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Analyse longitudinale des associations dyadiques entre les traits psychopathiques et la violence psychologique chez des couples de la communauté

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Academic year: 2021

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Analyse longitudinale des associations dyadiques entre

les traits psychopathiques et la violence psychologique

chez des couples de la communauté

Mémoire doctoral

Andrée-Ann Shaw-Cloutier

Doctorat en psychologie (D. Psy.)

Docteure en psychologie (D. Psy.)

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Analyse longitudinale des associations dyadiques entre les

traits psychopathiques et la violence psychologique chez des

couples de la communauté

Mémoire doctoral

Andrée-Ann Shaw-Cloutier

Sous la direction de :

Stéphane Sabourin, directeur de recherche

Claudia Savard, codirectrice de recherche

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iii Résumé

Des études transversales récentes ont démontré que même à un niveau sous-clinique, les traits psychopathiques de la personnalité sont associés à des conduites agressives au sein des unions amoureuses (Coyne, Nelson, Graham-Kevan, Keister, & Grant, 2010; Okano, Langille, & Walsh, 2016; Savard, Sabourin, Lussier, & Laval, 2011). Toutefois, jusqu’à ce jour, aucune étude longitudinale précisant l’évolution de la relation entre ces variables n’a été réalisée. De plus, peu d’auteurs se sont intéressés à l’influence de ces traits sur la forme psychologique de la violence plus spécifiquement. Dans ce contexte, l’objectif de la présente étude vise à examiner, sous une perspective dyadique, les associations longitudinales entre les traits psychopathiques primaire et secondaire de la psychopathie et la perpétration de violence psychologique mineure au sein d’un échantillon de 70 couples hétérosexuels issus de la communauté québécoise. Les participants ont complété, à deux reprises sur un intervalle d’un an, une batterie de questionnaires incluant l’Échelle de psychopathie de Levenson (LSRP; Levenson, Kiehl, & Fitzpatrick, 1995; traduit en français par Savard, Lussier, & Sabourin, 2014) et l’échelle d’agression psychologique tirée du Questionnaire sur la résolution des conflits conjugaux (CTS-2; Straus, Hamby, Boney-McCoy, & Sugarman,1996; traduit en français par Lussier, 1997). Les résultats d’analyse d’interdépendance acteur-partenaire montrent que seule la psychopathie secondaire prédit les agressions psychologiques mineures perpétrées par les répondants un an plus tard. Enfin, le test d’indistinguabilité des dyades révèle que les rapports entre les traits psychopathiques et la violence psychologique ne varient pas selon le genre des participants. Ces résultats s’ajoutent au très petit bassin d’observations empiriques sur le rapport dynamique et longitudinal entre les traits psychopathiques de la personnalité et la violence conjugale et soulignent l’importance de prendre en considération ces traits lors de l’évaluation et l’intervention auprès de couples aux prises avec cette réalité.

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Table des matières

RÉSUMÉ ... iii

LISTE DES TABLEAUX ... vivi

LISTE DES FIGURES………. vi

REMERCIEMENTS ... viii

INTRODUCTION ... 1

Définition de la psychopathie ... 2

Mesures de la psychopathie ... 3

Psychopathie infraclinique ... 4

Prévalence de la psychopathie infraclinique ... 5

Psychopathie chez la femme ... 6

Psychopathie et relations interpersonnelles ... 8

Définition de la violence psychologique ... 14

Mutualité de la violence psychologique ... 14

Violence psychologique et traits psychopathiques au sein des dyades conjugales ... 16

CHAPITRE 1 : OBJECTIFS ET HYPOTHÈSES...18

Objectifs ... 18 Hypothèses ... 18 CHAPITRE 2 : MÉTHODE ... 20 Procédure ... 20 Participants ... 20 Instruments ... 21 Psychopathie. ... 21 Violence psychologique. ... 22

Plan des analyses statistiques ... 23

CHAPITRE 3 : RÉSULTATS ... 25

Analyses descriptives (analyses préliminaires) ... 25

Analyses corrélationnelles (analyses préliminaires) ... 27

Modèle d’interdépendance acteur-partenaire (analyses principales) ... 28

CHAPITRE 4 : DISCUSSION ... 32

Limites de l’étude et perspectives empiriques futures ... 36

CONCLUSION ... 39

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v Liste des tableaux

Tableau 1. Moyennes, écarts-types et différence entre les temps de mesure, pour les traits psychopathiques primaire et secondaire et la violence conjugale psychologique mineure perpétrée chez les hommes et les femmes. ... 26 Tableau 2. Comparaison des moyennes pour les traits de psychopathie primaire et secondaire et de violence psychologique mineure perpétrée selon le genre, aux deux temps de mesure. ... 27 Tableau 3. Corrélations de Pearson entre les traits de psychopathie primaire et secondaire et la violence psychologique mineure perpétrée pour les hommes (h) et les femmes (f), aux deux temps de mesure. ... 30

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Liste des figures

Figure 1. Modèle d'interdépendance acteur-partenaire montrant les associations longitudinales et dyadiques entre la psychopathie primaire et secondaire et la violence psychologique mineure perpétrée aux temps 1 et 2. ... 31

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Remerciements

À l’aube du dépôt de mon mémoire doctoral, étape majeure vers la réalisation de mon rêve professionnel de devenir psychologue clinicienne, j’aimerais prendre le temps de remercier tous ceux et celles qui ont su m’influencer positivement durant mon parcours universitaire et qui ont participé, de près ou de loin, à l’élaboration et à la réussite de ce projet.

Je tiens d’abord et avant tout à remercier mon directeur de recherche et superviseur clinique, monsieur Stéphane Sabourin, pour avoir rendu possible mon aventure aux études supérieures. Jamais je n’aurais espéré choisir un meilleur guide pour m’accompagner dans ces montagnes russes que sont les études doctorales en psychologie. C’est avec le cœur gros que je m’éloigne de l’unité couple pour l’internat, mais avec la profonde conviction que j’aurai toujours ma place au sein de votre belle et grande équipe.

Un remerciement spécial à Claudia Savard, ma co-directrice de recherche, pour son implication constante à chacune des étapes de la réalisation de ce projet. Je lui suis également reconnaissante pour les opportunités qu’elle m’a offertes en me permettant de travailler sur un projet qui rejoignait réellement mes intérêts cliniques et en m’invitant à me joindre à l’équipe-recherche du Faubourg Saint-Jean. Enfin, je la remercie pour sa généreuse disponibilité et pour son ouverture dans les moments personnels plus difficiles.

Je souhaite également remercier monsieur Louis Diguer, qui a accepté volontiers de présider mon comité d’encadrement et pour le généreux partage de son expertise. C’est avec une immense fierté et beaucoup d’excitation que je me joins à lui et à son équipe pour l’étape finale de mon parcours clinique.

Un énorme merci à Hélène Paradis pour son aide précieuse m’ayant permis d’apprivoiser, de comprendre, et même d’apprécier (!!) la section statistique de mon projet.

À Marie-Hélène, ma superviseure clinique depuis mes tous débuts. Les mots sont faibles pour lui exprimer toute la gratitude et l’estime que je lui porte. Je la remercie pour son accompagnement précieux et soutenu au cours des deux dernières années, pour les apprentissages en profondeur sur la confiance et le laisser-aller et pour le partage de sa passion évidente et contagieuse de l’humain. Je me sens réellement choyée d’avoir pu évoluer professionnellement et personnellement sous sa supervision attentive et bienveillante.

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À Catherine, Alex, Roxanne, Louis-Philippe et Jacky, dont l’amitié sait si bien me ramener à l’essentiel. À Mireille, qui est rapidement devenue une amie précieuse depuis notre rencontre au baccalauréat et qui, sans trop le savoir, m’a aidé à prendre confiance en moi et à risquer l’aventure au doctorat. Aux filles du labo, mais surtout à mes indispensables acolytes, Geneviève, Stéphanie, Edith,

Chanelle et Andrée-Anne, qui ont donné tellement de sens à mon parcours et qui ont créé avec moi,

nombreux de mes plus beaux souvenirs du doctorat. Je les remercie pour les fous rires, les pleurs, les encouragements réciproques, les longues périodes partagées à étudier ou à discuter et pour le soutien qu’elles ont su m’apporter, particulièrement au cours des deux dernières années.

À mon père O’Neil et à ma sœur Lyz’Andr, qui m’inspirent chaque jour par leur détermination, leur persévérance et leur amour inébranlable de la vie malgré les coups durs. À ma mère Gloria, pour son amour infini et pour m’avoir transmis sa douceur et sa sensibilité, qui deviendront des alliées précieuses pour l’exercice de ma profession. À mumu et à Roberto, pour leur présence rassurante et leur implication constante dans ma vie depuis que je suis petite. Je les remercie d’avoir toujours cru en moi et de me pousser au meilleur de moi-même.

À mon amoureux et meilleur ami Alexandre. Pour son dévouement envers ma personne et son soutien quotidien incomparable. Pour avoir partagé avec moi ses connaissances en recherche et en clinique et pour en avoir fait profiter mon projet. Enfin, pour l’amour, la confiance, les innombrables moments d’évasion et pour les beaux projets que l’on continue de construire ensemble. Notre relation a été un ancrage solide au cours de ce beau, mais périlleux processus.

Enfin, un remerciement chaleureux aux hommes et aux femmes qui m’ont partagé leur histoire, à cœur ouvert, et qui ont su m’accorder leur confiance pour les accompagner dans leur cheminement personnel. Je les remercie de m’avoir permis, à moi aussi, d’évoluer en leur présence.

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Introduction

La violence conjugale constitue une problématique majeure de santé publique au Québec et à travers le monde (Organisation mondiale de la santé, 2013). Bien qu’elle ait été souvent négligée au détriment de l’étude de la violence physique, la violence psychologique tend à être plus répandue au sein des couples et les conséquences qu’elle occasionne chez ceux qui en sont victimes semblent tout aussi dévastatrices que celles de la violence physique (O’Leary, 2015). La littérature fait état d’un lien clair entre certains traits de personnalité et la violence conjugale (Chase, O’Leary, & Heyman, 2001; Ehrensaft, Cohen, & Johnson, 2006). Parmi ces traits, la psychopathie est reconnue comme un prédicteur robuste de la violence en générale (Hare, 2003) et comme un facteur important de la perpétration de violence conjugale (Spidel et al., 2007). En effet, les résultats d’études transversales ont démontré des associations significatives entre la présence de ces traits indésirables et les conduites agressives au sein des unions amoureuses, et ce, tant au sein d’échantillons clinique et carcéral (Holtzworth-Munroe, Meehan, Herron, Rehman, & Stuart, 2003; Mager, Bresin, & Verona, 2014; Okano et al., 2016; Walsh et al., 2010) que dans la population générale (Coyne et al., 2010; Okano et al., 2016; Savard et al., 2011). Cependant, l’étude de la psychopathie et de la violence conjugale sous une perspective dyadique demeure peu fréquente, d’autant plus lorsqu’il s’agit de cibler spécifiquement la forme psychologique de la violence. De plus, malgré le caractère stable des traits psychopathiques (Harpur & Hare, 1994; Vachon et al., 2013) et les preuves appuyant le caractère mutuel et évolutif de la violence, aucun auteur n’a encore testé l’association dyadique entre ces variables à l’aide d’un devis longitudinal au sein de la population générale. Dans ce contexte, l’objectif principal du présent mémoire doctoral consiste à étudier les associations acteur-partenaire entre les traits psychopathiques et la violence conjugale psychologique sur une période d’un an. Afin de répondre à cet objectif, deux sous-objectifs ont dû être poursuivis préalablement. Le premier consiste à mesurer la stabilité des traits de psychopathie primaire et secondaire et de la violence psychologique perpétrée chez les hommes et les femmes, sur un intervalle d’un an alors que le second vise à comparer les moyennes des hommes et des femmes pour ces variables aux deux temps de mesure de l’étude. Par ailleurs, l’atteinte de ces objectifs repose sur un examen détaillé de la documentation scientifique traitant de cette thématique de recherche, puis sur une méthodologie qui tient compte des hypothèses à vérifier.

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Définition de la psychopathie

La psychopathie est une pathologie de la personnalité caractérisée par un ensemble de traits indésirables comprenant l’égoïsme, l’absence de remords et d’empathie à l’égard d’autrui ainsi qu’une propension à la manipulation, aux actes antisociaux, à l’impulsivité et à l’irresponsabilité. Dans la version originale de son ouvrage « The Mask of Sanity », le psychiatre Hervey M. Cleckley (1941) fut le premier à décrire les manifestations cliniques relatives à la personnalité psychopathique. La conceptualisation théorique contemporaine de ce construit reprend les notions avancées par Cleckley et les regroupe sous deux facteurs distincts, mais interreliés (Harpur et al., 1988; Hare, 1991; Hare, 2003 ; Karpman, 1941). Le premier facteur, nommé psychopathie primaire, fait référence aux composantes affectives et interpersonnelles du construit et dépeint des individus intelligents, égocentriques et manipulateurs, dotés d’un charme superficiel et d’un registre émotionnel limité, se manifestant par une incapacité à ressentir l’empathie, la culpabilité et les remords à l’égard d’autrui. Le second facteur, appelé psychopathie secondaire, est, pour sa part, lié à la sphère comportementale et décrit des individus impulsifs et irresponsables, présentant des déficits de planification à long terme et une tendance aux comportements antisociaux (Benning, Patrick, Hicks, Blonigen, & Krueger, 2003; Hare, 1991).

Plusieurs études ont mis en évidence le caractère héréditaire et stable des traits psychopathiques. Parmi celles-ci, Larsson et ses collaborateurs (2007) ont rapporté que les caractéristiques interpersonnelles, affectives, impulsives et antisociales de la psychopathie seraient liées à un facteur génétique commun au sein de leur large échantillon de 1480 jumeaux adolescents. D’autres auteurs ont également démontré la présence de traits liés à la psychopathie dès l’enfance et plus tard à l’adolescence, justifiant ainsi la pertinence de mesurer ce construit chez les plus jeunes. Par exemple, les résultats d’études longitudinales (Lynam, Caspi, Moffitt, Loeber, & Stouthamer-Loeber, 2007; Neumann, Wampler, Taylor, Blonigen, & Iacono, 2011) ont révélé une stabilité modérée à forte des facteurs de psychopathie, de l’adolescence jusqu’à l’âge adulte. Ces études supportent donc l’importance d’approfondir notre compréhension de l’émergence, du développement et de l’évolution de la personnalité psychopathique à travers les années.

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3 Conceptualisation de la psychopathie

Les notions mises de l’avant par Cleckley (1941) constituent la trame de fond des travaux subséquents dans ce domaine. Il faut toutefois attendre les années 70 pour que la psychopathie soit réellement considérée comme un construit distinct et qu’elle soit, par conséquent, l’objet d’études empiriques. Plusieurs chercheurs se sont intéressés à redéfinir et à opérationnaliser le concept de psychopathie à partir de différentes structures factorielles, démontrant ainsi l’hétérogénéité de ce construit (Cooke & Michie, 2001; Hare, 1991, 2003; Lilienfeld & Andrews, 1996; Patrick, Fowles, & Krueger, 2009). Inspiré par les observations de Cleckley, Robert D. Hare (1991) a d’abord suggéré un modèle bidimensionnel de la psychopathie, lui permettant d’élaborer le Psychopathy Checklist (PCL; Hare, 1991) puis sa forme révisée (PCL-R; Hare, 2003). La validité de ce modèle est largement reconnue, le PCL-R étant considéré comme une mesure étalon auprès de populations adultes carcérales et cliniques (Harpur et al., 1988). Or, comme ces instruments ont été conçus pour ces clientèles spécifiques et que leur administration est souvent complexe et coûteuse, d’autres auteurs ont travaillé à développer des instruments plus courts et accessibles, pouvant être utilisés pour mesurer la psychopathie au sein d’autres populations (Levenson et al., 1995; Lilienfeld & Andrews, 1996). Parmi ceux-ci, le Levenson’s Self Report Psychopathy Scale (LSRP; Levenson et al., 1995) est un questionnaire auto-rapporté, conçu pour évaluer le construit au sein de la communauté. À l’instar du modèle proposé par Hare (1991), cet instrument repose sur une conception bifactorielle de la psychopathie (primaire et secondaire) et serait d’ailleurs modérément corrélé avec la structure du PCL-R (Brinckley, Schmitt, Smith, Newman, 2001). La validité du LSPCL-RP dans son format original (Levenson et al., 1995; Lynam, Whiteside, & Jones, 1999) ainsi que dans sa version française (Échelle

auto-rapportée de psychopathie; Savard, Lussier, et al., 2014) est bien démontrée, et ce, tant chez les

hommes que chez les femmes.

Bien que les conceptualisations plus récentes postulent que la psychopathie pourrait mieux répondre à une structure à trois (Cooke & Michie, 2001; Patrick et al., 2009) et quatre facteurs (Hare, 2003) sous-jacents, le modèle bifactoriel de Hare demeure prédominant en ce qui a trait à l’évaluation de ce construit (Hare, 2003; Leistico, Salekin, DeCoster, & Rogers, 2008; Mager et al., 2014). Quant à l’outil utilisé dans le présent projet ─ L’Échelle auto-rapportée de psychopathie (Savard, Lussier, et al., 2014) ─ sa consistance interne avec une conceptualisation en deux facteurs primaire et secondaire de la psychopathie est considérée comme bonne selon des études récentes (Salekin, Chen, Sellbom,

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Lester, & MacDougall, 2014; Sellbom, Lilienfeld, Fowler, & McCrary, 2018). Enfin, bien qu’il existe d’autres instruments de mesure auto-rapportées pour évaluer la psychopathie dans la population générale (SRP-III; Williams, Paulhus, & Hare, 2007; PPI ; Lilienfeld & Andrews, 1996), le LSRP demeure la mesure privilégiée pour cette étude puisqu’elle est gratuite, qu’elle offre un temps d’administration moindre et qu’elle est la seule validée en langue française.

Psychopathie infraclinique

Déjà en 1941, Cleckley affirmait que les caractéristiques de la personnalité psychopathique se retrouvaient non seulement dans les populations carcérales, mais également dans divers sous-groupes de la société. Des données provenant d’études taxonomiques plus récentes suggèrent que la psychopathie pourrait répondre davantage à une approche dimensionnelle et donc être conceptualisée en fonction d’un continuum de sévérité (Derefinko & Lynam, 2013; Edens, Marcus, Lilienfeld, & Poythress, 2006; Savard et al., 2011), renforçant l’intérêt d’étudier ces traits au sein d’échantillons non criminalisés. Dans cette optique, plusieurs auteurs se sont intéressés à la psychopathie infraclinique, s’accompagnant de peu ou pas d’antécédents criminels, pour comprendre les répercussions de tels traits sur le fonctionnement psychosocial, relationnel et professionnel d’individus au sein de la population générale (Hall & Benning, 2006;Hare & Neumann, 2008; Lilienfeld, Latzman, Watts, Smith, & Dutton, 2014; Savard et al., 2011). Selon Hall et Benning (2006), il existerait des différences conceptuelles et développementales entre la psychopathie infraclinique et pathologique. D’abord, les psychopathes sans passé judiciaire pourraient présenter les mêmes facteurs étiologiques que les psychopathes incarcérés, mais s’en distinguer par une symptomatologie moins sévère en termes d’intensité et de fréquence (Hall & Benning, 2006). Cette vision semble être cohérente avec une approche dimensionnelle de la psychopathie, soutenue par plusieurs chercheurs et cliniciens (Clarkin, Yeomans, & Kernberg, 2006; Kernberg, 1975; Paulhus & Williams, 2002).

Dans un deuxième ordre d’idées, en plus de partager la même étiologie, la psychopathie infraclinique pourrait présenter le même degré de sévérité que sa forme pathologique, mais être modérée par la présence de facteurs protecteurs. Parmi ceux-ci, un meilleur statut socio-économique, des capacités intellectuelles et exécutives supérieures à la moyenne ainsi qu’une socialisation et une éducation adéquates pourraient refréner les tendances antisociales des psychopathes non incarcérés (Hall & Benning, 2006). Ces individus qui présentent la pathologie, mais qui fonctionnent de façon adaptative dans la communauté et qui évitent les démêlés avec la loi sont communément appelés les

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psychopathes à succès (Hall & Benning, 2006; Hare, 1999; Mullins-Sweatt, Glover, Derefinko, Miller, & Widiger, 2010). En lien avec cette notion, plusieurs auteurs ont avancé que l’attitude manipulatrice et charismatique de ces individus peuvent être bénéfique, leur permettant d’atteindre des positions de haut niveau dans la sphère professionnelle (Babiak & Hare, 2007; Jonason, Wee, & Li, 2015; Lilienfeld et al., 2014). Ces « réussites » sont toutefois contestables puisqu’elles sont généralement acquises au détriment des autres et entraînent d’importantes conséquences négatives pour l’entourage (Babiak & Hare, 2007). Par conséquent, pour plusieurs chercheurs et théoriciens, l’emploi du terme psychopathie infraclinique est plus juste pour catégoriser les comportements et attitudes des individus affichant des traits psychopathiques (Hall & Benning, 2006; Hare, 1999). Pour les mêmes raisons, le terme infraclinique sera repris tout au long du présent projet.

Enfin, selon la perspective des processus dualistes, la dimension affective et interpersonnelle de la psychopathie serait considérée comme étiologiquement distincte de sa dimension comportementale. Cela expliquerait entre autres que les individus au profil psychopathique infraclinique possèdent des traits élevés à la dimension affective-interpersonnelle mais de moins grandes élévations à la facette antisociale, leur permettant de mieux fonctionner en société (Hall & Benning, 2006).

Prévalence de la psychopathie infraclinique

Par ailleurs, bien que la présence de traits psychopathiques au sein de la population générale soit reconnue depuis longtemps et que l’intérêt envers ce domaine de recherche soit en expansion, aucune étude de prévalence n’a encore formellement été réalisée dans ce contexte. Quelques auteurs rapportent toutefois qu’elle serait plus basse que celle retrouvée en milieu carcéral (Forth, Brown, Hart, & Hare, 1996; R T Salekin, Trobst, Krioukova, & Kirioukova, 2001), où 25% à 35% des délinquants (Hare, 2003) serait cliniquement considérés comme des psychopathes en opposition à 1% chez la population générale (Coid, Yang, Ullrich, Roberts, & Hare, 2009). Des études plus récentes ont également documenté la présence de traits psychopathiques chez les individus issus de la population normale. S’appuyant notamment sur des seuils cliniques élaborés auprès de populations criminelles (Brinkley, Schmitt, Smith, & Newman, 2001), Savard et ses collaborateurs (2011) ont rapporté, à l’aide du LSRP (Levenson et al., 1995), des taux de psychopathie allant de 17,9% à 25,0% au sein de leur échantillon de 140 couples provenant de la communauté. D’autres chercheurs ont quant à eux observé une incidence encore plus élevée, atteignant près de 35% (Vachon et al., 2013). De

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plus, les données obtenues par Vachon et al. (2013) démontrent que les traits psychopathiques permettent de prédire un déclin de la prévalence du trouble avec l’avancement en âge.

Psychopathie chez la femme

Des différences en ce qui a trait à la prévalence et aux manifestations de la psychopathie semblent exister entre les hommes et femmes. Cependant, comparativement aux nombreuses recherches menées chez les hommes, les données empiriques mesurant ce construit chez les femmes sont plus rares, particulièrement dans les échantillons non institutionnalisés. Ce constat semble s’expliquer par le fait qu’historiquement, le concept de psychopathie a longtemps été associé à la gent masculine puisque ces derniers tendent à être plus nombreux dans les milieux carcéraux. Suivant cette tendance, la majorité des instruments de mesure a donc été conçue et développée sur la base de cette population spécifique et en fonction de celle-ci (Verona & Vital, 2018). D’ailleurs, certains auteurs ont remis en question l’idée selon laquelle la conception masculine de la psychopathie puisse être appliquée aux femmes, sans égard aux différences qui les concerne (Verona & Vitale, 2018). En effet, des études utilisant le PCL-R, comparant la structure interne des modèles de psychopathie chez lez les femmes, ont montré qu’un modèle à trois facteurs (Cooke & Michie, 2001) s'applique davantage chez les femmes qu’un modèle en deux (Warren et al., 2003) et en quatre facteurs (Verona & Vitale, 2018).

De façon générale, les taux de psychopathie seraient plus élevés chez les hommes que chez les femmes (Verona & Vitale, 2018), et ce, tant dans les échantillons de la population normale (Ali & Chamorro-Premuzic, 2010; Miller, Watts, & Jones, 2011; Savard, Brassard, Lussier, & Sabourin, 2014; Savard et al., 2011) que carcérale (Jackson, Rogers, Neumann, & Lambert, 2002; Randall T. Salekin, Rogers, & Sewell, 1997; Warren & South, 2006). En effet, les taux de prévalence rapportés dans la majorité des études utilisant le PCL-R et ses formes dérivées comme mesures principales auprès de femmes délinquantes sont parfois aussi faibles que 6% et se situent plus souvent entre 11 et 17% (Randall T. Salekin et al., 1997; Warren & South, 2006). Ces différences attribuables au genre sont également observées lorsque des scores dimensionnels sont utilisés. En effet, au sein d’échantillons non institutionnalisés, certains auteurs ont démontré que les femmes présentaient des scores moyens de psychopathie plus faibles que les hommes, au SRP-II ; III (Miller et al., 2011) et au LSRP (Marion & Sellbom, 2011). L’étude de Savard et ses collaborateurs (2011), menée dans la communauté québécoise, va dans le même sens et révèle que 17.9% des hommes et 7.9% des femmes de leur

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échantillon présentent des traits psychopathiques cliniques alors que 25% d’entre eux et 20.7% de celles-ci rapportent des traits modérés. Ces données ont également été obtenues à l’aide du LSRP (Levenson et al., 1995).

Des différences attribuables au genre semblent aussi accompagner l’expression des traits de psychopathie. En effet, les femmes psychopathes pourraient se distinguer de leur homologue masculin de plusieurs façons. Premièrement, ces dernières pourraient privilégier des formes plus subtiles de manipulation et d’exploitation, caractérisée par des comportements de séduction ou par la promiscuité sexuelle, alors que les hommes procéderaient davantage par la duperie (Forouzan & Cooke, 2005; Kreis & Cooke, 2011). Par exemple, Kreis & Cooke, 2011 ont observé que les femmes présentant des traits psychopathiques ont tendance à se montrer empathiques et attentionnées et à utiliser ces caractéristiques féminines comme moyen pour arriver à leur fin. Deuxièmement, le caractère grandiose serait moins apparent chez les femmes, sauf chez celles qui présentent des niveaux plus sévères de la pathologie (Forouzan & Cooke, 2005). Troisièmement, la promiscuité sexuelle féminine aurait comme portée principale l’exploitation pour l’obtention d’un gain plutôt qu’une recherche de sensations fortes comme chez les hommes (Quinsey, 2002). Finalement, des différences sexuelles, relatives aux troubles comorbides à la psychopathie, sont également soulevées dans la littérature. En effet, il est démontré que les femmes rapportent davantage de symptômes à l’axe 1, selon la terminologie de la quatrième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV; American Psychiatric Association (APA), 1994) et qu’elles présentent plus souvent un diagnostic comorbide de trouble de la personnalité limite que les hommes, chez qui on retrouve généralement un trouble de la personnalité antisociale concomitant (Hare, 1991; Verona & Vitale, 2018). Ces résultats soutiennent ceux d’autres auteurs, qui dépeignent les femmes psychopathes comme étant plus généralement en recherche d’attention, plus dramatiques et plus instables (Kreis & Cooke, 2011). Or, ces observations proviennent d’études réalisées auprès de femmes incarcérées, ce qui limite la généralisation au concept de psychopathie infraclinique, chez des femmes issues de la population générale.

En somme, autant chez les hommes que chez les femmes, l'étude de la psychopathie est complexifiée par l'éventail de conceptualisations différentes, par l'hétérogénéité des échantillons étudiés et des mesures utilisées et par l’étude de ce construit auprès de plusieurs populations différentes. Jusqu’à maintenant, rares sont les études qui ont documenté ces différences sexuelles

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dans la population générale, en tenant compte de l’effet différentiel des facteurs primaire et secondaire de la psychopathie.

Psychopathie et relations interpersonnelles

Même à un niveau infraclinique, la psychopathie est associée à de multiples comportements et attitudes indésirables au sein de la société. La documentation scientifique à ce sujet démontre que les relations sociales, professionnelles et amoureuses des individus affichant un profil psychopathique sont teintées de domination et d’exploitation. Cette dynamique laisse ainsi place à des environnements conflictuels, où les collègues et l’entourage sont manipulés et utilisés à tort dans le but d’assouvir les besoins de ces individus (Babiak & Hare, 2007; Hall & Benning, 2006; Jonason, Slomski, & Partyka, 2012). Au travail, Jonason et al., 2012 rapportent que les individus obtenant des résultats élevés aux échelles mesurant la psychopathie utilisent davantage les menaces, les ordres et l’intimidation pour gravir les échelons et faire leur place au sein des organisations comparativement aux répondants présentant des traits narcissiques ou machiavéliques. Par ailleurs, leur tendance à l’antisocialité fait des psychopathes infracliniques des employés peu fiables, peu engagés et peu performants au travail, ce qui peut nuire à la productivité et à l’image des milieux qui les engagent (O’Boyle, Forsyth, Banks, & McDaniel, 2012). En ce qui a trait aux relations intimes, les traits psychopathiques sont associés à des perturbations dans les processus de formation et de maintien des unions (Hare, 1999; (Jonason, Lyons, & Blanchard, 2015 ; Jonason, Valentine, Li, & Harbeson, 2011). D’abord, étant donné leur nature égocentrique et impulsive ainsi que leur faible capacité à être empathique et à ressentir la culpabilité, les relations amoureuses des individus présentant des traits psychopathiques sont généralement dépourvues d’émotions tendres (Hare, 1999). Par conséquent, ces caractéristiques ne favorisent pas l’engagement dans des relations à long terme. Jonason et ses collaborateurs (2011) rapportent d’ailleurs que les traits faisant partie de la triade sombre de la personnalité (Dark Triad; Paulhus & Williams, 2002), incluant la psychopathie, le narcissisme et le machiavélisme, sont positivement associés aux faits d’avoir une sexualité libertine, davantage de partenaires sexuels et une préférence pour les relations de courtes durées. Considérant que la satisfaction vis-à-vis les relations intimes repose généralement sur la présence simultanée d’intimité, de passion et d’engagement (Sternberg, 1986), il n’est donc pas étonnant que les traits psychopathiques soient liés à une vie conjugale de moindre qualité. En ce sens, quelques données transversales (Ali & Chamorro-Premuzic, 2010; Savard et al., 2011) et longitudinales (Savard, Sabourin, & Lussier, 2006) démontrent des

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associations entre les traits psychopathiques infracliniques et l’insatisfaction conjugale. Parmi les facteurs affectant la satisfaction conjugale chez ces individus, les traits psychopathiques sont associés à la présence de patrons d’interactions dysfonctionnels au sein des unions, incluant la violence conjugale (Coyne et al., 2010; Hare & Neumann, 2008; Holtzworth-Munroe et al., 2003; Mager et al., 2014; Okano et al., 2016; Savard et al., 2011; Walsh et al., 2010). La recherche sur la violence conjugale a d’ailleurs été un terrain fertile pour explorer et comprendre la psychopathie au sein des relations de couple. Des estimés de prévalence de la psychopathie se situent entre 15% et 30% chez les hommes violents envers leur conjointe (Huss & Langhinrichsen-Rohling, 2006). À notre connaissance, de tels estimés de prévalence ne semblent toutefois pas disponibles chez les femmes présentant des traits psychopathiques.

Plusieurs écrits ont établi un lien entre la violence conjugale et les traits psychopathiques de la personnalité. La psychopathie constitue d’ailleurs une variable de classification robuste dans les études taxonomiques visant à identifier les sous-types d’hommes violents envers leur conjointe (Gottman et al., 1995; Munroe, Meehan, Herron, Rehman, & Stuart, 2000; Holtzworth-Munroe & Stuart, 1994; Huss & Langhinrichsen-Rohling, 2006). En effet, basées sur des études réalisées auprès de populations clinique et carcérale, plusieurs typologies d’hommes violents au sein de leur couple ont été élaborées au fil des années et permettent une meilleure compréhension du lien entre la psychopathie et la violence conjugale. Parmi les plus utilisées, Holtzworth-Munroe et ses collaborateurs (1994) ont proposé une classification selon trois dimensions (sévérité et fréquence de la violence, généralisation de la violence et caractéristiques psychopathologiques). Sur la base de leurs résultats, ils ont identifié trois sous-groupes d’agresseurs : (a) ceux exerçant de la violence dans la famille seulement ; (b) les états limites/dysphoriques et; (c) les antisociaux/généralement violents. Parmi ces trois sous-groupes, le dernier présenterait les taux les plus élevés de violence physique, psychologique et sexuelle envers la conjointe. Les hommes du groupe antisociaux/généralement violents sont également les plus susceptibles de présenter un trouble de la personnalité antisociale ou à afficher des traits de psychopathie (Holtzworth-Munroe & Stuart, 1994). Dans le même sens, Swogger, Walsh et Kosson (2007) ont évalué la capacité des facettes primaire et secondaire de la psychopathie à discriminer le groupe d’hommes antisociaux/généralement violents envers leur conjointe des autres hommes antisociaux sans historique de violence conjugale, parmi un échantillon d’hommes incarcérés. Les résultats démontrent que de hautes élévations à l’échelle de psychopathie primaire et de faibles élévations à l’échelle de psychopathie secondaire sont associées au fait

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d’appartenir au groupe d’hommes antisociaux/généralement violents envers leur conjointe. Les faibles résultats obtenus à l’échelle secondaire soutiennent l’idée selon laquelle les psychopathes tendent à utiliser une forme de violence instrumentale plutôt que l’impulsivité dans un contexte de violence conjugale (Spidel et al., 2007). Enfin, d’autres auteurs s’entendent sur le fait que les hommes constituant le troisième groupe présentent des caractéristiques communes aux psychopathes (Huss & Langhinrichsen-Rohling, 2000; Spidel et al., 2007). D’abord, certains traits interpersonnels et affectifs (tendance à la manipulation, au manque d’empathie et à l’insensibilité) observés dans ce sous-groupe rappellent les traits psychopathiques primaires (Spidel et al., 2007). De plus, dans un contexte de violence conjugale, ces deux types d’agresseurs seraient portés à planifier leurs actes de violence envers leur partenaire dans le but d’obtenir un bénéfice personnel tels que le pouvoir ou l’argent. Cette forme de violence instrumentale se rapporte davantage au facteur primaire de psychopathie (Spidel et al., 2007). Par ailleurs, au sein du groupe d’hommes antisociaux/généralement violents comme chez les psychopathes, la violence n’est pas circonscrite aux relations intimes puisqu’elle constitue un mode général de fonctionnement. La violence conjugale au sein de ce groupe ne serait donc qu’une manifestation d’un style de vie criminel et antisocial (Holtzworth-Munroe et al., 2003) et correspondrait davantage aux traits du psychopathe secondaire élaborés par Cleckley (1976).

Deux études pointent cependant dans le sens contraire. Holtzworth-Munroe et al. (2000) et Huss & Langhinrichsen-Rohling (2006) ont mesuré les niveaux de psychopathie rapportés parmi les trois sous-groupes de la typologie des agresseurs proposée par Holtzworth-Munroe & Stuart (1994), et ont démontré que la psychopathie n’était pas un indicateur permettant de différencier ces trois groupes. En effet, les résultats obtenus ont indiqué que les hommes du groupe des antisociaux/généralement violents ne présentent pas suffisamment de traits psychopathiques, au-delà du comportement antisocial, pour être cliniquement pertinents. Huss & Langhinrichsen-Rohling (2006) ont également suggéré que les éléments affectifs/interpersonnels qui sont centraux au concept de psychopathie ne seraient pas associés aux comportements de violence à l’endroit d’un conjoint.

Dans un autre ordre d’idées, l’établissement de typologies servant à classifier les femmes violentes envers leur conjoint a toutefois fait l’objet d’une documentation plus restreinte dans la littérature. Parmi les quelques chercheurs s’y étant intéressés, Walsh et al. (2010) ont observé, parmi les femmes de leur échantillon de 567 patients psychiatrisés, une typologie similaire à celle développée par Holtzworth-Munroe & Stuart (1994) auprès des hommes : (a) les femmes exerçant uniquement de

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la violence envers leur partenaire; (b) les états limites/dysphoriques et; (c) les antisociales/généralement violentes. Comme chez les hommes, les femmes antisociales/généralement violentes ont obtenu les résultats les plus élevés aux deux dimensions de la psychopathie comparativement aux deux autres groupes.

En dehors de ces études taxonomiques, de nombreux auteurs affirment que les traits psychopathiques de la personnalité constituent un prédicteur significatif de la violence au sein des populations clinique et criminalisée (Camp, Skeem, Barchard, Lilienfeld, & Poythress, 2013; Holtzworth-Munroe & Stuart, 1994; Leistico et al., 2008; Marshall & Holtzworth-Munroe, 2010; Walsh & Kosson, 2008). Une étude conduite par Hervé, Vincent, Kropp et Hare (2001) basée sur l’analyse de dossiers de 376 prisonniers canadiens, suggèrent que les individus ayant obtenu des résultats élevés à l’échelle de psychopathie globale du PCL-R étaient jusqu’à 1.6 fois plus à risque de commettre de la violence conjugale comparativement aux autres individus de l’échantillon. Des études plus récentes se sont quant à elles intéressées à évaluer la valeur prédictive de chacune des dimensions de la psychopathie. Les résultats obtenus par Camp, Barchard, Skeem, Lilienfeld, & Poythress (2013) ont démontré que le facteur secondaire, se manifestant par une tendance aux comportements antisociaux et à l’impulsivité, était un meilleur prédicteur de la violence que le facteur primaire sur un an. Walsh et Kosson (2008) ont quant à eux observé une interaction entre les deux facteurs, le facteur secondaire affichant une moins grande valeur prédictive à de plus faibles niveaux du facteur primaire, suggérant qu’une meilleure capacité à être empathique pourrait être un facteur de protection chez les individus plus impulsifs. Ces études ont toutefois mesuré la violence globale et non pas la violence conjugale et n’ont pas non plus fait de distinction en fonction du type de violence commise (c-à-d., physique, sexuelle, psychologique, relationnelle, etc.).

Les études jusqu’à maintenant recensées se sont montrées nécessaires à une meilleure compréhension du lien entre la psychopathie et la violence conjugale. Toutefois la nature de l’échantillonnage utilisée limite la généralisation aux individus de la population générale présentant des niveaux sous-cliniques de psychopathie. En effet, très peu d’auteurs se sont affairés à documenter ce lien chez les individus de la population normale. D’abord, Savard et al. (2011) rapportent que les scores obtenus à l’échelle de psychopathie secondaire sont significativement associés à l’utilisation de violence psychologique chez les hommes et les femmes de leur échantillon de 140 couples de la communauté alors que les traits primaires de psychopathie sont seulement associés à la violence

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psychologique perpétrée par les hommes. À l’instar de Savard et al. (2011), l’étude de Coyne et ses collaborateurs (2010) réalisée auprès d’universitaires, suggèrent aussi que les traits psychopathiques secondaires prédisent la violence conjugale physique et encore plus fortement celle psychologique, alors que les traits psychopathiques primaires sont liés à la violence conjugale psychologique seulement et à un degré moindre par rapport aux traits psychopathiques secondaires. Ces auteurs expliquent leurs résultats en précisant qu’il est possible que les hommes affichant des traits psychopathiques primaires utilisent une forme plus subtile de violence conjugale afin de ne pas se faire remarquer et d’arriver plus facilement à leurs fins. Au contraire, les hommes affichant des traits psychopathiques secondaires useraient de violence plus ouvertement, étant moins calculateurs et plus impulsifs. Enfin, dans le même sens que les études précédentes, une étude longitudinale menée par Holtzworth-Munroe et al. (2003) au sein d’un échantillon de couples de la communauté, révèle que les individus affichant de plus hauts niveaux de psychopathie sont plus susceptibles de s’engager dans des comportements violents à long terme. Les résultats ont démontré que comparativement au groupe d’hommes violents dans la famille seulement et celui des états limites/dysphoriques, les hommes antisociaux/généralement violents présentent de plus hauts résultats de psychopathie et des niveaux de violence conjugale psychologique plus élevés et stables sur une période d’un an et demi. Les mesures utilisées par ces auteurs ne permettent toutefois pas une analyse différentielle de leurs résultats en fonction du genre, des deux dimensions de la psychopathie et des formes de violence conjugale perpétrées.

En résumé, un large bassin d’études fait état d’un lien clair entre la psychopathie et la violence conjugale perpétrée. Toutefois, la force de cette association tend à varier d’une étude à l’autre, en fonction de la nature (ex. clinique vs carcéral vs population normale) et de la composition (ex. homogène vs hétérogène) de l’échantillonnage à l’étude, des instruments de mesure utilisés et de la structure factorielle de ces derniers, complexifiant ainsi le processus d’interprétation et de généralisation des résultats. De plus, plusieurs limites méthodologiques entourent les résultats obtenus par les études existantes (absence de groupe de comparaison, majorité de devis transversaux, etc.). L’étude quasi-exclusive de la violence conjugale physique, perpétrée par des hommes, limite également la portée des résultats obtenus. D’autres études sont donc nécessaires pour comprendre l’implication de ces composantes dans la violence commise par les partenaires. Ceci est d’une importance d’autant plus notable au sein d’échantillons de la population générale évaluant la violence

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provenant des deux partenaires, puisqu’en regard des connaissances actuelles, peu de chercheurs se sont intéressés à ces questions.

Puisqu’il existe diverses formes de violence conjugale (c.-à-d. violence physique, psychologique, sexuelle, économique, etc.), il s’avère donc nécessaire de circonscrire l’objet du présent mémoire doctoral, qui traitera plus spécifiquement de la violence psychologique. Le choix de cette variable repose sur plusieurs preuves. D’abord, les taux d’agressions psychologiques entre partenaires amoureux sont généralement élevés au sein des échantillons de couples issus de la communauté (Jose & Leary, 2009). Selon les résultats de la plus récente Enquête sociale générale de 2014, environ 15% des Canadiens et 13% des Canadiennes vivant en couple ont signalé avoir été victimes de violence psychologique de la part de leur partenaire au cours des cinq dernières années (Statistiques Canada, 2016). Ensuite, la violence psychologique est plus répandue que les formes physique et sexuelle de violence conjugale (Wright, Lussier, & Sabourin, 2008). D’ailleurs, des études transversales (Edwards, Desai, Gidycz, & VanWynsberghe, 2009) et longitudinales (Schumacher & Leonard, 2005; Testa, Hoffman, & Leonard, 2011) rapportent que la violence psychologique s’inscrit généralement comme prédicteur des autres formes de violence conjugale, notamment les agressions physiques, suggérant une escalade vers des agressions plus graves avec le temps (O’Leary, 2015). Les agressions psychologiques seraient également stables dans le temps. Dans une étude longitudinale, Capaldi, Shortt, & Crosby (2003) ont démontré une stabilité significative des agressions psychologiques perpétrées par les hommes et les femmes qui sont restés avec le même partenaire sur une période de deux ans et demi. Enfin, la violence psychologique serait autant perpétrée par les femmes que par les hommes (Capaldi et al., 2003; Jose & Leary, 2009; Wright et al., 2008).

Dans la section qui suit, la violence psychologique sera d’abord définie, puis une recension de la littérature portant sur les associations entre les traits de psychopathie infraclinique et la violence psychologique mineure au sein des dyades conjugales sera présentée.

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Définition de la violence psychologique

De façon générale, la violence psychologique renvoie aux actions verbales et non verbales qui ont pour objectif de faire du tort psychologiquement à un partenaire amoureux (Wright et al., 2008). Selon le Ministère de la santé et des services sociaux du Québec (MSSS; 1995), la dimension verbale de la violence psychologique réfère à une dévalorisation constante du partenaire par l’utilisation d’insultes et de paroles blessantes, de menaces, d’ordres ou d’hurlements. La dimension non-verbale comprend quant à elle, les attitudes et gestes dégradants tels que le fait d’ignorer et de négliger le partenaire ou de détruire des biens symboliques lui appartenant (Wright et al., 2008). Cette dernière dimension peut aussi inclure l’isolement forcé, se traduisant par une restriction des déplacements et des fréquentations du partenaire (MSSS, 1995). Dans le présent mémoire, les formes verbales et non-verbales de la violence psychologique seront regroupées et abordées sous le terme plus général de violence psychologique.

Les travaux réalisés par Straus et ses collaborateurs (Straus et al., 1996), ont permis de conceptualiser les actes de violence en fonction de la gravité des conséquences qu’ils engendrent. Selon cette perspective, les comportements agressifs sont disposés le long d’un continuum de sévérité, allant des agressions mineures aux plus sévères. Considérant que les participants de la présente étude présentent des traits psychopathiques infracliniques, et donc une symptomatologie moins sévère, il est peu probable de retrouver chez ceux-ci des formes graves de violence psychologique. De fait, seules les formes mineures de violence psychologique seront abordées dans ce projet de mémoire doctoral. Tels que décrits dans l’instrument développé par Straus et al. (1996 ; Conflict Tactics Scales – Revised, CTS-2), les actes mineurs de violence psychologique comprennent le fait d’insulter son partenaire, de crier ou d’hurler après lui, de sortir de la pièce en faisant du vacarme lors d’un conflit ou encore d’agir de sorte à contrarier volontairement son partenaire. Dans le cadre du présent projet, cette définition de la violence psychologique mineure provenant du CTS-2 a été retenue compte tenu de la grande validité théorique et empirique de cet instrument de mesure.

Mutualité de la violence psychologique

La documentation sur la violence conjugale psychologique démontre que les femmes et les hommes sont autant sujets à se porter instigateurs d’agressions psychologiques au sein du couple (Gómez & Montesino, 2014; Hines & Saudino, 2003; Lafontaine, Brassard, & Lussier, 2008; Testa et al., 2011), un phénomène qui est appelé violence mutuelle. Selon Johnson & Leone (2005), cette

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symétrie observée entre les sexes serait plus grande dans un contexte de violence situationnelle que dans le terrorisme intime. Le terrorisme intime, tel que décrit dans la typologie élaborée par Jonhson (1995), renvoie à des patrons coercitifs de violence physique et/ou sexuelle dans le but d’assujettir le partenaire, souvent la femme, au contrôle et à la domination exercée par le conjoint agresseur. Dans ce contexte, les actes de violence tendent à être plus graves et plus dommageables pour la victime. La violence situationnelle quant à elle, est plus fréquente et comprend les conflits dont l’escalade résulte en des formes de violence psychologique mineures et passagères. Ainsi, selon les travaux de Jonhson (1995, 2011), la violence psychologique mineure (situationnelle) serait surtout mutuelle alors que la violence physique sévère (terrorisme intime) serait davantage unilatérale et majoritairement commise par les hommes.

L’étude de la mutualité des agressions psychologiques chez les couples a toutefois été négligée au détriment de l’étude de la violence physique. Or, les quelques données disponibles à ce sujet soutiennent l’absence de différence significative attribuable au genre quant à la perpétration de la violence psychologique. D’abord, Hines & Saudino (2003) ont observé que 82% des hommes et 86% des femmes de leur échantillon de 481 collégien(ne)s ont été violents psychologiquement envers leur partenaire. Toutefois, lorsque la chronicité des agressions psychologiques était considérée sur une période d’un an, les femmes ont rapporté avoir perpétré significativement plus de violence psychologique que les hommes. Une analyse plus fine des réponses individuelles des répondants a également démontré que ce taux plus élevé chez les femmes pouvait être expliqué par les items de violence psychologique mineure. Une autre étude menée à Madrid, en Espagne, pointe dans la même direction. Les résultats soutiennent que la proportion de violence psychologique perpétrée est généralement élevée dans un contexte de violence mutuelle. En effet, 46% des 3 578 couples hétérosexuels de l’échantillon ont rapporté que la violence psychologique au sein de leur union était exercée par les deux partenaires (Gómez & Montesino, 2014).

Ainsi, la nature mutuelle de la violence psychologique, soulevée par les études précédentes, justifie l’importance d’une approche impliquant la dynamique entre les deux partenaires dans la compréhension de cette forme de violence conjugale (Capaldi & Kim, 2007; Capaldi & Langhinrichsen-Rohling, 2012).

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Violence psychologique et traits psychopathiques au sein des dyades conjugales

La section précédente illustre l’importance d’investiguer les variables qui peuvent influencer la mutualité de la violence dans les relations de couple. Certains auteurs suggèrent que la violence mutuelle peut être expliquée par la tendance, chez les individus présentant des attributs ou des attitudes semblables, à former des unions entre eux (Galbaud du Fort, Boothroyd, Bland, Newman, & Kakuma, 2002; Testa et al., 2011). Ainsi, il est possible de croire que les couples au sein desquels les deux partenaires possèdent des traits psychopathiques puissent favoriser la violence mutuelle. À ce sujet, Smith et al. (2014) ont observé une affiliation positive significative entre les hommes et les femmes partageant des traits psychopathiques au sein de leur échantillon de 45 couples hétérosexuels. Or, à notre connaissance, seulement deux études ont évalué l’implication des partenaires d’individus présentant des traits psychopathiques dans les comportements de violence mutuelle au sein des dyades conjugales (Mager et al., 2014; Savard et al., 2011).

D’abord, dans une étude récente réalisée auprès d’un échantillon clinique de 250 hommes et femmes, Mager et al. (2014) ont observé des différences attribuables au genre en ce qui a trait au lien entre les traits psychopathiques et la violence conjugale. En effet, leurs résultats ont montré que les traits interpersonnels et affectifs (dimension primaire) et les traits impulsifs-antisociaux (dimension secondaire) de la psychopathie sont tous deux liés à une fréquence plus élevée de violence conjugale chez les deux sexes. La relation entre la dimension primaire et la violence conjugale serait toutefois plus forte chez les hommes que chez les femmes. Leur étude met également en lumière la contribution de chaque partenaire dans un contexte de violence conjugale mutuelle. En effet, les données obtenues par ces auteurs suggèrent que la relation entre la violence émise par le répondant et celle de son partenaire serait significativement plus forte chez les femmes présentant de faibles élévations à l’échelle de psychopathie primaire. Chez les hommes, la violence mutuelle serait plus importante à de hauts niveaux de psychopathie secondaire (Mager et al., 2014). Cependant, seule la violence physique, auprès d’un échantillon clinique, a été investiguée par ces auteurs.

De leur côté, Savard et al. (2011) ont été les seuls, à notre connaissance, à évaluer l’effet dyadique entre les traits psychopathiques et les comportements de violence psychologique au sein de la population générale. Pour ce faire, ils ont utilisé des modèles d’analyse d’interdépendance acteur-partenaire (APIM; Kashy & Kenny, 2000). Cette approche permet d’évaluer l’incidence des facteurs intrapersonnels d’un individu sur son propre fonctionnement (effet acteur), mais aussi sur le

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fonctionnement de son partenaire (effet partenaire) (Kenny, Kashy, & Cook, 2006). Les résultats aux analyses APIM ont montré que les traits psychopathiques primaires chez les hommes sont associés à la perpétration de violence psychologique par leur conjointe. Ces résultats n’ont cependant pas été reproduits chez les femmes, c’est-à-dire que les traits de psychopathie primaire des femmes ne seraient pas associés à la violence commise par les hommes. De plus, en raison du devis transversal de cette étude, les résultats obtenus n’ont pas permis d’établir des relations causales entre ces variables. De plus, bien qu’un nombre croissant d’études permette de mettre en évidence l’effet des variables intra et interpersonnelles sur le fonctionnement conjugal, cette étude est la seule à avoir utilisé les modèles APIM pour comprendre les processus d’influence mutuelle entre la psychopathie et la violence psychologique. Ainsi, les différences potentielles entre les hommes et les femmes et selon les facteurs primaire et secondaire de la psychopathie soutiennent l'importance d'évaluer les traits psychopathiques selon le genre et selon les deux dimensions du construit.

En résumé, une seule étude portant sur l’association entre les traits psychopathiques et la violence conjugale au sein de la population générale a considéré les traits de personnalité des partenaires dans l’explication de la violence commise, et ce, en dépit de la nature interactionnelle des conflits et des agressions au sein des couples (Capaldi & Kim, 2007; Testa et al., 2011). En effet, la majorité des études sur le sujet s’est concentrée sur les agresseurs masculins. Or, rappelons que plusieurs auteurs affirment que la violence conjugale psychologique est plus fréquemment perpétrée par les deux partenaires, voire davantage par les femmes (Hines & Saudino, 2003; Jose & Leary, 2009; Testa et al., 2011). De plus, la littérature portant sur l’association entre la psychopathie et la violence conjugale est limitée par le caractère transversal des devis utilisés jusqu’à ce jour. Ainsi, aucune conclusion causale n’a pu être tirée lors des études précédentes.

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Chapitre 1 : Objectifs et hypothèses

Objectifs

La présente étude comporte quatre objectifs. Le premier objectif consiste à mesurer la stabilité des traits de psychopathie primaire et secondaire et de la violence psychologique perpétrée par les répondants sur un intervalle d’un an, et ce, spécifiquement pour les hommes et les femmes. Plus précisément, il s’agit de vérifier s’il existe des différences significatives entre les moyennes obtenues par les répondants pour ces variables aux deux temps de mesure de l’étude.

Compte tenu des différences attribuables au genre soulevées dans la littérature en ce qui a trait à la prévalence et à la manifestation de violence psychologique (Hines & Saudino, 2003; Johnson, 2011) d’une part, et de traits de psychopathie primaires et secondaires, d’autre part (Ali & Chamorro-Premuzic, 2010; Borroni, Somma, Andershed, Maffei, & Fossati, 2014; Miller et al., 2011; Savard, Brassard, et al., 2014; Savard et al., 2011), un deuxième objectif vise à comparer les moyennes des hommes et des femmes, en regard des mêmes variables, et ce, aux deux temps de mesure.

Le troisième et principal objectif du présent mémoire doctoral consiste à examiner, sur une période d’un an, les associations acteur-partenaire longitudinales entre les traits de psychopathie primaire et secondaire et la violence psychologique mineure perpétrée chez des couples de la communauté québécoise. Plus précisément, il s’agit de vérifier dans quelle mesure la présence de traits de psychopathie primaire et secondaire chez un individu permet de prédire la violence commise par l’individu lui-même et par son partenaire un an plus tard. Enfin, puisque Savard et al. (2011) ont observé que les traits de psychopathie primaire sont positivement associés à la perpétration de violence psychologique par le répondant et par le partenaire chez les hommes seulement, un quatrième et dernier objectif permettra de vérifier si les effets acteur et partenaire sur la perpétration de violence psychologique mineure diffèrent selon le genre des individus au sein de notre échantillon.

Hypothèses

Plusieurs hypothèses découlent de ces objectifs. Premièrement, sur la base des études antérieures, ayant démontré que la psychopathie (Larsson et al., 2007; Lynam et al., 2007) et les agressions psychologiques (Capaldi et al., 2003; Testa et al., 2011) semblent être stables dans le

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temps, nous émettons l’hypothèse selon laquelle la corrélation entre les moyennes obtenues pour les variables d’intérêt sera modérée à forte d’un temps à l’autre de l’étude.

Deuxièmement, sur la base des données disponibles, nous émettons l’hypothèse selon laquelle les hommes rapporteront des taux plus élevés de psychopathie primaire et secondaire que les femmes. Aussi, bien qu’il soit attendu qu’une certaine mutualité des agressions psychologiques soit observée entre les partenaires (Gómez & Montesino, 2014; Hines & Saudino, 2003; Lafontaine et al., 2008; Testa et al., 2011), nous postulons que les femmes seront instigatrices de plus de violence psychologique à l’égard de leur conjoint.

Enfin, en regard du troisième objectif et toujours selon les résultats obtenus par Savard et al. (2011), des effets acteurs longitudinaux entre les deux dimensions de la psychopathie et la violence psychologique perpétrée sont attendus pour les hommes. Chez les femmes, nous prévoyons que seule la psychopathie secondaire sera liée aux agressions psychologiques qu’elles commettent un an plus tard, soutenant les résultats de Mager et ses collaborateurs (2014), démontrant que cette relation tend à être présente chez les deux sexes, quoique plus forte chez les hommes que chez leurs conjointes. De plus, nous prévoyons qu’un effet partenaire soit observé entre la présence de traits de psychopathie primaire des hommes au temps 1 et les agressions psychologiques mineures commises par leur conjointe au temps 2. Ce résultat n’est toutefois pas attendu chez les femmes de notre échantillon, ce qui voudrait dire que seulement les associations partenaires entre la psychopathie primaire et la perpétration de violence psychologique seront différentes en fonction du genre des individus et stables dans le temps.

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Chapitre 2 :

Méthode

Procédure

Les participants de la présente étude représentent un sous-ensemble d’un échantillon plus large, recruté dans le cadre d’un projet de recherche longitudinal en trois temps de mesure, visant à identifier les facteurs influençant, au long cours, la qualité et la stabilité des relations conjugales. Les participants ont été recrutés à l’aide d’un logiciel informatique générant des numéros de téléphone au hasard, parmi les couples cohabitant de la province de Québec. 600 couples ont répondu aux critères d’inclusion et ont été invités à faire partie du projet. Afin d’assurer la confidentialité des réponses de chaque partenaire, des enveloppes préaffranchies contenant les questionnaires leur ont été acheminées par la poste de façon individuelle. Les participants ont été sollicités à trois reprises entre 2004 et 2006. Pour chacune des phases de l’étude, les participants recevaient une compensation de 5,00$ lorsqu’ils retournaient la batterie de questionnaires. Sur les 600 couples contactés au départ, 274 ont retourné leur batterie de questionnaires dûment complétée, ce qui correspond à un taux de réponse initiale de 46% (temps 1). Un an plus tard (temps 2), ces 274 couples ont été approchés pour remplir une seconde fois les mêmes questionnaires. Parmi ceux-ci, 140 ont retourné tous les questionnaires complétés (taux de réponse de 51%). Enfin, deux ans après le lancement de l’étude (temps 3), 70 couples ont accepté de remplir et de retourner les questionnaires pour une troisième fois (50.5%). Les données de la présente étude font référence à ce dernier échantillon et les analyses statistiques réalisées pour ce projet concerneront les temps 2 et 3. Pour éviter la confusion, ces temps de mesures seront respectivement nommés temps 1 (ce qui correspond au temps 2 de l’étude originale) et temps 2 (ce qui correspond au temps 3 de l’étude originale). Tous les participants ont rempli les questionnaires dans leur version française.

Participants

L’échantillon d’intérêt se compose de 70 couples (N=140) hétérosexuels et canadiens-français provenant de la population générale et ayant complété les deuxième et troisième temps de l’étude, puisque ce sont les deux seuls moments où les traits psychopathiques étaient mesurés. Pour être admissibles, ils devaient rencontrer les critères d’inclusion suivants : être âgé entre 18 et 35 ans et être marié ou en cohabitation avec leur conjoint(e) depuis au moins six mois. Au sein de l’échantillon, la moyenne d’âge est de 32,77 ans (É.T. = 4,77) pour les hommes et de 30,28 ans (É.T. = 3.52) pour les

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femmes. Les partenaires se fréquentent en moyenne depuis 9,51 années (É.T. = 4,21). Plus de la moitié d’entre eux sont en union de fait (52,9%) alors que 47,1% sont mariés, et leur durée moyenne de cohabitation s’élève à 7,58 années (É.T. = 3,59). Au total, 97.1% des hommes et 75,4% des femmes occupent un emploi rémunéré, le revenu annuel moyen se situant autour de 26 000$ pour les femmes et autour de 50 000$ pour leur conjoint. Concernant leur niveau de scolarité, les hommes ont obtenu un diplôme d’études secondaires dans 31,4% des cas, 25,7% sont gradués du niveau collégial et 31,4% du niveau universitaire alors que chez leur conjointe, 24,4% sont diplômées du secondaire, 34,3% du collégial et 32,9% de l’Université.

Instruments

Un questionnaire sociodémographique a d’abord été rempli par les participants de l’étude, permettant de recueillir des informations générales concernant l’âge, le sexe, l’état civil, la scolarité, le revenu, l’occupation principale, la durée de la relation, ainsi que les relations amoureuses antérieures.

Psychopathie. La version francophone du Levenson’s Self-Report Psychopathy Scale (LSRP ; Levenson et al., 1995; adaptation française par Savard, Lussier, et al., 2014) a été utilisée pour évaluer les traits de personnalité psychopathiques au sein de notre échantillon de couples issus de la population générale. Le LSRP comprend 26 énoncés mesurant respectivement les dimensions primaire et secondaire de la psychopathie. L’échelle de psychopathie primaire est constituée de 16 items (question 1 à 16) référant aux éléments affectifs et interpersonnels de la personnalité psychopathique tels que l’égoïsme, la manipulation et l’insensibilité. Des items tels que : « Je dis aux autres ce qu'ils veulent bien entendre », « Je prends plaisir à jouer avec les sentiments des autres » composent cette échelle. L’échelle de psychopathie secondaire permet quant à elle de mesurer les aspects comportementaux associés à la psychopathie tels que l’impulsivité et le style de vie autodestructeur. Elle est composée de 10 items (question 17 à 26) tels que : « Quand je suis frustrée, souvent je me défoule en piquant une crise de colère », « Je me sens capable de poursuivre un même but sur une longue période ». Chacun des items est mesuré sur une échelle de type Likert en quatre points, allant de « fortement en désaccord » (1) à « fortement en accord » (4). De plus, afin de minimiser les biais associés à la désirabilité sociale, les items ont été élaborés de façon à éviter de signaler la présence de désapprobation lors de l'endossement d'un item. La structure bifactorielle de ce questionnaire est similaire à celle du Psychopathy CheckList-Revised (PCL-R ; Hare, 2003), qui est

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une mesure étalon en ce qui a trait à l’évaluation de la psychopathie. La version française de cet instrument possède des propriétés psychométriques satisfaisantes, comparables à celles de la version anglophone (Savard, Lussier, et al., 2014). Dans la littérature, les coefficients alpha de consistance interne atteignent .85 pour l’échelle de psychopathie globale, varient de 0,78 à 0,83 pour l’échelle de psychopathie primaire et de 0,63 à 0,69 pour l’échelle de psychopathie secondaire (Levenson et al., 1995; Savard, Lussier, et al., 2014). Dans la présente étude, les coefficients de consistance interne aux temps 1 et 2 sont respectivement de 0,79 pour l’échelle de psychopathie primaire et de 0,68 pour l’échelle de psychopathie secondaire.

Violence psychologique. La violence psychologique mineure perpétrée par les répondants a été mesurée à partir de quatre items de l’échelle de violence psychologique tirée de l’adaptation francophone du questionnaire Conflict Tactic Scales-II (CTS-2; Straus et al., 1996 ; traduction française par Lussier, 1997) : « j’ai insulté mon(ma) partenaire ou je me suis adressé(e) à lui(elle) en sacrant », « J’ai hurlé ou crié après mon(ma) partenaire », « lors d’un désaccord, je suis sorti(e) de la pièce, de la maison ou de la cour bruyamment », « j’ai fait quelque chose pour contrarié mon(ma) partenaire ». Chacun des items est mesuré sur une échelle de type Likert en sept points, permettant au participant d’inscrire la fréquence à laquelle le comportement est survenu, allant de « 0 = ceci n’est jamais arrivé » à « 6 = plus de 20 fois dans la dernière année » avec une option « 7 = pas au cours de la dernière année, mais c’est déjà arrivé ». Les catégories de réponse sont ensuite recodées à l’aide de points milieux fixés à 0, 1 et 2 respectivement pour les trois premières catégories, à 4 pour la catégorie 3 « trois à cinq fois », à 8 pour la catégorie 4 « 6 à 10 fois », à 15 pour la catégorie 5 « 11 à 20 fois » et à 25 pour la catégorie 6 « plus de 20 fois au cours de la dernière année ». La catégorie « 7 = pas au cours de la dernière année, mais c’est déjà arrivé avant » est cotée 0 afin d’obtenir la prévalence annuelle des comportements de violence psychologique. En calculant à partir des points milieux, les scores totaux pour l’échelle d’agression psychologique peuvent s’étendent de 0 à 100, un score élevé reflétant une plus grande utilisation de cette stratégie pour résoudre les problèmes au sein du couple. L’échelle originale de violence psychologique démontre une consistance interne satisfaisante, présentant un alpha de 0,79 ainsi qu’une bonne validité de construit (Strauss et al., 1996). Dans la présente étude, la valeur de l’alpha de Cronbach pour les résultats aux quatre items de violence psychologique mineure perpétrée correspond à 0,66 pour les hommes et les femmes au temps 1 alors qu’au temps 2, ces valeurs sont de 0,69 chez les femmes et 0,80 chez les hommes.

Références

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