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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Enseigner la Génétique humaine : citoyenneté ou fatalisme ?

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Academic year: 2021

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ENSEIGNER LA GÉNÉTIQUE HUMAINE

CITOYENNETÉ OU FATALISME?

Mondher ABROUGUI, Pierre CLÉMENT Équipe de Recherche en Didactique de la Biologie L.I.R.D.I.M.S., Université Claude Bernard Lyon 1

MOTSCLÉS: GÉNÉTIQUE HUMAINE· IDÉOLOGIES ÉTHIQUE MÉDIAS -ENSEIGNEMENT

RÉSUMÉ: Celle communication présente les dimensions philosophique, idéologique et éthique qui accompagnent l'éducation scientifique (formelle et infonnelle) en génétique humaine. Tout en rappelant la place importante des médias, elle insiste sur le rôle que peut jouer l'enseignement dans un. objectif d'éducation et de responsabilisation des citoyens dans de tels contextes.

L'éducation scientifique concerne cenes des contenus scientifiques (la génétique humaine), mais aussi leurs enjeux. Soyons optimiste: il n'est pas irréversible que la philosophie spontanée de la médiatisation et de l'enseignement de la génétique humaine, reste la philosophie de l'irrémédiable!

SUMMARY : This communication presents philosophical ideological and ethics dimensions, that accompany the scientific education (fonnal and non-fonnal) in human genetics. While reminding the importance of medias, it insists on the role that can play the teaching in an objective of education and to make responsible citizens in such contexts.

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1. PHILOSOPHIE DE L'IRRÉMÉDIABLE, FATALISME ET EUGÉNISME

À travers les différents courants de pensées qui ont jalonné l'histoire et le développement de la génétique, l'un des plus clairs, et des plus dangeureux pour la citoyenneté, est la philosophie de l'irrémédiable, du fatalisme (Abrougui, 1995) : en médecine, dans le domaine social (eugénisme) et de façon générale pour tout ce qui lOuche l'hérédité. La médecine a vécu longtemps sur l'idée simple que les maladies se répartissaient en deux catégories : les maladies héréditaires inéluctables, transmises de génération en génération, et J'ensemble des autre maladies, plus ou moins induites par le milieu. Jusqu'en 1820, l'idée d'hérédité a été marquée par l'inquiétude, de l'irrémédiable et par le pré-déterminisme inévitable. Bien que ces conceptions aient été vigoureusement anaquées dès le début du XIX' siècle par Broussais (cité in Gayon, 1993), celle conception, qui a induit au cours du XX· siècle plusieurs voies de recherche dans l'étude de l'hérédité humaine, a perduré jusqu'à aujourd'hui, même dans le domaine scientifique et social. Le succès de la génétique mendélienne a reposé pendant près de cinquante ans sur son extraordinaire capacité de prédiction, sans que soient encore connus la nature des gènes, leur structure chimique ni leur mode de fonctionnement. Une telle science, en raison même de ses succès prédictifs sur les végétaux et les animaux, pouvait fonder des pratiques de modification des races par hybrydation et sélection.

Celle conception sur l'hérédité, qui semblait initialement inaccessibleà une manipulation matérielle directe, fut modifiée par la révolution moléculaire des années 50, et surtout par l'ingénierie génétique depuis les années 70, Dès les premières décades duXX· siècle, avec la découverte et les travaux des mutations dirigées, les premières expériences de "chirurgie moléculaire" avaient en faite été réalisées. Les biologistes sont passés d'une étude des gènes utilisant surtout des phénomènes spontanés (leurs interventions se limitaient essentiellement à la stimulation de mutations "au hasard"), à une situation où ils ont pu agir de façon de plus en plus précise sur ces gènes. Dans le début des années 70 s'est alors développée une technologie de la manipulation des gènes, le génie génétique. Il devint alors possible d'identifier, d'isoler, de multiplier et de cloner les gènes et d'en étudier les fonctions (Morelti et Dinechin, 1982). Dès lors, la structure génétique devenue accessibleà l'intervention directe de l'homme. La recherche médicale s'est alors donnée comme objectif d'intervenir aussià ce niveau. Ainsi, les gènes, dont le séquençage et son interprétation restent l'un des défis majeurs de la recherche scientifique actuelle, ont pris le relais de l'anatomie, mais l'idéologie héréditariste reste la même, fondant à la fois le fatalisme et l'eugénisme.

2 ÉTHIQUE, GÉNÉTIQUE HUMAINE ET MÉDECINE

En génétique l'ense'mble des découvertes récentes, qui ouvrent d'extraordinaires espoirs pour la compréhension du génome humain réveille en même temps certaines tentations eugénistes. Un sentiment diffus se répand ainsi selon lequel tout serait possible dès que le génome humain serait connu. Largement excessif, et parfois présenté sous une forme provocante, ce sentiment suscite des craintes sérieuses. Que ces dernières puissent avoir quelque fondement est suggéré par l'altitude

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même des savants qui. dès le début de la biologie moléculaire, avaient proposéà la conférence d'Asilomar en 1975 un moratoire préconisant l'arrêt des manipulations génétiquesin vitro. Plus récemmentJ. Dausset a proscrit les manipulations pouvant aboutir à une modification transmissible du patrimoine génétique de la cellule ou de l'embryon qui en est l'objet (Hu ber. 1992). L'emprise que confèrent les nouvelles techniques soulève notamment des questions d'ordre politique, social et culturel (bioéthique). L'euphorie de la plupart des biologistes est tempérée par le sentiment d'inquiétude de certains autres, et du corps social dans son ensemble: la société a son motà dire dans les décisions qui concernent la modification génétique des êtres vivants. Les réflexions des comités consultatifs nationaux d'éthique sur les problèmes posés par les nouvelles techniques de génétique humaine se développent de plus en plus et viennentà point, car les perspectives ouvertes sont d'une ampleur exceptionnelle. Un des objectifs de ces comités est d'induire un contrôle des nouvelles possibilités de diagnostic et de thérapie prénatales et postnatales. afin qu'elles soient utiliséesà bon escient et avec réserve. pour le bénéfice des malades, de leur famille et de la population entière. Suiteà ces réflexions, la science ne peut plus se substituer à la morale. Quant au calcul coût-bénéfice, il ne peut plus tenir lieu de conscience. Des limites s'imposent d'elles-mêmes, aux généticiens, comme aux juristes. La médecine de prédiction peut. en attendant que des thérapeutiques spécifiques soient découvertes, éviter bien des épreuves, soulager bien des souffrances. Elle est le premier pas d'une médecine préventive personnalisée, donc plus économique et plus efficace. Toutefois, la médecine, qui se doit d'être en premier lieu préventive. doit éviter les pièges des perspectives eugéniques et normatives. En effet, ces dernières recherchentà travers les supports et techniques génétiques l'amélioration du patrimoine héréditaire (eugénisme positif) ou l'élimination des maladies héréditaires (eugénisme négatif). Elles se préoccupent de donner, dans une certaine mesure, plus de chanceà certaines séquences nucléotidiques qui auraient été considérées comme meilleures. L'une des dérives majeures de ces choix serait de viser une normalisation des caractéristiques humaines.

3, LES MÉDIAS ET L'ÉTERNEL DÉBAT ENTRE "HÉRÉDITARISTES" ET "ENVIRONNEMENTALlSES"

Le débat ancestral sur le pré-déterminisme, devenu débat entre inné et acquis. entre génome et environnement, renaît aujourd'huiàla suite des dernières découvertes scientifiques spectaculaire (F.1. V.. clonage.... ) abondamment vulgarisées. Dans les médias, comme le remarque Rose (1995), l'interprétation des comportements (l'intelligence. l'homosexualité, la dépression, l'alcoolisme, la schizophrénie, la violence, etc.... ). relève d'un réductionnisme"neurogénétique nait'. comme si les comportements et performances humain pouvaient être abstraits de tout contexte. Plusieurs démarches démontrent que la problématique "héréditariste" et environnementalistes" est dépassée sur un niveau rationnel scientifique (Chappaz et al, 1980 ; Clément et al, 1980, Morin, 1977-1980; Agata Mendel, 1980; Koppel et Atlan, 1991 ; Stewart, 1993). Ces auteurs ont plusieurs fois précisé et rectifié, par des analyses très pénétrantes. certaines notions essentielles et souvent mal interprétées: inné, acquis, intelligence, Q.I., comportements,

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etc ... De plus certains médias ont joué des rôles fondamentaux dans la vulgarisations des connaissances en génétique, et particulièrement lorsqu'elle touche de près le cas humain. Ils ont permis d'apporter à un public généralement non spécialisé des éléments de connaissances essentiels susceptibles (mais était-ce suffisant?)de contrebalancer certains propos imprégnés d'idéologies. Cependant, dans la majorité des cas, la recherche d'une information spectaculaire pousse les médias àconforter certains fantasmes des lecteurs etàpropager et renforcer ainsi l'idéologie héréditariste : confusion entre différence et inégalité, entre identité et xénophobie; spectacularisation de pseudo-déterminismes génétique (chromosome du crime à la fin des années 60, intelligence héréditaire; schizophrénie, timidité, alcoolisme, homosexualité; ou encore, le plus récent, clonage des prix Nobel ou des milliardaires!

4. UNE RÉFLEXION À TRAVERS L'ENSEIGNEMENT SCOLAIRE DE LA GÉNÉTIQUE HUMAINE

L'enseignement de la génétique s'appuie sur des recherches très variées, quantàleurs méthodes et quant à leurs objets d'étude, qui comprennent notamment des cas pathologiques ou non pathologiques. Les enjeux affectifs et économiques sont particulièrement importants dans le cas particulier de la génétique humaine. Comme nous l'avons souligné plus haut en parlant des Comités d'éthique, la génétique humaine implique toujours des enjeux multiples: éthiques, sociaux, économiques, idéologique, de santé ... L'enseignement scolaire de la génétique humaine ne devrait donc pas être restreintàun enseignement dogmatique de connaissances scientifiques accumulées. Cet enseignement pourrait ainsi:

• Être fondé sur l'étude de cas qui ne restreignent plus les modèles explicatif à la seule composante génétique. Ce qui est actuellement le cas de manuels du secondaire français et tunisiens (Abrougui et Clément, 1995, 1996a et 1996b). Par exemple ne pas centrer l'enseignement sur une des modèles de détermination qui souligne le rôle des gènes (cas des systèmes sanguin ABO, ou Rhésus, ou MNS, ou immunitaire HLA, de certaines anomalie monogénique ou chromosomique (par exemple des trisomies), de caractères polygéniques, etc.). Mais aussi présenter des modèles explicatifs qui:

- soulignent le rôle de l'environnement: cas des substances tératogènes, par exemple, le virus de la rougeole, l'alcool, la thalidomine; la majorité des tumeurs (environ 80% : Zuzuki et al, 1991 ; Robert! 1983; Serre et Feingold, 1995) ; le cas de plusieurs caractèresàdépendance sociale et culturelle (le langage, les aptitudes, la personnalité, etc.) ;

- insistent sur l'interaction entre les gènes et l'environnement: cas des caractères quantitatifs (le poids, la taille, la pigmentation, forme et dimension du pavillon de l'oreille) ; cas des caractères génétiquesàdéterminisme multifactoriel complexe (développement embryonnaire, caractères polygéniques) ;

- montrent comment les gènes, l'environnement et des fluctuations interagissent pour fournir un phénotype donné. C'est un modèle plus général qui tient compte du modèle précédent et qui introduit

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d'autres variables comme les effet de l'âge ou de certaines variations métaboliques, enzymatique, hormonale: cas de certaines forme de diabète; d'hypertension; de trouble cardio-vasculaires; l'artériosclérose; le nombre de globules rouges et blancs; ou encore, bien sûr, le cas du fonctionnement physiologique du cerveau.

• montrer que comme toute histoire, celle de la génétique est marquée par des conflits intenses non seulement entre personnes, mais aussi entre des conceptions différentes sur le plan scientifique, idéologique, politique ou philosophique, et que ces conflits sont des éléments nécessaires et utiles de l'histoire de la génétique.

• montrer que les connaissances génétiques, par leur impact politique, social, médiatique et par les nouvelles priorités de la recherche médicale (privilégiant les études des malformations et des maladies génétiques), ont modifié les mentalités: dans la vie quotidienne de tous, notamment dans nos rapport à la santé, avec les réalités et fantasmes liés au diagnostic prénatal, au choix du sexe des enfants, aux thérapies géniques, aux manipulations génétiques (notamment de nos aliments, végétaux ou animaux), au clonage, etc. Mais aussi dans les perspectives de recherche scientifique, avec notamment l'organisation d'une collaboration internationale autour de l'étude du polymorphisme humain (C.E.P.H. : Centre d'Étude du Polymorphisme Humain),

• éclairer, en quoi des présupposés et des idéologies interfèrent avec des connaissances objectives. s'articulent et deviennent des compagnons encombrant d'une science.

La génétique est une discipline scientifique dont la fonction n'est pas de fonder ni d'invalider des pani-pris idéologique, tels que le racisme ou l'eugénisme. Tenter de le faire serait du scientisme. Mais force est de constater que l'enseignement souvent très dogmatique de la génétique renforce, à son insu, un héréditarisme latent qui, lui, nourrit le racisme et l'eugénisme. La génétique n'est certes pas la raison d'être des lois eugéniques et raciales mais son autorité est perçue comme un garant. La faute en revient sans doute aux certitudes mal fondées, mais aussiàune crédulité du public trop facilement exploitable face au discours d'autorité que s'entoure les médias de sensation et parfois les politiques extrémistes.

Mais un tel enseignement dogmatique n'est pas une fatalité: il n'a rien d'irréversible et il appartient aux didacticiens de proposer des remédiations. La c1ané de l'enseignement de la génétique humaine n'implique ni la dogmatisation, ni le silence sur la complexité des enjeux de ce domaine: les fails enseignés peuvent être prouvés, et les limites de validité des conclusions tirées à partir d'un exemple peuvent être cernées, pour éviter tout glissement de sens ou toute généralisation abusive. Les enjeux éthiq ues, économiques, sociaux, idéologiques peuvent être signalés. Des questions peuvent rester ouvertes, pour susciter des débats. Car la citoyenneté se nourrit plus de débats que de dogmes et de silences. Ces silences sont complices car ils renforcent les conceptions préalables et les idéologies sournoisement rampantes (héréditarisme, eugénisme, ...).

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Références

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