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Comparaison des adolescents en troubles de comportement et des jeunes contrevenants selon leurs caractéristiques psychosociales et les services obtenus des centres jeunesse

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Academic year: 2021

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JULIE MARCOTTE

COMPARAISON DES ADOLESCENTS EN TROUBLES DE COMPORTEMENT ET DES JEUNES CONTREVENANTS

SELON LEURS CARACTÉRISTIQUES PSYCHOSOCIALES ET LES SERVICES OBTENUS DES CENTRES JEUNESSE

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de Γ Université Laval

pour l’obtention

du grade de maître en psychologie (M.Ps.)

École de Psychologie

FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES UNIVERSITÉ LAVAL

FÉVRIER 2001

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RÉSUMÉ

La spécificité des troubles de comportement par rapport à la délinquance juvénile a été beaucoup moins fouillée que la filiation de ces deux formes d’inadaptation à l’adolescence. Pourtant, certaines sociétés offrent un traitement social différent aux jeunes en troubles de comportement et aux jeunes délinquants. Au Québec, nous retrouvons deux catégories de dispositifs législatifs à cet égard : d’un côté, il y a la Loi sur la protection de la jeunesse et la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les jeunes en troubles de comportement et de l’autre, la Loi sur les jeunes contrevenants pour les délinquants adolescents. Cette étude exploratoire a pour objectifs, d’une part, d’explorer la spécificité psychosociale des adolescents affichant des troubles de comportement comparativement aux délinquants juvéniles et d’autre part, de comparer les services offerts à ces deux catégories de jeunes en difficulté. Un groupe de jeunes en troubles de comportement (n=21) et un groupe de jeunes contrevenants (n=20) sont comparés selon leurs caractéristiques psychosociales et les services déployés à leur endroit. Les résultats démontrent que comparativement aux jeunes contrevenants, les jeunes en troubles de comportement présentent significativement plus de problèmes intériorisés et extériorisés, et ils appartiennent à des familles plus dysfonctionnelles. Par ailleurs, les jeunes en troubles de comportement mobilisent davantage d’acteurs que les jeunes contrevenants, ce qui semble témoigner d’une certaine sensibilité des services offerts à la lourdeur différentielle des problématiques.

Richard Cloutier, Ph. D. Directeur de recherche

Julie Marcotte

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Ill AVANT-PROPOS

Le dépôt de ce travail correspond à P atteinte d’une partie des buts queje me suis fixés en tant qu’étudiante. Cet accomplissement n’aurait pu être possible sans la contribution de plusieurs personnes dont je tiens à saluer !’implication. Premièrement, j’aimerais remercier mon directeur de recherche, Richard Cloutier, pour ses conseils, ses encouragements, sa foi en mes capacités ainsi que pour l’opportunité qu’il m’a offerte de travailler au sein d’une formidable équipe de recherche, celle de l’Institut universitaire sur les jeunes en difficulté du Centre jeunesse de Québec. Un merci tout spécial à Gaby Carrier et à Rachel Lépine de l’Institut, pour leur soutien et leur collaboration à mes travaux ainsi qu’à Denis Lacerte pour ses judicieux conseils statistiques.

Je tiens à remercier Caroline ma «jumelle de maîtrise » pour qui j’ai la plus grande admiration et dont la détermination, la sagesse et la disponibilité ont su guider mes pas et maintenir ma confiance en mes choix. Aussi, j’aimerais adresser une pensée toute spéciale à Laurie et Mélanie afin de les remercier de leur amitié et de leur soutien.

J’aimerais remercier les membres de ma famille pour la compréhension et la patience dont ils ont fait preuve à mon égard ainsi que du soutien inconditionnel qu’ils m’ont offert. Plus spécialement, je veux remercier ma mère, Nicole, qui a souvent dû sacrifier ses rêves pour la réalisation des miens et dont l’amour, le courage et la persévérance ont su motiver la poursuite de mes efforts. Je tiens à souligner l’apport de ma sœur, Johanne, qui est une source inépuisable d’inspiration et de dépassement. Finalement, merci à ma cousine et amie Valérie, dont l’intérêt soutenu et la dose d’amitié quotidienne m’ont donné le carburant nécessaire pour continuer.

Finalement, j’aimerais remercier tous les parents et ami(e)s notamment, Catherine, Chantal et Simon, qui ont cru en ma capacité de mener à terme cette partie de mon cheminement académique.

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TABLE DES MATIÈRES

Page RÉSUMÉ...ü AVANT-PROPOS... ni

TABLE DES MATIÈRES... iv

LISTE DES TABLEAUX... v

INTRODUCTION GÉNÉRALE... vi

ARTICLE : COMPARAISON DES ADOLESCENTS EN TROUBLES DE COMPORTEMENT ET DES JEUNES CONTREVENANTS SELON LEURS CARACTÉRISTIQUES PSYCHOSOCIALES ET LES SERVICES OBTENUS DES CENTRES JEUNESSE 1. Résumé... 1 2. Introduction...2 3. Problématique... 4 4. Méthode... 11 5. Résultats... 17 6. Discussion... 19 7. Conclusion...22 8. Tableaux... 23 9. Références...30

CONCLUSION GÉNÉRALE... viii

X

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V

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Critères utilisés dans la définition du trouble des conduites selon le DSM-IV, de la délinquance juvénile selon la LJC et des troubles de comportement selon la LP J... 23-24

Tableau 2 : Caractéristiques des « répondants jeunes » et des « répondants parents » en fonction de la problématique... 25

Tableau 3 : Caractéristiques des « intervenants répondants » en fonction de la problématique... 26

Tableau 4 : Comparaison des résultats des jeunes en troubles de comportement et des jeunes contrevenants aux différentes échelles de T instrument 2 (CBCL)... 27

Tableau 5 : Comparaison des résultats des jeunes en troubles de comportement et des jeunes contrevenants aux différentes échelles de T instrument 3 (DISC) selon les « répondants jeunes » et les « répondants parents »... 28

Tableau 6 : Nombre moyen d’acteurs impliqués auprès des jeunes selon le secteur de provenance et la problématique... 29

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VI

INTRODUCTION GÉNÉRALE

La délinquance et les troubles de comportement à Γ adolescence sont deux problématiques préoccupantes en raison de leur prévalence et de leurs conséquences pour le jeune, sa famille et la société. En effet, ces deux formes d’inadaptation sociale sont les plus fréquemment retrouvées chez la clientèle adolescente masculine des centres jeunesse du Québec et elles accaparent la plus grande partie des ressources qui y sont disponibles (Beaudoin, Cloutier, Nahid et Lessard, 2000; ERIEDA, 1995). Des données récentes révèlent que 23% des jeunes signalés à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), le sont pour troubles de comportement sérieux (Tourigny, Mayer et Wright, 2000). Quant à eux, les jeunes délinquants représentent 22,4% des tous les usagers masculins des centres jeunesse du Québec (Beaudoin et Cloutier, 2000).

Les recherches qui traitent des troubles de comportement et de la délinquance à l’adolescence sont nombreuses, notamment en raison des impacts développementaux et des coûts sociaux substantiels qui leur sont associés. En effet, les travaux de recherche établissent des liens entre ces deux problématiques et le développement de problèmes de consommation, le décrochage scolaire, le chômage et l’isolement social à l’âge adulte (Cloutier, Champoux, Jacques et Lancop, 1994; Capsi, Wright, Moffit et Silva, 1998; Fergusson, Horwood et Lynskey, 1997). Ces études considèrent souvent la délinquance et les troubles de comportement comme faisant partie d’un concept général de la déviance en les situant sur l’axe des comportements extériorisés. Cet axe est caractérisé par une production de conduites sous-contrôlées et sanctionnées négativement par l’entourage en raison de leur caractère indésirable, excessif ou illégal. Ces comportements sont également apparentés entre eux en raison de leur filiation contextuelle puisqu’ils peuvent coexister chez certains individus (Vitaro, Dobkin, Gagnon et Le Blanc, 1994).

Les recherches faisant état des liens entre ces deux types de comportements inadaptés sont beaucoup plus nombreuses que celles qui traitent de leur spécificité. Pourtant, au Québec, la trajectoire des services est structurée de façon différente selon que le jeune présente des

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Vil troubles de comportement ou qu’il affiche un comportement délinquant. Dans le premier cas, le jeune reçoit des services d’aide et de soutien en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse ou de la Loi sur les services de santé et des services sociaux. Dans le cas du jeune contrevenant, ce sont plutôt des mesures de correction visant la protection de la société qui sont prises à son endroit (Faugeras, Moisan, Fournier et Laquerre, 1999).

Compte tenu du traitement social distinct de ces deux problématiques au Québec, de la pénurie de recherches qui documentent la spécificité des troubles de comportement et de la délinquance, ainsi que les coûts sociaux et les impacts développementaux qui leur sont associés, il est pertinent de tester empiriquement la différence entre ces deux problématiques. Cette étude poursuit donc deux objectifs distincts : le premier vise à étudier la spécificité des deux problématiques et le deuxième consiste à vérifier si les services qui sont offerts à ces deux groupes de jeunes en difficulté sont sensibles à leurs besoins. Plus précisément, cette étude veut répondre aux deux questions de recherche suivantes : A) dans quelle mesure les jeunes en troubles de comportement affichent-ils des caractéristiques psychosociales différentes comparativement aux jeunes contrevenants ? et B) dans quelle mesure les services offerts aux jeunes impliqués dans l’une ou l’autre des problématiques se déploient-ils selon un profil distinct ?

Afin d’atteindre les objectifs fixés, cette étude exploratoire s’inscrit dans un projet de recherche plus vaste portant sur les soins aux jeunes en difficulté, subventionné par le Fonds d’adaptation des soins de santé de Santé Canada (Cloutier, Carrier et Lépine, 2000; Pauzé et coll., 2000). L’inscription du présent mémoire de maîtrise dans cette étude plus vaste représente une opportunité unique d’accéder à des données sur les clientèles des centres jeunesse, ce qui pose ordinairement des défis importants aux plans de l’accès aux clientèles et des précautions méthodologiques à respecter. Cette opportunité a pu être mise à profit dans la présente démarche de recherche dont le produit, présenté sous forme d’article scientifique, pourra faire l’objet d’un transfert tant vers les milieux scientifiques que ceux de la pratique.

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Troubles de componemeu! ei délinquance \

Résumé

La spécificité des troubles de comportement par rapport à la délinquance juvénile a été beaucoup moins fouillée que la filiation de ces deux formes d’inadaptation à l’adolescence. Pourtant, certaines sociétés offrent un traitement social différent aux jeunes en troubles de comportement et aux jeunes délinquants. Au Québec, nous retrouvons deux catégories de dispositifs législatifs à cet égard : d’un côté, il y a la Loi sur la protection de la jeunesse et la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les jeunes en troubles de comportement et de l’autre, la Loi sur les jeunes contrevenants pour les délinquants adolescents. Cette étude exploratoire a pour objectifs, d’une part, d’explorer la spécificité psychosociale des adolescents affichant des troubles de comportement comparativement aux délinquants juvéniles et d’autre part, de comparer les services offerts à ces deux catégories de jeunes en difficulté. Un groupe de jeunes en troubles de comportement (n=21) et un groupe de jeunes contrevenants (n=20) sont comparés selon leurs caractéristiques psychosociales et les services déployés à leur endroit. Les résultats démontrent que comparativement aux jeunes contrevenants, les jeunes en troubles de comportement présentent significativement plus de problèmes intériorisés et extériorisés, et ils appartiennent à des familles plus dysfonctionnelles. Par ailleurs, les jeunes en troubles de comportement mobilisent davantage d’acteurs que les jeunes contrevenants, ce qui semble témoigner d’une certaine sensibilité des services offerts à la lourdeur différentielle des problématiques.

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Tro üb Jes de campon emeu¡ et délinquance 2

Comparaison des adolescents en troubles de comportement et des jeunes contrevenants selon leurs caractéristiques psychosociales

et les services obtenus des centres jeunesse

Julie Marcotte et Richard Cloutier, École de Psychologie, Université Laval

Cette étude porte sur la comparaison des adolescents en troubles de comportement et des jeunes contrevenants selon leurs caractéristiques et les services qu’ils obtiennent des centres jeunesse. Deux objectifs sont poursuivis : le premier concerne l’exploration de la spécificité psychosociale des adolescents affichant des troubles de comportement comparativement aux délinquants juvéniles; le deuxième consiste à comparer les services offerts à ces deux catégories de jeunes en difficulté au Québec en rapport avec la lourdeur de leur problématique.

Un jeune qui affiche des comportements inacceptables au Québec peut être orienté vers différentes formes de services. Il peut être référé à des services psychologiques ou psychiatriques et se voir attribuer un diagnostic de troubles des conduites (APa, 1996); il peut comparaître à la Cour juvénile suite à la commission d’un délit ou il peut être signalé à la Direction de la Protection de la jeunesse (DPJ) pour troubles de comportement sérieux (Gouvernement du Québec, 1998; Kazdin, 1995). D’autre part, des problèmes de comportement peuvent également être identifiés en milieu scolaire et recevoir des services de !’établissement d’éducation sans faire l’objet d’une intervention de la part des structures sociales, psychologiques ou légales1.

Ces différents dispositifs de traitement social des problèmes juvéniles ne sont pas étanches l’un à l’autre et les mêmes adolescents peuvent se retrouver dans plus d’un système à la fois (Le Blanc et Kapsy, 1998). Si, d’une part, les troubles de comportement sont le reflet d’un patron de conduites présent depuis une certaine période de temps, la délinquance, quant à 1 Dans le présent article, les problèmes de comportement identifiés en milieux scolaires ne seront pas traités directement bien que l’on puisse aisément supposer que plusieurs jeunes de notre échantillon présentent également des comportements inacceptables nécessitant des interventions en contexte scolaire.

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Troubla* da comportement et délinquance 3

elle, se définit en fonction d’un contact avec la justice en contexte de méfait. Un événement ponctuel tel qu’un vol de voiture peut amener un jeune devant les tribunaux et lui donner un statut de délinquant sans que celui-ci ne rencontre par ailleurs, les caractéristiques couramment associées aux « troubles de comportement » ou au « trouble des conduites» (Kazdin, 1995).

Face aux comportements antisociaux des jeunes, deux types de réactions sociales sont identifiables : des mesures visant à protéger la société contre des jeunes qui contreviennent à ses règles et qui doivent être corrigés, ou des mesures visant à aider ces jeunes victimes de leurs propres comportements et dont le futur est menacé par leur déficit d’auto-contrôle (Faugeras, Moisan, Fournier et Laquerre, 1999). Le traitement des jeunes délinquants est davantage assimilable au premier type de réaction sociale tandis que !’intervention psychiatrique (trouble des conduites, DSM-IV) et !’intervention en protection de la jeunesse (troubles de comportement) sont davantage assimilables au deuxième type de réaction sociale (Association des centres jeunesse, 1998; Gouvernement du Québec, 1998). Ces deux orientations sociales, souvent en chevauchement l’une avec l’autre dans les pratiques, se différencient davantage en fonction de leur philosophie de contrôle social respective qu’en fonction d’éléments distinctifs empiriquement établis (LeBlanc et McDuff, 1991). En effet, il n’existe que peu de travaux empiriques pour documenter la spécificité psychosociale de la délinquance par rapport aux problèmes de comportement (Fréchet et Cyr, 1994; Le Blanc et Kapsy, 1998).

La littérature reconnaît les fondements judiciaires de la délinquance juvénile ainsi que son caractère potentiellement ponctuel mais elle offre beaucoup plus de données sur les liens qui existent entre la « délinquance » et les « troubles de comportement » que sur la spécificité de ces deux problématiques. Pourtant, certaines sociétés dont le Québec, offrent un traitement différent aux jeunes en troubles de comportement et aux jeunes délinquants. Les troubles de comportement sont considérés sous la Loi sur la Protection de la Jeunesse (LPJ) ou sous la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LS S S S) comme une menace au développement et à la sécurité du jeune. Ce dernier est considéré comme ayant besoin de protection par rapport à lui-même et des mesures de soutien doivent être prises à son endroit.

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Le délinquant juvénile, pour sa part, est traité en vertu de la Loi fédérale sur les jeunes contrevenants (LJC) et il est considéré comme un individu qui a enfreint les normes socialement acceptables; son délit entraîne Γapplication de mesures de réparation et de contrôle. Existe-il des différences psychosociales fondées empiriquement qui justifient le traitement différentiel de ces problématiques? C’est à cette question que s’adresse la présente étude.

Diagnostic et prevalence

Plusieurs appellations sont employées pour désigner les problèmes associés aux comportements déviants des adolescents. Les appellations : « conduites antisociales », « agirs délinquants », « trouble des conduites », « troubles de comportement » en sont des exemples (St-Jacques, McKinnon et Potvin, 2000). Le sens donné aux appellations 1) trouble des conduites, 2) les troubles de comportement et 3) la délinquance sera maintenant présenté.

Le « trouble des conduites » est défini comme suit pas le DSM-IV (APa, 1996) : Q< un ensemble de conduites, répétitives et persistantes, dans lequel sont bafoués les

droits fondamentaux d'autrui ou les normes et règles sociales correspondant à l'âge du sujet, comme en témoigne la présence de trois des critères suivants (ou plus) au cours des 12 derniers mois, et d'au moins un de ces critères au cours des

derniers mois (...) (voir le tableau 1 pour l’énumération des 15 critères). )

Le trouble des conduites affecterait entre 6% à 16% des garçons et entre 2% à 9% des filles, les données variant selon la population et les méthodes d'évaluation utilisées (APa, 1996). Une étude menée aux États-Unis démontre qu’environ 11,6% des adolescents afficheraient un trouble des conduites (Velez, Johnson et Cohen, 1989). Au Québec, les taux de prévalence chez les adolescents varient entre 1% et 7% selon les études (Vitaro, Dobkin, Gagnon et Le Blanc, 1994). Ce trouble peut se manifester dès l'âge de 5 ou 6 ans mais il apparaît généralement vers la fin de l'enfance ou au début de l'adolescence. Dans la majorité des cas, il disparaît à l'âge adulte surtout lorsque le trouble est apparu à l'adolescence plutôt qu'à l'enfance et que les symptômes ont été peu nombreux et peu sévères (lessor, Donovan et Costa, 1992). Une apparition précoce du trouble augmente le risque d'évolution vers un trouble de la personnalité antisociale ou un trouble lié à la

Troubles de cotnport-emeui et délinquance 4

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Troubles de comport emeu¡ et délinquance 5

dépendance à une substance. Une série de critères diagnostiques doivent être rencontrés afin de confirmer la présence de ce trouble 2 3(APa, 1996).

D’autre part, la notion de « troubles de comportement sérieux » est définie par la Loi sur la Protection de la jeunesse du Québec (LP J) comme :

« (...)des modes d'ajustements réactionnels à une situation existentielle insatisfaisante ou à une manière d'agir symptomatique de troubles profonds de la personnalité. C'est un ensemble de réactions observables et structurées qui démontre la désorganisation de l'enfant (...) L'évaluation des troubles de comportement sérieux doit tenir compte de l'intensité des manifestations, de leur persistance, de leur étendue sur les différentes sphères de la vie de l'enfant (familiale, scolaire, sociale et personnelle), de leur fréquence. (...) Ne sont pas considérés comme troubles de comportement sérieux les crises associées aux phases normales d'adaptation à l'adolescence" (Gouvernement du Québec, 1998, p. 152).

Dans cette optique, les troubles de comportement sont considérés comme la résultante historique de la présence potentielle de besoins non-comblés. Lacharité (1999) rapporte que l’adoption de comportements inacceptables constitue une stratégie d’adaptation utilisée par les enfants abusés, négligés ou maltraités. D’autres les considèrent comme le reflet de stratégies utilisées par les adolescents pour répondre aux demandes de la société dans le cheminement vers la vie adulte (Hämäläinen et Pulkkinen, 1996).

Selon la LPJ, les manifestations suivantes sont considérées comme témoignant de la présence de troubles de comportement : (1) tendances suicidaires; (2) automutilation; (3) consommation abusive de drogues; (4) manifestations de violence ou d’agressivité de nature offensive ou défensive, dirigées contre autrui ou contre soi; et (5) fugues répétitives. L'intervention de l'état dans de telles situations possède un caractère exceptionnel et se justifie par la démonstration de l’incapacité des parents à apporter une réponse adéquate au moment opportun (Gouvernement du Québec, 1998).

Au Québec, les parents et le jeune qui sont confrontés à des problèmes de comportement chez ce dernier, peuvent également obtenir de l’aide sans passer par le 2 3

2 Voir le tableau 1 pour l’énumération des critères diagnostiques du DSM-IV

3 Dans le cadre de la présente étude, le trouble des conduites selon le DSM-IV ne sera pas considéré et la comparaison portera sur les caractéristiques psychosociales des jeunes en troubles de comportement selon la LPJ et les jeunes délinquants selon la LJC ainsi que sur les services dont ils font l’objet.

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Troublee de compon einem et délinquance g

processus de signalement au Directeur de la Protection de la Jeunesse (DP J) en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS). Dans ces cas, le cadre d’intervention moins stigmatisant, requiert que les parents et le jeune soient volontaires et qu’ils présentent les capacités de mettre en œuvre des mesures pour corriger la situation. Ainsi, ces deux dispositifs législatifs (LPJ et LSSSS) permettent d’offrir une réponse sociale aux troubles de comportement de l’adolescent4.

Les jeunes en troubles de comportement constituent 28% de la clientèle prise en charge en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse. Chez les adolescents, les troubles de comportement sont le premier motif de signalement à la DPJ (MSSS, 1999). Des données plus récentes de l’Étude d’incidence québécoise (Tourigny, Mayer et Wright, 2000) révèlent que 23% des cas retenus à l’étape Évaluation-Orientation font l’objet d’un signalement en vertu de troubles de comportement sérieux.

Enfin, la notion de « délinquance juvénile » correspond à des comportements de jeunes qui s’écartent largement et avec persistance des patrons de conduites prescrits ou tolérés (Vitaro et coll., 1994). La Loi sur les jeunes contrevenants (LJC), appliquée par les centres jeunesse, a été adoptée par le Parlement canadien en 1982 et est utilisée dans ses grandes orientations depuis 1984 au Québec. La LJC se situe dans le domaine du droit pénal; son application n’est justifiée que par la commission d’une infraction et a pour finalité ultime la protection de la société. Deux situations peuvent se présenter pour que la Loi sur les jeunes contrevenants soit appliquée au Québec : 1) la commission d’une infraction à une loi fédérale par une personne âgée de 12 ans et plus; 2) la commission d’une infraction à une loi québécoise par une personne âgée de 14 ans et plus (Gouvernement du Québec, 1998). Parmi les infractions concernées par la LJC, nous retrouvons entre autres :« les infractions contre l’ordre public, contre !’application de la loi et !’administration de la justice, contre la personne, contre la propriété ainsi que les infractions à la Loi sur les aliments et les drogues et les actes volontaires et prohibés concernant certains biens» (Gouvernement du Québec, 1993). Les principes sous-tendant !’application de la Loi sur les jeunes contrevenants visent à établir un 4 Dans la très grande majorité des cas, les troubles de comportement rencontrés sont reconnus comme fondés selon Γarticle 38h de la LPJ. Cependant, certains établissements préfèrent offrir une réponse en vertu de la LSSSS pour éviter d’inscrire le jeune et sa famille en protection de la jeunesse.

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Troubles de cnmpori emeu! et délinquance 7

équilibre entre la protection de la société et les besoins du jeune. Ainsi, aux yeux de la loi, la responsabilité du jeune est moindre que celle de l’adulte face au crime qu’il a commis (Faugeras et coll., 1999).

Chaque année, entre 4% et 6% des adolescents âgés entre 12 et 17 ans sont signalés aux corps policiers pour des délits et l’on observe que 22,4% de tous les usagers de sexe masculin en centres jeunesse sont inscrits à la LJC (Beaudoin, Cloutier, Nahid et Lessard, 2000). Bien que les jeunes de 14 à 19 ans ont les taux de perpétration de crimes de violence et de crimes contre les biens les plus élevés, on a observé en 1999, une baisse de 7,2% du taux de criminalité chez les jeunes ce qui constitue la septième baisse annuelle consécutive au Canada , (Statistiques Canada, 2000).

Le tableau 1 présente une comparaison des critères utilisés dans la définition du trouble des conduites selon le DSM-IV, de la délinquance juvénile selon la LJC et des troubles de comportement selon la LPJ. L’observation de ce tableau nous suggère tout d’abord, que la présence de chacune des problématiques est décrétée en fonction d’un écart normatif des conduites et non pas sur la base d’une souffrance vécue par le jeune. Il s’agit de critères fondés sur les agirs déviants et non pas sur des symptômes psychologiques. Nous observons également que le trouble des conduites (DSM-IV) et la délinquance juvénile utilisent des critères qui concernent principalement des comportements inacceptables qui menaçant les autres ou leur propriété. Par contre, les troubles de comportement (LPJ ou LSSSS) se définissent par des critères qui intègrent davantage des conduites déviantes orientées vers le jeune lui-même. Finalement, l’examen des critères employés par les différentes problématiques témoigne du chevauchement entre elles, particulièrement entre la délinquance et le trouble des conduites, ce qui contribue à expliquer les difficultés rencontrées dans la littérature pour les départager.

Impact développemental et coûts sociaux

Les conséquences des problèmes de comportement et de la délinquance sont multiples et peuvent se manifester à court ou à long terme. Plusieurs études ont démontré que les conduites inacceptables à l’adolescence se manifestent de manière multiforme (Beaudoin,

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Troubles de compon einem ei délinquance g

Carrier, Lépine et Laflamme, 1997; Gamefsky et Diekstra, 1997; Le Blanc et McDuff, 1991). Cloutier, Champoux, Jacques et Lancop (1994) soutiennent qu’un problème vécu à l’adolescence en attire souvent un autre. Par exemple, ils observent une forte relation entre les problèmes avec la police et le problème de consommation de drogue et d’alcool ainsi qu’entre les problèmes à l’école et la fugue. Les résultats de cette étude soutiennent l’hypothèse selon laquelle la plupart des jeunes vivent l’adolescence sans difficulté majeure, toutefois, la minorité de jeunes qui en connaît semble impliquée dans plusieurs zones troubles, ce qui contribue à augmenter la gravité de leur situation. Environ 15% des jeunes connaîtraient des problèmes significatifs d’adaptation à l’adolescence (Cloutier et coll., 1994; Hetherington, Bridges et Insabella, 1998). Parmi les jeunes en difficulté au Québec, seulement 1,6% reçoivent des services des centres jeunesse en vertu de la LJC, de la LPJ article 38(h) ou de la LSSSS. Pourtant, la presque totalité des places en internat, dont le coût annuel individuel varie entre 50 000$ et 100 000$, sont occupées par des adolescents qui affichent des problèmes de comportement ou par des délinquants (Beaudoin et coll., 2000). Les interventions auprès de ces deux groupes de jeunes accaparent la plus grande partie des ressources des centres jeunesse au Québec (ERIEDA, 1995).

A plus long terme, certains auteurs établissent qu’il existe une continuité entre les problèmes de comportement à l’adolescence et ceux observés à l’âge adulte, toutefois, cette continuité n’implique pas nécessairement une contagion. Par exemple, les sujets qui consomment de la drogue ou de l’alcool à l’adolescence risquent d’être toujours consommateurs dix ans plus tard, bien que cette consommation ne compromette pas nécessairement les autres dimensions de leur vie adulte (lessor et coll., 1992).

Parmi les déterminants de la marginalité sociale, le fait d’être sans emploi se retrouve en tête de liste : le chômage récurrent est souvent accompagné d’un amalgame de problématiques telles que la pauvreté, l’isolement social et les problèmes de santé mentale. Différentes études ont démontré que les caractéristiques individuelles, les problèmes de comportement et un faible auto-contrôle des émotions à l’adolescence sont de puissants facteurs de prédiction du chômage à l’âge adulte (Capsi, Wright, Moffit et Silva, 1998; Fergusson, Horwood et Lynskey, 1997). Par ailleurs, l’étude de Kokko et Pulkkinen (2000) révèle que l’agressivité pendant l’enfance prédit les difficultés scolaires à l’adolescence qui sont, toutes deux, significativement associées au chômage ultérieur à l’âge adulte.

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Troubles de compon emeu! e! délinquance 9

Compte tenu des coûts sociaux engagés et des répercussions sur l’adaptation adulte, on déplore souvent l’absence de prévention et d’interventions en amont pour empêcher le développement des troubles de comportement et de la délinquance (Cliche et coll., 1998). Les travaux de Le Blanc et ses collaborateurs (1991, 1998) ont indiqué que les troubles de comportement et la délinquance se développent à leur rythme propre et sont deux dimensions distinctes d’un construit plus général de la déviance. Toutefois, la frontière entre ces formes d’inadaptation est mal soutenue empiriquement. Une connaissance plus systématique des caractéristiques propres à chacune de ces problématiques est nécessaire pour guider la mise sur pied de programmes appropriés aux besoins de ces jeunes (Chamberlain et Priman, 1997; Fréchet et Cyr, 1994). La présente étude peut contribuer à combler ce besoin de connaissances.

Filiation et spécificité

La littérature sur les problèmes de comportement et la délinquance chez les adolescents est abondante. Toutefois, les recherches qui traitent de la spécificité des ces deux formes d’inadaptation sont plutôt rares. Vitaro et coll. (1994) soulignent que, en ce qui a trait à leur typologie et leur mode de production, ces comportements se situent sur l’axe des comportements extériorisés. Cet axe est caractérisé par une production de conduites sous- contrôlées et sanctionnées négativement par l’entourage en raison de leur caractère indésirable, excessif ou illégal. Par ailleurs, ces comportements sont également apparentés entre eux en raison de leur filiation contextuelle; ils coexistent parfois chez les mêmes individus.

La délinquance et les troubles de comportement apparaissent surtout à l’adolescence et en particulier chez les garçons, ces derniers éprouvant jusqu’à quatre fois plus de problèmes que les filles. Chez ces dernières toutefois, on observerait davantage de problèmes de type intériorisé tels que l’anxiété, le retrait social, les troubles affectifs et le trouble obsessionnel compulsif (St-Jacques et coll., 2000). Chez les garçons, les problèmes recensés proviennent surtout de l’axe des comportements extériorisés. Plus particulièrement, le trouble déficitaire de !’attention, le trouble des conduites et le trouble oppositionnel sont plus fréquemment rencontrés chez ces derniers. Par ailleurs, de faibles performances scolaires, de faibles

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Troubles de comport einen¡■ et délinquance

compétences sociales, la consommation de drogues et l’adoption de comportements sexuels à risque seraient corrélées avec le développement de problèmes de comportement (Bergeron, Valla et Breton, 1992; Fortin et Bigras, 1997; St-Jacques et coll., 2000)

Plusieurs auteurs considèrent la délinquance comme une sous-catégorie de l’ensemble des problèmes de comportement. Fortin et Bigras (1997) qui ont réalisé une importante recension des écrits sur la question, considèrent que les agirs délinquants sont une manifestation de problèmes de comportement extériorisés. Du point de vue de !’intervention, l’ERIEDA5 (1995) soutient que la spécificité des lois québécoises (LPJ et LSSSS vs. LJC) en ce qui a trait aux adolescents en difficulté n’a pas de réelle valeur clinique et qu’il est difficile d’admettre l’existence de types différenciés de marginalités et d’adolescents en difficulté.

Si les textes affirmant le lien entre ces deux formes d’inadaptation sont nombreux, ceux qui traitent de ce qui les distingue sont plus rares. Parmi les auteurs qui abordent cette question, certains établissent qu’une portion substantielle de la délinquance est associée aux difficultés reliées aux tâches développementales à l’adolescence contrairement aux troubles de comportement qui seraient associés à des problèmes plus profonds de la personnalité (Hämäläinen et Pulkkinen, 1996, Tolan, 1988). Des travaux récents rapportent que malgré !’acceptation par la criminologie contemporaine de l’existence d’un construit général de la déviance, la corrélation entre les troubles de comportement et la délinquance est loin d’être parfaite. Ces deux formes d’inadaptation seraient relativement indépendantes, l’une expliquant seulement 30% de la variance de l’autre (Le Blanc et Kapsy, 1998).

Du côté de la réponse sociale à chacune de ces problématiques, il est clair que la trajectoire des services est structurée de façon différente en fonction des lois distinctes au Québec et au Canada. Ainsi, par exemple, la LJC traite l’ensemble des cas de délinquance par ordonnance judiciaire tandis que la LPJ favorise les mesures volontaires et n’intervient d’autorité (ordonnance) que lorsque les premières échouent à provoquer le changement souhaité chez le jeune. Dans le cas de la LSSSS, les services sont exclusivement dispensés à

5 Équipe de recherche sur !’intervention expérimentale différentielle auprès des adolescents en difficulté, École de Psychoéducation, Université de Montréal.

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Troublee de compon emeu! et délinquance \ ]

des familles volontaires qui sont en mesure d’assumer les dispositions nécessaires au changement (Faugeras et coll., 1999). Au-delà de cette structure différentielle, dans quelle mesure retrouve-t-on un profil d’investissement de ressources professionnelles différent en matière d’aide et de contrôle d’une problématique à l’autre? Dans les centres jeunesse, établissements responsables de !’application de ces différentes lois, peu de données empiriques démontrent qu’un jeune contrevenant reçoit effectivement des services professionnels différents quantitativement (nombre d’acteurs impliqués) et/ou qualitativement (secteurs de services : éducation, justice, CLSC, centres jeunesse etc.) comparativement à un jeune en troubles de comportement.

Compte tenu du traitement social distinct de ces deux problématiques au Québec, de la pénurie de recherches qui documentent la spécificité des troubles de comportement et de la délinquance, ainsi que les coûts sociaux et les impacts développementaux qui leur sont associés, il est pertinent de tester empiriquement la différence entre ces deux problématiques. La présente étude porte sur deux questions de recherche : A) dans quelle mesure les jeunes en troubles de comportement affichent-ils des caractéristiques psychosociales différentes comparativement aux jeunes contrevenants ? et B) dans quelle mesure les services offerts aux jeunes impliqués dans l’une ou l’autre des problématiques se déploient-ils selon un profil

distinct ?

Méthode Sujets

L’échantillon à l’étude est constitué de 41 situations d’adolescents faisant partie de la clientèle de quatre centres jeunesse différents (Côte-Nord n=2, Estrié n=ll, Québec n=14 et Montréal n=14). La prise en charge peut être assumée en centre jeunesse sous le couvert de la LSSSS (n=8), la LPJ (n-13) ou la LJC (n=20)6. L’échantillon est composé de 21 jeunes en troubles de comportement (LPJ ou LSSSS) et de 20 jeunes contrevenants (LJC).

6 Les 8 sujets sous la LSSSS proviennent tous de 1’Estrié Au moment de la collecte de donnée, les centres jeunesse de P Estrié avaient comme politique d’établissement de privilégier le traitement des situations de troubles de comportement sous l’égide de la LSSSS afin d’éviter d’inscrire le jeune et sa famille dans la trajectoire plus stigmatisante de la Loi sur la protection de la jeunesse. Dans la foulée du mouvement de la standardisation des pratiques, cette façon de faire propre à ce centre jeunesse est en voie de disparition. De plus,

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Troubles de comportement et délinquance \2

Les données recueillies sur ces situations ont été obtenues auprès de 3 catégories de répondants : 1) les adolescents eux-mêmes (« répondant jeune »), 2) un adulte faisant figure de parent (« parent répondant ») et 3) Γintervenant responsable de la prise en charge au centre jeunesse (« intervenant répondant »). Ce dernier répondant vient documenter la nature des services offerts aux jeunes et à sa famille. Les tableaux 2 et 3 nous renseignent sur les caractéristiques de ces trois catégories de répondants.

Le tableau 2 révèle que les jeunes contrevenants et les jeunes en troubles de comportement présentent essentiellement les mêmes caractéristiques socio-démographiques (type de famille, sexe du répondant principal, âge du répondant principal, occupation du répondant, revenu familial, etc.). Ces résultats ont par ailleurs été répliqués auprès d’un plus vaste échantillon (n=235) (Pauzé et coll., 2000). La grande majorité des jeunes de !’échantillon sont issus de familles non-intactes (34 situations / 41) dont le revenu est faible (70% des familles ont un revenu < 30 000$). Les jeunes contrevenants sont significativement plus âgés que les jeunes en troubles de comportement (F (1, 39) = 26.71, p < .05). La presque totalité de ces derniers (90,5%) fréquentent toujours l’école comparativement aux jeunes contrevenants dont la fréquentation est significativement moindre (65%) (χ2 (1, n=41) = 3,88, p < .05). La différence d’âge entre les groupes est en lien avec la différence observée dans la fréquentation scolaire. Ainsi, la fréquentation scolaire obligatoire au Québec prend fin à l’âge de 16 ans, il est donc attendu que les jeunes contrevenants, plus âgés, soient moins nombreux à poursuivre leurs études puisqu’ils ne sont plus tenus de le faire.

Le tableau 3 fournit les caractéristiques des 38 intervenants impliqués dans l’étude. Nous y constatons que les hommes interviennent significativement plus souvent auprès des jeunes contrevenants tandis que les femmes interviennent auprès des jeunes en troubles de comportement (χ2 (1, n=38) = 3.98, p < .05). Par ailleurs, les intervenants œuvrant auprès des jeunes contrevenants ont significativement plus d’expérience et d’ancienneté au sein des * 3 les 8 situations provenant de !’Estrié et traitées sous la LSSSS répondaient aux critères suivants d’inclusion dans le sous-groupe échantillonnai des troubles de comportement : adolescent entre 12 et 17 ans, sexe masculin, recevant des services des centres jeunesse pour motifs suivants :(1) tendances suicidaires; (2) P automutilation; (3) la consommation abusive de drogues; (4) les manifestations de violence ou d’agressivité de nature offensive ou défensive, dirigées contre autrui ou contre soi; (5) des fugues répétitives. Suite à ces observations, nous avons

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Troubles de comportement et délinquance J3

centres jeunesse que ceux qui travaillent avec les jeunes en troubles de comportement (F (1,36) = 9.05, e <.05) et (F (1,36) = 4.60, p < .05).

Insérer tableaux 2 et 3 vers ici Instruments de mesures

Cinq instruments de mesure ont été utilisés dans la présente étude :

Instrument 1 : Informations générales de Pauzé et coll, (20001

Ce premier instrument vise à recueillir des informations démographiques sur le jeune et sa famille et est complété par le parent répondant. Les variables suivantes sont tirées de cet instrument : âge du jeune et du parent répondant, revenu familial, statut occupationnel et type de famille.

Instrument 2 : « CBCL » (Child Behavior Checklist d י Achenbach 19821

Les comportements de l’enfant sont mesurés à l’aide d’une version française du CBCL traduite et adaptée par Pauzé et coll. (2000). Ce questionnaire est construit de façon à différencier le comportement pathologique de celui dit normal, plutôt que de différencier les formes spécifiques de psychopathologie (Jensen, Salzberg, Richters, Watanabe, 1993). Le questionnaire amène le parent répondant à compléter les énoncés concernant la perception du comportement actuel de l’enfant ou de celui au cours des 12 derniers mois précédant l’entrevue. Onze dimensions sont évaluées par cet instrument à l’aide d’échelles de type Likert en 3 points qui s’énumèrent comme suit : 1) retrait (« préfère être seul », « est gêné »); 2) somatisation (« est fatigué », « a des maux de tête »); 3) anxiété et dépression (« se sent seul », « pleure souvent »); 4) problèmes sociaux (« ne s’entend pas avec les autres », « est dépendant »); 5) problèmes de la pensée (« entend des sons », « hallucinations »); 6) problèmes d’attention (« est nerveux », « rêve »); 7) comportements délinquants (« fait des menaces », « vandalise »); 8) comportements agressifs (« est méchant », « se bat »); 9) problèmes intériorisés (addition des scores des échelles 1, 2 et 3); 10) problèmes extériorisés

inclus les 8 sujets LSSSS avec les jeunes sous la LPJ pour former un groupe de jeunes désigné en « troubles de comportement ».

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Troubles de comportement e! délinquance 14

(addition des scores des échelles 7 et 8 ) et 11) score total du CBCL (toutes les échelles). Pour ce qui est de la validité du test, l’étude de Dedrick et collaborateurs (1997) portant sur 631 jeunes âgés entre 8 et 18 ans sérieusement perturbés émotionnellement, soutient les 8 facteurs utilisés par Achenbach (1982) pour décrire le comportement du sujet. Les résultats de l’analyse factorielle de cette étude confirment la validité de construit des scores obtenus avec ce test.

Chacun des scores obtenus au CBCL peut être traité de deux façons, soit en fonction des scores T qui constituent des scores standardisés en fonction de l’âge et du sexe ou de façon dichotomique selon l’atteinte ou non du seuil clinique dans la dimension mesurée (Achenbach, 1982).

Instrument 3: «DISC» (,Diagnostic Interview Schedule for Children de Fisher et collaborateurs. 1993)

L’instrument 3 est la version française du DISC-2 mise au point dans l’Enquête québécoise sur la Santé Mentale des Enfants et des Adolescents de 6 à 14 ans par Bergeron et collaborateurs (1992). Cet instrument permet d’évaluer les problèmes de santé mentale chez les jeunes de 12 à 17 ans. Le DISC-2 est une entrevue structurée qui peut être utilisée par des interviewers non formés en santé mentale. Cet instrument étudie la symptomatologie de l’Axe I du DSM-III-R et IV, soit les problèmes personnels vécus par le jeune au cours des 6 ou 12 derniers mois qui précèdent la rencontre. L’entrevue comportant six modules, regroupe les grandes catégories de problèmes de santé mentale. Elle se réalise à la fois avec le jeune et le répondant principal de celui-ci à partir de plus de 175 items à compléter par « oui »/« non »/« ne sait pas »/« ne s’applique pas ». Celle-ci présente une fidélité test-retest moyenne (corrélation intraclasse) pour l’entrevue avec les parents de 0.76 et pour celle avec l’adolescent de 14 à 18 ans de 0.71 (Bergeron et coll., 1992). Le DISC est composé de 5 échelles : 1) anxiété («est anxieux », « tendu et inquiet»); dépression («est maussade », « fatigué » et « sans énergie »); hyperactivité (« a de la difficulté à rester en place, à garder son attention et à ne pas se laisser distraire »); opposition (« se dispute avec les parents », « blâme les autres », « est de mauvaise humeur ») et troubles de comportement (« commet un vol »,

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Trouble* ii* amxponeméut ci délinquance 15

« ment », « met le feu », « se bat »). Il est important de mentionner que l’échelle des troubles de comportement du DISC fait davantage référence à des activités délictueuses et des délits.

Le DISC permet d’identifier, d’une part, le nombre de critères rencontrés par le sujet au DSM-IV et d’autre part, il permet de vérifier si ce dernier tombe dans la zone clinique de son groupe de référence ou pas (Fisher et coll., 1993).

Instrument 4 : l’échelle du fonctionnement global du « F AD » (Family Assessment Device de Mc Master, Epstein, Baldwin et Bishop, 1983)

Cet instrument correspond à une sous-échelle du F AD traduit et adapté par Pauzé et collaborateurs (2000). Il est complété à la fois par le répondant principal et le jeune. L’échelle du « fonctionnement global » comprend 12 items pondérés selon une gradation de type Likert en quatre points (1= fortement en accord, 2= d’accord, 3= en désaccord, 4= fortement en désaccord). Le score pondéré obtenu à l’échelle nous permet de vérifier le niveau de dysfonctionnement au sein de la famille et un résultat plus élevé que le point de césure fixé à 2/4, indique la présence d’un dysfonctionnement familial. Il nous permet donc de classer les famille dans la zone normale ou dysfonctionnelle selon le cas. La consistance interne de cette échelle est de 0,92 et le coefficient alpha varie de 0,83 à 0,86 (Epstein et coll., 1983).

Instrument 5 : Le réseau d’acteurs dans les services jeunesse fCloutier. Carrier et Lénine.

20001.

Cet instrument descriptif permet d’identifier l’ensemble des personnes significatives constituant le réseau des acteurs impliqués dans la recherche de solutions aux problèmes du jeune, leur secteur de provenance et leur rôle dans la vie du jeune, de mesurer leur degré d’implication, de même que le type de relation qui existe entre ces personnes et !’intervenant répondant (Cloutier et coll., 2000).

Procédure

Cette étude présente l'avantage de détenir plusieurs sources d'information pour chacune des situations familiales de !'échantillon. Ainsi, les données pour chaque situation ont été

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Troubles de comport emeu! et déhnqumce 16

recueillies auprès de 3 personnes différentes : le jeune, le parent répondant ainsi que l’intervenant répondant ayant la prise en charge du dossier du jeune au centre jeunesse.

Le parent répondant a été rencontré à 2 reprises au cours de 2 entrevues d'environ lh30 chacune. Au cours de ces entrevues, ce répondant avait à répondre à plusieurs questionnaires concernant le jeune, la famille ou lui-même. Les questionnaires inclus dans les entrevues sont tous des instruments validés empiriquement.

Le jeune était rencontré une seule fois par le même expérimentateur que son parent répondant. Lors de l'entrevue qui durait environ 11130, le jeune avait à répondre à des questionnaires concernant ses comportements et sa famille.

L'intervenant répondant au dossier du jeune était contacté environ 30 jours après la prise en charge du dossier. Ce délai lui permettait de prendre contact une première fois avec le jeune et sa famille. Les acteurs identifiés par les intervenants cibles proviennent de plusieurs secteurs d’activités : santé, CLSC, milieu scolaire, organismes communautaires, justice, centres jeunesse et autres. La collecte de données a été effectuée principalement par entrevues téléphoniques entre les mois d’octobre 1998 et de juillet 1999. Les données ont été colligées à l’aide d’un questionnaire administré à !’intervenant une fois par mois pendant 6 mois ou, jusqu’au moment de la fermeture du dossier selon le cas. Un seuil minimal de trois mois avait été fixé pour pouvoir considérer un suivi complété. Parmi les dossiers, sept (5 LP J et 2 LJC) ont connu un changement d’intervenant et 1 dossier (LJC) a connu deux changements d’intervenants au cours de la collecte de données.

Analyses statistiques

La comparaison des deux groupes sur le plan de leurs caractéristiques psychosociales et des services qu’ils reçoivent est effectuée sur la base des résultats obtenus aux différents instruments au moyen d’analyses de variance (ANOVAs) ou du Chi-carré selon que la mesure rencontre ou non les exigences des statistiques paramétriques (Tabachnick et Fidell, 1996). Le logiciel SPSS (SPSS inc., 1997) a été utilisé pour effectuer ces comparaisons. Étant donné le

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Troubles de comportement ei délinquance

caractère exploratoire de l’étude et la taille de l’échantillon des situations considérées, un seuil de .05 est considéré pour identifier les tendances significatives.

Résultats

La présentation des résultats de cette étude exploratoire est structurée autour des deux questions de recherche à l’étude : A) dans quelle mesure les jeunes en troubles de comportement affichent-ils des caractéristiques psychosociales différentes comparativement aux jeunes contrevenants? et B) dans quelle mesure les services offerts aux jeunes impliqués dans l’une ou l’autre des problématiques se déploient-ils selon un profil distinct?

Spécificité psychosociale de chaque problématique

Les résultats aux instruments 2 (CBCL), 3 (DISC) et 4 (FAD) sont utilisés pour apporter une réponse à la première question de recherche. Le tableau 4 nous indique les jeunes en troubles de comportement présentent des scores T standardisés significativement plus élevés que les jeunes contrevenants aux échelles suivantes : anxiété-dépression (F (2,39) = 9.17, p < .05), problèmes sociaux (F (2,39) = 8.73, p_< .05), problèmes d’attention (F (2,39) = 6.05, p < .05), comportements agressifs (F (2,39) = 9.23, 05 .> ע), problèmes intériorisés (F (2,39) = 6.23, p < .05) et pour le score global du CBCL (F (2,39) = 6.61,2 < .05).

Pour ce qui est de l’atteinte du seuil clinique aux différentes échelles, on observe au tableau 4 que les jeunes en troubles de comportement se classent plus souvent dans la zone pathologique que les jeunes contrevenants et ce, pour les échelles suivantes : anxiété et dépression (χ2 (1, n=41) = 5.63, p < .05), comportement agressif (χ2 (1, n=41)= 5.24, 2 < .05), problèmes intériorisés (χ2 (1, n=41) = 4.36, 2 < •05), problèmes extériorisés (χ2 (1, n=41) = 4.19, p < .05) et pour le score total (χ2 (1, n-41) = 7.41, p < •05).

Insérer tableau 4 vers ici

D’autre part, le tableau 5 présente les résultats des « répondants parents » et des « répondants jeunes » à l’instrument 3 (DISC). Les « répondants parents » dont le jeune

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!'roubles de comportement ei délinquance 18

affiche des troubles de comportement rapportent un nombre de critères significativement plus élevé aux échelle suivantes : anxiété (F (2,39) = 11.7, p < .05), hyperactivité (F (2,39) =16.1, P < .05), opposition (F (2,39) = 9.2, p < .05) et troubles de comportement (F (2,39) = 26.4, p < .05). Dans la même veine, selon les parents, les jeunes en troubles de comportement se retrouvent plus souvent dans la zone clinique aux échelles : hyperactivité (χ2 (1, n=41) = 4.02 = p < .05) et opposition (χ2 (1, n=41) = 4.63, p <.05).

Quant à eux, les répondants jeunes ne traduisent pas de différence significative selon leur problématique, exception faite de F échelle « troubles de comportement » où les jeunes contrevenants se situent significativement plus souvent dans la zone clinique que les jeunes en troubles de comportement (F (2,39) = 9.2. p< .05).

Finalement, afin de vérifier le degré d’association entre l’âge du jeune et les problèmes qu’il rencontre, nous avons effectué une analyse de corrélation entre les échelles du DISC, les échelles du CBCL et l’âge du jeune. Aucune corrélation n’est observée entre l’âge du jeune et chacune des sous-échelles de ces instruments de mesure.

Insérer le tableau 5 vers ici

Finalement, les données recueillies à l’aide de l’instrument 4 (FAD) indiquent que les parents des jeunes en troubles de comportement notent significativement plus de dysfonctionnement au sein de leur famille que le font les parents des jeunes contrevenants (F (2,39) = 7.09, p < .05). Lorsque ces mêmes résultats de l’instrument 4 (FAD) sont analysés en fonction du point de césure (2/4) qui trace une frontière entre le fonctionnement normal et le dysfonctionnement, nous observons que plus de la moitié (52,4%) des parents de jeunes en troubles de comportement considèrent leur famille comme étant dysfonctionnelle comparativement à 30% des parents de jeunes contrevenants.

Lorsque les jeunes répondent eux-mêmes à cet instrument, les moyennes des scores ne présentent aucune différence en fonction de la problématique. En utilisant le point de césure,

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Troubles de comportement et délinquance J9

on observe que 52,4% des jeunes ne troubles de comportement situent leur famille dans la zone dysfonctionnelle comparativement à 60% chez les jeunes contrevenants.

Les services offerts selon la problématique

La réponse à la deuxième question de recherche portant sur les services offerts aux jeunes selon leur problématique, a été obtenue à partir des résultats de l’instrument 5

documentant le nombre d’acteurs impliqués auprès du jeune.

Le tableau 6 nous informe sur le nombre d’acteurs impliqués auprès des jeunes en troubles de comportement (TC) et des jeunes contrevenants (JC). Nous remarquons que dans presque tous les secteurs de provenance des acteurs, ceux qui œuvrent auprès des jeunes en troubles de comportement sont significativement plus nombreux comparativement à ceux qui interviennent auprès des jeunes contrevenants (χ2 (1, n=41) =15.1 p_< .01) et ces résultats sont constants d’un temps de mesure à l’autre. Deux secteurs font exception à cette règle, le secteur « Justice » et le secteur « Autre », où les acteurs sont plus nombreux à travailler auprès des jeunes contrevenants.

En moyenne, les 21 situations des jeunes en troubles de comportement mobilisent un total de 87.5 acteurs pour les 4 temps, comparativement à un total de 61 acteurs pour les 20 situations des jeunes contrevenants. Pour chaque jeune en troubles de comportement, nous observons une moyenne de 4 acteurs comparativement à 3 acteurs chez le jeune contrevenant.

Insérer tableau 6 vers ici Discussion

Les tendances significatives observées dans l’analyse des résultats convergent vers la désignation de la problématique des troubles de comportement comme étant plus lourde que celle de la délinquance juvénile. En effet, les indices comportementaux comme les indices familiaux nous amènent à répondre affirmativement à notre première question de recherche et, à l’instar de certains auteurs, à conclure sur la spécificité de la problématique des troubles comportement par rapport à celle de la délinquance juvénile (Kazdin, 1995; Le Blai

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Troublede compon emeu/ e/' délinquance 20

Kapsy, 1998). Dans le contexte exploratoire de cette recherche portant sur un échantillon de taille limitée, des résultats de recherche supplémentaires sont requis pour mieux affirmer cette réalité distincte.

La différence significative d’âge entre les deux groupes à l’étude soulève par ailleurs la question quant à la contribution de cette variable aux différences observées. L’analyse de corrélation effectuée n’a démontré aucune association significative entre l’âge des jeunes et les problèmes qu’ils rencontrent, invalidant ainsi l’idée que l’âge en soit la cause. Les études démontrent d’ailleurs, que le nombre de problèmes rencontrés par les adolescents augmentent à mesure qu’ils vieillissent; le temps étant un ingrédient de construction des problèmes (Cloutier et coll.,1994; Jessor et coll., 1992). Suivant cette logique, nos jeunes contrevenants, plus âgés, devraient connaître plus de difficultés toutefois, ils en présentent significativement moins que les jeunes en troubles de comportement, leurs cadets de deux ans en moyenne.

En outre, les résultats apportent un éclairage supplémentaire quant à la nature des problèmes cliniques affichés par le groupe d’adolescents en troubles de comportement dans le sens où ces troubles appartiennent à la fois à la zone intériorisée et à la zone extériorisée des difficultés (anxiété et dépression, problèmes sociaux, comportements agressifs, problèmes d’attention, opposition, problèmes intériorisés et extériorisés). Ainsi, un spectre de manifestations plus large est observé par rapport à celui que permettait d’anticiper la littérature qui concentre traditionnellement dans la zone extériorisée, les problèmes de ces garçons difficiles (Fortin et Bigras, 1997; St-Jacques et coll., 2000). Cette tendance appuie des travaux récents menés sur le sujet, affirmant la présence d’une comorbidité des problèmes intériorisés et extériorisés (Dekovic, 1999; Gamefsky et Diekstra, 1997), en plus de remettre en question les études qui soutiennent que les problèmes intériorisés sont l’apanage des filles et les problèmes extériorisés celui des garçons (Fortin et Bigras, 1997). Il semble donc que ces jeunes en troubles de comportement vivent une gamme complexe de difficultés ce qui

contribue vraisemblablement à la lourdeur et à la gravité de leur problématique.

Quant aux jeunes contrevenants, les dimensions évaluées suggèrent que leurs difficultés atteignent moins souvent le seuil clinique. Cette observation appuie les théories

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Troubles de compon einem e! délinquance 21

selon lesquelles la délinquance juvénile est plus souvent le résultat d’actes ponctuels qui sont davantage en lien avec des difficultés reliées aux tâches développementales à l’adolescence sans toutefois témoigner de la présence de problèmes plus profonds de la personnalité (Hämäläinen et Pulkkinen, 1996; Tolan, 1988). Notre étude n’a toutefois pas pu permettre de statuer sur l’étanchéité des deux problématiques et il est plausible qu’un jeune contrevenant puisse également présenter des troubles de comportement.

Du côté des indices du fonctionnement familial, malgré !’équivalence des familles des deux groupes d’adolescents au plan des caractéristiques socio-démographiques (composition de la famille, revenu familial, etc.), les résultats vont dans le même sens que ceux présentés précédemment. Ainsi, on retrouve plus souvent du dysfonctionnement familial chez les jeunes en troubles de comportement comparativement aux jeunes contrevenants. Cette observation appuie l’hypothèse selon laquelle les familles des jeunes en troubles de comportement sont plus vulnérables et sont moins susceptibles d’être en mesure de faire face aux défis posés par la transition adolescente de leur jeune (Lacharité, 1999; Vitaro et Gagnon, 2000).

Par rapport à notre deuxième question de recherche concernant les services obtenus, les résultats appuient l’hypothèse d’une sensibilité des services à la lourdeur différentielle des problématiques; les jeunes en troubles de comportement bénéficiant de !’implication d’un plus grand nombre d’acteurs. Effectivement, les résultats démontrent que les acteurs des secteurs « centres jeunesse », « CLSC », « éducation » et « organismes communautaires » sont significativement plus nombreux à intervenir auprès des jeunes en troubles de comportement comparativement aux jeunes contrevenants. Deux secteurs font exception à cette règle : le secteur « justice » et le secteur « autre ». Le secteur de la justice est davantage présent auprès des jeunes contrevenants en raison de la judiciarisation automatique de leur cas. En effet, dans le système québécois d’aide aux jeunes en difficulté, l’accès aux services dans les cas de délinquance juvénile passe obligatoirement par le tribunal, ce qui n’est pas nécessairement le cas pour les jeunes en troubles de comportement expliquant ainsi la faible représentation du secteur « justice » auprès de ces derniers. Par ailleurs, l’inclusion des employeurs dans le secteur « autre » expliquerait sa présence plus marquée auprès des jeunes contrevenants. Ces derniers sont plus âgés et donc plus nombreux à occuper un emploi où l’employeur est

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Troubles de compon einem ei délinquance 22

considéré comme un acteur significativement impliqué auprès du jeune et dont la présence est comptabilisée dans le secteur « autre ».

Cependant, on peut s’interroger sur la nature des services obtenus par le jeune dans ces secteurs «justice » et « autre » plus abondants chez le jeune contrevenant. Si l’on accepte que ces secteurs n’ont pas pour finalité directe de répondre aux besoins du jeune, les acteurs du secteur « justice » étant appelés à gérer le processus judiciaire et les employeurs accueillant souvent les jeunes sans savoir qu’ils sont jeunes contrevenants, il devient apparent que chaque jeune en troubles de comportement obtient une plus grande proportion des services d’aide

disponibles dans le réseau.

Enfin, la présence très importante du secteur scolaire auprès des jeunes en troubles de comportement renforce l’hypothèse selon laquelle l’école est un pilier central dans le développement d’actions concertées en vue d’actualiser des interventions auprès des jeunes en difficulté sérieuse (Cloutier et coll., 2000; Eccles et Harold, 1996; Kirshenbaum et Warner,

1999).

Nonobstant la convergence des résultats par rapport aux questions de recherche, il importe de reconnaître leurs limites en ce qui a trait, entre autre, à la dimension très modeste de !’échantillon qui limite la portée généralisable des résultats. De plus, !’identification des jeunes en troubles de comportement en fonction de dispositions législatives nous a obligé à omettre une proportion importante des jeunes qui vivent des difficultés comportementales, notamment en milieu scolaire. Les études futures pourraient bénéficier d’un échantillon comparatif provenant des milieux scolaires. Par ailleurs, il faut relever que les tendances observées n’émergent qu’à partir de la perception des parents sans confirmation du côté des jeunes eux-mêmes. Même si de telles disparités ont été observées dans d’autres études (Bergeron et coll., 1992; Sawyer, S arris, Cross et Kalucy, 1988), la dépendance de nos résultats à la perception parentale n’en est pas moins réelle. Enfin, la différence d’âge entre les deux groupes cibles peut avoir été une variable confondante influençant les différences observées. Toutefois, il est difficile de prétendre que les adolescents les plus âgés ont moins de problèmes.

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Troublede comportement et délinquance 23

Conclusion

À l’instar des travaux récents sur le sujet (Le Blanc et Kapsy, 1998; Hämäläinen et Pulkkinen, 1996; Pauzé et coll., 2000), notre étude a généré des résultats qui soutiennent l’hypothèse de la spécificité psychosociale des troubles de comportement et de la délinquance chez les jeunes.

Contrairement à ce que soutient l’ERIEDA (1995), la pertinence du traitement distinct des jeunes contrevenants et des jeunes en troubles de comportement trouve un soutien empirique dans les présents résultats; il s’agirait en effet, de deux problématiques spécifiques justifiant un traitement différentiel. Néanmoins, bien que cette recherche puisse appuyer la présomption d’une certaine sensibilité de l’offre de services par rapport à l’importance des problématiques, elle ne dit rien quant à !’efficacité et la qualité des services offerts.

À l’aube d’un durcissement des mesures canadiennes à l’endroit des jeunes délinquants proposé par la Ministre canadienne de la justice (Association des centres jeunesse, 2000), on peut s’interroger sur la pertinence d’un renforcement des mesures punitives par rapport à un renforcement des mesures de soutien offertes aux jeunes en difficultés sérieuses. Il demeure que la démonstration de la valeur ajoutée d’un traitement différentiel bénéficierait de données empiriques supplémentaires (Le Blanc et coll., 1998).

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Troubles de comportement et délinquance 25

Tableau 1 : Critères utilisés dans la définition du trouble des conduites selon le DSM-IV, de la délinquance juvénile selon la LJC et des troubles de comportement selon la LPJ

Problèmes de comportement Délinquance

Troubles des conduites ________ Troubles de comportement_______________________ Délinquance___________

DSM-IV Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ)Loi sur les jeunes contrevenants (LJC)

Deux situations peuvent se présenter pour que la loi sur les jeunes contrevenants soit

appliquée au Québec :

A. La commission d’une infraction à une loi fédérale par une personne âgée de 12 ans et plus

B. La commission d’une infraction à une loi québécoise par une personne âgée de 14 ans et plus.

Les infractions concernées par la LJC sont les infractions au code criminel fédéral, à tout règlement, règle, ordre, décret, arrêté ou ordonnance fédéraux ou provinciaux

Parmi ces infractions nous retrouvons entre autre :

(1) les infractions contre l’ordre public,

(2) les infractions contre l‘application de la loi et !’administration de la justice,

(3) infractions contre la personne, L'interprétation de l'alinéa h de l’article 38 de la

LPJ et son application doivent prendre en considération divers facteurs dont principalement :

A. La volonté ou non des parents de recourir à l'aide nécessaire pour corriger la situation; B. la capacité des parents d'assumer

adéquatement leurs rôles

Sont considérés comme troubles de comportement sérieux :

(1) tendances suicidaires (2) l’automutilation

(3) la consommation abusive de drogues (4) les manifestations de violences ou

d’agressivité de nature offensive ou défensive, dirigée contre autrui ou contre soi

(5) des fugues répétitives La présence de trois des critères suivants

(ou plus) au cours des 12 derniers mois, et d'au moins un de ces critères au cours des derniers mois:

Agressions envers les personnes ou des animaux

(1) brutalise, menace ou intimide souvent d'autres personnes

(2) commence souvent les bagarres (3) a utilisé une arme pouvant blesser sérieusement autrui

(4) a fait preuve de cruauté physique envers des personnes

(5) a fait preuve de cruauté physique envers des animaux

(6) a commis un vol en affrontant la victime (p. ex., agression, vol de sac à main, extorsion d'argent, vol à main armée) (7) a contraint quelqu'un à avoir des relations sexuelles

Destruction de biens matériels (8) a délibérément mis le feu avec

l'intention de provoquer des dégâts importants 4

(33)

Troubles c/e compor/emen/ e/ délinquance 26

Tableau 1 (suite): Critères utilisés dans la définition du trouble des conduites selon le DSM-IV, de la délinquance juvénile selon la LJC et des troubles de comportement selon la LPJ

Délinquance Problèmes de comportement

______ Troubles de comportement_______________________ Délinquance_____________ Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ) Loi sur les jeunes contrevenants (LJC)

(5) les infractions à la Loi sur les aliments et les drogues

(6) les actes volontaires et prohibés concernant certains biens.

Troubles des conduites

DSM-IV * * (9) a délibérément détruit le bien d'autrui (autrement qu'en y mettant le feu)

Fraude ou vol

(10) a pénétré par effraction dans une maison, un bâtiment ou une voiture appartenant à autrui

(11) ment souvent pour obtenir des biens ou des faveurs ou pour échapper à des obligations (p. ex., "arnaque" les autres) (12) a volé des objets d'une certaine valeur sans affronter la victime (p. ex., vol à l'étalage sans destruction ou effraction; contrefaçon)

Violations graves de règles établies (13) reste dehors tard la nuit en dépit des interdictions de ses parents, et cela a commencé avant l'âge de 13 ans (14) a fugué et passé la nuit dehors au moins à deux reprises alors qu'il vivait avec ses parents ou en placement familial (ou a fugué une seule fois sans rentrer à la maison pendant une longue période) (15) fait souvent l'école buissonnière, et cela a commencé avant l'âge de 13 ans

(34)

Troubles de comportement et délinquance 27

Tableau 2. Caractéristiques des « répondants jeunes» et des « répondants parents » en fonction de la problématique

Troubles de Jeunes

Comportement Contrevenants Total

Caractéristiques des répondants "jeune" et "parent" Nombre de Situations n=21 (LPJ = 13 et L4S=8) M ÉJ\ N= 20 (LJC=20) M É.T. 11=41 M É.T. Moyenne d'âge Du jeune* 14,4 1,7 16,5 U 15,4 1,8 Du parent répondant 39,7 5,6 40,8 5,7 40,3 5,6 n % N % n %

Sexe du parent répondant

Féminin 19 90,5 17 85 36 87,6 Masculin 2 6 3 15 5 12,2 Type de famille Intacte 3 14,3 4 20 7 17,1 Monoparentale 9 42,9 8 40 17 41,5 Reconstituée 8 38,1 8 40 16 39 Autre 1 4,8 ־ 1 2,4״ Statut occupationnel Du parent répondant Occupe un emploi 11 52,4 7 35 18 43,9 Aide sociale 8 38,1 9 45 17 41,5

Autre (maladie, au foyer etc.) 2 9,5 4 20 6 14,6

Revenu familial7

1000-19 999$ 11 52,4 12 60 23 56,1

20 000 - 29 999$ 3 14,3 3 15 6 14,6

30 000 - 49 999$ 5 23,8 1 5 6 14,6

50 000 et plus 2 9,5 3 15 5 12,2

Fréquentation scolaire du jeune*

Nb. de jeune fréquentant l'école 19 90,5 13 65 32 78

* p<.05

(35)

Troubles de comportemeui et déhnqunnce 28

Tableau 3. Caractéristiques des «intervenants répondants » en fonction de la problématique

Troubles de Comportement

Jeunes

Contrevenants Total

Caractéristiques des répondants "intervenant" Nombre de Situations (LPJ = n n=20 13 etL4S=7) % n= (LJC n 18 = 18) % N n=3 8 % Sexe de !,intervenant répondant*

Féminin 12 60 5 27,8 17 44,7 Masculin 8 40 13 72,2 21 55,3 Fonction de !,intervenant Travailleur social 13 65 11 61,1 24 63,2 Éducateur 7 35 7 38,9 14 36,8 M É.T. M É.T. M É.T. Années expérience* 15,5 8,2 22,1 4,6 18,6 7,4 Ancienneté au CJ* 15,5 8,5 20,5 5,2 17,9 7,5 * p<.05

Figure

Tableau 2. Caractéristiques des « répondants jeunes» et des « répondants parents » en fonction de la problématique
Tableau 3. Caractéristiques des «intervenants répondants »  en fonction de la problématique
Tableau 4. Comparaison des résultats des jeunes en troubles de comportement et des jeunes  contrevenants aux différentes échelles de T instrument 2 (CBCL)
Tableau 5. Comparaison des résultats des jeunes en troubles de comportement et  des jeunes contrevenants aux différentes échelles de Γinstrument 3 (DISC)
+2

Références

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