HAL Id: dumas-00840822
https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-00840822
Submitted on 10 Jul 2013
HAL is a multi-disciplinary open access
archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.
L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.
La place de la médiation dans l’accompagnement du
public scolaire dans la réception d’un spectacle :
l’exemple de La Rampe
Clara Zerbib
To cite this version:
Clara Zerbib. La place de la médiation dans l’accompagnement du public scolaire dans la réception d’un spectacle : l’exemple de La Rampe. Sciences de l’information et de la communication. 2013. �dumas-00840822�
Mmoire de recherche prsent par Clara ZERBIB
La place de la mdiation dans lÕaccompagnement du
public scolaire dans la rception dÕun spectacle
LÕexemple de La Rampe
Photographe : Frdrique Calloch
Master 1 Productions et mdiations des formes culturelles, spcialit mdiation, art et culture Domaine : Sciences humaines et sociales
Directrice de mmoire : Marie-Christine Bordeaux
Universit Pierre-Mends France (Grenoble 2), en co-habilitation avec l'Universit Stendhal (Grenoble 3)
UFR SHS - Dpartement Sociologie
Ç Les grandes Ïuvres dÕart ne sont grandes que parce quÕelles sont accessibles et comprhensibles tous. È
!"#"$%&"#"'()*
Je tiens remercier toutes les personnes qui mÕont aide raliser ce mmoire et qui mÕont encourage tout au long de lÕanne.
Merci aux quipes de La Rampe et en particulier Jacky Rocher et Christine Hastoy qui mÕont aide mieux comprendre le fonctionnement de La Rampe et la mdiation qui y est exerce.
Merci Marie-Christine Bordeaux et ses conseils aviss qui mÕont aide mÕorienter vers la bonne direction suivre.
Merci Viviane Clavier qui mÕa aide en dbut dÕanne laborer ma bibliographie.
Merci Fabienne Martin-Juchat qui mÕa clair sur le choix du sujet.
+,##-&$"*
!"#"!$%"#"&'() *! (+##,%!") -! !"(.#") /! %&'!+0.$'%+&) 1! %)2)3+&$'%+&)0")4,)#"0%,'%+&)0,&()4,)5!,'%6.")$.4'.!"44")0"(),!'()0")4,)($"&")+.)4,) #"0%,'%+&)$+##")("&()0.)(5"$',$4") 77! ,8)49+!%:%&")5;%4+(+5;%6.")0")4,)#"0%,'%+&)<)"&'!")4")0%,4+:.")"')4")5,!',:") 7=! "#!$%&'()*!+,!$&!-&.,--,!/('',!',+0&10(2! "3! 3#!$,!4(2+,',21!+,!$&!',+0&10(2!5!$,-!*&/02,-!+)!-6'7($,8!+,!$&!','(0*,!,1!+)!$&2.&.,! "9! 9#!:()*!)2,!,1;0<),!+,!$&!*,2/(21*,! "9! >8)4")5!+?"')0")4,)#"0%,'%+&)<)4,)!"$+&&,%((,&$")0")49,.'!") 7-! "#!$,-!/*01,*,-!,--,210,$-!+,!$&!',+0&10(2! "=! 3#!$&!',+0&10(2!:&*!$%&)1*,! "=! 9#!:()*!)2,!,1;0<),!+,!$&!',+0&10(2! ">! $8)$+&'"@'");%('+!%6.")0")4,)&,%((,&$")0")4,)#"0%,'%+&)$.4'.!"44") 7/! "#!$&!<),1,!+%)2!0+,&$!+%)2,!/)$1)*,!:()*!1()-!5!$&!+,'(/*&10-&10(2!/)$1)*,$$,! "?! 3#!$&!/)$1)*,!,2!'()@,',21! 3"! 9#!)2,!:($010<),!+,!$&!',+0&10(2!5!+,!$&!',+0&10-&10(2!&!$%,+)/&104! 39! %%)A)4,)!,#5")<)"4"#"&'()0")5!"("&','%+&) =/! ,8)5!"("&','%+&):"&"!,4")0")4,)!,#5") =/! "#!:,101!*&::,$!;0-1(*0<),! 3?! 3#!)2,!-1*)/1)*,!,2!*,-,&)! 3A! 9#!)2!:)7$0/!40+,$,! 3B! >8)4"()#%((%+&()0")4,)!,#5") BC! "#!$%0':(*1&2/,!+,-!*,$&0-!5!:()*!)2!&//(':&.2,',21!,440/&/,! 9C! 3#!'&*<),*!-(2!1,**01(0*,! 9C! 9#!)2,!'0--0(2!+,!-,*@0/,!:)7$0/! 9"! $8)4,)!,#5")<)4,)#"0%,'%+&)$+##")!"4,'%+&) B=! "#!$,!*($,!+)!',+0&1,)*! 93! 3#!$&!/)$1)*,!:()*!1()-! 9D! 9#!$,-!$0'01,-!+,!$&!',+0&10(2!&!$&!*&':,! 9=! ) ) )%%%)A),&,4D(")0")$+!5.()<)49"0.$,'%+&),!'%('%6."),)4,)!,#5") B/! ,8)4,)#"0%,'%+&)5,!)49,!'%('") B/! "#!',+0&10(2!()!-,2-070$0-&10(2!E! 9?! 3#!&!$&!+,/()@,*1,!+%)2!&*1!5!&1,$0,*-!:*&10<),-! 9A! 9#!$,-!-/($&0*,-!5!)2!:)7$0/!&!$%,/()1,! DC! >8)4,)#"0%,'%+&)$+##")"&:,:"#"&') *=! "#!)2,!@($(21,!+,!$%,1&1! D3! 3#!$,-!,2-,0.2&21-!&)!/,21*,!+,-!:*(F,1-!&*10-10<),-! D9! 9#!+,!$%,G:,*0,2/,!:,*-(22,$$,!&!$%,G:,*0,2/,!-,2-07$,! DD! $8)49"0.$,'%+&),!'%('%6.")"')$.4'.!"44")<).&")#%((%+&)5!%+!%',%!") *-! "#!&::*,2+*,!&!,1*,!-:,/1&1,)*! D=! 3#!@,*-!$&!:*&10<),!+%)2!&*1! D?! 9#!$&!'0-,!,2!F,)!+)!/(*:-!/('',!&//,-!:*0@0$,.0,!&!$&!-,2-070$01,!&*10-10<),! D?! $+&$4.(%+&) *E! >%>4%+:!,5;%") -7! +.F!,:"()0")!"3"!"&$") -7! ,!'%$4"()0")!"F.") -B! (%'"()G">) -B! ,&&"@"() -*! ,&&"@")7)<)"&'!"'%"&),F"$)$;!%('%&");,('+DH)$;,!:"")0.)("$'".!)"0.$,'%3) -*! ,&&"@")=)<)"&'!"'%"&),F"$)?,$ID)!+$;"!H)0%!"$'".!)0")4,)!,#5") JJ! ,&&"@")B)<)0+((%"!)5"0,:+:%6.")A)4,)!,#5") /-! ,&&"@")*)<)>%4,&)09,$'%F%'"()A)4,)!,#5") 1E! ,&&"@")-)<)$%!$.4,%!")&K)=CC12C-E)0.)=E),F!%4)=CC1) 7C1! ,&&"@")J)<)$+##.&%6.")0")5!"((") 77*! ,&&"@")/)<)',>4",.)7) 77J! ,@($)10(2!;0-1(*0<),!+,-!'(+,-!+,!',+0&10(2!+%&:*,-!F,&2!/&)2,!H"BBB#! "">! ,&&"@")1)<)',>4",.)=) 77/! ,@($)10(2!;0-1(*0<),!+,-!'(+,-!+,!',+0&10(2!+%&:*,-!'&*0,I/;*0-102,!7(*+,&)G!H3CC9#! ""?!
!.)/#.*
Mots cls : mdiation culturelle, spectacle vivant, public scolaire, pratique artistique
A partir des annes 1990, la notion de mdiation culturelle a imprgn bon nombre de domaines appartenant lÕart et la culture en gnral, dont le spectacle vivant. Plus efface dans les thtres que dans les muses, la mdiation culturelle, qui vise mettre en lien les Ïuvres et les publics, prend tout son sens grce ses actions. Par exemple, les ateliers de pratique artistique destination du jeune public mis en place La Rampe, scne conventionne musiques et danse situe dans la ville dÕEchirolles, sont encadrs par les mdiateurs culturels et anims par les artistes. Ce travail de mdiation est lÕorigine dÕun projet artistique qui a pour objectif dÕaider les lves rflchir sur un spectacle, cÕest--dire les pousser approfondir les motions quÕils ont ressenti en amont et en aval de la reprsentation dans le but dÕarriver un soutenir un raisonnement logique et argument. Ce mmoire pose la question de savoir comment la mdiation La Rampe est-elle organise et quelles actions existent en ce lieu pour sensibiliser et accompagner le jeune public de la dcouverte dÕun art vivant jusquÕ leur venue au spectacle. Nous tenterons galement de constater les limites de la mdiation tout en posant lÕhypothse que le public scolaire est peut-tre le public idal pour que la mdiation puisse remplir pleinement sa fonction de Ç passeur dÕart È.
From the 1990s, the notion of cultural mediation has permeated many areas belonging to the art and culture in general, including the performing arts. More restrained in theaters than in museums, cultural mediation, which aims to link artworks and audiences makes sense through his actions. For example, workshops of artistic practice to young audiences set up in La Rampe, subsidized stage music and dance located in Echirolles, are framed by cultural mediators and animated by artists. This mediation work is at the origin of an artistic project that aims to help students to think about a show, that is to say to encourage them to deepen the emotions that they felt upstream and downstream the representation to get support a logical and reasoned argument. This report asks the question of how mediation in La Rampe it is organized and which actions exist in this place to educate and accompany the young people of the discovery of an art until they came to the art show. We also try to find the limits of mediation while putting the hypothesis that the public school may be the ideal audience for that the mediation can perform completely its function of "art relayÓ.
0'($,1/%(&,'*
Depuis les annes 1990, la mdiation culturelle, dont la mission principale est de faire le lien entre lÕÏuvre et le public ou entre lÕartiste et le public, sÕest dveloppe au point de devenir un sujet incontournable dans le secteur culturel. Les mdiateurs culturels, aussi appels couramment Ç passeurs dÕart È, sont souvent plus visibles dans les muses que dans les salles de spectacle, mais ils nÕen restent pas moins implants dans le domaine du spectacle vivant. La mdiation culturelle comprend de nombreux dispositifs de mdiation comme les expositions, les festivals, les spectacles vivants prsents dans divers lieux culturels (salle de spectacle, muse, bibliothque ou mdiathque). Ces dispositifs proposent diverses actions culturelles conues en fonction des publics viss ou souhaits comme, par exemple, des ateliers pdagogiques tels que les ateliers dÕcriture, de thtre, de peinture, des services ducatifs dans les muses, des spectacles pour enfants destins au public scolaire ou encore des visites guides dans les muses. Toutes ces actions sont mises en place selon les politiques culturelles du moment, selon le contexte social, conomique et culturel et selon une volont de concertation entre tous les acteurs sociaux, politiques et culturels afin de construire des rseaux et des relais pour inviter et accueillir des publics les plus diversifis possible. La mdiation culturelle, dans un rapport de communication et de transmission entre la culture et les publics, nous introduit dans une dimension politique qui prend naissance dans le souci de lutter contre les ingalits culturelles. Cette ligne de conduite, qui formera le pilier de la dmocratisation culturelle, se trouvera inscrite dans le prambule de la Constitution de 1946 : Ç La nation garantit lÕgal accs de lÕenfant et de lÕadulte lÕinstruction, la formation professionnelle et la culture È. Par exemple, lÕEtat interviendra en faveur de la cration du centre national de la cinmatographie (CNC), cr par la loi du 26 octobre 1946, tout en soutenant une action dÕanimation et de formation, de diffusion et de conservation en subventionnant et en reconnaissant lÕutilit publique de lÕinstitut des hautes tudes cinmatographiques (IDHEC). De mme, dans le domaine du livre, la lecture est promue objet dÕintrt public grce la cration dÕun rseau de bibliothques de centrale de prt. Nous pouvons donc constater que la mdiation culturelle Ç est issue dÕune tradition nationale de la dmocratisation de la culture È.
En effet, en 1945 apparait lÕducation populaire avec la cration dÕun rseau dÕassociations telles que la maison des jeunes, les bibliobus ou encore les cin-club avec lÕutopie dÕune fraternit sociale o se ctoient dans les salles de cinma des tudiants, des paysans et des ouvriers. Ainsi commence lÕaventure du thtre national populaire (TNP) et la mise en place dÕune dcentralisation thtrale en province. Le thtre national populaire, cr en 1920 par Firmin Gmier, sera dirig par Jean Vilar de 1951 1963, qui imposera sa conception du thtre service public avec lÕaffirmation dÕun droit au thtre pour tous, impliquant lÕide dÕun pacte avec le public. Jean Vilar ira la conqute du public en effectuant un important travail relationnel avec les associations, les comits dÕentreprises ou encore les amicales diverses. Ces actions, destines crer le maximum de relations, seraient considres comme les premires traces de mdiation culturelle et comme une premire tentative de rflexion sur la notion de public-spectateur, mais elles seront contestes en 1968.
Nous pouvons constater, quÕ partir de ces quelques exemples, lÕorigine de la mdiation culturelle se dcline comme politique et stratgie culturelle ayant le dsir dÕaller la rencontre des publics tout en tant confronte lÕimpossible rencontre avec tous les publics. En faisant un saut dans le temps, nous pouvons retrouver actuellement ce dsir de rencontre avec le public puisque la mdiation tente de construire des Ç catgories de publics en fonction des critres fonds sur des partages institutionnels et non culturels : un conseil gnral va construire des mdiations vers les collgiens, les personnes ges, les handicaps È1. Mais, de nouveau, lÕutopie dÕune culture partage par tous se heurte Ç la fragmentation du public en fonction de ses intrts culturels et sociaux È. Cette volont dÕatteindre des publics qui ne frquentent pas couramment les lieux de spectacles exige un travail de construction de lien avec des partenaires sociaux ou ducatifs comme, par exemple, ce qui est fait La Rampe o la mdiation a donc une fonction sociale.
Aprs cette petite introduction sur lÕorigine et la vocation de la mdiation culturelle comme dsir de rencontre entre les Ïuvres et les publics, tout en tant limite dans ses projets politiques et dans son utopie sociale, il est ncessaire de prendre en compte la continuit de ce lien social en prolongeant notre rflexion dans une premire partie sur la notion de mdiation sous un angle philosophique, pour terminer sur son contexte historique dÕapparition. Dans une seconde partie, nous exposerons quelques lments de prsentation de lÕobjet dÕtude, La Rampe, puis nous tenterons de dresser un tat des lieux de la mdiation exerce dans cette
1
Dufrne, Gellereau, Ç La mdiation culturelle. Enjeux professionnels et politiques È, Herms, N¡ 38, 2004
salle de spectacle grce aux discours de deux professionnels de la mdiation culturelle dans le domaine du spectacle vivant. Enfin, dans une troisime et dernire partie, nous raliserons une analyse de corpus afin de dcouvrir plus en dtail le travail de mdiation pratiqu La Rampe en direction des publics scolaires. LÕanalyse des actions de mdiation mises en place pour mettre en relation une Ïuvre et un public spcifique quÕest le public scolaire permettra dÕexpliciter le sujet retenu, cÕest--dire comment et par quels moyens, les mdiateurs culturels dans le domaine du spectacle vivant, et plus prcisment La Rampe, peuvent-ils apporter un sens ou un regard autre au public que la seule vision de la reprsentation artistique ?
Ç SÕil fallait (re)donner un sens la notion de mdiation, aujourdÕhui banalise au point de qualifier tout processus de mise en relation, le mythe de Babel pourrait servir de cadre de pense. Ce mythe exprime, en effet, la ncessit de distinguer la double fonction de la mdiation : dÕune part, tablir des liens entre les hommes, dans le temps prsent et travers les gnrations ; dÕautre part, introduire la vise dÕun sens qui dpasse la relation immdiate pour se projeter vers lÕavenir. È2
2
Jean Caune, Le sens des pratiques culturelles : pour une thique de la mdiation, Presses universitaires de Grenoble, 1999
0*2*3,'%(&,'*1"*4-*#.1&-(&,'*1-')*4-*5$-(&6/"*%/4(/$"44"*1")*
-$()*1"*4-*)%7'"*,/*4-*#.1&-(&,'*%,##"*)"')*1/*)5"%(-%4"*
La notion de mdiation est dfinie comme un processus de mise en relation par lÕintervention dÕun tiers pour faciliter la circulation de lÕinformation et rtablir des relations en cas de conflit. Par exemple, la mdiation dans la politique de la ville est un mode de rgulation sociale, cÕest--dire un mode alternatif de rglement de conflit par la prsence dÕun tiers en vue de la recration de liens entre habitants, gnrations et cultures diffrentes. La mdiation est un terme utilis dans divers domaines de la vie sociale comme, par exemple, la mdiation politique, la mdiation juridique, la mdiation sociale et familiale ou encore la mdiation culturelle. Cet usage pluriel et Ç indiffrenci de la notion de mdiation vaut comme symptme dÕune socit qui craint de reconnaitre les conflits, qui recherche les espaces de dialogue et de consensus et qui aspire renouer le tissu social dchir par le dveloppement incontrl de la logique marchande È3.
La mdiation est un terme qui condense plusieurs sens, avec la prtention de fournir un remde la fracture sociale et au risque de devenir en mme temps une illusion en se dclinant comme gestion du social. Nous pouvons traduire la mdiation comme gestion du social par une interrogation sur le fondement du lien social. Nous pouvons ici nous appuyer sur lÕexemple de Jean Caune qui prsente lÕorigine mythique du sens de la mdiation par lÕintermdiaire du rcit de Babel. Dans celui-ci, il sÕagit dÕtablir des liens entre les hommes en recherchant leur unit et leur entente dans une collectivit. De plus, la mdiation dans le domaine culturel peut prendre plusieurs orientations, la premire tant une manire de panser les blessures de la fracture sociale en refondant le sentiment dÕappartenance la collectivit. De mme, au niveau des pratiques culturelles, elle est un mode dÕaccompagnement de lÕvolution des structures culturelles selon les politiques culturelles et elle est aussi dfinie par des techniques dÕintervention auprs des publics.
La polysmie du terme de mdiation dans les arts de la scne reste un point critique dans son apparition historique dans les annes 1990, au moment de la fin de la dmocratisation culturelle. Ce point critique de la mdiation reste toujours prsent au niveau de sa complexit conceptuelle et de sa parent dÕautres fonctions, dj bien reconnues dans les mtiers du spectacle (charg des relations publiques, rgisseur), en raison Ç dÕune confusion durable sur
3
Jean Caune, Le sens des pratiques culturelles : pour une thique de la mdiation, Presses universitaires de Grenoble, 1999
ses conditions dÕexercice et sur les finalits des fonctions qui lui sont lies È4. La mdiation se substitue lÕaction culturelle des annes 1960, lÕanimation culturelle des annes 1970-1980 o Ç au dbut des annes 80 il nÕest plus question dÕanimation, le mot est devenu pjoratif mais de mdiation, c'est--dire des moyens concrets de favoriser le rapport entre lÕÏuvre et le crateur È5. Ainsi, ce terme de mdiation culturelle, encombr par lÕinflation des significations et rempli dÕambigit sur le plan historique, nous oblige nous questionner sur ses valeurs et ses actions en faisant un dtour par la philosophie. Cela pour aborder la notion de mdiation comme action dÕintermdiaire dans le rapport entre soi et le monde, ouvrant au champ du langage et de la culture et permettant un retour sur la construction historique pour dcouvrir son contexte et son sens comme mdiation culturelle.
89*:;,$&<&'"*5=&4,),5=&6/"*1"*4-*#.1&-(&,'*>*"'($"*4"*1&-4,</"*"(*4"*5-$(-<"*
?9*:;-#,/$*1"*4-*)-<"))"*%,##"*#.1&-(&,'*
Nous allons ici nous appuyer sur la philosophie platonicienne o la pense est un dialogue intrieur de lÕme la recherche dÕune vrit stable et permanente et dÕune connaissance de lÕessence du beau et du bien qui dpasse et nourrit le monde sensible. LÕhomme, en qute de salut suite une chute de lÕme qui a perdu ses ailes et qui est tombe dans le corps, doit exercer son intelligence par lÕacte de rflexion qui consiste se ressouvenir dÕun pass mythique o Ç lÕme sÕassociait la promenade dÕun dieu È6. Pour Platon, lÕme conserve des souvenirs du monde divin, des connaissances, des rminiscences acquises avant la naissance. LÕallgorie de la caverne, qui dcrit des prisonniers enchans au fond dÕune caverne, montre la ncessit de lÕducation philosophique pour affranchir lÕme humaine des apparences sensibles afin de progresser, par la contemplation, vers le monde des ides et vers le bien absolu. LÕascension dialectique vers lÕide du bien nÕest pas sans analogie avec lÕitinraire de lÕamoureux o Ç Eros È conduit lÕme jusquÕau Ç banquet È divin, jusquÕau ciel intelligible. LÕAmour se caractrise donc par la nature de lÕentreÐdeux, de lÕintermdiaire, de la mdiation. LÕAmour est fils de pauvret et de richesse, il est manque, aspiration, lan vers ce quÕil ne possde pas ; il nÕest ni beau, ni bon, ni laid, ni mauvais ; ne serait-il pas le dmon de Socrate, mi-chemin des hommes et des dieux ? LÕAmour de la sagesse (philo-sophie) est
4
Marie-Christine Bordeaux, Elisabeth Caillet 5
Jean Caune, Le sens des pratiques culturelles : pour une thique de la mdiation, Presses universitaires de Grenoble, 1999
6
une mdiation, un milieu entre le savoir et lÕignorance. Aussi, la mtaphore de la mdiation comme division se retrouve dans la description potique et fantastique de lÕhumanit primitive prsente par le discours dÕAristophane.
@9*:"*A,'1"#"'(*1"*4-*#.1&-(&,'*>*4")*$-%&'")*1/*)B#C,4"D*1"*4-*#.#,&$"*"(*1/* 4-'<-<"*
Aristophane fait le rcit du mythe de lÕandrogyne qui fut puni en raison de son ambition de vouloir escalader le ciel pour combattre les dieux, punition qui consiste couper les hommes en deux Ç o chacun de nous comme une tessre dÕhospitalit cherche la moiti dont il est spar È7. La gense philosophique de la mdiation se retrouve dans le fondement ontologique de lÕme comme intermdiaire entre le sensible et lÕintelligible et entre lÕhomme et le monde. Dans le mythe dÕAristophane, racontant la naissance de lÕhumanit, nous pouvons saisir dans la mtaphore de lÕobjet symbolique (Ç tessre dÕhospitalit È) lÕorigine de la mdiation comme fondement symbolique par la ncessit de la mmoire, de la division, du partage et du langage. Nous pouvons faire rfrence aux trois caractristiques de la gense de la mdiation dcrites par Jean Caune :
- Ç Comme processus qui ouvre un sens latent par le biais du support sensible È, qui exige un travail dÕinterprtation de lÕÏuvre
- Ç Comme processus qui met en Ïuvre un savoir et une vision mobiliss par une production expressive È, qui exige un travail ducatif
- Ç Comme mise en relation dÕun auteur, dÕun sujet de langage et le support matriel quÕil utilise È, qui exige un travail de reconnaissance, de dialogue et de partage avec les publics
E9*F,/$*/'"*.(=&6/"*1"*4-*$"'%,'($"*
La fonction de la mdiation peut se dfinir par sa gense et son origine mythique comme Ç invention de sensÉ ct de la bibliothque, du conservatoire et de la salle de spectacle È8, mais aussi par son dsir de faire partager la beaut de lÕÏuvre et de sÕadapter Ç lÕhorizon dÕattente È du public. Ce concept dÕ Ç horizon dÕattente È9 est dvelopp par Jauss au sujet de la lecture et signifie que la rception dÕune Ïuvre nÕest pas un acte individuel relevant de la
7
Platon, Le Banquet, Flammarion, coll. GF n¡ 4, 2001 8
Elisabeth Caillet, Ç LÕambigut de la mdiation culturelle : entre savoir et prsence È, Publics et
Muses, n¡ 6, p. 53-70, 1994
9
pure subjectivit mais plutt le dvoilement Ç dÕun horizon, dÕune exprience esthtique intersubjective pralable qui fonde toute comprhension individuelle dÕun texte et lÕeffet quÕelle produit È. Dans ce questionnement sur les relations entre les productions artistiques et les publics, cet Ç horizon dÕattente È est le contexte de la rception des Ïuvres traduites par le travail de la mdiation, traduction offerte au rcepteur pour mieux saisir les contours des Ïuvres. Par exemple, la conception de lÕexposition au centre Beaubourg illustre lÕaffirmation de la rception esthtique en ralisant un espace ouvert lÕenvironnement du quotidien, au plaisir sensible et aux modalits des interactions dans ses rapports avec autrui tout en laborant un espace des pratiques culturelles diversifies associe un discours sur le refus de distinguer les arts nobles et les arts mineurs.
Cette reconnaissance de la rceptivit comme sens, orientation, signification et direction ouvre des perspectives comme matire sens, c'est--dire au travail concret de la mdiation qui consiste cultiver lÕaltrit par un dialogue entre les auteurs, les Ïuvres et les publics. Le sens dans les arts de la scne se construit par ce dialogue, cette interaction entre les signes de lÕÏuvre (mise en scne, chorgraphie, interprtation du texte) et entre les actes de comprhension et les ractions motionnelles du spectateur : Ç ce qui donne la mdiation culturelle une valeur opratoire, dans la production de relations sociales, est rechercher dans la mise en forme du sensible et dans les conditions de sa diffusion dans des espaces appropris et reconnus È10. C'est--dire quÕactuellement, en raison dÕune crise conomique, sociale et esthtique, il serait peut-tre possible de concilier la construction du sujet comme membre de collectivits multiples, travers des expriences et des activits culturelles reconnues dans leur aspiration et dans le respect de lÕautre afin de maintenir un vivre ensemble dans un projet politique culturel centr sur le sentiment dÕappartenance et la reconnaissance du citoyen. Cette dynamique entre les productions et lÕappropriation par les publics de leur langage expressif par lÕintermdiaire des actions culturelles exige une thique de la rencontre qui relie les sujets dans un veil autrui comme responsabilit collective et culturelle. Cette thique de la rencontre peut conduire la consolidation des actions culturelles comme mdiation entre les horizons dÕattente du public et la signification des Ïuvres comme lien social.
10
Jean Caune, Le sens des pratiques culturelles : pour une thique de la mdiation, Presses universitaires de Grenoble, 1999
G9*:"*5$,H"(*1"*4-*#.1&-(&,'*>*4-*$"%,''-&))-'%"*1"*4;-/($"
?9*:")*%$&(7$")*"))"'(&"4)*1"*4-*#.1&-(&,'*
Pour sortir provisoirement de la polysmie de la mdiation, nous pouvons dgager les lments essentiels de la mdiation en nous appuyant sur une citation de Michle Guillaume-Hofnung11 qui dfinit la mdiation comme un Ç processus de communication thique reposant sur la responsabilit et lÕautonomie des participants, dans lequel un tiers-impartial, indpendant, sans pouvoir de trancher ou de proposer avec la seule autorit que lui reconnaissent les mdieurs, favorise par des entretiens confidentiels lÕtablissement, le rtablissement du lien social, la prvention ou le rglement de la situation en cause È. Cette dfinition donne la double fonction de la mdiation, comme construction et reconstruction du lien social et comme gestion des conflits, des critres essentiels qui la diffrencient de la ngociation ou de la conciliation comme lÕintervention dÕun tiers, ayant des qualits de neutralit et dÕindpendance qui dlimitent sa position de tiers. Le processus de la mdiation repose donc sur lÕautonomie de la volont et la responsabilit des personnes concernes.
@9*:-*#.1&-(&,'*5-$*4;-/($"*
Nous retrouvons dans le terme de mdiation des valeurs philosophiques comme la conception de la personne o Ç en tant quÕesprit, lÕhomme nÕest pas immdiat mais essentiellement un tre qui retourne soi È12. Le mouvement de la mdiation consiste sortir de lÕimmdiatet, la nier et revenir soi. La mdiation Ç se retrouve dans la dialectique du matre et de lÕesclave È13 o la prise de conscience de soi, qui exige la mdiation de lÕautre, sÕeffectue dans le cadre dÕune relation dÕingalit o autrui ne me confirme quÕ travers la lutte des consciences. Cette notion de mdiation comme enjeu existentiel de vie, de mort et de dsir et comme acte de dpassement, de ngation et de reconnaissance de soi par lÕautre exige une thique de la mdiation pour viter dÕtre enferm dans une Ç totalit È au point de faire disparaitre lÕtre humain.
11
Michle Guillaume-Hofnung, La mdiation, Que sais-je, 1995 12
Friedrich Hegel, La Raison dans lÕHistoire (1822-1830), Points Essais, 2011 13
E9*F,/$*/'"*.(=&6/"*1"*4-*#.1&-(&,'*
Ç LÕhomme sÕhumanise par lÕintermdiaire du tiers dont lÕthique est forme par lÕestime de soi, la sollicitude pour autrui et des institutions justes È14. Ainsi la mdiation comme rapport lÕautre dessine lÕthique comme dimension intersubjective qui signifie toujours le fait de la rencontre avec lÕautre. Le fondement de la mdiation sÕtablit par la ncessit dÕune thique impliquant la reconnaissance mutuelle. Le tiers garantit lÕthique de la communication et de la responsabilit. Cette Ç thique de la mdiation È se fonde sur le langage comme acte de parole, de signification et dÕinterprtation, sur le dialogue comme mode de transmission et de partage, et sur la politique comme Ïuvre de dsir de justice sociale en crant un tissage de lien par la reconnaissance et la coexistence dÕune pluralit culturelle comme fondement du sentiment dÕappartenance, du lien social.
Aprs ce dtour et ce projet philosophique, nous pouvons revenir sur la notion de mdiation culturelle qui consiste servir dÕintermdiaire, tablir un dialogue entre le public et les Ïuvres mais qui Ç ne sÕinscrit pas seulement dans des pratiques et dans des Ïuvres : elle sÕinscrit aussi dans des logiques politiques et dans des logiques institutionnellesÉ la mdiation fonde dans le pass, le prsent et lÕavenir, les langages par lesquels les hommes peuvent penser leur vie sociale, peuvent imaginer leur devenir, peuvent donner leurs rves, leur dsirs et leurs ides, les formes et les logiques de la cration È15. Cette dfinition met lÕaccent sur la fonction idologique de la mdiation culturelle comme Ç projet politique de mise en commun des Ïuvres de lÕart et de la culture È16. Nous allons donc reconstituer la construction historique de la mdiation culturelle pour en dcouvrir le contexte.
* * *
14
Paul Ricoeur, Parcours de la reconnaissance, d. Stock, coll. Les Essais, Paris, 2004 15
Bernard Lamizet, La mdiation culturelle, LÕHarmattan, 2000 16
I9*I,'("J("*=&)(,$&6/"*1"*4-*'-&))-'%"*1"*4-*#.1&-(&,'*%/4(/$"44"*
Nous nÕallons pas explorer de manire gnrale les divers domaines de la mdiation mais juste donner une date de naissance sur le plan juridique qui institue par la loi la cration du mdiateur de la rpublique en 1973 o la mdiation prendra son envol dans diffrents domaines comme accompagnement des transformations sociales, politiques, professionnelles, environnementales avec une volont thique que nous avons vu prcdemment.
A ce titre, la mdiation comme accompagnement avec une volont thique peut se retrouver dans le champ culturel, en particulier dans lÕhistoire de la politique culturelle qui prend naissance en 1960 comme Ç mesure dÕaccompagnement ncessaire pour orienter et aider les transformations sociales È17, pour assurer une cohsion nationale et crer un ple dÕidentification collective. Nous nous appuyons sur lÕanalyse de Jean Caune pour situer lÕhistoire de la mdiation culturelle travers les trois qualifications de la politique culturelle qui rvlent Ç une conception du pouvoir politique comme producteur de sens et organisateur de sa propre reprsentation symbolique, une conception de son exercice comme domestication du temps et contrle du changement È18. Les trois qualificatifs dÕtat esthtique, dÕtat culturel et dÕtat sducteur sont utiliss par Jean Caune dans une rflexion critique sur le projet de dmocratisation culturelle mais pour nous, ils ne sont que des points de dpart qui seront mis en mouvement et enrichis par dÕautres points de vue au cours de leur dveloppement. Ils seront complts en particulier par le cadre de lÕvolution historique des modes de mdiation propos par Marie-Christine Bordeaux dans sa thse sur la mdiation culturelle dans les arts de la scne (p. 65).
?9*:-*6/K("*1;/'*&1.-4*1;/'"*%/4(/$"*5,/$*(,/)*>*4-*1.#,%$-(&)-(&,'*%/4(/$"44"*
La premire qualification de la politique culturelle selon Jean Caune est lÕtat esthtique, dans les annes 1960, qui favorise une rencontre de lÕart avec les publics. Cette politique culturelle est dÕabord fonde sur une conception de lÕart comme mdiation immdiate o le contact direct avec lÕÏuvre construit un lien symbolique entre les hommes, dÕo la notion de mdiation par contact. Cette mdiation par contact est guide par une esthtique de la rencontre dont le modle est lÕanimation culturelle comme mdiation pdagogique, mise en place dans des lieux culturels recherchant un largissement du public selon le principe de la
17
Jean Caune, La culture en action, Presses universitaires de Grenoble, 1999 18
dmocratisation culturelle et dans Ç une logique de lÕtat-providence ayant pour fin dÕassurer tous le mme accs aux biens culturels, et tendre aux artistes les bienfaits de la protection sociale È19. A cette poque, lÕidal de conqute dÕun largissement du public est surtout reprsent par la dcentralisation thtrale (thtre de Jean Vilar Avignon) et par une rupture idologique entre lÕducation, qui consiste apprendre connatre les Ïuvres, et la culture, qui consiste faire aimer les Ïuvres. Cette conception met lÕaccent sur la scission entre la connaissance et la culture, entre les universits et les maisons de la culture, entre le ministre de lÕducation nationale et le ministre des affaires culturelles dont la mission est de rendre prsentes la culture vivante et les grandes Ïuvres universelles.
La notion de mdiation comme intermdiaire entre le public et la culture se ralise par les actions culturelles menes par des animateurs qui cherchent dvelopper des pratiques artistiques sur le plan du loisir et du social en vue de transformer un privilge en un bien commun. Le mot animation remplace celui dÕducation ; on distingue lÕanimateur socio-culturel qui propose des ateliers dÕexpression alors que lÕanimateur socio-culturel part des Ïuvres pour proposer une sensibilisation, une diffusion de lÕart. Mais cette utopie sociale va se trouver confronter aux problmes des ingalits qui seront analyss par Bourdieu pour qui Ç la culture nÕest pas un privilge de nature mais quÕil faudrait et quÕil suffirait que tous possdent les moyens dÕen prendre possession pour quÕelle appartienne tous È20. La notion de mdiation comme animation culturelle se trouve prise en contradiction entre la conception de lÕart comme rencontre immdiate avec le public et la conception de trouver des modes de transmission comme intermdiaire entre le public et lÕÏuvre.
En 1955, Jeanne Laurent, sous- directrice des spectacles et de la musique du secrtariat dÕEtat aux Beaux-Arts de 1946 1952, propose un programme dÕaction pour une politique culturelle dans un essai sur Ç la rpublique et les beaux-arts È21. Elle voque lÕesprance dmocratique par lÕinitiative de la dcentralisation thtrale : Ç cÕest par le thtre quÕil faut commencer parce quÕil est lÕart collectif par excellence et le plus accessible tous È22. La revendication au droit la culture est propose en 1956 par Robert Brichet, haut fonctionnaire aux arts et aux lettres, dans lÕarticle Ç Pour un ministre des Arts È23. Il propose une politique culturelle fonde sur un dsir dÕducation la sensibilit artistique. Le projet dmocratique est de
19
Philippe Poirrier, 2010 20
Pierre Bourdieu, Alain Darbel, LÕamour de lÕart, Les Editions de Minuit, 1969 21
Jeanne Laurent, La rpublique et les beaux-arts, Paris : Julliard, 1955 22
Philippe Poirrier, La politique culturelle en dbat, La Documentation franaise, 2013 23
donner une place importante lÕenseignement artistique Ç pour fortifier le sentiment crateur de lÕenfant et apporter une formation lÕintelligence de lÕenfant, et, cette mission sera riche de consquences pour les adultes È. Aux prmisses de la politique culturelle se trouve lÕducation artistique dans les muses, dans lÕart vivant, qui peut mettre en valeur les objets dÕusage du quotidien ayant Ç des vertus ducatives È, ainsi que dans le cinma qui tient Ç une grande part dans lÕÏuvre de lÕducation de la nation È24.
La dmocratisation de la culture est lÕaxe central de la politique culturelle lÕinitiative dÕAndr Malraux. Celle-ci est dfinie par le dcret du 24 juillet 1959 attribuant la mission au ministre charg des affaires culturelles Ç de rendre accessible les Ïuvres capitales de lÕhumanitÉ au plus grand nombre È. Ç La philosophie de lÕtat esthtique È25 sÕappuie sur une conception universaliste de la hirarchie des valeurs culturelles, cÕest--dire une conception de la culture lgitime qui veut rduire les ingalits culturelles en crant des maisons de la culture ou encore le thtre national populaire (TNP), et en menant une politique de dcentralisation thtrale. La mission de lÕaction culturelle est de permettre une rencontre avec lÕart dans la volont politique de fonder un sentiment dÕappartenance. La culture est un moyen de rassemblement soutenue par une seule ide, Ç transformer le destin en conscience È (Malraux). DÕo lÕide de dmocratisation culturelle comme conception fonde sur lÕillusion du rayonnement des Ïuvres dÕart du pass comme hritage partager en suscitant une confrontation directe entre le pouvoir magique des Ïuvres et le public. Ainsi, la signification de la dmocratie se dfinit par la volont politique Ç de permettre au plus grand nombre de voir le plus large ventail des grandes Ïuvres È26. Dans ce projet de rencontre entre lÕart et la socit qui se fonde Ç sur la vertu de gnrosit È27, la construction des quipements culturels font la part belle aux salles de spectacles, comme les centres dÕanimation culturelle, ouvertes aussi dÕautres arts comme lÕart lyrique, la musique et le cinma (cin-club). En 1961 un centre de formation dÕanimateurs culturels et une cole dÕart dramatique sont crs Ç en vue de mettre un terme lÕalination de lÕindividu par rapport la culture du prsent et du pass ; transformer en un bien commun un privilge, cÕest le but des maisons de la culture È28. A cette poque se crent galement les jeunes compagnies
24
Philippe Poirrier, La politique culturelle en dbat, La Documentation franaise, 2013 25
Philippe Urfalino, LÕinvention de la politique culturelle, Paris, La documentation franaise, coll. Le Comit dÕhistoire du ministre de la culture, 1996
26
Malraux, Entretiens, 1952 27
Pierre Moinot, LÕaction thtrale, 1961 28
favorisant les animations localises gographiquement, les tournes classiques et culturelles, les thtres dÕessai et de recherche et le jeune thtre.
NÕayant pu atteindre le public populaire, ce vÏu de dmocratisation culturelle est devenu une utopie dmocratique en raison des impasses propres la culture lgitime. La culture lgitime, dfinie par Bourdieu dans La distinction. Critique sociale du jugement (1979), est vue comme Ç force sociale dans la socit hirarchise qui renvoie la distinction sociale de la culture È dont le lien entre les pratiques culturelles et les positions sociales des individus sÕorganise en fonction du capital conomique (revenu et patrimoine) et du capital culturel (diplme). La culture lgitime cre Ç un espace social structur par une hirarchie de gots et de pratiques constituant un espace de domination symbolique fond sur lÕintriorisation dÕun ordre de lgitimit des prfrences È29. Ce dterminisme culturel sÕappuie sur des pratiques didactiques comme lÕcole qui contribue la reproduction de cette lgitimit acadmique tout en ignorant lÕaltrit culturelle et en rejetant les autres aspects culturels sous lÕangle de la division sociale des classes dÕlites et des classes populaires.
De ce paradoxe de lÕaction culturelle, comme tension entre la dmocratisation culturelle et la dmocratie, la question se pose sur lÕvolution de la composition sociale du public des muses, des bibliothques, des thtres, des concerts et sur lÕadaptation de la politique culturelle qui consiste joindre Ç lÕart comme valeur symbolique reprsentant lÕidentit collective et sa dimension interactive comme transformation sociale È30. LÕenjeu de cette question est le devenir du projet culturel actuel, comme relation sociale face aux changements historiques, sociaux et techniques. Comment concilier la culture et la vie quotidienne ? Comment largir dÕautres groupes sociaux lÕappropriation des langages artistiques ? Comment crer une rencontre dynamique avec les Ïuvres ? Comment dvelopper la crativit et la sensibilit ? Ces questions exigent une attention particulire pour ne pas se laisser tromper par les prjugs du pass en rduisant Ç les gots des classes populaires au ralisme descriptif, la surcharge des traits et au mlodrame È. Ce sont des prcautions ncessaires prendre afin dÕviter des jugements de gots hirarchiss pour aller la rencontre dÕune Ç diversit des cultures populaires È. Le Ç pouvoir culturel esthtique È31 a donc une conception de lÕart comme mimsis o les objets artistiques donnent une reprsentation, un
29
Philippe Coulangeon, Sociologie des pratiques culturelles, d. La Dcouverte, 2010 30
Jean Caune, Le sens des pratiques culturelles : pour une thique de la mdiation, Presses universitaires de Grenoble, 1999
31
miroir et une imitation du rel et o lÕart est peru comme le reflet dÕune ralit suprieure qui se justifie par lui-mme. Par la suite, avec les contestations et la crise de 1968, nat le souci dÕaller la rencontre dÕune population concrte traverse par une crise dÕidentit et un dsir de changement, commence alors la priode de lÕtat culturel.
@9*:-*%/4(/$"*"'*#,/L"#"'(*
La seconde conception de la politique culturelle est lÕtat culturel32, ou tat partenaire33, travaillant en concertation avec les collectivits dans les annes 1970. Le partenariat avec lÕEtat se traduit par une territorialisation progressive de lÕaction culturelle qui sÕopre par la cration de lÕinstitution de fonds dÕinnovation culturelle (FIC) en 1971, par des chartes culturelles comme contrat dans les relations entre lÕEtat et les collectivits locales entre 1974 et 1979 et par la cration de la mission du dveloppement culturel (MDC). Les vnements de 1968 comme crise des idologies et comme transformation sociale et culturelle ont fait que lÕart nÕest plus reprsentation du monde mais devient une action sur le monde dont les pratiques artistiques sont des moyens de lutte contre les valeurs conservatrices. A ce moment se construit le modle de lÕanimateur culturel comme mdiateur entre lÕart et la population, et la culture se caractrise comme capacit dÕexpression personnelle ou Ç panouissement de la personne È.
Cela amne la conduite dÕune politique de dveloppement culturel ds le dbut des annes 1970, aprs lÕorage de 1968, qui prend en compte les effets du bouleversement social (concentration urbaine, migration des populations, sgrgation des classes et des gnrations, sparation entre le travail et le loisir, dveloppement du cadre de vie) en transformant la conception de lÕaction culturelle, considre non plus comme mdiation immdiate fonde sur lÕesthtique de la rencontre mais, comme le souligne Jean Caune, comme mdiation par lÕexpression ouverte la diversit culturelle sous la forme dÕune culture globale. Cette conception de lÕlargissement de la culture consiste Ç inventer une nouvelle forme de civilisation dans laquelle culture et croissance doivent tre rconcilies È34. On remarque une rupture avec la conception de lÕaction culturelle de Malraux par le projet de Jacques Duhamel qui considre que Ç la culture relve de lÕducation et de lÕinformation È et de la prise en compte du public qui se trouve exclu du champ culturel.
32
Jean Caune Ð Annexe 7 33
Marie-Christine Bordeaux Ð Annexe 8 34
La mission des actions culturelles joue un rle fondamental dans la pratique de la communication et de lÕchange social (naissance du thtre Forum mettant en dbat des sujets de socit) comme mdiateur, relais entre la population et lÕart. LÕenjeu principal est la transformation sociale et la ralisation dÕune utopie dmocratique souhaitant la rencontre de diverses classes sociales dans une dimension de cohrence en proposant Ç des moyens de se cultiver en pratiquant euxÐmmes ce monde qui est le leur È35. La culture devient un pralable toute action politique, conomique et sociale dont lÕidologie du militant consiste sÕadresser aux gens qui nÕont pas la parole et cultiver la diffrence en investissant les quartiers dans une priode de crise conomique et sociale (monte du chmage, inflation, crise du ptrole en 1973).
Au sein des tensions politiques et artistiques des annes 1970 se dveloppent des conceptions de lÕanimation culturelle comme dimension critique de la culture, par des expriences culturelles qui sollicitent une proximit avec les habitants, qui valorisent la dmarche artistique ainsi que le dveloppement des changes de paroles et dÕexpriences qui sont lÕorigine des crations comme pratiques sociales (par exemple Armand Gatti qui ralise un film sur les communauts immigres en 1975). Mais, les techniques de communication (reprsentation suivie de dbat, montage audiovisuel, exposition, atelier dÕexpression ou ralisation de mini-spectacle) au service de la diffusion des Ïuvres sont des formes de discours sur les objets artistiques qui ne tiennent pas compte des fonctions et des modalits de lÕÏuvre artistique. Pour cette raison, une nouvelle approche de la production artistique comme problme esthtique sÕest opre en fusionnant la cration et lÕanimation afin de rduire la sparation entre les contenus des crations et lÕexprience vcue du public dans le quotidien. Nous pouvons citer comme exemple la dmarche artistique du Thtre du Soleil, entre 1967 et 1975, qui tente de crer un dialogue entre les spectateurs et lÕÏuvre en choisissant des thmes qui concernent les proccupations actuelles de leur public (par exemple, avec le thme de la rvolution franaise qui appartient la mmoire collective, ils mnent des improvisations avec des habitants des Cvennes, comme cration collective) et en adoptant un langage gestuel (danse, styles de jeu comme la commedia dÕel arte) pouvant faire sens. Cette exprience thtrale prouve que la reprsentation, comme le thtre par exemple, peut jouer un rle de mdiation tout en prenant en compte son rapport au spectateur. Nous pouvons voquer ainsi la naissance de lÕidologie du mdiateur qui Ç trouve des tactiques de
35
familiarisation avec lÕart, de variation de contexte dÕoffre, de diversification des messages, de gradation des expriences. È
Malgr tout, vers la fin des annes 1970, lÕillusion de la dmocratisation culturelle et de lÕutopie dmocratique est abandonne au profit dÕune rencontre directe entre les crateurs et le public, affranchie Ç de lÕillusion dÕun grand rassemblement populaire dans les thtres È (Georges Lavaudant exaltant la cration artistique). A ce moment rgne Ç lÕidologie du crateur È dont Ç les moyens sont donns aux artistes sans se proccuper de la mdiation et des mdiateurs et faisant foi de la vocation et de lÕinspiration artistique È.
E
9*M'"*5,4&(&6/"*1"*4-*#.1&-(&,'*>*1"*4-*#.1&-(&)-(&,'*N*4;.1/%-(&A**
La troisime conception de la politique culturelle selon Jean Caune est lÕtat sducteur, ou tat culturel36, dans les annes 1980, avec une conception de Ç lÕart comme vertige È et une esthtique de la communication. A cette poque, une crise de la culture merge, ouvrant la voie des polmiques entre lÕanimation culturelle, qui se proccupe des conditions de rception de lÕart, et la cration artistique, ainsi quÕ des oppositions entre le culturel et le socioculturel, lÕÏuvre et lÕexpression. La politique culturelle sÕest donc prsente comme lÕoutil spectaculaire du politique dont lÕidologie du crateur domine au dtriment de lÕengagement collectif. Par exemple, Jack Lang a privilgi les crateurs la direction des tablissements culturels en faisant le pari que lÕartiste et sa production suffisent construire la mdiation entre lÕobjet dÕart et le public.
En 1981, le projet de la politique culturelle se prsente comme Ç une reconstruction culturelle È dont le dcret du 10 mai 1982 confirme le dveloppement culturel en permettant Ç tous les franais de cultiver leur capacit dÕinventer, de crer, dÕexprimer leur talent et de recevoir une formation artistique ; de prserver le patrimoine culturel pour le bnfice de la collectivit È. Ce dveloppement culturel sÕappuie sur les industries culturelles (livre, cinma, disque, tlvision) qui jouent un rle de plus en plus important dans la production et la diffusion des biens culturels qui deviennent des objets de consommation et de communication. A partir de cette constatation, Jean Caune dfinit cette priode comme une mdiatisation de lÕart prise dans un paradoxe entre la conception dÕune culture comme mdiation et en mme temps comme mdiatique, entre la mission culturelle comme transformation sociale mais aussi soumise lÕesprit dÕentreprise, et entre lÕappropriation de
36
lÕart et la ncessit de suivre les progrs des industries culturelles. De ces paradoxes, lÕtat culturel dveloppe une stratgie de marketing oriente vers des publics cibls partir de manifestations comme la fte de la musique, la Ç Rue vers lÕart È ou encore Ç la Fureur de lire È. La crainte de dprissement de lÕaction culturelle exprime par Jean Caune porte sur cette logique conomique et mdiatique (la mdiatisation est une condition de la dmocratie) qui peut se substituer une logique de mdiation et une logique de sens et de parole.
Dans les annes 1990, qui est lÕpoque de lÕtat partenaire37, en raison de la Ç mise en sommeil des discours politiques sur la culture È38 et de la crise, le thme de la mdiation prend de lÕimportance, au moment o la fracture sociale et le repli sur soi sont de plus en plus importants. Face la rupture des liens sociaux, la mdiation culturelle prend son sens comme Ç recherche des espaces de parole qui favorisent le contact et le dialogue È. Par exemple, la loi du 29 juillet 1998 sur la lutte contre les exclusions prvoit Ç lÕgal accs de tous, tout au long de la vie, la culture, la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs È. Cette priode a aussi pour trait dominant la complexit des formes artistiques contemporaines, caractrises par Ç lÕart comme systme de signes È (danse contemporaine, arts plastique, arts visuels), qui exige une mdiation ducative reprsente par des politiques dÕducation artistique et dÕaction culturelle. Marie-Christine Bordeaux39 dfinit cette priode par Ç lÕessor inattendu de la mdiation ducative, fonde sur lÕinitiation aux langages et aux codes È.
La mdiation, dans sa double fonction de lien social et de traduction du langage complexe des arts contemporains, Ç nous oblige mieux cerner sa signification È40. Cerner le sens de la mdiation culturelle est un enjeu fondamental pour mieux servir les missions et les actions culturelles des structures recevant des compagnies thtrales et des compagnies chorgraphiques. Ces structures sÕadressent autant des publics quÕ des Ç non publics È, au public scolaire et au public en difficult, avec des actions pdagogiques permettant de sensibiliser ces publics lÕapproche des Ïuvres artistiques par la pratique dÕateliers, dÕanimation, de formation, en relation avec le milieu scolaire et ducatif41. La notion de non public, apparue en 1968, se retrouve dans la charte de la mission du service public pour le
37
Marie-Christine Bordeaux 38
Jean Caune, La dmocratisation culturelle, Presses universitaires de Grenoble, 2006 39
Marie-Christine Bordeaux, Ç Education artistique et enseignement musical : rappel historique et repre conceptuel È, 6 janvier 2004
40
Jean Caune, Le sens des pratiques culturelles : pour une thique de la mdiation, Presses universitaires de Grenoble, 1999
41
Dfinition donne par Marie-Christine Bordeaux dans sa thse, La mdiation culturelle dans les arts
spectacle vivant du ministre Trautmann comme Ç cette partie largement majoritaire de la population qui nÕa pas pour habitude la frquentation volontaire des Ïuvres dÕart. Ceux qui nÕont encore aucun accs, ni aucune chance dÕaccder au phnomne culturel È. La charte du 22 octobre 1998 met lÕaccent sur lÕaccompagnement ducatif avec la prsentation des fondements de lÕintervention publique en matire culturelle et lÕengagement de lÕEtat en faveur de lÕart et de la culture selon la conception dmocratique. Les missions relever dans cette charte consistent :
- Favoriser lÕaccs de tous aux Ïuvres dÕart comme aux pratiques culturelles.
- Nourrir le dbat collectif et la vie sociale en mettant lÕaccent sur le sens dÕune prsence forte de la cration artistique et en reconnaissant aux artistes la libert la plus totale dans leur travail de cration et de diffusion
- Garantir la plus grande libert de chaque citoyen dans le choix de ses pratiques culturelles Nous retrouvons dans ces missions quelques empreintes du pass en voquant la dmocratisation culturelle par lÕaccs de tous aux Ïuvres artistiques et la conception de lÕart comme action et change social. LÕaccent est aussi mis sur lÕaccompagnement ducatif des Ïuvres par la sensibilisation et lÕinitiation, tout en gardant une dimension rcrative par le choix dÕune pratique culturelle (loisirs) et une reconnaissance de citoyennet. Cette approche pdagogique est proche des pratiques de mdiation faites dans les muses et les expositions : diffusion de savoirs, relations avec le monde scolaire, animation dÕateliers, animation de formation. Plus prcisment la loi du 4 janvier 2002 relative aux muses de France nonce la reconnaissance institutionnelle de la mdiation par lÕarticle 7 : Ç Chaque muse de France dispose dÕun service ayant en charge les actions dÕaccueil des publics, de diffusion, dÕanimation et de mdiation culturelle È alors que dans le champ du spectacle vivant, souvent, cette dimension de mdiation culturelle est peu mise en Ïuvre.
LÕenjeu de ma dmarche au sein de la structure de la Rampe est de permettre une mergence dÕun projet de mdiation culturelle en sÕappuyant sur les pratiques actuelles comme le spectacle pour les enfants.
En considrant lÕvolution de la construction historique, nous pouvons rsumer la dimension plurielle de la mdiation culturelle comme processus de relation lÕart, comme action culturelle de la dmocratisation culturelle des annes 1960 et comme animation culturelle en raison des bouleversements sociaux et culturels des annes 1970. La mdiation culturelle
disparait du discours des politiques culturelles dans les annes 1980 en raison du dveloppement des mdiatisations. Mais, dans les annes 1990, elle revient en dominant plusieurs champs, tout en ayant, dans le domaine culturel, une dimension dÕaccompagnement ducatif qui peut se dfinir, selon Jean Caune, Ç comme un instrument dÕaction, de pense qui relie travail, action politique et cration artistique È. Ce travail de rencontre entre lÕÏuvre et les publics, dans un dsir de proximit et de transmission, nÕest-il pas le fondement de la culture o Ç la question de lÕaccs la culture est lÕorigine de la mdiation È42 ?
La mdiation culturelle trouve son unit, son sens dans le dveloppement de la personne au sein de la socit en ayant des valeurs de transmission, de partage, de reconnaissance et dÕaltrit. CÕest une zone de passage entre lÕÏuvre et le spectateur, le singulier et le collectif, dans le but de crer une dimension participative Ç lÕesthtique de la relation È43 et une thique de la mdiation par un engagement social et un devoir dÕducation.
La mdiation culturelle se construit dans le temps prsent en sÕouvrant aux autres par sa dimension de contact, son aptitude aux gots des autres et par son dsir de lien. Elle sÕadapte diffrents contextes tout en dvoilant lÕexprience vcue et le dsir de lÕart comme lÕart de la vie. 42 Elisabeth Caillet, 1995 43 Jean Caune
00*O*:-*!-#5"*>*.4.#"'()*1"*5$.)"'(-(&,'*
89*F$.)"'(-(&,'*<.'.$-4"*1"*:-*!-#5"*
?9*F"(&(*$-55"4*=&)(,$&6/"*
La Rampe, dont le nom est aussi associ La Ponatire qui est une salle annexe et plus petite, est une salle de spectacle publique de 740 places finance par la ville dÕchirolles. La Rampe Ç est subventionne par le Conseil gnral de lÕIsre, la Rgion Rhne-Alpes et la DRAC Rhne-Alpes. Elle est scne rgionale Rhne-Alpes et scne conventionne danse et musiques È44. La Rampe a t cre en 1989 et a eu trois directeurs qui se sont succds : Bernard Merlino de 1989 2001, Eliane Baracetti de 2001 2008 et enfin Jacky Rocher depuis 2008. Comme lÕa prcis Jacky Rocher lors de notre entretien45, la cration de La Rampe, qui au dpart nÕtait quÕune salle des ftes, Ç tait vraiment une volont du maire dÕEchirolles de lÕpoque, Gilbert Biessy, et fortement pense en ce sens l par Claude Bertrand qui tait adjoint la culture et qui tait en mme temps vice prsident du Conseil Gnral et en charge de la culture. Ils ont vraiment souhaits quÕil y ait un lieu culturel ici Echirolles È. La cration de ce nouveau lieu culturel quÕest La Rampe a permis de dclencher une nouvelle orientation artistique Echirolles, avec pour objectif de prsenter une programmation comptente, de qualit, et de consacrer dsormais ce lieu lÕart du spectacle vivant : Ç ds le dbut, avec le premier directeur qui tait nomm, Bernard Merlino, a a t une volont quÕil y ait vraiment des spectacles dÕenvergure, de qualit, ici La Rampe. Donc cÕtait une volont politique, une volont dÕun lu et dj un projet artistique È.
CÕest au 1er janvier 2008 que La Rampe devient une Ç rgie autonome personnalise compose dÕun conseil dÕadministration dÕune dizaine de membres (lus de la Ville dÕchirolles et socit civile) dont le Prsident est Monsieur Mostefa Nasra. Ainsi, la RPAC (Rgie de Programmation Artistique et Culturelle) runit aujourdÕhui sous une seule et mme direction les deux entits des salles de spectacle de La Rampe et de La Ponatire avec une programmation spectacle vivant commune. La Ponatire, configuration plus intimiste, vient en complmentarit de La Rampe avec ses 198 places assises È46.
44
www.larampe-echirolles.fr
45
Annexe 2 Ð Entretien avec Jacky Rocher 46
@9*M'"*)($/%(/$"*"'*$.)"-/*
La Rampe fait partie des 37 scnes labellises Ç Scnes Rhne-Alpes È qui Ç sÕengagent dvelopper lÕemploi, la formation, la production, ainsi que lÕaccueil dÕartistes en rsidence È47. Ce label du spectacle vivant, cr en 1999, a pour objectif dÕencourager la cration contemporaine, comme le souligne Jean-Jack Queyranne, Prsident de la rgion Rhne-Alpes, dans un communiqu de presse dat du 3 avril 2012 : Ç Le dispositif de Scne Rhne-Alpes est un axe majeur de la politique que nous menons en matire de soutien la cration, dans le domaine du spectacle vivant È.
La Rampe propose ainsi des spectacles originaux, comme de lÕhumour musical, des spectacles classiques, comme les orchestres, des spectacles plus contemporains comme la danse ou encore des spectacles en extrieur comme les arts de rue et les arts du cirque. Selon Jacky Rocher, ce label a avant tout pour mission dÕ Ç identifier des lieux qui rpondent des missions de service public, des missions dÕouverture au plus grand nombre, dÕaccessibilit aux Ïuvres, dÕaccompagnement et de mdiation culturelle paralllement aux Ïuvres et de rayonnement sur un territoire È.
La Rampe fait galement partie du Groupe des 20 (qui sont en ralit 23 actuellement) qui est une association de thtres de ville en Rhne-Alpes dont lÕobjectif est de faciliter lÕapparition de nouvelles compagnies rgionales, toujours dans le but de favoriser la cration. La rgion Rhne-Alpes et le ministre de la culture soutiennent dÕailleurs cette association et ses 23 thtres ou salles de spectacles qui ont plusieurs missions et qui Ç constituent un rseau homogne reprsentatif de la dcentralisation du thtre public franais : inscription dans un territoire avec une activit de diffusion pluridisciplinaire, soutien la cration des quipes rgionales, travail avec les publics pour un largissement de lÕaudience et pour promouvoir la dmocratisation culturelle, en lien avec les quipes artistiques associes È48. Jacky Rocher dfinit le Groupe des 20 comme Ç une association de directions, cÕest--dire de directrices et directeurs de thtre qui se sont coopts sur des valeurs communes, des engagements communs, des dispositifs communs È.
Cette association de directeurs et directrices de thtres en Rhne-Alpes est assez stricte sur ses conditions dÕadhsion. En effet, Ç pour rentrer au Groupe des 20 il y a certain nombre de critres objectifs, subjectifs, de qualit, dÕenvergure, de rayonnement de territoire, de partage
47
www.larampe-echirolles.fr
48
des valeurs et des actions qui sont un peu les mmes donc des missions de service public. Ce sont tous des thtres publics, des scnes publiques ou thtres de ville qui doivent avoir un budget significatif, une action de programmation et une action de mdiation et dÕaccompagnement. Il faut quÕil y ait aussi des prises de risque en terme artistique et une volont de travailler en rseau puisque le Groupe des 20 avant tout forme un rseau de spectacles vivants, un rseau qui amne aussi des diffusions artistiques qui vont tourner et tre diffuses sur une rgion È. Ce rseau trs important permet donc La Rampe dÕaffirmer son statut de scne publique de qualit et accessible tous mais aussi dÕavoir un rayonnement positif dans toute la rgion Rhne-Alpes grce une programmation pense en commun.
E9*M'*5/C4&%*A&174"*
Le public de La Rampe est un public scolaire local mais aussi un public dÕadultes aviss. En effet, La Rampe a russi au fil des ans fidliser son public en crant un systme dÕabonnement lÕanne. Ce public dÕabonns peut choisir les spectacles quÕil souhaite voir tout au long de lÕanne grce plusieurs formules dÕabonnements. Comme lÕa voqu Christine Hastoy49, charge du secteur ducatif La Rampe, ce public dÕadultes est en gnral bien inform sur la programmation du spectacle vivant dans la rgion, bien implant dans le milieu de la culture et fait partie dÕune catgorie sociale leve : Ç cÕest vraiment le public qui a lÕhabitude de sortir au spectacle, ce sont des gens qui ont des loisirs, qui se cultivent È. CÕest dÕailleurs ce public qui participe aux avant-propos ainsi quÕaux rencontres organises avec les artistes aprs la reprsentation dans la pice prvue cet effet ou mme parfois dans la salle de spectacle.
La Rampe cherche crer une relation avec son public, fidle ou non, afin que ce soit La Rampe qui sÕadapte son public et non pas lÕinverse : Ç La politique culturelle passe par un service de qualit, rpondre aux attentes du public et les comprendre : qui il est, est-ce que cÕest du pur divertissement quÕil recherche, est-ce que sont des choses un peu pointues etc., pouvoir aussi le guider sur ses choix et aprs faciliter tout ce qui est rservation, accueil, et ventuellement organiser une rencontre avec les artistes È. Ce public a donc un rle essentiel dans le fonctionnement et lÕorganisation de La Rampe.
49
G9*:")*#&))&,')*1"*:-*!-#5"*
?9*:;,$(-'%"*1")*$"4-&)*>*5,/$*/'*-%%,#5-<'"#"'(*"AA&%-%"*
LÕune des principales missions de La Rampe est dÕentretenir des relations troites avec les relais. Par Ç relais È on entend toutes les structures avec lesquelles La Rampe sÕassocie pour aller chercher un public non initi, comme les publics scolaires ou encore les publics des centres sociaux. On peut voir ici encore lÕimportance de lÕtendue du rseau entretenu par La Rampe dans le but dÕaccrotre une certaine mixit des publics. En effet, les chargs des relations publiques ne peuvent pas aller Ç chercher le spectateur potentiel dans la rue È, comme le souligne Christine Hastoy, Ç il faut quÕil soit emmen par quelquÕun en qui il a confiance. Cela veut dire que cette personne relais il faut quÕelle soit motive pour aller au spectacle donc si la relation entre la charge des relations publiques et la personne relais rame et est poussive, tu peux tre sr quÕil y aura deux personnes dans la salle È.
CÕest donc par ces relations avec des personnes relais travaillant dans des structures telles que les centres sociaux, les tablissements scolaires ou encore les centres de loisir que sÕorganisent et que sÕeffectuent la venue dÕun public autre que celui des abonns. Par exemple, le public scolaire ne viendrait pas La Rampe sans le travail en amont effectu par Christine Hastoy et les enseignants et animateurs qui sont les personnes relais et sans qui rien ne se ferait : Ç Hormis les gens qui sont tombs dedans quand ils taient petits ou qui font partie dÕune catgorie sociale leve, tous les autres ont besoin dÕun relais, dÕun accompagnement È50.
@9*P-$6/"$*),'*("$$&(,&$"*
Une seconde mission de La Rampe est Ç dÕavoir un angle dÕattaque sur des champs artistiques plus marqus que sont la danse et les musiques È51. En effet, comme nous lÕavons rapport plus haut, La Rampe est une scne conventionne danse et musiques. Comme lÕa soulign Christine Hastoy lors de notre entretien, le terme Ç musiques È est au pluriel car il y a un panel de diffrents spectacles regroups sous ce mme mot : humour musical, orchestres, musique classique, musique actuelle, musique du monde, chant lyrique etc. Quant la danse, les propositions sont plus Ç avant-gardistes È mais le panel danse est moins rempli que le panel musiques.
50
Christine Hastoy Ð Annexe 1 51