JournalEuropéendesUrgencesetdeRéanimation(2020)32,47—50
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CAS
CLINIQUE
Encéphalite
post-rougeoleuse
Post-measles
encephalitis
D.
Ali
a,
A.
Detroz
a,
Y.
Gorur
d,∗,
L.
Andriollo
c,
B.
Cardos
∗,baServicesdesurgences,CHCSaint-Joseph,rueHesbaye75,4000Liège,Belgique bDépartementdessciencesdelasantépublique,universitédeLiège,Liège,Belgique cARAirPur,ruedesNations-Unies1,4100Seraing,Belgique
dServicederadiologie,CHUSartilmant-Liège,avenuedel’Hôpital1,4000Liège,Belgique
Rec¸ule23aoˆut2019 ;acceptéle20f´evrier2020 DisponiblesurInternetle27mars2020
MOTSCLÉS Rougeole; Encéphaliteaiguë; Imageriepar résonance magnétique
Résumé L’encéphaliteaiguëpost-rougeoleuseestunepathologiedusystèmenerveuxcentral (SNC). Elle estplus fréquente chez les enfants mais peutêtre aussidécrite chez l’adulte. L’évaluationcliniquereposesurlaprésencedesignesd’infectionoudevaccinationrécente. Un scanner cérébralnormaln’exclut pasla maladie etla résonancemagnétique cérébrale (RMN)peut aiderpour lediagnosticmaiselle n’estpas obligatoire.Nous rapportons lecas d’uneencéphaliteaiguëinduiteparlarougeolechezunadulteimmunocompétentde40ans.La patientes’estprésentéeauxurgencesaucoursdelasemainesuivantl’apparitiondesymptômes respiratoiresetd’éruptionscutanées.Elleaétéadmiseàl’hôpitalsuiteàl’altérationdeson étatdeconscience.Uneanalysedesangarévéléunehyperleucocytose,unethrombopénieet unecytolyse.Laponctionlombaireétaitcompatibleavecuneméningiteaiguëetellead’abord ététraitéeavecdesantibiotiquesetantivirauxàlargespectre.Lediagnosticderougeoleaété établiparsérologieetparPCR.
©2020ElsevierMassonSAS.Tousdroitsr´eserv´es.
KEYWORDS
Measles;
Acuteencephalitis;
Magneticresonance
imaging
Summary Post-measlesencephalitisisapathologyofthecentralnervoussystemCNS.Itis morecommoninchildrenbutcanalsobedescribedinadults.Clinicalevaluationshouldbebased onthepresenceofsignsofinfectionorrecentvaccination.Anormalbrainscandoesnotexclude thediseaseandmagneticresonance(NMR)canhelpforthediagnosisbutitisnotmandatory. Wereportthecaseofacuteencephalitisinducedbymeaslesinanimmunocompetent
∗Auteurcorrespondant.Départementdessciencesdelasantépublique,universitédeLiège,Liège,Belgique.
Adresses e-mail : deeba.ali88@gmail.com (D. Ali), arnaud.detroz@chc.be (A. Detroz), y.gorur@hotmail.com (Y. Gorur), lena.andriollo@gmail.com(L.Andriollo),benoit.cardos@uliege.be(B.Cardos).
https://doi.org/10.1016/j.jeurea.2020.02.005
48 D.Alietal.
adultof40years.The patientpresentedduringtheweekfollowingtheonsetofrespiratory symptomsandrash. Shewas admittedto thehospital followingthe alteration ofherstate ofconsciousness.Bloodtest revealedleukocytosis,thrombocytopeniaandcytolysis.Lumbar puncture was compatiblewith acute meningitisand was first treated with broad-spectrum antibioticsandantivirals.SerologyandPCRformeasleshavebecomepositiveagain.
©2020ElsevierMassonSAS.Allrightsreserved.
Introduction
La rougeole est l’une des maladies infectieuses les plus
contagieuses quipeut être évitéegrâce à la vaccination.
Elle est responsable decomplications graves respiratoires
etneurologiques.L’éliminationdelarougeoleenEuropeest
unobjectifdesantépubliqueurgent.Malgréleseffortsdes
Étatsmembres,deslacunes danslavaccinationpersistent
etdesépidémiesseproduisent.Dansl’espaceéconomique
européen(EEE),ilyaeu1818casderougeoledu1erjuillet
2015au30juin2016,dont309signalésenAllemagne,pays
oùlavaccinationn’estpasobligatoire[1].
L’encéphalitepost-rougeoleuse estunemaladiedu sys-tème nerveux central. Elle survient quelques jours après l’apparition du rash cutané. Elle est plus fréquente chez l’enfantquechezl’adulte.Lediagnostic doitêtre affirmé parunesérologieouPCR.Desaméliorationscliniques,suite àl’administrationdecorticostéroïdesparvoieintraveineuse oud’immunoglobulines,ontétérapportéesmaisla morbi-mortalitérestesignificative.
Cas
clinique
Une patiente de 40 ans, sans antécédent particulier, est
admise aux urgences pour des troubles de la conscience
etdestroubles delamarcheévoluantdepuiscejour.Une
semaineauparavant,lapatienteauraiteudelafièvre,des
céphalées,unencombrementnasaletuneéruptioncutanée
surtoutlecorps.Cette éruptionàdébutrétro-auriculaire
s’estensuiteétenduesurlafaceetletronc.Elles’est
asso-ciéeàunetouxetuneconjonctivite.
Àl’admission, lapatiente est incapablede parler, elle
estsomnolente.Onnotequesonfilsarécemmentété
hos-pitalisépourunepneumopathieavecuneéruptioncutanée
et une fièvre et que sa petite-fille a également fait une
éruptioncutanée fébrile.Deplus, lapatienten’a pasété
vaccinéecontrelarougeoleetn’apaseuderougeoledurant
l’enfance.
Lorsdesonadmission,onobjectiveunedésorientation
temporospatiale, une altération del’état de vigilance un
syndromecérébelleux,unehypotoniegénéralisée,une
abo-litiondesréflexesrotuliensmaisdesréflexesvifsauniveau
desmembressupérieurs.Lerestedel’examencliniqueest
sansparticularitéetlesparamètressontdans lesnormes.
Latempératurecorporelleestde39,1◦C.
La biologie sanguine révèle une hyperleucocytose à
11600GB/mm3àprédominancelymphocytaireavecun
syn-dromeinflammatoire(CRPà215mg/L),unecytolyse(TGO
à 76 U/L et TGP à 99 U/L), les LDH à 1048 U/L et une
hypoplaquettoseà78000plaquettes/mm3.
Latomodensitométriecérébraleestnormale. L’analyse
duliquidecéphalorachidienmontreuneleucorachieà
pré-dominance neutrophilique (12 680 leucocytes/mm3 dont
80%deneutrophiles),desglobulesrouges (480parmm3),
une hyperprotéinorachie (1,4g/L) etune glycorachie
nor-male.
Devant ce tableau d’encéphalopathie, un traitement
antiviraletantibiotiqueestinitiéavecdel’acyclovir,dela
ceftriaxoneetdel’ampicilline.
La patiente est ensuite hospitalisée en unité de soins
intensifs.
Suite aux examens complémentaires réalisés en cours
d’hospitalisation,nousretenonslesfaitssuivants:
• lediagnosticauraitdûêtrecomplétéparuneIRM
céré-brale mais la patiente étant porteuse d’un implant
(cochléaire),cetexamenn’apaspuêtreréalisé;
• dansleLCR,larecherchedebandeoligoclonaleetlesPCR
(PolymeraseChainReaction)viralesvirusherpèssimplex
virus (HSV),varicelle zonavirus (VZV), cytomégalovirus
(CMV),adénovirus,entérovirusetEpsteinBarrvirus(EBV)
reviennentnégatives;
• les sérologies infectieuses rubéole, borréliose, la
listé-riose, le CMV, l’herpès, le VZV et EBV sont également
négatives;
• lasérologiedelarougeoleainsiquelaPCRsur
écouvillon-nagenasopharyngésontpositives.
Cesdifférentsexamens combinés àla présentation
cli-nique ont permis de poser le diagnostic d’encéphalite
survenueaudécoursd’uneinfectionàrougeole.
L’acycloviretlesantibiotiquesontétéarrêtéset
rempla-cés parune corticothérapie àhaute dose (30mg/kg/jour)
durantcinqjoursetparuntraitementparribavirineà
rai-son de 600 milligrammes deux fois par jour durant deux
semaines.UntraitementparvitamineA(20000UIparjour)
estégalementinstauré.
Après deuxsemaines detraitement (un programmede
rééducation intensive etdes soins de support) l’évolution
aétérapidementfavorable:l’examenneurologiquedela
Encéphalitepost-rougeoleuse 49
Discussion
La rougeole est une pathologie virale hautement
conta-gieuse et l’une des plus grandes causes de morbidité et
demortalité danslemonde. Ellepeutêtreresponsablede
complicationsgravesrespiratoiresetneurologiques.
La transmission de maladies infectieuses pourrait être
réduite en atteignant et en maintenant un niveau élevé
de couverture vaccinale (CV). L’OMS a fixé des objectifs
spécifiquespourle contrôle,l’éliminationoul’éradication
de différentes maladies infectieuses (rougeole et
polio-myélite), qui sont mis à jour périodiquement. Le vaccin
représente l’un des outils les plus importants de la
pré-vention primaire. Pourtant, il n’est pas systématique.Le
manqued’informations etlesfaussesnouvellessontparmi
les principauxfacteurs contribuant à lafaible couverture
vaccinale.Lescampagnesanti-vaccination onteneffeteu
unimpactnéfastesurl’acceptationduvaccin.
Les encéphalites sont les complications neurologiques
les plus fréquentes de l’infection par le virus de la
rou-geole.Ellessont detroistypes:l’encéphalomyéliteaiguë
disséminée(ADEM)égalementappeléel’encéphaliteaiguë
post-rougeoleuse,lapanencéphalitesubaiguësclérosanteet
l’encéphalitecorporelleàinclusion[1,2].
Schématiquement on oppose : l’encéphalite aiguë aux formes retardées que sont l’encéphalite à inclusions de l’immunodéprimé(apparaissantquelquessemainesaprèsla rougeole); et la panencéphalitesubaiguë sclérosante (qui survientdesannéesaprèsunerougeolebanalechezunsujet sansantécédentparticulier).
Iciils’agitd’uncasd’encéphalite aiguëdanslessuites d’uneinfectionparlarougeolechezunadulte immunocom-pétent.
Le cadre est celui des Acute Disseminated Encepha-lomyelitis (ADEM), même si dans le cas présenté, l’IRM n’apasétéréalisée.Ils’agitd’unemaladieinflammatoire démyélinisanteduSNCpotentiellementgrave.Elles’installe typiquementdanslessuitesd’uneinfectionoud’une vac-cination.Elle survient dans undélaide3 à10jours après le rash cutané [2,3]. L’incidence des ADEM associées à l’infectionparlarougeoleestsupérieureàcelledesADEM associéesàlavaccinationantirougeoleusevivante.Dansle premiercas,ellesurvientdansuncassur1000alorsquedans lesecond,elleneseproduitquedansuncassur1000000.La vaccinationanettementréduitl’apparitiondelarougeole danslespaysdéveloppés.
Parmi les autres causes infectieuses responsables de l’ADEM,lescausesviralesrestentlesplusfréquentes(virus de la rubéole, de la varicelle, le cytomégalovirus, le virus Herpes simplex etc.) Certaines bactéries sont aussi impliquées (Campylobacter, Chlamydia, Legionella). Des étiologiesparasitaires(Plasmodium,Toxoplasma)sont éga-lementconnues[4].
L’ADEM estunepathologieauto-immune,lemécanisme invoquéestceluidumimétismemoléculaire,lié probable-mentàl’homologiedestructureentreuncomposantduvirus etuncomposantdelamyéline.
Le début est brutal ou rapidement progressif avec un tableauassociantdelafièvre,desconvulsions,destroubles delaconscience,descéphalées,unsyndromecérébelleux, dessignespyramidauxouuneatteintemédullaire.
Labiologiesanguineestgénéralementsansparticularité, àl’exceptiond’unehyperleucocytose etd’une majoration delaCRPdansdeuxtiersdescas.
L’étude du liquide céphalorachidien (LCR) montre une pléiocytose et une hyperprotéinorachie avec une gly-corachie normale. La tomodensitométrie crânienne est habituellementnormale.
La RMN est l’examen de choix qui permet de mettre enévidencedeslésionsapparaissantenhypersignalsurles séquencespondéréesenT2 etFlair.Leslésionssont typi-quementmultiplesetdisséminéesprédominantesauniveau delasubstanceblanche[5,6].
Dansnotrecas,lediagnosticderougeoleaétésuspecté surla basedes présentationscliniques (fièvre etéruption cutanéeunesemaineavantl’admissionàl’hôpital, conjonc-tiviteetantécédentsdecontactavecunpatientprésentant unepossiblepneumopathierougeoleuse)etaétéconfirmé paruntestsérologique(dontlasensibilitéetlaspécificité sontsupérieuresà90%)etparunePCRd’unprélèvement degorge,tousdeuxpositifs.
Ilest important deconsidérer les diagnostics différen-tiels,surtoutenraisondufaitqueletraitement classique del’ADEM(corticothérapieàhautedose),nedoitpasêtre indumentprescrit.
Laprioritéestd’écarteruneinfectionduSNCenréalisant uneponctionlombaireetensuitededébuteruntraitement anti-infectieuxempirique.
Parmi les diagnostics différentiels, nous trouvons les autres maladies inflammatoires démyélinisantes du SNC, tellesquelascléroseenplaque,lesleucoencéphalopathies induites par des maladies systémiques (neurosarcoïdose, lupus)[7].
Enplus dela rééducationet dutraitement symptoma-tique,l’administrationdevitamineAréduitlamortalitéet l’apparitiondexérophtalmied’environ50%.
Lerôledesstéroïdesdanslagestiondel’encéphalite rou-geoleuseestdiscutable.Quelquesétudesontrévélécertains avantagesàl’administrationdestéroïdeschezlespatients atteints d’encéphalite post-rougeoleuse. Fox a décrit les résultats obtenus chez 15 patients atteints d’encéphalite post-rougeoleuse avec de bons résultats. Mais il n’existe pas à l’heure actuelle d’étude randomisée ayant évalué le traitement optimal de l’ADEM, sa dose et sa durée. Letraitement restedonc empirique, basé principalement sur l’utilisation de corticoïdes à hautes doses (30mg/kg parvoieintraveineuse pendant trois àcinq jours). Encas derésistanceoudecontre-indicationàlacorticothérapie, lesimmunoglobulinesintraveineusessontletraitementde secondeintentionauxdosesde0,4g/kg/jour.Entroisième lignedetraitement,leséchangesplasmatiquespeuventêtre discutésdanslesformesd’ADEMréfractairesauxcorticoïdes etauximmunoglobulines. Letraitement antiviral est par-foisutilisédanslesformessévèresderougeole,notamment chezlesimmunodéprimés,maisleurefficacitéestincertaine
[5—7].
L’évolutiondelamaladieestimprévisible:ellepeutêtre favorableenquelquesjoursàsemaines.Lamortalitéestde 10 à 25 % des cas etles séquelles neurologiques sont de l’ordre de15 à 40 %. Ces séquellessont en outre parfois lourdes:surdité,cécité,paraplégie,épilepsieouséquelles psycho-intellectuelles.
50 D.Alietal.
En raison du faible nombre de patients rapportés
dans les études randomisées, il est difficile d’établir
les recommandations sur l’utilisation de corticoïdes et
d’immunoglobulines dans la prise en charge. Cependant,
notre patienta montréune excellente réponse au
traite-mentparstéroïdesavecunerécupérationcomplètequatre
semainesaprèsledébutdutraitement.
Conclusion
L’encéphalitepost-rougeoleuseestunecomplication
poten-tiellement grave de cette infection et l’utilisation de
stéroïdesdoit être envisagée, enpesant les avantages et
lesrisquesdanschaquecas.Ilestégalementimportantde
déterminersilepatientaétéencontactavecdessujetsà
risquesafinqu’unepriseenchargeadaptéepuisseêtremise
enplacedans des délaisprécoces, soit parunrattrapage
vaccinal(jusqu’à 72haprès lecontact)soit parperfusion
d’immunoglobulinespolyvalentes.
Déclaration
de
liens
d’intérêts
Lesauteursdéclarentnepasavoirdeliensd’intérêts.
Références
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