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Une question de confiance? : le parlement de Paris et Henri IV, 1589-1599

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(2)

Une question de confiance?

Le parlement de Paris et Henri IV, 1589-1599

Michel De Waele

Histol)' Department

McGiII University

April 1995

A thesis submitted to the Faculty of Graduate Studies and Research in partial

fulfilement of the requirements oft.'le degree Ph.D.

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(4)

Henri IV et le parlement de Paris vivent une relation pour le moins tumultueuse de 1589à 1599. Tout d'abord. une partie des parlementaires associéeàla Ligue catholique refuse de reconnaître Henri de Navarre comme son souverain. Ces magistrats siègent à Paris de 1589 à 1594 alors qu'Henri III avait transféré sa cour souveraineàTours en mars 1589.Là,les conseillers royalistes font fi de la religion du premier Bourbon et. tout en oeuvrant pour qu'il se convertisse au catholicisme. aident Henri IVàreconquérir son royaume. Une fois les deux cours réunifiées en avril 1594. les parlementaires s'opposent à la vérification de nombreux édits présentés par le roi. Leur oppositionesttellement forte que certains historiens n'ont pashésité à dire qu'elle a mis en péril la survie même du royaume. Elle s'apaise finalement avec l'enregistrement de l'Édit de Nantes par la cour souveraine en février 1599. Dans la France finalement pacifiée, les conflits se font plus rares entre le souverain bien en selle et les magistrats. Ceux-ci font finalement confiance au gouvemement en place qui semble prendre les mesures adéquates pour stabiliser la France. Les relations difficiles entre Henri IV et le parlement de Paris ne s'expliquent pas uniquement par l'égoïsme et l'incompétence des magistrats comme les historiens ont eu jusqu'à présent tendance à le faire. Si certains parlementaires que nous appellerons les "opportunistes" placent la défense de leurs intérêts personnels avant toute chose, nombreux sont leurs collègues qui possèdent une haute idée du rôle politique de la cour souveraine dans le royaume. Face à un roi qu'ils connaissent mal ou peu, ces magistrats "traditionalistes" sur qui se concentre ce travail veulent s'assurer que les intérêts de la France, de son monarque et de ses habitants soient bien protégés. Leur position s'appuie sur l'historique des relations entre les rois de France et le parlement de Paris ainsi que sur la place laissée par les théoriciens du temps à la cour souverainedansles affaires politiques du royaume. Tant que les parlementaires n'aurontpasconfiancedansle gouvernement d'Henri IV, ils

refuseront de lui laisser la marge de manoeuvre que celui-ci désirait, ils scruteront à la loupe les différents édits qu'il leur présentera, ils n'hésiterontpasà retarder l'enregistrement de ceux qui leur sembleront néfastes.

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ABSTRACT

From 1589 to 1599. the relation between Henri IV and the Parlement of Paris was a tumultuous one. Sorne parlementaires associated with the Catholic Leagm: re!ùsed at first to recognize Henri of Navarre as their king. These magistrates met in Paris until April 1594. Meanwhile. their royalist colleagues congregated in Tours where. in March 1589, Henri III had transferred his sovereign court. From there. the royalist councillors helped Henri IV reconquer his rea1m. This. they did in spite ofhis religion, a1though they frequently asked him to convert to Catholicism. After the reunification of the two rival courts in April 1594, the parlementaires seemed to work as one and b10cked the verification of numerous edicts presented by the king. Their oppositionwas50strong that it has led sorne historians to c1aim that it was

endangering the State's surviva\. It slowly faded away after the verification of the Edict of Nantes in February 1599. In a pacified France, the conflicts between a king finally in control ofhis realm and his parlementaires became rare. The magistrates finaly had confidence in the govemment which seemed to take adequate measures to stabilize France after more than thirty years of civilwars.

The difficult relationship between Henri IVllT!dthe Parlement of Paris between

1589 and 1599wasnot created by the egoistic nature ofthema~,'istratesor their incompetence as claimed by numerous historians. Ifsome ofthe Parlementaires -we will cali them the "opportunists"- put their own interests before those of the realm, a majority oftheir colleagues had a very high idea oftheir political role within France, an idea based on centuries of relation between the kings of France and the Parlement as well as on the political role ofthe court as defined by theorists of the time.

Confronted to a king they hardly knew, these "traditionalists",on whom this work will be centered, tried to make sure that the interests ofthe kingdom, its king and its inhabitants were protected. They would not give Henri IV's govemment the leeway it sought but would scrutinize and frequently block theedietspresented to them, and this until Henri IV proved that he could be trusted as the head of the realm.

(6)

Remerciements i

Abréviations .. iv

Introduction p. 1

Première partie

Henri IV et le parlement: contexte relationnel

Chapitre1

Le parlement de Paris, ombre des rois de France p. 19

ChapitreII

Le parlement clans la théorie politique p.40

Cr.apitreIII

Parlementaires et parlements p. 61

Chapitre IV

Henri de Navarre, cet inconnu p. 89

ChapitreV

Henri de Navarre sur le trône: l'image du nouveau roi p. III

Deuxième partie

HenriIVet le parlement divisé, août 1589-avril 1594

Chapitre VI

Un parlement., deux villes p. 134

Chapitre VII

Parlementaires tourangeaux et parlementaires

parisiens de 1589 à 1594 p. 156

(7)

L'autorité parlementaire à Tours de 1589 à 159 p. 180 Chapitre IX

Parlements et politique religieuse de 1589à 159 p. ::!O"

ChapitreX

Parlements et finances publiques de 1589 à 1594 p. :!:!6

Troisième partie

Henri IV et le parlement unifié. avnl1594-févrïerl599

ChapitreXI

Pacification du royaume et

réunification du parlement de Paris p. 2..8

ChapitreXII

La survie du roi p. 273

ChapitreXIII

Parlement et finances publiques. de 1594 à 1598 p. 298

ChapitreXIV

HenriIVet l'institution parlementaire p. 330

ChapitreXV

Le parlement de Paris et la pacification religieuse p. 354

Conclusion p 383

Bibliographie

Sources manuscrites p. 388

Sources Impnmees' " p. .)~91

(8)

REMERCIEMENTS

Il Ya un peu plus d'un an, ma grande et meilleure amie Ivliguelle Sanchez m'a offert un chat. Pendant que je m'escrimais devant mon écran, cet animal qui répond au nom de Miguellito dormait sur mon lit, sur mes genou:'{ ou sur les notes dontfavais besoin pour écrire le chapitre sur lequel je travaillais. Bien souvent je l'avoue je l'ai regardé en me demandant pourquoi je n'étais pas plutôt à sa place. Pendant que je me questionnais ainsi, Miguellito daignait parfois sortir de sor. sommeil pour me lancer un regard de son oeil torve -après tout, je devais souvent le déplacer pour retrouver des papiers importants- puis, après un baillement bien soutenu, il se déplaçait et, ronronnant, se replongeait dans son sommeil. Moi, je devais me replonger dans ma thèse... Pour me donner du courage, j'essayais de penser à toutes les choses que celle-ci m'avait apportées et que Miguellito ne co·nnaissait que par ouïe-dire '" après une journée particulièrement remplie et lorsque toutes mes connaissances étaient occupées au téléphone avec d'autres que moi -elles osaient!- il m'arrivait en effet de faire des confidencesàmon chat!

Je lui parlais alors de l'aide que je recevais des employés du service de prêt entre-bibliothèque de l'Université McGiII qui ne sourcillait jamais quand j'arrivais avec des demandes de livres ou de revues qu'ils arrivaientà

débusquer un peu partout en Amérique du Nord. Je lui parlais aussi de l'accueil toujours chaleureux que je recevais de la part des employées du département d'Histoire de l'Université McGiII. J'essayais de lui expliquer comment, après avoir entendu des histoires d'horreurs sur le personnel de la Bibliothèque Nationale ou des Archives Nationales à Pans, je fus surpris de leur courtoisie et dispombiIité sans parler de leur compétence.

(9)

1\

Je ne sais pas s"il a comprisàquel point le soutien de mes amis m'a éte utile et précieux. Trouver une oreille attentive, avoir quelqu'un qui se chargeait de me changer les idées lui paraissait un peu étrange. Il acceptait que je parle au télephone de mes angoisses d'etudiant en redaction de thesc avec Johanne Biron ou Yannick Ponebois, qui vivaient la même expërience. Après tout., pendant ces heures passees au telephone, il pouvait venir sur mes genolLx pour se faire caresser. Il manifestait beaucoup de mecontentement lorsque je partais de la maison pour aller voir mes amis du ClanDestin ou de rHôtel-DielL Par contre,ilappréciait que les gens viennent chez lui, elanl le chat le moins indépendant que je connaisse. Miguelle Sanchez. en plus de le flatter une fois de temps en temps tout en pestant parce qu"il laissait plein de poils sur ses vêtements. trouvait toujours le tour de faire rire son maître, dele questionner, de le forceràse poserdesquestions sur ce qu'il faisait Soutien indéfectible depuis plus de dix ans, je crois qu'il comprend qu'ilya

beaucoup d'elle dans ce travail. Il ne s'attarde pas par ailleurs sur Furie De Wae1e, chatte de ladite Miguel1e, chez qui il est allé habiter une fois pendant quatre jours alors que son maître était parti à un congrès: Furie ra rendu à moitié fou. Il s'est vengé, Furie a tellement crié pendant ces quatre jours qu'elle en a eu une extinction de voix et qu'elle a dû aller chez le vétérinaire, ce qu'elle déteste.

Il a entendu parler d'Antoine Raspa qui m'a fait confianceà un moment où j'en avais bien besoin. De Nancy Roelker aussi qui m'a mis sur la voie de la

séparation traditionaliste/opportuniste et qui n'hésitait jamaisàrépondre aux lettres que je lui envoyais, qui insuffiait dans ses propres lettres un

enthousiasme qui me redonnait des forces, et qui malheureusement ne vem pas le fruit de mes efforts.

TI s'est posé bien des questions sur ce Pierre Boulle dont les avis et les opinions semblaient si importantes pour son maître. Il me voyait revenir de l'Université tenant fébrilement du papier sans soupçonner la raison de ma

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fébrilité. Je n'ai jamais réussi à lui faire comprendre à quel point j'appréciais la justesse des commentaires que ce Pierre Boulle faisait sur mes iravau.x, à quel point je les anticipais tout en les redoutant, car bien souvent ils

m'amenaient sur des pistes dont je n'avais pas soupçonné l'existence. Je ne croispasque les chats comprennent le concept du modéle que l'on

s'efforcera d'imiter dans sa vie professionnelle.. que l'on s'efforce déjà d'imiter dans les salles de cours. Après tout, les chats se croient auto-suffisants.

Miguellito a beaucoup entendu parler de ma famille qui m'a soutenu fidèlement tout au long de mes études, Il sait à quel point ma mère a essayé par tous les moyens qu'elle avait à sa disposition de me venir en aide. Il n'a paseu la chance de connaître mon père quiestdécédé en janvier 1994. Je pourrais lui en parler longuement Je me contenterai pour le moment de dédier ce travail à mon père, de le remercier pour les discusions sur la musique, l'enseignement, sur tout et sur rien. Si j'ai voulu me diriger vers renseignement, c'est en grande partie à cause de lui.

(11)

ABREVIATIONS

A. M. Tours: Archives Municipales (Tours)

A.N.: Archives Nationales (Paris)

B. N.: Bibliothèque Nationale (Paris) Dupuy: Collection Dupuy Ms. fr.: Manuscrits français

N.A. F.: Nouvelles acquisitions françaises

BERGER DE XIVREY:Rccu~il des lettres missives de Henri IV, Paris, 1843-1876, 8voI.

ISAMBERT: Recueil général des anciennes lois françaises, Paris, 1822-1833, 29 vol.

PETITOT: Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Paris: Foucault, 2 séries, 1819-1826.

(12)

A feuilleter ce registre du Conseil, àlire ces pesants discours qui lui font pounant lapartbelle,àle voir mener cene guerre picrocholine, j'avoue mon allergie à la classe parlementaire, à ses prétentions etàses finasseries.

J.L.BoW'geon, 1990.

Les parlementaires ne pensaient pas qu'ils auraient dû payer des impôts, mais ils pensaient vraiment que l'Etat devrait être plus fort.

David Bien, 1987.

INTRODUCTION

Henri IV, guerrier dans l'âme, n'aime guères les gens faisant profession d'éloquence. Secrètement, il les méprise. Il lui arrive d'ailleurs de le dire

ouvertement ou,àtout le moins, de le faire fortement sentir. A maintes reprises, alors que les soldats ennemis menacent son royaume, il rappelle aux parlementaires que ni "Vos arrêts, ni vos robes écarlates ne leW' feront point de peW', mais bien mon épée et celle de toute ma noblesse".1Le roi, toutefois, doit tenir compte des

parlements et même, si possible, les ménager. Ceux-ci, en effet, vérifient et

enregistrent ses édits et ordonnances qui, par cette opération, prennent force de loi. Impossible decontourner cet exercice qui met bien souvent la patience d'Henri IVà rude épreuve. De plus, comme le remarquera si justement le cardinal de Richelieu, l'autorité du parlement "en beaucoup d'occasions importantes,estnécessaireà la manutention de l'État".2Henri IV se résoud doncàun mariage de raison avec ses cours souveraines:illes utilise dès que le besoin s'en fait sentir et tente de les maintenirdansun rôle purement juridique dès que le climat politique le lui permet

1"Lettre du roi au parlement de Paris, au sujet des subsides de guerre", 21 février 1595,A N.. XIa 1734, fol. 321. Voir égalementA N., XIa 1750, fol. 363v (9 juillet 1597).

(13)

2

Les sentiments mitigés du premier Bourbon à l'endroit de ses parlementaires sont bien connus. Selon l'historiographie traditionnelle, ils répondent en partieà

l'opposition que les magistrats manifestent à son égard tout au long de son règne. Les historiens expliquent généralement les refus répétés des parlementsàenregistrer les édits et ordonnances du roi par l'incapacité des parlementairesà saisir la complexité du jeu politique national et international et par leur défense effrénée d'intérêts corporatistes. De fait, certains des membres du parlement de Paris semblent bien plus préoccupés par leurs situations économique et sociale à l'intérieur du royaume que par le bien-être général de celui-ci. Mais tous ne partagent pas cette attitude. Nombreux sont les parlementaires qui croient que leur institution, en tant que gardienne de l'État, de la monarchie etdessujets, doit veiller jalousement sur la France. ils fondent cette opinion sur l'histoire même du parlement et sur la place que lui réservent les théoriciens du tempsdansl'échiquier politique du royaume.

Menés par les membres les plus importants de la cour souveraine, les

parlementaires "traditionalistes", tom en reconnaissant la vaillance militaire d'Henri IV, expriment de sérieuses réserves quantàsa capacitéàgouverner le royaume. Les heurts continus entre le roi et le parlement de Paris découlent non pas de l'inaptitude politique des magistrats ou de leur égoisme mais d'un manque de confiance de leur

partenvers un souverain qu'ils connaissent mal, ainsi que de leur conviction profonde qu'ils ont non seulement le droit mais le devoir de bloquer les initiatives royales qui, selon eux, risquaient de mener le royaumeàsa ruine. Cette étude viseà examiner lapenséepolitique de ces parlementaires traditionalistes,àvoir comment elle s'est formée et comment elle a influencé les rapports entre Henri IVetsa cour souveraine.

Le sort des parlementaires parisiensàl'intérieur de l'historiographie se règle au tournant du XXe siècle. De grandes études d'érudits, tel Ernest Glasson ou Edouard Maugis, présentent alors une vision des magistrats qui sera reprise presque sans

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exception par tous les historiens jusqu'à nos jours: égoïsme et incapacité politique s'opposent au "bon roi Henri", soucielLx de son peuple. Un court texte publié en 1877 par Arthur Desjardins allait déjà dans ce sens.3Si les parlements, selon lui, ont grandement aidé Henri IV à reconquérir son royaume, ils ont freiné la

reconstruction de celui-ci une fois la paix revenue. Les magistrats parisiens exilés à Tours de mars 1589 à avril 1594 gagnent leurs lettres de marque en soutenant fermement le roi, en montrant à tous leur patriotisme inébranlable. Quant à leurs collègues restés à Paris au sein du parlement de la Ligue, ils sauvent leur mise en promulguant le 28juin 15931'arrèt Le Maître qui rappelle aux ligueurs pour lors réunisdansla capitaledansle but d'élire un roi la primauté et l'inviolabilité de la loi salique. Une fois le royaume pacifié, Henri IV n'imposepassilence à la cour souveraine. Selon Desjardins, conscient de ses limites au plan politique le roi recherche les conseils. Il discute de ses projets avec le parlement, tente de le convaincre de la justesse de ses vues. Mais les préjugés et les passions minent alors le corps judiciaire qui se montre incapable de comprendre les politiques royaleseten bloque l'application. Toutefois, avec justesse, les magistrats s'opposent aux

incursions du roidansl'administration de la justice. Faisant le bilan des relations entre Henri IV et le parlement de Paris, Desjardins conclut que, somme toute, le roi eut plus à se louer qu'à se plaindre de la magistrature, car celle-ci contribua à l'asseoir sur son trône en 1594. Si l'auteur,dansce petit pamphlet d'une quarantaine de pages, ne justifie jamais ses positions, se contentant de les présenter, il a au moins le mérite d'exposer la dualité roi/parlement au niveau des compétences, le non-respect mutuel de celles-ci et les inévitables conflits qui en découlèrent La courte histoire qu'il nous présenteestceile d'une incompréhension partagée, d'une perpétuelle tendance à aller jouer sur les plate-bandes de l'autre sans connaître véritablement les régIes dujeu qui s'y déroule. Tentant de ménager la chèvre et le chou., Desjardins se montre malgré tout assez sympathique aux magistrats.

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.

.

.

4 Dans son étude sur le parlement de Paris publiée en 1901.Ernest Glasson s'inspire des propositions avancées par Desjardins tout enyapportant certaines nuances importantes. Selon lui, "le parlement de la Ligue, sièg=t à Paris. avait en définitive rendu plus de service à Henri IV que ce prince n'en obtint de son propre parlement royal rétabli dans sacapitale".~ Glassonjustifie ce point de vue en arguant que l'arrêt sur la loi salique constitue le geste le plus important posé par les parlementaires de

1589à 1610.Honnis quelques épisodes de paix épars, des conflits sans fin entre le roi et ses magistrats marquent le règne. Glasson soutient toutefois qu'une partie du blâme doit retomber sur le premier qui joue un double jeu avec sa cour souveraine, requérant son assistance politique dès que celle-ci semble nécessaire, la reléguant da."lSdes tâches purement juridiques dès que son aide n'est plus jugée utile. Cherchant au mieux à préserver ses privilèges politiques, le parlement intervient dans les affaires de l'État dès qu'il en a l'occasion, usant alors à tort et à travers de son droit d'enregistrement

Ces comportements royaux et parlementaires, souligne G1asson.. ne sont pas nouveaux. François 1er et Catherine de Médicis profitent de l'absence de balises précises au rôle de la courdansl'administration du royaume pour jouer également constamment sur deux tableaux avec le parlement.SCe vide juridique entraîne

l'apparition et le développement d'un rapport de force cOT.ltinu entre le monarque et les magistrats durant le XVIe siècle. Les parlementaires profitent du moindre espace laissé libre par le gouvernement pour se lancer à tête perduedansune arène politique où ils ne comprennent pas grand-chose de ce qui s'y déroule. Selon G1asson, l'esprit "légiste, égoiste et étroit" des parlementaires ne leur pennet pas de saisir les

nécessités politiques du temps.6 Les querelles autour des quc::tions religieuses et

4E. D. GLASSON,Leparlement de Paris. Son rôle politique depuis le règne de

Charles VII jusqu'à la révolution.. Genève, 1974 (paris, 1901), p.89.

SE. D. GLASSON,Leparlement de Paris, p. 32.

(16)

surtout financières illustrent d'après lui cette incompréhension. Alors que le roi veut assurer la liberté et le respect des deux cultes dans son royaume. le parlement. allant àl'encontre de l'intérêt de la paix publique. s'y oppose. Les tergiversations des magistrats lors de l'enregistrement d'édits fiscaux entrainent la perte de Cambrai aux mains des Espagnols en octobre 1595, un retard considérable dans la reconquête d'Amiens en 1597. La cour souveraine entrave grandement la politique extérieure du grand roi tout au long de son règne. Glasson avance finalement que, suiteà

l'enregistrement de l'édit de Nantes le 25 février 1599, les parlementaires

compreMent qu'ils ne peuvent plus s'opposer aux tendances absolutistes d'Henri IV. Ils n'intervieMent plusdansles affaires politiques du royaume, mais continuentà se défendre sur leur propre terrain, le roi se mêlant de plus en plus fréquemment de causes judiciaires. souventà tort, parfois avec raison.Lesrelations restent tendues entre la cour et le souverain jusqu'en 1610, Henri IV abusant de son pouvoir, le parlement se posant en défenseur des grandes institutions de l'Étatetsurtout du peuple, ce qui lui vaut une grande popularité parmi celui-ci.

Les magistrats s'opposent doncà l'absolutisme que le roi tente d'imposer. Telle est l'idée fondamentale qui se dégage de la lecture de Glasson. Si cette opinion est importante et sera reprise souvent par la suite, il faut néanmoins utiliser avec précaution cette oeuvre. Ses sources sont peu nombreuses. Glasson se base surtout sur les regi::tres du parlement, sans les citer, ce qui le coupe d'une partie de la réalité de l'époque. Le même problème affecte d'ailleurs un autre grand historien du

parlement, Edouard Maugis, qui se fie presque uniquement auxregistresde la cour pour menerà bien son travail. Une telle approche l'empêche, par exemple, d'analyser le procès qui oppose l'Université de Parisà la Société de Jésus enjuillet 1594. En effet, les plaidoiries des parties en présence ne sontpasinséréesdansle registre des audiences; elles n'y sont que mentioMées. Et Maugis de se plaindre que: "Par une sorte de fatalité ou de parti pris, de quelque côté qu'on aborde l'histoire de la Société, on se trouve toujours en présence de réticences, omissions, silences fortuits ou

(17)

voulus qui font le désespoir de l'érudit".; Pourtant. les plaidoyers prononcés dans le cadre de ce procès font tous l'objet de publications. parfois répétées. dès 15Q4 et plusieurs auteurs analysent cette cause avant la parution de l'oeuvre de Maugis. Malgré cette faiblesse évidente. son livre était encore considéré comme le meilleur traitement de l'histoire du parlement de Paris au début des années 1960. ce qui montre bien la faiblesse de l'historiographie sur ce sujet."

Cette oeuvre, toutefois, a ses mérites. Sa relation détaillée de certains débats est très utile. De plus, Maugis signale la division qui s'insinue lentement au cours du XVIe siècle au sein du parlement entre les magistrats soucieux <Ïu bien public et leurs confrères préoccupés d'abord et avant tout par leurs intérêts personnels. Au banc des accusés se retrouve le trafic des offices pratiqué par l'ensemble des parlementaires,ycompris les principaux d'entre eux.9Cette situation devient irrémédiable sous Henri IV, soutient Maugis. Le parlement ne recrute ses membres presque uniquement quedansle corps du barreau alors qu'auparavant nobles et ecclésiastiques y formaient un contingent non négligeable. Il ne peut ainsi plus prétendre représenter l'ensemble des "forces actives et permanentes du corps social". Tombé aux mains des juristes, il appartient maintenant "à une classe de gens de lucre et d'intrigue, de théoriciens imbus de l'esprit du système et de la lettre des codes, toujours si éloignés des réalités positives, qui s'extériorise du reste de la nationà mesure même qu'ene prétend et réussit davantage à la dominer et à la conduire".10

Après un tel portrait, inutile de préciser que Maugis ne donnepasla part belle aux

7E. MAUGIS, Histoire du parlement de Paris, New York., 1967 (Paris,

1913-1916), vol. 2, p. 290.

8A.L. MOOTE, "The French Crown versus its Judicial and Financial Officiais, 1615-1683",dansFrench Historical Studies. vol. 34, no. 2,1962, pp. 146-160, note

2.

9E.MAUGIS, Histoire du parlement de Paris, vol. 2, pp. 225-226.

10E. MAUGIS, Histoire du parlement de Paris, vol. 2, p. 242. Voir aussi pp.

(18)

parlementaires dans leur oppositionàHenri IV. Selon lui, il sont incapables de réagir "devant la réalité brutale des faits".

Ladéfense d'intérêts privés marque, au dire de Maugis, l'histoire parlementaire sous Henri IV. L'arrêt sur la loi salique trouve à peine grâce aux yeux de l'historien. Malgré ses carences, cet ouvrage reste l'ouvrage de référence incontournable jusqu'à la parution de la synthèse de J. H. Shennan en 1968.11 Celui-ci apporte toutefois peu de faits nouveaux et n'aborde qu'en quelques pages la période d'Henri IV. Le

parlement selon lui augmente alors son influence et son autorité en raison de l'état critique des finances du royaume et de son pouvoir de vérification des édits

financiers. Par ailleurs sa faiblesse se révèle dans son incapacité de juger l'état de la situation politique au niveau national. Comme on le voit. l'analyse historique reste la même.

Différents articles consacrés à l'histoire du parlement au XVIe siècle présentent également les magistrats comme des personnages égoïstes, peu intéressès par le salut de l'État, voire carrément opposés à la monarchie. Ainsi, le grand historien français Michel Antoine a décrit récemment les cours souveraines du XVIe siècle comme des institutions ayant "en général un horizon étroitement borné par leur ressort qui était pour elles le centre du monde, et ne se souciaient guère de divulguer ce qui s'y passait, ni du sort de l'Etat et de la nation en général, de sorte que le roi n'était pas toujours informé de ce qui survenait dans son royaume".I! Jusque-Ià accusés "simplement" d'égoïsme, les parlementaires parisiens se sont vus dernièrement traités carrément d'anti-monarchistes par Jean-Louis Bourgeon. 13 Selon lui,

Il J.H.SHENNAN, The Parlement ofParis, Ithaca, 1968.

1! M. ANTOINE."Lamonarchie absolue",dansThe Political Culture ofthe Old Regime,ed.K. M. Baker, Oxford, 1987, p. 9.

13 "Qui dit parlementaire,dansla seconde moitié du XVIe siècle, dit plus ou moins anti-monarchiste", J. L. BOURGEON,"LaFronde parlementaireàla veille de

(19)

"l'indéfectible volonté de puissance" du parlement l'amèneàs'opposer etàcomhattre la monarchie durant le XVIe siècle.àadopter n'importe quel moyen pour tenir en échec le pouvoir royal. Au temps des guerres de Religion.

A côté des clans féodaux ou religieux. le parlement de Paris làisait de plus en plus figure d'imprenable forteresse. avec laquelle le roi devait sans cesse compter, et dont la mauvaise volonté tenace contribuaitàminer son autorité nominalement souveraine; autant que les Guise ou les protestants. il est l'un des grands responsables de la décomposition du pouvoir royal après 1560.14

Sans vouloir répondre ici point par point au.'\( arguments avancés par J. L. Bourgeon, signalons simplement que son analyse se base uniquement sur ce qui se trouve, ou sur ce qui ne se trouvepas,dansles registres du parlement qu'il considère. tout comme Maugis l'avait fait avant lui, comme un journal des débats. Il ne cherchepa.~ àcomprendre les motivations des magistrats, les bases théoriques et pratiques sur lesquelles s'appuyaient leurs actions. On ne peut que difficilement porter des jugements valables sur des actes ou des événements sans chercheràexaminer au

préalable pourquoi leurs auteurs ont été amenésàagir de cette façon.1;

la Saint Barthélémy",dansBibliothèque de l'École des Chartes, vol. 148, 1990, pp. 17-89 (la citation se retrouveàla page 81.)

14J.L. BOURGEON,"LaFronde parlementaire", pp. 34-35. Les hypothèse

avancées par Bourgeon ont trouvé un certain écho chez Seong-Hak KIM, "The Chancellor's Crusade: Michel de L'Hôpital and the Parlement of Paris", dans French History. vol. 7, no. 1,1993, pp. 1-29. Selon Kim, L'Hôpital cherchait à renforcer l'autorité du monarque en réformant les structures judiciaires du royaume, ce qui aurait amené une réduction de l'autorité et de l'influence des parlementaires. L'opposition des détenteurs d'officesàee projet représentera le principal probléme qu'auraàaffionter le chancelierdansses démarches.

\5Dans un livre intitulé L'assassinat de Coligny (Genève, 1992), Bourgeon réitère

ses attaques contre le parlement, considéré comme un "ennemi sournois" du pouvoir royal (p.27). Dans la note 25 de la page 27, Bourgeon précise que, selon lui, "une commune hostilité au pouvoir royal soude, au 16e siècle, le bas-clergé parisien et le parlement sous la bannière d'un catholicisme pur et dur".

(20)

Les historiens des institutions présentent donc un bilan assez homogène des relations qui prévalaient entre les rois et le parlement en général et entre Henri IV et sa cour souveraine en particulier. Ils opposentàla compétence juridique des

magistrats leur incompétence politique qui. selon eux.. mit bien souvent en danger l'existence même de l'État.16Quelques rares auteurs accordent toutefois un rôle un

peu plus positif aux magistrats. Ainsi. analysant les attributions d'ordre administratif du parlement, Gaston Zeller voitdanscelui-ci une institution soucieuse de l'intérêt public et en qui les rois ont la plus grande confiance. Les parlementaires sont selon lui des serviteurs dévoués à la couronne, sans être souples ou dociles à son égard.17

Examinant les liens entre le parlement de Rouen et la couronne au XVIe siècle, Jonathan Dewald avance pour sapartque les remontrances présentées au roi par les parlementaires ne doiventpasêtre vues comme un signe constant d'opposition, mais plutôt comme une pratique normale d'un système accepté par tous.ISSi les relations entre la cour souveraine de Normandie et le roi s'enveniment après les guerres de Religion, Dewald croit que la faute en revient à la couronne qui tente de transformer les procèdures habituelles alors que le parlement défend l'ordre établi, responsabilité particulièrement importante aprés que la Ligue ait remis en question les valeurs fondamentales sur lesquelles s'appuyait le royaume depuis ses origines. Mais des conclusions de cet ordre restenttrèsrares.

Les historiographes d'Henri IV qui abordent ce sujet ne se montrent généralement guères plus cléments à l'égard des parlementaires que leur collègues qui s'intéressent davantage à l'histoiredesinstitutions. Selon Auguste Poirson, le cours des guerres de Religion amène le parlement de Parisàquitter son rôle strietementjudiciaire pour

16J.H.SHENNAN, The Parlement ofParis. p. 236.

17G. ZELLER, "L'administration monarchique avant les intendants. Parlements et

gouverneurs", dansRevue historique, vol. 197, 1947, pp. 180-215.

.. lK.J;DEWALD, The Formation of a Provincial Nobilitv. The Magistrates of the Parlement of Rouen. 1499-1610, Princeton, 1980, pp. 44-54.

(21)

10 entrer à son corps défendantdansl'arène politique.1"Lajournée des barricades qui.

en mai 1588.chasse Henri 111 de sa capitale force les magistratsàeffectuer cc saut. A partir de cette date. et jusqu'à la vérification de l'édit de Nantes par la cour en février 1599.l'influence des parlementaires dans la vie politique française ne cesse de grandir. Poirson prète un programme politique aux magistrats. Dominant les autres corps politiques ligueurs suite à l'arrêt sur la loi salique. le parlement croit pouvoir partager le gouvernement du royaume avec la royauté à la fin des guerres civiles. En fait. selon Poirson. lors de l'Assemblée des Notables de Rouen de 1596.

les parlementaires, pensant davantage à leurs intérêts particuliers qu'à ceu.'( de la France, tentent d'opérer un démembrement de la puissance royale alors qu'Henri IV veut substituer un gouvernement mixte au pouvoir absolu.:lO

L'analyse faite par Poirson des intentions politiques d'Henri IV et de so.-. parlement est évidemment contestable. Le roi est généralement reconnu comme un monarque aux tendances sinon absolutistes, du moins fortementcentralisatrices.~1 De plus. l'auteur ne prouvepasle sentiment anti-monarchiste des parlementaires. Bien qu'il ne développepastellement cette idée, Poirsonestl'un des rares auteurs à laisser sous-entendre que les magistrats possèdent une certaine vision politique, une idée sur laquelleil faudra nécessairement revenir au cours de cette étude. Mais, la

participation des parlementaires aux affaires politiques s'achève avec les discussions sur l'édit de Nantes. Selon Poirson, les difficultés qu'il rencontre à cette occasion convainquent finalement le parlement de son insuffisance politique: "ll résigna les

19 M.A.POiRSON, Histoire du règne d'Henri IV, Paris, 1856,vol. 1,p. 158.

~o MA. POIRSON, Histoire du règne d'henri IV, vol. 1,pp.259-260, 284, 311-317.

~I Les études les plus récentes sur l'absolutisme se concentrent surtout sur le XVIIe siècle, sans aborder à fond la période henricienne. Parmi les historiens qui présentent Henri IV comme un roi absolutiste, notons: O.

RANUM.

Paris in the Age ofAbsolutism, New York, 1968,pp. 51-67;J. R MAJOR, Representative

(22)

pouvoirs politiques qu'il avait longtemps affectés, et il se tint enfermé dans ses attributs de corps judiciaire et administratif'.:!:!

Les autres biographes du roi insistent peu sur les relations entre Henri IV et le parlement de Paris. Malgré l'aide que le parlement exilé à Tours a pu fournir au roi en légitimant ses premiers actes royaux, Jean Pierre Babelon souligne le mépris manifesté par Henri IV, l'homme de guerre, à l'égard des assemblées et des cours souveraines.:!3 Pour sapart,après avoir noté l'entêtement de la cour à nepasvérifier certains édits fiscau.x ou l'édit de Nantes, David Buisseret signale avec raison les limites du contrôle que pouvait e.xercer le Béarnais sur le corps judiciaire, celui-ci ne se percevant jamais comme un outil malléable entre les mains dumonarque.~o Mais Henri IV pouvait toujours essayer de brider l'autorité de la cour. Le choix des premiers prèsidents du parlement, le seul office qui ne soit pas vénal au sein de celui-ci, prend alors une grande importance: "Henri IV les choisit dévoués et assez énergiques pour contenir leurs cours", affirme Marcel Reinhard alors que Janine Garrisson insiste également sur le rôle clé joué par les avocats du roi pour briser les velléités politiques des cours souveraines.25Mais ces ambitions politiques existaient-eUes seulement? Telle est la question que soultve Mark Greengrass. Selon lui, les parlementaires se rallient à Henri IV en raison de leur aversion au programme politique ligueur. Soucieux de protéger la loi, leurs privilèges et leurs richesses, agissant en fonction de leur instinct conservateur, les magistrats se joignent

:!:!M.A.POIRSON, Histoire du règne d'Henri IV. p. 372. Glasson, nous l'avons

vu,reprendra à peu près cette analyse.

:!J J.-P. BABELON, Henri IV, Paris, 1982, pp. 724-725.

:!o D. BUlSSERET, Henry IV, Londres, 1984, pp. 60-73 et 161-163.

25M. RElNHA..1ID, Henri IV ou la France sauvée. Paris, 1943, p. 162. J.

GARRlSSON, Henri IV, Paris, 1984, p. 286. Signalons toutefois qu'Henri IV ne put choisir le premier prèsident du parlement de Paris, Achille de Harlay occupant ce poste de 1583 à 1611.

(23)

naturellement au parti royaliste sans qu'ils ne veuillent participeràla vie politique du royaume. Leurs hésitations avant d'enregistrer un édit ou une ordonnance tcmoignent ainsi de leurs problèmes de conscience devant une association trop étroiteàla chose politique.~6 Malheureusement. dans cette étude consacrée au royaume d'Henri IV. l'auteur ne développe pas plus cette idée.

Egoïsme, corporatisme, incapacité. Cette vision du parlement politique qui se dégage des travatLx examinés jusqu'ici contraste singulièrement avec la réputation des magistrats au plan intellectueL En effet, selon plusieurs historiens

contemporains, les membres des cours souveraines regroupés à l'intérieur d'une véritable "République des Lettres" forment l'élite savante de la Franceàcette

époque.~7 Ces deux visions ne sont pas nécessairement antinomiques. un intellectuel ne faisant pas nécessairement un bon politicien. Mais l'opposition entre ces detLx perceptions est pour le moins frappante et nous suggère que, peut-être, l'image politique du parlement présentée par Glasson et Maugis au début du siécle et reprise depuis lors par nombre d'historiens devrait être rééxaminée. Il est également

surprenant de constater l'absence de références aux différents traitéspolitique.~ paTtL~ àcette époque dans les travaux consacrés par les historiens politiques au parlement de Paris. Ils analysent les agissements de la cour souveraine au jour le jour, sans tenir compte de la place théorique accordée alors par les penseurs politiques aux

parlements et sans chercheràreplacer les événements dans un contexte politico-théorique plus large. L'attitude des magistrats correspond-t-elle à ce que leurs contemporains attendent d'eux? Une réponse affirmative à cette question ne peut

~6M. GREENGRASS, France in the Age of Henry IV, Londres, 1984, p. 155.

~7M. FUMAROLI, L'âge de l'éloquence: rhétorique et "res literaria" de la

Renaissance au seuil de l'époque classique, Paris, 1980; G. HUPPERT, Bourgeoiset

gentilhommes, Chicago, 1977; C. SUTIO, "Traditions et innovations, réalisme et utopie: l'idée gallicane en Franceàla fin du XVIe siécle",dansRenaissance and ReformationlRenaissance et Réforme, voL 8, no. 4, 1984, pp. 278-297.

(24)

qu'amener une réévaluation du rôle joué par le parlement de Paris durant le règne d'Henri IV.

Laquestion des relations entre Henri IV et sa cour souveraine de Paris ne fait donc l'objet d'aucun débat panni les historiens. Opposés "au seul roi dont le peuple ait gardé la mémoire,,2", les parlementairesd~cette époque ne peuvent espérer profiter d'un "préjugé" favorable à leur endroit, d'autant qu'ils n'ont même pas le "mèrite" de s'opposer à un grand ministre. étranger de surcroît. comme le feront leurs collègues frondeurs. Ils affrontent directement le souverain. Les registres du parlement mettent en lumière ce fait Lacorrespondanceestcontinue entre le roi et sa cour. Henri IV ordonne, les magistrats tergiversent Peu reconnu pour sa patience, Henri IV se fâche régulièrement. sans que cela ne semble créer beaucoupderemous parmi les

parlementaires. En regard de la situation parfois critique à laquelle doit faire face le royaume durant les premières années du règne du premier Bourbon, l'indolence des magistrats peut ressembler facilement à de l'insolence.

Les appels désespérés du souverain, s'ils ont trouvé peu d'échos au sein du parlement, touchent nombre d'historiens: "Après un tel rapport, quel besoin de conférence? Qu'attendre de plus convaincant? Quels arguments plus forts. plus pressants que ceux-là?" Ce 20 février 1595, au granddamd'Edouard Maugis. le parlement se montre une nouvelle fois insensible à l'éloquence du roi et lui refuse l'argent qu'il réclame pour payer ses armées aux prises avec les Espagnols.20 Se basant presque uniquement sur le dépouillementdesregistres du parlement de Paris, les historiens gardent des parlementaires l'image de personnages égoïstes, peu préoccupés par la situation générale du royaume et de toute façon incapables de prendre des mesures politiques intelligentes. Cette vision correspond-elle à celle que

28 J.-P. BABELON, Henri IV, p. 7.

20 E. MAUGIS, Histoire du parlement de Paris. vol. 2, p. 253;A.N., XIa 1734, fol.321 (séance du 21 février 1595).

(25)

.

1~

,

nous avons d'un Achille de Harlay. d'un Jacques Auguste de Thou ou d'un Jean de Thuméry~ Pour répondre à cette question. il est nécessaire d'e!argir les sources utilisees pour étudier le parlement d'Henri IV. de s'éloigner des registres parlementaires. sans pour autant oublier complètement ceux-ci.

Deux sources jusqu'à présent peu ou pas exploitées dans le cadre d'un td travail fournissent un éclairage différent sur les agissements des magistrats de cette époque. Les nombreux pamphlets écrits lors des guerres de Religion sont bien souvent l'oeuvre de juristes.3oLeshistoriens connaissent bien ces tex1es qui se retrouvent à la base de nombreuses études sur les guerres civiles et la Ligue. Ces pamphlets. si on les aborde sous un nouvel angle, procurent beaucoup d'indications sur les sentiments éprouvés par les magistrats à l'endroit d'Henri IV. Ils illustrent surtout la méfiance des juristes face à un roi novice qu'ils ne connaissent pas. Ils critiquent certaines de ses initiatives et. surtout. ils tentent d'orienter le souverain, de le façonner. Lire ces pamphlets comme des Miroirs du Prince apporte des indications precieuses sur le sujet qui nous intéresse. Généralement anonymes, ces textes nous renseignent sur un "état d'esprit" existant à cette époque.31 Comment relier de façon precise ce

sentiment aux parlementaires? L'étude des registres du parlement. si on accepte maintenant une certaine méfiance de la part des magistratsà l'égard du souverain, se colore de cette inclinaison et prend une toute autre teinte. Cela ne peut toutefois suffire pour conclure cette étude. Une autre source doit être utilisee pour en confirmer l'hypothèse de départ: la correspondance des parlementaires. Les lettres echangêes par les magistrats livrent une mine de renseignements sur leur perception

30De nombreux pamphlets sont anonymes et ilestparfois difficile de différencier

l'auteur de l'imprimeur. Toutefois, 36.4% des pamphlétaires politiques recensés par B. W. LATIMER durant la pêriode de 1562à 1598 sont des officiers royaux ou appartiennent au monde de la robe: "Pamphleteering in France during thc Wars of Religion: Aspects ofEphemera1 and Occasional Publications, 1562-1598", Thèse de doctorat non-publiee, Université Duke, 1976, p. 95.

31Sur 366 pamphlets politiques publiés de 1562à 1598,242 d'entre eux sont

(26)

d'Henri IV, de son gouvernement et de son royaume. Leurs préoccupations s'y révèlent sans fard. L'état de la France et la stabilité de la Justice. tant sociale que civile, dominent leurs préoccupations. Les pensées "égoïstes" des parlementaires doivent être analysées en fonction de ces inquiétudes premières. Hantés par la reconstruction de la France, les magistrats croient avoir un rôle important à jouer dans ce processus. 11 fallait donc, dans l'intérêt même du royaume, que le monarque leur donne les moyens pour accomplir leur missionà ses côtés.

On peut regretter, comme l'a fait William Church, que des grands parlementaires tel Achille de Harlay n'aientpaslaissé d'écrits théoriques sur le rôle qu'ils

accordaient au parlement au sein du gouvernement.3"L'historien doit donc

reconstituer à l'aide des documents mis à sa disposition la pensée politique de ces individus. Ainsi, la Bibliothèque NationaleàParis possède deux registres qui contiennent les papiers personnels d'Achille de Harlay. Ces documents, que Church n'apasconsultés, permettent de se faire une idée de la pensée politique du premier président de la cour parisienne. le chef de file de ces parlementaires traditionalistes qui feront

r

objet de cette étude.33L'élargissement des sources permet de jeter un nouveau regard sur les opinions politiques de ces magistrats et sur les agissements de la cour durant le règne d'Henri IV. A la fin de cette étude, il sera clair que le

jugement poné par David Bien sur les parlementaires toulousains de Louis XV, jugement cité au début de cette introduction, peut s'appliquer également aux

parlementaires parisiens du premier Bourbon.Jo:

Ilestnécessaire avant toute chose d'examiner la place accordée ou occupée par le parlement à l'intérieur du gouvernement du royaume en survolant rapidement

n W. F. CHURCH., Constitutional Thought in Sixteenth Centurv France, New York.. 1969 (Cambridge, 1942), p. 154, note 80.

33Il s'agit des Manuscrits Français 18417 et 18418.

(27)

16

l'histoire de cette institution et son rôle dans l'administration tel que le voyaient \cs théoriciens et les parlementaires eu.x-mêmes. Les deu.x premiers chapitres de ce travail sont consacrés à ce sujet. Cette étude nous permet à l'intérieur du troisième chapitre de différencier les parlementaires "traditionalistes" de leurs confrères "opportunistes". Les premiers, sur qui se concentre essentiellement notre thèse, réagissent en fonction de leur vision du parlementi>. un individu: Henri IV. Les quatrième et cinquième chapitres présentent la perception que pouvaient avoir les magistrats de ce roi.

Soutien du royaume, les parlementaires se retrouvent en face d'un roi novice, au comportement imprévisible qu'ils connaissent peu ou mal. De 1589 à 1594, le parlement de Paris se divise en deux entités distinctes. Ses membres royalistes se regroupent à Tours alors que leurs confrères restés au sein de la capitale forment le parlement ligueur. La deuxième partie de ce travail se penche sur l'existence de cette cour divisée. Après avoir examiné dans le chapitre six les raisons pour lesquelles certains magistrats refusent de reconnaître immédiatement le roi Henri IV. nous regardons dans le chapitre suivant l'attitude de leurs collègues réunis sur les bords de la Loire. Par la suite, nous analysons comment les deux cours rivales tentent

d'assurer leur autorité au sein de leur parti respectif. L'étude de leur approche de la question religieuse et l'attitude des parlementaires de Tours face aux finances royales clôturent cette deuxième partie.

La dernière partie de ce travail se penche sur le travail desparlementaires réunisà

Paris à partir du mois d'avril 1594. La première question examinée touche la

réunification de la cour souveraine, comment elle s'est effectuée. Les préoccupations des magistrats quantàla survie du roi font l'objet du chapitre 12.Lechapitre 13, lui, s'intéresse aux finances du royaume de 1594à 1599 etàl'attitude adoptée par les parlementaires parisiensàleur endroit. Les interventions juridiques et politiques d'Henri IVdansles affaires de sa cour souveraine sont examinées au cours du

(28)

la question religieuse. De 1594 à 1600 l'opposition entre le corps judiciaire parisien et le pouvoir royal marque la vie politique de la capitale et du royaume. L'égoïsme des magistrats ou leur manque de sens politique n'explique pas cene situation. Elle ne se comprend qu'à la lumière d'un manque de confiance ressenti par les juristes à l'égard de leur souverain et de son conseil.

(29)

PREMIÈRE PARTIE

HENRI IV ET LE PARLEMENT:

(30)

Celui qui offensera la justice, offensera le roi. et quiconque voudra prouver qu'il aime le roi commenceraparobserver la justice.

Guillaume de Rochefort, 1484.

CHAPITRE 1

LE PARLEMENT DE PARIS, OMBRE DES ROIS DE FRANCE

Aucun texte juridique ne définit de façon précise le rôle du parlement au sein du gouvernement de la France du XVIe siècle. Comme le remarquera fort justement le garde des sceaux Michel de Marillac dans un texte écrit en 1629, "le pouvoiret l'attribution du parlement se connaissent mieu.'l: par l'usage que par l'institution".l Si le monarque se retrouve évidemmentàla tête de l'administration du royaume, où se situent les cours souveraines à l'intérieur de celle-ci? Les parlementaires répondent à cette question en se plaçant directement aux côtés du souverain. Issus de la volonté royale comme l'histoire de leur institution le prouvait, représentant cette volonté aux quatre coins du royaume, ils se considèrent comme l'ombre des rois. Comme telle, ils deviennent indissociables du corps qui les a créés tout en se retrouvant "un peu toutefois à gauche et de biais" par rapport à celui-ci.2

Laperception qu'ont de leurs responsabilités les magistrats n'apparaîtpasdu jour au lendemain. L'évolution de leur institutiondansle cadre du développement de la monarchie française s'étend sur plusieurs siècles. Les prétentions des parlementaires àparticiper au gouvernement du royaume se basent sur leurs relations passées avec les souverains et sur la reconnaissance implicite de leur implication dans

l'administration de la France par ces mêmes monarques. Ces derniers ont fait du

l "Traité de la Cour de Parlement de Paris", AN., U 928, fol. 19.

2A ARNAULD.LaJustice aux pieds du roy, pour les œrlemens de France, s. L, 1608, pp. 46-48; Apologie de la justice souveraine des rois, s. L, 1609, p. 121.

(31)

20

parlement ce qu'il est à la fin du XVIe siècle. S'appuyant sur lui au fil des ans. lui donnant graduellement de plus amples pouvoirs pour qu'il les aideàtraverser des périodes de crises. confirmant ces attributicns en temps de paix. les rois de France ont largement contribué au développement de l'institution parlementaire etàla formation de la pensée politique des robins.

L'origine des parlements est fort lointaine.3De fa.,.on générale. on s'entend pour dire que la première manifestation de cette institution date de la fin du XIIIe siècle. A cette époque. la complexité croissante des affaires judiciaires oblige le roià

déléguer une partie de son pouvoir à des hommes de lois chargés de rendre la justice en son nom et à sa place. Ce geste est loin d'être insignifiant. la justice constituant alors la principale marque de la souveraineté du roi de France.4Depuis Philippe 1er qui gouverne la France de 1060 à 1108. les monarques font d'ailleurs le serment lors de leur sacre d'observer le devoir de justice.SLeroi. durant son règne. doit s'acquitter

de deux devoirs principaux: assurer la paixàses sujets et leur garantir le maintien de la justice.

Les rois de France ont toujours essayé de légitimer le développement de la monarchie en se fondant sur la loi. Ne désirantpaspasser pour des tyrans. les

3Selon un auteur du début du XVIIe siècle. leur histoire remonterait même aux

Gaulois qui, selon lui, confiaientàun conseil de Druides les affaires de lajustice: B. DE LA ROCHE FLAVIN, Trczc livres des parlcmcns dc Francc, Bordeaux., 1617, p. 5. Etienne PASQUIER note également que les assemblées de Druides tenues par les Gaulois ressemblaientàun parlement, mais il ne faitpasde ces réunions l'ancêtre des cours souveraines:Lesrecherches de la France,dansOeuvres, Amsterdam. 1723, vol. 1, p. 48.

4"Lafonction essentielle du prince est en effet de maintenir exactement les droits

de chacun, d'assurer lapaixcommune et de sévir contre ceux qui la violeraient", A.LUCHAIRE, Histoire des institutions monarchiques de la France sous les premiers Capétiens (987-1180), Paris, 1891, vol. 1, p.

2n.

SP. VIOLLET, Histoire des institutions politiquesetadministratives de la France,

(32)

monarques s'efforcent de justifier légalement d'une façon ou d'une autre leurs prises de position contre des États voisins ou leurs politiques relatives au.x nobles locau.x. Puisque l'agrandissement du territoire national rePose sur le droit féodal ou des prétentions dynastiques. la question de la légitimité et de la légalité revêt une grande importance. Les mêmes soucis s'appliquent au domaine civil. au droit des sujets.Le développement de lajustice accompagne ainsi nécessairement le développement de l'État.6Mais la justice représente une manifestation inta.ïgible du pouvoir royal. L'appareil judiciaire existe bel et bien. ses décisions sont visibles pour tous. mais l'idéal de justice sur lequel ses travaux se basent ne se perçoitpasàl'oeil nu. Le droit sur lequel reposent les décisions judiciaires n'est guère développéà cette époque; surtout il n'estpasécrit, il n'estpascodifié.7Les coutumesà partir desquelles les magistrats rendent leurs décisions avant l'établissement d'une jurisprudence solide, crééed'ailleurs par leurs propres décisions, ne serontpascodifiées avant plusieurs siècles. Le flou qui entoure la notion de justice durant le Moyen Age contribueà l'extension de la juridiction parlementaire, les balisesà l'intérieur desquelles les magistrats devant oeuvrer n'étantpasclaires. Aufildes ans, avec la bénédiction des monarques, la cour se penche sur des questions qui,à l'origine, n'étaientpasde son ressort.

La fonction d'arbitre qui deviendra celle du parlement demande d'être au-dessus de la mêlée tout en étant au courant de l'ensemble des événements qui s'y déroulent. Appelésàrendre jugements sur celles-ci ou en fonction de celles-ci, les

parlementaires n'ont d'autres choix que de s'intéresser aux affaires politiques. Leurs décisions doivent être fondées sur une connaissance approfondie du droit,

6J.R MAJOR, Representative Institutions in Renaissance France. 1421-1559,

Madison, 1960, p. 4.

7BARRET-KRIEGEL. B. "L'état aux XVIIème-XVITIème siècles. L'impossible

reformation descodes~,dansRéflexions idéologiques sur l'État,Aix:

Presses

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22 évidemment., mais également de l'histoire tant passée que contemporaine.SPour

accomplir adéquatement leur tâche. les parlementaires deviennent les personnes les mieux informées du royaume. La responsabilité d'une tel1e évolution ne repose pas uniquement sur les épaules des magistrats. Durant la première panie de son histoire. le parlement de Paris accomplit à la demande du souverain toute une série de charges ell.1ra-judiciaires en fonction des besoins de celui-ci. notamment celle de le conseiller sur les questions politiques ou religieuses. L'implication des

parlementaires n'est encore que juridique; toutefois les rois l'entrainent lentement hors de ses fonctions originales, transforment leur cour souveraine en un instrument commode au service de la royauté. Graduel1ement, souverains et magistrats se trouvent étroitement unisdansune activité qui demeure dans son essence royale. Le parlement participe activement au processus législatifsans que cela ne lui confere réellement un pouvoir en la matière, le roi gardant toujours le dernier mot sur les édits et ordonnances qui s'appliquent en France.9

Si les premières esquisses du parlement tel que le connaîtront les contemporains d'Henri IV apparaissent vers la fin du XIlle siècle, celles-ci se basent évidemment sur des pratiques apparues plus tôtdansl'histoire de France. Le développement d'un corps spécialisé de juges constitue l'un des traits les plus nouveaux du régime judiciaire sous Louis VII dont le règne s'étend de 1137 à 1180.10Ces gens se

réunissent alors de trois à quatre fois par année pour mener leurs délibérations. La composition de ces premières ébauches de chambre de justice n'est pas fixe. Formées

8Il n'est donc pas surprenant de retrouver des magistratsàla source de la

renaissance de l'histoire en France au cours du XVIe siècle. Sur ce sujet, voir G. HUPPERT, L'idée de l'histoire parfaite. Paris, 1973 (Urbana, 1970); D. KELLEY, Foundations ofModem Historical Scholarship. Language. Law and Historv in the French Renaissance. New York, 1970.

9D. RICHET, La France moderne: l'esprit des institutions, Paris, 1973, pp. 31-34.

10F. LOT etR FAWTIER,Histoire des institutions francaises au Moyen Age,

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d'un noyau d'une trentaine d'individus. elles regroupent également des personnes intéressées par l'affaire en cours. 11Les décisions finales reviennent cependant toujours au souverain. Les causes continuantàs'accumuler. le roi doit se fier de plus en plus aux conseillers à qui il confie le devoir de justice. Ces juristes suivent le monarquedansses déplacements, traînant avec eux leurs archives. la base de leur jurisprudence. Ainsi, il fallait déménager presque quotidiennement tout l'attirail de la justice, une opération qui devient de plus en plus compliquée. Une ordonnance de

1303fixe donc à Paris les réunions du parlement Cette décision règle le problème des archives et favorise également l'administration de la justice en la centralisant. Lesjusticiables n'ont plus besoin de suivre le monarquedansses pérégrinations en attendant que leur cause soit jugée. On leur assigne maintenant un jour de

comparution à un endroit déterminé. 12

A l'origine, les légistes ne formentpasla totalité de cette cour judiciaire. Oc: grands barons et des ecclésiastiques assistent à

ses

débats. La mainmise des

professionnels de la justice sur ses travaux se fait de façon graduelle. La complexité croissante des causes et leur multiplication créent la nécessité de se réunir presque quotidiennement, empêchent progressivement les nobles et les membres du clergé de remplir adéquatement leurs fonctions au sein du parlement. Une ordonnance de Philippe V datée du 3 décembre 1319 exclut les prélats de

ses

séances.Leroi justifie sadécision en affirmant que la participation de gens d'Église aux travaux de la cour nuit au gouvernement de leur spiritualité, que le travail au sein du parlement exige une présence continue qu'ils ne sontpasen mesure d'assurer.!3 Mais ce n'est que le Il mars 1344 qu'une ordonnance fixe de façon stricte,àdéfaut d'être définitive, la

11C. PETIT-DUTAlLLlS, La monarchie féodale en France et en Angleterre, Paris,

1971 (1933), pp. 235-236.

12 J. FAVIER,Philippe leBel,Paris, 1978, pp. 65-69.

13 "Le roi veut avoir en son parlement

gens

qui Ypuissent entendre continuellement, sans en partir, et qui ne soient occupés d'autres grandes occupations", ISAMBERT, vol. 3, p. 233.

(35)

composition du parlement qui. jusqu'à cette date siégeait selon une "géométrie 24 variable" en fonction des causesdébattues.l~ Les nobles et les prélats les plus

importants du royaume continuent toutefois à participer aux grandes cérémonies parlementaires. telles les séances royales et les Lits de Justice. Lors des premières.le roi honore simplement la cour de sa présence. livre ou fait livrer par son chancelier un discours général. Lors des Lits de Justice. le souverain vient forcer

l'enregistrement d'un édit ou d'une ordonnance auquel s'opposent les magistrats.

1,

La participation des Pairs du royaume aux travaux du parlement fait dire au.xjuristes parisiens que leur courest"la cour des Pairs". Ils lui accordent à ce titre la primauté d'honneur face aux parlements provinciau.x.16

Malgré la création du parlement et de la chambre des comptes. la cour du roi continue à jouer un rôle importantdansles affaires juridiques et financières du royaume, ce jusqu'à la moitié du XIVe siècle. A cette époque. le mot "parlement" désigne toujours la réunion délibérante. les assises de la curia et non une institution distincte. Mais, peu à peu. les nouveaux organismes affirment leur indépendance par

I~ISAl'v1BERT, vol. 4, pp. 498-504.Lacomposition du parlement continue à varier au fil des ans, ses effectifs augmentant sans cesse alors que de nouvelles chambres sont créées pour, officiellement, améliorer l'administration de lajustice. Avec le développement de la vénalité des offices au XVIe siècle, de nombreux postes sont instaurés pour combler les besoins financiers des monarques.

15Sarah HANLEY soutient que François 1er tient le premier Lit de Justice le 24

juillet 1527: Le Lit de Justice des rois de France, Paris, 1991 (Princeton. 1980). Deux historiens ont depuis contesté cette interprétation:R.J. KNECHT. "Francis 1and the "Lit de Justice": A "Legend" defended",dansFrench Historv, vol. 7, no. 1. 1993, pp. 53-83;M P. HOLT, "The King in Parlement: The Problem ofthe Lit de Justice in Sixteenth-Century France",dansThe Historical Journal, vol. 31, no. 3, 1988, pp. 507-523.

16E. PASQUIER,Lesrecherches de la France,dansOeuvres, vol. l, p. 69; L.

CHARONDAS LE CARON, Pandectes ou Digestes du droit francois, Paris, 1637 (1596), p. 141; S. MARION, Plaidovés, Paris, 1609, p. 269.

(36)

rappon

a

la curia et élargissent leurs pouvoirs.17Il faut noter la responsabilité des

monarques dans l'augmentation du prestige du parlement, bien qu'ils n'aientpas poursuivi consciemment un tel objectif. Ils choisissent fréquemment leurs conseillers ou ambassadeurs parmi les parlementaires. Ils associent leur cour souveraine au.x travaux du conseil. Les souverains demandent aux magistrats leur avis avant de s'attaquer aux différents abus qui minent le royaume. Les princes étrangers. suivant les conseils des rois de France, demandent souvent au parlement de juger les ditférends survenus entre eu.x.18Tous ces éléments amènent les parlementaires

a

croire en leur valeur et en leur imponance pour le royaume.

Dès le XIVe siècle, le parlement, sous injonction royale, intervient lorsqu'existe le risque d'une aliénation des droits régaliens ou du domaine du roi. Il prend également l'habitude d'enregistrer les proclamations du monarque. leur donnant ainsi plus de force. De cette pratique naissent les remontrances.Lacour commence d'abordà exprimer quelques réserves, généralement au nom des droits du roi, à propos de la publication de telle ou telle ordonnance. En 1320, l'édit sur l'organisation de la chambre des comptes prévoit que s'il arrivait que le roi octroie par mégarde "aucune chose contre la teneur ou l'entente" de cette ordoMance, l'exécution en serait

17J. VIARD,"LaCour (curia) au commencement du XIVe siècle",dans

Bibliothèque de l'École des Chanes, vol. 77, 1916, pp. 74-84.

18F. AUBERT,Le parlement de Paris de Philippe le BelàCharles VIl

(1314-1422). Sa compétence. ses attributions, Genève, 1977 (paris, 1890), pp. 187-209. Les traditionalistes du XVIe siècle qui défendent les attributions du parlement reviennent fréquemment sur ces différents points: "or étaient ces parlements de telle et si grande recommandation, que Frédéric second Empereur de ce nom, en l'an mil deux cent quarante quatre, ne douta de vouloir remettreàicelui tous les différends qu'il avait avec lepapeInnocent quatrième, auxquels n'y allait que du nom et titre de l'Empire", E. PASQUIER, Les recherchesdela France,dansOeuvres, vol. 1, p. 50; L. LE ROY,

LesPolitiques d'Aristote,Paris,1568, p. 534; Panegyric au très-chrestien HenriIIll, roy de Franceetde Nàvarre. Par le S. D. J. E. S. L., Tours, 1590, pp. 114-118;La Justice en son trone. A très-chrétien Henry IV roy de Franceetde Navarre, s.1., 1609, pp. 176-180; B. DE LA ROCHE FLAVIN, Treze livres des parlemens de France, pp. 677-679.

(37)

26

ajournée jusqu'à ce qu'il donne un jugement éclairé sur la question litigieuse.!" Ainsi. on prévoyait déjà certaines mesures pour permettre au:\( magistrats de sou! igner au monarque, avant d'enregistrer ses actes, les erreurs qu'il aurait commises de bonne foi. Les magistrats donnent ainsi leur opinion sur quelques affaires d'État en se basant sur ce qu'ils considèrent 'Juste et équitable". Informelles au début. ces remontrances prennent graduellement de l'importance sans que cela ne cause de grandes commotions dans le royaume, ce qui laisse penser qu'elles répondaient à certains besoins politique etjuridique.2oSous Charles VI, roi de 1380 à 1422 demt la folie affecte le jugement, le rôle de la courdansl'administration du royaume

augmente sensiblement Les rivalités des grands nobles lui permettent de se faire remarquer par sa stabilité relative, par l'attention qu'elle prête aux affaires de la France. Pris comme arbitre par les princes qui s'affrontent, le parlement de Paris s'impose aux. yeux. des Français comme l'ultime point d'ancrage d'un royaume en dérive. On reconnaît à partir de cette date les remontrances comme faisant partie intégrante de la procédure parlementaire. Cela a permis à Edouard Maugis d'écrire: "Ainsi nait le droit de remontrances, du cri de l'universelle détresse vers le trône du roi, vers la Cour du Parlement, la plus haute autorité qui subsiste, dans la défaillance ou l'éclipse de celle du roi".21Lesmagistrats du XVIe siécle, eux, insisteront sur le faitque les rois ont de tout temps toléré cette pratique.!!

19ISAMBERT, vol. 2, p. 238:F.AUBERT, Le parlement de Paris de Philippe le

Bel à Charles VII (1314-1422). Sacompétence. ses attributions, p. 223.

20Il semble donc que des phrases telle que "le parlement de Paris s'arrogea le droit

de faire des remontrances au roi à l'occasion de ces enregistrements" devraientêtre

nuancées: F. D'AGAY, "Quatre-vingt mille magistrats",dansLa révolution de la Justice. Des lois du roi au droit moderne,cd.P. Boucher, Paris, 1989, p. 47.

21E. MAUGIS, Histoire du parlement de Paris, New York, 1967 (Paris,

1913-1916), vol. 1, p. 526.

!!

"Lettre

d'Etienne Pasquier à Monsieur de Sainte-Marthe",dansOeuvres, vol. 2, p. 148;R.CHOPPIN, Eloge de l'autorité qu'à la cour de Parlement. en l'interprétation

etcensuredela coutume de Paris,dansOeuvres,Paris,1662, vol. 3, p. 409;

A.LOISEL, pasquier. ou dialogue des avocats au parlement de Paris, Paris, 1844 (1604), pp. 65-70;A.ARNAULD, La Justice aux pieds du roy., pp. 26-27.

(38)

Vers la fin du règne de Charles VI toutefois, le parlement se divise entre Armagnacs et Bourguignons. De 1418 à 1436, deux cours souveraines coexistent. Une partie des magistrats siège à Paris, s'efforçant tout de même de garder une certaine indépendance face au pouvoir anglais, l'autre se réunit à Poitiers. Charles VII, adoptant une politique qui sera également celle d'Henri IV à la fin des Guerres de Religion, fusionne les deux cours quelques jours après son entrée dans Paris. Il n'inquiètepasles conseillers ayant suivi le parti anglais ou les réintègre après quelques mois d'attente, une attitude qu'adoptera égaiement Henri IVàla fin des guerres civiles du XVIe siècle. Après cet épisode, le parlement continue d'opérer comme avant les troubles.2.l L'institution parlementaire devient même graduellement une garantie de l'autorité royale. Ceci se traduit par l'instauration à travers le

royaume de cours de justice qui fonctionnent sur le modèle parisien. Le premier parlement provincialestcréé à Toulouse en 1419; suivent les parlements de

Grenoble en 1431, de Bordeaux en 1451, de Dijon en 1476, de Rouen en 1499, d'Aix en 1501 et de Rennes en 1553. Il est prévu que des membres de la cour de Paris aillent siégerdansces nouvelles institutions. Il s'agit d'éviter le régionalisme, les magistrats de la capitale apportant une vision "nationale" aux travaux des nouvelles cours qui auront elles aussi le droit d'enregistrer les ordonnances royales, et donc de fairedesremontrances à leur sujet Durant les trente premières années d'existence du parlement de Rouen, plus du tiers de ses membres seront originaires de l'extérieur de

2.lLesauteursqui,à la fin des guerres de Religion, louangent la clémence d'Henri IV à l'égard de ses ex-ennernis n'établissentjarnais de parallèles avec l'attitude de Charles VII en 1436. Ils insistent plutôt sur la destinée hors du commun du premier Bourbon en ne le comparant qu'avec certains personnages antiques ou mythiques. Etienne Pasquier compare toutefois les rétablissements du parlement de Paris par Charles VII et Henri IVdansune lettreàson fils du 31 mars 1594: Oeuvres, vol. 2, pp. 457-462. Sur l'attitude de Charles VIIàla fin de la Guerre de CentAns,voir M G. VALE, Charles

yn,

Berkeley, 1974, pp. 151-162. Surie parlement àeette époque, voirA BOSSUAT. "Le parlement de Paris pendant l'occupation Anglaise"

dansRevue historique, voL 229. 1963, pp. 19-40;R G.

LITTLE.

The Parlement of Poitiers. War. Government and Polities in France, 1418-1436. Londres, 1984.

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