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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Le look historien : des modèles par inadvertance aux modèles bien gérés - et faut-il les avouer ?

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LE LOOK HISTORIEN:

DES MODELES PAR INADVERTANCE AUX

MODELES BIEN GERES - ET FAUT-IL LES

AVOUER?

Henri MONIOT

UER de Didactique des Disciplines, Université Paris VII

Mots clés: configuration, modèle, analogie, simulation illusion réaliste

Résumé:

L'histoire savante use de modèles, (re)descriptions simples et fortes de la réalité étudiée Sa recherche de données individuelles 10 ploce dans le champ de la pensée par modèle plus Que dans celui de la pensée par système. Il lui arrive de simulernce Qui n'o pas eu lieu.

Mais rendre 'Visible ce travail savant de configuration est difficile, et les fonctions sociales de l'histoire poussent 6 succomber ou contraire 6 l'illusion réallste des modèles. Cependant, la pratique scolaire permet deux jeux du ·comme si", et une familiarisation avec les modélisations et les ambivalences de l'histoire.

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Dans leur Image la plus simple et la plus ordinaire, l'h1stoire et

l'enseignement de l'histoire ne semblent vraiment pos relever du thème de ces journées - modèles et simulation. L'histoIre raconte, elle raconte des choses Qui ne sont orrivées Qu'une fois, elle est concrète, donnant 0 voir des acteurs, des foits, des situotions rapportobles à10connolssonce de 10 vie Que donnent l'expèritlll\;.e ou ou moins 10culture, elle n'oppelle pos d'outre forme d'Intelligibilité Que celle dont on use dons la vie....Que viendrait foire lcl une activité Intellectuelle de re-mlse en forme?

CeUe vue des choses ne convient pas. Nais elle n'est ni fonclèrement délllocée, ni négllgeable. Discernons plutOt les éléments du débot.

1 En fait, l'histoire so....onte, comme les outres sciences "humoines", pratiQua couramment, et nécessairement, une procédure de (re)dascription du réel étudié Qui répond 0 un des emplois possibles du terme "mOdèle".

Lliistorlen crée des ·objets·, Qui condensent une réalité foisonnante et complexe (kil;;une représentation simple et forte, où sont obstroits un

petit nombre d'éléments essentiels, choisis, liés entre eux. Ce sont ces éléments, leurs \1alsons, et la cohérence du réseau d'énoncés qui les porte, Qui permettent de rendre compte du réel. Soit un trovotl de mise en forme et de mise en 1ntelllgibllité du réel. Alns\: "cité antique", "age boroQue", "capitalisme morchond", "civilisation rurale", "crise de subslstonces"(de l'économie d'oncien régime européen), un1flcaUon microbienne du monde, cycle des .... llIes marchondes Itoli&nnes Que Braudel montra Jadis, du XVlèmeOUXVlllème s., touré tour marchandes, Industrielles et

bancal res ...

Il s'ogH plus de dominer et d'éclairer les propriétés du réel Que d'étobllr des lois, plus d'en rendre compte d'un point de vue spécifié Que de

"retrouver" "la" vérité historique Il peut y ovoir ensemble plusieurs modèles, utilement. Ils servent é chercher, relevant d'abord de la logique de 10découverte: 0 cosser des interprétations inodéQuotes, 0 trovo1l1er sur eUj( pour éprouver de nouvelles significations Citons Braudel Qui, en 1958, lonçoit, nul!pos les modèles en histoire, mois peut -être III réflexion

ouverte à leur sujet :"Les modèles ne sont Que des hypothèses, des systèmes d'explicotion solidement liés selon la forme de l'équation ou de 10 fonction. ceci égole cela, ou détermine cela.Tt;lltlréalité n'apparail pas sons Que telle outre ne l'occompagne et, de celle-clècelle-10, des ropports étroits et constonts se révèlent. Le modèle étobli...permettro donc de

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mettre en couse, hors du mllleu social observé - ~ partir duquel 11 a été, en somme, créé - d'outres milieux sociaux de même nature, 0 travers temps et espace. C'est sa valeur récurrente .." Ltis modèles des historiens "valent le temps Que vout la réalité Qu'lis enregtstrent...J'oi comparé.. les modèles ~

des navires. L'Intérêt, pour moi, le navire construit, est de le meUreà l'eau, de voir s'II flotte, puts de le foire monter ou descendre, 6 mon gré, les eoux du temps, Le noufrage est toujours le moment le plus slgnlflctltH:

(1)

Ce trovoll d'imltat1on créatrice, de configuration structurelle du passé humain étudié, est intimement soltdalre d'un outre travtlll de

configurotlon, narrotlve(2). La production historienne, c'est ulle oeuvre de double configurotlon.

2 Que l'histoire semble poursuivre la connaissance d'objets individuels ne l'écarte pas de l'exercice de la pensée modéllsante - ou contraire, au sens de JC1.Parlente(3),Qut remorque deux modes de connaissance de l'individu et deux manières de former et d'employer les concepts dans ce but: une connaissance par système, où l'on classe l'objet dons une classe constituée indépendamment de lui, conçue comme volable pour tout objet comporable, et ce Qui fait son indivlduollté n'est olors Qu'un écart; une connaissance par modèle, où l'on classe l'objet dons une classe constituée pour lui, sur10 base Que fournissent ses singularités, en construisant le schéma Qui rend celles-ci Intelligibles.

3 On peut voir des historiens slmuler..les évènements Qui n'ont pas eu lieu. Cette histoire-fiction doit servirà tester ]'Importtlnce attribuéeèUX

évènements Qui ont eu ljeu: on chiffre la dIfférence introduite et la série de ses effets veri> ravel, et on compare. A vrai dire, ne s'y prêtent guère Que des temps assez récents accessibles aux techniques économétriques, et l'on cite toujours les mêmes exemples pris comme exercice par des historiens oméricains, qui ont simulé "l'absence" de10 guerre

d'Indépendance des 13 colonies, celle de 10construction des chemins de fer au XIXème s. et celle du New Deal.

Il

Que peut -on tirer de telles remorques pour l'enseignement et la diffusion de l'hl stolre?

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1 La "configuration" n'est pas un trait propreâl'histoire savante, Qui 10 di stinguerlllt des pensées hi stonQuesco~rantes.Toutes.configuren~,le Sllchant ou non - et les historiens eux-memes se le represelltent tres inégalement. Il n'y 0pas non plus une répartition simple des modèles . savants et des modèles courants: leur compénétrotion est bien plus subtIle (4). Lecl1vél~e significatif n'est pos entre modèles~avants etno~-mod~les d'avant la science, ou entre modèles sovants et modeles spontanes, maIs entre sllyolr Qu'on modèl1se, de façon contrôlée et gérée, et se le cocher. 2 L'hlstotre enseignée a d'abord pour fonction et pour ressort d'Inculquer les schèmes culturels par lesquels s'appréhende "l'expérience sociale", elle est solidaire en cela des modèles de III pensée courante, dont elle légitime Quelques uns sans doute. Veut -elle nourrir une pensée plus distanciée Qu'elle bute sur deux difficultés. Appréciables seulement en fonction des vas tes connaissances Qu'ils domestiquent et du mouvement de

l'historiographie, les modèles savants seront reçus comme des propositions, ou comme des grilles canoniques de défilement des connoissances, non comme les modèles Qu'ils sont aux mains de ceux Qui les mettentàl'épreuve. D'autre part, les usages sociaux de l'histoire et son plaisir veulent QU'on succombe, non seulement aux complaisances des modèles "spontonés", mais aussi 0l'illusion réaliste Que secrètent les modèles sllvllnts: les modèles deviennent de vrois octeurs historiques, personnifiés, lIyec une essence, des volontés, une culpabilité ou un mèrlte.... en tout cos une présence directE:"".1115 l'histoire. Nontrer le modélisotlon savante 0l'oeuvre romprolt le charme ou vendrait la mèche.

3 Peut -on jouir scolairement du "modèle"? On peut d'abord occepter dél1bêrément, et non pas honteusement, les deui( jeux accessibles du "comme si", sur lesquels on préfère plutot rester discret, dons 10 tradition pédagogique française:

- le "comme st onyétatt": joueràrevivre des moments d'histoire,y

prendre des rôles, débrider l'empothie

- l'43nalogie, celle Qui ',18d'un particulier 8 un autre particulier, d'un passé

o

un passé ou0un présent. Les intuitions analogiques sont le premier aliment d'un compllratisme, dont il semble bien bizarre de prétendre préserver l'enseignement de l'histoire. Elles sont aussi un moteur fréquent de l'tntérêt des élèves. Qu'il (a1l1e les accompagner soigneusement et les gérer, c'est précisément un travail pédagogique Une fols là, elles donnent trop et trop peu à la fois, et surtout elles apportent avec elles des perceptions et des sentiments déplacés. "11 fout (les) dépasser et souvent

(h::» détrulre... substltuer0ces pièges analogiques d'outres onalogies presque oussi vicieuses pour corriger les premières...passer de l'onolog1e facile ou dépassement de l'onoI09ie...:(5)

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Outre ses fonct10ns de socialisation et de culture, l'enseignement de l'histoire en0 oussi une de formotion plus proprement inlellectuelle. Pour cela convient tout exercice Qui sache, de tempsàautre, faire reconnaltre Que la pensée historienne morche0l'initiélllvl:, Qu'elle contraint le même passé Qui 10 controlnt, Qu'elle configure et reflgure. Mais on ne peut pas vivre 6ce seul régime.

NOTES

(1) Fernand BRAUDEl, ·Hlstolre et sciences sociales: la longue durée·. Annoles (Economies, Sociétés, Civilisations), oct. déc. 1958, p. 725-753, repris dons Ecrits sur l'histoire, Poris, Flommarlon. 1969. Voir oussl par exemple Emmanuel LE ROVLADURIE, • Lo clYlllsation rurale", Encyclopoedio Universolis, repris dons Le territoire de l'historien, Paris, Gallimard,

1973, p. 141-166, et ce même 11vre, possim

(2) Poul RICOEUR, Temps et récit, Poris, Seul1, 3 vol. 1983-5

(3)Jean Cloude PARIENTE, Le langoge et J'Individuel, Parts, A.Col1n, 1973 (4) Henri HONIDT, "L'histoire entre son ressort critique et son ressort idéologique Quand l'Idéologie marcheàla critique et la critique à

l'idéologie·', dons P.AN5ART (present.), L'évoluation dons l'enseignement des sciences sociales0l'Université pratiques et idéologies, Paris, Centre de cooper. interuniv. franco-QuébûGoise, 1985, p. 65-91

(5) André SEGAL, "Enseigner l'histoire par 10 différence", Cohiers de C110, (Bruxelles, LIège), 1984, p39-45

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