÎe c t i vité sui van t des inCodci1 i t~s n' PiJn
-dant aux besoins, intér~ts et motivations des différents
groupes.
QUELQUES STRATEGIES DE CHANGEMENT
Si nous sommes d'accord pour donner une perspective plus
globale à l'enseignement des sciences, il nous faut nous
interroger sur les stratégies nécessaires pour modifier
les systêmes d'enseignement. Signalons quelques
carac-téristiques importantes d'une stratégie Ge changement.
1. Une stratégie de cnange,::ent devrait impliquer toutes les
personnes reliées de près ou de loi à l'éducation.
L'ex-pé rie n c e no usd éln0n t r e qu'U Il cha n g l'me n t tél é co11H11andl' par
des technologues ou des administrateurs sans qu'il y
ait un processus de consultation itérative a peu de
chan-ces de réus sil'.
2. Il faudrait pou,' concrétiser cette im[Jlication, utiliser
des ressources "génériques", c'est-à-dire, des
l'eSSOUI'-ces en mesure de faciliter l'amélioration des capacités
décisionnelles d'un groupe. A ce niveau peuvent
interve-nir efficacement les chercheurs et les technologues.
Ainsi, des chercheurs peuvent créer des cadres
concep-tuels facil itant la compréhension des systêmes
socio-na-turels et l'analose des conséquences des actions dites
scientlfiques. Ils peuvent aussi décrire les
caractéris-tiques spécifiques des systêmes d'éducation, les
possibi-lités de changement, les contraintes majeures. Ils
peu-vent proposer des modêles ou des exemples de programmes
axés sur le développement de la compétence
socio-éco-scientifique des individus.
3. Il faut, aussi, facilite,' l'implantation par des
expérien-ces locales et décentralisées, c'est-à-dire, nasse,. de
la théorie à la pratique, du générique au spécifique, de
la conceptualisation à la réalisation. Les résultats de
ces expériences sont ensuite int,'oduits dans différents
circuits de communication pour augmenter la compétence
de la collectivité.
4. L'institution éducative doit apprendre à s'adapter aux
s i tua t ion s no u ve Ile s . Ain s i e 1 l l'de v rd f airl'Url iP:pIl
re-définir son fonctionnement administratif et
rééva-luer ses ressources matf'riellcs. Elle devra
réflé-chir sur son articulation avec les différents groupes, remettre en cause son rôle institutionnel, sortir de
son isolement et s'ouvrir à la vie. Car, ne l'oublions
pas, L'INSTITUTION EDUCATIVE N'EST pl us seul e à
occu-per le champ de la transmission de la connaissance.
* CONCLUSION
Sans doute faudrait-il conclure par la mise en évidence du
paradoxe suivant.
La réflexion sur l'enseignement scientifique et sur son objectif principal, la compétence scientifique, semble
con-damnée à s'inscrire dans une dialectique de la double
contrainte (double bind) où l'un renvoie à l'autre. Par
conséquent, toute tentative d'amélioration du syst~me se
situe toujours à l'intérieur de cette dialectique et ne
fait, paradoxalement, qu'aggraver le probl~me.
La possibilité d'une solution se situe à l'extérieur de
cette dialectique. Il faut "briser" la double contrainte,
contextualiser l'enseignement scientifique et le situer
dans une vision plus globale et plus systémique. L'idée
de la compétence éco-sociale permet justement de sortir
de l'enclos et d'entrevoir un horizon plus large et plus perti nent.
Si nous adoptons cette position et si nous établissons les
bases de cette perspective éco-sociale, il nous est facile
de constater à quel point nous "souffrons" de
réductionnis-me lorsque nous parlons des sciences de la nature en se réf~rant à la physique, à la chimie et à la biologie.
- 422 -BIBLIOGRAPHIE ASSELIN, J, BADGER, 1,1.E. , BATE 50 Ij, G., Collectif BATON, B.,
BER TRA ND, Y.,
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UNESCO, L'éducation relative à l'eovil-onnelllent. res~ilndes 0rie n ta t io n s de 1a Con f é r eIlce CJeTb i lis si. Pa ris: Uncs-è-0:T980.