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La pénurie des infirmières au Canada : le rôle des mécanismes de fixation des salaires

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© Ruolz Ariste, 2019

La pénurie des infirmières au Canada : Le rôle des

mécanismes de fixation des salaires

Thèse

Ruolz Ariste

Doctorat en relations industrielles de l’Université Laval

offert en extension à l’Université du Québec en Outaouais

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

Université du Québec en Outaouais

Gatineau, Canada

Sciences sociales

Université Laval

Québec, Canada

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ii

La pénurie des infirmières au Canada : Le rôle des

mécanismes de fixation des salaires

Thèse

Ruolz Ariste

Sous la direction de :

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iii Résumé de la thèse

Plusieurs études et sources médiatiques font état d’une pénurie de main-d’œuvre (MO) dans la profession des sciences infirmières. On prédit même que la situation n’est pas prête à s’améliorer puisqu’avec le vieillissement de la population, la demande pour les services de soins infirmiers ne peut qu’augmenter. Étant donné cette pénurie, on pourrait supposer que, dans une perspective de maximisation du revenu salarial, les infirmières en poste auraient une plus forte intensité de travail que les employés des autres secteurs de l’économie, sinon au moins la même intensité de travail. Pourtant, cela ne semble pas être le cas. C’est dans cette optique que s’intègre le premier article de cette thèse. Il vise à faire la lumière sur le marché du travail des infirmières en cherchant à saisir la nature et l’ampleur de la pénurie. Il traite de l’efficacité et des distorsions du marché du travail des infirmières à travers des dimensions classiques: soit l’offre, la demande, le salaire et les différentes institutions en présence. Un des résultats principaux de cette étude est qu’il existe différents concepts de pénurie. Il est important d’en identifier le type pour mieux cibler la façon d’intervenir en termes de politiques publiques.

Compte tenu de la pénurie de MO infirmière et du fait que cette dernière n'a pas travaillé plus d'heures par semaine que les travailleurs similaires dans d'autres secteurs de l'économie, cela implique que l'objectif de maximisation du revenu peut être poursuivi en cherchant des taux de rémunération plus élevés. Avec un taux de syndicalisation élevé, une telle stratégie est plausible. Cependant, la littérature suggère également que les infirmières font face à un marché du travail caractérisé par le monopsone (ou oligopsone), c'est-à-dire qu'elles offrent leur travail dans un seul hôpital (ou quelques hôpitaux) dans une région donnée. Dans un tel contexte, ces hôpitaux peuvent offrir un salaire inférieur à celui que nous aurions vu dans un marché concurrentiel, i.e. qu’on s’attend à ce que les salaires horaires soient plus faibles dans les hôpitaux à forte concentration de marché, ce qui peut être source de pénurie régionale. Le second article cherche à vérifier cette hypothèse en utilisant les fichiers de micro-données de l’Enquête sur la population active (EPA) de Statistiques Canada pour les années 2010, 2011 et 2012. La méthode utilisée est l’analyse multi-niveaux. Les résultats empiriques n'appuient pas le modèle de monopsone pour expliquer la pénurie de main-d'œuvre infirmière: il n'y a pas de relation statistiquement significative entre les salaires des infirmières et la part de marché des hôpitaux. Cela suggère que l'explication de la pénurie de main-d'œuvre infirmière doit être recherchée ailleurs.

Les hôpitaux (comme employeurs) ne pratiquent pas de discrimination salariale basée sur la part de marché, en dépit de leur petit nombre. Cela suppose que le fort taux de syndicalisation pourrait jouer un rôle compensatoire sur ce marché en aplatissant la structure des salaires. Cette situation est typique d’un système centralisé de fixation des salaires (lorsque le processus de détermination des salaires se produit au niveau du secteur plutôt qu'au niveau de l'entreprise). Ce système, supposément prépondérant au Canada, répond au principe d’équité mais risque d’être une source de pénurie s’il ne s’ajuste pas aux réalités régionales. Un tel système peut décourager la concurrence, entraver l'allocation efficace des ressources dans certaines régions et créer une pénurie régionale. Le mécanisme de fixation des salaires et les comparaisons régionales dans quelques provinces constituent l’objectif du 3e article. Ce dernier jette un regard plus approfondi sur la façon dont les institutions se sont organisées

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iv

pour arriver aux conventions collectives en vigueur sur le marché du travail des infirmières au Canada. La théorie des disparités régionales compensatoires des salaires (DRCS) dans un marché concurrentiel est le cadre utilisé pour analyser la question de la centralisation des salaires et tester l’hypothèse de l’uniformisation de ceux-ci.Les résultats indiquent que le processus de fixation des salaires des infirmières est plutôt centralisé, mais la structure des salaires ne peut pas être décrite comme étant uniforme. Ceci signifie qu’il y a des disparités régionales de salaires, mais apparemment elles ne sont pas assez grandes pour enrayer la pénurie de main-d’œuvre. Par exemple, des régions métropolitaines de recensement comme Montréal et Toronto ont des DRCS inférieures à leur moyenne provinciale respective. Mots clés: Salaires, Infirmières, Pénurie, Monopsone, Capital humain, Institutions, Recherche quantitative, Modèle multi-niveaux, Canada, Provinces, Régions, Hôpitaux, Conventions collectives, Écarts salariaux.

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v

The Nursing Shortage in Canada: The Role of Wage Fixing Mechanisms

Thesis abstract

Several studies and media sources report a shortage of labour in the nursing profession and indicate that the situation is not likely to improve as demand for nursing services can only increase due to the aging of the population. Given this shortage, it could be assumed that, in a perspective of maximizing wage income, employed nurses would work more hours than employees in other sectors of the economy, if not at least have the same work intensity . Yet, that does not seem to be the case. The first article of this thesis aims to shed light on the nursing labor market by seeking to understand the nature and scope of the shortage. It discusses the efficiency and distortions of the nurses' labor market via the traditional dimensions of supply, demand, wages and the various institutions involved. One of the main findings of this study is that there are different concepts of shortage. It is important to identify the type to better target how to intervene in terms of public policies.

Given the shortage of nurses and the fact that the latter did not work more hours per week than similar workers in other sectors of the economy, this implies that the goal of maximizing income can be pursued by seeking higher rates of pay. With a high unionization rate, such a strategy is plausible. However, the literature also suggests that nurses face a labor market characterized by monopsony (or oligopsony), that is, they offer their work in a single hospital (or a few hospitals) in a given region. In such a context, these hospitals may offer a lower wage than we would have seen in a competitive market; that is hourly wages are expected to be lower in hospitals with high market concentration; which can be source of regional shortage. The second article attempts to verify this assumption using Statistics Canada's Labor Force Survey (LFS) microdata files for the years 2010, 2011 and 2012. The method used is multilevel analysis. Empirical results do not support the monopsony model in explaining nursing shortage: there is no statistically significant relationship between nurse wages and hospital market share. This suggests that the explanation for the nursing shortage needs to be explored elsewhere.

Hospitals (as employers) do not discriminate on the basis of market share, despite their small numbers. This suggests that the strong union could play an offsetting role in this market and flatten the wage structure. This situation is typical of a centralized wage setting system (where the wage determination process occurs at the sector level rather than at the enterprise level). Such a system, which is supposedly predominant in Canada, is in line with the principle of equity, but it could be at the origin of the shortage if it does not adjust to regional realities. It can discourage competition, hinder the efficient allocation of resources in certain regions and create a regional shortage. The wage-setting mechanism and the regional comparisons in some provinces are the objective of the third article. The latter takes a closer look at how institutions and stakeholders are organized to come up with collective agreements for nurses in Canada.

The theory of Standardized Regional Wage Differentials (SRWD) in a competitive market is the framework used to analyze this issue and to test the wage uniformity hypothesis. The results indicate that the process of wage setting for nurses is rather centralized, but the wage structure cannot be described as flat or uniform. This means that there are regional differences

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in wages, but apparently they are not large enough to halt the labor shortage. For example, Census Metropolitan Areas such as Montreal and Toronto have SRWD below their respective provincial average.

Keywords: Wages, Nurses, Shortage, Monopsony, Human Capital, Institutions, Quantitative Research, Multilevel Model, Canada, Provinces, Regions, Hospitals, Collective Agreement, Pay Gap.

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vii Table des matières

Résumé de la thèse ... iii

Thesis abstract ... v

Table des matières ... vii

Liste des tableaux ... x

Liste des figures ... xii

Liste des abréviations et sigles ... xiii

Remerciements ... xvi

Avant-propos ... xvii

Introduction générale ... 1

Article I. Analyse critique de l’efficacité du marché du travail des infirmières ... 10

Résumé ... 11

1. Introduction ... 12

2. Différents concepts de pénurie ... 14

3. Évidence de pénurie de MO infirmière au Canada ... 21

4. Survol des modèles théoriques de pénurie de MO infirmière ... 25

4.1. Le modèle d’offre et demande avec courbe de budget ... 25

4.2. Le modèle de la toile d’araignée ... 30

4.3. Le modèle de monopole bilatéral ... 31

4.3.1. Le modèle de monopsone ... 31

4.3.2. Le modèle de monopole/monopsone... 34

4.4. Un modèle d’utilisation de MO temporaire créant une perception de pénurie ... 37

4.5. Conclusion des modèles théoriques ... 41

5. Discussion et brève implication de politiques publiques ... 43

6. Conclusion ... 45

Références ………47

Annexe A : Statistiques descriptives détaillées sur l’offre et la demande de MO infirmière... ... 53

Annexe B. Formalisation du modèle de monopsone ... 59

Article II: Impact of Individual and Institutional Factors on Wage Rate for Nurses in Canada: Is There a Monopsony Market? ... 60

(8)

viii

Abstract ... 61

1. Introduction ... 62

2. The theoretical monopsony model ... 65

2.1. Monopsony nurse labour market with union coverage ... 65

2.2. Other factors that explain hourly wages ... 66

3. Data ... 67

3.1. Data Sources ... 67

3.2. Defining the concepts and variables ... 68

3.3. Descriptive Statistics ... 71

4. Empirical Model ... 74

4.1. Distribution function of average hourly wage (dependent variable) ... 74

4.2. Formal presentation of the empirical model ... 74

5. Results and interpretation ... 79

6. General Discussion and Study Limitations ... 84

6.1. General Discussion ... 84

6.2. Study Limitations ... 85

7. Conclusion ... 86

References ………87

Appendices ... 90

Appendix A: Transformation function for hourly wage ... 90

Appendix B: Relevance of using the multi-level model... 91

Appendix C: Random Coefficient and Main Effect Multi-Level Models for RN Hourly Wage………. ... 92

Article III: Wage Setting Process for Canadian Nurses and its Impact on Regional Labour Market ... 93

Résumé ... 94

Abstract ... 94

1. Introduction ... 95

2. Wage setting mechanisms for nurses in selected Canadian provinces ... 97

3. Theoretical context ... 101

4. Data and empirical methods ... 102

4.1. Variable definitions and concepts ... 103

4.2. Descriptive statistics ... 104

(9)

ix

5. Results ... 105

6. Policy implications ... 108

7. Conclusion ... 109

References ... 111

Appendix A: Survey of Wage Setting Process for Nurses ... 113

Appendix B: International comparisons of wage setting process... 118

Appendix C: Regional Statistics ... 120

(10)

x Liste des tableaux

Article I

Tableau 1 Projection de la demande de MO des IA pour certaines provinces p. 18 Tableau 2 Taux de postes vacants par province, Industrie des Soins de

santé et assistance sociale, 2011 à 2013 p. 23 Tableau 3 Heures effectives totales travaillées par semaine par les IA,

2000 et 2010 p. 40

Tableau A.1 Main-d'œuvre IA entre 1992 et 2013 et taux de croissance annuel

moyen p. 53

Tableau A.2 Nombre (MO) d'IA par 1.000 habitants entre 1992 et 2013 et

TCAM p. 54

Tableau A.3 Pourcentage du personnel IA ayant déclaré avoir fait des heures

supplémentaires, par province et pour le Canada, 2008 et 2012 p. 55 Tableau A.4 Nombre, proportion et TCAM de la main-d'œuvre IA dans le p. 55

secteur privé, 1992, 2002 et 2012

Tableau A.5 Nombre de nouveaux diplômés en soins infirmiers réglementés

(admission à la pratique), 1992 à 2012 p. 56 Tableau A.6 Répartition des IA selon le statut d'emploi, 1992, 1998, 2009

et 2013 p. 57

Tableau A.7 Ratio IA/IAA entre 1992 et 2013 p. 58

Article II

Table 1 Market Share Classification Based on the Value of the Herfindahl

(11)

xi

Table 2 Classification of Regions Based on Labour Market Size p. 71 Table 3 Mean Wage Rates and Standard Deviation (in brackets) for RNs

by Selected Job and Market Characteristics and Provinces, 2010

to 2012 p. 72

Table 4 Successive Models for RN Hourly Wage: Intercept Only, Level 1, Level 2 Predictors and Random Coefficient (N =18,368) p. 83 Table A.1 Main Effect Multi-Level (M4) Models for RN Hourly Wage,

Canada, 2010 to 2012 p. 92

Article III

Table 1 Wage Setting Structures and Processes in the Four Selected

Canadian Provinces pp. 98-99

Table 2 Summary statistics for Standardized Regional Wage Differentials

by Province for RN p. 106

Table A.1 Wage setting process for selected OECD countries: Overall

economy vs health sector pp. 118-119

Table A.2 Regional mean hourly wages, hourly wage relativities and

(12)

xii Liste des figures

Article I

Figure 1 Représentation graphique du marché du travail des infirmières

avec courbe de budget p. 28

Figure 2 Monopsone sur le marché du travail des infirmières sans couverture

syndicale (cas classique) p. 33

Figure 3 Monopsone sur le marché du travail des infirmières avec couverture

syndicale p. 35

Article II

Figure 1 Monopsony nurse labor market with union coverage p. 65

Article III

(13)

xiii Liste des abréviations et sigles

Français

BDCS Base de données canadienne SIG (sur les Systèmes d’information de gestion)

CEGEP Collège d'enseignement général et professionnel CMT Coût marginal du travail

CU/AR Centre urbain / Agglomération de recensement DRCS Disparités régionales compensatoires des salaires EDSC Emploi et développement social Canada

EERH Enquête sur l'emploi, la rémunération et les heures de travail EPA Enquête sur la population active

ERE Enquête sur la rémunération auprès des entreprises ETP Équivalent Temps Plein

FCSII Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et infirmiers FMDR Fichier de micro-données à diffusion restreinte

FMGD Fichier de micro-données à grande diffusion IA Infirmières autorisées

IAA Infirmières auxiliaires autorisées

IAH Infirmières autorisées travaillant dans les hôpitaux ICIS Institut canadien d’information sur la santé

IH Indice d’Herfindahl

IPA Infirmières psychiatriques autorisées

MO Main-d’œuvre

MSSS Ministère de la santé et des services sociaux

NHSIJP Nombre d’heures de soins infirmiers par jour-patient

NSNC Non-syndiquées et non-couvertes par une convention collective OIIQ Ordre des infirmières et infirmiers du Québec

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xiv PIB Produit intérieur brut

PM Produit marginal

RMR Région métropolitaine de recensement

SC Syndiquées ou couvertes par une convention collective

SCIAN Système de classification des industries de l’Amérique du Nord SPPC Système de projection des professions au Canada

TCAM Taux de croissance annuel moyen UPE Unité primaire d’échantillonnage

Anglais

AHS Alberta Health Service BPS Business Payrolls Survey

CIHI Canadian Institute for Health Information

CMDB Canadian MIS (Management Information Systems)Database CMA Census Metropolitan Areas

CAN Canadian Nurses Association EIR Employment Insurance Region

ESDC Employment and Social Development Canada GDP Gross Domestic Product

HI Herfindahl Index

ICTWSS Institutional Characteristics of Trade Unions, Wage Setting, State Intervention and Social Pacts

LFS Labour Force Survey MFC Marginal Factor Costs MRP Marginal revenue product

NOC-S National Occupational Classification - Statistics

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xv RHA Regional Health Authorities RMF Restricted Microdata File RN Registered Nurses

SEPH Survey of Employment, Payroll and Hours SRWD Standardized Regional Wage Differentials UA / CA Urban Areas / Census Agglomerations

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xvi Remerciements

La thèse présente est fondée sur la forme particulière de "thèse par insertion d’articles". Elle constitue le fruit d'un travail individuel, acharné et constant d’une durée de six ans. Ce travail n’aurait pas été possible sans le support moral de plusieurs personnes et l'aide logistique ou financière de quelques organismes. Je remercie tout particulièrement ma conjointe Debbie pour sa grande patience et son support inconditionnel ainsi que mes enfants Alexandra et Rubens d’avoir fait preuve de compréhension lorsque j’ai été à la recherche d’un équilibre entre charge de travail et vie familiale.

Mes remerciements incommensurables s’adressent à Ali Béjaoui qui m'a initié à ce sujet, m'a supporté pendant la scolarité et m’a supervisé avec dévouement et stratégie durant le développement et la rédaction de ce travail. Ses commentaires d’appoint et ses critiques pertinentes m'ont énormément aidé à réorganiser mes idées et trouver le fil conducteur entre ces trois articles. Je suis aussi reconnaissant envers Anyck Dauphin qui a assuré la supervision de cette thèse par interim, alors que j’étais au beau milieu du travail. Je remercie également Samir Amine, Patrick González, Lori Curtis, Naisu Zu pour leurs commentaires utiles sur l’un ou l’autre des trois articles de cette thèse. Enfin, je remercie celles et ceux qui m’ont aidé avec un aspect quelconque de ce travail, que ce soit durant la collecte de données complémentaires, le développement des articles ou la relecture du texte.

Cette recherche a été supportée par le Réseau canadien de centres de données de recherche (RCCDR) avec des fonds provenant du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), de l'Institut de recherche en santé du Canada (IRSC), la Fondation canadienne pour l'innovation (FCI) et Statistique Canada. L’auteur tient à remercier grandement ces organisations, et aussi l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) qui m’a fourni certaines données et soutenu durant ma scolarité. Bien que la recherche et l'analyse soient basées sur des données de Statistique Canada et de l’ICIS, les opinions exprimées reflètent celles de l’auteur principal et ne représentent pas celles de Statistique Canada, du RCCDR ou de l’ICIS.

(17)

xvii Avant-propos

Lorsque le comité de thèse a recommandé une thèse par insertion d’articles au printemps 2014 suite à l’examen prospectif, les nouvelles exigences de thèse par insertion d’articles n’étaient pas encore en vigueur. Il fallait seulement montrer que les articles ont été soumis à une revue scientifique. Puisque la décision a été prise avant celle sur la Politique de rédaction

d’une thèse par articles (automne 2017), cette thèse par insertion d’articles bénéficie donc

de la clause grand-père.

Le premier article de cette thèse, rédigé en français, a été soumis à L’Actualité économique au printemps 2016 puis à la revue Relations industrielles / Industrial Relations à l’automne 2016. Nous avons reçu des commentaires positifs de la part des éditeurs et des arbitres, mais le manuscrit ne correspondait pas à l’audience de ces revues. Il faudrait le traduire en anglais et l’orienter vers d’autres revues. Ceci pourrait augmenter le nombre de revues d’accueil potentielles et donc la probabilité que l’article soit publié. À titre de principal auteur de ces soumissions, j’ai préparé le manuscrit au complet à chaque fois. Ali Béjaoui et Anyck Dauphin sont des co-auteurs.

Quant au second article, il est rédigé en anglais et a été soumis à plusieurs journaux académiques. Il est en voie de trouver un ‘journal d’accueil’ en celui de International Review

of Applied Economics où il a été soumis originalement à l’hiver 2017 et accepté en été 2018

pour publication. En tant que principal auteur de cette soumission, j’ai préparé les diverses versions de manuscrit, avec l’apport combien précieux de mon co-auteur et directeur de thèse Ali Béjaoui.

Enfin, le troisième article, rédigé aussi en anglais, vient d’être soumis à la revue Relations

industrielles / Industrial Relations (printemps 2018). À titre de principal auteur de cette

soumission, j’ai également préparé le manuscrit au complet. Comme pour les autres articles, Ali Béjaoui n’a pas marchandé ses services durant tout le développement de ce manuscrit et est co-auteur.

Toutes les revues auxquelles les trois manuscrits ont été soumis font partie de celles à comités de lecture de portée internationale, respectant les normes strictes en matière de publication scientifique. Spécifiquement, elles sont répertoriées dans l’un des grands index bibliographiques reconnus dans le milieu académique; elles ne réclament aucuns frais de publication à ses auteurs et ne peuvent être catégorisées sous le strict modèle « auteur-payeur».

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1 Introduction générale

Plusieurs études et sources médiatiques font état d’une pénurie de main-d’œuvre dans la profession des sciences infirmières et indiquent que la situation n’est pas prête de s’améliorer puisqu’avec le vieillissement de la population, la demande pour les services de soins infirmiers ne peut qu’augmenter. Les infirmières1 réglementées, c’est-à-dire détentrices d’un certificat ou d’un

permis délivré par leur ordre professionnel, représentent une entité importante du système de santé canadien. Elles comprennent :

 Les infirmières autorisées (IA) ayant une formation universitaire ou collégiale d’un minimum de trois ans et travaillant de façon autonome et en équipe. Il existe deux types d’IA : les infirmières praticiennes (IP) qui reçoivent une formation additionnelle avec suffisamment d’expérience et sont en mesure de diagnostiquer et traiter certaines conditions médicales, et les infirmières psychiatriques autorisées (IPA)2 qui se spécialisant

en santé mentale, et

 Les infirmières auxiliaires autorisées (IAA) ayant une formation collégiale d’environ deux ans et travaillant de façon autonome ou en équipe sous la supervision d’une IA. Elles étaient en 2017 au nombre de 425.757 au Canada (CIHI, 2018); ce qui correspond à peu près au tiers des professionnels de la santé des réseaux publics et parapublics. En ajoutant les quelque 194.250 aides-infirmières et préposées aux bénéficiaires3 (personnel non-réglementé avec une formation post-secondaire d’environ un an), ce groupe forme environ la moitié des professionnels de la santé. Cependant, la présente étude couvre exclusivement le personnel infirmier réglementé, en particulier les IA qui en représentent près des trois quarts. En plus de l’effectif, l’offre globale de services est aussi influencée par le nombre d’heures travaillées par semaine. Ce dernier représente une des deux composantes du revenu salarial; le taux de salaire horaire étant l’autre composante. Ainsi, un travailleur ayant pour objectif de maximiser son revenu peut choisir de travailler un plus grand nombre d’heures, ou négocier un taux horaire plus élevé ou même manœuvrer ces deux leviers simultanément. Compte tenu des exigences de la vie voulant un arbitrage entre le temps alloué aux activités rémunérées et non rémunérées (responsabilités

1 Afin d’alléger le texte, la désignation « infirmière » est utilisée. Dans le contexte de ce paragraphe, il est entendu qu’elle se veut générique et englobe les infirmiers. Il faut souligner que, dans les données empiriques utilisées plus tard dans cette étude, le personnel infirmier de sexe masculin est exclu.

2 Cette classification repose sur la Base de données sur les infirmières et infirmiers de l’Institut canadien

d’information sur la santé. Les IPA sont réglementées seulement dans les quatre provinces canadiennes de l’Ouest et dans un territoire; soit le Manitoba, la Saskatchewan, l’Alberta, la Colombie-Britannique et le Yukon.

3 Enquête nationale auprès des ménages 2011, Statistique Canada. Notez que cette enquête à participation volontaire avait remplacé le questionnaire complet du recensement à participation obligatoire.

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2

familiales, loisirs, etc.), cet objectif de maximisation du revenu se fait toujours sous contraintes de temps. Étant donné la pénurie de main-d’œuvre, on pourrait supposer que, dans cette perspective de maximisation du revenu salarial, les infirmières en poste auraient une plus forte intensité de travail (i.e. travailleraient pendant un plus grand nombre d’heures hebdomadaires)4 que les

employés des autres secteurs de l’économie. Pourtant, cela ne semble pas être le cas car pour la période 2010 à 2012, les IA avaient travaillé en moyenne 32,8; 34,8 et 32,7 heures effectives totales5 par semaine respectivement au Québec, en Ontario et dans le reste du Canada (EPA, 2012).

Ces chiffres ne sont pas significativement différents des 33,1 et 34,5 heures effectives par semaine travaillées respectivement dans l’administration publique québécoise et ontarienne. De plus, en comparant les IA aux enseignantes du primaire (un secteur comparable, en terme de taux de féminisation et des qualifications requises), on se rend compte que ces dernières travaillent 7,9% et 12,4% heures de plus par semaine que les infirmières, respectivement au Québec et en Ontario. Ceci laisse sous-entendre que la causalité pourrait en fait être inversée (ou à double sens), c’est-à-dire que la faible intensité du travail pourrait aussi causer la pénurie. Par exemple, seulement 47% des nouvelles infirmières ont décroché un poste à temps plein en 2013 après l’obtention de leur diplôme, ce qui représente environ 1300 infirmières.6

Un objectif de maximisation du revenu peut aussi être poursuivi en allant chercher des taux de salaire horaires plus élevés. Avec un taux de syndicalisation élevé, il ne serait pas surprenant qu’une telle stratégie soit à l’œuvre. En effet, le secteur des soins infirmiers est un milieu à fort taux de syndicalisation. Les IA qui étaient soit syndiquées soit couvertes par une convention collective entre 2010 et 2012 représentaient 86,1% au Québec; 75,7% en Ontario et 90,6% dans le reste du Canada. Or il est généralement admis que, toutes choses étant égales par ailleurs, les travailleuses syndiquées gagnent en général davantage que celles non-syndiquées.7. D’un autre côté, la littérature suggère aussi que les infirmières font face à un marché de travail caractérisé par le monopsone (ou l’oligopsone) : i.e. qu’elles offrent leur main-d’œuvre à un seul hôpital (ou

4 L’intensité du travail est réduite ici au nombre d’heures de travail. Mais, elle pourrait être définie comme un

concept plus complexe qui inclurait aussi la charge de travail; par exemple le ratio nombre de patients par infirmière. 5 Les heures effectives totales pour celles occupant plus d’un emploi représentent la somme des heures effectives à l’emploi principal et à l’autre emploi. Ces heures effectives incluent les heures payées et non-payées; ce qui veut dire qu’elles incluent les temps supplémentaires. Elles étaient de 32,7 dans le reste du Canada.

6 Source : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1081461/verif-quebec-infirmiere-sante-malade-penurie

7Par exemple, entre 2010 et 2012 au Canada, les IA syndiquées ou couvertes par une convention collective gagnent

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3

quelques hôpitaux) dans une région donnée. Face à une telle situation, ces hôpitaux offrent un salaire plus faible que celui qu’on aurait observé dans un marché concurrentiel (i.e. s’il existait un grand nombre d’hôpitaux dans une région donnée). Il en résulte un niveau d’emploi plus faible; ce qui alimenterait la pénurie de MO. On voit bien que l’enjeu se situe entre le syndicat qui veut aller chercher des taux de salaires horaires élevés pour ses membres et le patronat qui cherche à payer de faibles taux de salaires horaires. Ce faible taux de salaire d’une part, n’inciterait pas les infirmières à travailler davantage, et d’autre part, inciterait leurs employeurs à chercher à les faire travailler davantage, ce qui en bout de ligne, causerait la pénurie.

Ceci nous amène à un point situé au cœur du débat sur le sujet : soit la définition même de la pénurie de MO infirmière. Les analystes utilisent différentes significations du terme de pénurie, apparemment sans se rendre compte de la confusion qui peut en résulter (Goldfarb et al, 2008). L’utilisation du même mot pour plusieurs concepts différents peut provoquer un dialogue de sourd. Par exemple, le Ministère de la santé et des services sociaux (MSSS) du Québec ne tient compte que des heures supplémentaires pour déterminer l’ampleur de la pénurie (Laberge et Montmarquette, 2009) ; ce qui diffère de la définition économique d’une pénurie qui tient compte de la demande pour les services de santé.

Par ailleurs, des concepts de pénurie divergents engendrent des implications de politiques publiques différentes pour améliorer une pénurie existante. S’il s’agit d’une pénurie liée à une demande de MO non-réalisée selon la définition économique du terme (postes budgétisés mais vacants), on pourrait supposer que les salaires ne sont pas suffisamment ajustés à la hausse pour éliminer cette pénurie. Il faudrait trouver les caractéristiques du mécanisme de détermination des salaires qui empêchent cet ajustement proportionnel à la hausse. Par exemple, sommes-nous en présence d’un marché caractérisé par le monopsone? On serait en face d’un phénomène de distorsions du marché. L’élimination de telles contraintes serait la première option de politique publique à envisager. Existe-t-il un mécanisme centralisé de fixation des salaires? Si oui, quel est l’impact sur la structure des salaires? Si le processus de détermination des salaires est centralisé et que cela engendre une structure salariale uniforme, on serait en face d’un problème d’institutions. Des réformes institutionnelles, à travers le système de législation, pourraient être une autre option de politique publique à envisager. D’autres options seraient considérées (comme l’augmentation

(21)

4

de l’offre de MO) si seulement ces barrières s’avèrent insurmontables ou dépendamment de la source de la pénurie.

Dans le cas où nous faisons face à une pénurie au sens économique du terme, un enjeu de taille à considérer est l’élasticité de l’offre de MO infirmière par rapport au salaire. Si cette offre est inélastique à court terme (i.e. qu’elle augmente moins que proportionnellement par rapport au salaire), il peut s’avérer plus difficile ou plus coûteux de résorber cette pénurie par une hausse de salaire. La majorité des études existantes ont montré que l'offre de travail des infirmières est assez inflexible par rapport aux salaires, avec une élasticité d'environ 0,3 ; suggérant qu’une augmentation de 10% du taux de salaire horaire engendre une hausse d’offre de travail de 3% seulement (Shields, 2004).

Compte tenu de cette situation, la littérature économique récente a porté plus d'attention à des facteurs non monétaires susceptibles d’accroître l'offre de travail des infirmières, tels que les relations avec les collègues, le degré d'autonomie, les quarts de travail ou les récompenses intrinsèques. Par exemple, bien que Di Tommaso et al. (2009) aient trouvé une faible élasticité globale d'offre de travail, ils ont néanmoins présenté des résultats qui suggèrent une forte réponse de cette offre par rapport aux types d’emploi (quart de travail et milieu de travail). Plus spécifiquement, ils ont trouvé que les infirmières ayant des quarts irréguliers répondent plus fortement à une augmentation de salaire que celles avec des quarts réguliers de jour. Des résultats similaires ont été trouvés par Kankaanranta et Rissanen (2009). Il faut rappeler que cela n’augmente pas l’offre globale de MO : une hausse du nombre d’heures de travail dans les quarts irréguliers (ou dans un milieu à forte pénurie) pourrait être au détriment de celui dans les quarts de jour (ou dans un milieu à faible pénurie). Ceci suggère que les régies régionales de santé pourraient utiliser le salaire pour assurer la mobilité du personnel infirmier dans le système de santé, mais de manière limitée.

Au niveau du Canada, il existe plusieurs études portant sur le marché du travail des infirmières, notamment sur l’offre de travail au Canada. Cependant, peu d’études ont considéré les facteurs du côté de la demande, et encore moins les institutions pour tenter de comprendre les déterminants du salaire horaire des infirmières. Une des premières études importantes sur l’offre et la demande de

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MO ainsi que sur le salaire des infirmières au Canada fut celle de Vujicic (2003). Dans sa thèse de doctorat, l’auteur a examiné les tendances du niveau d’emploi en soins infirmiers durant la période de coupures budgétaires et restructuration des hôpitaux au Canada durant le début et milieu des années 1990. Vujicic a constaté qu’il y avait une réduction du niveau d’emploi dans les hôpitaux et que plus de jeunes infirmières de formation travaillaient en dehors de leur domaine. Pour déterminer si ce phénomène était volontaire ou non, il a développé un modèle du choix de la catégorie professionnelle (occupational sector choice model) et a examiné les tendances des salaires en soins infirmiers et celles observées en dehors du secteur des soins infirmiers ainsi que des dépenses hospitalières (un proxy pour la demande). L’évidence suggère que la réduction du niveau d’emploi observé était due à une réduction de la demande de travail pour les infirmières et non à leur volonté de délaisser leur domaine de formation.

Par la suite, Buhr (2006) dans le cadre d’une autre thèse de doctorat, a réalisé une série de trois études pertinentes sur le marché du travail des infirmières. La première étude de la série traite de la relation entre la rémunération et le niveau d’études des infirmières, puis la probabilité d’une promotion. Utilisant des estimations basées sur un modèle de capital humain, l’auteure a conclu qu’il est financièrement plus avantageux d’acquérir un baccalauréat en soins infirmiers plutôt qu’un diplôme collégial. Quant à la seconde étude, elle analyse le marché du travail chez les infirmières immigrantes pour voir si elles font face à une pénalité salariale avec leurs diplômes étrangers. Enfin, la dernière étude de la série traite des questions de rétention des infirmières et des facteurs qui les incitent à chercher du travail. Entre autres, l’auteure a conclu qu’une augmentation du taux horaire incite davantage à attirer de nouvelles recrues dans la profession qu’à augmenter le nombre d’heures de travail de celles déjà en poste; ce qui est cohérent avec le résultat de faible élasticité.

Si les facteurs liés à l’offre et la demande de travail ont été pris en compte dans ces études canadiennes sur les salaires des infirmières, la perspective institutionnelle n’a pas été développée pour estimer le rôle de la concentration des hôpitaux et le rôle des syndicats dans la détermination des salaires. De même, aucune perspective régionale n’a été envisagée. Cette thèse tente de combler en partie le fossé existant dans les études sur le marché du travail des infirmières au Canada; en particulier sur l’aspect des facteurs institutionnels qui peuvent aider à comprendre le

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marché du travail des infirmières, y compris les particularités régionales. Ainsi, il en résulte trois contributions majeures :

1- Une analyse critique de l’efficacité du marché du travail des infirmières (article 1)

2- Le test de l’hypothèse de monopsone comme explication possible de la pénurie (article 2) 3- L’estimation des différences interrégionales des salaires et implications pour la pénurie

régionale (article 3).

Le premier article propose une analyse critique de l’efficacité du marché du travail des infirmières en traitant les dimensions classiques d’un marché du travail: soit l’offre, la demande et les différentes institutions en présence. Spécifiquement, ce travail se propose de 1) préciser les divers concepts de pénurie de MO et en présenter l’évidence; 2) faire un survol des différentes explications théoriques de cette pénurie et 3) procéder à une analyse critique de la littérature sous l’angle de l’efficacité économique du marché du travail des infirmières, en s’appuyant sur des statistiques descriptives portant sur l’offre et la demande de MO infirmière ainsi que les salaires. Un tel travail, en élucidant les concepts, et en jetant un regard critique tant rétrospectif que prospectif sur les différents modèles et résultats de pénurie de MO, constitue une contribution importante à la littérature sur la performance du marché du travail des infirmières.

Un des résultats principaux de ce premier article suggère que le concept de pénurie revête différentes définitions, conduisant à différents types de pénurie. Chacun de ces derniers explique une façon différente d’intervenir. Il s’avère nécessaire d’en identifier le type afin de mieux cibler les interventions de politiques publiques. Par ailleurs, les décideurs ont géré la période post-récession de 2008 différemment de celle du début des années 1990. Ni le niveau d’emploi en soins infirmiers, ni le nombre de nouveaux diplômés, ni le salaire horaire réel n’ont baissé. Cette stratégie contraste celle de la période post-récession du début des années 1990 où le niveau d’emploi ainsi que le nombre de nouveaux diplômés en soins infirmiers ont chuté (Vujicic, 2003). Aussi, selon les chiffres de certaines institutions gouvernementales ou professionnelles, la pénurie de MO infirmière au Canada a été d’environ 2,6% en 2012;8 elle se poursuivrait jusqu’en 2022

mais serait réduit à 1,3% en moyenne. En termes de chiffres absolus, la pénurie de professionnelles

8 Cette pénurie a été plus prononcée au Québec où elle se situerait à 3,6% (Source : MSSS - Demande d’information).

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en sciences infirmières d’ici 2022 à l’échelle du Canada serait de l’ordre de 50.000 à 60.000 selon la source de projection. Cet article suggère aussi dans quelle direction les politiques publiques doivent s’orienter pour résoudre le problème de la pénurie d’ici 2022. Des mesures liées particulièrement à l’offre de services de santé et à une gestion adéquate de la charge de travail par les institutions sont à prioriser, bien que celles relatives à la demande de soins de santé doivent être aussi considérées.

Les modèles qui sont présentés au premier article servent de référence pour le second article. Bien qu’aucun d’entre eux ne puisse à lui seul expliquer tous les éléments de la détermination de salaire ou de la pénurie, ils ont pour la plupart suggéré que les arrangements institutionnels en place peuvent influencer les heures de travail et le taux horaire effectifs des infirmières. Les employeurs et les syndicats constituent les deux facteurs institutionnels considérés dans cet article. La perspective de l’employeur nous amène à évaluer l’hypothèse selon laquelle la présence de monopsone peut être à la base de la pénurie. En exploitant des données canadiennes (Enquête sur la population active, 2010 à 2012), et à l’aide d’une analyse multi-niveaux, le second article tente de faire la lumière sur le lien entre les facteurs institutionnels et le salaire des infirmières.

L’analyse prend en compte simultanément des variables individuelles classiques de la théorie du capital humain et des variables institutionnelles (en particulier le degré de concentration des hôpitaux) pour comprendre et estimer le salaire des infirmières au Canada. Cet article sert à combler en partie le fossé existant dans les études sur le marché du travail des infirmières au Canada; en particulier sur l’aspect des facteurs institutionnels qui peuvent aider à comprendre la structure de rémunération horaire des infirmières et donc tenter de faire la lumière sur la pénurie. Les travaux antérieurs portant sur le Canada n’ont pas explicitement considéré le degré de concentration des hôpitaux ou d’autres variables institutionnelles, comme la syndicalisation du personnel infirmier. Des études américaines ont pris en compte les deux niveaux de variables, mais les auteurs ont utilisé la procédure d’estimation en deux étapes; ce qui peut compromettre l’analyse et l’interprétation des variables. La méthode multi-niveaux empêche l’analyse et l’interprétation des variables à des niveaux non-appropriés. Donc, la contribution de ce second article porte tant sur l’inclusion de nouvelles variables dans l’analyse de la détermination du salaire horaire des

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infirmières, que sur le choix des méthodes économétriques plus puissantes comparativement à celles qui ont été utilisées dans les études antérieures.

Le modèle de monopsone pour expliquer la pénurie de MO infirmière n’est pas appuyé par les résultats empiriques : il n'y a pas de relation statistiquement significative entre les salaires des infirmières et la part de marché des hôpitaux. Cela suggère que l'explication de la pénurie de main-d'œuvre infirmière doit être recherchée ailleurs. En fait les syndicats, en tant qu’autre institution qui est prise en compte dans l’analyse, joueraient le rôle de contrepoids à l’effet potentiel de monopsone. Ceci représenterait le côté opposé de l’argumentaire qui fait que, de la perspective des employés (représentés par les syndicats), on pourrait parler de monopole. Ceci souligne encore davantage l’importance des institutions et nous amènerait plutôt à considérer une situation de monopole bilatéral.

Le rôle des institutions est différent d’une province à l’autre; ce qui crée des dynamiques différentes et donc des marchés de travail différents dans chaque province. Puisque les employeurs des hôpitaux ne pratiquent pas de discrimination salariale basée sur la part de marché en dépit de leur petit nombre, cela suppose que le fort taux de syndicalisation pourrait jouer un rôle compensatoire sur ce marché en aplatissant la structure des salaires. Cette situation peut se produire si le processus de négociation est centralisé (le processus de détermination des salaires se produit au niveau du secteur plutôt qu'au niveau de l'entreprise). Un tel phénomène peut décourager la concurrence, entraver l'allocation efficace des ressources dans certaines régions et créer une pénurie régionale.

Le troisième article s’insère dans ce contexte. Il jette un regard plus approfondi sur la façon dont les institutions et les intervenants se sont organisés pour arriver aux conventions collectives en vigueur sur le marché du travail des infirmières au Canada. Le Québec est comparé à certaines autres provinces canadiennes. Les provinces choisies sont celles avec un effectif de plus de 3 millions d’habitants en 2014 : soit le Québec, l’Ontario, l’Alberta et la Colombie-Britannique. Ces quatre provinces représentent 86 % de la population totale du Canada. À notre connaissance, aucune étude canadienne spécifique sur les infirmières ne porte en même temps sur le processus de détermination et les écarts de salaires. La contribution de cet article est qu'il a donné une place

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importante à l'analyse des institutions et des relations de travail dans la main-d'œuvre infirmière à l'échelle pancanadienne, en utilisant un cadre théorique et empirique, faisant ainsi le pont entre les relations industrielles et l’économie du travail.

Le système centralisé de fixation des salaires, supposément prépondérant au Canada, risque d’être à l’origine de la pénurie s’il ne s’ajuste pas aux réalités régionales. Pour analyser cette question de centralisation et tester l’hypothèse de l’uniformisation des salaires, la théorie des disparités régionales compensatoires des salaires (DRCS) dans un marché concurrentiel est le cadre utilisé. Les résultats indiquent que le processus de fixation des salaires des infirmières est plutôt centralisé, mais la structure des salaires ne peut pas être décrite comme étant aplatie ou uniforme. Ceci signifie qu’il y a des disparités régionales de salaires, mais apparemment elles ne sont pas assez grandes pour enrayer la pénurie de main-d’œuvre. Par exemple, les principales régions métropolitaines de recensement du Québec et de l'Ontario (Montréal et Toronto respectivement) ont des DRCS inférieures à leur moyenne provinciale respective ou à des collectivités de plus petite taille comme Gatineau et Kingston. Ceci veut dire que, dans une certaine mesure, des réalités régionales sont considérées dans le processus de détermination des salaires.

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Article I.

Analyse critique de l’efficacité du marché du travail des

infirmières

Ruolz Ariste* Ali Béjaoui Anyck Dauphin

Septembre 2018

*: A titre d’auteur principal, j’assume la responsabilité complète du contenu de cet article, y compris des idées, analyses, et résultats.

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11 Résumé

Le marché du travail de la main-d’œuvre (MO) infirmière au Canada est décrit généralement comme étant dans une situation de déséquilibre. Ceci pose un défi majeur pour les décideurs de politiques publiques, puisque les ressources humaines de la santé en général, et la MO infirmière en particulier, constituent l’un des éléments les plus importants de tout système de santé. Dans le contexte canadien, ce déséquilibre se caractérise souvent par une pénurie. En dépit de cette pénurie, les infirmières en poste n’ont pas une plus forte intensité de travail que les employées des autres secteurs de l’économie, ce qui sous-entend qu’il pourrait exister un problème d’efficacité. Ceci nous amène au cœur d’un des débats sur le sujet : soit la définition même de la pénurie de MO infirmière et l’explication de l’origine de cette pénurie. Les divers concepts de pénurie engendrent des implications de politiques publiques différentes en matière d’offre et de demande de MO. Malgré l’importance de ces enjeux, peu d’études ont été réalisées sur la source de cette pénurie ou l’efficacité du marché du travail des infirmières au Canada.

Cet article propose d’effectuer une analyse critique de l’efficacité du marché du travail des infirmières en abordant les dimensions classiques d’un marché du travail: soit l’offre, la demande et les différentes institutions en présence. Spécifiquement, ce travail se propose de 1) préciser les divers concepts de pénurie de MO et en présenter l’évidence; 2) faire un survol des différents modèles théoriques en économie susceptibles d’expliquer cette pénurie et 3) procéder à une analyse critique de la littérature sous l’angle de l’efficacité économique du marché du travail des infirmières, tout en présentant des statistiques descriptives pertinentes sur l’offre et la demande de MO infirmière ainsi que les salaires. Un tel travail, élucidant les concepts et apportant un regard critique tant rétrospectif que prospectif sur les différents modèles, études et résultats sur la pénurie de MO infirmière, constitue une contribution importante à la littérature sur la performance du marché du travail des infirmières. Les résultats suggèrent que la pénurie de MO infirmière au Canada a été d’environ 2,6 % en 2012; elle se poursuivrait jusqu’en 2022 mais serait réduit à 1,3 % en moyenne (correspondant à plus de 46 000 infirmières). Le Québec serait la province avec le taux de vacances le plus élevé. Des mesures liées particulièrement à l’offre de services de santé et à une gestion adéquate de la charge de travail par les institutions sont à prioriser afin de résoudre le problème de la pénurie.

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12 1. Introduction

Le marché du travail de la main-d’œuvre (MO) infirmière au Canada est décrit généralement comme étant dans une situation de déséquilibre ou plus spécifiquement, de pénurie. Ceci pose un défi majeur pour les décideurs de politiques publiques, puisque les ressources humaines de la santé en général, et la MO infirmière en particulier, constituent l’un des éléments les plus importants de tout système de santé. Ce déséquilibre n’est pas un phénomène nouveau au Canada. Il renvoie à une pénurie ou un surplus de MO. Cependant, les médias, analystes et décideurs de politiques publiques en parlent davantage lorsqu’il est caractérisé par une pénurie. Ceci peut être dû au fait que les impacts sur le système de santé sont plus prononcés dans le cas d’une pénurie que dans celui d’un surplus : augmentation des temps d’attente, fermeture des unités d’hôpitaux, transfert ou diversion de patients des soins d’urgence, possible baisse de qualité de services, etc. En dépit du fait que ce problème soit à l'ordre du jour depuis de nombreuses années, il demeure encore une préoccupation majeure.

Étant donné la pénurie persistante de main-d’œuvre, nous pourrions nous attendre à ce que les infirmières en poste auraient une plus forte intensité de travail (i.e. travaillent pendant un plus grand nombre d’heures hebdomadaires) que les employées des autres secteurs de l’économie. Pourtant, cela ne semble pas être le cas. Par exemple, pour la période 2010 à 2012, les infirmières autorisées (IA) avaient travaillé une moyenne de 32,8 et 34,8 heures effectives totales par semaine respectivement au Québec et en Ontario (EPA, 2012). La situation n’est pas différente plus récemment puisque jusqu’à 72% des nouvelles diplômées occupent un emploi à temps partiel en 2017 (CIHI, 2018). Les heures effectives totales pour celles occupant plus d’un emploi représentent la somme des heures effectives à l’emploi principal et à l’autre emploi. Ces heures effectives incluent les heures payées et non-payées; ce qui veut dire qu’elles incluent les temps supplémentaires. Elles étaient de 32,7 dans le reste du Canada. Ces chiffres ne sont pas significativement différents des 33,1 et 34,5 heures de travail effectives par semaine auxquelles les femmes ont consenti respectivement dans l’administration publique québécoise et ontarienne. Ceci a engendré des coûts assez substantiels pour le système de soins de santé — de l’ordre de

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746,5 millions de $ en 2012 en heures supplémentaires rémunérées faites par 28,8% des infirmières (Informetrica Ltd, 2013).9

Ceci nous amène au cœur d’un des débats sur le sujet : soit la définition même de la pénurie de MO infirmière. Les analystes utilisent différentes significations du terme de pénurie, apparemment sans tenter d’expliciter la divergence de point de vue (Goldfarb et col, 2008). L’utilisation du même mot pour plusieurs concepts différents peut provoquer un dialogue de sourd. Par exemple, le Ministère de la santé et des services sociaux (MSSS) du Québec ne tient compte que des heures supplémentaires pour déterminer l’ampleur de la pénurie (Laberge et Montmarquette, 2009). Par ailleurs, des concepts de pénurie divergents engendrent des implications de politiques publiques différentes pour réduire une pénurie. S’il s’agit d’une pénurie liée à une demande de MO non réalisée selon la définition économique du terme (postes budgétisés mais vacants), nous pourrions supposer que les salaires ne sont pas suffisamment ajustés à la hausse pour éliminer cette pénurie (si nous sommes en présence d’un marché concurrentiel). Il faudrait alors trouver les caractéristiques du mécanisme de détermination des salaires qui empêchent cet ajustement proportionnel à la hausse. Par exemple, sommes-nous en présence d’un marché caractérisé par un monopsone? L’élimination des contraintes de structure du marché serait la première option de politique publique à envisager. Un enjeu de taille à considérer est l’élasticité de l’offre de la MO infirmière par rapport au salaire. Si cette offre est inélastique à court terme (i.e. qu’elle augmente moins que proportionnellement par rapport au salaire), il pourrait s’avérer plus difficile ou plus coûteux de résorber cette pénurie par une hausse de salaire. D’autres options pourraient être considérées (comme l’augmentation de l’offre de MO via les programmes de formation et l’immigration) advenant que ces barrières s’avèrent insurmontables.

Malgré l’importance de ces questions, peu d’études ont été réalisées sur l’efficacité du marché du travail des infirmières au Canada. Les études existantes ne sont que partielles, par opposition à celle-ci qui est plus intégrative (définition et source de la pénurie). Cet article propose d’effectuer une analyse critique de l’efficacité du marché du travail des infirmières en présentant l’état des connaissances sur la question de la pénurie et en traitant des dimensions classiques d’un marché

9 Cette même source estime à 206 millions les heures supplémentaires non-rémunérées consenties par 13,1% des

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du travail: soit l’offre, la demande et les différentes institutions en présence. Il inscrit ces différentes dimensions dans un contexte canadien, en faisant ressortir ce qui est connu, et ce qui ne l’est pas. Vujicic (2003), Buhr (2006), Zeytinoglu et col (2006), et Laberge et Montmarquette (2009) ont déjà abordé la question en adoptant une approche économique, mais ils n’ont pas pris pleinement en compte les facteurs institutionnels à la base de la structure du marché du travail des infirmières tels que le degré de concentration des hôpitaux, la syndicalisation et le fait d’avoir un marché de monopsone. Les études de Dussault et col (2001) et Heitlinger (2003) à l’échelle canadienne ont pris en compte un ou des facteurs institutionnels (spécifiquement la syndicalisation), mais n’ont pas présenté des modèles théoriques susceptibles d’expliquer le déséquilibre du marché du travail des infirmières. Il faut se référer à la littérature internationale pour retrouver ces différentes dimensions dans une étude. Ce travail se propose d’élucider les concepts de pénurie et de jeter un regard critique sur les différents modèles, études et résultats sur la pénurie de la MO infirmière. Il permet ainsi de bien orienter le débat sur la pénurie et mieux cibler les interventions en politiques publiques, Un tel travail constitue donc une contribution importante à la littérature sur la performance du marché du travail des infirmières. Il sert en même temps à mettre à jour l’étude de Dussault et col (2001) et à identifier les lacunes existantes dans les études sur le marché du travail des infirmières au Canada; en particulier l’impact des facteurs institutionnels.

Le reste de l’étude est structuré comme suit. La seconde section présente les différents concepts de pénurie de MO infirmière. Ensuite, nous procédons à une revue de la littérature portant sur l’existence de pénurie de cette MO à la section 3. Un survol des modèles théoriques de pénurie de MO infirmière est présenté à la quatrième section, tout en les confrontant aux faits stylisés. Une discussion et les implications sur les politiques publiques suivent à la cinquième section. Une conclusion est offerte à la section 6.

2. Différents concepts de pénurie

Les analystes utilisent différentes significations du terme « pénurie ». L’utilisation du même mot pour référer à plusieurs concepts différents peut provoquer un dialogue de sourd qui peut conduire à des diagnostics différents et prescriptions différentes pour y remédier. La pénurie est un concept mais il est défini, mesuré et utilisé de manières très différentes. Cette section vise à clarifier ce

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terme en présentant une typologie distinguant plusieurs concepts de pénurie, en spécifiant les utilisateurs de chaque concept et comment chacun de ces concepts est mesuré et utilisé.

Une typologie pratique distingue trois concepts de pénurie : l’un basé sur les normes

professionnelles, un autre fondé sur les projections, et un dernier de nature économique (Goldfarb

et col, 2008). Le premier concept mesure la différence entre la dotation réelle en personnel infirmier et un certain niveau souhaité de dotation basé sur les normes préexistantes dans la profession. Il se peut qu’il n’y ait pas de consensus sur ces normes. Par exemple, Grumbach et col (2001) ont rapporté qu’il n'y a pas de normes largement acceptées pour définir ce qui constitue un niveau de dotation adéquat en personnel infirmier autorisé. Pour leur part, Twigg et Duffield (2009) ont mentionné qu’il y a peu d’outils disponibles pour appuyer et guider les décisions de dotation. Ils ont donc développé une méthode qui regroupe les unités des hôpitaux australiens en sept catégories basées sur une série d'indicateurs tels que le niveau de sévérité des patients, le taux de rotation des patients et la composition de soins urgents/non urgents.

Un tel concept de pénurie pourrait affecter la façon dont les administrateurs d'hôpitaux évaluent le nombre des infirmières qu'ils doivent embaucher. Par exemple, compte tenu de la population normale et du profil de ces patients, chaque unité pourrait estimer le nombre d'infirmières qu'elle a besoin pour fournir le niveau optimum de soins aux patients. En agrégeant ces estimations entre services hospitaliers, les administrateurs obtiendraient un nombre cible d'infirmières pour cet hôpital. Une apparente pénurie existerait au niveau micro (pour cet hôpital en particulier) si l’effectif de personnel infirmier se retrouve en-dessous de cette estimation. La pénurie basée sur les normes professionnelles peut aussi être mesurée au niveau macro (régional ou national) en agrégeant la pénurie apparente de chaque hôpital. Nous voyons bien que ce concept de pénurie peut être utilisé à des fins de planification dans les hôpitaux et dans les discussions cliniques, comme celle sur le ratio patient : infirmière en fonction du type de soins.

En effet, il existe en Californie des ratios patients : infirmière prescrits par la loi. Ces ratios sont établis en fonction de l’unité de soins ou de la spécialité : par exemple, deux patients par infirmières (2:1) dans les unités de soins intensifs ; 6:1 dans les unités psychiatriques (Aiken,

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2010).10 En se basant sur ces chiffres, Berry et Curry (2012) font référence à un ratio moyen patients-infirmier de 4:1 pour le Canada.11 Dans certains états de l’Australie, l’indicateur utilisé est le «nombre d’heures de soins infirmiers par jour-patient» (NHSIJP).12 Ce dernier varie aussi en fonction de l’unité de soins et de la sévérité. Sept niveaux ont été identifiés dans Twigg et Duffield (2009) : de 7,5 heures par jour-patient pour les unités les plus complexes et exigeantes (catégorie A : par exemple, soins intensifs) à 3,0 pour celles qui sont les moins complexes (catégorie G : par exemple, soins ambulatoires, incluant les chirurgies d’un jour). Notez qu’il est possible de faire le lien entre les indicateurs en Californie et en Australie. Par exemple, le NHSIJP de 5,0 en Australie (catégorie D : niveau de complexité et de rotation moyen) équivaut à 1,67 heures par patient par quart de travail. En considérant un horaire de travail de sept (7) heures par jour, cela équivaut à un ratio patient-infirmière de 4,2:1. Ceci représente à peu près le ratio moyen suggéré dans Berry et Curry (2012) pour le Canada.

L’ICIS est en train de développer des ratios standardisés patients : personnel infirmier à partir des données observées et collectées dans les différents centres d’activité des hôpitaux canadiens. Par exemple, un ratio patients: personnel infirmier de 2:1 a été estimé pour les unités de soins infirmiers pédiatriques ou obstétriques alors que l’estimation est de 4:1 pour les unités de soins infirmiers liés aux services de santé mentale et de toxicomanie (Singer, 2016). L’application de tels indicateurs au Canada aiderait effectivement à estimer plus efficacement l’offre, la demande et l’efficacité de la MO infirmière. Elle contribuerait aussi à améliorer les mesures des soins prodigués par les infirmières.

Le second concept de pénurie est basé sur les projections. Deux principales méthodes servent à projeter le niveau d’emploi : une approche macroéconomique (de haut en bas ou Top-down) utilisée par le Système de projection des professions au Canada (SPPC) du ministère de l’Emploi et développement social Canada (EDSC, 2014) ou une approche de bas en haut (Botton-up) utilisée par l’Association des infirmières et infirmiers du Canada (AIIC). Dans la première, le SPPC part d’une projection du PIB dans l’industrie de la santé et la divise par la productivité des travailleurs

10 Les autres ratios établis dans la législation californienne sont : 5:1 dans les unités médicales/chirurgicales ainsi qu’en oncologie; 4:1 en pédiatrie; 3 :1 dans les unités obstétriques. Ils ont été votés en 1999, commencé à être appliqué en 2002 et rendu obligatoire en 2006.

11 Il faut souligner que le mix de personnel infirmier devrait aussi être considéré. Le ratio IA/IAA a connu une évolution en bosse entre 1992 et 2012, mais s’est situé autour de 3,0 au Canada (voir tableau A.7).

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dans cette industrie, puis calcule la part que représente chaque catégorie professionnelle dans cette industrie. Pour la seconde approche, l’étude de l’AIIC part de la productivité des infirmières et la multiplie par le nombre de services requis par la population, tout en tenant compte des besoins cliniques de cette population. Ceci signifie que des changements dans la taille, l’âge et le niveau de morbidité de la population en question peuvent rentrer en jeu.

Une illustration de pénurie basée sur les projections est donnée par l’AIIC qui a stipulé dans son rapport de 2009 que si les besoins de la population canadienne en santé continuent d’évoluer suivant les tendances du passé, et que si de nouvelles politiques ne sont pas appliquées, la pénurie d’IA au Canada sera de presque 60.000 ETP (Équivalent Temps Plein) en 2022 (Tomblin-Murphy et col, 2009). Ceci est corroboré par le SPPC qui indique une pénurie de 46.446 professionnelles en sciences infirmières d’ici 2022 à l’échelle du Canada.13 Cette pénurie serait en moyenne de

1,3% chaque année entre 2013 et 2022.

Notez que certaines provinces utilisent des variantes de la méthode de bas en haut pour projeter le niveau d’emploi de la MO infirmière. Le SPPC (source de la méthode de haut en bas) ne fournit malheureusement pas des projections à l’échelle provinciale. Cependant, certains gouvernements provinciaux publient des projections d’emploi, en se basant sur le SPPC ou non. Par exemple, le MSSS se réfère aux heures supplémentaires (sur une base d’ETP) pour faire sa projection de niveau d’emploi de la MO infirmière québécoise (Laberge et Montmarquette, 2009). La section 4.4 sur le modèle d’utilisation de MO temporaire créant une perception de pénurie offre plus de détails. Le tableau 1 fait état de ces projections pour la MO infirmière.

13 Le modèle de projection de l’AIIC prévoit donc une pénurie plus élevée que celui d’EDSC. Il faut noter que ces deux modèles utilisent des approches différentes, comme nous avons précédemment expliqué. À la fin de ce présent travail, le SPPC a disposé des chiffres plus récents qui permettent d’estimer la pénurie pour la période 2017 à 2026. Selon leur modèle, il y aurait une pénurie de 6.500 infirmières pour cette période; ce qui est considérablement moins élevé que pour la période 2013 à 2022.

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Tableau 1 : Projection de la demande de MO des IA pour certaines provinces

Province Demande initiale Nouvelle demande Pénurie / Surplus Source Nouvelle-Écosse 11.246 2.934 entre 2011 et 2016 n/d Gouvernement de la N-É Nouveau-Brunswick 8.424 3.457 entre 2009 et 2018 n/d Gouvernement du NB (2010) Québec 54.388 (2013) n/d Pénurie de 1.518 en 2020 Gouvernement du Québec, MSSS& Ontario# n/d n/d n/d Manitoba 13.220* (2013) 8.100 entre 2014 and 2020 n/d Gouvernement du MB Alberta 35.343 12.711 entre 2013 et 2023 Pénurie de 4.606 Gouvernement de l’AB (2014) Colombie-Britannique 32.576* 25.300 entre 2012 et 2022 n/d Gouvernement e la C-B

Figure

Tableau 1 : Projection de la demande de MO des IA pour certaines provinces
Tableau 2: Taux de postes vacants par province, Industrie des Soins de santé  et assistance sociale, 2011 à 2013     2011  2012  2013  Terre-Neuve et Labrador  F  F  F  Ile-du-Prince Édouard  0,8  3,3  2,3  Nouvelle Écosse  1,5  1,7  1,3  Nouveau Brunswick
Figure 1 : Représentation graphique du marché du travail des infirmières avec courbe de  budget
Figure 2 : Monopsone sur le marché du travail des infirmières sans couverture syndicale (cas  classique)
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