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Les retentissements du « 21 avril 2002 » dans un espace sémio-discursif mixte,

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Academic year: 2021

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Les retentissements du “ 21 avril 2002 ” dans un espace

sémio-discursif mixte,

Justine Simon

To cite this version:

Justine Simon. Les retentissements du “ 21 avril 2002 ” dans un espace sémio-discursif mixte, . “ Discours rapporté, citation et pratiques sémiotiques ”, Jun 2009, Nice, France. �hal-01446762�

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Pour citer cet article :

Justine SIMON,

, Communications du IVe Ci-dit, mis en ligne le 02 février 2010

URL : http://revel.unice.fr/symposia/cidit/index.html?id=641

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Les retentissements du « 21 avril 2002 » dans un  espace sémio­discursif mixte Justine Simon ATER et Doctorante, Université de Franche­Comté, Besançon,  EA 2281 LASELDI (Laboratoire de SEmiotique, Linguistique,  Didactique   et   Informatique).   justine.simon116@orange.fr

Cet   article   étudie   plusieurs   discours   marqués   par   une  hétérogénéité   sémiotique   qui   traitent   des   grands  retentissements du « 21 avril 2002 » que sont le choc qui  ébranle la conscience politique des Français, le rejet de  l’extrême   droite,   l’analyse   critique   de   l’abstention  massive,   le   sursaut   démocratique   lors   des   grandes  manifestations   et   l’appel   à   voter.   L’objectif   est  d’analyser   les   relations   que   l’on   peut   observer   entre  matérialité   sémiotique,   dispositif   d’énonciation,  mécanismes interdiscursifs et argumentativité des discours  étudiés. En d’autres termes, nous nous demandons en quoi  le   recours   aux   discours   autres   (selon   la   matérialité  sémiotique   et   le   dispositif   énonciatif)   peut   être   au  service d’un projet argumentatif distinct ?

This paper studies several discourses which are marked by  a   semiotic   heterogeneity   and   deal   with   some   important  resounding   of   « April   21st  2002 »   when   the   extreme   right  candidate   came   to   the   second   round   in   the   French  presidential   election :   the   shock   which   shook   the  political consciousness of the French people, the refusal  of the extreme right, the critical analysis of the massive  abstention,   the   democratic   surge   during   the   big  demonstrations and the call to the vote. The objective is  to analyze the relationships that can be observed between  semiotic   materiality,   proceedings   of   statement,  interdiscursive   mechanisms   and   argumentativity   of   the  studied   discourses.   In   other   words,   we   question   how   the  recourse   to   other   discourses   (according   to   the   semiotic  materialism and the statement) can facilitate a different  argumentative project?

vingt   et   un   avril   2002,   hétérogénéité   sémiotique,  énonciation, interdiscours, argumentativité

April   21st  2002,   semiotic   heterogeneity,   statement,  interdiscourse, argumentativity

Introduction

21 avril 2002. L’annonce des résultats du premier tour de l’élection présidentielle  a été vécue par la majorité de la population française comme un véritable choc. Le  scénario catastrophe propulsant le leader de l’extrême droite Jean­Marie Le Pen au  second tour est très rapidement déclencheur d’une forte mobilisation des Français.  Les jeunes, les premiers, descendent dans la rue pour protester contre les idées du  Front National. Le « 21 avril » a profondément marqué la conscience politique des  Français. Toutefois, cette mobilisation semble s’être rapidement essoufflée comme  le montre la forte abstention des Français quatre semaines plus tard aux élections 

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législatives (36% sur l’ensemble du corps électoral1). Lors de la campagne électorale  de 2007, parler du « 21 avril 2002 » est devenu une sorte de rappel à l’ordre civique.  Symboliquement, en 2007, le « 21 avril » a été l’occasion de prévenir d’un danger  potentiel et d’encourager l’ensemble de l’électorat à aller voter.  Choc qui ébranle la conscience politique des Français, rejet de l’extrême droite,  grande surprise liée à la défaite de Lionel Jospin2, méfiance vis à vis des sondages,  analyse critique de la forte abstention des Français3, sursaut démocratique lors des  grandes manifestations de l’entre­deux tours et appel à voter (pour le second tour de  2002 et pour les élections de 2007) : voici les grands retentissements du « 21 avril  2002 » que nous allons étudier à travers l’analyse de plusieurs discours marqués par  une forte hétérogénéité sémio­discursive.  Le corpus que nous avons constitué est un corpus ouvert4. Nous ne prétendons 

pas   faire   une   analyse   complète   des   innombrables   retentissements   dans   l’espace  public et médiatique. L’analyse cherche en réalité à souligner les différences dans  l’utilisation des mécanismes interdiscursifs5  selon les matérialités sémiotiques des 

discours étudiés (discours verbal ; visuel : iconique, icono­textuel, audiovisuel ; et  auditif ou musical) et selon le dispositif énonciatif établi entre les interlocuteurs  (tension   entre   « objectivation »   et   « subjectivation6 » ;   modes   « authentifiant », 

« fictif »   et/ou   « ludique7 »).   Cette   relation   entre   mécanismes   interdiscursifs, 

matérialité sémiotique et dispositif d’énonciation est ensuite confrontée à la question  1  Anne Muxel, « La participation politique des jeunes : soubresauts, fractures et ajustements »,  Revue française de science politique, N° 52, 2002, p. 522. 2  Citons un exemple de retentissement récent : le 8 juin 2009, au journal de France 2, Aurélie  Filippetti (liste PS de l’Est pour les européennes) a parlé de « réplique du séïsme du 21 avril » en  rapport à la défaite relative du PS. 3 L’abstention est à analyser en premier plan car c’est la baisse de la participation qui explique  une fausse impression de progrès du FN. « Contrairement aux apparences, ce ne fut pas tant une  victoire de J.­M. Le Pen, qu’une véritable chute pour le Premier ministre sortant. Certes, en valeur  relative, le candidat du Front national passait de 15 à 16,86% des suffrages  exprimés. Mais en  nombre   d’électeurs,   l’augmentation   était   relativement   faible,   puisque   233 575 bulletins   de   votes  supplémentaires « seulement » s’étaient portés sur son nom par rapport à 1995. » Philippe J. Maarek,  « Introduction », in Maarek P.­J. (éd.),  La communication politique française après le tournant de  2002, Paris, L’Harmattan, « Communication et Civilisation », 2004, p. 5.  4 Le corpus est ouvert et privilégie quelque peu la place des jeunes étant donné que notre thèse en  préparation étudie le traitement de la presse des jeunes des élections présidentielles de 2002 et 2007.  5  Selon la référence théorique que nous pouvons faire, soit à Bakhtine soit à Pêcheux, on peut  parler de « dialogisme » ou « d’interdiscours ». La distinction entre ces deux notions n’est pas aisée  d’autant plus que celles­ci ont été retravaillées dans les différents courants d’analyse du discours.  Nous favorisons l’emploi d’interdiscours au sens large : ensemble des discours avec lesquels un  discours particulier entre en relation.  6  Alain Rabatel, Andrée Chauvin­Vileno, « La question de la responsabilité dans l’écriture de 

presse »,   in   Rabatel A.   &   Chauvin­Vileno A.   (coord.),   « Enonciation   et   responsabilité   dans   les  médias », Semen, N°22, Besançon, Presses Universitaires de Franche­Comté, « Annales littéraires »,  N°805, 2006, p. 7.

7  Terminologie de François Jost (1997 : 11­13) à propos des discours télévisuels cité par Jean­

Claude Soulages,  Les rhétoriques télévisuelles.  Le formatage du regard, Bruxelles, Editions  De  Boeck Université, « INA Médias Recherches », 2007, pp. 21­23. Ce dernier parle quant à lui de  « dispositifs   de  médiatisation » :   « en  monstration »  (authentifiant),   « de   fiction »  (fictif)  et  « de  spectacle » (ludique).

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de l’argumentativité des discours étudiés. Nous nous demandons en quoi la manière  de faire appel à un « discours autre8 » peut se mettre au service d’une « dimension » 

ou d’une « visée argumentative9 ». 

Dans   la   première   partie   de   cette   étude,   nous   analysons   la   représentation   du  discours autre au service d’un discours qui traite principalement des retentissements  du « 21 avril ». Nous commençons par une brève analyse du « mot événement10 »  « 21 avril 2002 » principalement à travers le traitement de la presse des jeunes. Nous  analysons également un des journaux télévisés marquant, celui diffusé par France 2,  le 22 avril 2002, traitant des manifestations de masse. Et nous nous intéressons à un  extrait du discours des Guignols de l’info. Nous présentons ensuite une chanson de  Damien Saez, composée sur le vif en réaction au score de l’extrême droite. De  même, une chanson du groupe Tryo se battant contre l’abstention sera évoquée.  Dans la seconde partie de ce travail, nous nous attachons à la représentation du  discours   autre   traitant   d’un   retentissement   du   « 21 avril »   (ou   constituant   un  retentissement)   et   se   mettant   au   service   d’un   discours   principal   (ou   utilisant  stratégiquement ce discours) dont la thématique n’est pas au départ directement liée  au   « 21 avril   2002 ».   Notre   attention   porte   tout   d’abord   sur   les   transformations  qu’ont subit les panneaux électoraux à l’entre­deux tours. Puis, nous exposons un  autre discours audio­visuel. Il s’agit d’un film reportage de Chris Marker intitulé 

Chats   Perchés.   Enfin,   nous   présentons   un   extrait   d’une   bande   dessinée 

autofictionnelle  Le   Combat   ordinaire  où   l’auteur,   Manu   Larcenet,   se   sert   de  l’interdiscours du « 21 avril 2002 » pour donner à son récit des effets de réel. 

1. Analyse de discours traitant des retentissements du 

« 21 avril 2002 »

1. 1. L’émergence d’un « mot événement »

Le mot­événement « 21 avril 2002 » est apparu dans les lignes des journaux au  lendemain du premier tour du scrutin de 2002. Il s’agit d’un chrononyme qui nous  fait particulièrement penser au « 11 septembre 2001 » (ou au « 9/11 », nine eleven,  comme l’appellent les Américains). Le « 21 avril 2002 » ne renvoie pas simplement  à la date de l’événement, il est devenu une expression qui peut symboliser un danger  pour la démocratie française, la défaite du PS, la coupable abstention des Français,  ou encore l’incitation à voter.  Dans un journal adressé aux jeunes, on a pu voir le titre « 21/04 : La honte »  (L’ACTU­EP02­02­04­24,   n° 956,   p2).   Certains   médias   parlent   de   « choc »   ou  d’« électrochoc du 21 avril » (LesCLESdel’actualité­EP02­02­07­03, 06­27, n° 492,  8 Jacqueline Authier, « La représentation du discours autre : un champ multiplement hétérogène », 

in Martel S., Lopez­Munoz J.­M. & Rosier L. (coord.),  Le discours rapporté dans tous ses états : 

question de frontières, Paris, L’Harmattan, « Sémantiques », 2004, p. 35.

9  Ruth   Amossy,  L’argumentation   dans   le   discours.   Discours   politique,   Littérature   d’idées, 

Fiction, Paris, Editions Nathan Université, 2000, pp. 24­26.

10 Sophie Moirand, Les discours de la presse quotidienne, observer, analyser, comprendre, Paris, 

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p4) afin de souligner le rejet idéologique du parti de l’extrême droite considéré  comme   anti­démocratique   et   assimilé   au   fascisme.   Le   « coup   de   tonnerre   du  21 avril », selon la formulation de Lionel Jospin, qualifié par de nombreux titres de  « séisme politique », permet de critiquer l’abstention de masse. Voici un exemple  tiré   du   journal  Les   Clés   de   l’actualité :   « […]   Aujourd’hui,   certains   des  abstentionnistes du 21 avril le regrettent. » (LesCLESdel’actualité­EP02­02­05­01,  04­25,   n° 483,   p2).   « Le   21 avril »   a   de   plus   été   un   moyen   de   désigner   les  manifestations massives de l’entre­deux tours, plusieurs médias ont parlé de « l’élan  du   21 avril »   (LesCLESdel’actualité­EP02­02­07­03,   06­27,   n° 492,   p. 4).   Dans  d’autres cas, l’accent était plutôt mis sur l’abstentionnisme, considéré par Nonna  Mayer   (citée   ici   par  Phosphore)   comme   « la   vraie   surprise   du   21 avril »  (PHOSPHORE­EP02­02­06, n° 252, p. 45). Le mot­événement « 21 avril 2002 » a  aussi au contraire permis de souligner l’importance du vote. Les Clés de l’actualité  fait d’ailleurs le lien entre « le 21 avril » et le « sursaut démocratique » des Français  (LesCLESdel’actualité­EP02­02­05­15,   9,   n° 485,   p12).   Aussi,   le   « 21 avril »  représente pour la première fois un début de méfiance des Français vis à vis des  sondages   comme   le   montre   ce   passage   extrait   du   journal  Les   Dossiers   de 

l’actualité :   « Faut­il   croire   aux   sondages ?   […]   « La   déroute   des   sondeurs » 

évoquée   au   lendemain   du   « 21 avril   2002 »   – aucun   institut   n’avait   avancé  l’hypothèse de la présence de Jean­Marie Le Pen au second tour – n’aurait donc pas  entamé leur capital de confiance. » (LesDOSSIERSdel’actualité­EP07­07­03, n° 93,  p8). Le « coup de tonnerre du 21 avril » a également eu un retentissement lors de la  campagne présidentielle de 2007. Afin d’empêcher que cette sombre expérience de  2002 tombe dans l’oubli, les médias ont rafraîchi les mémoires grâce à la reprise de  ce mot­événement. Avant le jour de l’élection, « le 21 avril » a constitué un moyen  de pression pour inciter les Français à voter « en vue d’éviter une redite du 21 avril  2002 » (LesCLESdel’actualité­EP07­07­05­01, 04­24, n° 708, p3). Au lendemain du  premier  tour   du  scrutin  de   2007,  le  « 21 avril »  se  transforme   grâce  à   un  style  moralisateur  en « leçon » bien  apprise. Pour certains,  les Français  auraient  bien  retenu   la   « leçon »   par   rapport   à   la   participation   et   au   vote   utile,   comme   pour  Clémence, 14 ans, citée par le journal  Les Clés de l’actualité : « Les Français ont  retenu   la   leçon   de   2002 »   (LesCLESdel’actualité­EP07­07­05­01,   04­24,   n° 708,  p11). Les mots­événements sont des formules courtes, facilement mémorisables, utiles  pour appâter le lecteur en vue de lui vendre le cas échéant un contenu banal. Les  mots­événements suivent la règle journalistique d’objectivation du dire et en même  temps, ils sont souvent inventés sur une base ludique (création de métaphores chocs)  pour attirer l’attention du lecteur. Afin qu’ils circulent pour alimenter la mémoire  collective, les journaux doivent figer ces mots­événements. On remarque ici que la  forme   n’est   pas   vraiment   stable   et   change   en   fonction   du   retentissement   que  l’énonciateur cherche à souligner. 

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1. 2. Les manifestations de l’entre­deux tours vues par le 

journal télévisé

Présentons à présent un autre type de discours issu de l’instance médiatique. Il  s’agit d’un extrait du journal télévisé diffusé par France 2 le soir du 22 avril 2002.  Ce journal télévisé, qui est un discours audio­visuel faisant une compilation de plans  divers, utilise à la fois une stratégie énonciative authentifiante et « une stratégie  argumentative objectivante11 ». Le présentateur, comme le reporter prétendent dire le 

« réel ».   Au   service   de   cet   « effet   de   réel12 »,   ils   utilisent   des   techniques 

d’objectivation du dire telles que des phrases courtes et impersonnelles (Exemple de  la   voix   off   du   reporter :   « Gros   plan   sur   Caen   avec   la   rencontre   à   la   faculté  d’étudiants   et   de   lycéens   pour   une   séance   d’autocritique. »).   Le   reporter   est  complètement   absent   à   l’image.   Les   informations   sont   chiffrées   (Voix   off   du  reporter : « […] on estime à plus de 30 000 le nombre total de manifestants ») et  accompagnées   de   cartes   géographiques   afin   de   donner   un   effet   de   vérité  « scientifique » quasi indiscutable. 

Le retentissement du « 21 avril 2002 » traité ici est celui des manifestations de  masse et tout particulièrement de la participation protestataire des jeunes. Il est aussi  question   du   rejet   de   l’extrême   droite,   surtout   par   les   jeunes   (Jeune   personne  interviewée N° 4 : « Vous imaginez si Le Pen est président, ce que ça va devenir La  France ? Franchement,  vous imaginez ? La jeunesse comme  nous ? Y’a plus de  France… »). Le reportage traite de plus de l’abstention massive des jeunes (Discours  d’un professeur de faculté : « 40% des 18­25 ans n’ont pas voté. […] »). Enfin, le  reporter parle de l’appel à voter pour Chirac à l’aide du discours indirect de jeunes  tout en donnant un « effet­point de vue subjectivant »13  à travers l’utilisation du  verbe introducteur « promettre » (Voix off du reporter : « […] Beaucoup de jeunes  quelque soit leur sympathie politique ont promis de ne pas oublier d’aller voter le  5 mai pour Jacques Chirac même sans enthousiasme. »).  Au niveau interdiscursif, on a en majorité des extraits de discours de personnes  interviewées en discours direct. Ces représentations du discours autre en discours  direct donnent un effet de proximité avec le téléspectateur mais aussi constituent une  mise   en   scène   au   service   du   « principe   de   la   vérité »   suivant   « la   règle   de  sincérité14 ». De plus, la représentation du discours d’autorité du professeur donne au 

reportage   une  valeur  de  didacticité.   Les  exclamations  des  manifestants  qui  sont  11  Alain   Rabatel,   « L’effacement   énonciatif   dans   les   discours   rapportés   et   ses   effets 

pragmatiques », in Rabatel A. (coord.), « Effacement énonciatif et discours rapportés », Langages, N ° 156, Paris, Larousse, 2004, p. 7.

12 L’effet de réel a été nommé et théorisé par Roland Barthes dans un court article publié dans la 

revue Communication en 1968.

13  Alain Rabatel, « La part de l’énonciateur dans la construction interactionnelle des points de 

vue »,   in   Maingueneau D.   (éd.),   « Analyse   du   discours.   Etat   de   l’art   et   perspectives »,  Marges 

linguistiques, N° 9, MLMS Editeur, 2005, p. 122.

14  Eliséo   Véron,   « Télévision   et   démocratie :   à   propos   du   statut   de   la   mise   en   scène »,   in 

Bonnafous S. (coord.), « La politique à la télévision », Mots, Les langages du politique, N° 20, Lyon,  ENS­Editions, 1989, p. 82. 

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représentés en arrière plan donnent quant à elles un effet spectaculaire jouant sur  l’affectif.

Au   niveau   argumentatif,   bien   que   donnant   de   forts   effets   d’objectivité,   le  reportage se positionne par omission étant donné qu’il est seulement le porte parole  des discours opposés à Le Pen. Mais en adoptant cette posture détachée de « sous­ énonciateur15 », le journal est sûr de ne pas être accusé de partialité. Le reportage se  pose aussi en tant que critique de la gauche divisée comme le dit la conclusion (Voix  off du reporter : « Hier encore divisée, la gauche retrouve sur le pavé un semblant  d’unité défilant faute de savoir vraiment où aller politiquement. »). Cette dernière  phrase est accompagnée à l’image d’un zoom sur une valise tirée par un manifestant.  L’effet est ludique mais ce rapprochement entre une valise et la situation des partis  de gauche est aussi très ironique. 

1. 3. Les Guignols de l’info, la parodie du journal télévisé 

en version satirique

Nous avons choisi d’analyser l’émission qui a été diffusée sur Canal+ le soir du  21 avril. Il s’agit de la parodie de la soirée électorale présentée par Patrick Poivre  d’Arvor diffusée sur TF1. La mise en scène télévisuelle imite celle du jeu télévisé  « Qui   veut   gagner   des   millions ? ».   Dans   ce   discours   audio­visuel,   qui   a   la  particularité de ne mettre en scène que des marionnettes, on peut dire que le ludique  est principalement mis en avant. Le fait que ce soit une parodie du journal télévisé  en général donne au discours un mode authentifiant étant donné que l’on traite des  mêmes sujets que dans les journaux réels. Cette émission humoristique a de plus un  caractère satirique. On ne fait pas que dire les faits d’une manière neutre, à travers la  mise en scène des personnages en situation, on porte différents jugements. Il s’agit  donc bien d’un mode subjectivant au service d’une visée argumentative. Le discours  engagé des Guignols utilisant souvent un registre vulgaire cherche à dénoncer le fait  que Le Pen soit arrivé au second tour, toutefois, sans trop prononcer son nom (Le  Pen) ou le nom de son parti (Caricature de Serge July : « J’crois qu’c’est clair, la  soirée, c’est la pire de notre vie, c’est pas Chirac / Jospin au deuxième tour. »). On  insiste  avant  tout sur la  coupable  abstention  des Français (PPDA :  « Jérôme, le  chiffre des cons qui ne sont pas allés voter et qui nous mettent dans dans… dans une  merde noire, y’a pas d’autres mots. »). La critique porte aussi sur la faible validité  des   sondages   à   travers   le   portrait   satirique   de   Jérôme   Jaffrey   présenté   par   la  caricature de PPDA comme le « spécialiste des sondages foireux depuis trente ans ». 

1. 4. Fils de France, une chanson en réaction au choc Le 

Pen

C’est en étudiant la presse des jeunes que nous avons découvert la chanson de  Damien Saez intitulée Fils de France, composée et enregistrée en environ dix heures  15  Alain   Rabatel,   « L’effacement   énonciatif   dans   les   discours   rapportés   et   ses   effets 

pragmatiques », in Rabatel A. (coord.), « Effacement énonciatif et discours rapportés », Langages, N ° 156, Paris, Larousse, 2004, p. 9.

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en réaction au score de l’extrême droite. Il s’agit d’un bon exemple de circulation  des discours. Le mode d’énonciation de cette chanson est d’abord authentifiant dans  le sens où il réagit sur le vif au choc politique de la veille. Les énonciateurs sont de  plus engagés énonciativement comme le montrent ces différents marqueurs : emploi  des pronoms de la première personne « je » et « nous » ; étayage d’un champ lexical  subjectif « horreur », « peur », « honte », « tolérance » mais aussi style musical rock  alternatif marqueur  a priori  d’engagement. Dans un style qui est aussi poétique  (rimes,   répétitions),   Damien   Saez   veut   transmettre   une   émotion   grâce   à   un   ton  dramatique.   Le   compositeur   met   en   scène   plusieurs   voix   (aux   sens   musical   et  interdiscursif) qui s’opposent à l’arrivée de Le Pen au second tour (Chœurs N° 1 :  « Non, non, non, non, non… »). L’utilisation de ces chœurs a un effet démocratisant.  Ils sont une métonymie de l’ensemble des Français qui ont manifesté dès le soir du  21 avril. Ils représentent selon le compositeur la « nation » ou encore la « patrie ».  L’emploi des termes « patrie », « tyrannie », des expressions « pays des lumières »,  « nation   des   droits   de   l’homme »   ou   de   l’énoncé   « Allons   marchons   ensemble  Enfants de la patrie » accompagnés d’un roulement de tambours fait évidemment  penser au chant national composé par Rouget de Lisle, La Marseillaise. (« Allons  enfants   de   la   Patrie,   Le   jour   de   gloire   est   arrivé !   Contre   nous   de   la   tyrannie,  L’étendard sanglant est levé. […] Aux armes citoyens ! Formez vos bataillons !  Marchons, marchons. Qu’un sang impur Abreuve nos sillons […] »). L’interdiscours  est ici très fort. La chanson fait appel à un des savoirs le plus ancré dans la mémoire  collective. Cependant, le champ lexical est beaucoup moins violent, le « poing » et  les « drapeaux » remplacent les « armes ». Les « Fils de France » sont les « Enfants  de la patrie ».  Les reprises en début de chanson du discours du Professeur de faculté (« 40 %  des 18­25 ans n’ont pas voté. ») et de celui de la jeune personne interviewée dans le  reportage diffusé sur France 2 (« Vous imaginez si Le Pen est président, ce que ça  va devenir La France ? Franchement, vous imaginez ? La jeunesse comme nous ?  Y’a plus de France… ») ont un fort effet authentifiant mais aussi émotif. La reprise  en   boucle   marque   l’ampleur   de   la   catastrophe.   Précisément   ces   reprises   nous  indiquent   que   la   chanson   vise   interlocutivement   les   jeunes   qui   ont   manifesté.  Ajoutons que cette chanson est une sorte de vivier interdiscursif car on retrouve dans  les   paroles   certains   des   slogans   inscrits   sur   les   panneaux   et   les   visages   des  manifestants (Exemple : « Honte à notre pays »). La circulation des dires est de la  même   manière   très   forte.   Le   chanteur   reprend   le   proverbe   « Au   royaume   des  aveugles, les borgnes sont rois ». Ce proverbe, qui a largement circulé au lendemain  du « 21 avril », permet d’augmenter la force argumentative du propos engagé contre  Le Pen étant donné qu’il fait appel à des savoirs doxiques. De plus, cette allusion  biographique par rapport au fait que Le Pen ait perdu l’usage de son œil gauche  constitue une attaque ad hominem.  Argumentativement, tous ces éléments sémiotiques, énonciatifs et interdiscusifs  sont  au   service  d’une   visée  argumentative.  La   chanson  cherche  expressément  à  toucher l’auditeur et en particulier les jeunes. Les moyens utilisés pour y parvenir 

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sont assez caricaturaux et donnent à notre avis une image grossière de l’engagement  civique. 

1. 5. Le groupe Tryo contre l’abstentionnisme

Une autre chanson qui s’adresse prioritairement aux jeunes (et particulièrement  aux jeunes des cités : « Mais quand l’empire du pire au cœur de ta cité s’mettra à  sécher l’âme humaine au fond d’son grenier. ») s’attaque à l’abstention dans un style  musical différent. Il s’agit de la chanson « ragga » du groupe Tryo intitulée  Les 

extrêmes  qui est en réalité  sortie en 2000 mais qui a très largement  circulé  au 

lendemain  du « 21 avril  2002 » pour inciter  les citoyens à aller voter (Refrain :  « Mais les extrêmes c’est toi… C’est toi quand tu ne votes pas ! ». Bien que la  chanson ne parle directement du « 21 avril », le groupe dénonce déjà la coupable  abstention des jeunes et l’erreur de ne pas prendre le temps d’aller s’inscrire sur les  listes électorales. Le groupe Tryo reproche aux jeunes de ne s’impliquer dans l’acte  civique   qu’en   allant   manifester   et   non   en   allant   voter   (« Tu   n’imagines   pas   la  puissance que tu es ! L’histoire c’est toi, l’histoire c’est toi qui la fait ! Alors tu  descends dans la rue combattre la peste brune, toi qui n’a jamais jamais pris le  chemin vers les urnes. Il est temps de brandir ses convictions à la main, construisant  une assise pour se sentir citoyen. »). Cette chanson engagée politiquement à gauche  critique   ouvertement   la   politique   politicienne   qui   offre   un   « marché   électoral »,  l’abondance   des   sondages   et   la   surmédiatisation   de   cette   politique   spectacle  (« Bienvenue   citoyen,   voici   le   monstre   étatique,   qui   fera   ta   nation   ton   pays   sa  politique. Mon pauvre esprit de rêve te voila catapulté au milieu des sondages et du  journal télévisé. Overdose de crapules noyées dans leur ramage. Mais où se situer  dans tout ce paysage ? »). Le mode énonciatif, qui est à la fois authentifiant et  ludique (mélodie, rythme et jeux de mots), se met aussi au service d’une visée  argumentative qui incite les citoyens à voter.

2. L’utilisation du « 21 avril 2002 » au service 

d’autres discours

2. 1. Photographies de panneaux électoraux détournés

Internet a été un lieu important où les opinions se confrontées au lendemain du  « 21 avril ». Nous avons été attirée par un site qui diffuse des photographies prises  avant,   pendant   et   après   la   campagne   présidentielle   de   2002.   Précisément,   notre  attention s’est penchée sur les photographies des panneaux électoraux qui ont été  détournés   à  l’entre­deux  tours.  Il   s’agit  d’un  exemple   complexe  de  doublement  énonciatif   par   superposition.   Le   discours   principal   d’origine   est   constitué   des  affiches de campagne des hommes politiques candidats pour le second tour ainsi que  des panneaux, lieu d’affichage officiel des candidatures. Nous considérons ainsi que  ces discours sont issus de l’instance politique et s’adresse à tous les citoyens en droit  de   voter.   Les   discours  autres   utilisant   stratégiquement   ces   panneaux   et   affiches  constituent un retentissement direct. On relève trois cas de figure. Il peut s’agir  d’une transformation de l’affiche officielle comme c’est le cas dans l’exemple de la 

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figure N° 1, l’affiche peut être totalement remplacée et la transformation peut enfin  se caractériser par un ajout d’inscriptions (fig. N° 2).  Dans l’exemple du détournement de l’affiche officielle de Le Pen pour le second  tour (fig. N° 1), on a trois transformations. Une partie est arrachée, on a inscrit un  « NON » et on a dessiné sur le visage de Le Pen. La petite moustache, les lunettes  rondes et la coupe de cheveux font évidemment penser à Hitler, rapprochement qui  est très utilisé par les militants s’opposant au FN qui assimilent ce parti à un régime  fasciste.  Sur le panneau représenté en figure N° 2, on a deux types de transformations :  l’affiche est remplacée et des inscriptions ont été ajoutées. Une affiche créée par la  LCR (représentée par Olivier Besancenot) incite les Français à se mobiliser « contre  le Front national et le patronat ». On a un remplacement de l’affiche officielle légale  par   une   affiche   politique   illégale   mais   considérée   pas   les   membres   de   la   LCR  comme légitime. Les deux inscriptions ajoutées qui se juxtaposent à cette affiche  sont quant à elles issues de l’instance  civique. Dans le  premier cas, on fait  de  nouveau référence au proverbe « Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois. ».  Il s’agit donc d’un interdiscours ajouté qui se base sur une allusion : « La France est  belle et multicolore mais son seul œil ne lui permet pas de le voir. ». Dans le cas de  la   deuxième   inscription,   on   critique   le   fonctionnement   institutionnel   de   la  démocratie Française et le mode de scrutin qui est considéré comme illégitime car  permettant à un candidat considéré comme non démocratique d’arriver au second  tour : « Hitler aussi a été élu démocratiquement ». L’énonciation sujectivante se met  au service d’une visée argumentative qui assimile d’une autre manière Le Pen à  Hitler et donc le FN au fascisme. Fig. N°       1 et N°      2     : Détournements de panneaux électoraux     réservés à l’affiche de Le       Pen    Que ce soit par remplacement, par addition ou par transformation, la manière  dont est inséré le discours autre dans l’affichage officiel est au service d’une forte  visée   argumentative.   Ces   discours   autres   subordonnent   l’affiche   de   départ.   Les  énonciateurs seconds se posent donc en sur­énonciateurs. La matérialité sémiotique 

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directement dépendante des conditions d’énonciation permet enfin d’articuler une  « argumentation » et sa « contre­argumentation16 » sur un même plan visuel. 

2. 2. Chats perchés, un film à dimension argumentative

Exposons à présent le film de Chris Marker intitulé  Chats Perchés  diffusé par  Arte Vidéo et  Les Films du Jeudi  en 2004. Cette chronique poétique et politique  s’intéresse aux graffitis de l’artiste M. Chat (ou « MC ») reproduisant sur les murs et  les toits de Paris un chat  jaune  à sourire malicieux  surnommé  « Le Chat de la  liberté » (fig. N° 3). 

Fig. N°

      3     : «      Le Chat de la liberté      »  

Dans Chats Perchés, Chris Marker court après les chats entre septembre 2001 et  le   printemps   2003.   Entre   les   images   de   chats   et   celles   de   Parisiens   musiciens,  voyageurs, SDF, usagers du métro, des événements politiques ponctuent le film : on  traite   de   la   campagne   présidentielle   française   de   2002   (Texte   à   l’écran :   « Le  21 avril, catastrophe. » Image d’un chat avec un pansement à la patte. « Le chat  Boléro s’est pris la patte dans l’escalator »), du débat sur le voile islamique, de la  guerre en Irak, de la crise des intermittents du spectacle… Marker multiplie les clins  d’œil engagés dénonçant implicitement les malaises de notre société ceci à l’aide de  ce compagnon félin qui apparaît et disparaît au gré des occasions. Chats perchés est  un discours sémiotique complexe et original qui mêle tous les matériaux : la vidéo,  qui est le moyen privilégié de cette exploration ; le « morpheye », qui déforme et  ralentit légèrement l’image tout en la rendant picturale ; les intertitres en blanc sur  fond noir, par lesquels le cinéaste s’exprime. Marker aime le montage, le découpage,  le recadrage, la superposition de sons (métro), musiques (alternance piano au son  ancien   et   musiques   intrigantes),   discours   audio   (radio)   et   vidéo   (film,   discours  télévisuel). 

D’une   manière   ironique,   Chris   Marker   nous   invite   à   croire   que   le   véritable  retentissement du « 21 avril 2002 » n’est pas l’arrivée de Le Pen au second tour mais  l’entrée du « Chat de la liberté » en politique (Texte à l’écran : « Et la surprise du  second tour ne fut pas celle de Le Pen. »). Ce dernier représente à l’image une  rediffusion de la soirée électorale de TF1 où l’on montre en direct des images des  manifestations sur un grand écran au fond du plateau. On distingue sur cet écran une  pancarte du « Chat de la liberté » qui est brandie par quelqu’un. A l’écran, le texte  est le suivant : « Ainsi, le Chat lui­même choisit de faire sa rentrée. », puis : « Avait­ il   des  ambitions  politiques ? ».  Pour  illustrer   cette  interrogation,  Marker  fait  un  collage, sur un fond d’images de manifestations, d’un cercle blanc où un gros chat  rouge brandit une pancarte avec le « Chat de la liberté » (fig. N° 4). Un acronyme de  CHAT   formé   avec   les   mots   « Confédération   Humaniste   et   Anarchiste   des 

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Travailleurs » se juxtapose aux représentations des chats. Ce plan est ensuite suivi  de la deuxième interrogation suivante, qui clôt le chapitre sur le « 21 avril 2002 » :  « Ou se contentait­il d’affirmer, partout, son sourire ? ». Fig. N°       4     : Capture d’écran      : «      Avait­il des ambitions     politiques       ?     »   Difficile de qualifier le mode énonciatif de ce discours. L’énonciateur n’est pas  réellement présent. Ses dires ne sont reproduits qu’à travers du texte blanc reproduit  sur fond noir. Le cinéaste joue sur l’implicite. Il dit sans dire tout en disant. Il  s’efface afin de simplement montrer ou faire entendre. Mais il s’agit d’une vision  très personnelle de l’actualité. Les collages et superpositions d’images offrent une  analyse unique marquée par un point de vue spécifique. On peut alors dire que le  mode subjectivant est également présent. Le discours mélange de plus les modes  authentifiant   (évènements   politiques   qui   ponctuent   le   film),   fictionnel   (intrigue  autour du « Chat de la liberté » et des chats en général) et ludique  (anecdotes,  enchaînements   aléatoires   de   plans,   légèreté   du   ton   et   musiques).   Les   discours  présents   en   interdiscours   qui   traitent   des   retentissements   du   « 21 avril »   sont  principalement au service de la visée authentifiante comme dans le cas de la reprise  du discours de Jacques Chirac superposé sur des images de la foule manifestante  (Voix off de Jacques Chirac : « J’ai entendu et j’ai compris ce que les Françaises et  les Français ont dit. Dans les semaines, dans les mois, dans les années à venir j’aurai  besoin de vous pour conduire la République et pour défendre ses valeurs. Je compte  sur vous. Vive la République et vive la France ! »). Notons que ce montage donne  une nouvelle interprétation. C’est comme si les manifestants acclamaient Chirac,  cependant, d’après nous, ce rapprochement doit aussi être interprété en tant que  visée ironique.

La   manière   de   rapporter   ces   discours   a   dans   ce   film   une   simple   dimension  argumentative. L’objectif premier de Marker n’est pas de chercher à convaincre son  public. Sur l’ensemble du film, on peut bien entendu percevoir un engagement, un  engagement implicite au service d’une dimension argumentative.

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2. 3. Le « 21 avril » comme effet de réel au service de 

l’autofiction

Enfin, présentons la référence interdiscursive au « 21 avril 2002 » utilisée pour  donner des effets de réel à l’autofiction. L’autofiction est un récit d’évènements de  la  vie de  l’auteur  sous une forme  plus ou moins romancée.  La bande  dessinée  autofictionnelle de Manu Larcenet intitulée Le Combat ordinaire a recours dans son  récit au choc de l’arrivée de Le Pen au second tour à travers les dires du journaliste  diffusés à la télévision. Larcenet met en scène Manu, le héros, accompagné de son  amie, Emilie. Ils regardent la soirée électorale du 21 avril au soir. Le discours du  journaliste, qui est mis en scène, accentue l’effet de réel, effet caractéristique de  l’autofiction (Journaliste : « … les résultats sont à présent définitifs et confirment  l’information que nous vous avions donnée tout à l’heure. Le second tour opposera  Jacques Chirac à Jean­Marie Le Pen. »). Fig. N°

      5     : Le Choc du «      21 avril      » au service de l’autofiction   

Il   y   a   ici   une   tension   entre   l’authentifiant   et   le   fictionnel   au   service   d’un  dimension argumentative. L’interdiscours est un moyen d’authentifier une réalité  faisant partie de la mémoire collective même si le lecteur sait qu’il s’agit d’une  fiction.   Cette   contextualisation   ne   fait   pas   qu’invoquer   une   réalité,   elle   permet  d’avoir un impact sur le lecteur. Le fait de parler du second tour des élections de  2002 augmente la crédibilité de l’ambiance narrative. Le graphisme ludique du mal  être accompagnant par ailleurs ce moment (yeux en fond blanc, larmes de sueur)  montre que l’auteur prend en charge un positionnement argumentatif contre le FN en  adéquation avec celui défendu par son personnage principal. Cependant, ceci est  implicite,   c’est  pourquoi   on  ne  peut  parler  que   de  dimension   argumentative  du  discours.   L’auteur   se   cache   derrière   son   personnage   Marco   qui,   même   s’il   lui  ressemble beaucoup, n’est que fiction.  Le discours est donc lui aussi largement  objectivant.

Conclusion

Au   terme   de   cette   analyse,   on   voit   à   travers   ces   différents   discours   que   les  retentissements du « 21 avril 2002 » ont été traités d’une manière très variée. Le  choc est présent dans tous les discours. La plupart d’entre eux se caractérisent par un  rejet   de   l’extrême   droite.   Proportionnellement,   peu   de   discours   parlent   de   la  coupable abstention des Français (Les Guignols  et Tryo). Les manifestations de 

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l’entre­deux tours sont quant à elles très présentes (journal télévisé, chanson de  Saez, détournement des panneaux,  Chats perchés) et il s’agit surtout d’appeler à  voter Chirac et non à voter tout court. Enfin, les seuls à parler du problème des  sondages et de la défaite de Jospin sont Les Guignols. On remarque ensuite que l’interdiscours est utilisé d’une manière très différente  selon la matérialité sémiotique du discours et ses modes énonciatifs qui lui sont très  liés : il peut permettre de donner au discours principal un fort effet d’objectivité  (journal   télévisé,  Chats   perchés,   BD   autofictionnelle)   mais   il   peut   au   contraire  donner   de   la   subjectivité   au   discours   premier   en   faisant   appel   à   la   mémoire  collective et aux affects (chansons de Saez et de Tryo, détournements des panneaux  électoraux). 

La   gradualité   entre   objectivation   et   subjectivation   que   l’on   peut   observer   au  niveau du mode d’énonciation peut enfin se comparer avec la gradualité des discours  au  niveau  argumentatif.   Il  semble  qu’un  discours objectivant   ait  une  dimension  argumentative (c’est­à­dire qui ne cherche pas expressément à convaincre) et qu’un  discours   subjectivant   ait   une   visée   argumentative   (l’intention   première   est   de  convaincre). L’hypothèse sera cependant à vérifier au court des prochaines analyses. 

Crédits des illustrations

© L’Actu, (1998 ­ /), Play Bac Presse.  © Les Clés de l’actualité, (1992/2009), Milan Presse. © Les Dossiers de l’actualité, (1998 ­ /), Bayard Presse. © Phosphore, (1981 ­ /), Bayard Presse. 

©  Journal  télévisé   « Le  20  heures », diffusé  sur France  2,  le  22 avril   2002,  « Mobilisation anti­Le Pen », téléchargé sur le site de l’INA. Durée : 2 :19. 

©  Les   Guignols   de   l’info,   le   21 avril   2002,   DVD   2001­2002   Canal   +   /  Studiocanal vidéo. 

© Fils de France, chanson composée par Damien Saez le 22 avril 2002. Durée :  03 : 55.

©  Les extrêmes, chanson du groupe Tryo. Album  Faut q’ils s’activent  sorti en  2000. 

© Affichage électoral & Graffitis ­ Présidentielles 2002 ­ 2ème tour ­ Prises de vue 

du 22 Avril au 5 Mai 2001 ­ Paris. 300 photographies (de Pascal Labrouillère &  Chloé Glotin) des panneaux officiels d’affichages électoraux disposés devant les  écoles réalisées à Paris entre le 15 Avril & le 5 Mai 2002 consultables à l’adresse :  http://www.network­error.com/project/presidentielles2002/. © Chats perchés, film de Chris Marker, Arte Vidéo, Les Films du Jeudi, 2004.  Durée : 85 :00. © Le Combat ordinaire de Manu Larcenet, tome 1, Dargaud, 2003.

Bibliographie récapitulative

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Figure

figure N° 1, l’affiche peut être totalement remplacée et la transformation peut enfin  se caractériser par un ajout d’inscriptions (fig. N° 2).  Dans l’exemple du détournement de l’affiche officielle de Le Pen pour le second  tour (fig. N° 1), on a trois t

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