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La nature juridique de l'Accord SPS, la sécurité alimentaire et la sécurité juridique : lutte ou compromis?

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Texte intégral

(1)

La nature juridique de l’Accord SPS, la sécurité

alimentaire et la sécurité juridique : lutte ou

compromis?

Thèse

Lilian Balderas Morales

Doctorat en Droit

Docteur en Droit (LL.D.)

Québec, Canada

(2)
(3)

iii

Résumé

L’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (Accord SPS) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a été créé pour remplacer partiellement la norme exceptive qui est présente dans l’article XX b) du GATT, ce qui a été perçu par les Membres comme le dénouement de la recherche d’équilibre entre le commerce international et la sécurité alimentaire. Or, l’effet le plus évident de cette substitution partielle a été la naissance d’un double régime pour le traitement des mesures relatives à la vie et la santé des personnes et des animaux et à la conservation des végétaux (mesures SPS au sens large). L’apparition du double régime s’explique par la portée de l’Accord SPS qui est moins étendue que celle de l’article XX b) du GATT, en conséquence de quoi, cet Accord ne gère qu’une partie des mesures qui ont été considérées dans l’article XX b) (mesures SPS au sens strict). De ce fait, l’article XX b) du GATT, loin d’être devenu obsolète, est toujours en vigueur et fait l’objet d’interprétations jurisprudentielles de grande transcendance. Les deux systèmes en place, qui fonctionnent parallèlement, comportent des dissemblances de fond très importantes. En conséquence, les instruments juridiques faisant partie de ce double régime tendent à s’éloigner l’un de l’autre, car la plus importante de leurs différences est leur nature même. Ceci nous amène à croire que les mesures SPS liées à l’Accord SPS représentent la lutte entre deux valeurs –la sécurité alimentaire et la liberté commerciale; tandis que les mesures qui demeurent des exceptions constituent un exemple de bonne entente et, enfin, de conciliation. Ainsi, dans le but de vérifier l’existence de ce double régime et d’évaluer ses apports, le travail se divise en trois parties. La première sert à identifier la place qu’occupe l’Accord SPS à l’OMC, un bilan historico-juridique sur la création de l’Accord SPS sera fait. Ensuite, la deuxième partie du travail présentera les apports dudit accord au système juridique de l’OMC. Enfin, la troisième partie vise à vérifier les conséquences juridiques des nouveautés introduites par l’Accord SPS. Cette analyse nous renseignera sur la nature et sur les effets de l’Accord SPS. Mais surtout, elle mettra en exergue les points qui peuvent être améliorés pour rendre à cet accord sa nature exceptive et sa qualité d’outil servant à la conciliation entre la libéralisation commerciale et la sécurité alimentaire, lesquelles devraient être ses caractéristiques distinctives.

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iv

Abstract

The Agreement on the Application of Sanitary and Phytosanitary Measures (SPS Agreement) of the World Trade Organization (WTO) was created to partially replace the exceptive rule which is present in the Article XX b) of the GATT, which was perceived by the Members as the outcome of the search for a balance between trade and food safety. However, the most obvious effect of this partial substitution was the creation of a dual system for the treatment of measures relating to the life and health of human and animals, and plant conservation. This is explained by the scope of the SPS Agreement, which is narrower than that of Article XX b) of the GATT, hence, this agreement does not handle all SPS measures that were in the jurisdiction of Article XX b) of the GATT. Therefore, Article XX b) of the GATT, far from being obsolete, is still in force and is subject to judicial interpretations of great transcendence. The two existing systems, which operate in parallel, present fundamental dissimilarities. Consequently, the legal instruments parts of this dual regime tend to move away from each other, as the most important of their differences is their nature itself. This leads us to believe that SPS measures related to the SPS Agreement represents the struggle of two values -the food safety and free trade; whereas the measures which remain exceptions are an example of good understanding and a genuine conciliation effort. Thus, in order to verify the existence of the dual scheme and to assess its contributions, the work is divided into three parts. The first is used to identify the place that the SPS Agreement occupies in the WTO, a historical-legal report on the creation of the SPS Agreement will be done. Then, the second part of the work presents the contributions of the agreement to the legal system of the WTO. Finally, the third part is to find the legal consequences of the innovations introduced by the SPS Agreement. This analysis will tell us about the nature and effects of the SPS Agreement. But above all, it will highlight the elements that can be improved to give to this agreement what should be its distinguishing characteristics: its nature of exceptional agreement and its capacity to facilitate reconciling trade liberalization and food security.

(5)

v

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières ... v

Liste de tableaux ... x

Liste de figures ... xi

Remerciements ... xxvii

Introduction ... 1

Première partie. L’Accord SPS : Une nouvelle place pour les questions non commerciales au sein de l’OMC ... 12

Premier chapitre : La création de l’Accord SPS ... 14

1.1 L’historique de l’Accord SPS ... 15

1.1.1 Le traitement des mesures SPS sous le régime du GATT : l’article XX b) du GATT 17 1.1.1.1 L’ordre d’analyse de l’article XX b) du GATT ... 20

1.1.1.2. L’alinéa b) et le critère de « nécessité »... 22

1.1.1.3 Le paragraphe introductif de l’article XX b) du GATT : le dernier filtre ... 24

1.1.2 Les négociations et la naissance de l’Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires ... 27

1.2 La fonction de l’Accord SPS : son champ d’application à l’origine de la transformation de la relation entre les valeurs non marchandes et la libéralisation commerciale ... 33

1.2.1 Les valeurs non marchandes dans l’approche de l’OMC. ... 35

1.2.1.1La multifonctionnalité de l’agriculture ... 37

1.2.1.2La sécurité alimentaire ... 39

1.2.2 L’annexe A de l’Accord SPS : une nouvelle approche des mesures SPS ... 42

1.3 Conclusion du premier chapitre de la première partie ... 43

Deuxième chapitre : Le traitement des mesures SPS dans le cadre de l’OMC ... 45

2.1 Les liens entre l’article XX b) du GATT et l’Accord SPS ... 46

2.1.1 Le concept de « nécessité » ... 47

2.1.1.1 Le test de nécessité dans l’article XX du GATT ... 49

(6)

vi

2.1.1.1.2 La nécessité et les mesures de rechange ... 55

Schéma du test de nécessité à partir des apports de l’affaire Brésil – Pneus rechapés ... 60

2.1.1.2 La notion de « nécessité » dans l’Accord SPS ... 61

2.1.2 Les clauses de non-discrimination ... 67

2.1.2.1 Le paragraphe introductif de l’article XX du GATT ... 68

2.1.2.1.1 « …discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent… » ... 68

2.1.2.1.2 « …restriction déguisée au commerce international… » ... 76

2.1.2.2 Les clauses de non-discrimination dans l’Accord SPS ... 77

2.1.2.2.1 L’article 2 :3 ... 79

2.1.2.2.2 L’article 5 :5 ... 80

2.1.2.3 La jurisprudence et les clauses de non-discrimination dans le contexte de l’Accord SPS ... 85

2.1.2.3.1 Les clauses de non-discrimination dans l’Affaire Bœuf aux hormones 85 2.1.2.3.2 Les clauses de non-discrimination dans l’affaire Australie – Saumons 90 2.2 L’Accord SPS et les autres accords spécifiques : l’exemple de l’Accord OTC ... 93

2.2.1 Les similitudes entre l’Accord OTC et l’Accord SPS ... 93

2.2.2 Les chemins différents de deux accords spécifiques ... 96

2.3 Conclusion du deuxième chapitre de la première partie ... 101

Conclusion de la première partie ... 103

Deuxième partie : Les apports de l’Accord SPS au cadre juridique de l’OMC ... 106

Premier chapitre : La création d’une nouvelle catégorie de mesures SPS : Une démonstration jurisprudentielle ... 108

1.1 Le champ d’application de l’Accord SPS à l’origine de l’existence de deux catégories différentes de mesures SPS : les antécédents ... 108

1.1.1 La division du concept de « mesure sanitaire et phytosanitaire » ... 110

1.1.2 Bœuf aux hormones et CE – Amiante : deux voies juridiques différentes pour le même souci sanitaire ... 114

1.1.1.1 CE – Amiante ... 115

(7)

vii 1.2 L’évidence jurisprudentielle de la création de deux catégories de mesures SPS par l’action limitative du champ d’application de l’Accord SPS : les affaires Bœuf aux hormones

et CE – Amiante ... 119

1.2.1 Le traitement des plaintes par les Groupes spéciaux : deux instruments juridiques différents pour le même souci sanitaire ... 120

1.2.1.1 Deux mesures SPS : Bœuf aux hormones et CE – Amiante ... 121

1.2.1.1.1 Des mesures qui vont à l’encontre des obligations acquises à la lumière du GATT 122 1.2.1.1.2 Des mesures qui poursuivent un objectif en particulier ... 131

1.2.1.2 Prouvant la nécessité des deux mesures SPS ... 141

1.2.1.2.1 Processus de soupesage ... 142

1.2.1.2.2 Les mesures de rechange ... 145

1.2.1.2.3 Conclusion sur la nécessité de la mesure ... 149

1.2.1.3 Appliquant les mesures de non-discrimination aux mesures SPS ... 149

1.2.1.3.1 Discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent ... 150

1.2.1.3.2 Restriction déguisée au commerce international ... 152

1.2.1.4 Conclusion sur la nécessité de la mesure ... 155

1.3 Conclusions du premier chapitre de la deuxième partie ... 157

Deuxième chapitre : L’établissement de la science en tant que nouveau standard juridique ... 168

2.1 Le rôle traditionnel de la science comme auxiliaire du Droit ... 171

2.1.1 Les premiers différends à teneur scientifique : une approche cauteleuse de la preuve scientifique ... 172

2.1.2 Les affaires CE – Amiante et Brésil – Pneus : l’importance de la science en tant qu’auxiliaire du Droit ... 174

2.2 Le rôle atypique : la science dans le contexte de l’Accord SPS ... 179

2.2.1 Le modèle pour le nouveau rôle de la science : le standard juridique ... 181

2.2.2 Le standard juridique, la science et le Droit de l’OMC ... 184

2.2.3 La science et sa transformation manquée en standard juridique ... 186

2.3 Conclusion du deuxième chapitre de la deuxième partie ... 193

Conclusion de la deuxième partie ... 196

Troisième partie : Les conséquences de l’intégration de l’Accord SPS au cadre juridique de l’OMC ... 199

(8)

viii Premier chapitre : Les limitations du champ d’application de l’Accord SPS à l’origine de la

création d’un double régime pour le traitement des mesures SPS ... 201

1.1 Illustration jurisprudentielle de l’existence d’un double régime pour le traitement des mesures SPS dans le cadre juridique de l’OMC : les affaires Brésil – Pneus rechapés et États-Unis – Volailles ... 202

1.2 Analyse comparative jurisprudentielle : L’analyse de l’article XX b) du GATT à l’aide de l’Accord SPS ... 209

1.2.1 La mesure relative à l’article XX b) sous les critères de l’Accord SPS ... 210

1.2.1.1 Détection d’un risque concernant l’alinéa b) ... 213

1.2.1.2 Évaluation de l’objectif de la mesure ... 215

1.2.2. La nécessité de la mesure relative à l’article XX b) du GATT sous les critères de l’Accord SPS ... 216

1.2.2.1 Processus de soupesage ... 217

1.2.2.1.1 Importance des intérêts représentés par la mesure ... 217

1.2.2.1.2 Incidence restrictive de la mesure sur le commerce international ... 218

1.2.2.1.3 Contribution de la mesure à la réalisation de l’objectif ... 220

1.2.2.2 Mesures de rechange raisonnablement disponibles et moins restrictives envers le commerce international ... 221

1.2.3 La conformité de la mesure avec les dispositions du paragraphe introductif de l’article XX du GATT sous les critères de l’Accord SPS ... 222

1.2.3.1 Discrimination arbitraire ou injustifiable ... 223

1.2.3.2 Restriction déguisée au commerce ... 225

1.2.4 Conclusion de l’analyse comparative jurisprudentielle ... 227

1.3 Conclusion du premier chapitre de la troisième partie ... 229

Deuxième chapitre : La limitation indue dans la création et l’application de mesures SPS par l’adoption de la science en tant que standard juridique ... 232

2.1 L’évaluation des risques et l’hégémonie juridique de la science ... 233

2.1.1 L’évaluation des risques en tant qu’élément de la juridicité de la science dans l’Accord SPS ... 238

2.1.2 L’article 5:7 : la preuve scientifique et l’approche de précaution ... 245

2.2 Le renversement du fardeau de la preuve dans le processus de justification des mesures SPS ... 255

2.2.1 Le fardeau de la preuve à l’OMC en général ... 255

(9)

ix 2.2.1.2 L’approche dans l’attribution du fardeau de la preuve : le cas des exceptions

... 261

2.2.2 Le fardeau de la preuve et l’Accord SPS ... 266

2.2.2.1 Le fardeau de la preuve dans la jurisprudence relative à l’Accord SPS ... 268

2.2.2.2 Le critère d’examen et l’Accord SPS ... 276

2.3 Le critère d’examen et la transformation des mesures SPS : l’évolution d’exception à règle ... 280

2.4 Conclusion du deuxième chapitre de la troisième partie ... 284

Conclusion de la troisième partie ... 287

Conclusion générale ... 290

(10)

x

Liste de tableaux

Tableau 1 : Questions à trancher de l'affaire Bœuf aux hormones ... 160

Tableau 2 : Éléments de procédure de l'affaire Bœuf aux hormones ... 161

Tableau 3 : Questions à trancher de l'affaire Australie - Saumons ... 163

Tableau 4 : Éléments de procédure de l'affaire Australie - Saumons ... 164

Tableau 5 : Questions à trancher de l'affaire Japon - Pommes ... 165

Tableau 6 : Éléments de procédure de l'affaire Japon - Pommes... 167

Tableau 7: Schéma comparatif Accord SPS – Article XX du GATT ... 228

(11)

xi

Liste de figures

(12)
(13)

xiii One must live, […] one must love, one must believe. Léon Tolstoï. « War and peace ».

(14)
(15)

xv À mes enfants, Constance et Antoine, qui ont rempli ma vie de leur amour, de leur joie de vivre et de leur sagesse d’enfant.

(16)
(17)

xvii À mon époux, Charles Cyr, qui m’aime et que j’aime, jour après jour j’aime jour après jour

j’aime « …Que no se acabe nunca la madeja

del te quiero, me quieres, siempre ardida con decrépito sol y luna vieja… »

(18)
(19)

xix À ma mère, Elvia Morales Rubio, dont la confiance et l’amour m’ont toujours soutenu.

(20)
(21)

xxi À la douce mémoire de mon grand-père, Joaquín Rubio Méndez.

(22)
(23)

xxiii Le droit, c’est le juste et le vrai. Le propre du droit, c’est de rester éternellement beau et pur. Le fait, même le plus nécessaire en apparence, même le mieux accepté des contemporains, s’il n’existe que comme fait et s’il ne contient que trop peu de droit ou point du tout de droit, est destiné infailliblement à devenir, avec la durée du temps, difforme, immonde, peut-être même monstrueux…

(24)
(25)

xxv …un Membre pourrait avoir de grandes difficultés à convaincre le législateur de la nécessité de promulguer deux fois la même prescription, que ce soit dans des lois différentes ou dans des dispositions séparées de la même loi. Par ailleurs, opter pour cette solution risque d'aller à l'encontre des objectifs et prescriptions fondamentaux de nombreux Membres. Il est évident que l'objectif premier de la législation est de communiquer des instructions à ceux qu'elle touche d'une manière qui soit claire et facilement compréhensible et qui réduise les incertitudes. En promulguant deux fois la même prescription, dans des lois différentes ou dans des dispositions séparées de la même loi, un Membre nuirait sans doute à la clarté et risquerait de créer la confusion et l'incertitude parmi ceux qui sont touchés par la législation. Si la même prescription était promulguée deux fois dans des lois différentes, cela aurait aussi pour effet de fragmenter davantage l'ordre juridique interne. […] choisir de promulguer deux fois la prescription en cause et risquer ainsi de devoir agir d'une manière incompatible avec des objectifs législatifs rationnels…

OMC. Communautés européennes — Mesures affectant l’approbation et la

commercialisation des produits biotechnologiques (Plainte des États-Unis). Rapports

(26)
(27)

xxvii

Remerciements

Je voudrais remercier tout d’abord, mon directeur M. Richard Ouellet. J’apprécie beaucoup ses profondes connaissances et son ouverture d’esprit qui se sont traduites dans des conversations riches et stimulantes. Je n’oublierai jamais que son enthousiasme et sa grande générosité dans l’enseignement m’ont inspiré et m’ont poussé à m’intéresser au Droit international économique. Je suis particulièrement reconnaissante envers Mme Véronique Guèvremont pour sa précieuse collaboration et l’influence qu’elle a eue sur mon travail.

Je n’aurais jamais pu arriver à la fin de mon doctorat sans la confiance, l’amour et l’aide que j’ai toujours reçus de ma famille. Merci à mes enfants : Constance et Antoine; à Charles, mon époux et à Elvia, ma mère. Vous êtes les grands amours de ma vie.

Je remercie mes amis d’avoir toujours été là pour moi, en me démontrant ainsi que l’amitié est aussi de l’amour : Laura Paloma Somohano Suárez, Sara Deck, Juan Manuel Figueroa Pacheco, Alexandre Delisle et Jorge Erwin Fromow Guerra. Je suis fière de la place que j’occupe dans vos vies, soyez certains que je vous porte dans mon cœur.

(28)
(29)

1

Introduction

En fait de commerce, encouragement ne signifie pas protection. La vraie politique d’un pays doit tendre à l’affranchir de tout tribut envers l’étranger, mais sans le secours honteux des douanes et des prohibitions

Honoré de Balzac. « Le Médecin de campagne »

Lors de la création de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (ci-après GATT, Accord général), la composition d’une législation commerciale internationale supposait de nombreux enjeux. Certes, il s’agissait d’établir des règles visant une libéralisation commerciale à grande échelle. Cependant, pour y arriver, il fallait prendre en considération l’ampleur des effets que le commerce a toujours eus sur les États, sur l’économie et, en général, sur l’ensemble de la société. Ainsi est né le souci de la conciliation entre le commerce et les sujets non commerciaux (valeurs non marchandes) qui persiste de nos jours.

Le résultat de cette considération est la rédaction de l’article XX de l’Accord général. Il est connu de tous que l’article XX contient les exceptions générales pour l’application des principes prônés par l’Accord général. Il s’agit d’une liste de sujets des plus variés qui représentent, chacun à son tour, une question non commerciale constituant une valeur qui doit être priorisée par rapport à la libéralisation commerciale (valeur non marchande).

Évidemment, l’insertion d’un régime exceptif, loin d’affaiblir un système juridique, est tout à fait souhaitable, car l’exception sert de lien entre l’idéal juridique, parfait et inatteignable, et le monde réel issu de la conduite souvent imprévisible de l’être humain1. Ceci est confirmé par l’efficacité démontrée par le fonctionnement de l’article XX pendant l’époque de l’hégémonie du GATT. Effectivement, l’apparition d’une certaine quantité de litiges entre les signataires a mis à l'épreuve l’utilité des exceptions générales et a mis en marche le processus d’interprétation et d’application de cet article2.

1

KELSEN, Hans. Théorie générale du droit et de l’État, suivi de la doctrine du droit naturel et le positivisme

juridique. Bruxelles, Bruylant, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1997. [KELSEN, Théorie générale du droit et de l’État…]

2 Par exemple : États-Unis – Importations de certains assemblages de ressorts pour automobiles (1982),

États-Unis – Interdiction des importations de thon et de produits de thon en provenance du Canada (1981), États-Unis – Boissons alcooliques (1992), Canada – Administration de la loi sur l’examen de l’investissement étranger (1983), Japon – Restriction à l’importation de certains produits agricoles (1987), Canada – Mesures affectant l’exportation de harengs et de saumons non préparés (1987), États-Unis – L’article 337 de la loi douanière de 1930 (1989), entre autres.

(30)

2 Dans la panoplie d’intérêts juridiques présentée par l’article XX, le paragraphe introductif et l'alinéa b) retiennent notre attention :

Sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international, rien dans le présent Accord ne sera interprété comme empêchant l’adoption ou l’application par toute partie contractante des mesures […] b) nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux…3

Il est clair que cet alinéa a comme mission de trancher tout conflit issu de la relation naturelle entre le commerce et la vie et la santé des personnes et la préservation des végétaux. Cette disposition servait à elle seule à la réalisation de son but pendant toute l’époque du GATT4.

L’apparition de l’affaire Bœuf aux hormones en 1982 allait changer le paysage. Pour expliquer l’affaire de manière sommaire, nous dirions que le problème a commencé par l’imposition de la part des Communautés européennes d’une interdiction à l’importation de viande dont le bétail d’origine avait été traité avec des produits hormonaux servant à stimuler la croissance. La raison invoquée par les Communautés européennes pour l’imposition d’une telle mesure était la dangerosité qu’entraînait la consommation de viande comportant des résidus des produits hormonaux. Les États-Unis et le Canada ont porté plainte alléguant l’innocuité des produits, car ils étaient administrés au bétail en suivant les bonnes pratiques vétérinaires. Le conflit a été long et il s’est prolongé jusqu’à l’époque où les négociations du Cycle d’Uruguay ont été lancées (1986). En fait, il était à craindre que ce litige qui confrontait deux grandes puissances, comme l’étaient les États-Unis et les Communautés européennes, nuise aux négociations qui, plus tard, ont abouti à la création de l’OMC. Il était impératif de prendre des mesures sérieuses : l’article XX b) a été tout simplement ignoré et la création d’un nouvel instrument juridique s’est entamée. Les négociateurs voulaient un accord capable de cerner le problème et, surtout, d’apaiser les parties impliquées dans le conflit en leur assurant la résolution de ce litige pour que les négociations du Cycle d’Uruguay puissent

3

Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce. 30 octobre, 1947. En ligne :

https://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/gatt47_01_f.htm

4 Notamment : GATT, Recours de l’Uruguay à l’article XXIII (1962). En ligne : https://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/62resmeb.pdf , GATT, Thaïlande – Cigarettes (1990). En ligne :

https://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/90cigart.pdf , GATT, Application des directives de la CEE faite

par le Royaume-Uni aux importations de volaille en provenance des États-Unis (1981). En ligne :

https://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/80poultr.pdf , GATT, Japon – Droits de douane, fiscalité et

pratiques en matière d’étiquetage concernant les vins et les boissons alcooliques importés (1987). En ligne :

(31)

3 continuer. D’ailleurs, il ne faut pas oublier que l’ouverture des marchés agricoles était en préparation et que les négociations pertinentes ont été considérées opportunes dans ce contexte5. Telles étaient les circonstances de la naissance de l’Accord sur les mesures sanitaires et

phytosanitaires. L’Accord est entré en vigueur le 1er janvier 1995. Ainsi, étant donné ses vastes conséquences juridiques, Bœuf aux hormones est devenu le conflit sanitaire le plus important qui ait vu le jour dans le cadre juridique de la libéralisation des échanges.

La création d’un accord qui aide à concilier la liberté commerciale et la santé ne semblait que naturelle dans l’esprit qui prêchait l’ouverture des marchés agricoles6. D’ailleurs, l’intérêt d’élargir la portée de l’influence de l’OMC n’a fait qu’augmenter grâce à la relative efficacité du système de règlement de différends de l’Organisation. Dans cet ordre d’idées, nous estimons que l’Accord SPS a signifié pour plusieurs des Membres le dénouement de la recherche d’équilibre entre le commerce international et une valeur non marchande très prisée : la sécurité alimentaire (ici au sens de food

safety) 7.

Le préambule de l’Accord SPS énonce l’existence de liens très intimes avec l’article XX b). D’abord, dans son premier paragraphe, il fait une reprise totale du texte de l’article XX b) du GATT. Ensuite, le dernier paragraphe du préambule met en exergue l’intention des négociateurs « d’élaborer des règles pour l’application des dispositions du GATT de 1994 qui se

rapportent à l’utilisation des mesures sanitaires ou phytosanitaires, en particulier les dispositions de l’article XX b) »8. Or, cet Accord a limité sa propre portée en spécifiant dans son Annexe A (1) ce qu’il faut comprendre, dorénavant, par « mesures nécessaires à la protection de la santé et de la

vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux » (mesures SPS, dans sa forme

5 OUELLET, Richard. Le rôle de la science dans l’Accord sur l’application de mesures sanitaires et

phytosanitaires de l’OMC. Thèse de doctorat en droit. Université Laval, Québec, 2002. [OUELLET]

6 La conciliation entre le commerce et la santé a été aussi le fondement de la création de l’Accord OTC dont

nous parlerons plus tard.

7

La food safety fait partie du concept « sécurité alimentaire ». Seulement, food safety est la partie de la sécurité alimentaire qui fait référence à la consommation sécuritaire d’un aliment donné, ainsi qu’à sa qualité. Ces éléments sont devenus des enjeux pour la sécurité alimentaire surtout à cause de la création de nouvelles technologies se rapportant aux méthodes de production. Cependant, l’ouverture des marchés agricoles a provoqué l’apparition d’autres inquiétudes liées à la food safety comme la propagation d’épidémies et de maladies exotiques affectant les animaux et les végétaux. BALDERAS MORALES, Lilián. « La sécurité alimentaire et la sécurité mondiale » (2009) 39. Sécurité Mondiale. Programme de Paix et Sécurité Internationales. Université Laval. Institut québécois des hautes études internationales.

8 GATT, Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires. 15 avril 1994. Préambule.

(32)

4 abrégée ou stricte)9. À la lecture de cette annexe, il est remarquable que cette description est loin d’épuiser le sens de « mesure SPS», au moins dans son sens large (c’est-à-dire le sens donné par l’article XX b) du GATT). Donc, il est juste de se demander ce qui devrait arriver avec le reste des mesures qui, au moins sémantiquement, doivent être considérées comme étant des mesures SPS, mais qui n’ont pas été mentionnées dans la description de l’Annexe A 1). Ainsi, nous avons réalisé que l’Accord SPS n’est pas tout à fait une panacée et que l’article XX b) du GATT doit rester en vigueur pour gérer le reste des mesures SPS (au sens large). De cette manière, l’Accord SPS a créé la division du concept de « mesures SPS » au moment où il a pris seulement une partie de toute la charge de l’article XX b) du GATT.

Le phénomène que nous avons brièvement décrit dans les paragraphes précédents nous a menés à observer l’existence d’un double régime pour le traitement des mesures sanitaires et phytosanitaires au sens large. Un exemple très clair est constitué par la résolution des affaires Communautés

européennes – Amiante10 et Bœuf aux hormones11. Le sujet des deux différends est commun : l’interdiction de l’importation d’agents cancérogènes plus ou moins réputés.

9 « Mesure sanitaire ou phytosanitaire — Toute mesure appliquée:

a) pour protéger, sur le territoire du Membre, la santé et la vie des animaux ou préserver les végétaux des risques découlant de l’entrée, de l’établissement ou de la dissémination de parasites, maladies, organismes porteurs de maladies ou organismes pathogènes;

b) pour protéger, sur le territoire du Membre, la santé et la vie des personnes et des animaux des risques découlant des additifs, contaminants, toxines ou organismes pathogènes présents dans les produits alimentaires, les boissons ou les aliments pour animaux;

c) pour protéger, sur le territoire du Membre, la santé et la vie des personnes des risques découlant de maladies véhiculées par des animaux, des plantes ou leurs produits, ou de l’entrée, de l’établissement ou de la dissémination de parasites; ou

d) pour empêcher ou limiter, sur le territoire du Membre, d’autres dommages découlant de l’entrée, de l’établissement ou de la dissémination de parasites.

Les mesures sanitaires ou phytosanitaires comprennent toutes lois, tous décrets, toutes réglementations, toutes prescriptions et toutes procédures pertinents, y compris, entre autres choses, les critères relatifs au produit final; les procédés et méthodes de production; les procédures d’essai, d’inspection, de certification et d’homologation; les régimes de quarantaine, y compris les prescriptions pertinentes liées au transport d’animaux ou de végétaux ou aux matières nécessaires à leur survie pendant le transport; les dispositions relatives aux méthodes statistiques, procédures d’échantillonnage et méthodes d’évaluation des risques pertinentes; et les prescriptions en matière d’emballage et d’étiquetage directement liées à l’innocuité des produits alimentaires ». Ibid. Annexe A (1).

10 OMC. Communautés européennes – Mesures affectant l'amiante et les produits en contenant (Plainte du

Canada). Septembre 18, 2000. OMC Doc. WT/DS135/R. Rapport du Groupe spécial. En ligne :

https://docs.wto.org/dol2fe/Pages/FE_Search/FE_S_S006.aspx?Query=(@Symbol=%20wt/ds135/r*%20not% 20rw*)&Language=FRENCH&Context=FomerScriptedSearch&languageUIChanged=true#

11 OMC. Communautés Européennes – Mesures concernant les viandes et les produits carnés (hormones)

(33)

5 Nous présentons un exemple des arguments de défense des Communautés européennes dans le cas

CE – Amiante :

Les Communautés européennes allèguent que, comme indiqué dans leurs arguments factuels, les fibres d’amiante ainsi que les produits en contenant présentent, du fait de leurs caractéristiques uniques, un danger avéré pour la santé des personnes. Par ailleurs, les risques liés à l’utilisation de ces fibres et produits sont reconnus, tant par les organisations internationales compétentes que par les études scientifiques, en particulier celle de l’INSERM, qui a servi de base au Décret. Le Décret vise à stopper (sic) la diffusion de ce risque et ainsi à réduire le nombre de décès parmi la population française. La mesure prise est la seule qui permettait de stopper (sic) efficacement la diffusion des risques liés aux expositions à l’amiante. Elle entre, par conséquent, dans la catégorie des mesures dont les objectifs sont décrits à l’article XX b) […] En France, les utilisateurs secondaires de l’amiante représentent des millions de personnes. Plusieurs centaines de milliers d’utilisateurs quotidiens et plusieurs millions d’utilisateurs occasionnels se trouvent ainsi en contact avec un produit classé dès 1977 par l’OMS comme un cancérogène avéré pour l’homme (catégorie I) et pour lequel le rapport de l’OMS de 1998 reconnaît qu’il n’existe pas de seuil d’innocuité.12

Nous pouvons le comparer avec les arguments de défense des Communautés européennes lors de l’affaire Bœuf aux hormones :

Les Communautés européennes partageaient l’avis des États-Unis selon lequel il était plus approprié de considérer les mesures contestées comme relevant de l’Accord SPS […] Les Communautés européennes ont noté que les risques de cancérogenèse de ces hormones étaient bien connus. Par exemple, dans le Rapport du Symposium de 1983 de l’OIE, un scientifique avait conclu que, « bien qu’il soit improbable que les petites quantités de stéroïdes anabolisants consommables avec les denrées animales puissent [provoquer le cancer] ..., on ne [pouvait] pas ignorer complètement cette possibilité ».

13

Les similitudes entre les deux litiges sont évidentes. Elles corroborent notre théorie sur l’existence des deux régimes pour la gestion des mesures SPS.

Notre travail cherche ainsi à vérifier si l’Accord SPS est, effectivement, à l’origine d’un régime qui comporte deux systèmes qui fonctionnent de manière parallèle : le premier étant une exception juridique où les mesures SPS sont étrangères au contexte de l’OMC. Dans ce système, la cohabitation des mesures SPS et du cadre juridique de l’OMC peut être justifiable à condition que la

Groupe spécial] En ligne :

https://docs.wto.org/dol2fe/Pages/FE_Search/FE_S_S006.aspx?Query=(@Symbol=%20wt/ds26/r*%20not%2 0rw*)&Language=FRENCH&Context=FomerScriptedSearch&languageUIChanged=true#

12

OMC. Communautés européennes – Mesures affectant l’amiante et les produits en contenant (Plainte du Canada). Rapport du Groupe spécial. Supra note 10. Paragraphes 3.477 et 3.483.

13 OMC. Communautés Européennes – Mesures concernant les viandes et les produits carnés (hormones)

(34)

6 mesure SPS remplisse les exigences de l’article XX b), c'est-à-dire la nécessité de la mesure et le respect du paragraphe introductif de l’article XX. Le deuxième système de traitement des mesures SPS dans le cadre juridique de l’OMC est constitué par l’Accord SPS, où la prise de mesures SPS est un droit des Membres prévu dans le cadre juridique de l’Organisation comme s’il s’agissait d’une question commerciale.

La différence de classement des mesures SPS dans ces deux régimes entraîne des conséquences juridiques prévisibles. Nous avons observé, en fait, que les principales dispositions de l’Accord SPS sont structurées de manière à créer un nouveau « filtre juridique », constitué notamment par le critère de scientificité des mesures SPS. Ceci a résulté en la transformation d’un concept étranger au Droit en critère juridique. En analysant la situation, nous nous sommes rendu compte que les conséquences de cet acte sont plus sérieuses qu’on aurait pu l’imaginer lors des négociations. Dans ces circonstances, de nombreux concepts juridiques sont susceptibles d’être mis de côté – dont les principes juridiques fondamentaux du Droit de l’OMC. De ce fait, la souveraineté des Membres pourrait être gravement touchée par un balisement excessif de leurs droits. Si la réglementation qui vise la présentation de preuves scientifiques manque de souplesse, celle-ci pourrait perturber la prévisibilité et la cohérence de tout le système juridique de l’OMC.

Donc, les dispositions de l’Annexe A de l’Accord SPS divisent les mesures qui existaient auparavant et qui étaient gérées par l’article XX b) du GATT. L’existence du double régime repose sur ce phénomène, en vertu duquel l’Accord SPS et l’article XX b) du GATT gèrent de mesures différentes, mais qui ont le même objectif. En conséquence, il est possible de présenter des preuves scientifiques dans le contexte de chacun des deux régimes. Dans les affaires Brésil — Pneus

rechapés14, CE – Amiante15 et États-Unis – Essence16, tous les Membres de l’OMC dont les mesures étaient mises en cause ont fait reposer leur défense sur un argumentaire similaire. Ils voulaient faire ressortir la justification scientifique de l’application de mesures visant la protection de leur population, de leur faune ou de leur flore. Ces affaires n’ont pourtant pas été réglées à partir du

14

OMC. Brésil – Mesures visant l’importation de pneumatiques rechapés (Plainte des CCEE). Juin 12, 2007.

OMC Doc. WT/DS332/R. Rapport du Groupe Spécial, en ligne :

https://docs.wto.org/dol2fe/Pages/FE_Search/FE_S_S006.aspx?Query=(@Symbol=%20wt/ds332/r*%20not% 20rw*)&Language=FRENCH&Context=FomerScriptedSearch&languageUIChanged=true#

15 OMC. Communautés européennes – Mesures affectant l’amiante et les produits en contenant (Plainte du

Canada). Rapport du Groupe spécial. Supra note 10.

16

OMC. États-Unis – Normes concernant l’essence ancienne et nouvelle formules (Plainte du Brésil et du Venezuela). Janvier 29, 1996. OMC Doc. WT/DS2/R. Rapport du Groupe spécial, en ligne :

https://docs.wto.org/dol2fe/Pages/FE_Search/FE_S_S006.aspx?Query=(@Symbol=%20wt/ds2/r*%20not%20 rw*)&Language=FRENCH&Context=FomerScriptedSearch&languageUIChanged=true#

(35)

7 texte de l’accord SPS et de ses conditions en matière de preuve scientifique. De cette façon, nous avons été en mesure d’observer que le GATT laisse aux Membres la liberté des moyens pour prouver la nécessité de leurs mesures. Il est donc maintenant temps de connaître les raisons qui expliquent l’utilité, voire la raison d’être des exigences de l’Accord SPS portant sur les preuves scientifiques qui doivent être présentées par les Membres ayant à justifier leurs mesures.

Quel raisonnement juridique justifie un traitement différent des affaires Pneus rechapés et Japon –

Pommes ? Dans les deux différends, il a été question de parasites (agents susceptibles de répandre

des maladies), les uns provoqués par l’entassement de pneus de rebut et les autres prétendument transportés sur des pommes mûres et destinées à l’exportation. Dans les deux cas, on a cherché à savoir si la mesure en cause atteignait le juste point d’équilibre entre la liberté de commerce et protection de la santé. Pourquoi l’Organe de règlement des différends de l’OMC devait-il en juger par des instruments juridiques différents ?

L’heure est donc à un nouveau bilan, celui du véritable apport de l’Accord SPS. Il s’agit aujourd’hui de savoir en quoi le fait d’exiger une preuve scientifique pour appuyer les mesures SPS a contribué à la recherche d’un meilleur équilibre entre la liberté de commerce et la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux et la préservation des végétaux. Il s’agit de savoir si la mise en place de l’Accord SPS comme instrument parallèle au GATT était nécessaire ou s’il a permis de combler des lacunes laissées par l’article XX b) du GATT.

Pour arriver à nos objectifs généraux, nous comptons éclaircir trois points. Tout d’abord, nous tenterons de déterminer la place qu’occupe l’Accord SPS dans le système juridique de l’OMC ; ensuite, nous prétendons signaler les apports juridiques de l’avènement de l’Accord SPS et ; finalement, nous mettrons l’accent sur les effets et les conséquences que ces nouveautés ont entraînées sur le Droit de l’OMC. Notre travail sera donc divisé en trois parties. La première servira à situer l’Accord SPS dans le système juridique de l’OMC. La deuxième présentera les apports juridiques que l’Accord SPS a faits au Droit de l’OMC. Finalement, la troisième exposera les conséquences des apports de l’Accord SPS sur le Droit de l’OMC.

La première partie sera constituée par deux chapitres. Le premier chapitre établira les conditions historiques et juridiques de la création de l’Accord SPS. Dans le deuxième chapitre, une comparaison théorique de l’article XX b) du GATT et de l’Accord SPS sera faite.

Donc, nous étudierons le contexte de la naissance de l’Accord SPS en prenant en compte d’abord les causes. Il ne faut pas oublier que sa création a été officiellement motivée par les déficiences de

(36)

8 l’article XX b) pour la gestion des mesures SPS, ce qui peut s’avérer utile pour saisir la nature juridique de l’Accord. Évidemment, il sera nécessaire de se repérer dans le contexte historico-juridique de la rédaction de l’Accord SPS. La définition de la perception internationale de l’époque envers les mesures SPS pourrait nous aider à mieux comprendre les objectifs de la création d’un accord à ce sujet dans le système OMC. Nous connaissons la cause officielle de la création de l’Accord SPS. Or, nous en connaissons aussi la cause officieuse : la résolution de l’Affaire Bœuf

aux hormones17. Ce détail ne manque pas de faire tort à la crédibilité de l’Accord SPS en tant qu’instrument juridique neutre et d’application générale.

Étant donné que toute mesure SPS légitime18 comporte des objectifs non commerciaux, nous étudierons l’inclusion des considérations non commerciales dans le cadre du système commercial international. Nous observerons aussi les deux approches employées pour la prise en compte des sujets non commerciaux dans le contexte juridique de la libéralisation des échanges.

Ensuite, pour mieux comprendre les implications de la création de l’Accord SPS, une analyse de l’article XX b) du GATT comme tel sera réalisée. À l’aide de la jurisprudence, nous ferons un compte-rendu de l’évolution et du développement jurisprudentiels de cette disposition. La fonction interprétative de la jurisprudence sera aussi examinée à la lumière de la doctrine pertinente. D’après cette analyse, nous comptons réaliser une mise en parallèle avec les dispositions de l’Accord SPS. Cette comparaison nous aidera à déterminer dans quelle mesure le fonctionnement de l’Accord SPS est inspiré par celui de l’article XX b) du GATT. Aussi, ladite analyse servira à établir les capacités et la portée de l’article XX b) du GATT par rapport à l’Accord SPS.

La deuxième partie de notre travail cherche à attirer l’attention du lecteur sur les nouveautés intégrées dans le système juridique de l’OMC par l’Accord SPS. Cette partie est composée de deux chapitres; chacun des chapitres porte sur un des deux apports de l’Accord SPS. Le premier chapitre traite de la création d’une nouvelle catégorie de mesures SPS par l’étroitesse du champ d’application de l’Accord. Le deuxième chapitre explique le nouveau rôle que la science a à jouer dans le contexte de l’Accord SPS : un rôle normatif atteint en vertu des dispositions mêmes de

17

OUELLET. Supra note 5.

18

Dans le sens de notre texte, une mesure SPS légitime est celle qui a été élaborée et appliquée dans l’objectif exclusif de protéger la vie et la santé des personnes et des animaux et/ou la préservation de végétaux, sans aucune visée commerciale.

(37)

9 l’accord ainsi que par le critère d’examen employé par l’ORD dans ses rapports concernant l’Accord SPS19.

Le premier chapitre montre le mécanisme qui sert à faire une division claire dans le concept de « mesures SPS ». Le sens ordinaire des mots dans l’expression « mesures sanitaires et phytosanitaires » renvoie à toute mesure qui sert à protéger la santé et la vie des personnes, des animaux et des végétaux. Ainsi, toutes les mesures entrant dans la compétence de l’article XX b) du GATT sont des mesures SPS, aussi bien que les mesures visées par l’Accord SPS.

Donc, il y a de mesures SPS qui constituent des exceptions dans le système juridique de l’OMC (c’est-à-dire les mesures qui se trouvent dans la compétence de l’article XX b) du GATT) et, d’un autre côté des mesures SPS dont l’application est un droit pour les Membres de l’OMC (celles sous la portée de l’Accord SPS). Ce fait crée deux catégories de mesures SPS, tel que nous comptons le démontrer à l'aide d’un exercice jurisprudentiel. Nous ferons une comparaison des affaires CE –

Amiante et Bœuf aux hormones. Il s’agit de différends qui traitent de mesures similaires portant sur

le même sujet : la prévention du cancer par l’imposition de barrières à l’importation de produits cancérogènes. Les deux sont, de toute évidence, des différends à teneur scientifique élevée et sont traités l’un par l’article XX b) du GATT (CE – Amiante) et l’autre par l’Accord SPS (Bœuf aux

hormones).

Avec cet exercice nous prétendons démontrer que l’affaire Bœuf aux hormones aurait pu être très bien résolue dans des conditions très similaires à celles qui ont servi au traitement de l’affaire CE –

Amiante. Pour ce faire, nous réaliserons une sélection de constatations de l’affaire CE – Amiante et

d’autres affaires relatives à l’article XX b) du GATT et nous les substituerons à celles de l’affaire

Bœuf aux hormones. Notre objectif est de démontrer que l’ORD est capable de trancher dans des

affaires à teneur scientifique sans l’Accord SPS, car les mesures faisant partie des compétences dudit accord sont du même type que celles faisant partie des compétences de l’article XX b) du GATT.

Le deuxième chapitre de la deuxième partie sert à décrire l’évolution du rôle de la science dans le cadre de la libéralisation commerciale. La science a toujours été un outil très apprécié en Droit, car elle jette la lumière sur les faits, aidant ainsi l’autorité juridictionnelle à appliquer la loi (le droit) sur des faits désormais clairs. L’Accord SPS (son texte et son interprétation jurisprudentielle) a octroyé

19

PEEL, Jacqueline. « Of apples and oranges (and hormones in beef): Science and the standard of review in WTO disputes under the SPS agreement » (2012) ICLQ. 61 – 02. 427 – 458. p. 457. [PEEL. « Of apples and oranges»]

(38)

10 un rôle normatif à la science. Il l'a, plus précisément, dotée d’un semblant de standard juridique. Dans ce chapitre, nous exposerons nos raisons de le croire, tout en comparant les caractéristiques des standards juridiques aux nouvelles fonctions de la science auprès de l’Accord SPS.

La troisième partie de la thèse est également composée de deux chapitres. Celle-ci cherchera à établir la portée et les conséquences des apports juridiques de l’Accord SPS.

Dans le premier chapitre, nous parlons de l’existence d’un double régime pour le traitement des mesures SPS. Celle-ci est la conséquence de la division du concept « mesure SPS » et de la subséquente création de deux types différents de mesure SPS. Nous le faisons, surtout, par la jurisprudence. Les affaires Brésil – Pneus rechapés et États-Unis – Volailles offrent des indices très clairs de l’existence de ce double régime. Ces affaires dévoilent que l’article XX b) du GATT et l’Accord SPS sont applicables dans de situations tout à fait semblables, mais qu’ils empruntent des voies différentes dans la résolution des conflits sanitaires.

Ensuite, nous faisons une analyse comparative jurisprudentielle où nous nous servons de la jurisprudence concernant l’Accord SPS pour analyser les étapes de l’examen d’une mesure dans le cadre de l’article XX b) du GATT. Nous avons observé que l’ORD a une nouvelle attitude : il reconnaît de plus en plus l’article XX b) du GATT comme étant l’ancêtre de l’Accord SPS. En conséquence, l’ORD se sert de l’article XX b) du GATT en tant qu’outil pour jeter la lumière sur la nature juridique et la mission dudit accord. Aussi, cet exercice cherche à mettre en relief, encore une fois, la grande influence que l’article XX b) du GATT a dans la résolution des affaires SPS au sens strict.

Nous vérifierons ainsi notre hypothèse qui signale l’existence d’un double régime dans le traitement des mesures SPS. Ceci n’est pas sans conséquence, car l’existence du double régime met en doute la nécessité de la création de l’Accord SPS. Nous serons ainsi en mesure d’observer les véritables capacités de l’article XX b) du GATT. Nous pourrons vérifier si l’exception de l’article XX b) de l’Accord général comporte des limitations qui l’empêchent de saisir toute la problématique sanitaire des Membres.

Le deuxième chapitre de la troisième partie, qui est le dernier chapitre de notre travail, mettra en évidence les instruments de l’intronisation de la science en tant que standard juridique. Nous parlerons de l’évaluation des risques, du rejet du Principe de précaution, de l’attribution du fardeau de la preuve et enfin de l’interprétation de l’ORD et de son critère d’examen comme facteurs qui contribuent à maintenir le rôle normatif de la science.

(39)

11 Ainsi, nous parlerons du critère d’examen appliqué par l’ORD et de sa conséquence principale : le renversement de la figure exceptive comme véhicule traditionnel pour l’introduction des sujets non commerciaux dans le GATT. La nouvelle représentée par l’Accord SPS suppose un changement de qualification juridique de l’application des mesures SPS. Nous avons observé, effectivement, que les mesures SPS passent d’être, dans le cadre de la gestion du GATT, des exceptions juridiques, à être, dans le cadre de l’OMC, des droits des Membres.

Pour arriver à nos objectifs, nous tenons à faire remarquer l’importance de l’adoption d’un cadre exceptif dans les systèmes juridiques modernes en général et dans le système juridique du GATT/OMC en particulier. Dans ce contexte, nous aborderons un sujet délicat : l’Accord SPS en tant qu’agent de transformation. Nous nous référons spécifiquement à la manière dont l’Accord SPS a influencé le système juridique de l’OMC en troquant en règle ce qui d’abord était une exception. De cette manière, nous espérons que notre travail jettera de la lumière sur la question de la relation entre le champ d’application de l’Accord SPS et la souveraineté des États. Il est nécessaire aussi de mettre en évidence le fait que l’Accord SPS n’a pas été créé dans le but de favoriser la conciliation entre la mondialisation commerciale et la sécurité alimentaire. Enfin, notre travail servira également à connaître la meilleure manière de traiter les questions non commerciales dans le contexte de l’OMC: en essayant de les inclure dans le cadre juridique de l’OMC en tant que droits des Membres ou bien en entretenant un régime juridique exceptionnel en bonne et due forme.

Particulièrement, nous allons éclaircir les questions suivantes dans notre travail : primo, quelle est la place de l’Accord SPS dans le système juridique de l’OMC ; secundo, quels sont les apports de l’Accord SPS au contexte juridique de l’OMC et ; tertio, quelles sont les conséquences de ces apports.

(40)

12

Première partie. L’Accord SPS : Une nouvelle place

pour les questions non commerciales au sein de

l’OMC

La loi est bonne, elle est nécessaire, l’exécution en est mauvaise, et les mœurs jugent les lois d’après la manière dont elles s’exécutent.

Honoré de Balzac. « Misères et splendeurs des courtisanes ».

Cette première partie est vouée à jeter les bases de notre recherche. Tout d’abord, le contexte historico-juridique de la création de l’Accord SPS sera mis en relief. Nous étudierons la manière dont les mesures sanitaires et phytosanitaires étaient traitées dans le cadre juridique du GATT pour, après, entamer l’observation du processus qui a mené à la rédaction et à la mise en œuvre de l’Accord SPS.

Ensuite, nous ferons le point sur les circonstances politiques qui ont marqué la naissance de l’Accord SPS. Ainsi, un compte-rendu aussi complet que possible sur la transition GATT – SPS des mesures sanitaires et phytosanitaires sera fait. Pour arriver à notre objectif, nous mettrons en évidence la relation historique entre le commerce et les sujets de nature autre que commerciale, particulièrement ceux qui se rapportent aux sujets sanitaires et phytosanitaires. Nous étudierons les différents rôles des sujets non commerciaux, d’abord, les sujets non commerciaux en tant qu’exception juridique dans le cadre de la législation OMC et, postérieurement, les sujets non commerciaux en tant que facteur de l’élargissement des compétences de l’Organisation. Nous chercherons par ces moyens à découvrir dans quelle mesure l’inclusion de ces sujets non commerciaux pourrait influencer l’OMC, et surtout quelle est la vision des Membres qui envisagent l’intégration de sujets de nature variée dans le cadre juridique de l’OMC. Nous voudrions aussi, en prenant l’exemple de l’Accord SPS, établir les conséquences d’un grand élargissement des compétences de l’OMC.

De cette manière, nous serons prêts à entamer l’étude du fonctionnement de l’Accord SPS dans le cadre juridique de l’OMC. Ainsi, pour mieux saisir l’influence de l’Accord SPS dans la position de l’OMC par rapport aux sujets non commerciaux, la comparaison entre les deux régimes – GATT et OMC, s’impose. En conséquence, dans un deuxième temps, nous serons en mesure de montrer les similitudes du texte de l’Accord SPS et de son fonctionnement avec l’article XX du GATT. Cette comparaison sera appuyée sur la théorie, la doctrine et la jurisprudence. Cette dernière dévoilera à

(41)

13 nos yeux le parallélisme évident qui existe entre l’Accord SPS et son prédécesseur. Nous souhaitons que le lecteur trouve, dans cette première partie, une vision ample au sujet des faits et circonstances qui rapprochent l’Accord SPS de l’article XX b) de l’Accord général – l’ancêtre naturel de l’Accord SPS. Toutefois, la comparaison entre l’Accord SPS et l’article XX b) du GATT que l’on s’apprête à faire dans cette première partie ne servira pas uniquement à mettre l'accent sur les ressemblances entre les deux. Elle servira aussi à ouvrir le chemin pour parler, dans la deuxième partie de notre travail, des différences qui provoquent la rupture entre les deux dispositions et elle nous montrera ensuite l’effet le plus important et le plus singulier de la création de l’Accord SPS : la division faite au concept de « mesure sanitaire et phytosanitaire ». Ce nouveau système se veut plus ouvert aux besoins des Membres, cependant nous voudrions faire remarquer que les nouvelles variantes vont à l'encontre des effets de l’exception qui se trouve dans l’article XX b) du GATT. Ce phénomène n'a aucune justification plausible. Dans les faits, le nouveau système représenté par l’Accord SPS est paradoxal, car, tout en affirmant vouloir élargir les effets de ladite exception, il finit par s’égarer de l’esprit original des exceptions du GATT qui sont son point de départ. Nous voulons afficher d’abord l’existence et ensuite l’origine et les conséquences d’un tel éloignement.

Finalement, nous voudrons mettre en parallèle l’Accord SPS avec ses égaux : les autres accords spécifiques. Pour déterminer la place de l’Accord SPS parmi ses semblables, nous avons choisi de le comparer avec l’Accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC). Ceci à cause des similarités qui existent entre les deux instruments : il s’agit de deux accords techniques, nés dans la foulée de la création de l’OMC et ayant une étroite relation avec la politique de protection de l’environnement20 de l’organisation. Nous observons que malgré la fréquence des comparaisons, la nature juridique et le but de l’Accord OTC, les deux accords diffèrent beaucoup. Nous voulons souligner que cet accord, en gardant la place la plus importante aux principes recteurs de l’OMC, réussit à devenir un outil pour l’application légitime des exceptions de l’article XX du GATT. Nous chercherons à savoir s’il est possible d’en dire autant de l’Accord SPS. La jurisprudence sera notre principal outil pour établir la relation de l’Accord OTC avec le GATT et nous ferons ensuite une comparaison entre l’Accord SPS et l’Accord OTC.

Nous tenterons ainsi d’établir la place que l’Accord SPS occupe dans l’univers juridique de l’OMC pour, après, être en mesure de faire le bilan des apports de cet accord et des conséquences de sa création.

20

OMC. « Ce que nous défendons ». Consulté le 8 octobre 2014. En ligne :

(42)

14

Premier chapitre : La création de l’Accord SPS

Dans ce premier chapitre nous allons introduire l’Accord SPS en tant que nouvel élément du système juridique de l’OMC. Ainsi, nous présenterons, dans un premier temps, la normativité qui a précédé l’Accord SPS dans la gestion des mesures sanitaires et phytosanitaires dans le cadre des échanges commerciaux internationaux. Nous exposerons, ensuite, les circonstances politiques et juridiques de la naissance de l’Accord SPS. Effectivement, nous considérons que les négociations ne traduisent pas seulement un besoin juridique de trouver un instrument adéquat pour la gestion juridique de l’application des mesures SPS par la toute nouvelle OMC ; ces négociations font aussi le portrait politique des mesures SPS de l’époque. En étant ainsi, il est très important de parler de cette double face du processus de création de l’instrument juridique en question. Une appréciation intégrale de la création de l’Accord SPS constitue une voie sûre de trouver le noyau dur de l’Accord SPS.

Après, nous réaliserons une étude sur la place que l’Accord a prise à l’OMC depuis son apparition. Cette étude aura comme mission de mettre en évidence le changement d’approche introduit par l’Accord SPS. Les deux volets les plus importants de cette évolution sont, premièrement, le champ d’application de l’Accord SPS ; et deuxièmement, le changement de qualification juridique des mesures SPS.

Il est important de faire quelques remarques au sujet de ces deux aspects de la nouvelle approche amenée par l’Accord SPS. Tout d’abord, la précision du champ d’application de l’Accord SPS limite de manière considérable l’utilisation du terme « mesure sanitaire et phytosanitaire ». Ce qui fait en sorte qu’un certain nombre de mesures qui pouvaient être considérées comme étant des mesures SPS sous le GATT, soient mises de côté. Ensuite, il est impossible de ne pas remarquer qu’à l’époque du GATT l’application de mesures SPS constituait une exception, alors que dans le cadre de l’OMC il s’agit d’une règle qui crée des droits et des obligations pour les Membres de l’organisation. Ces changements sont lourds de conséquences et doivent faire partie du portrait de naissance de l’Accord SPS que nous tentons de faire dans ce premier chapitre.

(43)

15 1.1 L’historique de l’Accord SPS

Étant donné que les mesures SPS n’appartiennent pas naturellement au contexte commercial, il nous semble cohérent de présenter les antécédents de la relation entre le GATT et les considérations non commerciales. De cette façon, il sera possible d’introduire, de manière structurée, les circonstances historiques et politiques de la création de l’Accord SPS et du cadre juridique qui le précédait. Lors des négociations qui se sont achevées à Londres en 1946 et qu’ont été à l’origine de l’Accord

général sur les tarifs douaniers et le commerce (dorénavant GATT), les participants ont reconnu

l’existence de valeurs dont la préservation est plus essentielle que celle de la liberté de commerce. Dans le cadre de la Conférence de La Havane (1947)21, plusieurs des brouillons qui ont été proposés incluaient les dispositions qui correspondent à l’actuel article XX du GATT22. La Charte de La Havane énumère, dans son article 45, quelques situations exceptionnelles à caractères divers qui constituent un compromis entre le libre commerce et le reste des priorités des États et qui aidèrent à former la version définitive du GATT23.

21 Conférence des Nations Unies sur le commerce et l'emploi, où a été approuvé l'instrument instituant

l'Organisation internationale du commerce (OIC).

22

Par exemple : Le chapitre III-G dans l’US Draft Charter, l’article 37 dans le New York Draft Charter, l’article 43 dans le Geneva Draft Charter.

23 « Article 45 Exceptions générales au chapitre IV

1. Sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiée entre des États membres se trouvant dans les mêmes conditions, soit une restriction déguisée au commerce international, aucune disposition du présent chapitre ne sera interprétée comme empêchant l'adoption ou l'application par tout État membre de mesures

a)

i) nécessaires à la protection de la moralité publique;

ii) nécessaires à l'application de lois et de règlements relatifs à la sécurité publique;

iii) nécessaires à la protection de la vie ou de la santé des personnes ou des animaux ou à la préservation des végétaux;

iv) se rapportant à l'importation ou à l'exportation de l'or ou de l'argent;

v) nécessaires pour assurer l'observation des lois et règlements qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions du présent chapitre, et notamment des lois et règlements ayant trait à l'application des mesures douanières, à l'exercice des monopoles administrés conformément à la section D du présent chapitre, à la protection des brevets, des marques de fabrique et des droits d'auteur et de reproduction, ainsi qu'aux mesures propres à empêcher les pratiques qui sont de nature à induire en erreur;

vi) se rapportant aux articles fabriqués par les détenus;

vii) imposées pour la protection de trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique;

viii) se rapportant à la conservation des ressources naturelles susceptibles d'épuisement, lorsque de telles mesures sont appliquées conjointement avec des restrictions à la production ou à la consommation nationales;

ix) prises en application d'accords intergouvernementaux sur les produits de base conclus conformément aux dispositions du chapitre VI;

Figure

Figure 1 : Test de nécessité selon l'affaire Brésil - Pneus
Tableau 1 : Questions à trancher de l'affaire Bœuf aux hormones
Tableau 2 : Éléments de procédure de l'affaire Bœuf aux hormones
Tableau 3 : Questions à trancher de l'affaire Australie - Saumons
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