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Gouvernance et bilan depuis 1994 de l'approvisionnement énergétique au Nunavik : quelle est la participation des Inuits?

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Academic year: 2021

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Gouvernance et bilan depuis 1994 de l'approvisionnement

énergétique au Nunavik: quelle est la participation des Inuits?

Mémoire

Ève Harbour-Marsan

Sous la direction de :

Frédéric Lasserre

Maîtrise en sciences géographiques

Maître en sciences géographiques (M. Sc. Géogr.)

Québec, Canada

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Gouvernance et bilan depuis 1994 de l'approvisionnement

énergétique au Nunavik: quelle est la participation des Inuits?

Mémoire

Ève Harbour-Marsan

Sous la direction de :

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Résumé

Énergie renouvelable, centrale diesel, transition énergétique, Nunavik, Arctique, Canada, Nord du Québec, Inuit, Autochtones, Premières Nations, cogestion, gouvernance, participation autochtone, milieux éloignés, développement régional, relations de pouvoir

Le territoire du Nunavik, majoritairement habitée par les Inuits, est approvisionné en énergie à près de 100 % par des produits pétroliers. Depuis le développement hydroélectrique à la baie James et la suspension du projet Grande-Baleine, le contexte énergétique de cette région n’avait toujours pas été analysé en dépit des bouleversements sociopolitiques que ces projets avaient entrainés chez les Autochtones. Ce manque d’intérêt pour cette question est surprenant considérant l’intensité de l’activité minière qui est anticipée dans la vision du Plan Nord et des engagements répétés du gouvernement du Québec et d’Hydro-Québec à réaliser la conversion des centrales thermiques et à mener des projets en partenariat avec les Autochtones. Par une analyse géopolitique, l’objectif de cette recherche était de répondre à ces questionnements. Quels sont les projets énergétiques réalisés, valorisés et envisagés depuis 1994 pour le Nunavik? Comment les engagements et les orientations des gouvernements et d'Hydro-Québec, en matière d’énergie au Nunavik, ont-ils été mis en œuvre? Les représentations et préoccupations de certains acteurs sont-elles davantage prises en compte dans les projets identifiés et réalisés? Quelle est la participation des Inuits dans les décisions? Les données proviennent d’entrevues semi-dirigées, une analyse de documents institutionnels, du cadre juridique et réglementaire, bonifié par un stage professionnel au sein du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles du Québec. Les résultats démontrent que la stratégie énergétique est tournée vers les énergies renouvelables de plus petite envergure, mais les grands ouvrages hydroélectriques ne sont pas pour autant délaissés. Les structures permettent aux Inuits d’être représentés dans les décisions, sans toutefois leur attribuer un réel contrôle. Il se dégage de notre analyse que l’expertise, le cadre législatif et des rivalités au sein même de la société inuite nuisent à une plus grande participation et autonomie des Inuits dans les projets.

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Abstract

Renewable energy, diesel power generation, Energy transition, Nunavik, Arctic, Canada, North of Quebec, Inuit, Aboriginals, First Nations, comanagement, governance, aboriginal participation, remote area, regional development, power relations

The territory of Nunavik, mainly inhabited by the Inuit, is almost exclusively supplied by fossils energies. Ever since the hydroelectric development at James Bay and the suspension of the Grande-Baleine hydroelectric project, the energy sociopolitical environment in Nunavik had not been analyzed despite the socio-political upheaval that these projects had caused for Indigenous groups. The lack of interest in this issue is surprising considering the intensity of mining activity that is anticipated in the Plan Nord vision, and the repeated government and Hydro-Québec commitments to convert thermal power stations and to carry out projects in partnership with Aboriginal people. Carried out through a geopolitical analysis, the objective of this research was to answer the following questions. What are the energy projects developed, promoted and considered since 1994 for Nunavik? How the government and Hydro-Québec commitments and orientations, in regard to energy, have been implemented in Nunavik? Are the representations and concerns of certain actors more taken into account in the projects? How are the Inuit involved in decisions? Data are from from semi-structured interviews, institutional documents, the legal framework, improved by an internship within the Quebec Ministry of Energy and Natural Resources. The results show that the energy strategy is focused on smaller renewable energies, but large hydropower projects are not neglected. Structures allow Inuit to be represented in decisions without giving them real control. Our analysis reveals that the expertise, the legal framework and rivalries, within Inuit society, undermine the greater participation and autonomy of Inuit in projects.

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Table des matières

RÉSUMÉ ... III ABSTRACT ... IV TABLE DES MATIÈRES ... V LISTE DES TABLEAUX ... VII LISTE DES FIGURES ... VIII LISTE DES ACRONYMES ... IX REMERCIEMENTS ... X

INTRODUCTION ... 1

CONTEXTE, REVUE DE LITTÉRATURE ET CADRE CONCEPTUEL ... 7

1.1 LA SOLITUDE D’UNE NATION :LA GRANDE TERRE ... 7

1.2 FONCTIONNEMENT DU SECTEUR ÉNERGÉTIQUE QUÉBÉCOIS ... 13

Trois activités d’Hydro-Québec ... 13

La Régie de l’énergie : les décrets d’un programme politique ... 14

Règlementation indirecte de la production d’électricité ... 14

Acteurs de l’approvisionnement énergétique au Nunavik ... 15

Le fonctionnement d’un système énergétique divergent ... 22

1.3 GRANDS BARRAGES ET COLONIALISME : DE LA TRADITION À LA RÉVOLUTION ... 27

1.4 RÉALISABLES, DISPENDIEUSES ET RISQUÉES, LES ÉNERGIES RENOUVELABLES EN TERRITOIRES NORDIQUES ... 34

Les complications d’implanter les énergies renouvelables en milieux éloignés ... 34

Des projets conditionnellement à l’acceptabilité communautaire, aux aspects culturels et au partenariat ... 36

1.5 UNE QUÊTE D’AUTONOMIE DANS LE RESPECT DE L’ENVIRONNEMENT, LES AUTOCHTONES ET LES ÉNERGIES RENOUVELABLES ... 37

1.6 CADRE CONCEPTUEL, APPROCHE ET DÉFINITIONS ... 40

L’étude de la gouvernance par la méthode géopolitique ... 40

2. PROBLÉMATIQUE, QUESTIONS DE RECHERCHE ET MÉTHODE ... 48

2.1 PROBLÉMATIQUE ET OBJECTIFS... 48

2.2 SOUS-QUESTIONS DE RECHERCHE ... 52

2.3 MÉTHODOLOGIE ... 53

Sources des données ... 53

Analyse des données ... 56

Retour sur le déroulement de l’enquête ... 57

2.4 DES ÉTUDES DE CAS UTILES POUR L’ANALYSE... 61

Nouvelle centrale thermique, Kuujjuaq... 61

Éolienne sur le site minier de Raglan ... 63

Centrale hydroélectrique au fil de l’eau, Inukjuak ... 63

PARTIE I ... 65

3. 20 ANNÉES SONT PASSÉES : NOMBREUX SONT LES PROJETS, TARDIFS LES RÉSULTATS ... 66

(6)

3.1 MULTIPLES PERSPECTIVES, DES TERRITOIRES LÉGITIMES AUX ESPACES IMAGINÉS ... 68

Présentation des réseaux autonomes du Nunavik ... 72

Plan Nord : augmentation de puissance pour une clientèle énergivore ... 77

3.2 POLITIQUES PUBLIQUES SANS LE NUNAVIK ... 79

Croissance, puissance et nouveaux ouvrages ... 80

Énergie éolienne : lune de miel et découverte ... 81

Réseaux autonomes, la même histoire ... 83

Engagements universels envers les Autochtones, les Inuits laissés de côté ... 84

3.3 TENTATIVE D’EXPLICATION DU STATU QUO ... 89

L’inertie de la conversion des réseaux autonomes du Nunavik ... 89

Justifications de l’abandon de certains projets ... 93

Plan Nord : véhicule de mise à l’agenda des réseaux autonomes ... 94

PARTIE II... 98

4. LA PARTICIPATION DES INUITS DANS LE SYSTÈME DE GOUVERNANCE NORMATIF DE L’ÉTAT ... 99

4.1 UNE REPRÉSENTATION INUITE GARANTIE – ÉVALUATION ET L’EXAMEN DES RÉPERCUSSIONS SUR L’ENVIRONNEMENT ET LE MILIEU SOCIAL ... 99

4.2 UNE PARTICIPATION VARIABLE SELON LES PROJETSET LES PHASES : DE L’INFORMATION AU CONTRÔLE ... 102

Le cas de la centrale de Kuujjuaq, le projet d’Hydro-Québec ... 103

Le cas de l’éolienne sur le site d’opération de la mine Raglan, collaborateurs privés ... 109

Innavik Hydro, un « faux » vrai contrôle sur un projet communautaire ... 114

4.3 SYSTÈMES JURIDIQUE ET ADMINISTRATIF OBSOLÈTES ET INADAPTÉS ... 119

Une convention muette : l’improbable ambition autonomiste inuite d’aujourd’hui ... 119

Des lois génériques ... 120

La mission de la Régie de l’énergie et le bien commun ... 123

5. REPRÉSENTATIONS POUVOIRS ... 125

5.1 LE MODUS OPÉRENDIS DES PROMOTEURS ... 125

5.2 LES AMBITIONS ET LES PRÉOCCUPATIONS INUITES : ENVIRONNEMENT, MODE DE VIE ET AUTONOMIE MODERNE ... 129

5.3 RELATIONS DE POUVOIRET RIVALITÉS ... 133

L’expertise et le financement ... 133

Pouvoir aux Autochtones : la tendance de l’acceptabilité sociale ... 135

Les corporations foncières, le seul lieu où Inuits sont maîtres chez eux ... 136

Rivalité au sein de la société inuite et entres d’autres groupes autochtones ... 137

6. DISCUSSION ET CONCLUSION ... 140

7. BIBLIOGRAPHIE ... 144

8. ANNEXES ... 156

ANNEXE I. QUESTIONNAIRE D’ENTREVUE, VERSION FRANÇAISE ... 156

ANNEXE II. QUESTIONNAIRE D’ENTREVUE, VERSION ANGLAISE ... 157

(7)

Liste des tableaux

Tableau 1. Barrières à l’implantation des énergies renouvelables en régions nordiques ... 34

Tableau 2. Outils d'analyse des relations de pouvoir (inspiré de Foucault 1984) ... 43

Tableau 3. Adaptation de l’échelle de participation citoyenne de Sherry R. Arnstein (1969) ... 47

Tableau 4. La participation du public dans les processus décisionnels ... 47

Tableau 5. Processus d'évaluation et d'examen des répercussions sur l'environnement et le milieu social au nord du 55e parallèle, Québec ... 100

(8)

Liste des figures

Figure 1. Québec nordique en 1850 ... 4

Figure 2. Québec nordique en 2015 ... 5

Figure 3. Le Nunavik dans le Québec ... 10

Figure 4. Inuit Nunangat ... 12

Figure 5. Carte des grandes installations de production et de transport de l'énergie, 2012 ... 26

Figure 6. Les Cris se rendent à Barcelone pour faire entendre leur opposition au projet Grande-Baleine (1992) ... 29

Figure 7. Territoire d’application de la CBJNQ et les lois d’extension des frontières... 32

Figure 8. Parc éolien de la mine Diavik, Territoires du Nord-Ouest ... 36

Figure 9. Parc pour enfants et logements, Kuujjuaq ... 59

Figure 10. Panneau d’arrêt et réseau de distribution électrique domestique, Kuujjuaq ... 59

Figure 11. Ancienne centrale thermique au coeur du village de Kuujjuaq ... 62

Figure 12. Réservoirs de produits pétroliers, Kuujjuaq ... 62

Figure 13. Éolienne sur le site minier de Raglan, Katinniq... 63

Figure 14. Identification des rivières principales soustraites de la sélection des terres de la catégorie I au Nunavik dans le cadre de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois ... 69

Figure 15. Solutions pour les réseaux autonomes dans les plans stratégiques, 1997-2016 ... 92

Figure 16.Chevauchement des usages du territoire au Nunavik et rivières ciblées dans Sanarrutik, 2018 ... 96

Figure 17. Chevauchement des usages dans le secteur de la rivière Caniapiscau, 2018 ... 97

Figure 18. Nouvelle centrale thermique à Kuujjuaq dont la valeur paysagère a été étudiée ... 106

(9)

Liste des acronymes

ARK Administration régionale Kativik

CQEK Commission sur la qualité de l’environnement de Kativik FCNQ Fédération des coopératives du Nouveau-Québec

GQ Gouvernement du Québec

GC Gouvernement du Canada

HQ Hydro-Québec

HQD Hydro-Québec distribution HQP Hydro-Québec production JED Jumelage éolien-diesel LHQ Loi sur Hydro-Québec LRÉ Loi sur la Régie de l’énergie

MERN Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles

MDDELCC Ministère du développement durable et de la lutte contre les changements climatiques

PGEÉ Plan global en efficacité énergétique

PUEÉRA Programme d’utilisation efficace de l’énergie en réseaux autonomes PNW Première Nation de Whapmagoostui

RA Réseaux autonomes

(10)

Remerciements

Je tiens surtout à remercier chacun et chacune qui m’a aidée, comprise, encouragée et endurée!, à sa façon, dans la réalisation de ce projet. Famille, amis, directeur de recherche, professeurs, informateurs, employeurs, collègues et ex collègues, humains inconnus. Je n’ai qu’un seul regret, celui d’avoir plusieurs voulu renoncer à ce projet. Grâce à toi, et toi, et toi aussi, ainsi qu’à tous ceux qui ont croisé mon chemin, j’ai réussi et j’en sors grandi. J’espère surtout qu’une parcelle de ce travail servira vraiment à un plus grand dessein, aussi petit soit-il.

(11)

INTRODUCTION

C’est par un hasard professionnel que l’approvisionnement énergétique a piqué ma curiosité, alors que je travaillais pour Hydro-Québec Production. J’ai découvert un secteur qui ne m’aurait pas été accessible autrement. La gestion des actifs de production d’électricité et la conformité règlementaire m’ont attirée par leur caractère pratique. Concret. J’ai côtoyé des ingénieurs, des experts en environnement, des hommes et des femmes de « terrain ». J’ai notamment découvert l’imposante règlementation à laquelle doivent se soumettre les producteurs et les transporteurs d’électricité nord-américains comme Hydro-Québec. Mais mon affection des voyages m’avait initialement portée vers des études internationales, et non vers le Québec. Le site Web du Programme des Nations Unies (PNUD) pour le développement présentait un cas de petite centrale hydroélectrique en zone rurale du Népal qui attira mon attention (Programme des Nations Unies pour le développement). L’accès à l’électricité m’a dès lors paru être un puissant levier pour transformer l’économie et améliorer le bienêtre des sociétés, la consommation énergétique par personne et la qualité de vie étant fortement corrélées en deçà d’un certain seuil (voir les discussions de Bridge, Adhikari et Fontenla 2016; Lambert et als. 2014; Mazur 2011; Smil 2003, 97-105). J’ai alors pris conscience que ce qui est acquis au Québec (Québec 2013) – la province est l’un des plus grands consommateurs d’électricité au monde – est pour bien des pays un service incertain et insuffisant. Dans la foulée, j’allais comprendre que la distribution de l’électricité est un service offert différemment dans certaines régions du Québec, dont le Nunavik, région culturelle nordique dont la superficie est d’environ le tiers de la province québécoise. D’une part, la majorité de la clientèle québécoise – particulièrement celle des zones plusdensément peuplées et pourvues d’infrastructures (routes, lignes de transport électrique) – est approvisionnée en électricité produite à partir de sources renouvelables, soit 99 % de l’électricité au Québec. D’autre part, les clients du Nunavik chauffent leur eau et leur logement à partir de systèmes au mazout, et toute l’électricité est produite par des centrales à moteurs diesel à proximité de chaque communauté. Autrement dit, le Nunavik dépend totalement des produits pétroliers pour son électricité et son chauffage. C’est ce contexte singulier qui a guidé ma réflexion sur l’énergie au Nunavik, présentée dans ce mémoire.

La visée de cette recherche était initialement d’étudier la gouvernance d’énergies renouvelables au Nunavik, mais cet objet a évolué vers la gouvernance de l’approvisionnement énergétique. En effet, le premier objet posait problème car les singularités du contexte énergétique actuel – absence d’énergies propres, dépendance aux produits pétroliers – étaient essentielles à la

(12)

compréhension des rivalités qu’occasionne, voire intensifie, une transition vers des sources alternatives de production d’énergie. L’approvisionnement énergétique, qui signifie la production et la distribution d’énergie, provenant autant des produits pétroliers (diesel et mazout) que des ressources renouvelables, est apparu plus pertinent pour faire la lumière sur la gouvernance actuelle. Du reste, l’approvisionnement énergétique inclut la production et la distribution d’énergie à partir de sources renouvelables au même titre que de sources non renouvelables, tant pour la production d’électricité que pour le fonctionnement de systèmes de chauffage pour l’eau et les locaux1. D’autres

acteurs et fondements politiques et économiques émergent aussi de l’ouverture de cet objet d’étude qui permettent une compréhension plus fine du contexte énergétique du Nunavik. Par ailleurs, il faut noter que dans ce texte, la production énergétique est comprise comme la production d'énergie

électrique à partir de produits pétroliers et de ressources renouvelables.

Puisqu'au Canada la production d'énergie électrique est de compétence législative provinciale en vertu de la Loi constitutionnelle canadienne (art. 92 (1) (c)), l’échelle fédérale a été exclue de l’analyse. Ce sont les échelles provinciale, régionales, de la société inuite et des communautés – les villages nordiques inuits2 – qui ont été étudiées. L’analyse a également tenu compte des différentes

représentations du « Nord » du Québec (historique, administratif, géographique, conceptuel) dont les frontières varient selon les acteurs et les contextes. L’ambition d'exploiter des ressources naturelles plus au nord, schéma réalisable par les avancées technologiques permettant la pénétration du territoire par la mise en place d’infrastructures, surtout des chemins ferroviaires et des barrages hydroélectriques (voir les figures1 et 2) (Brun et al. 2017) permet de comprendre certains tracés de la limite du Nord. En effet, si la limite nordique vers la fin du 19e siècle longeait approximativement

le 45e parallèle, le Nord à l’époque du projet hydroélectrique Grande-Baleine (années 1990) se situait

plutôt au 55e. Aujourd'hui, la frontière imaginée du Québec nordique, particulièrement par l'État

québécois, débute au 49e degré de latitude et s'étend au-delà du 60e, une limite souvent interprétée

comme le début de l’Arctique par le Canada (Lasserre 2010). Cet « Arctique », appartient aussi au dernier espace septentrional annexé au Québec au 20e siècle par la Loi de l’extension des frontières

du Québec de 1912. Ce territoire est justement l'objet d'un projet développementaliste du

gouvernement du Québec depuis les années 2000, le Plan Nord3. La mine Raglan, qui prévoit

1 L’énergie aux fins de transport et de machinerie est exclue de cette définition.

2 L’Office de la langue française reconnaît la variabilité du nom et de l’adjectif Inuit, bien que cet usage ne fasse pas consensus. On trouve dans les ouvrages linguistiques et les dictionnaires les deux graphies, quoique les ouvrages plus anciens recommandent davantage l’invariabilité. C’est la variabilité qui a été choisie pour ce mémoire. Il faut souligner néanmoins que les sources autochtones varient également leur usage du mot Inuit, il se trouve même « une forte tendance à la variabilité en genre et en nombre ». Voir Denise Cyr et Fanny Vittecoq. 2008. « Inuit, un mot qui ne fait plus exception ».

L’Actualité langagière, volume 5, numéro 2, 2008, 9. En ligne.

http://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2guides/guides/chroniq/index-fra.html?lang=fra&lettr=indx_autr8hiVhrxl0SEI&page=908h3POeARMA.html. (Consultée le 12 décembre 2015). 3 Voir la section Plan Nord : augmentation de puissance pour une clientèle énergivore.

(13)

prolonger sa production de concentré de nickel jusqu’en 2039, est d’ailleurs située au 62e parallèle,

au Nunavik. Pour ses raisons, il importe, lorsqu’il est question du Nord, de tenir compte du contexte de production du territoire (historique, culturel, économique, politique) et des ambitions de développement prévalant durant la phase examinée.

L’organisation politico administrative du Nunavik étant en majeure partie une conséquence des projets énergétiques et des relations de pouvoir dans le Québec septentrional – grands ouvrages hydroélectriques, traité et ententes autochtones, cadre de gouvernance, organismes ethniques, etc. – l’objet de recherche est contextualisé à partir des années 1960, période à laquelle le gouvernement du Québec prit en charge politiquement et administrativement le Nord du Québec. La période d'analyse est toutefois circonscrite de 1994 à ce jour puisque Grande-Baleine, amorcé dans les années 1980 et annulé en 1994, constitue le dernier projet énergétique à la frontière du Nunavik qui reçut un vif intérêt des médias et de la communauté scientifique.

(14)

Recherche : Ève Harbour-Marsan

Réalisation : département de géographie, Université Laval

(15)

Recherche : Ève Harbour-Marsan

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Retombées attendues sur le plan scientifique et social

Dans le contexte d’une récente politique énergétique québécoise (2016-2025) et de la recrudescence de l’intérêt du gouvernement du Québec pour le développement du Nord par le biais de son Plan Nord, cette recherche est actuelle et nécessaire pour faire un état de la situation énergétique au Nunavik. D’ailleurs, aucune recherche n'a porté spécifiquement sur ladite situation ni sur les enjeux de pouvoir vis-à-vis des futurs aménagements. Cela est étonnant considérant les rivalités et les vives contestations occasionnées par le dernier projet hydroélectrique au Nunavik, Grande-Baleine4.

Cette recherche met donc à jour les connaissances sur la question et apporte des éléments de réponse à des problématiques similaires rencontrées au Nunavut et au Labrador pour lesquelles, à l’instar du Nunavik, très peu de documentation rendue publique se trouve. Le mémoire pourra intéresser les décideurs et les parties prenantes dans la planification du développement du Nunavik telles que la Société du Plan Nord, la Société Makivik et les corporations foncières inuite. Les résultats et des recommandations seront transmis aux parties inuites rencontrées qui en ont manifesté l’intérêt. Deux conférences ont présenté les résultats préliminaires, et d’autres seront données si l’occasion se présente, tant dans le milieu universitaire, inuit, et dans l’administration publique. Les secteurs minier et énergétique peuvent aussi bénéficier de certaines sections du mémoire pour affiner leur compréhension des acteurs, des relations de pouvoir et du climat actuel de la question énergétique dans la société inuite.

Globalement, cette recherche participe aux discussions sur le développement durable du Nord et de l’Arctique et sur la gouvernance autochtone. Elle est susceptible d’être d’intérêt pour les chercheurs investis dans l’innovation technologique et les solutions énergétiques en régions éloignées arctiques ou boréales pour enrichir leurs travaux de perspectives politique, culturelle et administrative.

Le mémoire est divisé en cinq chapitres. Le contexte, la revue de la littérature et le cadre conceptuel sont présentés dans le premier chapitre; la problématique, les sous-questions de recherche et la méthode dans le deuxième. Les trois chapitres suivants présentent les résultats. Dans un premier temps, un portrait des projets au Nunavik et les différents engagements du gouvernement du Québec et d’Hydro-Québec. Dans le quatrième chapitre, la participation des Inuits dans le système de gouvernance est détaillée. Enfin, le dernier chapitre présente les rivalités entre les représentations des acteurs, de même que les sources de pouvoir et d’influence de ces derniers.

(17)

CONTEXTE, REVUE DE LITTÉRATURE ET CADRE

CONCEPTUEL

1.1

La solitude d’une Nation : La Grande Terre

5

Ce que l'on pense connaître du Nord pourrait relever davantage de l'imaginaire que d'un réel mesurable, palpable et vérifiable. Louis-Edmond Hamelin

Le Nunavik ne ressemble pas au Québec. Sa densité de population est de 0,026 habitant/km26,

soit un rapport légèrement inférieur à celui obtenu si la population de Sainte-Anne-des-Plaines (15 049 hab., 2016)7 était transposée sur le territoire de l’Espagne. En 2015, la population du Nunavik

a été estimée à 13 000 habitants, répartis entre 14 villages. La population varie significativement d’un village à l’autre – Kuujjuaq a une population de 2 600 habitants, Aupaluk 200 – 9 des 14 villages ont moins de 800 habitants8. La proportion d’Inuits y est de 90 % (Duhaime 2008, p. 28)

comparativement à celle des Inuits qui résident au Nunavik dans l’ensemble du Québec, qui est de 0,14 %9. En 2006, plus de 60 % de la population avait moins de 30 ans, et le tiers avait moins de

15 ans (Duhaime 2008, p. 22). Cette population croît à un rythme étonnant : entre 1996 et 2006, elle a été la plus marquante du pays, avec une croissance de 25 %(Statistiques Canada 2006).

Les 14 villages sont séparés les uns des autres, tels qu’établis et conçus par le gouvernement fédéral après la Seconde Guerre mondiale jusqu’à la fin des années 1960; la majorité se trouve à l’emplacement des postes de traite des siècles derniers (Girard 2012). Aucune infrastructure routière ou ferroviaire ne lie le Nunavik au Québec méridional ; ce territoire et chacune des communautés ne sont accessibles que par voie aérienne ou par navire, isolés au sein de ce que Louis-Edmond Hamelin a nommé le « Québec total » (Hamelin 2005 25-26)10.

5 Dorais, Louis-Jacques. 1996. La Parole Inuit, Éditions Peeters : 22. 6 13 000 et 507 000 km2

7 Institut de la statistique du Québec. Estimation de la population des municipalités du Québec de 15 000 habitants et plus

au 1er juillet des années 1996, 2001, 2006 et 2011 à 2016. En ligne. http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/population-demographie/structure/mun_15000.htm. (Consulté le 07 août 2017).

8 Institut de la statistique du Québec. Population des municipalités (Estimation au 1er juillet 2015).

http://www.nunivaat.org/documents/20160412/2016-04-12-01.pdf. (Consulté le 31 mai 2016).

9 Institut de la statistique du Québec. Population du Québec, 1971-2016. (Estimation au 1er juillet 2015).

(18)

Comme d'autres communautés autochtones au Canada, les conditions de vie des Inuits sont alarmantes. Comme le soulignent Brun et al. (2017) :

« [Elles] s'apparentent à bien des égards à celles de pays pauvres et non d'un pays du G7 (Vastel 2013; Anaya 2014; Commission canadienne des droits de la personne, 2014). Le revenu par habitant y est inférieur à la moyenne québécoise (Duhaime 2008, 74-76), l'espérance de vie à la naissance y est nettement plus basse (Données de 2005-2008, Duhaime, Lévesque et Caron 2015, 37) et la région vit de sévères problèmes de logements également (Ibid., 104). Le traitement de l’eau potable y est plus incertain (Ibid.,108) et le taux de maladies infectieuses, comme la tuberculose et la Shigellose, est extrêmement élevé (Ibid., 125).

La différence de revenu s'explique notamment du fait que les emplois les mieux rémunérés sont comblés par des travailleurs du Québec méridional lesquels répondent aux exigences de scolarité de haut niveau pour certains emplois, ou encore par l'effet des primes d'éloignement pour les non-résidents (Duhaime 2008, 74-76). En 2011, 49 % des emplois réguliers à temps plein étaient occupés par des non-bénéficiairesde la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (Administration régionale Kativik 2011, 12). La réalité socioéconomique est difficile d’autant plus que le coût de la vie y est brutalement plus élevé que dans le Québec méridional (nourriture + 60 %; produits ménagers + 79 %) (Bernard 2006). Bien que la Convention de la Baie-James et du Nord québécois devait conférer aux Autochtones un « statut d'une plus grande dignité, comme collectivité, que celle qu'ils ont connues dans le passé » (Gouvernement du Québec 2006, XVIII), selon certains auteurs, les conditions de vie des Inuits signataires équivalent à celles d'autres communautés autochtones nordiques du pays (Papillon 2008 ; Rodon et Schott 2014, 4).

Le Nunavik relève de la région administrative du Nord-du-Québec, au nord du 55e parallèle,

et fait partie du territoire d’application de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ), premier traité autochtone moderne canadien. Ce traité fut conclu le 11 novembre 1975 par sept signataires : le Grand Conseil des Cris du Québec (GCC), le Northern Québec Inuit Association (NQIA), le Gouvernement du Québec, la Société d’Énergie de la Baie-James (SEBJ), la Société de Développement de la Baie-James (SDBJ), Hydro-Québec (HQ) et le Gouvernement du Canada. Les Inuits et les Cris, signant ce traité, ont renoncé à tous leurs droits ancestraux sur le territoire du Québec en échange de droits issus de traités. La CBJNQ a instauré trois régimes distincts du reste du Québec, un régime de terres, un régime faunique, et un régime de protection de l’environnement et du milieu social. Ce traité a aussi créé des organismes ethniques et non ethniques, ces derniers à l’instar de la bureaucratie rencontrée ailleurs au Québec. Sommairement, le régime territorial a établi trois catégories de terres (I, II, III) sur lesquelles les Inuits ont des droits, plus ou moins précis, définis par le traité. Le titre de propriété des terres de la catégorie I a été transféré par lettre patente « aux

(19)

corporations communautaires inuit, aux fins communautaires inuit, ce qui leur permet d’utiliser les terres à des fins commerciales, industrielles, résidentielles ou autres. » (Gouvernement du Québec, 2017, art. 7.1.3). Les corporations foncières inuites accordent des baux à 1$ pour les services publics fournis par le gouvernement provincial (ex. : une centrale diesel). Les terres de la catégorie II et III sont des terres publiques et privées où les bénéficiaires de la convention ont des droits de chasse, pêche et de piégeage. Sur les terres de la catégorie II, à l’instar des terres de la catégorie I, si le gouvernement ou ses mandataires requièrent des terres à des fins de développement, les bénéficiaires reçoivent à titre d’indemnité des terres d’une superficie équivalente. Sur les terres de la catégorie II, le développement est assujetti aux droits de chasse, de pêche et de piégeage, comparativement aux terres de la catégorie III – également des terres publiques et privées – où les mêmes droits sont assujettis au développement.

(20)

Figure 3. Le Nunavik dans le Québec

Référence : Société Makivik. En ligne. http://www.makivik.org/fr/media-centre/nunavik-maps/11 La dimension ethnique et culturelle du Nunavik

La représentation ethnique et l’identité culturelle sont deux éléments notables dans la géopolitique du Nunavik. Comme les autres communautés inuites canadiennes, les Inuits du Nunavik constituent le premier groupe ethnique du territoire (90 %), comparativement aux Cris de la municipalité d'Eeyou

11 Désigne les Inuits du cuivre, peuple inuit de l’Arctique canadien, de par leur utilisation des objets façonnés dans cette

matière issus des gisements à proximité. Encyclopédie canadienne, s.d. Innuinnait (Inuits du cuivre). En ligne.

(21)

Istchee Baie-James, aussi sur le territoire d’application de la CBJNQ, qui ne représentent que 45 % de la population.

Si les Occidentaux conçoivent la gestion des ressources comme une domination sur la nature (William Leiss 1972 dans Rodon 2003), pour les Inuits, le territoire et la nature font partie intégrante de leur identité, ils « considèrent qu’ils font partie de l’environnement au même titre que les autres espèces animales et leur respect à leur égard traduit un sentiment quasi religieux (Auger et al. 2012, 337) ». Ils perçoivent l’espace comme un ensemble de relations représentant une histoire vécue (Collignon 1996, 57, 181); ils entretiennent une relation intime avec la Terre, les lieux, les éléments, les animaux. Béatrice Collignon (1996, 157) dit que

Les Inuinnait continuent (y compris les jeunes) à penser l’espace en termes d’axes, de chemins : un tissu de relations où chaque lieu a sa place le long de fils et se mémorise en fonction des qualités de ses liens avec d’autres lieux, disposés eux-aussi le long d’itinéraires qui sont comme le fil d’Ariane du territoire.

Malgré une diminution des activités traditionnelles, la pratique du territoire continue d’être importante dans la vie des Inuits (Collignon1996, Auger et al. 2012). Ils sortent sur le territoire (on

the land) sur une base régulière pour chasser et le country food, soit des aliments traditionnels tels

que l’omble chevalier et le caribou, est encore une source d’alimentation importante chez les Inuits, bien que les denrées alimentaires venues d’ailleurs soient intégrées dans leur alimentation, avec pour conséquence un taux élevé de diabète et d’obésité (Auger et al. 2012, 338).

Autonomie politique

À bien des égards, le contexte du Nunavik n’a rien en commun avec le reste de la province du Québec et les Nunavimiuts12 doivent composer avec des faits antagoniques à leurs aspirations en tant que

nation. D’une part, ils ont plus en commun culturellement et démographiquement les populations des régions canadiennes de l’Inuit Nunangat (Inuvialuit, Nunavik, Nunatsiavut, Nunavut) dont les régions sont cependant partagées par des frontières récentes (respectivement Territoires du Nord-Ouest et Yukon, Québec, Labrador, Nunavut). D’autre part, ils doivent faire cheminer leurs intérêts dans le système et ses structures d’une « nation distincte », majoritairement francophone, connaissant peu le Nord, cherchant elle-même à s'affirmer au sein d'un Canada anglophone.

(22)

Figure 4. Inuit Nunangat

Référence : Affaires autochtones et du Nord Canada. http://www.aadnc-aandc.gc.ca/Map/irs/mp/index-fr.html (Consultée 26 janvier 2018)

Il est important de noter ce que dit Éric Canobbio (2009). Les Inuits ont eux-mêmes un projet politique et économique d’autonomie, qui prit naissance dans les années 1950 alors que les Inuits dépendaient des prestations gouvernementales. Ce projet a été mis en branle par la création de la Société des sculpteurs de Puvirnituq en 1958, qui allait participer à mettre en place un mouvement coopératif au Nunavik en exportant des sculptures inuites, à l’aide du gérant de la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH) à Puvirnituq et un missionnaire catholique. À peine deux ans plus tard, la Société des sculpteurs se détachait de la CBH pour distribuer et vendre l’art inuit, et adoptera un modèle coopératif, qui évoluera en la Fédération des coopératives du Nouveau-Québec (FCNQ). C’est ce mouvement qui deviendra la voix politique des Inuits du Québec, « la seule place publique disponible pour s’interroger sur leur situation collective, les conditions objectives de la production contemporaine, l’économie régionale et la nature de l’État (Simard, 198213, dans Canobbio, 2009) ».

La réussite du mouvement coopératif créa ainsi un « appel d’air politique » et il devint évident pour les leaders inuits qu’un appareil régional pouvant « structurer un projet de société » était en train d’être développé. C’est en 1971 que les leaders du mouvement ont demandé au ministère des Richesses naturelles du Québec que le territoire au nord du 55e parallèle devienne une région

autonome avec son gouvernement régional (Canobbio, 2009, p.61). Il semble donc à propos de se questionner sur les opportunités des Nunavimiuts - non liés ni par le projet politique, la langue, la

13 Jean-Jacques Simard. La Révolution congelée. Coopération et développement au Nouveau-Québec inuit, Université

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culture, ni par voies terrestres au reste du Québec pour bénéficier de politiques et de programmes planifiés pour un intérêt commun québécois.

1.2

Fonctionnement du secteur énergétique québécois

Il convient de décrire la dynamique du secteur électrique au Québec, les rôles respectifs d’Hydro-Québec et de la Régie de l’énergie, et les articles clés de la Loi sur la Régie de l’énergie, et ainsi mieux comprendre pourquoi la production énergétique dépend considérablement, et avant toute autre chose, des intentions d’Hydro-Québec et du politique, et ce, dans l’ensemble du Québec.

Trois activités d’Hydro-Québec

Le secteur de l’électricité est une affaire d’État. Le gouvernement québécois est l’unique actionnaire d’Hydro-Québec, société d’État14 qui détient le quasi-monopole du transport et de la

distribution d’électricité pour toute la province15 depuis la nationalisation de l’électricité en 1962. La

production d’électricité est le seul secteur un tant soit peu libéralisé qui reste néanmoins étroitement encadré par le gouvernement du Québec et Hydro-Québec. Cela dit, il faut savoir qu’Hydro-Québec a trois secteurs d’activités principaux : la production, la distribution et le transport de l’énergie16. Tout

d’abord, principalement à partir de ses installations de production hydroélectrique, la filière d’Hydro-Québec Production (HQP) produit la majorité de l’électricité pour satisfaire la demande québécoise et la commercialiser sur les marchés de gros, notamment pour l’exportation vers les États-Unis. Hydro-Québec ne produit de l’énergie qu’à partir d’hydroélectricité ou du gaz ou du diesel. La production d’électricité à partir de sources renouvelables (biomasse, éolienne, marémotrice, solaire) est gérée par des producteurs indépendants (privés, communautaires ou autochtones).

La division Hydro-Québec Distribution (HQD), interagit avec la clientèle d’Hydro-Québec et administre la distribution d’électricité vers les clients. Elle contrôle également les réseaux de distribution des réseaux autonomes17 du Québec, et achète en majeure partie son électricité de la

division Production, à l’exception de l’énergie approvisionnant les réseaux autonomes. HQD procède

14Nous nous référerons à Hydro-Québec sous-entendant La société d'État Hydro-Québec. 15Néanmoins, des réseaux indépendants existent, tel qu’Hydro Westmount ou Hydro Sherbrooke.

16 Hydro-Québec exerce également une quatrième activité transversale à la production et le transport (ex. : conception des aménagements de production, inspection de chantier), Hydro-Québec Équipements et Services partagés. Cette activité est volontairement exclue de l’analyse puisqu’elle contribue dans une moindre mesure aux objectifs de cette recherche. 17Ce sont les réseaux de distribution qui ne sont pas connectés au réseau de transport principal d'Hydro-Québec, tels que

(24)

aussi par appels d’offres auprès de producteurs indépendants de la province, principalement pour l’énergie éolienne. Cette division est aussi désignée par le distributeur, tant dans le présent mémoire que dans les textes législatifs et réglementaires. Enfin, la troisième division, TransÉnergie, exploite le réseau de transport électrique pour le territoire québécois et les interconnexions provinciales et nationales (Hydro-Québec 2014).

La Régie de l’énergie : les décrets d’un programme politique

La Régie de l’énergie, dont la création est une conséquence de la Table de consultation du débat

public sur l’énergie tenue en 199618 (Québec 1996, 32-33), a transformé le secteur de l’énergie au

Québec. Sa création a aplani deux intérêts conflictuels de l’État qui comme actionnaire unique, poursuit des objectifs commerciaux, tout en devant veiller aux intérêts des consommateurs. La Régie est un tribunal administratif et un régulateur économique dans les questions liées à la distribution et au transport d’énergie. Elle agit à titre de contre-expertise aux demandes faites par Hydro-Québec par le biais d’experts convoqués pour se prononcer sur la planification d’Hydro-Québec, en autres dossiers. C’est aussi la Régie de l’énergie qui fixe le prix du kilowatt que paye par la clientèle, et son rôle est le même pour la distribution et le transport du gaz naturel.

Règlementation indirecte de la production d’électricité

Parce que la LRE encadre les activités du distributeur (HQD) qui, lui, achète son énergie des producteurs, elle règlemente indirectement les activités de production. En d’autres mots, même si des parcs éoliens et solaires sont mis en marche çà et là par les producteurs, ces derniers ne peuvent pas vendre leur énergie, sauf à des clients raccordés à un réseau privé. Pour que l’énergie produite soit commercialisée sur le marché québécois, il faut que cette vente soit préalablement approuvée par la Régie qui approuve selon les « préoccupations économiques, sociales, et environnementales » du gouvernement.

Québec encadre également la production d’électricité en fixant le volume d’énergie pour lequel des appels d’offres seront faits et le prix auquel l’énergie sera achetée par HQD. Dit autrement, le gouvernement détermine le nombre de kilowatts – la quantité d’électricité – qui seront mis sur le marché. Il en contrôle également la source (éolienne, hydroélectrique, etc.) « Le gouvernement peut, par règlement, déterminer pour une source particulière d’approvisionnement en électricité, le bloc

18Le projet de loi no 50, la « Loi sur la Régie de l'énergie », a été adopté par l'Assemblée nationale le

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d’énergie et son prix maximal » (LRE 1996, Art. 112, 2.1 et 2.2). Par exemple, le décret 1044-2008 (Québec 2008) désignait un bloc de 250 MW pour les projets autochtones à un prix initial 9,5 ¢/kWh. Par un autre décret, 520-2009(Québec 2009), le gouvernement a justifié l’augmentation du prix d’achat initialement convenu pour ce même bloc d’énergie, afin que les producteurs puissent ajuster leur soumission lors de l’appel d’offres.

ATTENDU QUE le prix maximal de 9,5 ¢/kWh n’est plus approprié au contexte économique et financier actuel et qu’il est nécessaire de le modifier pour assurer la réussite de l’appel d’offres au bénéfice des communautés autochtones;

ATTENDU QUE la hausse du prix maximal à 12,5 ¢/kWh […] permettra d’assurer un développement optimal des projets autochtones […]

il convient de modifier le prix de fourniture d’électricité afin de permettre aux soumissionnaires de connaître les paramètres fondamentaux de l’appel d’offres dès son lancement avant le 1er mai 2009 et de présenter des soumissions qui tiennent compte du contexte économique et financier actuel […] (Québec 2009)

Une fois la source, la quantité et le prix de l’énergie fixés par règlements (LRE 1996, Art.112), Hydro-Québec prépare les documents d’appels d’offres pour choisir les producteurs privés, ou autochtones, ou communautaires, qui fourniront une part de l’énergie autorisée.

Afin d’assurer le traitement équitable et impartial des fournisseurs participant à un appel d’offres, le distributeur d’électricité doit établir et soumettre à l’approbation de la Régie, qui doit se prononcer dans les 90 jours, une procédure d’appel d’offres et d’octroi, ainsi qu’un code d’éthique portant sur la gestion des appels d’offres applicables aux contrats d’approvisionnement (LRE 1996, art. 74.1).

Ces procédures sont les mêmes pour l’ensemble de la province, mais la Régie de l’énergie a récemment émis son opinion à l’effet qu’Hydro-Québec peut également convenir de contrat gré à gré pour les réseaux autonomes (Régie de l’énergie 2017).

Acteurs de l’approvisionnement énergétique au Nunavik

Gouvernement du Canada

Le gouvernement du Canada joue un rôle effacé dans l’approvisionnement énergétique au Nunavik en vertu de l’article 92A de la Constitution canadienne. La production d’énergie électrique relève plutôt du gouvernement du Québec, ce pour quoi le Canada a été exclu de l’analyse. En contrepartie, il faut savoir que le fédéral est très impliqué financièrement dans les technologies propres de manière générale– le budget de 2017 prévoit plus de 3 milliards (Canada 2017a) – notamment par des

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Nord, 2016)19. En tant que signataire de la CBJNQ, il est possible que le Canada ait un rôle plus

important, mais il n’a pas été possible de le confirmer dans le cadre de ce projet20.

Gouvernement du Québec

Comme Hydro-Québec, le gouvernement du Québec est un acteur influent, principalement en raison du pouvoir qui lui est concédé constitutionnellement :

92A. (1) La législature de chaque province a compétence exclusive pour légiférer dans les domaines suivants : […] aménagement, conservation et gestion des emplacements et des installations de la province destinés à la production d’énergie électrique (art. 92A, Gouvernement du Canada).

Les décisions législatives relèvent ainsi du gouvernement provincial. Québec est également signataire de la CBJNQ ainsi que de l’Entente sur le développement économique (Sanarrutik)21. Le gouvernement du Québec est aussi le propriétaire et le gestionnaire des terres publiques – essentiellement 98% du territoire québécois – rôle assuré par le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles.

Hydro-Québec

Dans un secteur quasi monopolisé, seules les activités de production sont quelque peu libéralisées. 14% de l’électricité est produite par des producteurs privés, notamment les municipalités (ex. : Hydro Sherbrooke) et les autoproducteurs industriels des secteurs de l’aluminium (ex. : Rio Tinto Alcan) et des pâtes et papiers (Gouvernement du Québec, ministère des Ressources naturelles 2014, 80) 22. Les

activités de la société sont principalement régies par la Loi sur Hydro-Québec, la Loi sur la Régie de

l’énergie, et la Loi sur le régime des eaux. En tant que Société d’État, Hydro-Québec a sa personnalité

juridique distincte et assume une grande partie des responsabilités en matière d’électricité. Les journalistes se plaisent à rappeler ou challenger qu’Hydro-Québec est un État dans l’État et questionnent dans quelle mesure le gouvernement a véritablement une emprise sur la société. En pratique, il s’observe une relative indépendance de la société qui garde néanmoins un lien étroit avec le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles dont la véritable nature est difficile à déchiffrer. Les grandes orientations (ex. : Plan stratégique), bien qu’élaborées par Hydro-Québec ne peuvent véritablement l’être sans la proche collaboration politique et administrative du gouvernement.

19 De récents investissements (2017) proviennent de l’Agence canadienne de développement économique du Nord, notamment par le programme Investissements stratégiques dans le développement économique du Nord (ISDEN) et le Programme d'infrastructure communautaire de Canada 150 (PIC 150) (Agence canadienne de développement économique du Nord 2017b; 2017c).

20 Le Canada est parti au Protocole d’entente avec le gouvernement du Québec et Hydro-Québec. Vous référer à la section

Le fonctionnement d’un système énergétique divergent.

21 Voir la section Problématique et objectifs. 22 Voir la section Trois activités d’Hydro-Québec.

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Régie de l’énergie

La Régie de l'énergie a transformé le secteur de l'énergie au Québec à la suite de la Table de

consultation du débat public sur l'énergie tenue en 1996et le rapportdes consultations(Québec, 1996, 32-33) 23. La Régie est un tribunal administratif et un régulateur économique dans les questions liées

à la distribution et au transport d'énergie; sa mise sur pied a aplani deux intérêts conflictuels d’Hydro-Québec et du gouvernement du d’Hydro-Québec. Effectivement, en sa qualité d’actionnaire unique, le d’Hydro-Québec poursuit des objectifs commerciaux. En contrepartie, il doit veiller à l’intérêt des consommateurs en sa qualité de gardien du bien commun. La Régie agit ainsi à titre de contrexpertise d’Hydro-Québec. Par ses décisions, elle fixe notamment le prix du kilowatt payé par les clientèles et elle exige des précisions à l’argumentaire présenté par Hydro-Québec. Son rôle est le même pour la distribution et le transport du gaz naturel. Voici quelques demandes adressées à Hydro-Québec dans ses décisions quant aux plans d’approvisionnement, auxquelles Hydro-Québec:

Demande de prendre les moyens pour que puissent être déployés les projets permettant de réduire l’utilisation du mazout pour la production d’électricité et le chauffage des locaux, tout en offrant une rentabilité acceptable (HQD 2010, 11). Demande au Distributeur de considérer un programme de réduction de la demande qui pourrait retarder la construction d’une centrale à Akulivik (ibid.)

Demande au Distributeur de l’informer, dans le cadre de l’état d’avancement 2009 du Plan et dans le plan d’approvisionnement 2011-2020, de l’état d’avancement des projets de JED prévus à Akulivik, à Kangiqsualujjuaq ainsi qu’à Cap-aux-Meules. (ibid.,12).

Malgré son rôle de régulateur, la Régie reste sous l’autorité du gouvernement du Québec qui précise par décret ses « préoccupations économiques, sociales, et environnementales » qui deviennent le cadre par lequel doivent être analysés les dossiers. Bien que la Régie technicise les décisions, les dossiers analysés sont influencés par le programme politique du gouvernement en vertu des pouvoirs conférés au ministre dans la Loi sur la Régie de l'énergie.

La société inuite

La population inuite habitant le Nunavik dans son ensemble est désignée société inuite dans ce mémoire. En signant la CBJNQ, les Inuits ont renoncé à leurs droits ancestraux (comme les Cris et les Naskapis par ailleurs), remplacés par des droits issus de traités, leur conférant plus de clarté. Les droits ancestraux sont éteints sur tout le territoire québécois et non pas seulement sur le territoire d’application. Autrement dit, les Inuits ne peuvent entrer dans une revendication territoriale ou se

(28)

présenter devant la cour pour déclarer une atteinte à leurs droits ancestraux. Toutefois, les droits issus de traités bénéficient de la même protection constitutionnelle en vertu de l’article 35 de la Loi

constitutionnelle de 1982.

(1) Les droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés. […]

(3) Il est entendu que sont compris parmi les droits issus de traités, dont il est fait mention au paragraphe (1), les droits existants issus d’accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d’être ainsi acquis.

La pensée politique de la société inuit peut être divisée, sommairement, en deux courants : les dissidents autonomistes, et ceux qui adhèrent à l’intégration des structures du « sud » dans la culture inuite. La division est toutefois moins claire aujourd’hui, 40 ans après la conclusion de la CBJNQ et peu d’années suivant le référendum qui mit fin au projet de gouvernement inuit. Mais en 1975, trois communautés représentées par le mouvement Inuit Tunngavingat Nunamini (ITN) avaient refusé de se rallier à la CBJNQ (Salluit, Ivuivik et Puvirnituq). Si Salluit et Inuivik ont adhéré à la CBJNQ, le village de Puvirnituq est toujours dissident à ce jour (Koperqualuk 2014). Il s’agit du seul village du Nunavik à ne pas avoir procédé à la sélection de ses terres de la catégorie I ni de la catégorie II.

Les écrits de Taamusi Qumaq, Inuk, un des fondateurs du mouvement des coopératives (aujourd’hui FCNQ), et penseur inuit, exprime un point de vue sur les divergences d’opinions politiques au Nunavik :

La Convention donne beaucoup d’argent en échange des terres. Les Inuits et les Cris ont touché cet argent sans effort. C’est comme s’il était tombé du ciel. Makivik veut gérer l’argent pour le développement politique, social et économique des Inuits du Nord québécois. On pense que les mêmes personnes réussiront à gérer tous ces domaines. La Fédération des coopératives du Nouveau-Québec a fait la même chose depuis bien des années par le biais des coopératives. Même s’il était difficile de trouver l’argent, et même s’il y a eu des temps difficiles, la Fédération a tenu le rythme du développement. Il ne fait aucun doute que la Fédération est honorable.

En 1967, la Fédération a été lancée sans ressources et sans argent. Si elle a connu des moments difficiles, elle a néanmoins persisté pendant les vingt dernières années. Elle est partie de rien et n’a pas encore fait faillite. Certaines coopératives auraient fait faillite si les plus grosses n’étaient pas venues à leur aide. Elles s’entraidaient, comme des coopératives sont censées le faire.

Lorsque je compare les deux organisations, Makivik et la Fédération, c’est toujours la Fédération qui l’emporte [sur le plan de la réussite]. Elle s’est développée à partir de rien et a mérité mon respect. Voilà ce que je pense (2010, 138).

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La Société Makivik

La société inuite est officiellement représentée par la Société Makivik, créée par la CBJNQ, dont le prédécesseur était l’Association des Inuits du Nouveau-Québec (AINQ) qui portaient la voix d’une partie des Inuits dans les négociations du traité. À titre de signataire de la CBJNQ, la Société Makivik est l’interlocuteur privilégié des gouvernements du Québec du Canada, et est le représentant politique officiel de la société inuite. Elle administre les compensations financières découlant de la CBJNQ et veille à la défense des droits et intérêts des Inuits. Son mandat est la promotion du bienêtre socioéconomique et culturel des Inuits. Lorsqu’il est question d’entente ou de dialogue politique, la Société Makivik est l’acteur interpelé.

L’administration régionale Kativik

Tout comme la Société Makivik, l’Administration régionale Kativik (ARK) est une institution créée par la CBJNQ et la Loi sur les villages nordiques et l’Administration régionale Kativik. L’ARK exerce ses compétences de municipalité locale sur tout le territoire du Nunavik à l’exception des villages nordiques, omis certaines compétences telles que le transport et le service de police24. Elle a

notamment compétences dans les domaines de l’emploi, de la formation, des travaux publics municipaux, des transports, des ressources renouvelables, de l’aménagement du territoire, de l’environnement, ainsi que du développement économique. L’ARK accompagne aussi les villages nordiques dans leur gestion locale. Contrairement à Makivik, l’ARK est une corporation publique et non ethnique. Les villages nordiques agissent au niveau local. Plusieurs responsabilités sont partagées entre le palier local et le gouvernement, comme par exemple l'habitation, le réseau routier, l'aménagement du territoire et l'urbanisme (Gouvernement du Québec [MAMOT] 2016).

L’ARK a comme outil de planification du territoire le plan d’aménagement du territoire de 1998, cependant, ce plan n’est pas contraignant pour le gouvernement du Québec dans sa planification territoriale. L’ARK bénéficie d’un financement provenant d’une enveloppe unique (financement global) depuis la signature d’une entente à cet effet, regroupant les subventions des ministères et organismes du Québec, tel que le prévoyait l’Entente Sanarrutik(Sanarrutik) à laquelle est également partie l’ARK25.

La Fédération des coopératives du Nouveau-Québec

La Fédération des coopératives du Nouveau-Québec (FCNQ) fondée vers la fin des années 1950 faisait initialement de la vente et distribution d’œuvres de sculpteurs inuit. La FCNQ et ses filières

24 L’ARK n’a pas compétence sur les terres de la catégorie IA et IB de la communauté crie de Poste-de-la-Baleine (Whampagoostui).

(30)

ont aujourd’hui le monopole sur la distribution de produits pétroliers au Nunavik, et ses activités s’étendent au sud du 55e parallèle grâce à une nouvelle formation, Pétrol NaskInnuk. Les produits

pétroliers représentent un peu plus de 40 % de leurs secteurs d’affaires26, qui comprend aussi le

commerce de détail et la câblodistribution Sur son site web, la FCNQ présente que :

Déjà dans les années 60 certaines coopératives étaient impliquées, à titre de tiers, dans la distribution de produits pétroliers. La Hudson Bay Company, Shell et le gouvernement du Québec étant les propriétaires des différents dépôts à travers le Nunavik à cette époque.

Vers la fin des années 70, le gouvernement du Québec approcha la Fédération pour discuter de l'éventuelle implication de celle-ci dans l'approvisionnement et la distribution des produits pétroliers.

Les discussions se poursuivirent jusqu'en 1981 lorsque le conseil d'administration de l'époque adopta une résolution mandatant les la Fédération à en venir à une entente avec le gouvernement pour l'acquisition des dépôts et inventaires appartenant au Ministère des Travaux Public et de l'Approvisionnement au Nunavik. C'est le 17 juin 1981 que l'entente fut signée entre la Fédération et le Gouvernement. […] Fort du succès obtenu dans les 5 premières communautés, un nouveau mandat pour l'obtention des droits de distribution dans les autres communautés, alors desservies par Shell, fut donné en 1984. Six d'entre elle[s] acceptèrent et vers la fin de 1987, la Fédération et Shell signaient l'entente formelle qui scellait la vente des installations de Shell à la Fédération.

En 2009. Nunavik Pétro inc. vu le jour pour devenir la responsable de l'approvisionnement et la distribution dans les trois dernières communautés au Nunavik27.

La FCNQ a 2 filières pétrolières, Nunavik Petro et PIMI Petroles Naskinnuk.

Villages nordiques

Les villages nordiques (NV) sont aussi des institutions non ethniques de la CBJNQ, dont les pouvoirs sont équivalant à ceux des municipalités. Ils se distinguent cependant sur quelques plans, soit la fiscalité, les élections et le personnel municipal (MAMROT 2016, 6). À l’instar de l’ARK, ils sont créés par la Loi sur les villages nordiques et l’Administration régionale Kativik. Leur assise territoriale est en terre de la catégorie I, mais d’une superficie moindre. Les communautés de Poste-de-la-Baleine, Kuujjuarapik (Inuit) et Whapmagoostui (Cris), relèvent de deux structures administratives différentes. Seule Kuujjuarapik est régie comme les autres communautés du Nunavik. Whapmagoostui répond au régime cri. Les villages nordiques équivalent aux municipalités de village cri ou de village naskapi, constituées pour la gestion municipale des terres de la catégorie IB. Il faut

26 Fédération des coopératives du Nouveau-Québec. Growing with co-ops, 31 janvier 2005, 250 pages. Dans https://www.ic.gc.ca/eic/site/693.nsf/fra/00047.html

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souligner par contre que les communautés cries et naskapie, installées en terres de la catégorie IA, sont plutôt de compétence fédérale et ne sont pas des municipalités au sens des lois québécoises.

Corporation foncière ou corporation communautaire inuite

Les corporations foncières ont été établies par la CBJNQ également; elles ont reçu le transfert des terres de la catégorie I et en assurent la gestion.

Une corporation communautaire inuit est constituée en vertu d’une loi spéciale de l’Assemblée nationale du Québec pour chacune des communautés […].

Les membres des corporations communautaires inuit respectives sont les Inuits affiliés à chaque communauté, selon les stipulations du chapitre 3A de la Convention. (art. 7.1.2) Dès l'entrée en vigueur de la Convention, le titre de propriété des terres de la catégorie I est transféré aux corporations communautaires inuit, aux fins communautaires inuit, ce qui leur permet d'utiliser les terres à des fins commerciales, industrielles, résidentielles ou autres. La propriété ne peut être transférée aux corporations communautaires inuit de ces communautés inuit n'ayant pas terminé leur sélection des terres de la catégorie I selon les termes de l'alinéa 6.1.1 lors de l'entrée en vigueur de la Convention, tant que ces sélections ne seront pas terminées (art. 7.1.3).

À la lettre, les corporations sont les seuls représentants ethniques des Inuits à l’échelle locale. Naturellement, leurs préoccupations, de terrain, sont plus directes que celle du schème politique provincial ou régional dans lequel s’inscrit la Société Makivik. Cette dernière représente par ailleurs toutes les communautés sans discrimination alors que les réalités de chaque communauté diffèrent. Certaines corporations foncières sont plus prospères, en raison des revenus qu’elles tirent des baux, notamment, mais également d’activités économiques propulsées par le développement de la communauté. D’autres, dont la population et le développement sont moins importants, doivent user d’imagination pour générer des revenus. Par ailleurs, les corporations foncières ne sont signataires d’aucune entente et ne participent pas aux tables de négociation avec les gouvernements.

Acteurs privés

Les sociétés minières

Deux seules mines sont actives au Nunavik, la mine Raglan et Nunavik Nickel. À quoi s’ajoutent deux projets de mise en valeur de terres rares, Eldor et Strange Lake. Titres miniers actifs sur le territoire du Nunavik.

Les entreprises de production énergétiques privées

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L’autre compagnie la plus crédible à l’heure actuelle est Innergex énergie renouvelable inc. (Innergex.com), partenaire avec la corporation foncière Pituvik dans l’idéation et la planification de la petite centrale au fil de l’eau à Inukjuak. Il faut toutefois prendre en compte qu’au moment de rédiger ce mémoire, d’autres entreprises sont susceptibles de faire leur place dans l’approvisionnement énergétique en raison du plus récent plan d’approvisionnement et plan stratégique d’Hydro-Québec28.

Le fonctionnement d’un système énergétique divergent

Au Québec, l'électricité est produite à partir de sources renouvelables dans une mesure de 99 %, principalement au moyen de grands barrages hydroélectriques. En revanche, les 14 communautés du Nunavik sont entièrement approvisionnées en électricité par des produits pétroliers. Un réseau autonome alimente chaque village, soit des réseaux non raccordés au réseau principal d'Hydro-Québec (Figure 5). Dans ces réseaux, l’électricité est générée à partir de centrales à moteurs diesel qui entrainent des coûts de production nettement plus élevés qu’au moyen de barrages hydroélectriques, ou qu’il en coûte dans des régions plus au sud, notamment en raison du coût des produits pétroliers plus élevés dans le nord, de l’absence d’économies d’échelles et des frais de construction et d’entretien des installations. Des réseaux autonomes alimentent certaines municipalités de la Côte-Nord, de la Haute-Mauricie et de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine. Dans tous les cas, il s’agit de zones isolées et peu densément peuplées, et la production et la distribution d’électricité y sont la responsabilité d’Hydro-Québec Distribution.

Au Nunavik, le remplacement des centrales à moteurs diesel par des énergies renouvelables est une option que le Gouvernement du Québec et Hydro-Québec envisagent et étudient depuis plusieurs années. Cependant, l’électricité continue d’y être produite à partir de diesel, et les locaux et l’eau sont chauffés par des appareils au mazout, sur les lieux de consommation. Selon Hydro-Québec, le coût évité en énergie (¢/kWh)29 pour les communautés du Nunavik varie entre 0,46 et 0,60 $ , en

comparaison à 0,024 $ pour Schefferville et 0,22 $ pour Cap-aux-Meules (Îles-de-la-Madeleine) (Distribution 2014, 8). Ce coût de production étant plus élevé que le prix facturé explique l’exploitation déficitaire des réseaux autonomes, particulièrement au Nunavik. C’est aussi la principale raison à une tarification plus dispendieuse au nord du 53e parallèle qu’au sud, malgré le

principe d’uniformité tarifaire territorial ailleurs au Québec :

28 Voir la section 20 années sont passées : nombreux sont les projets, tardifs les résultats.

29 Une définition très générale du coût évité consiste au coût pour une quantité d’énergie additionnelle, ou l’économie engendrée si l’électricité n’est pas produite. Les termes coût d’opportunité et coût marginal sont aussi synonymes. Le coût évité est un concept économique.

(33)

La tarification doit être uniforme par catégorie de consommateurs sur l’ensemble du réseau de distribution d’électricité, à l’exception toutefois des réseaux autonomes de distribution situés au nord du 53e parallèle (art. 52.1).

La structure tarifaire vise à dissuader la clientèle de chauffer l’eau et les locaux à partir de l’électricité et l’inciter à plutôt utiliser le mazout, ce système étant effectivement plus performant que les centrales

30à moteurs diesel.

Le prix de vente de l’électricité pour la clientèle résidentielle étant composé de deux tranches tarifaires, la première tranche – 33 kilowattheures par jour31 – est facturée à un seul tarif pour

l’ensemble de la clientèle du Québec (0,0582 $ le kilowattheure). Cependant, la deuxième tranche – au-delà de 33 kilowattheures – est facturée à 0,0892 $ le kilowattheure au sud du 53e parallèle, mais

0,4093 $ pour la clientèle au nord, particulièrement celle du Nunavik (Tarifs au 1er avril 2017).

Malgré cette tarification, l’approvisionnement électrique au Nunavik reste déficitaire puisqu’il en coûte 0,60 $ en moyenne pour produire un kilowattheure (Informateur Hydro-Québec, mars 2017).

En 2014, la Régie de l’énergie a proposé d’augmenter graduellement le prix de la 2e tranche

du tarif domestique applicable au nord du 53e parallèle, 8% par année, pour mieux refléter le coût réel

de production par les centrales à moteurs diesel (Régie de l’énergie 2014). En réalité, cette augmentation concerne une faible proportion de la clientèle. Environ 90 % de l’électricité consommée au nord du 53e parallèle est facturée au même tarif que pour l’ensemble du Québec (1re tranche,

0,0582 $ le kilowattheure) en raison de l’utilisation généralisée des systèmes de chauffage au mazout (Informateur Hydro-Québec, mars 2017). Selon Hydro-Québec Distribution, la consommation excédant la première tranche serait due à l’utilisation de chauffage électrique d’appoint (Régie de l’énergie 2014, 194).

Puisqu’il est plus économique de chauffer au mazout qu’à l’électricité, Hydro-Québec accorde une subvention à tous les clients des réseaux autonomes qui en font la demande – Programme d’utilisation efficace de l’énergie (PUEÉ) – afin d’encourager l’utilisation du mazout pour chauffer l’eau et les locaux. Si le client accepte de chauffer avec un tel système, le coût de revient pour chaque kilowattheure est approximativement 30 % moins élevé que le tarif de la 2e tranche du tarif

domestique appliqué au sud du 53e parallèle. Autrement dit, le client moyen du Nunavik bénéficie

d’un tarif plus avantageux qu’au sud du 53e parallèle à la condition qu’il chauffe au mazout. Le

mécanisme de cette subvention est invisible pour le client puisque ce dernier n’est facturé que le montant de la différence entre le mazout et la subvention. Ce programme couvre également les coûts d’entretien et de réparation des appareils de chauffage pour sa clientèle résidentielle et d’affaires dans

30 Le tarif domestique signifie la tarification pour la clientèle résidentielle.

Références

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