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La restitution des prestations en droit québécois : fondements et régime

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Academic year: 2021

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LA RESTITUTION DES PRESTATIONS EN DROIT

QUÉBÉCOIS : FONDEMENTS ET RÉGIME

THÈSE PASCAL FRÉCHETTE Doctorat en droit Docteur en droit (LL.D.) Québec, Canada © Pascal Fréchette, 2017

(2)

LA RESTITUTION DES PRESTATIONS EN DROIT

QUÉBÉCOIS : FONDEMENTS ET RÉGIME

THÈSE

PASCAL FRÉCHETTE

Sous la direction de :

(3)

iii

Résumé

La restitution des prestations est un concept émergent en droit civil québécois. Sa reconnaissance au Code civil du Québec suppose une analyse théorique de ses fondements.

Seule la restitution anormale permet l’analyse d’un fait générateur justifiant un régime unifié de restitution des prestations. Le fait générateur suppose le besoin de rétablir une situation antérieure en raison de l’inefficacité d’un acte juridique imprévue par les parties. La restitution ne peut être comprise que par sa visée prospective, ce qui relativise l’importance de la rétroactivité fréquemment invoquée en ce domaine. Les effets de la prestation initiale mesurés durant la période intermédiaire menant à la restitution permettent de déterminer l’étendue de l’obligation y étant liée.

Le régime de restitution des prestations a un fondement complexe qui fait écho aux institutions existantes en droit civil. Les objectifs étant multiples et parfois discordants, les fondements doivent nécessairement être le résultat d’un compromis. D’abord, remettre en état renvoie à l’équilibre nécessaire des prestations entre les parties. L’équilibre visé est le résultat d’une influence quasi-contractuelle qui se mesure à l’aune de l’équité, concept évolutif renvoyant à la justice corrective. Puis, l’influence de la responsabilité sur la restitution doit être admise. L’équilibre nécessaire à la restitution oblige à considérer le comportement pertinent. Toutefois, l’émergence d’un régime juridique spécifique à la restitution s’accompagne d’une reconnaissance de sa nature juridique propre face à la responsabilité. Enfin, ces objectifs doivent s’intégrer à un principe d’intégralité de la restitution, lequel permet notamment la distinction avec la revendication et le droit de propriété qui en est l’objet. Le jugement en restitution peut avoir un impact sur ce qu’il advient du droit de propriété sur un bien. Il n’y a rien de contradictoire à ce que le régime de restitution s’attache d’abord aux effets matériels de la prestation initiale et qu’il puisse, exceptionnellement, intervenir sur les effets juridiques y étant liés lorsque cela est justifié.

Dans la mise en œuvre de ces fondements, l’obligation de restituer renvoie à une opération en deux étapes : (1) s’assurer de l’intégralité de la restitution par une analyse

(4)

iv

intrinsèque à la prestation visée, puis (2) s’assurer de l’équilibre entre les parties en fonction du résultat net de l’opération de restitution, mettant en cause des éléments qui dépassent la seule prestation.

L’intégralité de la restitution est d’abord recherchée par l’analyse des prestations. Le respect du principe d’intégralité est compatible avec la restitution en nature et par équivalent. La restitution en nature doit être favorisée à moins qu’elle ne soit impossible ou qu’elle n’atteigne à l’équilibre entre les parties. La restitution complémentaire se justifie par la volonté d’empêcher un enrichissement injustifié. Il faut alors minimiser l’impact de la restitution sur la partie de bonne foi.

Puis, s’éloignant de l’opération mécanique découlant de l’application du principe d’intégralité, la restitution prend en considération des intérêts qui dépassent l’évaluation des seules prestations. L’imputabilité du restituant lui impose une obligation plus onéreuse, la protection liée à la bonne foi ne trouvant plus application. L’immoralité ou l’illicéité du contrat peut permettre au tribunal de refuser la restitution et de faire exception à l’intégralité. Finalement, le pouvoir discrétionnaire du tribunal en cas d’avantage indu est l’innovation au Code civil du Québec qui donne au régime de restitution la flexibilité dont il a besoin, notamment pour éviter que l’intégralité n’entraîne un résultat injuste pour l’une ou l’autre des parties. Le recours à ce pouvoir n’est toutefois qu’exceptionnel. À défaut, le régime est condamné au manque de cohésion qui l’a longtemps marqué.

La restitution ne peut être vue comme une simple mécanique suivant un modèle purement objectif d’analyse des prestations. La subjectivité est bien présente, puisque ce régime tient compte du comportement du restituant et accorde un pouvoir discrétionnaire au tribunal en cas d’avantage indu. Il faut reconnaître que les modèles objectif et subjectif de restitution s’amalgament et se traduisent par un régime juridique qui les intègre.

(5)

Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... v

Remerciements ... xii

Introduction ... 1

PARTIE I – Les fondements de la restitution ... 23

Chapitre préliminaire : Un aperçu historique et comparé de la restitution ... 25

Section 1 – Le droit romain ... 26

Section 2 – Les droits français et québécois ... 30

Section 3 – Le droit de tradition anglaise ... 35

Conclusion du chapitre préliminaire ... 38

Titre 1 – La restitution, composante de la sanction ... 40

Chapitre 1 – Les causes de la restitution ... 43

Section 1 – La restitution normale : facteur de dispersion ... 44

A) Les prestations issues de la restitution normale ... 45

a) La restitution normale dans le contrat : mise en œuvre d’une prestation contractuelle ... 45

b) La restitution normale en droit des biens comme application des effets du droit de propriété ... 49

B) La difficulté d’unifier les obligations de restitution normale ... 51

Section 2 – La restitution anormale : facteur d’unité ... 53

A) Les prestations issues de la restitution anormale ... 53

a) La restitution contractuelle anormale ... 54

b) Les autres cas de restitution anormale ... 56

B) L’opportunité d’un régime unifié ... 57

a) La correction des effets d’une prestation initiale ... 57

b) Le cas particulier de la clause contractuelle entraînant la résolution ... 60

Conclusion du chapitre 1 ... 62

Chapitre 2 – L’effet associé à la restitution ... 65

Section 1 – La rétroactivité et ses limites ... 66

A) Les difficultés conceptuelles de la rétroactivité ... 66

a) La reconnaissance récente de la rétroactivité ... 67

b) La fiction juridique issue de la rétroactivité ... 70

B) Les difficultés fonctionnelles de la rétroactivité ... 74

a) La survie de certaines clauses en matière contractuelle ... 75

b) La rétroactivité et le contrat à exécution successive ... 76

c) La rétroactivité inopposable aux tiers ... 77

d) La rétroactivité et le rapprochement d’un état initial ... 78

Section 2 – Le caractère prospectif de la restitution ... 79

A) Un régime de restitution sans rétroactivité ... 79

B) La neutralisation de l’effet matériel pour l’avenir ... 85

a) La restitution tributaire d’un effet matériel ... 85

b) Une appréciation renouvelée de la restitution et de la rétroactivité ... 87

Conclusion du chapitre 2 ... 91

Conclusion du titre 1 ... 92

(6)

vi

Chapitre 1 – L’influence du quasi-contrat ... 96

Section 1 – Les liens entre les quasi-contrats et la restitution ... 100

A) La réception de l’indu ... 101

a) Le rapprochement en droit français ... 102

b) Une critique du rapprochement ... 105

B) L’enrichissement injustifié ... 107

a) L’adoption en droit français et en droit de tradition anglaise ... 110

b) Une critique de l’adoption ... 112

Section 2 – Les liens entre l’équité et la restitution ... 116

A) L’équité : outil de justice ... 117

a) Un survol historique de l’équité ... 117

b) Les principes de justice sous-jacents à l’équité ... 121

c) Les manifestations de l’équité ... 123

B) L’équité dans la restitution ... 126

a) L’influence de l’équité dans le régime juridique ... 126

b) Le recours excessif à l’équité : difficulté en droit québécois ... 128

Conclusion du chapitre 1 ... 131

Chapitre 2 – L’influence de la responsabilité ... 133

Section 1 – L’interaction de la restitution et de la responsabilité ... 134

A) L’autonomie justifiable de la restitution et de la responsabilité ... 134

a) Les principales distinctions justifiant des régimes juridiques autonomes . 135 i) Les distinctions théoriques ... 137

ii) Des différences quant à l’exécution ... 139

b) L’effet indirect de la responsabilité ... 140

B) La coexistence de la restitution et de la responsabilité ... 143

a) Le cumul des recours ... 143

b) Le cas particulier de la réduction de l’obligation corrélative ... 148

Section 2 – Les cas révélateurs de la frontière entre restitution et responsabilité . 151 A) La « restitution » des profits issus d’une faute lucrative ... 151

a) L’admission récente du recours en droit civil ... 152

b) Le difficile rapprochement entre le recours et la restitution de droit civil 156 B) La restitution du prix de vente par le notaire instrumentant ... 159

a) La reconnaissance de la distinction en droit français ... 160

b) L’oubli momentané d’une distinction au Québec ... 162

Conclusion du chapitre 2 ... 167

Chapitre 3 – La coexistence de la restitution et du droit de propriété ... 170

Section 1 – La revendication distincte de la remise en état ... 171

A) Les intérêts protégés par la revendication ... 173

a) La protection d’un droit réel ... 173

b) La protection d’un droit personnel ... 178

B) L’absence d’intégralité liée au recours en revendication ... 180

a) Les mesures préventives ... 180

b) La responsabilité comme sanction complémentaire ... 183

Section 2 – La restitution au service de la remise en état ... 186

A) L’objet du recours en restitution anormale ... 186

(7)

vii

b) La remise en état liée au transfert d’un droit de propriété : l’obligation de

donner et la restitution ... 191

i) L’obligation de donner en droit québécois ... 191

ii) Le transfert de propriété suivant le fait générateur ... 194

B) L’intégralité accomplie par l’action en restitution ... 198

a) La remise en état complète opérée par la restitution ... 198

b) La remise en état en fonction de l’équilibre recherché ... 199

Section 3 – Les conséquences de la distinction entre restitution et revendication 205 A) Les conséquences de la mise en cause d’un droit réel ... 205

a) Le cas de l’action en revendication et en restitution normale... 205

b) Le cas de l’action en restitution anormale ... 208

B) Les conséquences liées à la théorie des risques ... 211

a) Le cas de l’action en revendication et en restitution normale... 212

b) Le cas de la restitution anormale ... 212

Conclusion du chapitre 3 ... 215

Conclusion du titre 2 ... 217

Conclusion de la partie I ... 218

PARTIE II : Le régime juridique de la restitution des prestations ... 221

Titre 1 : Les considérations inhérentes à la prestation ... 223

Chapitre 1 : La restitution du principal ... 225

Section 1 : La restitution en nature ... 225

A) La restitution à l’identique ... 227

a) Les prestations susceptibles de restitution en nature ... 227

i) La nécessité du transfert d’un droit ... 228

ii) L’exigence de la matérialité ... 230

b) L’imposition législative de la restitution en nature ... 232

B) La restitution en genre ... 232

a) Les biens fongibles ... 233

i) Les modalités de restitution des biens fongibles ... 233

ii) Le cas spécifique de l’argent ... 235

b) Le remplacement du bien ... 237

Section 2 : La restitution par équivalent ... 240

A) L’impossibilité ou la difficulté à restituer en nature ... 244

a) En raison de l’objet de la prestation ... 246

i) La prestation purement personnelle... 247

ii) Le cas du contrat à exécution successive ... 250

b) En raison du passage du temps ... 254

i) La perte de détention d’un bien ... 254

ii) L’absence d’utilité de la restitution en nature ... 255

B) Le calcul de l’équivalence ... 261

a) Le moment de l’évaluation ... 262

b) La preuve nécessaire à l’évaluation de la prestation ... 265

i) L’évaluation de la prestation liée à un droit réel ... 266

ii) L’évaluation de la prestation purement personnelle ... 268

Conclusion du chapitre 1 ... 270

Chapitre 2 : La restitution complémentaire ... 272

(8)

viii

A) Les fruits et revenus ... 275

a) Le droit du restituant de conserver les fruits et revenus ... 276

i) Les solutions avancées en droit québécois et français ... 277

ii) L’exception justifiable au principe d’intégralité ... 279

b) Les limites au droit de conserver les fruits et revenus ... 280

i) Les fruits et revenus produits à compter de la demeure et de la connaissance des circonstances à l’origine du fait générateur ... 280

ii) Les fruits et revenus limités par les efforts du restituant ... 282

c) Le mode de calcul ... 283

i) Les fruits et revenus... 284

ii) Les intérêts... 285

B) Les autres formes de jouissance ... 288

a) Le droit du restituant de jouir du bien ... 288

i) L’ambivalence en droit français ... 289

ii) Le choix québécois ... 290

b) Les limites du droit du restituant de jouir d’un bien ... 292

i) La jouissance à compter de la demeure ou de la connaissance des circonstances à l’origine du fait générateur ... 293

ii) La prestation ayant pour objet la jouissance d’un bien ... 293

iii) La prestation ayant pour objet un bien se dépréciant rapidement ... 294

c) Le mode de calcul ... 297

i) L’usage et l’usure ... 297

ii) La « valeur de location » ... 298

Section 2 : La variation de valeur ... 299

A) Les plus-values ... 300

a) La plus-value du fait du restituant ... 301

i) Les impenses immobilières ... 302

ii) Les impenses mobilières... 305

b) La plus-value sans le fait du restituant ... 306

B) Les moins-values ... 307

a) Les moins-values du fait imputable au restituant ... 309

i) L’usage normal et son impact sur la valeur économique du bien ... 310

ii) L’usage anormal ... 313

b) Les moins-values sans le fait du restituant ... 316

i) La perte par vétusté ou par motif purement économique ... 316

ii) La perte partielle par force majeure ... 317

Section 3 : Les frais de restitution ... 318

A) Les frais se rapprochant de la responsabilité ... 319

B) Les frais nécessaires à la restitution ... 320

Conclusion du chapitre 2 ... 322

Conclusion du titre 1 ... 324

Titre 2 : Les considérations externes à la prestation ... 325

Chapitre 1 : Le comportement du restituant ... 326

Section 1 : L’imputabilité du restituant ... 327

A) L’imputabilité comme facteur de modulation de l’obligation de restituer 328 a) L’imputabilité assimilée à la mauvaise foi et la faute ... 329

(9)

ix

c) L’imputabilité associée à la connaissance ... 332

B) L’effet sur l’obligation de restituer ... 336

a) La restitution par équivalent ... 336

i) En cas de perte ou d’aliénation ... 337

ii) En cas de perte par force majeure ... 338

b) La restitution complémentaire ... 339

i) Imputabilité de la jouissance ... 340

ii) Imputabilité pour la variation de valeur ... 342

iii) Imputabilité des frais de restitution ... 345

Section 2 : La disposition par le restituant ... 345

A) La protection des tiers comme exception au principe d’intégralité ... 346

a) L’apparence comme justification ... 347

i) La reconnaissance éparse d’une protection en droit québécois ... 348

ii) L’apparence en restitution : l’article 1707 C.c.Q. ... 350

b) Les actes protégés ... 354

i) L’aliénation... 354

ii) Les actes d’aliénation à titre onéreux ... 356

iii) Les « autres actes » ... 357

c) L’exigence de la bonne foi ... 359

i) La connaissance liée au fait générateur ... 363

ii) La connaissance issue de la publication d’un droit ... 366

d) Les conséquences sur le tiers non protégé ... 370

i) Le lien juridique entre le créancier et les tiers ... 370

ii) L’acte d’aliénation à titre gratuit en faveur du tiers de bonne foi ... 373

iii) Le tiers qui n’est pas de bonne foi ... 374

B) Les intérêts des parties protégés par des régimes juridiques particuliers .. 375

Section 3 : Les personnes protégées ... 378

Conclusion du chapitre 1 ... 382

Chapitre 2 : L’intervention du tribunal ... 384

Section 1 : L’immoralité et l’illicéité ... 384

A) Les adages Nemo auditur et In pari causa ... 385

a) L’origine des adages ... 386

i) Le droit romain ... 387

ii) De l’ancien droit français jusqu’au Code civil ... 388

b) La force obligatoire des adages ... 389

i) La justification des adages ... 390

ii) L’adage comme source de droit ... 393

B) L’application contemporaine des adages en matière de restitution ... 398

a) En France ... 398

i) La cause et l’objet immoral ... 400

ii) La « culpabilité » moindre du demandeur ... 401

b) Au Québec ... 403

i) Une exclusion de principe des adages ... 404

ii) Une porte ouverte aux cas jugés graves ... 406

Section 2 : L’injustice pour les parties ... 408

A) La flexibilité nécessaire du droit de la restitution ... 409

(10)

x

b) L’exemple particulier de la restitution unilatérale en France ... 411

B) L’analyse de la solution québécoise : un pouvoir discrétionnaire du tribunal 413 a) L’avantage indu ... 415

i) Le gain injustifié ... 416

ii) La perte injustifiée ... 421

b) L’étendue du pouvoir discrétionnaire ... 426

i) Un pouvoir limité à la restitution... 426

ii) Un pouvoir exceptionnel ... 429

Conclusion du chapitre 2 ... 432

Conclusion du titre 2 ... 434

Conclusion de la partie II ... 435

Conclusion générale ... 437

(11)

xi

(12)

xii

Remerciements

Cette étude a notamment été rendue possible grâce à des bourses de doctorat du Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC) et du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) ainsi qu’une bourse d’accueil de la Faculté de droit de l’Université Laval. Qu’il me soit permis d’exprimer ma profonde reconnaissance à l’ensemble des personnes qui rendent une telle aide disponible.

Merci à ma directrice de thèse, pour sa patience et ses encouragements constants. Merci à ma famille et mes amis qui m’ont soutenu inlassablement dans cette aventure.

(13)

Introduction

Selon l’usage courant, la restitution consiste à « rendre à quelqu’un (ce qu’on lui a pris, confisqué, volé) »1. En droit civil, il s’agit de rendre ce qui a été reçu : le retour d’un bien par un locataire, le remboursement d’une somme payée en trop, le retour du bien vendu et impayé ou du bien atteint de vices le privant de son utilité, etc. Ces éventualités renvoient toutes à une idée principale, « celle d’une remise des choses en l’état »2. De façon plus large, la restitution apparait comme une manifestation d’un principe originellement associé au droit romain : suum cuique tribuere (rendre à chacun le sien)3. Paradoxalement, la restitution en droit civil est à la fois commune et incomprise. Elle a longtemps fait figure de parent pauvre dans le droit des obligations. Il est acquis qu’« [i]l n’existe pas, en droit civil, de théorie générale de la restitution »4. Le sujet n’a été qu’effleuré en droit québécois. Le législateur, les tribunaux et la doctrine n’ont pas su élaborer un corpus de règles unifiées en la matière, avant l’arrivée du Code civil du Québec. Plusieurs raisons expliquent ce désintérêt. Sujet en apparence technique, longtemps associé à une simple opération mathématique, la restitution ne possède pas (à première vue) l’attrait des grandes questions théoriques liées à la remise en état. C’est

1 Josette RAY-DEBOVE et Alain REY (dir.), Le Petit Robert 2015, Paris, Éditions Le Robert, 2014,

p. 2225 (v° restituer). Les autres définitions du mot renvoient à des acceptions liées à la première : « Reconstituer à l’aide de fragments subsistants, de déductions, de documents » ; « Libérer, dégager (ce qui a été absorbé, accumulé) ». Ainsi, toutes les définitions réfèrent à une idée de reconstruction ou de retour à une situation préexistante.

2 Philippe MALAURIE, Cours de droit civil – Droit privé, sciences criminelles – Les restitutions en droit

civil, Paris, Les cours de droit, 1974-1975, p. 40.

3 Albert MAYRAND, Dictionnaire de maximes et de locutions latines utilisées en droit, 4e éd. par M. Mac

AODHA, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, p. 588-589. En droit romain, on attribue à Ulpien l’énumération des grands principes du droit : honeste vivere, alterum non laedere, suum cuique tribuere (vivre honnêtement, ne faire de tort à personne et rendre à chacun ce qui lui appartient) : Ulpien, I.10 § 1 cité dans Calixte ACCARIAS, Précis de droit romain, t.1, Paris, Cotillon, 1886, n° 1, p. 1 et Mélina DOUCHY, La notion de quasi-contrat en droit positif français, Paris, Economica, 1997, n° 2, p. 6. Une autre traduction est à l’effet que « les préceptes du droit sont les suivants : vivre honnêtement, ne pas léser autrui, attribuer à chacun son dû » : Jean GAUDEMET, Droit privé romain, 2e éd., Paris, Montchrestien, 2000, p. 305, n° 1-2.

4 P. MALAURIE, préc., note 2, p. 37. D’autres auteurs plus récemment doutent même de la possibilité

d’une telle théorie compte tenu de la diversité des restitutions possibles : Marie MALAURIE, Les

restitutions en droit civil, Paris, Cujus, 1991, p. 271; Frédéric ROUVIÈRE, « L’évaluation des restitutions

(14)

2

plutôt la responsabilité qui est censée incarner cette dernière. L’aspect rébarbatif de la restitution en a découragé plus d’un5. L’opération, simple en apparence, peut revêtir une complexité étonnante6. Il suffit d’évoquer pour le moment l’effet de la restitution sur les tiers ou encore la prise en compte de la jouissance d’un bien par le restituant. La difficulté de définir l’opération envisagée mène également à l’incompréhension. Que cherche-t-on à accomplir par ce procédé ? S’il est possible de concevoir la restitution comme le retour au statu quo ante7, un « acte contraire parfait »8, une « exécution à rebours »9, un « contrat à l’envers »10, un rétablissement « de l’état de fait et de droit vierge »11 ou la « liquidation d’une situation »12, ces formules n’en révèlent ni la raison d’être, ni la diversité des effets.

Un domaine d’étude récent

La reconnaissance d’un « droit de la restitution » est un phénomène relativement récent, tant dans les systèmes de droit civil13 qu’en droit de tradition anglaise14. Jusqu’à récemment, les différents cas de restitution étaient étudiés séparément. Par exemple, la

5 Voir Alain BÉNABENT, « La révision du passé entre les parties », RDC 2008.15, p. 15 où l’auteur écrit

avec ironie : « [Q]uiconque a enseigné le droit des obligations sait d’expérience que la « leçon » sur les restitutions est sans doute, avec celles sur la délégation de paiement et l’interruption des prescriptions, l’un des moments les plus sûrs d’ennui pour l’auditoire. » Voir aussi : Joanna SCHMIDT-SWALEWSKI, « Les conséquences de l’annulation d’un contrat », J.C.P.1989.I.3397 : « […] l’esprit cartésien préfère les raisonnements abstraits, négligeant parfois la complexité du réel ».

6 Jean PINEAU, DANIELLE BURMAN et Serge GAUDET, Théorie des obligations, 4e éd., Montréal,

Thémis, 2001, n° 208, p. 373 : « Simple dans son principe, la « remise en état » des parties est complexe dans son application. ». Yves-Marie SERINET, « Faut-il « restituer » la jouissance du bien après annulation ou résolution du contrat de vente », D. 2003.2522, n°2 : « la jurisprudence […] bute souvent sur la mise en pratique du concept ».

7 Jacques GHESTIN, Grégoire LOISEAU et Yves-Marie SERINET, La formation du contrat, t. 2

« L’objet et la cause – Les nullités », coll. « Traité de droit civil », Paris, LGDJ, 2013, n° 2881 et s., p. 1535 et s.

8 Gérard CORNU dans la préface à la thèse de M. MALAURIE, préc., note 4, p. 9.

9 Louis JOSSERAND, Cours de droit positif français, t. 2 « Théorie générale des obligations – Les

principaux contrats du droit civil, les sûretés », 3e éd., Paris, Sirey, 1939, n° 379, p. 209.

10 Philippe MALAURIE, Laurent AYNÈS et Philippe STOFFEL-MUNCK, Les obligations, 4e éd., Paris,

Defrénois, 2009, n° 723, p. 355.

11 J. GHESTIN, G. LOISEAU et Y.-M. SERINET, préc., note 7, n° 2885, p. 1541.

12 Marie-Élisabeth ANDRÉ, Marie-Pierre DUMONT et Philippe GRIGNON, L’après-contrat, Éditions

Francis Lefebvre, 2005, n° 63 et s., p. 64 et s.

13 En France : P. MALAURIE, préc., note 2, p. 37; J. GHESTIN, G. LOISEAU et Y.-M. SERINET, préc.,

note 7, n° 2885 et s., p. 1541 et s.

14 Voir par exemple les autorités répertoriées dans Thomas KREBS, Restitution at the crossroads : a

comparative study, London, Cavendish Publishing Limited, 2001, p. 1-2 (étude comparant principalement

(15)

3

restitution faisant suite à la réception de l’indu n’était pas analysée de concert avec la restitution résultant de l’anéantissement du contrat. Divers rapprochements pouvaient avoir lieu, sans toutefois que l’unité du phénomène ne soit mis en lumière.

En matière de restitution, le Code civil du Bas Canada incluait certaines règles éparses et limitées dans des domaines précis, notamment certaines dispositions régissant la réception de l’indu et la vente15. La plupart des règles alors appliquées s’inspiraient du droit français, compte tenu de la grande ressemblance entre le Code civil du Bas Canada et le Code civil français. Il faut attendre l’adoption du Code civil du Québec en 1991 pour que la restitution soit l’objet d’un régime juridique unifiant divers cas. Les nouvelles règles ont pour but avoué d’« organiser en un tout cohérent le régime de restitution des prestations ou de remise en état propre à plusieurs situations »16. Le droit civil québécois définit la restitution des prestations à l’article 1699 du Code civil du Québec en décrivant les circonstances dans lesquelles elle a lieu, c’est-à-dire « chaque fois qu’une personne est, en vertu de la loi, tenue de rendre à une autre des biens qu’elle a reçu sans droit ou par erreur, ou encore en vertu d’un acte juridique qui est subséquemment anéanti de façon rétroactive ou dont les obligations deviennent impossibles à exécuter en raison d’une force majeure ».

Le Code consacre dorénavant un chapitre à la restitution des prestations (articles 1699 à 1707 C.c.Q.). Ces dispositions traitent des « modalités liées aux modes de restitution, en nature ou par équivalent, au sort des aliénations ou pertes totales, des pertes partielles telles les détériorations ou dépréciations de valeur, des indemnités de remplacement, des impenses, des fruits, revenus et indemnités de jouissance, ainsi que des frais de la restitution et du régime d’exception applicables aux personnes protégées. »17 Les règles traitent également des effets de la restitution à l’égard des tiers. Un pouvoir

15 À titre d’exemple, comparer les articles 1049 et 1540 C.c.B.C. qui traitent de la restitution des revenus

en cas de réception de l’indu et de vente. Sur les implications de cette dispersion, voir Maurice TANCELIN, Des obligations en droit mixte du Québec, 7e éd., Montréal, Wilson Lafleur, 2009, n° 555,

p. 391.

16 MINISTÈRE DE LA JUSTICE DU QUÉBEC, Commentaires du ministre de la Justice, Le Code civil

du Québec. Un mouvement de société, tome I, Québec, Publications du Québec, 1993, p. 1056.

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discrétionnaire est finalement attribué au tribunal afin qu’il puisse déroger aux règles habituelles en cas d’avantage indu.

Ce mouvement n’est toutefois pas limité au droit québécois. Jusqu’en 2016, le droit français ne connaissait aucune législation générale sur le sujet. Le droit de la restitution était principalement jurisprudentiel, bâti au cas par cas, ce qui a pu donner lieu à diverses contradictions18. Toutefois, un premier projet de réforme du droit français des obligations a proposé des règles de la restitution applicables aux cas d’annulation et de résolution du contrat19. Puis, dans la réforme finalement adoptée en 2016, le législateur français met en place des règles communes à la restitution en matière contractuelle et à la réception de l’indu20. Il faut donc souligner l’évolution parallèle des droits québécois et français vers une unification du régime juridique de la restitution.

Il a également été reconnu qu’un droit unifié de la restitution pouvait être construit en droit de tradition anglaise. Les travaux du professeur Peter Birks sur l’enrichissement injustifié21 à la fin des années 1980 ont suscité un intérêt soutenu de la doctrine pour ce sujet. Le professeur Birks et d’autres chercheurs ont alors tenté de réunir les différents cas où les tribunaux donnent suite à une demande d’ordonnance de restitution. Cette approche a été critiquée, tant en Grande-Bretagne22 qu’aux États-Unis23. À tout événement, même dans les juridictions où un concept général de restitution est admis, il

18 Par exemple relativement à l’indemnité de jouissance : Guillaume KESSLER, « Restitution et indemnité

de jouissance », JCP G 2004.I.154.

19 MINISTÈRE DE LA JUSTICE, Projet de réforme du droit des contrats (Mai 2009), art. 91 à 97, en

ligne < http://droit.wester.ouisse.free.fr/textes/TD_contrats/projet_contrats_mai_2009.pdf > (site consulté le 20 juin 2010). Le document à l’origine de ce projet (souvent appelé Avant-projet Catala) : Avant-projet

de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription, Rapport à M. Pascal Clément, Garde des

sceaux, Ministre de la Justice, 22 septembre 2005 publié sous Pierre CATALA (dir.), Avant-projet de

réforme du droit des obligations et de la prescription, Ministère de la Justice, Paris, La documentation

française, 2006, art. 1161 à 1164-7.

20 Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et

de la preuve des obligations, art. 1352 et s., en ligne < https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000032004939&categorieLien=id > (site consulté le 20 octobre 2016).

21 Peter BIRKS, An Introduction to the Law of Restitution, Oxford, Clarendon Press, 1990.

22 A tout le moins, l’ensemble de la théorie élaborée par le professeur Birks ne fait pas l’unanimité:

Andrew BURROWS, « Absence of Basis: The New Birksian Scheme » dans Andrew BURROWS et R. EARLSFERRY (dir.), Mapping the Law: Essays in Memory of Peter Birks, Oxford, New York, 2006, p. 33.

23 Chaim SAIMAN, « Restitution in America: Why the U.S. Refuses to Join the Restitution Party » (2008)

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est encore difficile de parler de principes généraux gouvernant toutes les situations. Auteurs et juges sont toujours à énumérer les situations précises dans lesquelles il y a restitution24.

Ces quelques commentaires font bien ressortir en quoi le droit civil québécois est un objet d’étude privilégié en matière de restitution. Le législateur ayant procédé à l’unification de situations diverses qui appellent la restitution, il appartient à la doctrine de leur trouver, dans la mesure du possible, un fondement commun. Ainsi, nous pouvons dresser un premier constat : il existe une volonté législative, au Québec, de renforcer la cohérence du droit de la restitution, alors que cette même tendance est perceptible dans la législation, la jurisprudence et la doctrine de plusieurs pays.

Une littérature peu abondante

L’entrée en vigueur du Code civil du Québec fournit le contexte idéal pour s’interroger sur les fondements et le régime de la restitution. Pourtant, au Québec, les chercheurs s’y sont peu intéressés jusqu’à présent. Aucune étude d’envergure n’a été entreprise sur le sujet, ce qui peut surprendre, compte tenu de l’ampleur du domaine d’application des dispositions pertinentes. L’essentiel des développements se retrouvent à l’intérieur des traités généraux sur les obligations, où les auteurs exposent la mécanique de la restitution en nature et par équivalent. Les auteurs relèvent une tendance qui se confirme à la lecture de la jurisprudence : celle des tribunaux à user fréquemment du pouvoir discrétionnaire de l’article 1699 al. 2 C.c.Q. afin de mettre de côté les règles pour des motifs d’équité25; or, les auteurs ne se questionnent pas sur les raisons motivant réellement ce choix26. Ce pouvoir discrétionnaire, agissant comme inhibiteur, a fait en

24 Voir l’aveu candide dans la préface de : Robert GOFF et Gareth JONES, The Law of Restitution, 7e éd.

par Gareth JONES, Londres, Sweet & Maxwell, 2007, p. v.

25 Jean-Louis BAUDOUIN et Pierre-Gabriel JOBIN, Les obligations, 7e éd. par Pierre-Gabriel JOBIN et

Nathalie VÉZINA, Cowansville, Yvon Blais, 2013, n° 921, p. 1138.

26 À l’exception de : Didier LLUELLES et Benoît MOORE, Droit des obligations, 2e éd., Montréal,

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sorte que les règles édictées aux articles suivants ont été aisément contournées ou contredites par la jurisprudence27.

Les études françaises en matière de restitution appellent davantage de commentaires. Celles-ci ont principalement visé la restitution consécutive à l’anéantissement du contrat. Or, pendant longtemps, la doctrine française s’est davantage intéressée aux causes de l’anéantissement rétroactif du contrat qu’à ses conséquences. Cela explique que les premières études françaises sur les restitutions soient apparues uniquement dans les dernières décennies. Elles visent d’abord à exposer les règles existantes, compte tenu de l’origine jurisprudentielle de celles-ci. Il arrive encore souvent que les auteurs traitent de la restitution de manière à compléter l’exposé d’un autre sujet28. Les études les plus approfondies identifient d’abord les modes de restitution et s’attardent ensuite au compte des restitutions29. Ce dernier vise à décrire la méthode permettant d’identifier le bien à restituer ainsi que les montants qui doivent être versés par l’une ou l’autre partie afin de compenser les impenses, la jouissance du bien, les fruits et revenus et les dégradations constatées.

Parmi ces études, trois thèses se démarquent et ouvrent la voie à une systématisation plus poussée. En 1982, Annie Bousiges présente une première analyse détaillée du droit surtout jurisprudentiel qui encadre les effets de l’annulation ou de la résolution du contrat30. La restitution est d’abord présentée comme un processus nécessitant une mécanique précise liée au statu quo ante et aux séquelles de l’échec contractuel. Les critiques formulées à l’égard du droit en vigueur sont principalement liées à la technique

27 Ainsi, les règles du Code civil du Québec demeurent peu connues et « pas toujours appliquées avec

bonheur » : J.-L. BAUDOUIN, P.-G. JOBIN et N. VÉZINA, préc., note 25, n° 920, p. 1137. Dans un des exemples les plus frappants, le tribunal use du pouvoir discrétionnaire pour empêcher toute restitution d’un contrat entaché d’erreur. Le tribunal préfère réécrire la clause litigieuse : Ihag Holding, a.g. c.

Intrawest Corporation, J.E. 2009-1199, par. 194 et s. (C.S.) (appel rejeté : 2011 QCCA 1986). Or, si le

tribunal considérait que l’erreur devait entraîner la nullité, il aurait dû selon nous la prononcer, quitte à réduire le montant de la restitution le cas échéant.

28 Par exemple, relativement à la rétroactivité dans les contrats : Élodie MAÎTRE-ARNAUD, La

rétroactivité dans le contrat, th. Paris II, 2003; Sylvain MERCOLI, La rétroactivité dans le droit des contrats, Aix-en-Provence, PUAM, 2001; Rafaël JAFFERALI, La rétroactivité dans le contrat – Étude d’une notion fonctionnelle à la lumière du principe constitutionnel d’égalité, Bruxelles, Bruylant, 2014.

Relativement à la résolution du contrat : Thomas GENICON, La résolution du contrat pour inexécution, Collection de la faculté de droit – Université libre de Bruxelles, Paris, L.G.D.J., 2007.

29 M. MALAURIE, préc., note 4.

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des restitutions afin de déterminer comment et dans quelles circonstances une réclamation en restitution peut être présentée31. L’auteure constate que le modèle traditionnel de la restitution ne correspond plus à la réalité en suggérant une appréciation nouvelle de la rétroactivité applicable au contrat32. On ferait donc parfois des accrocs à la règle du retour au statu quo ante puisqu’une rétroactivité réelle n’existe pas et que des difficultés subsistent. Ainsi, dans le but de nuancer l’exigence théorique de la rétroactivité, l’auteure propose accessoirement que les restitutions puissent avoir un caractère indemnitaire33. Elle plaide également pour la défense des intérêts des tiers, mal protégés en cas d’anéantissement du contrat34.

En 1991, Marie Malaurie, tout en affirmant l’impossibilité d’élaborer une théorie générale de la restitution en droit civil, présente deux catégories générales de restitution : normale et anormale35. En résumé, une restitution serait « anormale » lorsqu’elle survient à la suite de la conclusion inhabituelle ou imprévue d’une relation juridique. Elle serait au contraire « normale » lorsqu’il s’agit du résultat prévu ou prévisible d’une telle relation. Ainsi, l’obligation de restituer le bien à la fin d’un bail fait partie de l’exécution normale du contrat. Il en est de même de l’obligation de l’usufruitier de rendre le bien au nu-propriétaire. À l’opposé, la nullité ou la résolution du contrat est anormale. La restitution prend alors des formes diverses puisqu’au service d’autres institutions. Ainsi, il faudrait distinguer la réception de l’indu de l’anéantissement du contrat, la première étant dominée par la considération de la bonne ou de la mauvaise foi ce qui n’est pas le cas de la nullité ou la résolution du contrat.

L’essentiel de la thèse de cette auteure consiste à exposer les règles de la restitution en nature et du compte de restitution. Elle présente ce domaine du droit comme étant technique, tout en étant dominé par une nécessité d’équilibre36. Elle estime que ce domaine du droit a besoin de peu de prévisibilité, puisque la restitution est tournée vers

31 Id., p. 331 et s. 32 Id., p. 51 et s. 33 Id., p. 366 et s. 34 Id., p. 402 et s. 35 M. MALAURIE, préc., note 4, p. 35-37. 36 Pour l’essentiel des conclusions : Id., p. 271 et s.

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le passé37. Selon elle, la bonne ou la mauvaise foi des parties ne joue qu’un rôle incident dans le cadre de la restitution par équivalent38. Elle admet toutefois que ce rôle est variable suivant la cause de la restitution.

Catherine Guelfucci-Thibierge, dans sa thèse publiée en 1992, étudie les liens entre la nullité du contrat et la responsabilité, ce qui l’emmène sur le terrain des restitutions dans la dernière partie de sa thèse. Elle distingue l’action en nullité qui affecte les effets juridiques de l’acte et l’action en restitution qui joue sur les effets matériels de l’acte. Selon l’auteure, l’obligation de restituer se fonde sur la prestation initialement exécutée. Ce fondement est l’objet de mesure de la restitution faisant suite à la nullité. Pour ce faire, la restitution mettrait à l’œuvre une rétroactivité dite « technique » qui permet de revenir sur le fait passé. S’attardant au domaine de la responsabilité et des effets de la nullité, elle reconnait que le comportement des parties influe sur le résultat de la restitution39. Elle ne reconnait toutefois qu’une influence indirecte, à défaut de quoi on risquerait de confondre réparation et restitution. L’influence de la responsabilité ne jouerait que sur l’étendue de la restitution et non sur son principe même. Suivant la thèse défendue, restitution et réparation ne peuvent être que complémentaires40. L’admission d’une influence même minimale de la responsabilité sur les restitutions continue d’être un point de vue isolé en France41, en ce que le processus de restitution est toujours vu comme un processus objectif et distinct de la réparation42.

Le droit français est appelé à évoluer sur ces questions au cours des prochaines années, en raison de la réforme que nous avons évoquée. Ainsi, les nouvelles règles remettent en cause la frontière entre restitution et réparation43. Il faut toutefois constater que le droit

37 Id., p. 272. 38 Id., p. 273.

39 Catherine GUELFUCCI-THIBIERGE, Nullité, restitutions et responsabilité, Paris, L.G.D.J., 1992,

p. 521-523.

40 Id., p. 523.

41 Comme dans : Andrea PINNA, La mesure du préjudice contractuel, Paris, L.G.D.J., 2007, n° 1, p. 2-3. 42 Yves-Marie SERINET, « Les domaines respectifs de la remise en état par voie de restitution et de

réparation » dans Jean Sébastien BORGHETTI, Olivier DESHAYES et Cécile PÉRÈS (dir.), Études

offertes à Geneviève Viney, Paris, L.G.D.J., 2008, p. 867, aux pp. 869 et s.

43 Par exemple, la réforme prévoit que le tribunal estimera dans chaque cas un montant lié à la jouissance

du bien restitué (art. 1352-3 de la réforme de 2016, préc., note 20) alors que la Cour de cassation avait récemment décidé qu’en matière d’annulation de vente d’immeuble, aucune indemnité de jouissance n’était due : Civ. ch. mixte, 9 juillet 2004, JCP 2005.I.132.

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québécois a pris une tangente distincte du droit français, compte tenu notamment du champ d’application plus large du régime de restitution des prestations, de la place centrale de la bonne ou de la mauvaise foi des parties ainsi que du pouvoir discrétionnaire laissé au tribunal de moduler l’étendue de l’obligation pertinente.

Problématique

La restitution des prestations est confrontée à une triple incertitude qui nuit à l’application des règles en la matière. Cette situation est d’autant plus préoccupante en droit québécois plus de vingt-cinq ans après l’adoption d’une nouvelle série de dispositions législatives. Cette incertitude concerne le champ d’application de la restitution, ses fondements et plusieurs aspects de son régime.

- Champ d’application

Le nouveau régime de la restitution mis en place par le Code civil du Québec, aux articles 1699 et suivants, vise une panoplie de situations contractuelles et extracontractuelles ayant toutes comme objectif un retour à une situation antérieure, en particulier l’annulation du contrat (1422 C.c.Q.), la résolution du contrat (1606 C.c.Q.), l’avènement de la condition résolutoire (1507 C.c.Q.), l’impossibilité d’exécuter une obligation (1694 C.c.Q.), la réception de l’indu (1491, 1492 C.c.Q.), la modification du jugement déclaratif de décès (96 C.c.Q.), le retour de l’absent (99 C.c.Q.) et la remise à l’héritier apparent (627 C.c.Q.)44. Ces rapprochements ont nécessairement une incidence sur la manière dont il faut comprendre les règles applicables.

La réunion de l’ensemble de ces cas sous le chapitre de la restitution des prestations au Code civil du Québec peut sembler arbitraire. Dans ses commentaires sur l’article 1699 C.c.Q., le ministre de la Justice mentionne sans plus de nuances : « La restitution des prestations fournies en vertu d'un acte juridique découle principalement de l'anéantissement rétroactif de cet acte : nullité ou résolution. Mais elle intéresse aussi d'autres situations plus ou moins couvertes par ces causes principales d'anéantissement

44 Le Code prévoit également des modalités particulières de restitution à l’égard de certains contrats

nommés : la vente (1727 C.c.Q.), le crédit-bail (1849 C.c.Q.), l’assurance maritime (2539, 2542 C.c.Q.) et la donation (1838 C.c.Q.)

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rétroactif. » (Nous soulignons.) Comme certains des cas de restitution ne supposent aucune rétroactivité, il y a lieu de se demander si ces divers cas relèvent vraiment d’une même logique.

Il existe par ailleurs des cas dont l’inclusion dans le champ d’application des règles est incertaine. À titre illustratif, l’annulation d’un contrat à exécution successive soulève des difficultés à propos de l’effet des restitutions sur les prestations déjà exécutées. De même, il faut se demander si la résiliation d’un tel contrat, malgré son aspect prospectif, n’entraîne pas la restitution de certaines prestations. Il est également possible de s’interroger sur la nature de diverses réclamations traditionnellement reliées au domaine de la responsabilité mais qui pourraient être vues comme relevant de la restitution, notamment la restitution de profits45.

- Fondement des règles

Un auteur québécois a écrit, relativement aux nouvelles dispositions, que le « résultat est un chapitre assez complexe, dont les règles, sans parler de leurs fondements, sont parfois difficiles à cerner »46. Or, la compréhension et l’application des règles exigent l’identification de fondements communs. Il faut remarquer qu’aucun fondement théorique clair n’a été donné aux règles de la restitution des prestations au Québec. Il a été suggéré que les règles s’inspirent des principes de la réception de l’indu47. Sous un angle plus large, il serait possible d’y voir une manifestation de l’équité48. Il est aussi possible de constater une « indéniable parenté »49 avec l’enrichissement injustifié.

45 Banque de Montréal c. Kuet Leong Ng, [1989] 2 R.C.S. 429 où la Cour suprême fonde sa décision

principalement sur la violation d’une obligation de loyauté alors que le litige aurait vraisemblablement pu se régler sur le fondement d’une restitution dans le cadre du contrat de mandat, ce qui est évoqué au passage par la Cour.

46 Serge GAUDET, « Un nouveau chapitre à la théorie générale des obligations : la restitution des

prestations » dans Les obligations : quoi de neuf?, 26 octobre 1995, Cowansville, Yvon Blais, 1995, p. 2 du texte de la conférence.

47 D. LLUELLES et B. MOORE, préc., note 26, n° 1224-1225, p. 658 (implicitement). En France, voir les

auteurs répertoriés dans : C. GUELFUCCI-THIBIERGE, préc., note 39, n° 638, p. 369.

48 M. TANCELIN, préc., note 15, n° 555, p. 391. 49 Id., n° 562, p. 396.

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En France, il a notamment été proposé que le droit de la restitution trouverait son fondement dans l’accomplissement d’une prestation en exécution d’un contrat anéanti50. Ainsi, le simple fait de l’annulation ferait automatiquement naître des obligations entre les parties afin de rétablir la situation antérieure. Ainsi que le souligne une partie de la doctrine, cette idée ne permet pas de vider la question, puisque la restitution résultant de l’anéantissement du contrat peut se fonder sur le droit de propriété, l’enrichissement injustifié ou la réception de l’indu51. La jurisprudence française a toutefois délaissé les questions abordées par la doctrine pour chercher un fondement autonome à la restitution comme conséquence de l’annulation du contrat52. Mettant de côté le rapprochement avec la réception de l’indu53, la Cour de cassation a déterminé que « les restitutions consécutives à une annulation ne relèvent pas de la réception de l’indu mais seulement des règles de nullité »54. Ce faisant, la Cour de cassation n’a pas tranché le débat lié au fondement de la restitution, mais a plutôt renvoyé à un principe général qui manque de consistance55.

Il est ainsi difficile d’identifier les fondements de la restitution, tellement celle-ci demeure imbriquée dans d’autres institutions du droit civil. Parmi celles-ci, mentionnons la rétroactivité, le droit de propriété, les quasi-contrats et la responsabilité.

i- La rétroactivité

La rétroactivité semble aller de pair avec la restitution. Le Code civil du Québec invoque d’ailleurs la rétroactivité pour décrire les effets de l’anéantissement du contrat annulé ou résolu (1422 et 1606 C.c.Q.). Le contrat étant censé n’avoir jamais existé, les parties

50 C. GUELFUCCI-THIBIERGE, préc., note 39, n° 657, p. 380-381.

51 J. GHESTIN, G. LOISEAU et Y.-M. SERINET, préc., note 7, n° 2883 et s., p. 1537. Voir plus

spécifiquement, sur les quasi-contrats – enrichissement injustifié : Éric DESCHEEMAKER, « Quasi-contrat et enrichissement injustifié en droit français », R.T.D. civ. 2013.1, p. 22; -paiement de l’indu : Jacques FLOUR, Jean-Luc AUBERT et Eric SAVAUX, Droit civil – Les obligations, t. 1 « L’acte jurdique », 16e éd., Paris, Sirey, 2014, n° 362.

52 Voir G. KESSLER, préc., note 18, n° 13 : « Une impression de flou se dégage de la jurisprudence

relative aux restitutions. Les décisions sont hétéroclites. On peine à en dégager la logique. ».

53 Civ. 1re, 28 juin 1969, JCP 1969.II.16131.

54 Civ. 1re, 24 septembre 2002, D. 2003.369, note J.-L. AUBERT. Voir aussi : Com., 18 février 2004, Bull.

civ. IV. n° 38; Civ. 1re, 20 janvier 2011, pourvoi n° 09-70540.

55 Xavier LAGARDE, « Retour sur les restitutions consécutives à l’annulation d’un contrat », JCP

2012.504; Jean-Louis AUBERT, note sous Civ. 1re, 24 septembre 2002, D. 2003.369; Alain BÉNABENT,

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doivent être remises en état. Il s’agit de rendre aux parties ce qu’elles auraient si le contrat n’avait pas été conclu. Une application intégrale du principe de rétroactivité ne serait toutefois pas souhaitable, notamment pour la protection des droits des tiers et, de façon plus large, pour « la sécurité du commerce juridique »56. Ainsi, le tiers ayant acquis le bien à titre onéreux est protégé (1707 C.c.Q.), alors qu’une rétroactivité intégrale supposerait l’anéantissement de son titre. La jouissance d’un bien n’est pas toujours prise en compte dans le cadre de la restitution (1704 C.c.Q.), alors qu’un véritable retour en arrière supposerait la prise en compte des avantages reçus par le restituant. En fait, les exceptions au principe sont si importantes, qu’il faut se demander si la rétroactivité exerce toujours une influence sur le régime de restitution. La question est d’autant plus sérieuse que le régime au Code civil du Québec unit des cas de restitution qui ne supposent pas tous la rétroactivité.

ii- Le droit de propriété

« Qu’on me rende ce qui est mien », pourrait-on dire lors de l’annulation d’une vente, après la réception d’un paiement indu, etc. Si le droit de propriété rendait compte de la restitution, les règles du droit des biens seraient suffisantes et il n’y aurait nul besoin d’un droit de la restitution. Seule la revendication du bien serait nécessaire. L’étude du droit de propriété comme fondement possible permet de considérer la délicate question de la nature du lien de droit créé par la restitution. Son régime suppose-t-il une obligation du restituant à l’égard du restitué ?

iii- Les quasi-contrats

Parmi les institutions pouvant fonder les règles de la restitution se trouvent aussi les quasi-contrats, dont la réception de l’indu et l’enrichissement injustifié ont principalement inspiré les auteurs de doctrine. Ainsi, en France, les règles de restitution ont longtemps été vues comme étant dérivées de la réception de l’indu57. En effet, le contrat annulé ou résolu laisse subsister une prestation qu’une partie ne saurait

56 M. TANCELIN, préc., note 15, n° 371, p. 259. Voir aussi É. MAÎTRE-ARNAUD, préc., note 28,

n° 250, p. 237 : « La rétroactivité doit toutefois s’effacer devant la réalité matérielle et s’accommoder de l’application d’autres règles de droit ».

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conserver, une fois sa cause disparue. Il ne s’agit toutefois pas d’un parallèle qui s’effectue sans heurt. Par exemple, la réception de l’indu est invoquée dans le cas d’un paiement exécuté sans obligation préexistante tandis qu’en matière d’anéantissement du contrat, la restitution fait suite à une obligation qui a déjà lié les parties58.

Le droit de tradition anglaise a proposé l’enrichissement injustifié comme « concept légal unificateur »59 des réclamations en restitution. Depuis quelques décennies, ont été rapprochées autour de l’idée de restitution, des règles éparses concernant notamment la nullité du contrat, la réception de l’indu et la restitution des profits gagnés en violation d’une obligation fiduciaire. Tout indique que la notion d’enrichissement injustifié, en tant que fondement ou justification de la restitution dans son ensemble, a été empruntée au droit civil. Il en est probablement de même de l’idée de rassembler en un régime unique l’ensemble de cette matière60. Il est en effet possible de voir la restitution comme concrétisant l’interdiction de conserver injustement un enrichissement découlant de l’annulation d’un contrat ou de la réception d’un paiement erroné, par exemple. Or, de manière quelque peu paradoxale, cette position s’avère assez éloignée de celle du droit civil québécois, puisque l’enrichissement injustifié ne donne pas lieu à la restitution, n’étant pas inclus parmi les cas d’application mentionnés par le Code (1699 C.c.Q.).

iv- La responsabilité

L’influence de la responsabilité sur la restitution devrait être évidente en droit québécois puisque, suivant les Commentaires du ministre de la Justice, les nouvelles règles seraient fondées sur « les notions de bonne ou de mauvaise foi et de responsabilité »61. Or, cette déclaration est surprenante puisqu’elle confond les domaines de la réparation et de la restitution. En droit civil, la remise en état peut en effet prendre

58 A. BOUSIGES, préc., note 30, p. 44. L’argument a trouvé écho au Québec, voir D. LLUELLES et B.

MOORE, préc., note 26, n° 1224, p. 658 : « Celui qui a reçu une prestation l’a, rétroactivement, reçue sans droit, même si, en temps réel, il avait l’apparence pour lui. ».

59 R. GOFF et G. JONES, préc., note 24, n° 1-015, p. 15.

60 On retrouve de nos jours un cours de base dans les facultés de common law qui s’intitule « Restitution ».

Aux États-Unis, un Restatement (énoncé de principe doctrinal) est consacré à cette matière depuis 1936 : Austin W. SCOTT et Warren A. SEAVEY, Restatement of the Law. Restitution, St. Paul, American Law Institute, 1937.

61 MINISTÈRE DE LA JUSTICE DU QUÉBEC, Commentaires du ministre de la Justice, Le Code civil

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l’une ou l’autre de ces deux formes. La réparation, associée au domaine général de la responsabilité civile, consiste en l’octroi d’une indemnité visant à compenser une partie pour la perte subie62. Elle vise, tout comme la restitution, une remise en état, mais a un aspect essentiellement indemnitaire.

La restitution est traditionnellement vue comme un mécanisme automatique. Suivant cette approche, sa « seule fonction consiste à revenir sur l’échange des prestations, c’est-à-dire permettre à chacun de reprendre ce qu’il a donné63». En principe, l’aspect indemnitaire y est absent. La restitution prend la mesure de ce qui a été reçu et non d’une perte. Dans l’éventualité où le processus laisse subsister des dommages, ceux-ci devrait être réclamés « dans un second temps et sous un autre fondement »64. Les auteurs français se sont affairés, au cours des dernières années, à tracer la limite entre la restitution et la réparation65. La restitution vise à rendre à chaque patrimoine ce qui en est sorti sans droit, tandis que la réparation vise à compenser un préjudice. Par contre, même en traçant les limites des deux moyens de remise en état, les auteurs admettent une influence tout en maintenant le principe66.

Ce bref survol des fondements généralement proposés mène à un constat préliminaire : aucun d’entre eux ne saurait entièrement fonder le régime de restitution des prestations en droit québécois. Une fois réunis les cas de restitution contractuels et extracontractuels, les fondements traditionnels ne suffisent plus. Chacun des fondements proposés semble justifier un aspect ou un autre des règles de la restitution des prestations. L’hypothèse d’une pluralité de fondements pourrait faire douter de l’opportunité de créer un régime unique et expliquer, jusqu’à un certain point, que les règles continuent à faire l’objet de traitements disparates. Ainsi, il nous faudra

62 Pour les principes généraux de la réparation : Jean-Louis BAUDOUIN et Patrice DESLAURIERS, La

responsabilité civile, vol. 1 « Principes généraux », 8e éd. par Jean-Louis BAUDOUIN, Patrice

DESLAURIERS et Benoît MOORE, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, n°1-370, p. 408-409.

63 Geneviève VINEY, obs. sous Civ. ch. Mixte, 9 juillet 2004, JCP G 2005.I.132, n°4.

64 Id. En droit français, cette disjonction permet notamment d’expliquer qu’un notaire fautif ayant rédigé

un acte de vente annulable n’est pas en principe tenu au remboursement du prix qui demeure l’obligation du vendeur dans le cadre de la restitution : Y.-M. SÉRINET, préc., note 42, n° 8, p. 872-873.

65 Pour un exposé complet : Y.-M. SÉRINET, préc., note 42, p. 867, n° 3, à la p. 869. 66 Id., n° 17 et s., p. 881 et s.

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démontrer que les fondements partagés avec d’autres institutions du droit civil permettent tout de même de concevoir la restitution sous l’angle d’un régime unique.

- Régime de la restitution des prestations

Comment rétablir une situation révolue ? Récupérer ce qui a été remis par erreur ou en raison d’un contrat résolu ou annulé paraît simple en théorie, mais le principe de restitution demeure complexe dans son application67.

Plusieurs questions sont ainsi source d’incertitude, preuve de la difficulté de déterminer la place réelle de la restitution en droit civil. Il est possible de concevoir la restitution comme une simple technique, voire une formule mathématique devant permettre la remise en état des parties (le compte des restitutions). Il existe ainsi une approche purement objective de la restitution fondée sur l’examen des prestations en cause. Toutefois, compte tenu de l’influence de facteurs externes aux prestations, tels que le comportement des parties, il conviendra de s’interroger sur l’à-propos d’un modèle différent, plus subjectif.

i) Le modèle objectif

Le régime juridique de restitution peut d’abord suivre un modèle centré sur les prestations devant être rendues, et ce, de façon objective. Il s’agit de constater ce qui a été reçu une première fois pour s’assurer qu’une prestation identique puisse être exécutée en retour.

Toutefois, il est souvent impossible de restituer exactement ce qui a été payé. Ainsi, l’immeuble restitué aura acquis ou perdu de la valeur, il aura été modifié, il aura été utilisé pendant la période de temps intermédiaire entre le paiement et la restitution, etc. Diverses questions délicates sont soulevées lorsque le tribunal tente de remettre les parties dans une situation antérieure. L’essentiel de ces questions seront liées aux plus-values et moins-plus-values affectant le bien ou la prestation devant être restitué.

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Peuvent être exposées dans le cadre de ce modèle les règles et les difficultés liées aux événements accessoires que la restitution doit prendre en considération, par exemple :

• Les conséquences de l’usage d’un bien jusqu’à ce que jugement soit rendu ;

• Les conséquences et la méthode d’évaluation d’une perte partielle ; • La perte d’un bien par force majeure ;

• La détermination des circonstances dans lesquelles la restitution ne peut avoir lieu par l’exécution d’une prestation identique.

Toutes ces questions, si intéressantes soient-elles, ne rendent toutefois pas compte de l’ensemble du régime et des difficultés qui y sont liées.

ii) Le modèle subjectif

Il est difficile de concevoir le droit de la restitution comme étant uniquement tributaire des prestations exécutées. En effet, des éléments extérieurs à celles-ci sont pris en considération, que ce soit pour déterminer l’étendue ou l’existence de l’obligation de restituer. Parmi ces éléments, se trouvent : la bonne ou mauvaise foi des parties et le pouvoir discrétionnaire du tribunal d’en moduler les règles.

D’abord, la bonne ou mauvaise foi des parties a été mise à l’avant-scène par le législateur québécois. La mesure de restitution peut varier suivant qu’une partie a été de mauvaise foi avant, pendant ou après l’événement ayant donné lieu à restitution68. Parmi les questions les plus difficiles se trouvent celles liées à la qualification de la personne de mauvaise foi. L’étude de cette question permettra de déterminer par exemple si la seule connaissance d’une cause d’annulation d’un contrat entraîne automatiquement la mauvaise foi chez la personne devant restituer.

68 Ainsi, l’octroi d’un montant pour la jouissance du bien durant sa possession est la plupart du temps

tributaire de la bonne ou mauvaise foi de l’accipiens (1704 C.c.Q.). La bonne ou la mauvaise foi des parties est également considérée dans le cadre de la détermination de la valeur du bien à restituer (1701 C.c.Q.), des impenses et des fruits devant être pris en compte (1703, 1704 C.c.Q.).

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En dehors des prestations des parties et exerçant une influence sur la restitution se trouve également le pouvoir discrétionnaire du tribunal de modifier l’étendue ou de refuser la restitution prévue en droit québécois à l’article 1699 al.2 C.c.Q. Les facteurs ayant un impact sur l’exercice ou non de ce pouvoir sont inconnus. Dans quelles circonstances est-il justifié de refuser la restitution, de retarder l’application des règles ou de modifier le moment de référence pour l’évaluation d’une prestation donnée ?

De plus, dans le cas du refus d’ordonner la restitution par le tribunal, le sort des conventions immorales allant à l’encontre de l’ordre public est incertain69. Bien qu’il soit généralement reconnu que la cause ou l’objet d’un contrat à l’encontre de l’ordre public n’empêche pas la restitution, les tribunaux gardent une porte ouverte afin de refuser ou moduler la restitution dans le cas d’une « violation particulièrement sévère »70.

Les questions soulevées précédemment se posent avec une intensité particulière en droit québécois. L’absence de dispositions législatives spécifiques a longtemps fait en sorte que les règles de restitution des prestations n’ont jamais été rassemblées autour de principes communs. En résultait un manque de cohésion entre les différentes règles ainsi que de la confusion et de l’inquiétude de la part des acteurs juridiques71. Les nouvelles règles devaient rectifier la situation. Or, la doctrine a manifesté un certain malaise face aux nouvelles règles du Code civil du Québec. Au départ, il fallait donner suite au fait que le législateur n’a pas fait des règles de la restitution des prestations des règles impératives. Les dispositions seraient donc « plus que des lignes directrices, moins que des règles obligatoires »72. Appliquées par exemple à la question d’une indemnité pour valeur locative au profit du vendeur, le tribunal resterait libre « de passer outre aux règles nouvelles et de s’en tenir aux règles observées sur la question sous l’ancien Code civil »73. Ainsi, ce qui devait être un pouvoir exceptionnel d’exclure les nouvelles règles

69 D. LLUELLES et B. MOORE, préc., note 26, n° 1241 et s., p. 632 et s. 70 Id., n° 1243, p. 633.

71 J. PINEAU, D. BURMAN et S. GAUDET, préc., note 6, n° 206, p. 368.

72 Jeffrey EDWARDS, La garantie de qualité du vendeur en droit québécois, 2e éd., Montréal, Wilson &

Lafleur, 2008, n° 547, p. 263.

73 Jeffrey EDWARDS, « La garantie de qualité : l’indemnité de valeur locative et d’autres aspects que

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