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Les Québécois sont-ils souverainistes? : étude sur le comportement électoral des Québécois de 1970 à 1994

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Academic year: 2021

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Les Québécois sont-ils souverainistes ? :

Étude sur le comportement électoral des Québécois de 1970 à 1994

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en histoire

pour l'obtention du grade de Maître es arts (M.A)

DEPARTEMENT D'HISTOIRE FACULTÉ DES LETTRES

UNIVERSITÉ LAVAL QUEBEC

2012

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En 1970, les Québécois se retrouvent pour la première fois dans des élections où se présente un parti souverainiste. Durant les années 1970, l'option souverainiste accroît sa popularité dans l'électorat. Au même moment, le Parti libéral du Canada reste le favori des Québécois. Sur cette base, on peut dire que ces derniers ont une attitude assez ambiguë relativement à leur choix - si ce n'est à leur avenir - politique. En effet, ils appuient un parti fédéraliste réputé centralisateur sur la scène fédérale et un parti souverainiste prônant la sécession sur la scène provinciale ! Dans le présent travail, on observe le comportement électoral des Québécois durant la période 1970 et 1994. La question suivante, simplement énoncée mais on ne peut plus difficile à résoudre, est au centre de nos préoccupations : les Québécois sont-ils souverainistes ? Pour avancer dans notre compréhension des choses, nous avons analysé plusieurs campagnes électorales en fouillant les résultats de sondages et en nous appuyant sur une documentation composée principalement d'articles de journaux, mais aussi de monographies et d'études.

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AVANT-PROPOS

Les deux dernières années furent bien remplies. Au final, j'ai réussi mon pari : partager efficacement mon temps entre les études et le travail. Je suis maintenant rendu à la fin de mon programme de maîtrise. Je tiens à remercier mon directeur de recherche, Jocelyn Létourneau, professeur titulaire au Département d'histoire de l'Université Laval. Ses conseils m'ont permis d'approfondir mes connaissances sur un sujet chaud et ont alimenté ma réflexion. Grâce à son aide, j'ai pu mieux structurer mes idées et produire un mémoire que j'espère convaincant et intéressant. Travailler avec lui m'a permis d'envisager différemment la dynamique politique au Québec.

Je voudrais également remercier tous les professeurs et chargés d'enseignement que j'ai côtoyés durant mes études de 1er cycle et de 2e cycle. Ils ont su m'inculquer une méthode de travail qui m'a servi tout au long de mon cheminement académique. Ils ont également suscité en moi une volonté d'apprendre et m'ont permis d'acquérir beaucoup de notions en histoire politique du Québec. Je pense particulièrement à MM. Pierre Lanthier, Jean Roy et Dany Fougère.

Je dois également remercier certains de mes collègues et amis qui m'ont soutenu tout au long de ma démarche scientifique, que ce soit par leurs commentaires, leurs encouragements ou leur bonne humeur quotidienne. Je pense ici à Joseph Gagné, qui m'a permis d'échapper à mon quotidien parfois difficile ; à Pierre Tremblay, pour nos innombrables discussions politique ; à Katherine Piché-Nadeau, pour ses conseils toujours pertinents ; et à Pascal Pouliot, pour avoir été on ne peut plus présent dans ma vie pendant de nombreuses années.

Je tiens également à exprimer ma gratitude à tous les membres de ma famille : à ma mère, Cécile, et à son conjoint, Rémy, pour m'avoir continuellement appuyé ; à mon père Gilles, qui m'a intéressé à l'histoire et à la politique alors que je n'avais que 9 ans ! Ma conjointe Louise, pour sa patience et son soutien des dernières années, mérite tout ce que mon cœur peut donner de bon.

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TABLE DES MATIERES

RÉSUMÉ 1 AVANT-PROPOS II

TABLE DES MATIÈRES Ill LISTE DES ACRONYMES VI LISTE DES TABLEAUX Vil INTRODUCTION GÉNÉRALE 1 CHAPITRE I : LE COMPORTEMENT ÉLECTORAL DES QUÉBÉCOIS DE

1970 À 1974 11 1.1 Le contexte du début des années 1970 11

1.1.1 La situation économique des années 1970 11

1.1.2 Les gouvernements en place 12 1. 2 Les élections générales québécoises de 1970 et 1973 14

1.2.1 La campagne de 1970 14 1.2.2 Les intentions de vote et résultats des élections provinciales de 1970 19

1.2.3 La campagne de 1973 21 1.2.4 Les intentions de vote et les résultats en 1973 24

1.3 Les élections générales canadiennes de 1972 et 1974 26

1.3.1 Les élections canadiennes de 1972 26 CHAPITRE II : L'AFFRONTEMENT TRUDEAU-LÉVESQUE DE 1976 À 1982 33

2.1 La campagne électorale de 1976 : la victoire du Parti québécois 33

2.1.1 Le contexte de précampagne 33 2.1.2 La gouvernance fédérale 35

2.1.3 La campagne 36 2.1.4 Les intentions de vote et les résultats 38

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2. 2 L'option fédéraliste au Québec 41 2.2.1 Les élections fédérales de 1979 et 1980 42

2.2.2 Le référendum québécois de 1980 sur la souveraineté-association 45 2.2.3 La confiance des Québécois envers le gouvernement Lévesque 49 CHAPITRE m : LE GLISSEMENT DU COMPORTEMENT ÉLECTORAL DES

QUÉBÉCOIS LORS DE LA PÉRIODE 1981-1992 55 3.1 La déchirure constitutionnelle : le rapatriement de la constitution 55

3.1.1 Les tentatives de rapatriement 55 3.1.2 Le rapatriement de la constitution 57

3.2 L'alliance Mulroney-Bourassa 59 3.2.1 Brian Mulroney et le Québec 59 3.2.2 Le beau risque 63

3.2.3 Le Québec face au ROC : Meech et Charlottetown 66 CHAPITRE IV : LE COMPORTEMENT ÉLECTORAL DES QUÉBÉCOIS LORS DE LA

PÉRIODE PRÉRÉFÉRENDAIRE (1993-1994) 71

4.1 Le glissement des années 1990 71

4.1.1 Le Bloc Québécois 71 4.1.2 Les élections fédérales de 1993 72

4.1.3 Les résultats électoraux 74 4.2 Les élections provinciales de 1994 77

4.2.1 La campagne de 1994 77 4.2.2 Les résultats électoraux de 1994 79

BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE 90 ANNEXE I : CAMPAGNES ÉLECTORALES PROVINCIALES AU QUÉBEC ENTRE

1970-1994 104 ANNEXE II : RÉPARTITION DES SIÈGES ET DES VOTES LORS DES ÉLECTIONS

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ANNEXE IV : CAMPAGNES ÉLECTORALES FÉDÉRALE AU CANADA ENTRE

1970-1995 107 ANNEXE V : RÉPARTITION DES SIÈGES ET DES VOTES LORS DES ÉLECTIONS

FÉDÉRALES ENTRE 1970 ET 1994 DANS LA PROVINCE DE QUÉBEC 108 ANNEXE VI : PREMIERS MINISTRES DU CANADA ENTRE 1970 ET 1994

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LISTE DES ACRONYMES

BQ : Bloc québécois CS : Crédit social

NPD : Nouveau Parti démocratique

NPDQ : Nouveau Parti démocratique du Québec PLC : Parti libéral du Canada

PLQ : Parti libéral du Québec

PC : Parti créditiste (élections provinciales au Québec en 1973) PPC : Parti progressiste-conservateur

PQ : Parti québécois

RC : Ralliement créditiste (élections provinciales au Québec en 1970) ROC : Rest of Canada ou reste du Canada

RPC : Reform Party of Canada ou Parti réformiste du Canada UN : Union nationale

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 :

Tableau 2 :

Tableau 3 :

Tableau 4 :

Intention de vote des Québécois lors de la campagne électorale provinciale de 1970

p. 20

Répartition des voix et des sièges lors des élections p. 20 provinciales de 1970 dans la province de Québec

Intentions de vote lors des élections provinciales de 1973, p. 24 province de Québec

Intentions de vote au Canada entre octobre 1972 et octobre p. 29 1973

Tableau 5 : Intention de vote des Québécois selon la langue p. 38 Tableau 6 : Intentions de vote lors de la campagne électorale provinciale p. 39

de 1976

Tableau 7 : Diverses mesures des opinions constitutionnelles des p. 41 Québécois, juin 1979

Tableau 8 : Opinions relatives à la souveraineté-association et au p. 46 mandat de négocier

Tableau 9 : Évolution des intentions de vote au Québec entre 1976 et p. 50 1981

Tableau 10 : Sondage sur les intentions de vote dans la province de p. 61 Québec au début de la campagne de 1984

Tableau 11 : Répartition des sièges et des votes lors des élections p. 74 fédérales de 1993 dans la province de Québec

Tableau 12 : Intention des Québécois en faveur de ... p. 78

Tableau 13 : Sondages relatifs aux intentions de vote lors de la campagne p. 79 de 1994

Tableau 14 : Répartition des sièges et des voix lors des élections p. 80 provinciales de 1994

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LISTES DES ANNEXES

Annexe I : Campagnes électorales provinciales au Québec entre 1970-1994 p. 104 Annexe II : Répartition des sièges et des votes lors des élections provinciales p. 105

entre 1970 et 1994 dans la province de Québec

Annexe III : Premiers ministres de la province de Québec entre 1970 et 1994 p. 106 Annexe IV : Campagne électorales fédérales au Canada entre 1970-1995 p. 107 Annexe V : Répartition des sièges et des votes lors des élections fédérales p. 108

entre 1970 et 1994 dans la province de Québec

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En 1968, Pierre Trudeau devient premier ministre du Canada. Au lendemain de son assermentation, il met tout en place pour imposer sa vision de l'unité canadienne. Au même moment, plusieurs partis politiques, qui prônent l'indépendance du Québec, font leur apparition dans le décor politique de la province. À partir de ce moment se dessinent deux visions présentes sur la scène politique québécoise pendant près de 30 ans : le fédéralisme, d'un côté, et le souverainisme, de l'autre.

C'est sur cette nouvelle dynamique que s'élance la décennie des années 1970. Sur le plan provincial, les électeurs québécois se retrouvent devant plusieurs options. Les élections générales de 1970 au Québec sont les premières qui ont pour toile de fond la lutte que se livrent les fédéralistes et les indépendantistes. En effet, lors de ces élections, les Québécois se retrouvent devant trois scénarios différents pour envisager leur avenir politique. Le premier est celui du statu quo : ceux qu'il convainc ne veulent pas de changement dans les relations entre le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral. Le second scénario est celui du «fédéraliste renouvelé» : celui-là implique que plus de pouvoirs sont octroyés aux provinces. Le dernier scénario est celui que préconise René Lévesque, qui veut réaliser la souveraineté-association. Ce scénario met en avant le projet de faire du Québec un pays indépendant rattaché au Canada par un partenariat économique.

Sur la scène fédérale, deux conceptions s'opposent. Il y a d'abord celle de l'unité canadienne, mise en avant par Pierre Elliott Trudeau et le Parti libéral du Canada. Comme le soutient le politologue Réjean Pelletier :

Ottawa s'était efforcé de créer un Canada uni politiquement et intégré économiquement sous la direction d'un gouvernement central fort : la mise en place de l'État-providence assurait cet objectif. [...] Le gouvernement fédéral s'emploie à sauvegarder son rôle dans l'ensemble du pays et à préserver l'unité canadienne. Ce thème de l'unité va s'imposer [...] dans une vision «uniformisatrice» où s'estompe le rêve de la dualité canadienne1.

On dit souvent de cette vision du Canada qu'elle est «centralisatrice». Le terme n'est pas péjoratif. Il ne fait que définir le mode de gouvernance d'un gouvernement.

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considérée comme moins «centralisatrice» que le PLC. Le PPC prône en effet un «fédéralisme renouvelé» où les provinces auraient davantage de pouvoir dans la fédération. Les différentes options disponibles seront davantage traitées dans les différents chapitres du mémoire.

Problématique

Dans leur relation au Canada, les Québécois demeurent .ambigus. Ils veulent creuser le sillon de leur distinction sans se dissocier du pays. Par deux fois, à la suite de référendums, les Québécois ont dit non à la souveraineté du Québec. Pourtant, ils n'ont de cesse de réclamer d'Ottawa plus de pouvoir et d'autonomie. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'attitude politique des Québécois est difficile à comprendre. À quelle logique obéit-elle ? A priori, on pourrait dire qu'ils veulent rester liés au Canada sans toutefois s'assimiler à lui.

Dans ce travail, nous nous penchons sur le comportement électoral des Québécois durant la période 1970-1994. Par comportement électoral, nous entendons, simplement, l'orientation du vote populaire pour un parti et les raisons qui motivent ce choix.

La question qui est au centre de notre étude peut être ainsi formulée : les Québécois sont-ils souverainistes ? Pour répondre à cette question, nous analysons la dynamique de plusieurs campagnes électorales. Notre défi est d'observer et non de définir le comportement électoral des Québécois. Notre étude sera fondée sur la prise en compte de sondages d'opinion et sur le recours aux journaux, qui nous permettront d'accéder aux humeurs politiques d'époque.

Culture politique et comportement électoral des Québécois

Plusieurs auteurs se sont penchés sur la question du comportement électoral des Québécois. Ils ont tenté de comprendre l'orientation du vote des Québécois en fonction de diverses variables. Les politologues Éric Bélanger et Richard Nadeau affirment ainsi qu'au Québec, le sentiment national et la perception de l'avenir politique de la province jouent

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l'électorat accorde à la question nationale [...] de même que par l'ambivalence des électeurs vis-à-vis le Parti québécois et sa position constitutionnelle.»2 Autrement dit, le sentiment national conditionne les résultats électoraux ; et, bien que le sentiment national ne soit pas l'unique variable qui influence le vote des électeurs, la relation Canada-Québec est un facteur important sur lequel les gens fondent leur vote. C'est dire que le débat constitutionnel influence les résultats électoraux au Québec. Pour réaliser leur recherche, Bélanger et Nadeau sont revenus, dans le premier chapitre de leur ouvrage, sur les différentes campagnes électorales provinciales de 1944 à 2008. Dans le reste de leur livre, ils traitent plus spécifiquement des campagnes électorales provinciales de 2007 et 2008 au Québec.

Politologue important, Vincent Lemieux s'est livré à l'étude détaillée des élections provinciales dans la province. En 2008, il réédite son livre Le Parti libéral du Québec : alliance, rivalité et neutralité. Dans cet ouvrage, il propose une analyse des résultats électoraux dans la province de Québec depuis 1867. Il affirme notamment que les partis politiques sont évalués par les électeurs. D'après lui, c'est cette variable qui explique que les partis politiques sont élus ou défaits lors des élections. Lemieux définit l'évaluation des partis par la population comme suit : « L'évaluation des partis qui est faite par les acteurs politiques porte sur trois espaces politiques où agissent les partis : l'espace partisan, l'espace societal et l'espace national. »3 Lors des élections, les citoyens évaluent la situation politique du moment et comparent les partis politiques en fonction de ces critères. Le parti ayant le plus de points positifs court la chance de remporter les élections. Lemieux analyse le comportement électoral des Québécois sur la scène provinciale en divisant l'histoire politique du Québec en trois périodes : 1867-1930, 1930-1970 et 1970-2003.

Pour sa part, le politologue André Bernard se consacre particulièrement à l'analyse des élections de 1976 et de 1981. Il fait paraître deux ouvrages sur la question, l'un consacré à chaque élection. Le journaliste Bernard Descôteaux collabore au deuxième livre. Dans les deux ouvrages, André Bernard y va d'une analyse chronologique des événements.

2 Éric Bélanger, et Richard Nadeau, Le comportement électoral des Québécois, Montréal, PUM, 2009, p. 40. 3 Vincent Lemieux, Le Parti libéral du Québec : alliances, rivalités, neutralités, Québec, PUL, 2008, p. 3.

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électorale et les résultats des élections. Il tente d'expliquer ce qui motive la population à faire son choix en fonction des événements qui se déroulent lors de la campagne4.

Le politologue Edouard Cloutier, en collaboration avec le Centre de recherche sur l'opinion publique (CROP), a également fait des études sur les intentions des Québécois face aux différentes options qui s'offrent à eux. Ses travaux ont été commandés par le gouvernement du Québec pour le compte du ministère des Affaires intergouvemementales. Cloutier s'est surtout penché sur les intentions des Québécois face au projet d'indépendance. Ses travaux ont été réalisés à partir de sondages d'opinion effectués auprès de la population. Dans ses recherches, Cloutier établit que la majorité des Québécois n'est pas favorable au statu quo non plus qu'au projet d'indépendance5. Ses conclusions attestent du fait que cette majorité est plutôt en faveur d'un «fédéralisme renouvelé».

Sociologue à l'UQAM, Pierre Drouilly a lui aussi publié des études sur le comportement électoral des Québécois. Pour faire ressortir les principales revendications des Québécois, il se sert de sondages d'opinion. Il tente de voir quelles sont les options qui sont davantage prisées par les Québécois. Il en vient aux mêmes conclusions que son collègue Cloutier.

Les sociologues Simon Langlois et Gilles Gagné se sont également penchés sur le comportement électoral des souverainistes dans leur livre Les raisons fortes : nature et signification de l'appui à la souveraineté du Québec. Dans cet ouvrage, Langlois et Gagné affirment que certaines tranches de la population sont plus enclines à voter en faveur de la souveraineté et que d'autres le sont moins. Par exemple, ils affirment que «les francophones appuient majoritairement le OUI et que les allophones votent davantage pour le OUI que les anglophones (les deux groupes donnant cependant un mince appui à cette option)6». Langlois et Gagné affirment aussi qu'une certaine partie de la population est

4 André Bernard, et Bernard Descôteaux, Québec : élections 1981, Montréal, Hurtubise-HMH, 1981, p. 150. 5 Edouard Cloutier, Sondage sur la perception des problèmes constitutionnels Québec-Canada par la population du Québec : enquête, Québec, ministère des Affaires intergouvernementales, 1979, p. 408.

6 Simon Langlois, et Gilles Gagné, Les raisons fortes : nature et signification de l'appui à la souveraineté du Québec, Montréal, PUM, 2002, p. 39.

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québécois parce que les jeunes votent davantage pour ce parti et qu'ils deviendront inévitablement plus nombreux à la suite du décès des plus vieux.

Hypothèse

Les Québécois votent aux élections provinciales et fédérales en ayant à l'esprit certaines priorités (l'économie, le nationalisme, la place du Québec dans le Canada, la relation avec le reste du Canada - le ROC). Ils changent leur priorité en fonction du climat politique qui existe lors de la campagne électorale.

L'hypothèse que nous entendons tester consiste à dire que, sur la base d'une analyse du comportement électoral des Québécois sur une période assez longue, soit entre 1970 et 1994, ceux-ci ne sont pas majoritairement en faveur de la souveraineté du Québec. Ils préfèrent plutôt trouver le moyen de s'unir avec le Canada sans toutefois perdre leur identité. Ils veulent s'affirmer et se faire entendre sur la scène fédérale ; et ils appuient différentes options pour ce faire.

Sources et méthodes

Pour réaliser notre étude, nous reviendrons sur l'histoire politique du Québec contemporain en nous attachant essentiellement aux conjonctures des élections provinciales et fédérales de 1970 à 1994. Notre perspective sera synthétique : il ne s'agira pas de faire l'histoire détaillée de chaque conjoncture électorale, mais de prendre le pouls général des discours et de voir quels facteurs ont pu intervenir sur les résultats. Ce sont évidemment les tendances lourdes dans le temps qui nous intéressent. Nous croyons que la mise en parallèle des sept élections provinciales et des sept élections fédérales survenues entre 1970 et 1994 nous permettra de mieux comprendre le comportement électoral des Québécois durant la période considérée.

Les sources sur lesquelles nous nous appuierons seront d'ordre quantitatif (données sur les élections provinciales ; sondages sur les intentions de vote) et qualitatif (journaux ; études d'histoire politique du Québec). Notre démarche consistera surtout à utiliser des travaux déjà disponibles en vue de vérifier l'hypothèse formulée plus haut.

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moyenne d'une campagne électorale est d'environ trente jours. Nous concentrerons notre attention sur le traitement des campagnes dans Le Devoir et La Presse. Ces quotidiens sont idéaux pour saisir l'actualité politique des campagnes électorales que nous étudions. Il s'agit de deux journaux qui se livrent à une couverture large de l'actualité politique. D'autres journaux auraient pu être utilisés. Cependant, vu l'espace limité dont nous disposons, nous nous limiterons à ceux-ci. De plus, nous sommes conscients que Le Devoir et La Presse proviennent de la grande région de Montréal. Cependant, il s'agit des principaux journaux traitant de politique dans la province. De plus, leur distribution ne se limite pas à la métropole. Plusieurs sujets traités dans La Presse sont d'ailleurs repris dans Le Soleil, journal qui à l'époque appartenait également à Power Corporation du Canada.

Notre but dans ce mémoire est de cerner les différentes composantes de la campagne électorale. Bien sûr, nous utiliserons des éditoriaux, mais également des articles qui traitent des différents événements de l'actualité. Ceux-ci nous permettront d'observer au jour le jour le développement des campagnes électorales.

Tout au long de la recherche, on n'oubliera pas que plusieurs facteurs influencent les résultats des élections. Les journaux permettront de bien distinguer les facteurs qui peuvent avoir influencé ces résultats. De même, à la fin de chaque campagne électorale, les journaux présentent une analyse globale des résultats électoraux. Celle-ci nous servira à

comprendre les motivations qui ont influencé le vote.

Les journaux sont idéaux pour cerner l'actualité politique de l'époque. Cela dit, on doit tenir compte du fait que les journalistes sont liés à des courants de pensée et à des idéologies. Certains d'entre eux sont nationalistes, d'autres fédéralistes. Par le passé, des journaux ont pris ouvertement position pour ou contre certains partis politiques. C'est pourquoi, dans le cadre du travail, nous analyserons deux journaux aux sympathies politiques différentes. Cela nous permettra d'enrichir nos analyses.

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sera particulièrement utile compte tenu des données qui s'y trouvent.

À cela, il faut ajouter les sondages sur les intentions de vote. Ceux-ci permettront de déterminer la popularité des différents partis provinciaux. Les sondages sont habituellement publiés dans les journaux. Mais ils sont aussi - parfois - le fait de chercheurs qui les ont commandés ou qui les ont réalisés en collaboration avec une maison de sondages. On trouve ainsi des sondages originaux traitant des intentions de vote des Québécois, lors des élections provinciales de 1970 à 1984, dans l'ouvrage dirigé par Jean Crête et intitulé Comportement électoral au Québec. Le chapitre le plus intéressant de ce point de vue est celui qu'a produit Jean-Pierre Beaud.

Pour tirer le meilleur parti de l'information contenue dans nos articles de journaux, nous aurons recours à une grille d'analyse confectionnée grâce au logiciel FileMaker. Suivant les principes taxonomiques du logiciel, nos sources sont catégorisées de manière à retrouver rapidement l'information désirée. Chaque article est classé selon le type d'élections (fédérale/provinciale) et selon l'année de la campagne électorale. Chaque article est également classé selon les éléments qu'il comporte (sondages, résultats électoraux, programmes électoraux, etc.). Nous avons enfin attribué à chaque article des mots clés afin de pouvoir retrouver rapidement le sujet dont traite l'article en question.

L'analyse d'une campagne électorale débute par sa mise en contexte historique. Dans un deuxième temps, nous nous concentrons sur les événements qui ont marqué la campagne. Pour renouer avec l'humeur de la campagne, nous nous servons de notre corpus d'articles de journaux. Le but est d'identifier les facteurs qui ont influencé les résultats du vote. Dans notre analyse, nous portons une attention particulière à la perception qu'ont les Québécois des politiques du gouvernement fédéral. Nous tentons de voir si ces politiques ont pu influer sur le résultat des élections. La liste des campagnes électorales que nous avons étudiées est d'ailleurs fournit en annexe de notre travail .

Pour commencer, nous étudions la dynamique sociopolitique qui se déroule avant une campagne. Par la suite, nous répertorions les différentes options qui sont proposées aux

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Québécois lors des élections. Celles-ci sont offertes par les partis provinciaux ou fédéraux. Nous analysons ensuite les sondages qui ont lieu lors des campagnes électorales. On peut voir de cette manière si certains événements et prises de position influencent l'opinion publique.

La raison principale pour laquelle nous nous servons des sondages et des résultats des élections est que, sans eux, il serait plus difficile d'analyser le vote des Québécois. Rappelons cependant qu'une partie de la population ne change pas d'allégeance. Il faudra en tenir compte dans nos analyses. De même, une partie de l'électorat vote en fonction des différentes conjonctures ou selon des facteurs circonstanciels. Diagnostiquer leur comportement électoral est on ne peut plus difficile.

Plan du mémoire

Nous avons choisi de travailler sur le comportement électoral des Québécois. Nous allons nous pencher sur les campagnes fédérales et provinciales. Nous avons fait ce choix, car, comme l'affirme Jean-Claude Robert dans l'un de ses ouvrages : «La politique québécoise se joue, qu'on le veuille ou non, à deux niveaux : le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral. C'est-à-dire qu'à ces paliers, on retrouve des Québécois qui bien souvent prétendent chacun parler pour l'ensemble du Québec ». D'une certaine manière, les Québécois utilisent la scène fédérale autant que la scène provinciale pour se faire entendre. C'est dans cette optique que nous avons choisi de couvrir les campagnes fédérales et provinciales.

Comme nous l'avons mentionné plus haut, notre recherche débute dans la première moitié des années 1970. La raison est qu'avec ces élections, les électeurs disposent de plus de choix. Ils se trouvent en effet devant plusieurs options assez différentes. C'est surtout la venue d'un parti indépendantiste qui crée ce phénomène. Sur la scène fédérale, la vision de Pierre Trudeau apporte également du nouveau à l'électorat. Le programme politique qu'il met en avant est diamétralement opposé à ce que propose le Parti québécois. Nous voulons voir comment les électeurs votent à la fois sur la scène fédérale et sur la scène provinciale

8 Jean-Claude Robert, Du Canada français au Québec libre : histoire d'un mouvement indépendantiste, Paris, Flammarion, 1975, p. 252.

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Le mémoire est divisé en quatre chapitres. Dans un premier temps, nous traitons du comportement électoral au début des années 1970. La période couverte va de 1970 à 1976. Au cours de cette période ont lieu quatre élections, dont deux provinciales et deux fédérales.

Le second chapitre débute avec l'élection du Parti québécois en 1976 et se termine avec la campagne électorale de 1981. Durant cette période, le PLQ perd le pouvoir au Québec. Toutefois, le PLC conserve une majorité de comtés dans la province. Les Québécois se trouvent à appuyer, sur la scène fédérale, un parti qui prône l'unité canadienne et, sur la scène provinciale, un parti qui veut faire du Québec un pays.

Le chapitre suivant débute avec le rapatriement de la constitution. Il couvre la période qui va de 1982 et 1992. L'analyse fait état d'un glissement dans l'opinion publique, qui amène les Québécois à reporter au pouvoir Robert Bourassa en lui donnant un troisième mandat comme premier ministre du Québec. Sur la scène fédérale, les Québécois, qui favorisaient le PLC depuis plusieurs décennies, changent d'allégeance et votent majoritairement pour le Parti progressiste-conservateur (PPC).

Le dernier chapitre met en relief un autre glissement dans l'orientation du vote des Québécois. Dans ce chapitre, nous abordons la campagne fédérale de 1993 et la campagne provinciale de 1994. Nous tentons de comprendre les raisons qui motivent les Québécois à voter majoritairement pour des partis souverainistes sur la scène provinciale autant que fédérale.

Notre analyse s'arrête à la veille du référendum de 1995. La raison de ce choix est simple. À la suite de la défaite de l'option du NON, lors du référendum sur la souveraineté, le Québec reste dans une situation ambiguë. La province n'a toujours pas réintégré la constitution signée en 1982 et ne forme toujours pas un pays. Comme l'indiquait Tommy Chouinard dans un article récent, la situation d'aujourd'hui n'a pratiquement pas changé par rapport à celle de 1995 : «Pour 40% des répondants, la province devrait obtenir sa souveraineté après avoir fait une nouvelle offre formelle au Canada pour une alliance

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économique et politique. Mais une proportion de 41% est contre l'idée9». Cela signifie, comme le souligne Denis Lessard, «que le nombre de gens qui veulent la souveraineté du Québec est presque égal au nombre de gens qui s'y opposent. Reste 19 % de la population votante qui penche entre les deux options. Cette situation n'est pas très loin du résultat du référendum de 1995 où le OUI obtenait 49,4% des voix et le NON 50,6%.10

Au final, notre mémoire a pour but de mieux comprendre la culture politique des Québécois.

9 Tommy Chouinard, «Sondage : la souveraineté suscite peu d'espoirs», La Presse, 9 juin 2009, p. A2. 10 Denis Lessard, «Le NON de justesse: OUI : 49,4%, NON : 50,6%», La Presse, 31 octobre 1995, p. Al.

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Chapitre I

LE COMPORTEMENT ÉLECTORAL DES QUÉBÉCOIS

DE 1970 À 1974

Dans ce premier chapitre, on traite d'abord du contexte sociopolitique du Québec durant les années 1970. À la suite de quoi on aborde les élections qui se déroulent dans la province entre 1970 et 1974. Il s'agit d'observer les conjonctures électorales pendant cette période et de voir si les Québécois appuient majoritairement l'idée de souveraineté. Il sera fait mention en premier lieu des élections provinciales de 1970 et de 1973. Par la suite, nous aborderons les élections fédérales de 1972 et 1974.

1.1 Le contexte du début des années 1970

1.1.1 La situation économique des années 1970

Lorsqu'on est appelé à analyser le comportement électoral à travers le temps, il faut se garder d'omettre certains facteurs qui pourraient influencer le vote d'une manière ou d'une autre. Il est dès lors important d'observer la situation économique dans laquelle vivent les Québécois durant les années 1970. Rappelons d'abord les antécédents qui ont mené au ralentissement économique de cette décennie. Entre 1945 à 1970, on assiste à ce qu'on appelle les trente glorieuses. L'économie se porte bien, le taux de chômage est bas et la croissance de la production industrielle est forte. Dès 1967, un ralentissement économique se fait toutefois sentir1.

En 1970, au moment où la province se retrouve en campagne électorale, l'éditorialiste Jean Pellerin, du journal La Presse, affirme que, parmi toutes les provinces canadiennes, c'est au Québec où le taux de chômage est le plus élevé. Par ailleurs, pas moins de 40 % des chômeurs sont des jeunes de moins de 25 ans. Pellerin déclare également qu'au Québec, les gens payent plus de taxes tout en recevant moins de services

1 Paul-André Linteau, et a l , Histoire du Québec contemporain, tome 2 : le Québec depuis 1930, Sillery, Boréal compact, 1980, p. 426.

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qu'ailleurs au Canada. Enfin, il leur en coûte davantage pour la santé et le bien-être social2. La situation semble même aller en empirant. Le 23 mars 1970, on peut lire dans La Presse que «le taux de chômage a atteint un nouveau sommet de 8,7% au Québec, durant le mois de février, comparativement à 8% à la fin de janvier ». D'après la même source, il y aurait 195 000 chômeurs dans la province. Ces chiffres inquiètent les Québécois. Selon un sondage diffusé en avril 1970 par La Presse, 53% de la population considèrent le chômage comme le problème numéro un de la province4. C'est dans ce contexte que se retrouvent les Québécois au moment où débute la campagne électorale de mars 1970.

1.1.2 Les gouvernements en place

Sur la scène fédérale, Pierre Elliott Trudeau est premier ministre depuis près de deux ans. Il a succédé à Lester B. Pearson. Dès son arrivée à la tête du PLC, Trudeau se voit plongé dans une campagne électorale. Au terme des élections de 1968, il est porté à la tête d'un gouvernement majoritaire. Sa victoire s'explique ainsi :

La popularité de Trudeau était sans contredit liée à sa position sur le Québec : le fait qu'il ait été disposé à tenir tête aux politiciens québécois "annula partout les effets du ressac .anglo-saxon : un francophone était apparu qui pouvait remettre à leur place les fauteurs de trouble francophones". Pour le Canadien français, les arguments formulés par Trudeau signifiaient que les francophones seraient désormais mieux représentés à Ottawa5.

Durant son premier mandat, Trudeau met en avant des politiques qui incarnent sa vision du Canada :

La présentation du cabinet de Trudeau, le 5 juillet 1968, suscita quelques éloges, même de la part de Claude Ryan, qui félicita le premier ministre d'avoir nommé un nombre record de francophones. Le cabinet comprenait Léo-Alphonse Cadieux à la Défense nationale, Gérard Pelletier au Secrétariat d'État, Jean-Luc Pépin à l'Industrie et au Commerce. [...] Jean Marchand aux Forêts et au Développement rural. [...] Ces nominations annonçaient trois thèmes importants du mandat de Trudeau [ dont celui du ] le renforcement de la présence des francophones à Ottawa - ce qu'on appellerait le «French Power» [...].

Jean Pellerin, «Née pour un petit pain», La Presse, 20 mars 1970, p. 6.

2

3 Presse Canadienne, «195 000 chômeurs au Québec», La Presse, 23 mars 1970, p. 32.

4 Marcel Desjardins, «Plus le procès de l'UN qu'un référendum, indique le sondage», La Presse, 18 avril 1970, p. 6.

5 James Bickerton, Alain-G. Gagnon, et Patrick J. Smith, Partis politiques et comportement électoral au Canada : filiations et affiliations, j çâiê__=al^çêÉsl, 2002, p. 99.

6 John English, «Pierre Elliott Trudeau», dans=o É=â=_ Banger, et Ramsay Cook, sous la dir. de, Les premiers ministres du C~â~Ç~=ÇÉ=j ~ÂÇçâ~àÇ=~=qâ ÇÉ-H = W= Àcç Ôê~é ÙâÉë = Écrites pour le Dictionnaire biographique du Canada,^ 1 ÉAÉÂI =mêÉëëÉë=ÇÉ=a B ââ Éêëâf ¥Laval, 2007, p. 485.

(24)

Trudeau veut permettre aux francophones du Canada de s'émanciper davantage en les invitant à prendre leur place à l'intérieur du pays. Dans cette perspective, il incite les jeunes à apprendre les deux langues officielles du pays, soit l'anglais et le français. C'est dans cette optique qu'il dépose en 1969 le projet de loi sur les langues officielles. Il renforce également le bilinguisme à l'intérieur des services gouvernementaux . Selon l'historien Jean-Claude Robert, le «French Power» de Trudeau comble un manque : «Depuis la démission du premier ministre canadien Louis Saint-Laurent et son remplacement par Lester B. Pearson en 1958, jusqu'à l'avènement de Pierre Elliott Trudeau en 1965, les Canadiens français ont été, pour emprunter l'expression de Gérard Bergeron, orphelins à Ottawa8».

Sur la scène provinciale, Daniel Johnson vient de mourir en 1968. Son successeur Jean-Jacques Bertrand est à la tête du Québec. Ce dernier est confronté à plusieurs défis. Tout d'abord, Johnson lui laisse en héritage un problème majeur, soit la question linguistique. Certains qualifient ce problème de l'un des pires qu'a dû affronter le gouvernement Bertrand. Celui-ci dépose un projet de loi qui prône le «libre choix» de la langue d'enseignement. Comme l'affirme Claude Morin dans son ouvrage Mes premiers ministres : «Les principes de Bertrand en matière linguistique ? Ultrasimples : chaque citoyen canadien, présent ou futur, devrait jouir au Québec du droit naturel et inaliénable d'opter, dans l'enseignement comme ailleurs, pour le français ou l'anglais, les deux langues du Canada. C'est ce qu'on appela alors la liberté de choix9». C'est en gros ce que reflétait le projet de loi 63, qui provoque la grogne au sein de la population. L'opposition ne tarde pas à se faire entendre. Plusieurs manifestations ont lieu autour du Parlement de Québec et en province. Les Québécois d'origine française démontrent leur désaccord face au projet de loi. Avec l'appui des libéraux, le gouvernement fait néanmoins adopter la loi.

7=gç AÉâôâ 4 Bourneau, Que veulent vraiment les Québécois ?, op. cit., p. 89. 8 Jean-Claude Robert, Du Canada français au Québec libre, op. cit., p. 252.

9 Claude Morin, Mes premiers ministres : Jean Lesage, Daniel Johnson, Jean-Jacques Bertrand, Robert Bourassa, René Lévesque, j çâ_5É=ai=^çê-_al, 1991, p. 349.

(25)

1. 2 Les élections générales québécoises de 1970 et 1973 1.2.1 La campagne de 1970

La campagne électorale provinciale est officiellement lancée le 12 mars 19701 . Depuis quelque temps, certains indices laissent présager que l'Assemblée nationale sera bientôt dissoute. L'un de ces indices est l'annonce, dans les journaux, du congrès de l'Union nationale11.

Le déclenchement des élections semble prendre tous les partis au dépourvu - à l'exception bien sûr de l'UN ! Le ralliement créditiste n'a toujours pas de chef. Le NPD ne semble pas prêt à faire une bonne campagne. Quant au Parti libéral et au Parti québécois, ils auraient apprécié quelques semaines supplémentaires pour se préparer. Cependant, à l'intérieur des partis, on ne laisse pas voir sa surprise : « Le Parti québécois est satisfait de la décision de l'Union nationale de tenir les élections le 29 avril même s'il n'a pas une maudite cent en caisse», écrit Marcel Dupré12. En fait, le déclenchement imprévu des élections favorise généralement le gouvernement en place qui peut, d'une certaine manière, bénéficier de l'élément de surprise pour prendre de l'avance sur les autres partis durant la course électorale. Dans le cas présent, l'Union nationale espère qu'elle pourra prendre le dessus sur le Parti libéral, qui sort affaibli de son congrès. Lors de cet événement, des membres importants du PLQ ont en effet claqué la porte13. Plusieurs analystes font remarquer qu'avec la quantité et la qualité des partis qui se présentent aux élections, les chances d'avoir un gouvernement minoritaire sont assez élevées14.

Avec un taux de chômage à la hausse, la situation économique de la province devient le point central de la campagne. C'est en effet pas moins de 8,7 % de la population qui est au chômage. Le nombre de chômeurs continue par ailleurs d'augmenter15. Tout le monde s'entend pour dire qu'il serait souhaitable qu'il y ait une amélioration de la donne.

10 Claude Beauchamp, «Le 29 avril», La Presse, 13 mars 1970, p. 1.

1 ' François Trépanier, «Les assises de l'Union nationale porteront sur les "réalités québécoises"», La Presse, 10 mars 1970, p. 23.

12 Marcel Dupré, «Même s'il n'a pas une maudite cent, le PQ est satisfait», La Presse, 13 mars 1970, p. 2. 13 Claude Ryan, «Une décision opportuniste mais habile», Le Devoir, 13 mars 1970, p. 4.

14 Claude Beauchamp, «Le gouvernement minoritaire fait partie de l'enjeu électoral», La Presse, 14 mars 1970, p. 7.

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Le gouvernement en place est pointé du doigt pour sa gouvernance inefficace. Des politiciens fédéraux font même entendre leur voix. Ainsi en est-il de Pierre Trudeau, qui critique l'administration de l'Union nationale. Le premier ministre du Canada accuse en effet l'UN de ne pas favoriser les investissements dans la province. On rapporte son blâme dans La Presse du 18 avril 1970 : «M. Trudeau a soutenu qu'il y a une relation entre le taux d'investissement privé et celui du chômage dans une province. [...] Évidemment, a-t-il ajouté, si le capital privé décide de fuir la province de Québec et de s'investir ailleurs, ce n'est pas la faute du gouvernement fédéral1 ». L'attaque de Trudeau porte un coup direct à l'Union nationale, accusée de ne pas être efficace sur le plan économique.

De son côté, le PLQ réagit en parlant de son projet de créer 100 000 emplois en

1 7

1971 . Cette promesse amadoue les chômeurs, qui ont un grand désir de travailler.

La venue d'un parti qui se dit indépendantiste force les autres partis à se positionner face à cette option. Le Parti québécois prône en effet l'indépendance du Québec assortie d'un projet de partenariat avec le Canada. L'indépendance surviendrait à la suite de la victoire du PQ. De son côté, le Parti libéral se définit comme étant clairement fédéraliste. L'Union nationale est ouverte aux deux possibilités. La citation suivante, qui renvoie au propos de Jean-Jacques Bertrand, chef de l'UN, en témoigne :

L'option séparatiste comme l'option fédéraliste sont aussi bonne l'une que l'autre [...] cela dépendra, [ajoute M. Bertrand], de la volonté des parties, pas seulement au Québec, mais aussi à Ottawa, de nous garder dans la Confédération [...] nous allons négocier et nous allons aboutir soit à un fédéralisme nouveau, soit à un séparatisme total du reste du Canada.[...] Tout dépendra du degré d'arrogance ou de mépris que nous aurons découvert de la part des autorités fédérales18.

Quelques semaines plus tard, durant la campagne, Bertrand affirme qu'il mise beaucoup sur l'établissement d'une nouvelle constitution qui permettrait de réglementer le

16 Presse canadienne, «Chômage et fuite de capitaux, Trudeau blâme le Québec», La Presse, 18 avril 1970, p. 2.

17 Jean Claude Leclerc, «100 000 emplois pour 1971 au Québec», Le Devoir, 4 avril 1970, p. 1.

18 Gilles Racine, «L'option séparatiste comme l'option fédéraliste sont aussi bonnes l'une que l'autre», La Presse, 24 mars 1970, p. 9.

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statut des provinces. Il laisse quatre ans au gouvernement central pour régler la question, sinon il amorcera une démarche permettant au Québec de devenir indépendant19.

Prenant en considération l'enjeu national propre aux élections de 1970, certains journalistes croient que les divisions linguistiques influeront sur les résultats électoraux. Ils avancent l'hypothèse que les comtés à majorité francophone voteront pour le PQ et que les comtés à majorité anglophone ou allophone appuieront le PLQ.

La campagne électorale de 1970 est particulière à bien des points de vue. L'un d'eux touche à la présence de plusieurs partis politiques. Par ailleurs, les principaux partis dans la course ont connu de nombreux changements durant les dernières années. Ainsi, le PLQ a connu le départ de plusieurs de ses membres importants. De l'équipe du tonnerre élue dix ans plus tôt sous l'égide de Jean Lesage, il ne reste plus beaucoup de gens. Les René Lévesque, Paul Gérin-Lajoie, Éric Kierans et autres ont quitté le navire. À l'UN, la majorité des députés de l'époque du gouvernement Duplessis sont à la retraite. Le PQ est un nouveau parti sur la scène provinciale, à l'instar du Ralliement créditiste. Ces partis ont des programmes assez différents. Si on veut comprendre comment s'oriente le comportement électoral des Québécois à l'époque, il est nécessaire de faire une brève description des programmes des partis en présence.

À l'Union nationale, on mise sin: une réduction des impôts, particulièrement pour les gens à faible revenu. Avec cette mesure, le but de Jean-Jacques Bertrand est de stimuler l'économie de la province. L'UN veut en outre créer une société de développement industrielle qui permettrait le progrès et l'épanouissement des industries. L'UN veut également développer de nouveaux programmes sociaux. Son objectif est de fournir à la population des soins de santé payés par l'État. L'UN veut enfin permettre au Québec d'obtenir une certaine autonomie : d'où sa proposition de rendre la province souveraine après quatre ans si les négociations avec Ottawa n'aboutissent pas à un «fédéralisme nouveau».

Le programme électoral de l'UN est mal reçu. Tout d'abord, le président de la confédération des syndicats nationaux, Marcel Pépin, affirme que la loi sur l'assurance

19 Gilles I_esage, «Référendum sur l'indépendance en 1974, si la constitution n'a pas été révisée», Le Devoir, 6 avril 1970, p. 2.

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maladie est un ballon électoral pour aller chercher des votes. Il ajoute que le projet est mal monté et que trop d'inconnus subsistent pour être sûr que l'application du programme aura des retombés positive20. Il semble également que la majorité des promesses électorales qui se trouvent dans le programme de 1970 de l'UN découlent du programme électoral de

1966.

On trouve ensuite les attaques classiques des partis d'opposition à l'endroit du projet d'indépendance soutenu par l'Union nationale. Les libéraux les accusent de ne pas considérer tous les éléments du projet. L'indépendance du Québec aurait d'importantes conséquences sur le plan monétaire. Robert Bourassa affirme ainsi que l'idée d'indépendance sert davantage à diviser le pays. Pour lui, seul le Parti libéral propose une option viable pour les deux groupes linguistiques21. De son côté, René Lévesque demande à Jean-Jacques Bertrand s'il est vraiment nécessaire d'attendre quatre ans pour permettre au Québec de devenir indépendant : «Si l'indépendance du Québec c'est bon dans quatre ans, pourquoi est-ce que ça n'est pas bon tout de suite [...] Ce raisonnement, soutient Lévesque, tombe dans les vieux travers Canadiens français qui consistent à négliger les options du présent en glorifiant le passé et en idéalisant un avenir que l'on prend soin de reculer tout le temps22.»

Le Parti libéral s'efforce de faire une campagne centrée uniquement sur l'économie. Robert Bourassa affirme que le problème du déficit a pour cause les dépenses du gouvernement. Il propose non pas d'augmenter les impôts, mais de réduire les dépenses causant le déficit. D'une certaine manière, la formation d'économiste du chef du PLQ donne de la crédibilité à ses propos. La promesse des 100 000 emplois en 1971 permet aux libéraux de marquer plusieurs points durant la campagne. L'économiste Pierre Fortin affirme d ailleurs que «le slogan des 100 000 emplois, en 1971, est sans doute ce qui contribue le plus à définir l'image et la réputation de M. Bourassa auprès de la population lors de la campagne électorale de 1970. C'est un coup fumant sur le plan de la propagande23». Tout au long de la campagne, le chef du Parti libéral parcourt le Québec en

20 Presse canadienne, «Pépin : l'assurance maladie est un ballon électoral», La Presse, 17 mars 1970, p. 59. 21 Jean-Claude Leclerc, «Bourassa : l'indépendance c'est combien ?», Le Devoir, 7 avril 1970, p. 1.

22 Gilles Gariépy, «L'indépendance, pourquoi en 1974 et pas tout de suite ?», La Presse, 10 mars 1970, p. 2. 23 Pierre Fortin, «L'économie du Québec», dans Guy Lachapelle, et Robert Comeau, sous la dir. de, Robert Bourassa : un bâtisseur tranquillel^al Ébec, Presses de l'Université Laval, 2003, p. 42.

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appliquant la stratégie du «cross country». Cette technique implique plusieurs déplacements en peu de temps afin de couvrir une large part du territoire et de bénéficier d'un rayonnement médiatique au niveau local dans plusieurs régions à la fois24.

Nouveau venu dans la course, le Parti québécois semble faire sa marque au début de la campagne. Le parti a pour article premier de son programme la souveraineté du Québec. En fait, une victoire du PQ signifie automatiquement un vote pour la souveraineté-association à l'Assemblée nationale. Bien sûr, les autres partis attaquent le PQ sur cette position. Pour un, Jean-Jacques Bertrand affirme qu'avant de se séparer, il faut négocier. Selon le chef de l'UN, il faut mettre d'abord les efforts sur la modification de la constitution. Celui-ci affirme même que René Lévesque ne croit pas vraiment en son projet d'indépendance :

M. Lévesque a tellement peu confiance en l'indépendance du Québec qu'il désire créer une monnaie québécoise qui s'appuierait sur la monnaie canadienne [...]. Il a tellement peu confiance en l'indépendance qu'il veut former un marché commun alors qu'il en existe déjà un qui pourrait être amélioré, à l'avantage et au bénéfice des Québécois25.

De son côté, le chef du Parti libéral se limite à dire que si le Québec se sépare du reste du Canada, la province ne pourra plus bénéficier du fruit des ententes internationales ; du coup, elle ne profitera pas des avantages que lui apporte, par exemple, le traité canado-américain sur les échanges dans le secteur de l'automobile. À l'idée d'indépendance, Robert Bourassa oppose l'idée de «fédéralisme rentable». Ce genre de fédéralisme renvoie à un mode de gouvernance où le Québec bénéficie effectivement des avantages que lui procure la fédération canadienne, par exemple le système de péréquation et les accords internationaux négociés par Ottawa.

Pour sa part, le Ralliement créditiste se nomme un chef au milieu de la campagne. En Camille Samson, les membres du parti voient un chef capable de les représenter. Le RC reste toutefois assez marginal dans le paysage politique québécois.

24 Jules Béliveau, «Les élections au Québec», La Presse, 2 avril 1970, p. 84.

25 François Trépanier, «M. Bertrand met en doute la foi de M. Lévesque en l'indépendance», La Presse, 16 avril 1970, p. 46.

(30)

1.2.2 Les intentions de vote et résultats des élections provinciales de 1970

C'est sur les contenus de ces programmes que les Québécois sont appelés à s'exprimer. Commentant la campagne électorale, Claude Ryan écrit :

La grande majorité silencieuse, estime M. Jean-Jacques Bertrand, se manifestera le jour du scrutin et se partagera entre les deux partis implantés depuis longtemps au Québec. On aimerait partager l'optimisme placide du chef de l'Union nationale. Mais on s'en sent incapable. Car on a nettement l'impression [...] que deux facteurs nouveaux se manifestent avec force dans la présente campagne et pourraient jouer un rôle décisif le 29 avril. Ces deux facteurs, ce sont le mécontentement profond des électeurs à l'endroit des deux partis traditionnels, et aussi l'accession de l'idée souverainiste au rang de force politique implantée au Québec26.

Afin de vérifier la justesse des propos de Claude Ryan, nous procéderons à l'analyse du comportement électoral des Québécois mesuré par leurs intentions de vote durant la campagne. Selon un sondage publié dans La Presse du 18 avril 1970, 56% de la population est surtout préoccupée par le chômage. Six pour cent des Québécois sont principalement inquiets des relations entre Québec et Ottawa. Enfin, pour 4 % de l'électorat, le statut du français est la source majeure de bile. Ces données laissent présager que les Québécois pourraient être davantage intéressés par les promesses du Parti libéral, qui ajustement comme principal objectif de s'attaquer au chômage. D'ailleurs, la promesse du PLQ de créer 100 000 emplois se comprend à la lumière de ce contexte. L'Union nationale, quant à elle, veut surtout régler le problème de la constitution et permettre à la province d'avoir un statut mieux défini à l'intérieur de la fédération. Il semble que cet objectif coïncide moins bien avec les priorités des Québécois. Pour ce qui est du projet de

on

souveraineté, 14% seulement de ces derniers l'appuient . Cela dit, 35% de la population

OR

soutient l'idée de souveraineté-association .C'est dire que le projet de René Lévesque ne rallie pas la majorité des électeurs. Les 35% d'appuis qu'obtient le projet du Parti Québécois ne sont toutefois pas à négliger. D'autant plus que la présence du PQ lors des élections fait ressortir une force politique qui n'était pas présente lors des précédents scrutins. Les sondages d'intentions de vote confirment nos propos (voir tableau 1).

26 Claude Ryan, «Deux facteurs nouveaux dans l'élection du 29 avril», Le Devoir, 16 avril 1970, p. 4.

27 Edouard Cloutier, Jean Hermann Guay, et Daniel Latouche, L'évolution de l'opinion publique au Québec depuis 1960, Montréal, Québec-Amérique, 1992, p. 48.

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Tableau 1

Intention de vote des Québécois

lors de la campagne électorale provinciale de 1970 (données en pourcentage) \ . Sondages Partis ^ s . Lemieux-Gilbert, 6 au 13 avr. CROP, 8 au 12 avr Regenstreif, 13 au 18 avr. CROP, 15 au 20 avr. PLQ 38 33 39 37 PQ 32,2 32 28 29 UN 15,9 17 20 15 RC 13,1 15 11 15 Autres 0,8 2 1 3 Source Le Soleil 18 avril Le Devoir 20 avril Le Devoir 24 avril La Presse 25 Avril

Source : Jean-Pierre Be saud, « Vingt ans de sond iges d'opinion po itique au Québec», dans Comportement électoral au Québec, sous la dir. de Jean Crête, Chicoutimi, Gaétan Morin, 1984, p. 59-63.

Au début de la campagne électorale, le Parti libéral domine les sondages. Chose intéressante, le PQ arrive derrière le Parti libéral. Il devance même l'Union nationale de plusieurs points. Cela prouve que l'option du Parti Québécois, bien qu'elle ne soit pas partagée par la majorité de la population, rejoint une bonne part des électeurs, en fait le tiers. Les résultats officiels des élections confirment en partie les sondages (tableau 2).

Tableau 2

Répartition des voix et des sièges lors des élections provinciales de 1970 dans la province de Québec

PLQ

Sièges % PQ

des voix Sièges des voix %

UN Sièges % des voix RC Sièges % des voix Nombre total de sièges 72 45,4 23,1 17 19,6 12 11,2 108

Sources : Assemblée nationale du Québec. Site de l'Assemblée nationale du Québec, [en ligne], http://www.assnat.qc.ca/fr/patrimoine/ (page consultée le 15 janvier 2011)

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In fine, le Parti libéral remporte les élections et forme un gouvernement majoritaire. Il obtient 45,4% du vote. Tout en détenant près du quart des votes, le Parti québécois ne réussit à faire élire que sept députés. Cela s'explique principalement par la concentration du vote péquiste sur l'île de Montréal. À l'extérieur de la région de la métropole, la place du PQ dans le vote exprimé est presque inexistante. Bien que le projet souverainiste progresse dans l'électorat, la majorité des Québécois n'appuie pas l'option. En fait, si on combine les votes favorables au Parti libéral et au Ralliement créditiste, deux formations politiques résolument fédéralistes, on obtient plus de 50% des voix. Il faut en déduire que la majorité de la population est en faveur de l'option fédéraliste. Chose certaine, le résultat montre clairement que l'idée de la souveraineté du Québec n'est pas la principale préoccupation des Québécois. L'élection du Parti libéral s'explique également par son programme économique et par sa volonté de lutter contre le chômage. À la suite de sa victoire, le chef du PLQ, Robert Bourassa, tire sensiblement la même conclusion :

s.

En fin de soirée, M. Bourassa, encore étonné par l'ampleur de sa victoire, en attribuait les causes à l'insistance qu'il a mise sur les problèmes économiques. Ce n'est pas d'abord l'option fédéraliste du Parti libéral, a-t-il notamment déclaré à la télévision, qui constitue le facteur principal de ce triomphe.29

Il ne faut cependant pas oublier que Robert Bourassa croit que le fédéralisme canadien peut être rentable pour la province. Or, les Québécois semblent assez intéressés par l'idée de rester dans le Canada en obtenant du fédéral (et/ou du fédéralisme) des avantages intéressants.

1.2.3 La campagne de 1973

La campagne de 1973 ressemble beaucoup à celle de 1970. Les quatre mêmes partis sont dans la course. Après plusieurs jours de suspense, des élections sont déclenchées :

M. Bourassa n'a fourni aucune raison concrète justifiant le déclenchement de ces élections après seulement trois ans et demi de pouvoir. Considérant avoir accompli des progrès indéniables dans les quatre domaines fondamentaux de son premier mandat (la relance de l'économie, l'assainissement des finances publiques, la restauration du climat social et l'affirmation de la présence du Québec à l'intérieur du Canada.), M. Bourassa estime que le temps est venu d'entreprendre une nouvelle étape30.

29 André Charbonneau, «Les libéraux au pouvoir», Le Devoir, 30 avril 1970, p. 1. 30 Gérald Leblanc, «Des élections le 29 octobre», Le Devoir, 26 septembre 1973, p. 1.

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Le gouvernement Bourassa a gardé le cap lors de son premier mandat. L'économie se porte mieux qu'en 1970. A ce sujet, on peut lire dans les journaux : «Convaincu d'avoir beaucoup accompli pour le Québec depuis 1970, M. Bourassa invite les électeurs à le laisser poursuivre son œuvre, tel Maurice Duplessis en 1952 et Louis Saint-Laurent en 1953 .» Lors du déclenchement des élections, le Parti libéral part bien en selle, devançant les autres partis. Il fait campagne sur son bilan. Son programme est orienté vers les mêmes grandes lignes que celui de 1970. Il fait encore de l'économie sa principale préoccupation. Robert Bourassa affirme que le Québec a progressé depuis 1968 et que les choses continuent à s'améliorer. Lors de cette campagne, le PLQ a un avantage qu'il n'avait pas lors des élections précédentes. Au pouvoir depuis trois ans, il sait à quoi s'attendre s'il reprend le pouvoir. Pour ce qui est de la dimension nationale, le gouvernement Bourassa déclare avoir réussi à ramener la paix et l'harmonie dans la province. Rappelant la mort de Pierre Laporte, il affirme que le ministre (du Travail) a été assassiné à un moment où la

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haine prédominait et que son gouvernement a su remédier à la situation .

De son côté, René Lévesque déclare qu'il est heureux que des élections aient été déclenchées. Il est persuadé de remporter la victoire33. Selon lui, avec les 24% d'appuis recueillis aux dernières élections et une meilleure connaissance de son parti par les gens, le PQ ne peut obtenir qu'un meilleur résultat34.

La thèse principale du Parti québécois veut que, dans le système politique actuel, les Québécois donnent au fédéral beaucoup d'argent qui ne leur revient pas. Claude Ryan, du journal Le Devoir, contredit l'argument de Lévesque. Il affirme qu'il ne faut pas seulement calculer les entrées et sorties de fonds. Les programmes que le gouvernement fédéral assure lui-même doivent aussi entrer dans le calcul et non uniquement l'argent qu'il verse au Québec. Pour avoir une juste mesure de la situation, il faut aussi calculer les services comme la poste, les douanes et l'assurance-chômage, que la province de Québec n'a nul besoin d'assurer. Toutefois, à l'occasion de cette campagne, le PQ réussit à déposer 31 Michel Roy, «Bourassa insistera sur la qualité de vie», Le Devoir, 27 septembre 1973, p. 6.

32 Claude Gravel, «Bourassa évoque la mort de Pierre Laporte 3 ans après», La Presse, 18 octobre 1973, p. A6.

33 Pierre O'Neill, «C'est notre première vraie chance (le PQ)», Le Devoir, 27 septembre 1973, p. 6. 34 Id.

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un budget qui serait voté advenant sa victoire. Selon certains observateurs, ce budget est assez détaillé et explique bien comment un gouvernement du Parti québécois pourrait administrer l'État35.

Robert Bourassa utilise le budget du Parti québécois pour dénigrer la position des péquistes. Le chef du Parti libéral du Québec affirme que le budget du PQ est erroné. Il soutient qu'il est faux de prétendre que la province de Québec remet à Ottawa plus qu'elle ne reçoit. Il tente de prouver ses propos en montant un dossier sur la question : «Accompagné des ministres des Finances et de l'Industrie et du Commerce, MM. Garneau et Saint-Pierre, le premier ministre du Québec a rendu publique hier une étude qui révèle qu'en 1971-72 le gouvernement fédéral a dépensé au Québec 653,1 millions, ou 390,2 millions de plus qu'il n'en a retirés36». Une guerre de chiffres survient entre le PLQ et le PQ. Au PLQ, on affirme que «la séparation, non seulement ferait fuir les capitaux étrangers, mais soulèverait contre nous le reste du Canada et les Etats-Unis ». On rétorque au PQ que «le fédéralisme nous maintient dans une atmosphère générale d'impuissance et de chicane38».

L'Union nationale et le Ralliement créditiste ne sont pas au cœur de la campagne. Ils semblent absents des journaux. À l'exception de quelques articles qui traitent de leurs programmes, les chefs et candidats de ces deux partis sont rarement couverts par les médias. En gros, le programme de l'UN propose un nouveau pacte fédératif qui se présente comme suit : «Négocié entre les dix provinces ou « États constituants», Ottawa étant ensuite saisi de l'entente39». Sur le plan économique, le parti propose un crédit d'impôt aux petites et moyennes entreprises afin de favoriser le développement économique de la province.

35 Claude Ryan, «Le premier budget du PQ», Le Devoir, 10 octobre 1973, p. 4.

36 Pierre Richard, «Le fédéralisme est rentable et de plus en plus (Bourassa)», Le Devoir, 25 octobre 1973, p.l.

37 Jean Pellerin, «À quoi sert le fédéralisme ?», La Presse, 5 octobre 1973, p. A4. 38 M

9 Lionel Desjardins, et Robert Pouliot, «Les programmes électoraux des quatre partis : les conflits du travail», La Presse, 11 octobre 1973, p. A5.

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1.2.4 Les intentions de vote et les résultats en 1973

Se penchant sur la campagne de 1973, le directeur du Devoir, Claude Ryan, commente en ces termes la montée de l'option souverainiste dans les intentions de vote :

L'option souverainiste a prouvé son aptitude à mobiliser une proportion très forte des éléments les plus valables de la jeune génération. [...] Ces appuis ne sauraient fondre en un jour, quel que soit le ré-sultat le 30 octobre. [...] L'option indépendantiste n'a cependant pas réussi à s'imposer auprès des citoyens âgés de plus de 35 ans, lesquels forment plus de 60 % du corps électoral40.

Lorsqu'on observe les sondages d'opinion et les résultats des élections, l'analyse de Ryan paraît assez juste.

Tableau 3

Intentions de vote lors des élections provinciales de 1973, province de Québec (données en pourcentage) \Sondages PartisV CROP, 9 au 15 mai CROP, 30 sept, au 3 oct. Blais-Lemieux-Renaud 8 au 12 oct. CROP, 18 au 22 oct. Résultats élections 29 oct. PLQ 50 53 54 50 54,7 PQ 26 26 30 30 30,2 UN 6 7 5 6 4,9 PC 19 14 11 14 9,9 Sources Le Devoir 8 juin 1973 Le Devoir 6 octobre 1973 Le Devoir 20 octobre Le Devoir 26 Octobre Assemblée nationale41

Source : Jean-Pierre Beaud, «Vingt ans de sondages d'opinion politique au Québec», op. cit., p. 69-71.

Les intentions de vote restent sensiblement stables lors des six mois précédant le scrutin du 29 octobre. Le résultat des élections est conforme aux sondages. Le Parti libéral s'assure de l'appui d'une grande partie de l'électorat en 1973. Si on additionne

40 Claude Ryan, «L'option d'aujourd'hui» Le Devoir, 26 octobre 1973, p. 4.

41 Assemblée nationale du Québec. Site de l'Assemblée nationale du Québec, [en ligne], http://www.assnat.qc.ca/fr/patrimome/votes.html / (page consultée le 15 janvier 2011).

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le pourcentage des voix obtenues par les partis qui se considèrent fédéralistes (le Parti libéral et le Parti créditiste), on obtient 64,6% du suffrage exprimé. Ce taux se rapproche de la proportion avancée par Claude Ryan dans son editorial du 26 octobre 1973. Son diagnostic est assez juste : l'option souverainiste n'a pas réussi à rallier une majorité de gens. Cependant, cette option continue à faire du chemin. Le Parti québécois obtient davantage de votes qu'aux élections précédentes. Cela prouve que, petit à petit, il réussit à se frayer un chemin dans l'opinion publique.

Un autre facteur important qui favorise la victoire du Parti libéral en 1973 est le taux de satisfaction de la population envers le gouvernement (56,2%)42. Ce pourcentage est sensiblement égal au nombre de vote qu'obtient le PLQ en 1973. La raison principale de ce taux élevé de satisfaction tient au bilan du gouvernement. Lors de son premier mandat, celui-ci avait réussi à abaisser le taux de chômage. Par ailleurs, son projet de créer 100 000 emplois est encore frais dans la mémoire des gens. Lorsqu'il lance l'idée en 1970, Robert Bourassa savait pourtant que les chances que son projet se réalise étaient très risquées :

M. Bourassa savait très bien que les chances qu'il se crée 100 000 emplois en une seule année au Québec étaient extrêmement minces, car cela exigeait que l'emploi croisse trois fois plus vite que la population adulte. Cela ne s'est produit que deux fois en 50 ans. Mais, par une chance extraordinaire, l'une de ses deux fois tomba sur l'année 1973, alors que [...] l'économie du Québec parvient à créer 125 000 nouveaux emplois. Naturellement, M. Bourassa en tira un avantage politique énorme lors de l'élection parfaitement synchronisée d'octobre 1973, à l'issue de laquelle l'opposition fut pulvérisée43.

* * * *

À la suite de cette analyse, on peut supposer que l'orientation du vote des Québécois aux élections provinciales du début des années 1970 fut davantage liée à la conjoncture économique. Les éléments qui fondent notre prétention interprétative sont dus au fait que, lors des élections de 1970 et de 1973, les Québécois ont porté au pouvoir un parti qui leur proposait une diminution du chômage et le plein emploi. À cela, il faut ajouter qu'au début des années 1970, les sondages indiquent que les Québécois sont préoccupés davantage par

42André Beaulieu, «Sondage CROP : l'avance libéral fléchit mais demeure considérable», La Presse, 26 octobre 1973, p. A2.

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l'économie que par les relations entre Québec et Ottawa ou par le statut de la langue44. Par ailleurs, on ne doit pas oublier que les Québécois sont plus enclins à favoriser le «fédéralisme rentable» que la souveraineté. Cela explique pourquoi le PLQ remporte les deux élections du début des années 1970.

Dans le cadre de cette recherche, on se penche également sur les élections fédérales pour voir si les victoires électorales du PLC n'ajouteraient pas à la thèse qui veut que les Québécois ne soient pas majoritairement en faveur de l'indépendance du Québec.

1.3 Les élections générales canadiennes de 1972 et 1974 1.3.1 Les élections canadiennes de 1972

C'est le 2 septembre 1972 que le premier ministre Pierre Elliott Trudeau annonce officiellement la tenue d'élections, qui sont attendues45. Le Parti libéral du Canada veut faire une campagne basée sur l'unité canadienne. Le parti du premier ministre Trudeau met également l'accent sur ce qu'on pourrait appeler le «French Power», soit la présence forte de francophones dans l'équipe gouvernementale et les hautes sphères de l'appareil d'État fédéral, de même que la promotion du fait français, y compris le bilinguisme, à travers le pays. Relisons un reportage de la Presse canadienne à cet effet :

En manchette, le quotidien Toronto Star annonçait que la campagne électorale québécoise des libéraux se ferait sur le thème du "French Power". On souligne notamment que les libéraux ont consacré à ce thème un film de 15 minutes dont les vedettes sont MM. Pierre Trudeau, Jean-Luc Pépin, Gérard Pelletier, Jean Marchand et Jean Chrétien. Quelques jours plus tôt, lors de sa convention dans Outremont, M. Marc Lalonde décl-arait : «tous s'accordent pour reconnaître que, jamais auparavant, le Québec n'a été représenté à Ottawa par une équipe ministérielle aussi compétente, aussi efficace et aussi dynamique que celle dirigée par Pierre Elliott Trudeau depuis 1968. Cette équipe s'est imposée par la cohérence de sa pensée et la clarté de ses vues. Et elle a assumé pour la population du Québec la place qui lui revient et le rôle qu'elle peut jouer dans l'administration fédérale46.»

La présence de francophones à la tête du gouvernement Trudeau cadre avec la vision du pays du nouveau chef du PLC. Selon lui, le Canada est un gage 44 Marcel Desjardins, «Plus le procès de l'UN qu'un référendum, indique le sondage», La Presse, 18 avril

1970, p. 6.

45 Presse canadienne, «Une élection sur l'unité Canadienne», Le Devoir, 2 septembre 1972, p. 1. 46 Presse canadienne, «Élection 1972», Le Devoir, 22 septembre 1972, p. 2.

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d'épanouissement pour le Québec et les Québécois. Dans cette ligne d'idée, il refuse catégoriquement d'entendre parler de séparation du Québec. À ses yeux, cette idéologie referme le Québec sur lui même47. Or, les détracteurs du PLC affirment que l'attitude de Trudeau nuit à la cause des fédéralistes. Ils accusent le PLC de favoriser la montée des souverainistes en voulant centraliser les pouvoirs à Ottawa et en tentant de vouloir absolument faire passer la prospérité du Québec en arrimant la province au reste du Canada. À ce sujet, le ministre fédéral Gérard Pelletier répond au contraire que le gouvernement libéral n'a pas été trop rigide : «Aux dires du ministre, de 1946 à 1972, les gouvernements fédéraux ne peuvent certainement pas être taxés d'avoir été trop centralisateurs puisque le budget du Québec est maintenant 20 fois plus élevé qu'il ne l'était à cette époque pendant que celui du Canada tout entier n'a même pas triplé48».

De son côté, le Parti conservateur tente de faire des percées au Québec. Le chef du PPC, Robert Stanfield, sait qu'il ne peut pas prendre le pouvoir sans un appui important du Québec. À propos de la province, il précise ses intentions en ces termes : «Je n'aimerais pas que notre parti forme le prochain gouvernement sans que le Québec n'y soit adéquatement représenté49». Pour l'aider dans la tâche de mobiliser les Québécois, il recrute l'ancien ministre du gouvernement Lesage, le juge de paix Claude Wagner. Ce dernier agit comme lieutenant du parti au Québec. C'est d'ailleurs lui qui s'attaque au premier ministre Trudeau en affirmant que son attitude est à la source de frictions entre Ottawa et Québec. Wagner promet que, sous un gouvernement conservateur, il y aura des réformes qui tiendront compte des revendications du Québec. Les propos de Wagner le font passer pour un souverainiste auprès des journalistes. Son chef Stanfield lui vient en aide en affirmant que Wagner est aussi fédéraliste que le premier ministre Trudeau. Ce n'est que leur interprétation du fédéralisme qui change50.

47 Michel Roy, «Non, Répond Trudeau», Le Devoir, 13 septembre 1973, p. 1.

48 Pierre-Paul Gagné, «Le gouvernement Trudeau n'a pas été trop rigide à l'égard des provinces - Gérard Pelletier», La Presse, 7 septembre 1973, p. A3.

49 Claude Turcotte, «Nouvel appel de Stanfield au Québec», La Presse, 2 septembre 1972, p. A3. 50 Benoît Houle, «Wagner est aussi fédéraliste que Trudeau», Le Devoir, 7 octobre 1973, p. 1.

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