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Claude Gauvreau et le procès de la signifiance

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

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1.

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CLAUDE GAUVREAU

~T

LE PROCÈS DE LA SIGNIFIANCE

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Monique Le ,

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by

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A thes;s submitted te the '"

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Faculty of Graduate Studies and Research

in partial fulfillment of the requirements fo.r the degree of

Master of Arts Augûst 1981

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Je dé.6-Ur..e. e.x~1<-meJr. ma btè6 .6.<.nc..ê4e. glr.a.ti.-t«de

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Madame. Eva

K~hneJr.

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6upeJt~.ueJL

c.e.tte Jte.c.heJr.c.he.. Que. .ôo'<'~n..:t égaleme.~ Jte.meJldée.6

Me.ôdame.ô MaJt.yH 8é1and e;t Lou..U e. Gu.LUeme.t qu..ë. on;t b,(en ac.c.epté de dactylog1ta.ph.A.eJt l'enJemble du mémo.<JLe. Ma. Jtec..onl't.Lti.ô.ôa.nc..e. la. piu6 v,(ve •

c.onc..eJr.ne mon époux.' don;t le .6Uppoltit moitai.

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CLAUDE GAUVREAU ET LE PROCES DE LA S IGNI FIANCE' .

,Les diff~rents recueiJs poétique~ de Claude Gauvreau témoignent d'une transgression progressive du symbolique. P'Etal mixte aux Jappe-_ ments

a

la lune! en pa,ssant par Brochuges, Poèmes de d~tention et les

,

Boucliers mégalomanes, 'le langage\est peu ~ peu extrait de sa fonction symbolique pour se d~ployer dans une articulation Sémiotique, Ce dé-mantèlement apparatt d~jà perceptible dans les images rythmiques des

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\ premiers poèmes, il s'intensifie dans les images

m~morantes

et trans- '

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~_--,'~--+-L'analyse textuelle, inspir.~e d~s ~tudes critiques de Roland Barthes

\,

\

et de JuHa Kristeva. penmet dl ident;jfi er 1 es transgressiolLlhlOs"---"'d-.J'ou.Jr--"dLLr-'"'e_---' _ _ _ _ --' _ _ thétique et de cerner la mimésis obtenue p~r le télescopqse du

symbo-:fque et du 's~miotique •

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CLAUDE GAUVREAU'ET LE PROCES'DE LA

SIGNIFIA~CE

,-The d ifferent .coll ~ctions of poetry by Cl-audè Gau~reau '!J

,

.

, 1

.

~emonstrate- a progrEr~sîve transg~e_"Ss.ion of the symbol i c,1 fu~cti o~.

\

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ta

Jappements 1l la lune, as well as Brochuqes'. ,poemes de

d~tent ton a"rid Les Boucl fers mêga l omanes ; n between ~ the syrnbo 1 ic . funct;on of the langua,ge is gradually overwh~lmed by fts own semiotic

,

movement. This pro'gressive dismanteling of the symbolic iS,already'

.

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. notieeabl e in the rytllnic imageS'

of

his earl ier poems. It bec·omes more·

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fijïages

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explallean images of his last côllection. Textual criticism, ,

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as .exemfJlified 11=1 RQland Bartbes's'and Julia Kristeva's critical studies, l

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permit.s t~e identification of the thetic?' traÎ1sgr~ssio_ns and the' 1

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perception_ of the mimes1s which oc'curs when th~ symbol ie coll apsès unde.r

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the weight of. the semiotic., '

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l' tI , t r ;i$I'i' ' 1 , . INTRO~UCTION 441-. . . , ' • ' , ' • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • , • • ,'" • • • • • • • • • • f . . . ~ CHAPrrRE 1 , 1 ~. ~ .' CHÀPITR~ ,II

-'\:' Textual i:ê et connotations dive~s'r ....•...•....•..• 1 .

i-

Les fonctions s!miotiques prl'!-oedipiennes ...•...•...

. ' '

1.2- La glossolalie pulsionnê1le ' ...•...••...

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1.:1. De"1 limage rythmique A 1 limage mêmorante.t<: ... ..

. - l ' ,

-' Isotopi~s,constitlltives des champs conflictuels ••...

, ' 2.': Uérations de la dégradation, ... ~ ... ..

;.2

ScMmes' obsessionnel s ... ' •...• ,2:3-'

~~s ,p~'radig~t

idéologiques ... . 6. 8 13 21 35 37 47 64 .CHAPITRE III - Rupture êp;stémolog;que .~ .. ~ ...• o • • • • • • • • • • • • • • •

--3.1.. tnon~iatiol1 et dénotafion ...•... 81 84

i

3.2- Le njet et la négation ... . 88

'3.3- La chora s~ot i que ..•...•...••... 102

CHAPITRE IV -

Trans~enda~ce

du

~liPsisme

... ; ... 105

4.1· Du monisme au solipsisme ... 107

4.2- De 11 image transfi gurante Ali image e:xploréenne ... 11 0

.

4.3- Le champ polysémique ... 00117 CONCLUS ION BIB.LIOG_RAPHIE . ... , .•...••... " .. : ... '.125 , ~

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~ INTRODUCTION

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Le mythe 'de Gauvreau

~u.bit,

d'epuis que'1.ques années, une désoccul· tat10n prOQ,ressJve. tê prémi.ert

André-Ge~rg~s

Boura'ssa l, inscrit,J'école

québécoise issue 'du

mouvemenVsu~réa1iste'

.

dans' la 'vis'ion esthétique et , ' ~ socio·histor.ique 'd'un Québec en

ébUl1i,ti,?~'

..

'\~a$~~Jl'

Imbeau 2. ensuite met

a

j()ur la 'biogfaphiè du. puissant conté5tat~frè auquel S,I identifia le

, "

. 3 , - ' .

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po~te. Jacques ~\archand· , surtout, ,dan~ un essai tout aussi percutant

, '

qu' ; ne i S if. s' ac ha rne sans,' r~pit' sur un Gauv,reau-personnage qu'il d; s 1 0 ~ \

, '

que ;nexorabl~ent avant de lever, dMin'itivement le voile mythique sous

lequ~l il se comp.1ais,ait.

Le mérite·de ces études consiste en une synth~se puis en un d~pas-·

sement des critiques parues par bribes au fil des an~es, principalement depuis la disparition du poête'voué, sans doute,

a

une gloire essentielle-ment posthume. L'honrne, attein,t au plus profond de son ego. résiste mal au feu des projecteurs. Ainsi, la critique immar'lente s'attarde-t-ell~

1- André-G. Bourassa, Surréalisme et littérature gUébéCo~,(Montréal: L'Etincelle, 1977).

2- Gaston Imbeau. Cl aude Gauvreau. " 'hollll1e et l'oeuvre j essa-i de bi 0-bibl iographie descriptive, mémoire pr.!senté ! la' Facu1U des ' études supérieures de l LUniversitê de Montréal, en ~ue de llob-tention de la maltrise ~s Arts (Etudes françaises), novembre 1975. e240 pages. ,. 'JI. 1111 • , . , .

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3- Jacques Marchand, Claude Gauvreau. poète et mythocrate. essai. (Montr~al: VLB.1979).

1

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1

2

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, • aux mobiles

i'~CO~~'qUi

auraient vraisemblablement pu inciter le

po~te

a

élaborer une gigantesque farce

a

Ja mesure de sa prétendue mégalomanie. Mais, !l-t-il. vraiment voulu nous duper? Cette auto-suffisance décele~ par· les critiques 'le détermine-t-elle pas une volonté de puissance proprement nietzschéenne? Et 'quand cela serait ...

Il demeure indubitable que les informations de nature .~iographique

désormais ,disponibles gr!ce

a

l'acharnement des chercheurs, contribuént

a

jeter sur Gauvr~au un nouvel éc1 a irage. Ce ncoeur mi s

a

nu n ternit, en quelque sorte, l'image du poête et refroidit singuliQrement 1 'imp~ct de ses envolées oratoires. Toutefois, llaccusation d'imposture" déja fort

expli-..." f •

cite chez Ferron 4, ne rdsoud en rien la problématique soulevée par une

..

oeuvre marginale et déviante. Sans oser rapprocher Gauvreau de Lautréamont~.

nous 'constatons néanmoins un' accueil similaire des oeuvres qui témoigne intensément des volontés d'acceptation d'une êpoque .

..

.

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..

Faut-il rappeler que Sade se trouva réhabilité par les critiques de Manchot 5, de Barthes, 6 ou de Sollers 71 Michel Foucault l'a bien

.,9J

compris: l'enfermement, le maintien A l'écart des personnages déviants

fi"

ou des oeuvres margi na 1 es concourt

a

'entreteni r un fa i sceau dl images

4-

Jac~rron,

Du fond de mon

arri~re-cuisine,~tréal,

éd. du Jour,

J

1973).

5. Maurice Blanchot, Lautréamont et Sade-, (Par1s: éd. de t4inuit; 1963). 6- Ro]and Barthes, Sade, Fourier,'Loyola, (piâ'ris: Seuil,'1971) .

. 7- Philippe Soll'ers: L'écriture 'et l'expérience des limites, (Paris:

( ~ Seuil, 1,868). ''';

(9)

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-- mythi,ques. Il n'y a pas loin du prisonnier pol itique au

d~tenu

qui Cnnatt

t~,us

'les raffinements- des traitements pstYfhiatriques modernes 8. l'ambi-j9u'itê

qU~

vêhicul e 1 e titre du recueil

P.o~es

de dêtent ion 9 s'avère, selon

"'Jacques Marchand 10, particulH!rement

~~~~latrice.

Le spectre de la

nor-o '4"

malit~ brandit en force la perspective d'un nivellement idêologique appa-'

remment souhaitable pour le maintien de l'équil ibre social et de la paix collective.

Il tut une époque oDl'on ostracisait publiquement Artaud: Para-doxalement, ceux qui s'en r~clament aujourd'hui voient, dans cet ostracisme, 'une preuve de la consécration_de leur génie. Le combat entre le licite et

\

, ~

l>lindicible s'est mené ~ chaque êpoque avec une vigueur tout révolutionnai-re. Aujourd'hui,! 1 'heure du formalisme dans les arts, on serait tent~

d'exorciser la dêmarche gauvrienne. car l'élab?ration d'une pOétique explo'" ratoire repousse encore plus en avant les fronti~res de l'investigation.

"

Gauvreau semble y croire intens~ment:

Pour aller plus creux dans l'inconscient. pour dynami-t,er certaines barri~res apparemment infranchissables, 11

il faut pr~cisément toute la commotion du volcan êmotif.

,

.

8- Michel/Foucault. 'Eloge de la folie

a

l'âge classique, (Paris: Galli-ma rd. 1 972 ) .

9- Cl aude Gauvreau, "Po~mes de d~tention'fI Ù!. Oeuvres crêatrices compl

è-tes, (Montr~al: Parti Pris, 1979). pp. 865-895. , 10- Jacques Marchand. op. cit .. p. 334.

~

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11 -Cl aude Gauvreau, "Dix-sept 1 ettres A un fantôme" (Lettre du 13 avril 1950), La Barre du Jour, nos 17-20, janvier-aoOt 1969, p. 358.

(10)

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4

-Au del! du dada'sme, du futuro-cubisme, du lettrisme et '!nême du

.

,

surréalisme, nous tenterons de définir certaines composantes de l'automa-tisme de'f1aude Gauv~eau'qui l'a conduit

a

jeter Jes ba~es d'une poésie novatrice qual ;fiée par lui,

"d~ploréenne"

12.

La mention des influences et det filiations reconnues par Gauvreau lui-même ou ;dentifié~âce ~ la perspicacité des chercheurs qui se sont

..

attardés

a

cet aspect, rend inutile une exploration de plus qui relaterait obligatoirement les mêmes

r~devances,.

qu'elles soient artistiques ou lit-téraires.

Nous n'aspirons pa~. non plus.

a

scruter les secrètes et inavoua-bles pulsions qui o'rit pu guider le poète.

,

Jacques Marchand, en 1 'occurren-ce, s'en est admirablement chargé et il n'y aurait H que des redites.

Notre approche méthodologique s'effar~era~onc d'établir une logi-que du signifiant en èGnsidérant dans leur immédiate accessibilité les ma-nifestations textuelles des recueils poétiques de Claude Gauvreau, d'~ ~ aux Jappements

a

la lune, en passant par Brochuges, Po~mes de dé-tention et les Boucliers mégalomanes. Nous tenterons également de cerner

~

la mimtsis provoquée par le tt!lescopage du symbo1;que et ~émiotique,

~

l' en nous appuYant sur 1 es études crîti ques de Rol and Barthes et de Ju la Kr; steva .

12- Claude Gauvreau, "Dix-sept,lettres

a

un fantôme", 'op. cît., p. 361.

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1

(11)

1

5

-Puisque la sémiotiqU~Jj;ne "l'application de la sémiologie à

une disc~pline particuli~re~ n~s aurons recours

a

l'analyse textuelle

~Ui

nous

p~rmettra

d'inscrire la perspective sémiot1que

~

l'intérieur

d'une linguistique descriptive.

'"--... ~'.

... ,

, t,

13- Jean Fisette, Le Texte automatiste, (Montréal:

siU du Québec, 1977). p. 23.

, "

Presses de

"Univer-r

(12)

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CHA PIT REl

1

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(13)

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TEXTUALITÉ ET,CONNOTATIONS DIVERSES

Les recueils de ~o~mes r~digês entre 195Q et 1970 témoignent d'une

évolution constante, égàlement perceptible dans les objets dramatiques

écrits durant cette même p~riode d'intense activité intellectuelle.

D'Etal mixte aux Jappements ~ la lune, la fonction symbolique du langage

se trouve progressivement exacerbée jusqu'~ un démant~lement complet.

Le cri retentHsant proféré en 1948 par Pau'--Emil e Borduas

constitue ~ cet égard un pôle de,diffraction privilégié:

Au refus global nous opposons la responsabilité

en-ti~re ( ... ) Fini l'assassinat massif du présent et du

futur ~ coups redoubl és du passé ( ... -)

·Au terme imaginable, nous entrevoyons 1 'homme libéré de ses chafnes inutiles, réaliser dans l'ordre imprévu, nécessaire de la spontanéité. dans l'anarchie resplen-dissante. la plénitude de ses dons individuels ... D'ici

la, sans repos ni halte. en communa~tê de sentiment

avec les assoiffés d'un mieux-être, sans crainte des longues échéances. dans l'encouragement ou". 1 a persécu-tion. nous poursuivrons dans la joie notre sauvage' be-soin de liMration 1.

Aussitôt assumé par Claude Gauvreau. qui se perçoit comme ~un

si-.)

gnata ire conséquent du formidabl e mànifeste de Borduas~ 2, ce texte porte

1- P.-E. Borduas. Refus global et Projections libérantes, frontrêal:

Parti-Pris, 1977). pp. 35-40. )

2- Claude Gauvreau. "Autobiographiell in Oeuvr-es créatrices compl~tes.

(Montréal: Parti Pris. 1977), p.

12.

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(14)

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7

-en lui les jalons d'une inlassable quê'te. c

1

En effet, ce texte prophétise et résume ~ souhait 11 itinéraire "--.~

poétique de Gauvreau. Du surréalisme, il retient le refus du

convention-nel ai'llsi que

'1

impérieux besoin de l iMrer 1 es forces inconscientes.

.

,

Cependant. alors que Rupture inaugurale consacre en 'France la dissidence et , 'affirmation d'un groupe marginal rassemblé aux côtés d'André Breton, les instances contestataires oppressées par le duplessisme se réunissent,

autour du manifeste québécois.

D~s lors, le mo1nde artistique entreprend d'extraire les forces

obscures et chaotiques qui sommeillent enfouies au plus profond de

l'in-.

conscient collectif. A l'inexorabilité du destin, sloppose virtuellement l'arbitraire et la contingence, la suprématie du hasard, la soif dé l'im-prévu et le goOt de l'insolite. ReWs global inaugure donc, en quelque

sorte, le r~gne de la p~nsée sauvage, minoritaire et divergente

en;assi-gnant. du coup, 1 1 irrationnel au pouvoir.

Les objets poétiques de Claude

~uv~eau

corroboreront cette option

manifeste et autoriseront, conséquemment, la perception de connotations définitivement orientées. Effectivement, l'évocation du "sens second" reconnu par Hjelmslev, assurera une polarisation des signifiés relative-ment au contexte socio-politique de cette époque.

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(15)

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8

-1.1 Les fonctions sémiDtiques pré-oedipiennes

C'est! Jacques Lacan que nous devons 1 'observation du langage perçu en tant que dérive de la pulsion de mort (Todestriebe) 3. Lieu

privilégié de la négation et du rejet, le langage porte les traces d'une

quête désespérée subordonnée

a

une volonté réductrice. Le texte

têmoi-." ,

,

gne. en effet. des résistances et des stagnations, des ruptures et des dissociations produites sur le mode conceptuel.

De tout temps, reconnatt Jean Rousselot:

Les po~tes et écrivains dignes de ce nom ont

tra-vaillé a perfectionner le langage,

a

lui-faire dire·

plus,

a

le faire dire mieux,

a

l'agrandir.

a

le

trans-former de ,!telle sorte que sa rêalîté ne fasse qu'une

avec tout

ce

qu'i1 ya

a

voir,'a percevoir,

1

com-,

prendre et ~ faire en ce mondè et ailleurs.

Cette entreprise légitimée par la pratique d·,'un discours initié

depuis quelques

~cles,

semble d'une redoutable envergure. Les sciences

connexes constituées par la psychanalyse. la philosophie et la

sociolo-gie, incitent

a

jeter un nouvel éc·lairage. Appréhender un texte poHique

implique, dès lors, que 1 'on effectue les recoupemènt~qui

sormais. L'élaboration du langage dans un processus de consolid ion des instances discursives,

conscientes appelées

a

se manifester ouvertem

3- Jacques Lacan. Ecrits II. (Paris: Seuil, 1971), pp. 167-168.

4- Jean Rousse10t, Mort ou survje du langage?, (Paris: Sadi, 1969),

p. 13.

(16)

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-.

\

Jul ia Kri,steva 5 perçoit la

r'r~'volution

amorcée dans le langa.ge

poétique depuis la'seconde moitié du XIXe siècl~, pr1ncipalement depuis

Mallarmé, çomme l'inauguration d'un procl~s de'la signifiance qui s'appa-'

,~ ~

rente! une rêvol ution pol iti que et social e,' Si le mode de production

capitaliste contribue

a

produire, provoquer et exploiter 1 '~~latement du

discours et l'isolement du Sujet"en raison d'une

mOdifièatiO~?n

,

statut, ete ses rap~arts avec autrui et le monde, elle «fOnçait,_ par

ail-leurs que. le TEXTE témoigne, en. tant que pratique signifiante, d'un

en-semble de relations inconscientes, subjectives et sociales.

Le langage poétique éclaté depuis le symbolisme rend compte, selon

Kristeva, des modifications provoquéès par les charges pulsionnelles é~er­

gétiques et les articulations de la chora sémiotique. Ce moi, emprunté

au Tim~e platonicien désigne. dans cette perspective, la totalité mouvante

constituée par lèS pulsions fondamentales identifiées par la psychanalyse:

pulsion de vie / pulsion de mort, les forces d'assimilation et de destruc-tian. Ces pulsions représentent pour Kristeva, la charniêre entre le psychique et le somatique,

L~ frayage des pulsions dans le syst~me'symbolique du langage

pro-voque un ensembl'e de modi fications qui se situent notamment au niveau de

la syntaxe, des contraintes phoniques et rythmiques et des relations

con-textuelles. Ces niveaux constituent ce qu'il est convenu d'appeler le

dispositif sémiotique du texte.

5- Julia Kristeva, La révolution du langage poétigue, (Paris: Seuil,

1974), pp. 209-291,

t

1

1

(17)

(

10

-Ces modifications peuvent ~tre notamment repérêes et observées

dans le ph~no-texte'par le biais d'une nouvelle

organisation.translin-guistfque. De nouvenes figures se disposent, transversales ~ la phase'

thétique, formant un nouveau r~seau.' Explicitons: ce que Kristeva

appel-~.--'

-le -les diffêrentiel-les signifiantes, ce s~nt les êl~ments phonémiques ou

'" /'

phonêtiques r~currents, perceptibles lors de l'audition d'un po~me ou dé'

sa transcription semi-phonétique. Souvent un seul phon~me ou élément

phon~tique peut agir comme différentielle signifiante.

De fait, l a présen~e de ces ~ éments investit de nouvell es

va-l , ,

leurs Sémantiques le texte considêré. Ces valeurs ne co'ncident plus né-.

cessairement avec celles des lexèmes ou morph~mes identifi~s. Comme

preuve de sêmantisation immédiate, Krist~va mentionne les onomatop~es.

Le sujet, ainsi ax~ sur un prOCès pulsionnel inconscient g~nère un

nou-.

veau domaine, un r~seau transversal aux frontières lexicales. La voie

.", t;

ainsi ouverte à l'~criture automatique justifie l'exploration d'un

rythme inconscient, pulsionnel, transJinguistique qui oriente les recher-ches en vue d'une syntaxe nouvelle portée par un rythme de timbres

proso-diques et consonantiques~

Les tèxtes disposent. depuis ce changement radical, de contrain-tes naturelles et non plus de conventions métriques ou prosodiques pour

constituer le.proc~s de la signifiance. La combinaison nablie entre

groupes phoniques et valeurs s~mantiques pour former un,dispositif

com-plêmentaire, demeure selon Kristeva, le seul indice de pOêticité dans les

/

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11 -\. 6 textes modernes "

Afin de pouvoir identifier les charges pulsionnelles présentes

a

1 1 intérieur du tissu te~tuel, nous aurons recours A la notion de

"diffé-rentielle signifiante" telle qu'~tablie par Julia Kristeva. En effet';

~

la s~manalyse recorma'f't 1 1 intérêt de cet "infini-point" qui IIfait

péné-trer le

gén~-texle

dans le phéno-textell

7. Ainsi, il ser'a possible de

percevoir au niveau même des signifiants des traces de l 'activité d'en-gendrement du texte. En effet,

Si j'invente un mot ou une construction inexis-tants dans aucune langue et comme tel s étant un dHi

A

tout sens, ~ tout signifiant, alors j'écris 1I1 'im_

possibilité de l'impossible" (Badiou) et, par ce geste

m~me, je soumets mon travail aux lois intransigeantes

de la langue. pr~sente ici en face du surréel (du

sur-signifiant) que je force. 8

L'intér~t de cette démarche réside dans le fait que les

trans-gressions et les ééarts observés par rapport au langpge conventionnel,

au-torisent désormais une certaine emprise. C1est notamment le cas de la

production surréaliste.~ [e concept de "différentielle signifiante"

dé-veloppé par Kristeva se rattache "a'u rôle que Lacan attribue ~ l'instance

de la lettre dans l linconscient"

9 Bien qu ' e11e privilégie le recours

6- Julia Kristeva, La révolution du langage poétique, op. cit., p. 217."

7- Julia Kristeva; Sêmêiotikê z Recherches pour une sémanal~se, (Paris:

Seuil, 1969), p.

298:

8- '

-

Ibid .• p. 299. 9-

-

Ibid., p. "300. (.

1

/

(19)

(

l " )

\

.,

aux ~1 t'!ments phoniques, constituants, Kristeva ne rest~eint aucunement

l'u-sage de

ces~tt'!s.

Dans La

r~volution

du langage

po~tique,

Julia

Kris-teva considère

tlProse~1

de Mallarmé 10, I.,.a transcription

semi-phonologi-que perml!"t de retracer le rythme phonisemi-phonologi-que et s~mantique du poème et

d·'i-dentif1er l~s investissements pulsionnels qui y figurent. S'agit-il donc

...

"

de d~ce1er diverses strates

a

1 'int~rieur du dispositif sémiotique qui

"'---correspondraient ~ux r~gularités rythmiques et intonationne1les? Une

\

,fois d,issolues, les unités ,lexicales seraient en effèt remplacées par des "glossolalies dont les unités constitutives, asémantiques. supportent· de fortes charges pulsionnelles et des connotations multiples" 11

, /

Bien,que Mallarmé se soit montré particuli~rement vigilant A cet

~gard --

tl

suffit de relire les Mots anglais po~r le vérifier --, il

demeure évident~ue les textes modernes comportent tous -- bien quIA

des degrés divers -- leur réseau parall~le qui se superpose au texte

initial pour en corroborer les aspects les plus probl~matiques.

D~jA, dans Etal Mixte, les vocables non-français.vérifient cette

présomption en étayant de façon' rigoureuse les éHments plus convention-nels retenus A dessein.

Ainsi, 'une seconde lecture se superpose ~ la premi~re, empreinte

de connotations nouvelles et pourtant éminemment convergentes. Cette

10- Julia Kri'steva. La rêvo1ution du langage poétigue, (Paris: Seuil,

1974). pp. 239-263.

(20)

,

,

.

~ 13

-~. -- <' - . . . . - - - - _ ... _ _ . . . _

-~

approche permet d'apprivoiser ce foisonnement d'images qui

d~ferlent

!

plusieurs niveaux dans ce premier recueil qui porte en lui le germe des

autres ~ venir. Il n'est donc 9lus question d'univocité puisque, de la

<.'l ~~

superposition des lectures, résultera une pérception plus adéquate.

1.2 - La glossolal ie pulsionnelle

. , Se rapprochant du babil enfantin fortement ancr~ dans le

biophy-siologique, le langage auquel recourt J'image rythmique consid!re la

1 all at ion dans un rapport inversé. Le son, "capa bl e de toutes 1 es

sug-gestions" 12, y connaft une amplitude oa ne s'exerce

d~ja

plus un pouvoir

discriminatoire axé sur le communicatif. L'extase qu~jl procure contient

sa propre finalité.

Tautologie satisfa~~ante, la manipulation de signifiants vides,

purement sonores, devient la tentation ultime, la fascination suprême

a

laquelle cédera définitivement le po~te

a

la fin de son périple. Gauvreau

pressent déja que:

Il y a des sons ~ui sont plus durs que d1autrès, plus

doux. plus veloutés, plus· grinçants. plu~ graves, plus

sifflants, plus ternes, plus aigus, plus berceux ( ... ) qu'il n'est pas indifférent pour l'expression qu'une ou d'autres de ces catégories sonores soient ou aient été util i sées. .

L'alternance des rythmes dans la succession des lettres

ou des alliages de lettres est en soi une pui~sanc~ de

sug-gestion ou d'évocation, elle est en soi une puissance de

(21)

..

(

(

14

-"~,

',situer (mê'ne sans aidé) ~n climat se'rE!férant

a

n'importe quel sens ••. l' • ,

Le stade oral~ recoupé par le stade du miroir, ~eton que 'l'on

re-prenne la catégoris~tion de Freud ou celle~ de Lacan, valorise une con-'

duite narcissique, UQ engouement du verbe pour le verbe. dan un

proces-s~s d'appropriation et ~'expl~ration du registre phonologi e .

.

D~j~, dans Etal mixte, Gauvreau reprend et systématise les

d~~ou-vertes'réalisées au'plan phonique dans Les entrailles, puis dans Le

-Vampire et la nymphomane. Le d~coupage du recueil en autant de:lex;es

ou d'unités d'analyse permet d'effectuer un relevé qYantitatff en terme d'occurrences manifestées au plan phonétique.

les vingt-sept po~mes d'Etal mixte portent en substance les

re-cueils ultérieurs. au plan de la désintégration atomistique des unit~s

langagi~res. Bien qu'une frénêhe verbale suscite un brouillage deHbé-ré, "comme si l es pistes du sens deva ient @tre systêmati quement brouil-lées. comme si le 'poétique' alimentait une mystique ou une

mystifica-tion" 14, on remarque que "l' ordre

r~gne,

'la structure domine, J a

coM-rence interne est parfaite; mais c'est un ordre, une structure, une

cohé-rence qui tentent de légitimer"a compulsion originelle. sauvage

a

l'ana-• h

logie" 15. Ces rHlexions de François Rigolot conviennent parfaitement

1~- Claude Gauvreau, "Dix-sept lettres ~ un fant6me", op. cit., p. 350.

14- François Rigalot, "Le po~tique et l'analogique"

la P9~sie. (PariS: Seuil, 1979), p. 172.

15-

-

Ibid.

S

In: Sêmant i gue de

'" ,

l

~l . 1 j

1

<

(22)

(

(

"

- 15

et

caract~r1sent dêj~

l'entreprise gauvrienn4. '

Le pourcentage de n~ologismes lexicaux dans ce premier rec~eil

..

)

oscille de 10% A 100% au pro rata de l~ longueur dèS po~mes qui varient

4

d'un seuT terme comme dans l, jusqu'a plus de trois cents, notamment

-

,

.

.

dans Ravage cicatrice, Vénit~en danger. ou Gr~gor Alkador SOlidor:~

Les termes non-français

considér~s

incluent,

a

l'occasion,

~

latin hybride ou un anglais atrophié. Le plus souvent, ils

proVienne~~

de. prouesses linguistiques, d'assocjations libres oa de contagions para-\

grammatiques,

"

\ "

\

Le relevé confirme, certes,

l'impor-tan~e du jeu al~atoire, mais c ncourt ~galement

a

co~roborer les

affirma-tions troublantes de J)Jlia 'Kristeva, fonnulées

a

la'suite des recherches

1

de Fonagy effectu~es

a

partir des observations de Lacan. En décrivant

\

.

.

!

1

les bases pulsionnelles de la phonation 16. I. Fonagy contribue

a

~tayer

le rOle prédom1nant des différentielles signifiantés perceptibles dans let i ssu textuel.

1

)

1

~!

Ainsi, il est possibl e de rel el/er

a

partir des tennes

non-françai s de Sil ex de Capricéphal e, quarante-deux occurrences de

/a/,

trente-cinq occurrences de /1/, trente-deux occurrences de /1/ et de fr/.

Les autres 'phon~mes se 'méritent entre deux et seize occurrences. la haute

16- 1. Fonagy, "les bases pul sionnelles .. 'dEt la phonation", In: Revue

fr~nçaise de psychanalyse, janvier 1970. pp. 101-136; juir1et

1971, pp. 543-591, cité par Julia Kfisteva, L~ rêvoluflon du

langage poêtigue. (Paris: Seuil, 1974). 'p.

2

5.

~

i

(23)

..

r

(

16

-frfquence manifestfe apparatt" ind!niable. Dans CHaine Douze Mp;f!, on

remarque la nette prêdom1nance de

III

qui totalise vingt-trois occurrences

1-alors que tous les autres phon~es n'exc~dent pas cinq occurrences. Grésor

A1kador Salidor confirme le choix spontan~ du

laI

pour lequel on d~nombre

quinze occurrences; /1/ qui en mérite treize;

Izl

qui se laisse entendre

a

seize reprises. Berge Bergerac d'Anisette permet d'identifier

quarante-huit occurrences du phonème laI trente-.neuf /i/ , trente 101, vingt-sept

1

/lI et vingt-six /n/-. Même dans I, le phonème laI se r~ve1e nettement

sup~riéur puisqu" il cOf\Ce(ne quatre occurrences ~lors que les autres pho.-nèmes constitutifs de l'unique terme ne reviennent qu'une fois, sauf

Itl que l'on observe

a

trois reprises.

~

La n~cessité du recours à l'ora1isatinn s'impose pour détecter

les

pré~ominances

ph6nologiques susceptib.1es de tisser les entrelacs

d'un système parallele. Certains effets tr~nslinguistiques s'affirment

parmi leyuel s on reti endra :

"-La pul_sion orale des liquides Ill, Irl, Iml et .

des voye" es antérieures fermées; la pulsion anale

des voyell es postérieures ouvertes; la pul sion

uré-trale -aes- constrtctives non-vaisées Ifl, Isl f

ISI

et éventuellement la tendance! la phalliss1sation de

cette pulsion dans les constrictives vois~'es Ivl, Iz/,

IJ/;

la pulsion agressive, de r~jet, dans les

explosi-v,es sourdes Ipl, Itl, Ikl ou VOl sées Ib/. {dl, Ig/ la

pulsion érectile-phallique du Irl apical. 7 .

En deçà dû mot un proc~s est amorcé, d~chiffrabl e en fonction du

.. f) .. \ •

processus d'engendrement ~ui fa~t_basculer la langue au nlveau

supra-~:;

17- Julia Kristeva, La révolution du]angage poétf9ue~ (Paris: Seuil,

1974), p. 225. 0 ... 1 1 , 1 1

l,

,

(24)

l

_ _ _ _ _ _ _ _ . . ooiooio!A . . tat . . t~.1I\

17

C

Se~,".1;al.

La théorie freudienne des pul sions confl!re

a

l'oral it4 1ncorpo-rante etaiTnaTTté destructrice une polar; sation dual iste a\ssociée au prinCipe de' plaisir et aux forces d'autodestruction.

S' jl est possible de concevoir une rédistribution de l'ordre phoné-matique

a

partir des" relevês de fréquence êtabl is ~ partir du corpus du

français fondamerUal, on constate une nette complaisance

a

l'égard des

.

stades pré-oedipiens: stade oral -et stade anal recoupés par re stade du miroir. Complaisance narcissique associée au rejet et ,

a

la' négativité. Les textes regroupés darts Etal mixte ont tous

é~~ considér~s,

indépendam-ment de l'importance· quantitative des vocabl es non-frança i s. Cependant~

seuls, ces derniers ont pour l'instant retenu notre attention en raison de l'impact qu'il s suse i tent.

1

'1

Les po~mes rédigés uniquement en français n'ont évideillnent pas

don-" '

né lieu ~ une telle ahalyse. Il s'agit de Aurore d~ minuit aux yeux

cre-J,

~, Primemaya et Ange métorfôze sur les dalles dQnt le seul néologisme apparatt dans le titre. Par ailleurs, des trente-six phon~mes' çlu fran-çajis standard, nous n'avons retenu que les dix phonèmes' les plus fré-quents que_nous mentionnons en fonction de leur ord~e décroissant de

fré-quence (Tableau II). Les statistiques recueillie~ pàr Pierre-R __ L~on orientent les comparaisons qui seront ~tablies

a

l'aide du. tableau qui apparatt ~ la page suivante.

o

(25)

"-.

(

1

18

-TABLEAU l

F Jt..éque.nc.e. du pho nWe6, e.n 6Jta.nç-CU6 18

,

p"on~mes fréquence phon~mes fr~quence

"

.

I~I 8,1 ,

I!I

,

2,0

IRI

6,9 151 2,0

III

'6,8 l 'j 1 l ,7 , lei 6,5 1) 1 1,5 :

151

5,8 1[1 l ,4 1 i 1 5,6 1

t

1 1 ,3

lEI

5,3 1 bl 1 ,2 1 a 1 4,9 1

j

1 1 ,

°

1 t

1

1 4,5 Iwl 0,9 1 " 1 k 1 4,5 1 ~cI; 0,7

Ir

l 4,3 1 z.

1

0,6 1 do

1

3,5 1 ~ 1 0,6 Îml 3,4 1

>

1 0,5 lO.I 3,3 , lœl 0,5 , " l'lI ' 2,8 lœl 0,3 / 2,7 , lui 1

g

1\ 0,3 .; l'VI

,

2,4 1 al 0,2 1

..

101 2,21

Ir

l 0,1 , 1 ---~ \ ' / '

-18- Pierre-R. Léon, Prononciation du français standard', cité par

Jean Pey tard et Emile Genouvrier,

l.!l:

Linguistique et ,nseigne-ment du français, (Paris: Larousse, 1970), p. 42.

(26)

(

\

(

19

-La plu.part des po~mes contiennent des dominances qui figurent parmi les phonêmes les plus fréquents de la langue française même s'il s'agit ici d'une langue exploréenne. On retrouve, par exemple, le

pho-n~me lai qui est le phonème le plus fréquent, agissant comme dominance

J

dan,~ le vocabulaire exploréen ou les néologismes de plus de la moitié des

poêmes du recuei 1. La même remarque concerne 1 e phonème

1 R /.

Cependant, on peut noter la présence du phon~me Ir l qui, malgré un faible indice ha-bituel, apparaTt privilégié dans ,quatre po~mes. Nous avons d lailleurs souligné d'un trait, parmi les domlnances observées dans chacun des

po~-mes, les phonêmes moins fréquents qui se retrouvent ~ une place inhabi-tuelle. Le tableau qui suit demeure, ~ cet I!lgard, fort explicite (Tableau II).

Faut-il conclure qu'une organisation intr;ns~que réglemente puis-samment la langue util isée en modelant ces isotopies de l'expression que sont ces "dlfférentielles signHiantes" sur le fonctionnement normal, ~

l'insu de l'auteur? Bien que des poi nts de rep~re se la i ssent encore dé-celer, il importe de surtout tenir compte du degré d"'impressivité" res-senti par le contact de ces nouvelles formes verbales. En effet, selon Claude Tatillon, des sèmes potentiels leur sont reliés. Complétant les

c

observations de Grammont, ce dernier laisse entrevoir dans l~s consonnes occlusives

Ir:

6,

01, t, k.g It des sèmes de force, de brutalit~, de sou-dainete et de dégoat; dans les constrictives et les nasales, l'id~e de sif-flement 1 si, de liquidité 1 11, de mollesse, de lenteur Im,YI / ou de

~, _ _ ... , ~1 - !

1

'i ;

l

,

(27)

-.,

f.' \. >"'" t

~~

,...

\, . -phonèmes R J po~es

a

e 5 1 E ~ t k dominances ,

1. Silex de capricêpha1e ,

.

42 32 35 11 4 32 8 7 11 16 a-l-R·j

3. Cilaine douze meyfè 3 5 23 3 l 2 3 2 l 3 '1 •

4. Plaine pôle de cordes de piane 11 8 7 7 6 8 10 5 8 2 a -

E-5. Ravage cicatrice 4 12 4 4 3 . 2 2 2 6 4

r -

R

6. Vénitien danger 26 24 13 5 10 20 5 4 11 9 iL-R -1

7. Grégor Alkaddr Solidor 9 r..- 1

....

;..-a-l

15 13 3 2 10

-

6 2

-

~

8. Berge bergerac d'anisette 48 23 27 19 22 39 9 1 14 21 a - 1

9. 1 : 4

-

-

-

2

-

1

-

3 2 a -

t

10. Je 1 rize l' 36 27 34 15 13 23 13 6 16 6 a -

l

1 13. Sentinelle-Onde 26 . 34 41 18 17 31 13 10 8 24 l - R -i

:

ft' 1

14. Saison post-épilée 4 4 3

-

1 4 2 2 1 1 a -R-i

1

15. Saint-Chrème durci au soleil 4 4 2 5 2 5 2 l 5 3 e - i -t ,

R

-:"'-1

1

16. Blafarde perspective 2 10 6 4 5 5 l 2 2

....

2

17. Tige ~ } 10 15 4 19 5 10 8 5 9 6 e -R

18. Crodziac Dzégoum Apir 06 78 62 87 77 110 42 15 58-

n

i - Cl -e

19. Zeuthe ~ 88 73 46 38 30 75 22 27 27 49 a - i -

R

20, Enfance-du duché de Crottemare 30 33 25 14 14 28 9 15 5 21 R -a.-i

~l. Tout est calme sur les moirés 27 33 20 7 f.l 5 21 11 33 15 25

R -

...---....

a-a

22., Jacques Dul ume 30 24 30 5 23 39 4 3 5 23 1 - a -J

23. Geu Gleu

\

49 78 63 16 68 72 28 26 36 68

R -

i

-f-24. Sous Nar 22 23 25 10 28 19 6 6 27 16 s -

t -

1

25. Elongiaque 3 8 8 - 4 2 3 3 l 4

t

-f,

26. Les L de plomb 31 37 33 15 22 24 13 24 25 17

R-l-a.

-,

~7. Jamais le dé noro 18 25 14 l 9 21 7 11 ... 6 39

k

-foR

,

..

28. Ode al'

~nem1 .~a

4 3 8

-

- 4 l 2 1

-

.

l

29. Les plumages d'a 1er, aigus 12 13 10 5 3 8 4 ( 3 7 9

R -

à-

1

_if1:.W.1IIItV# if'" ).

... _+ ... M -""nt '. iVe

.'fSr m

(28)

21

-r

violence IR/ 19. En cela, l'analyse plus, traditionnelle rejoint la

(

/

perception de Fonagy entérin~e par Jul ia Kristeva et Jacques Lacan.

l

.3-:

De l'image rythm i que Al' image ménorante

,Le let,trisme co~temporain, en raison de la codification établie

rigou~eusement

par Isidore Isou n'a pas tardé! se détacher du dada'sme

pour aougurer rapidement un nouveau dogma ti sme. Anton in Artaud a effec-tivement vu juste: "Le surr~al isme est mort du sectarisme de ses adeptes" 20. Les poètes qU\S'inScriventdans cette

l~gn~e ~voluent,

\

incon,testablement, A l'int~rieur d'un système clos. Gauvreau le leur reproche impitoyablement:

Pour eux, semble-t-il, la poésie doit r~sider

(et elle le peut, bien sar) exclusivement dans une image rythmi que régul i~re. Et encore, chez eux, l'onomatopée n'est-elle

pas

tellement bizarre et

impr~vue. 21

Tenter de solutionner 1 a po~sie gauvri enne par le recours A une hermêneutique orient~e sur les adéquations vocal iques ou consonantiques établ ies méticul eusement par Is idore Isou, ne saura i t s' av~rer tr~s

productif dans l'imnédiat. On ne saurait, cependant, ignorer que

19- Claude Tatillon, Sonoritês et texte poétigue, (Ottawa: Didier, 1976), pp.

73-74.

.

20- Antonin Artaud, liA la grarftle n~it ou le Bluff surréalist'eu ln:

L'Ombilic des Limbes et autres, teXtei, (Paris: Gallimard,1956), p. 232.

21- Claude Gauvreau, "Dix-sept lettres

a.

un fantôme", op. cit .. p. 357.

J

1

1

.~

(29)

- '22 •

1[.

Gauvreau s'est un moment attardé aux théories lettristes et qu'il y a probabl ement rel ev~ un défi A sa mesure. "Le po~me •• cette Ms;

ta-j~

.'

(

tion prolongée entre le son et le sens" 22, ainsi que le ",onçoit Valéry n'interdit aucune explo~ation créatr{ce.

Percevant l'étroitesse d'une avenue dépendant de la subordination

~

XPliCite du s:yst~me phonologique de la langue française aux intentions

I."il

du discours, Gauvreau rejette avec le lettrisme toute velléité},de dé-cryptage axée sur des signifiants délibérément soustraits de leur charge émot ive.

La corresponda'lflce

~gagée

puis

fid~lement

maintenue avec Jean-Claude 'Dussault concourt oA systématiser l'entreprise gauy,rienne en

identifiant précisément l'objet de sa qu~te. En délimitant quatre caté· gories d'images poétiques, "l'image rythmique, l'image mémorante,

l'ima-23

ge transfigurante et l'image exploréenne" ,Gauvreau nous impose une nouvelle perception de 1 'histoire littéraire.

Il '''y précise notamment ce qu'il entend par "image rythmique":

~ .

Je conçois donc , 'image rythmique en tant qu'es-~sent i e 11 ement une onoma to pée. Ev i demment, il faut

élargir le terme onomatopée au del~ de toutes les

fronti~res admissibl es jusqu'ici: ( ... ) Il y aura onomatopée chaque fois que, par un rythme verbal,

,

22- PaÜl VaH!ry, Tel Quel II, (Paris: Gallimard. 1943), p. 63.

'

-\

23 .. Cl aude Gauvreau, 'J~ix·sept 1 ettres ~ un fantôme". op. cit., p. 349.

/ .J , .n 1;

(

..

(30)

(

/ '

23

-une bribe de'r~alit~ (noum~nale ou phanom~nale)

ou un cl imat psychique pourra être conçu. 24

L'image verbale, ainsi définie, "peut-être visuelle, auditive, ou

kinesth~Si\qUe,

graphique ou

vocal~

... 1/ 25 En tant qU'l/analogon",

l'ima-, ,

gy'suscitée par un impact d'onde~ sonores, s'ins~re

a

l'intérieur d'une

imagerie spécifique effectuant des regroupements par types.

L'image rythmiqu,e n'élude aUfunement l'apport des éléments proso-diques du discours puisqu'elle investit le texte d'une dimension

tabu-laire. La linéarité apparente semble désorlT\ilÎs sacrifiée et s'av~re plus

que jamais tributaire de la compétence du lecteur. L'impact suscité par des syllabes -- éventuellement des lettres -- qui défient toute associa-tion aléatoire mais s'associent de façon libertaire en se heurtant

déli-bérément aux statistiques de fréquence généralement observ~es, accrolt

proportionnellement chez le dest.inataire toute forme d'évocation. Ces images fortement musicales et tributaires de pulsions

in-conscientes amplifiées jusqu'A leur paroxysme, sus~itent une rapide

in-cursion dans le domaine de la signifiance. Les frictions volontaires, 1 es amal games déroutants savamment dosés rendent compte. d'une ineffabl e nécessité. Gauvreau ne tolérera jamais la plus petite infidélité, le

moindre écart lors de l'oral isation des objets pOétiques. car il lui

"

24- Claude Gauvreau, "Dix-sept lettres ~ un fant9me", op. cit .. p.

353.

25- René R. Held. L'oeil du pSYChanaliste, surréalisme et surréalité.

(31)

.J>.

i (

v

.~

24

-importe de maintenir désespérément en place l'e fragile échafaudage constitué

a

partir d'un réseau de "différentielles signifiantes" 26 selon l ' optique de Kristeva.

On se.it que Breton n'aimait gu~re la musique.

Breton et Eluard" po~tes visuels avant tout, avec 1 eurs poèmes en vers 'ou en prose, vou1 a ient donner

a

vo i r ma i s non

a

entendre. 27

Gauvreau s'inscrit

a

contre courant. Lorsqu'Ivirnig précise que: "Ou premier coup d'oreille, le po~me en prose de Paprikouce (1 ui) semble écrit sans néces'sitd intérieure" 28, il corrobore l' importance du canal acoustique comme mode privilégié d'appréhension. "Il suffit d'écouter B'rochuQes comme on écoute un air de jazz" 'd~c1are pertinemment Janou St -De n i s 29.

Cette premi~re exploration ~ l'intérieur de sons produits par juxtaposition de consonnes sifflantes et percutantes auprès de voyelles éclatantes suscite des images incisives provoquées par des onomatopées

j

d'origine pulsionnelle. P,ar ailleurs, l'exaspération de certains

rythnes selon un rituel presque incantatoire rend obsessionnels 1 es ter-mes quotidiens inlassablement répétés jusqu'a la perte totale du signifié.

/ '

26- Julia Kristeva, La révolution du langage poétique. (PariS: Seuil. 1 977 ), p. 213.

j 27- René R. Held, op. cît., p. 164.

28- Claude Gauvreau, "Les oranges sont vertes"

l!!.:

Oeuvres crgaz:riC'es

compl~tes, (Montréal: Parti Pris, 1979), p. 1379.

29- Janou St-Denis! Claude Gauvreau. Le cygne, (Montréal: éd. du Noro1't, 1 ~7 8), p. 65.

1

(32)

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(

f

- 25

Plus tard, llimage exploréenne reprendra, en les exacerbant, les dêcou~es réalisées au plan phonique ~ prppos de l'image rythmique", Le patient labeur de l'artiste actualisera peu

a

peu les formes nouvel-les dêja appréhendées~ •• Ahdré Breton constate que l"'Imagination ,nlest pas don maj s, par excellence, objet de eonquHe" 30 Certes, les mots d'usage courant ont peut-être trop serv;: au po~te de les récupérer et de les purifier de leur gangue originelle en

~ourant

incidemment

a

l';~'mêmorante.

.' Pans Etal mixte, les,images rythmiques se retrouvent fort

nom-"'

breuses. Apparentées aux onomatopées pl us connues, ell es exc~dent néan-moins les normes conventionnelles. Celles-ci, plus prl!cis~ment "Yanh anhh", "daâhl", "I-a-a-Rourmne", "I-angg-garr", "hih", "pneuh!',

"Vrououououllll111ll" , "Glahha", "glin hoff". "meuch", "ig dâz",

"iaânma~". "grihhhh -- ;oum~", "ouzzze", "fac fine", "pouf", "Sehotte~"

... constitue~t un relevé non-exhaustif pour le seul poème intitulé

Silex de CapriCêphale 31. Cependant, bien que l'image rythmique soit impl icitement contenue dans l'image explôréenne 32, el1 e ri sque. dans

.,

un premier temps de se confondre avec li ima~e transfi gurante constitul!e

30- André Breton. "Le revolver ~ cheveux blancs" In: Cl air de Terre,

(Paris: Gallimard, 1932), p. 99.

-31- Cl aude Gauvreau, Oeuvres compl~tes, OR. cit., p. 213.

32- Claude Gauvreau, "Dix-sept 1 ettres ~ un fantôme"" op. 'cH., p. 353.

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(33)

1

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1

\, Il i'

.l./j'

26

-de mots-val ises dans l~s les ~lémenfs constitutifs n'apparaissent' pas imnédiatement décelable$ 33. Elle suscite des états, des impres-sions, des sensations relevant tout autant du domaine affectif, oue du psychique ou du physiologique. L'impact considérable qu'elle suscite orchestre donc un certain nombre de pulsions qui envahissent divers si-gnifiants sonores.

Cette étape s'avère déterminante puisqu'elle conditionne déj~

certaines orientations futures. En privilégiant l'image rythmique, Gau,vreau marginalise déj! son entreprise puisqu'il affirme en quelque

' ;

sorte la primauté du signifiant et la prégnance d'un rythme pulsionnel, interne et dépendant des composantes phoniques. Fortement investie de charges énergétiques, l'image rythmique instaure un procès qui cont.ourne la matérialité propre au langage sans toutefois bousculer déj3. ses

structures signifiantes.

La prédilection manifestée

a

l'égard de certains éléments phoni. ques se laisse déceler dans les nombreuses allitérations qui parsèment Etal mixte. Ainsi, nous retrouvons dans Sous nar. "fin du fin de fil a • fré de fol fatchida" 34 et dans Jamais le dé noro, "le devers du devis

a des dauves de dradladadilodududuludurucrumulu" 35 D'autres vers,

33- Claude4Gauvreau, "Dix-sept lettres

a

un fant~me", op. cit., p. 353. 34- Claude Gauvreau, Oeuvres créatrices complètes, op. cît., p. 253.

35- Ibid., p. 259.

l

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1 1

(34)

(

.

(

27

-glan~s

a

travers le recueil têmoignent êgalement de cette

prêoccupa-tion: dans Ravage cicatrice, on p~ut lire:

Ma i s 1 e d ~ c 1 i c des procès

t 't l ' b ' dlt.·.. ' 't d 36

sous ra, au e qUl c:Ja na,ssa l ans ses cerceaux.

et plfs ,loin, "Et les bouts de braches 00 s'inscrivaient les secrets suf-, 37

focants" .

Certaines contagions s~mantiques s'expliquent de cette façon. Ainsi, "Les boeufs beuvent"

3~,

"anniversaire, serre" 39. "mo.rt

par-dessus maure" 40, "ivre de santé de sang de synagogue" 41, "les aisselles. de sauterelle" 42, "un autre être" 43. "les coeurS en ;hoeur" 44. "la

marqu i ses" 46, "1 e jugement des

ju-'" 45

mer est un amer" ,"les exquises

ments" 47. Ces dernières manifestations se retrouvent dans Brochuges et mêne dans les Po~mes de dHention.

On songe. par moments. au fameux Glossaire, j'y serre rues gloses

36- Claude Gauvreau, 37-

l!WL.

p. 220.

Oeuvres crhtrices comp1Hes,

op.

cit" p. 219.

J "'~> ,'\:; 38-

!!Ù!!.P

p. 263.

39-!.!ùi:. •

p. 213. 40- lb;

-

d .• p. 217. 41- Ibid. , p. 213.

-42- rbid.,

-

p. 215. 43-

l!U.2..:.,

p. 217. 44 - l b i cl., p. 630 .. 45- Ibid" p. 635. 46-

l.ë.llL.,

p. 877. 47- Ibid.

-1

'1 4

!

! ,

1

(

(35)

(

(

28

-de Michel Le1ris 48 lorsqu'on retrouve dans Etal mixte -des vers

sem-blables

a

ceux-ci:

grif1 aarah

Une griffe celle-la un pont une auge 00 mange l'éléphant 49

sangu i na i re.

et plus loin, dans le même po~me intitu1~ Silex de capricêphale:

Ah faire fahir! fac Ôinc

--Ah floung. 'feu d'air. 5

Gauvreau développe ce goat des calembours faciles en s'attardant

aux correspondances graphiques des él~ments sonores. Ce procédé,

essen-tiellement visuel, n~cessite pourtant que l'on assume pleinement ce

constat ~mis par Ars~ne de Hauçauman'dans Le rose enfer des aAimaux:

IIEntendre c'est comprendrel! 51.

C'~st

déja dans l'optique d'un

démant~-lement progressif du langage qu'il importe d'appr~hender 1 'ambiguité de

ces énoncés, "descendu des ans fers" 52 "Kandonque" 53, "un pas i s 'teur.,,54.

"s ur les ors rizons" 55, "le tour de la belle" 56, liMé ___ frairr __ " 57

48- Michel Leiris. Mots sans"mwoire, (Paris: Gallimard, 1969).

49- Clauaë Gauvreau, Oeuvres créatrices complètes,

op.

cit .• p. 213.

50- Ibid •.

-51- ~. p. 804. 52- Ibid., p. 213.

-53- Ibid., p. 112.

-54 - lb id.. p . 21 3 . 55- Ibid .. p. 217. 56- Ibid" p. 232. 57· ~, p.' 624. .1 ! 1 1

l

(36)

!

-

---~-

---+

29

( "peu ttHre" 58, "Fl ortandre" 59, "Mahion inze" 60.

(

On songe également

a

14iss E1an;ze 61, de Denis Roche lorsqu'on lit selon une isotopie religieuse cet extrait de Brochuges:

Limpe o$sible Vers iU Item Miss 62 Ah~s

Les m!taphores.surgiss!ni nombreuses et contribuent ~ faire sur-~- "\~

gir 1 es images m!moral1tes t'ell es que 1 es conço it Gauvre!u. "Les yeux de pêches" 63 et les

"ortei'l~

de'saphirs" 64

r~pondent)'aux

"creuses vallfe,s

de nos songes" 65, aux lIh blots de gib'iers'" 66 t aux "souris de balamulte,,67

et "aux pattes d'archange v issellé" 68. "' Le "pupitre d'effroi" 69 "le erêpuseu1 e 1 spana:' 70 et "1 a \ s e e j reonfl exe" 70 êqu 111 brent "1 es êea il1 es

58- Claude Gauvreau, Oeuvres créatrices compl~tes, op. cît .• p. 627.

1 \ 59-

-

Ibid., p. 629. 60-

Ull!L.,

p. 874.

."

... ':::--..,

..

..

.

'~ 61_0

Deni s Roche. s Id!es cent~ma 1 es de Mi 55 Rousselot, Mort ou survie du langage,

. <

62- Claude Gauvreau, ,op. cit., p. 630.

~'-63~ Ibid" p. 259. 64- Ibid .. 65-

llUrL.

p. 223. 66- Ibid., p. 225.

-67- Ibid.,

-68- Ibid.,

-p. 229. p. 231. 69- ~, p. 233" 70- Ibid ..

-

p. 235.

i ze, ci té d'an, Jean , Sad";. 1969), p. 267.

(37)

(

1 •

,

. ---

\.

_ _ _ ~ _ _ _ ~. _ _ _ cl:ocl:oliii!iIIIIII . . . 30 -J

, de cristal" 71, "les marbres d'emplâtre" 72 et les lIMill'e

ye~x g~ogra'­

phiquesll 73. Ces quelques exemples

t~rnoignent

de l'abondance de cette·

figure, notamment -dans Etal mixte •. Cependant, déja dans ce premier re- , cuei;, certaines images rythmiques semblent assoc;~es

a

ce procédé:

"noche de ponte

~

croix de bid.acq" 74, "le portique sirurien des occlom-bres brumis" 75, "les kultus duss des plinthes plitoche" 76

Par "image mémorante", Claude Gauvreau entend "la sllbstance ima-gée d'une poésie qui se borne ~ établir des rapports de comparaison ou de" métaphore entre les divers

~léments

constituants" 77. Bien que ces ima-ges soient produites par des mots famil iers. 1 eur association fortuite amplifie toute possiblité d'évocation. Gauvreau alI1~gue, en effet, que "son invention inou'e réside dans la s.ituatfon de ces mots les uns par rapport aux autres fi 78. Soul ignons cependant que 1 e rôl e prépondérant

accordé

a

la ~étaphore suscite des images poétiques qui s'inscrivent dans la plus pure tradition classique.

71- Claude Gauvreau, Oeuvres créatrices compl'êtes. op. cit., p. 237.

72- Ibid,', p. 239. 73- Ibid.,

-

p. 243. 74- l

Pi

d . , " p. 245. 75- Ibid"

-

p. 247. 76- Ibid., p. 251.

.

.

77- Claude Gauvreau, 'lIOix-sept lettres

a

un fantôme", op. cît;, p. 353. 78-

-

Ibid ..

(38)

(

(

- 31

,-Ce procédQ este,a rapprocher de delui des IImots-totemsll.79, pour reprendre lJexpression pittoresque d'André-G. Bourassa. En effet, la

dl!-.

marche inverse conduit Gauvreau ~ associer par juxtaposition plusieurs signifiants afin de brouiller provisoirement toute recherche du signif;~. Ainsi, certains néologismes, tels que IIbondieu ll 0

8

°,

"mélmonnoirmanoir" 81 "Telesforedromadaire" 82, "oeilne"

8~

ou "rosamiondee" 84, en déniant

~.

1 1 importance du blanc typographique, orientent nécessairement

J

lacte

per-c

ceptif de la vue! l'audition.

M!me dans 1 es po!mes aD 1 es termes non-fra nçaï s prédomi nent, 1 a structure syntax i que appara ft sauvegardee. Grammati ca 1 ament corrects ,_ les syntagmes nominaux perpétuent l'usage des prépositions,lIalt ou "de"

afin dl introduire des sequences caracterisées par la métaphore filée. Cette remarque prévaut pour là majorite des poêmes d'Etal'mixte, car quelques-uns déja se rév~lent annonciateurs de la langue exploréenne que Gauvreau établira de mani~re définitive dans Faisceau d'épingles de verre et Jappements ~ la lune.

)

, 79- Andre-G. Bourassa, op. dt.,p. 139.

,

80- Claude Gauvreau, Oeuvres compl~tes,

op.

cit., p. 222. 81-

lJù!L,

p. 223.

82- ~, p. 618.

83- Ibid .• p. 620.

(39)

1

(

1 1 i 32 -/

Effect ivement, dans des poames tels que Crodz; ac Dz~goum Api r,

Zeuthe ou Jacques Oulume, on perçoit d~jA l'emprise d'images

partielle-ment libêr~es des contraintes syntaxiques habituelles. A ce titre, 1

,

-

~-d~roge de l'ensemble du recueil et prêfjgure véritablement les derniers

poèmes, en vertu de son hermêtisme ~vident.

les objeti dramatifues rèprennent d'ailleurs les procêdês

privil~-,

giés en regard des objets poêtiques. Certaines images formulêes dans

les entrailles retrouvent 11 peine leur êquivalent dans les textes

t.ilté-, 85 0

rieurs: "Les cendriers opal ins se mettent A danser" , "La torpeur

coule du nuage gonflé d'ivraie" 86, "Le soleil s'êlance comme un

crap~~

pOurpre" 87 et "La terre a mugi 11 travers les croix de verre" 88 Les poèmes

d'Etal mixte se rattachent a~ même souffle que Les entrailles, et

c,,,

remarque vaut égal ement pour }es images rythmi ques, proport ionnellement fort nombreuses.

Que le délire verbal pathologique soit associé, dans une certaine

mesure, au délire poétique et que 1 'agrammaticalitê observée tienne compte ,...

de similitudes prononcées en regard des discours aphasiques du

jargono-,

.

phase ou du glossolale, cela nous semble ind~niable. La jargonophas1e

85- Cl aude Gauvreau,

°e·

cit. , p. 29.

86- 1 bid .• p. 31.

-87- 1 bid .• p.' 35.

-88-

-

1 bi d .• p. 37.

(-

'-..

(40)

(

(

33

-"laisse tntacte la structure grammaticale et dissout le lexique" 89. Cet exemple tir~ par Marina Yaguel10 du livre de

T.

Alajouanine, Langage nor-mal et langagel pathologique, autorise déja certains rapprochements:

"Des costelles qui se frement, ici un racr~me. deux enfourches

a

jaup;~,

deux

ch~nes

zobes, un chaudoir qui met le clistone" 90 On croirait re-trouver certains passages d'Etal mixte ou des Boucliers m~galomanes:

"le greu'verv~ salve -- palti des crinches -- le col d'acté do~tu d~bréchionte solvé des prêtres" 91

"Et le troponde

f~ru

sillonne au creux des mases" 92

"le chutt ricone colle sur le kuttus duss des plinthes pl Hoche"

l3

"les dimfnamouflettes ascrichêzent les touloupounapours

a

oreilles" 94

"lès muxmutlus arogdèzent les dufles aux côtes cordiches" 95. La similitude demeure ~tonnante. Le recours

a

l'arbitraire et

a

l'alêatoire pour susciter des images plus fortes s'affirme résolument.

89- Marina

Yague"o~

Alice au pays du

lans~,

(Paris: p. 150. '

90- Ibid ..

-Seuil, 1981),

91- Claude Gauvreau, Oeuvres compl~tes, op. cit .• p. 247.

\ 92- Ibid., p. 249. 93-

-

Ibid., p. 251. 1 ) "",,,, 94- Ibid., p. 1239. 95- l bi d . , p. 125§....

-r

1 '1

1

Figure

TABLEAU  1  C.f.a.6.o-&lt;-6-ic.a.tton  de  Jo..cQue.o  Ma!Lc.ha.nd  27
Tableau  1.  p.93').  Les  objets  idënt,ifiés  par  les  numéros  9,10,11,12,  14.15;  19,  30,  31,55,60,63,74  et  81  le  sont,  notamment,  a  plus  de

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