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Situation des autochtones urbains au Canada : estimation de la discrimination

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Academic year: 2021

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Situation des Autochtones urbains au Canada:

Estimation de la discrimination

Mémoire

Nikolas Girard

Maîtrise en économique

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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iii

Résumé

Les problèmes sociaux, financiers et familiaux vécus par les Autochtones ont des conséquences majeures sur l'économie publique canadienne. Les études sont néanmoins déficientes concernant les Autochtones vivant dans de grands centres urbains. Dans ce mémoire, nous tentons de quantifier, à partir du revenu, la discrimination envers les Autochtones vivant dans une grande ville canadienne. Le but principal est à savoir s'il existe une discrimination envers les Autochtones qui peut expliquer l'écart dans le revenu par rapport aux autres canadiens. Pour tenter d'évaluer cette discrimination potentielle, nous utilisons des méthodes d'appariements ainsi que différentes variantes de la décomposition Oaxaca-Blinder. À partir de notre échantillon de 5115 individus, dont 2614 Autochtones, les résultats indiquent que l'écart dans le revenu des Autochtones et des Non-autochtones est expliqué à 72,2% (Décomposition Oaxaca-Blinder de Base), 49,2% (Décomposition Oaxaca-Blinder avec pondération Reimers) et 50,9% (Décomposition Oaxaca-Blinder détaillée et pooled) par la composante captant la différence dans les caractéristiques observables, alors que le reste est expliqué par des rendements marginaux inférieurs sur les caractéristiques observables, qui peut aussi correspondre à de la discrimination. Les résultats suggèrent donc la présence de discrimination envers les Autochtones qui serait supérieure à celle que vivent les femmes sur le marché du travail.

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Abstract

The social, financial and domestic difficulties undergone by the Aboriginals have major consequences on the Canadian public economy. Although, there is a lack of studies concerning the Aboriginals living in urban areas. In this thesis, we attempt, according the income, to quantify the discrimination against the Aboriginals living in a major Canadian city. The main objective is to be informed of any form of discrimination against the Aboriginals explaining the gap between them, and the rest of the Canadian population. In an attempt to evaluate this potential discrimination, we use matching and decomposition methods. According to our sample of 5115 individuals, of which there is 2614 Aboriginals, the results suggest that the gap in the income between the Aboriginals and the Non-aboriginals is explained between 50% and 75% by the component evaluating the difference in the characteristics, while the difference is explained by the one evaluating the gap in the marginal returns on these characteristics. The last one is similar to a component estimating the discrimination. Therefore, the results show that there is discrimination against the Aboriginals which would be higher to the one against women in the labour market.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières ... vii

Liste des tableaux ... ix

Liste des figures ... xi

Remerciements ... xv

Introduction ... 1

Chapitre 1 Retour historique ... 5

Chapitre 2 Revue de littérature ... 9

2.1 Mobilité, migration et origines ... 9

2.2 Analyses socio-économiques des Autochtones en milieu urbain... 12

Chapitre 3 Méthodologie ... 17

3.1 Méthodes d'appariement du plus proche voisin ... 18

3.2 Méthodes de décomposition ... 19

Chapitre 4 Données... 25

4.1 Base de données ... 25

4.2 Analyse comparative ... 26

Chapitre 5 Résultats... 31

5.1 Spécification par Moindres carrés ordinaire ... 31

5.2 Méthodes d'appariement... 33

5.3 Méthodes de décomposition ... 38

Conclusion ... 45

Bibliographie ... 47

Annexe A Signification des variables ... 51

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Liste des tableaux

Tableau I. 1: Réparation par villes ... 2

Tableau I. 2: Statistiques socio-économiques pour les agglomérations urbaines canadiennes ... 4

Tableau 1. 1: Rappel historique ... 7

Tableau 1. 2: Rappel historique (Suite) ... 8

Tableau 4. 1: Âge moyen selon... ... 26

Tableau 4. 2: Distribution du sexe selon... ... 27

Tableau 4. 3: Niveau d'éducation ... 28

Tableau 4. 4: Revenu ... 29

Tableau 5. 1: Régression linéaire par MCO ... 31

Tableau 5. 2: Régression linéaire par MCO avec variables en interactions ... 33

Tableau 5. 3: Méthodes d'appariement; Origines autochtones (Figure 5.1 et 5.2) ... 34

Tableau 5. 4: Méthodes d'appariement entre les Autochtones (Figure 5.3) ... 35

Tableau 5. 5: Méthodes d'appariement; Intégration en ville (Figure 5.5) ... 36

Tableau 5. 6: Méthodes d'appariement; Professions (Figure 5.4) ... 37

Tableau 5. 7: Méthodes d'appariement; Facteurs sociaux (Figure 5.4) ... 38

Tableau 5. 8: Décomposition Oaxaca-Blinder de base entre Autochtones et Non-autochtones ... 39

Tableau 5. 9: Décomposition Oaxaca-Blinder de base entre Autochtones ... 40

Tableau 5. 10: Décompositions Oaxaca-Blinder alternatives entre Autochtones et Non-autochtones ... 41

Tableau 5. 11: Décomposition Oaxaca-Blinder double détaillée (pooled) ... 42

Tableau 5. 12: Comparaison résultats régression MCO et partie inexpliquée ... 43

Tableau AA. 1: Être un autochtone d'origine (...) en comparaison aux autres autochtones ... 52

Tableau AA. 2: Être un autochtone d'origine (...) en comparaison aux Non-autochtones ... 52

Tableau AA. 3: Genre ... 53

Tableau AB. 1: Décomposition O.-B. de base entre Autochtones et Non-autochtones (alternative) ... 55

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Liste des figures

Figure I. 1: Répartition de l'âge par groupe ethnique ... 3

Figure 5. 1: Autochtones en comparaison aux Non-autochtones ... 34

Figure 5. 2: Origine autochtone en comparaison aux autres origines autochtones + Non-autochtones ... 34

Figure 5. 3: Origine autochtone en comparaison aux autres origines autochtones ... 35

Figure 5. 4: Caractéristiques autochtones par rapport à ceux ne les ayant pas et les Non-autochtones ... 35

Figure 5. 5: Caractéristiques autochtones ( Intégration en ville) par rapport à de ceux ne les ayant pas et les Non-autochtones ... 36

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Remerciements

Je voudrais tout d'abord remercier mes directeurs de recherche, M. Guy Lacroix et M. Vincent Boucher pour leur encadrement. Vincent, dès le jour un, ton enthousiasme a su m'apporter confiance et détermination dans la réalisation de ce projet. Même dans les moments plus difficiles de mon parcours universitaire, ton écoute et ton encadrement exceptionnel ont joué un rôle plus que déterminant, merci !

Je voudrais aussi remercier M. Keith Neuman de l'Environics Institute pour avoir accepté et fourni aussi efficacement la base de données de l'Urban Aboriginal Survey.

Sur une note plus personnelle, je remercie également Les Amis; Mickaël Bouchard, Alexandre et Jean-Michel Côté. Votre présence quotidienne dans ma vie va certainement au-delà du simple divertissement. Malgré les journées entières passées à travailler sur ce mémoire et refuser les multiples activités pour y travailler, votre existence a joué un rôle énorme pour mon hygiène de vie !

Ma conjointe, Marie-Pier; mon équilibre durant ce projet. Tu as été ma lumière durant mes angoisses et mes interrogations. Tu as toujours été positive et compréhensive de mes bibittes universitaires. Je t'aime !

Finalement, je voudrais remercier ma famille, particulièrement mes parents. Papa et Maman, votre support extraordinaire dans toutes les sphères de ma vie m'a offert une zone de confort me permettant de me concentrer uniquement à la réalisation de ce mémoire. Celui-ci vous revient, je vous aime énormément.

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Introduction

Malgré leur relation de plus de 500 ans, les Autochtones et les Non-autochtones ont encore aujourd'hui des rapports qui sont loin d'être stables. Alors que la problématique des réserves et des pensionnats ont fait couler beaucoup d'encre, celle des Autochtones vivant en milieu urbain est passée sous le radar. Malgré qu'ils sont, selon de nombreux indicateurs socio-économiques, en meilleure posture que leurs compatriotes vivant dans les réserves, les Autochtones urbains sont loin d'avoir le niveau de vie des autres groupes ethniques habitant les villes canadiennes. La pression sur l’État ainsi que les conséquences sur la société des problèmes touchant les autochtones urbains risquent d'augmenter puisque cette population est, et va, être de plus en plus présente au sein de nos grandes villes canadiennes. Cette communauté urbaine n'est plus un groupe marginal parmi l'ensemble des Autochtones ou des villes canadiennes, spécialement dans celles de l'Ouest. Effectivement, dans le Recensement canadien de 1951, alors que seulement 7% de la population autochtone vivait en milieu urbain, elle a atteint plus de la moitié de toute sa population en 2006 (54%), dont le tiers vivait dans les RMR1. La moitié de cette population était membre des Premières Nations, 43% métis et 7% inuit.

Ces différents groupes représentaient, respectivement, le 3/4 de l'ensemble des Indiens non inscrits et le 2/5 de ceux inscrits, le 2/3 des Métis, et un peu moins du tiers de l'ensemble des Inuits (Graham et Peters, 2002). En 2006, dans certaines villes de l’ouest canadien, par exemple Winnipeg, la population s'identifiant comme un autochtone représentait jusqu’à 10% de la population totale de la ville.

De plus, cette population urbaine a aussi connu une croissance très rapide. La moyenne annuelle du taux de croissance a été de 5% entre 1996 et 2006 alors qu'au cours de la même période, la population non-autochtone n'a crû que de 2% annuellement. En 1996, les Autochtones ne représentaient que 2,8% de la population totale canadienne, pour ensuite atteindre 3,3% en 2001 et finalement, 3,8% en 2006 (Statistique Canada, 2008). C'est donc dire que les Autochtones urbains représentent environ 2,1% de la population totale canadienne. Pour ce qui est des villes, le Tableau I.1 classe ces dernières par ordre d'importance de leur population autochtone respective.

1 RMR: Subdivisions territoriales aux fins de sondages dont le «cœur urbain» doit avoir au moins une population de

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Il y a donc présentement deux tendances au sein de la population autochtone: un accroissement naturel de sa taille ainsi qu’une migration nette vers les régions urbaines (Siggner, 2003). Dans plusieurs villes, un avenir prospère dans les zones urbaines est intrinsèquement relié à un épanouissement des Autochtones puisqu’ils sont une composante essentielle dans le développement de la main-d’œuvre future. Selon des projections de la ville de Winnipeg, par exemple, le quart des personnes qui vont faire leur entrée sur le marché du travail seront Autochtones (Loxley, 2000).

La situation actuelle de la population autochtone comporte certaines caractéristiques de celle des Baby-boomers canadiens. À l'époque, la plus forte hausse s'est produite entre 1945 et 1946 puisque le taux croissance des naissances a atteint 15% (Statistique Canada, 2012). Ce haut taux des naissances a eu comme conséquences, lors des deux décennies subséquentes, de rendre la moyenne d'âge de la population beaucoup plus jeune que ce que l'on voit depuis les années 2000. Tout comme la population canadienne peu de temps après le Baby-boom, les Autochtones sont considérablement plus jeunes que les autres canadiens d'aujourd'hui, tel que démontré par la Figure I.1.

En revanche, la qualité de vie actuelle des Autochtones est aux antipodes de celle du reste de la population canadienne. D'après l'étude de Salée et al (2006) portant sur le Human Developement Index (HDI) développé par les Nations Unies, si les Indiens inscrits étaient considérés comme une entité nationale séparée, ils se classeraient au 48e rang sur 174 pays, alors que le Canada est très proche du sommet. Si nous regardons plus en profondeur les catégories de l’indice, ce groupe serait 71e pour l’éducation (Canada, 1er), 53e pour l’espérance de vie (Canada, 2e) et au 42e rang pour le PIB/capita, alors que le Canada est au 10e échelon Certes, ces chiffres sont basés sur l’ensemble des Indiens inscrits, mais il n’en demeure pas moins que la moitié des Indiens inscrits vivent hors réserve. Toujours selon cet indice, à l’exception des Métis, les Autochtones urbains sont plus propices à vivre dans des conditions de surpopulation, dans des habitations qui

Tableau I. 1: Réparation par villes

Villes autochtones Population de la population Pourcentage totale Winnipeg 68 380 10 % Edmonton 52 100 5 % Vancouver 40 310 2 % Toronto 26 575 0,5 % Calgary 26 575 2 % Saskatoon 21 535 9 % Ottawa-Gatineau 20 590 2 % Montréal 17 865 0,5 % Régina 17 105 9 % Prince Albert 13 565 34 %

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3 Figure I. 1: Répartition de l'âge par groupe ethnique

(Source : Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, 2010)

nécessitent des réparations majeures (2 à 4 fois plus) et ont 3 fois plus de chances de vivre dans des ménages vivant des périodes d’insécurité alimentaire. Comme soulevé par Cooke et al (2013), ces conditions sont fortement reliées aux revenus bas ainsi qu’au statut de parent monoparental; circonstances qui arrivent davantage dans les ménages autochtones. Ces derniers sont souvent contraints de se rendre dans des quartiers urbains défavorisés puisque c’est dans de tels endroits que les services y sont offerts et que c’est là où, bien souvent, ils ont les moyens de vivre. De plus, dans certaines régions du Canada, plus particulièrement dans les villes de l’Ouest, la majorité des enfants victimes du commerce du sexe sont Autochtones. Bon nombre de ceux-ci se rendent dans les centres urbains après avoir fui un milieu marqué par la violence physique, sexuelle et émotionnelle, ou une instabilité familiale (Comité sénatorial permanent des droits de la personne, 2013).

Pour démontrer ces réalités, le Tableau I.2 trace un portrait, à l'aide de quelques statistiques socio-économiques, dans les régions urbaines canadiennes ayant au moins 100 000 de population. À l'exception de quelques cas, les Autochtones sont jusqu'à trois fois plus désavantagés que les Non-autochtones, et ce, malgré un rétrécissement de l'écart entre les deux groupes aux fils des ans.

Ce mémoire tente donc de quantifier et d'expliquer d'où proviennent ces écarts dans les différentes sources de revenus. Comme présentées dans le Tableau I.2, les données du Recensement de Statistique Canada suggèrent que les Autochtones vivant en centres urbains de plus de 100 000 habitants ont environ 40% moins de revenus que les Non-autochtones. L'objectif principal de ce mémoire est de savoir s’il existe un phénomène

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Tableau I. 2: Statistiques socio-économiques pour les agglomérations urbaines canadiennes

Autochtones Non-autochtones 2001 2006 2001 2006 % de la population de 15 à 19 ans < secondaire 24% 18% 14% 16% % de la population de 25 à 44 ans

avec diplôme universitaire 10% 13% 28% 33%

Taux de chômage 18,5% 10,6% 8,1% 6,1%

Revenu total moyen

(toutes les sources) 21 499$ 27 029$ 31 956$ 37 594$

Revenu d'emploi moyen

(temps plein) 34 714$ 41 861$ 45 973$ 54 267$

% recevant des paiements

de transfert gouvernementaux 16,4% 15,0% 10,0% 9,6%

% d'enfants de moins de 15 ans

dans des familles à faible revenu 50,0% 44,8% 20,6% 20,5%

Familles monoparentales en % de toutes les familles du

recensement 27% 24% 17% 17%

(Sources : Hawkes, 2001)

inexpliqué, tel que la discrimination, basée sur l'ethnicité autochtone, qui peut expliquer une partie de la différence dans le revenu des citadins d’une ville, lorsque les disparités dans des caractéristiques observables sont prises en compte. Notre question de recherche tente donc de quantifier la réalité associée à être un Autochtone vivant dans une grande ville canadienne. Pour effectuer l'analyse, nous utilisons différentes méthodes proposées par la littérature contemporaine dans la branche touchant la discrimination, soit les méthodes d'appariement et de décomposition.

Nos résultats suggèrent qu'entre 50% et 75% de l'écart de revenu entre les Autochtones et les Non-Autochtones est expliqué par les différences dans les caractéristiques observables alors que l'écart résiduel est expliqué par les rendements marginaux inférieurs. C'est donc dire qu'il existerait une discrimination envers les Autochtones qui est légèrement supérieure à celle vécue par les femmes sur le marché du travail.

Pour la suite de ce mémoire, nous présentons un bref historique de la situation des Autochtones urbains au courant des deux derniers siècles, suivi par une revue de la littérature les concernant. Nous abordons ensuite la méthodologie des stratégies d'analyse mentionnées précédemment, après quoi nous présentons nos données de même que nos résultats. Le tout se termine par une brève conclusion.

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Chapitre 1

Retour historique

Au début du XXe siècle, pour un Autochtone, le fait de prendre la décision d’aller s’établir en ville était considéré comme une anomalie, voire un rejet de sa culture traditionnelle. Cependant, dans la plupart des cas, le départ de la réserve n’était pas un choix. Pendant des générations, les femmes qui s’étaient mariées avec un Non-autochtone étaient obligées de quitter leur communauté et perdaient, ainsi que leurs enfants, le statut d’indien, et ce, de manière permanente (Newhouse et Peters , 2003).

Ces femmes, et tous les Autochtones vivant hors des réserves aujourd’hui pour des raisons familiales, économiques ou sociales, étaient et sont actuellement, coincés dans un vide juridictionnel. Selon l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, le gouvernement fédéral possède la compétence de faire des lois concernant "les Indiens inscrits et les terres réservées aux Indiens" et mentionne donc, basé sur cet article, d'être uniquement responsable des membres des Premières Nations vivant sur des réserves. Cette interprétation laisse donc la responsabilité de ceux vivant hors de la réserve, des Métis et des Indiens non inscrits, en suspens. La division des pouvoirs de la Constitution n’assigne donc pas de responsabilités au gouvernement fédéral ou ceux provinciaux en regard aux résidents urbains. De leurs côtés, les provinces soutiennent que la responsabilité de tous les Autochtones revient d’abord et avant tout au gouvernement fédéral (Hanselmann, 2001). Il existe donc une confusion dans le cas des Autochtones vivant dans les villes puisqu’ils sont en même temps citadins et Autochtones. Cette réalité a été confirmée en 1999 alors que la Cour suprême du Canada a reconnu que les membres des Premières nations vivant à l’extérieur des réserves étaient traités différemment en raison de leur statut d’autochtone hors réserve.

En raison du conflit touchant la responsabilité de fournir des services à cette population, tant le gouvernement fédéral que ceux provinciaux ont traditionnellement évité de lancer des initiatives concrètes pour les Autochtones en milieu urbain. En conséquence, ces derniers peuvent aussi avoir de la difficulté à accéder à certains services fédéraux assurés sur les réserves pour lesquels ils ont droit ainsi qu’aux programmes provinciaux offerts au public en général. En raison de la délimitation imprécise du champ de compétences, il y a à la fois un risque de redondance et une possibilité de lacunes dans les services dispensés (Comité sénatorial permanent des droits de la personne du Canada, 2013).

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Historiquement cependant, en plus d'arrangements constitutionnels et des rétrécissements de la Loi sur les Indiens, il y a eu trois autres développements majeurs contemporains dans les politiques publiques au niveau fédéral qui ont affecté significativement la situation politique et socio-économique des Autochtones urbains au Canada. Une conséquence de la Loi sur les Indiens au XIXe siècle était que les Autochtones qui obtenaient une éducation supérieure perdaient du fait leur statut d'Indien inscrit. Le problème proviendrait du fait que, à part quelques exceptions, les institutions postsecondaires étaient toutes situées dans le Canada urbain. Le premier développement a donc été l'extension du support d'aide à l'éducation pour les Indiens inscrits hors de la réserve, pour qu'ils puissent bénéficier d'études postsecondaires. Deuxièmement, il y a eu le passage, en 1985 de la Loi C-31 qui supprimait les discriminations envers les femmes et redonnait le statut d'Indiens inscrits à celles qui s'étaient mariées avec un Non-autochtone. Le dernier développement a été le passage, en 2002, de la Loi sur la gouvernance des Premières Nations qui demandait à toutes les Premières Nations de «respecter les intérêts de tous ses membres (incluant ceux hors réserve) et la ratification de ses codes par ses membres hors et sur réserves" (Graham et Peters, 2002). Aujourd'hui, les Autochtones hors réserves ne sont pas soutenus seulement par ces lois. En plus de jouir des droits garantis par la Charte des droits et libertés qui s’appliquent à tous les Canadiens, ils ont également droit à un degré de protection supplémentaire en vertu des dispositions sur l’égalité de la Charte et plus particulièrement, de la protection contre la discrimination au motif de leur statut d’autochtone vivant à l’extérieur des réserves (Comité sénatorial permanent des droits de la personne, 2013).

Pour bien cerner les problèmes autochtones, il est important de connaitre la source de ceux-ci et de définir adéquatement les groupes touchés. Conséquemment, au Canada, les membres dits des "Premières Nations" sont des individus provenant de l'une des 10 tribus de familles linguistiques. Par la suite, plusieurs de ces tribus sont, elles aussi, composées de sous-groupes que le gouvernement fédéral nomme "Bandes de réserves". Ces dernières sont les seules entités légalement reconnues par le gouvernement comme représentant d’un groupe d’Indiens. C'est aussi le gouvernement fédéral, à partir de la Loi sur les Indiens, qui détermine le degré de parenté de l'Autochtone pour l’obtention de son statut d’Indien lui permettant d'être considéré comme un "Indien inscrit". La filiation est fixée à partir du "Registre d'Indiens" qui comptabilise toutes les naissances, mariages et décès.

Étant donné que les membres des Premières Nations constituent le groupe étant le plus représenté au sein des villes et qu'ils ont un passé collaboratif avec les autres canadiens étoffés, le Tableau 1.1 énumère les principaux faits saillants historiques de leur relation avec le gouvernement canadien, tiré fortement du livre Question indienne au Canada (La), (1991).

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7 Tableau 1. 1: Rappel historique

Période Événements

Début XVI siècle Population indienne en Amérique du Nord était de 4 millions. 1637 Création de la première réserve à Sillery, Québec.

1763 Création de la Proclamation royale qui réserve des terres à l'usage unique aux Autochtones et interdit de vendre ces terres, sauf au gouvernement.

Entre 1680-1862 Signature de plusieurs alliances de paix faisant en sorte d'éviter l'extinction des droits autochtones.

À partir du XIXe siècle Le gouvernement décrète que toute personne "sauvage pur sang" réputée

appartenir à une tribu particulière, son conjoint et toute personne adoptée dans son enfance et vivant avec des Autochtones ainsi que leurs descendants peut obtenir le statut d’indien.

Au fil des ans, les gens qui peuvent établir des liens de descendance avec ceux qui sont inscrits au Registre des Indiens ont aussi le droit d’obtenir le même statut. 1820 Création du premier pensionnat autochtone dans le but de scolariser, d'évangéliser

et d'assimiler les enfants autochtones. 1830 Création du système de réserve actuel.

Entre 1871-1923 Série de 11 traités définissant des territoires de l’Ontario jusqu’en C.-B.

1876 Création de la Loi constitutionnelle attribuant au Parlement fédéral la compétence de faire des lois concernant «les Indiens et les terres réservées aux Indiens». C’est en vertu de cette compétence que le Parlement fédéral adopte la Loi sur les Indiens qui met les Autochtones et leurs réserves sous tutelles du gouvernement fédéral.

Les Autochtones ont un statut équivalent à celui d’un enfant mineur puisqu’ils sont soumis au contrôle du gouvernement qui a l’autorité de tous les aspects de la vie des individus et des communautés. Ce régime de tutelle détermine aussi bien le statut d’indien que l’appartenance à la bande, la structure politique et administrative que la gestion des réserves.

1880 Création du premier ministère des Affaires autochtones

1930 Les autochtones se voient garantir le droit de chasser, pêcher et trapper pour leur subsistance en toute saison sur les terres publiques inoccupées et sur leurs propres terres.

1951 Révision de la Loi sur les Indiens.

Avant 1960 Les Indiens inscrits n’avaient pas le droit de vote.

«Le principe de la démocratie moderne veut qu’un gouvernement ne puisse taxer des citoyens à qui il ne reconnait pas le droit de vote». C'est donc pour cette raison que les Indiens n'étaient pas / ne sont pas taxés sur les réserves.

1982 Création de Loi constitutionnelle prévoyant la reconnaissance formelle et confirmant des droits ancestraux aux peuples autochtones ( Indiens, Métis et Inuits) de leurs droits issus de traités.

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Tableau 1. 2: Rappel historique (Suite)

Période Événements

Depuis 1982 Reconnaissance de deux catégories de droits :

Droits ancestraux existants (droits aboriginaux) qui sont les droits territoriaux qui n’ont pas été cédés par des traités et les droits qui ont été accordés par des traités. Jusqu'en 1984 Une personne qui obtenait le statut d’indien devenait automatiquement membre

d’une bande. Ceci le plaçait sous l’autorité du gouvernement fédéral et c’est ainsi qu’ils étaient exemptés de taxation dans les réserves.

Les Autochtones avaient la possibilité de s’affranchir de leur statut d’indien (donc possibilité d’avoir du crédit).

Les femmes autochtones perdaient leur statut (leurs enfants aussi) si elles se mariaient avec un Non-autochtone, mais ce n'était pas le cas des hommes qui se mariaient avec une femme non-autochtone.

1985 Création de la Loi C-31 pour répondre aux besoins des "nouveaux Indiens" . Les femmes (et les enfants) qui avaient perdu leur Statut suite à un mariage l’ont retrouvé et ont été réintégrées à leur bande d’origine.

1996 Fin des Pensionnats autochtones

Pour ce qui est des Métis, Le Ministère des Affaires autochtones et Développement du Nord du Canada2 les

définit ainsi: «Depuis 1982, la constitution canadienne reconnaît les Métis comme l'un des trois groupes autochtones. Du point de vue historique, le terme Métis s'appliquait, dans les Prairies, aux enfants nés de femmes cries et de commerçants de fourrures français; dans le Nord, ce terme faisait référence aux enfants nés de femmes dénées et de commerçants anglais ou écossais. Aujourd'hui, le mot Métis est largement utilisé pour désigner les gens qui ont à la fois des ancêtres européens et des ancêtres des Premières Nations. Ces personnes se considèrent elles-mêmes comme Métis, se distinguant ainsi des membres des Premières Nations, des Inuit et des Non-autochtones. De nombreux Canadiens ont des ancêtres autochtones et des ancêtres non-autochtones, mais tous ne se désignent pas comme Métis. Il convient de signaler que les organisations métisses au Canada ont établi leurs propres critères pour déterminer qui a droit au titre de Métis». Effectivement, le Métis National Council3 affirme qu'il faut, en plus de ceux mentionnés par le

Ministère, être accepté par une nation métisse.

Finalement, les Inuits sont les Autochtones qui vivent dans l'Arctique canadien. Ils habitent surtout au Nunavut, dans les Territoires du Nord-Ouest, au Labrador, et dans le Nord du Québec. Ces derniers ont un statut similaire aux membres de Premières Nations.

2 Affaires autochtones et Développement du Nord Canada [En ligne]

https://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1100100013800/1100100013801

3 The Métis Nation of Alberta. [En ligne]

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Chapitre 2

Revue de littérature

2.1 Mobilité, migration et origines

Comme mentionné précédemment, la population autochtone a subi une grande transformation depuis les années 1950, et ce, causée par une migration vers les villes et d’un taux de croissance élevé. Ce boom démographique a fait l'objet de plusieurs études dans le but de pouvoir expliquer ce phénomène. Nombre d’auteurs sont venus à la conclusion que cette explosion démographique n’était pas seulement le résultat d’une migration et du taux de croissance. En effet, en examinant les diverses définitions de la mention Autochtone dans les statistiques censitaires, Guimond (1999) affirme qu’il existe 119 façons différentes d’être Autochtone au Canada. Cette problématique est la raison principale pour expliquer la croissance de la population autochtone urbaine. Il montre également que les réponses des Autochtones sur leur identité varient avec le temps. En effet, Guimond démontre qu’une grande part de la croissance des populations autochtones urbaines, depuis 1980, provient d’un changement dans l’auto-déclaration, appelé mobilité ethnique. En regardant seulement la croissance naturelle, soit l’excédent des naissances sur les décès, après 100 ans d’une telle croissance, cette population serait 200 fois plus nombreuse qu’au départ. Siggner (2000) s’attarde lui aussi aux problématiques énoncées par Guimond concernant l’identité autochtone et la croissance par la mobilité ethnique. Il constate que les individus s'identifiant comme autochtone tendent à afficher un niveau de pauvreté et de chômage plus élevé que les individus qui se déclarent d’origine autochtone, mais qui ne s’identifient pas comme tels. Il invite donc les analystes à prêter attention aux définitions qu’ils utilisent dans le cadre de leurs études puisque les caractéristiques socio-économiques d’une population autochtone donnée peuvent varier considérablement selon la définition que l’on donne au terme "Autochtone". Tout comme Guimond, il affirme aussi que la population autochtone a crû si rapidement qu’il ne croit pas que les facteurs de croissance démographique habituels, c’est-à-dire la fertilité, la mortalité et la migration nette, peuvent expliquer à eux seuls cette hausse.

Pour ce qui est de l’idée populaire que de plus en plus d’Autochtones quittent les réserves pour la ville, Norris et Clatworthy (2003), Peters (1996, 1999 et 2001) et Le Ministère des Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (2012) démontrent également que la migration vers les villes n’est pas le principal facteur de croissance de la population autochtone urbaine, et que la migration des Autochtones s’effectue aussi vers les réserves et les communautés rurales. C'est donc dire qu'il y a à la fois un gain de la population des réserves,

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et dans celle des grandes régions urbaines. Ces gains sont expliqués, en partie, par la très grande mobilité des Autochtones. Entre 1991 et 1996, 70% des Autochtones vivant dans de grandes régions urbaines ont changé de domicile, comparativement à 50% pour les Non-autochtones. Le plus grand élément de la migration de la population autochtone contemporaine est le mouvement entre les zones urbaines. Il existe, chez les Indiens inscrits, un courant qui va dans les deux sens; vers les villes et hors des villes. Le flux continu entre les deux destinations est causé par l’offre de facteurs qui sont bien différents entre les deux destinations. En général, le retour vers la réserve est surtout attribué à l’incapacité à se trouver un emploi, à s’ajuster à la vie urbaine ou par manque d’accès à un logement abordable. Les piètres conditions de vie dans les réserves (surpeuplement, insalubrité et l'accès limité à l’eau potable) sont principalement les conditions qui expliquent le nombre croissant de membres des Premières Nations qui s’installent dans les villes. Outre la situation sur les réserves, beaucoup de familles vont emménager dans les villes pour donner une éducation postsecondaire à leurs enfants . S’il n’y a pas d’école secondaire près de chez eux, celles-ci vont préférer déménager plutôt que d’envoyer leurs enfants seuls en ville (Comité sénatorial permanent des droits de la personne, 2013). Cette théorie est d'ailleurs supportée par le Ministère des Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (2012) qui mentionne que les femmes qui quittent la réserve sont à la recherche de meilleurs services sociaux, de meilleurs soins de santé et des possibilités d’études qui les aideront, elles et leur famille. Entre 2001 et 2006, 78% des Indiennes inscrites âgées de 20 à 34 ans vivant hors réserve ont déménagé, dont plus de 53% l'ont fait localement, c'est-à-dire dans la même région.

Les femmes autochtones représentent 3% de la population totale canadienne, dont environ le tiers sont âgées de moins de 15 ans. Le lieu de résidence semble jouer un rôle prépondérant dans l'éducation des jeunes femmes autochtones puisque 39% de celles vivant hors réserve n'ont aucun diplôme, alors qu'il est de 57% pour celles vivant sur la réserve. En général, les femmes autochtones (37%) occupent des professions semi-spécialisées, comme des emplois de bureau ou dans le domaine de la vente et des services. Évidemment, la faible scolarité de ces femmes a des conséquences sur leur revenu. Concrètement, ce dernier est en moyenne 23% plus bas que celui des femmes non-autochtones. Chez les Indiennes inscrites, 15% du revenu provient de paiements de transfert gouvernementaux, alors qu'il est la moitié moins pour les hommes. Par conséquent, le pourcentage de celles vivant dans la pauvreté est deux fois plus élevées (36%) que chez les femmes non-autochtones (17%). Norris et Clatworthy (2003) affirment qu’en plus d’être une population très mobile, caractérisée par l’instabilité et l’éclatement de celles-ci, il y a une forte proportion de familles autochtones urbaines qui sont des femmes monoparentales marginalisées économiquement par un faible revenu et connaissant un taux de victimisation et de criminalité très élevé. Jaccoud et Brassard (2003) se sont d'ailleurs attardés à cette problématique en étudiant un petit groupe de femmes autochtones de Montréal. Elles ont constaté que leur installation en ville n’a ni aggravé ni amélioré la situation des sujets. Leur étude

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11 rappelle qu’il n’existe pas de modèle unique d’expérience autochtone urbaine. Elles avancent également que l’une des principales raisons pour expliquer la surreprésentation des femmes dans le phénomène migratoire est qu'il existe un contexte de violence dans les communautés autochtones, contexte auquel les femmes tentent d’échapper. Leurs résultats ne permettent pas d’affirmer que la migration en milieu urbain, Montréal dans le cas présent, constitue en soi un facteur de marginalisation. Elles concluent en affirmant que la ville isole et précipite, dans certains cas, le déclin des conditions d’existence mais offrent, parallèlement, des possibilités de survie et de protection indéniables. Par contre, Montréal ne semble pas, dans le cas des répondantes, offrir une occasion de redressement et d’amélioration des conditions de vie.

Maxim et al., (2003) opte pour une vision plus micro du phénomène analysé par Norris et Clatworthy (2003). Les auteurs se penchent sur les modèles de peuplement au sein de la ville. Pour y arriver, ils examinent dans quelles mesures les Autochtones s’installent dans les quartiers centraux d'une ville et si, par rapport à d’autres groupes ethniques, ont tendance à se regrouper dans des quartiers urbains défavorisés, tel que mentionné par le Comité sénatorial permanent des droits de la personne (2013), ou plutôt tendance à se disperser. En comparant la population d’origine autochtone avec celle d’origine italienne, les résultats concernant le taux de concentration montrent que les personnes se déclarant d’origine unique tendent à être plus concentrées dans leur modèle résidentiel que les personnes déclarant des origines ethniques multiples, ou par rapport aux Italiens d’origine unique. De plus, selon les indices de concentration, qui représentent le degré d’homogénéité dans l’établissement résidentiel, ce sont dans les villes du centre-ouest canadien où il a les plus hauts taux de ségrégation. Comme mentionné également par Norris et Clatworthy (2003), c'est le coût du logement qui est le facteur déterminant de l’endroit où les Autochtones veulent vivre. Drost et al. (1995) vont dans le même sens. Ils trouvent que la majorité de la différence dans le taux de chômage entre les Autochtones urbains et les Non-autochtones proviendrait de leur ville de résidence, notamment dans le marché du travail des villes de l’Ouest canadien où la différence est la plus haute comparativement au reste du pays. D’ailleurs, le taux de chômage relativement haut pour les Autochtones dans les villes de l’Ouest peut être relié aux structures urbaines industrielles et d’emploi. Cependant, ils suggèrent également que le taux peut être aussi relié à la ségrégation dans les quartiers défavorisés. Richards et Vining (2004) interprètent le bas taux d’emploi et d'éducation des Autochtones dans les villes de Toronto et Montréal comme étant une preuve des effets des quartiers défavorisés sur la qualité de vie future. Par contre, Peters (1996, 1999 et 2001) va dans le sens contraire. Il affirme plutôt que les Autochtones se retrouvent de plus en plus dans une grande variété d’endroits au sein des villes, et ne vivent pas seulement dans les quartiers défavorisés. Ils ne sont pas groupés dans un ou deux quartiers.

Dans les villes de l'Ouest, une partie significative de la population autochtone vivant en milieu urbain est aussi née en ville, y est établie depuis plusieurs générations et n’entretient plus nécessairement de liens avec leur

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communauté d'origine. Par contre, au Québec, ce n'est pas tout à fait la même réalité. Dans cette province, la population autochtone urbaine y est encore, dans une proportion de 90%, originaire des communautés. C'est donc dire que des liens étroits existent encore avec le milieu d’origine et avec les territoires ancestraux. Lévesque et al., (2001) affirment que la vie en ville au Québec s’inscrit désormais dans une dynamique de continuité ou de prolongement avec la vie en communauté, voire de complémentarité. De plus, dans son échantillon montréalais composé à 88% de travailleurs œuvrant dans un organisme autochtone, les principales raisons expliquant le bas taux d’emploi au sein du marché du travail conventionnel est qu’il est jugé stressant, rigide, compétitif et individualiste alors qu’en milieu autochtone, la souplesse, l’ouverture et la collaboration seraient plus fréquentes.

2.2 Analyses socio-économiques des Autochtones en milieu urbain

En étant plus représentés au sein villes canadiennes, il est pertinent de savoir dans quelles mesures les Autochtones urbains, au fil des années, se sont adaptés au courant économique, sociologique et politique dominant du pays.

Satzewich et Wotherspoon (2003) se sont intéressés à savoir comment les dynamiques des classes sociales ont changé à mesure que la population autochtone se concentrait davantage dans les milieux urbains. Cette étude trace un tableau d’un certain nombre de facteurs importants qui peuvent justifier des études plus approfondies des classes sociales autochtones. Les auteurs observent une augmentation graduelle chez les Autochtones urbains des emplois et des catégories associées aux aspects du travail et de l’identité des classes moyennes. Entre autres, le travail autonome et la gestion de petites entreprises ont augmenté considérablement chez les personnes d’origines autochtones, soit une hausse de 170% (par rapport au taux canadien de 65%) entre 1981 et 1996. De ce nombre, la moitié habite en ville et environ le tiers sont des femmes. Ce groupe urbain est un noyau de travailleurs autochtones vivant une situation beaucoup plus favorable que celle de la vaste majorité de la population autochtone. Il est donc évident, selon eux, qu’il existe un segment relativement petit, mais distinct, de la population urbaine qui occupe des postes associés à une nouvelle classe moyenne autochtone.

Concernant le succès des Autochtones urbains, utilisant le recensement de 1991, Kuhn et Sweetman (2002) ont trouvé que la réussite sur le marché du travail est plus grande pour les Autochtones qui ont des ancêtres s’étant mariés avec des Non-autochtones, pour ceux qui vivent hors de la réserve, et pour ceux vivant à l’extérieur du Yukon et du territoire du Nord-Ouest. Ces trois constats peuvent être expliqués seulement par l’acquisition de compétences ou par l’hypothèse d’assimilation. Le but de l'étude est donc d’étudier l’assimilation économique des Autochtones. En regardant du côté de l’emploi, les Autochtones ayant une

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13 ascendance mixte semblent être grandement assimilés puisque leurs résultats sont très semblables à ceux des autres canadiens n’étant pas d’une minorité visible, alors que les Autochtones ayant qu’une seule origine ethnique travaillent et gagnent moins. Même en contrôlant les caractéristiques observables entre ceux ayant une et deux origines, il demeure tout de même une grande différence dans le taux d’emploi ainsi que le salaire. Selon les auteurs, les deux raisons pour expliquer cette différence est qu’il existe une discrimination envers les Autochtones ayant qu’une seule origine et/ou que les Autochtones "compétents" risque davantage de s’être mariés avec un Non-autochtone.

Il est reconnu que la scolarisation d’un individu peut contribuer pour beaucoup à son succès sur le marché du travail. Richards et Vining (2004) voulurent donc examiner les facteurs de réussite des étudiants autochtones hors réserve. Ils sont venus à la conclusion qu'il est primordial que l’on facilite la participation des Autochtones au système scolaire par des mesures telles que l’instauration d’un système scolaire autochtone distinct, ou encore la création d’écoles ayant comme mission de respecter les traditions autochtones. Ces recommandations sont basées sur la constatation que même si, dans la même école, les résultats moyens des élèves autochtones sont inférieurs à ceux des Non-autochtones, il ne s’agit pas là d’une situation généralisée. Les résultats aux examens des étudiants autochtones se sont avérés meilleurs dans les écoles où les résultats des Non-autochtones sont, eux aussi, meilleurs. Dans le même ordre d’idée, les auteurs affirment qu’un milieu où le revenu est supérieur engendre, par la même occasion, de meilleurs résultats scolaires chez les élèves autochtones. D'ailleurs, Sharpe et al., (2009) ont projeté jusqu'en 2026 les conséquences sur le marché du travail et sur la productivité de l'économie canadienne d'une parité ou d'une augmentation dans la participation scolaire chez les Autochtones. En 2026, si les Autochtones atteingnent le niveau d'éducation des Non-autochtones de 2001, comparativement au statu quo, cela augmenterait le revenu annuel de 36,5 G$. Toujours en 2026, en éliminant les principaux écarts sociaux, les dépenses gouvernementales chuteraient de 14,2 G$. En ne considérant pas d'amélioration sur les résultats sur le marché du travail, la population autochtone est estimée de représenter 7,4%, 12,7% (19,9%) et 11,3% (22,1%) de, respectivement, la croissance dans la population en âge de travailler, de celle de la main d'œuvre et celle du taux d'emploi, et ce, entre 2006 et 2026. Les chiffres entre parenthèses sont les cas où la population autochtone atteindrait le niveau d'emploi et des taux de participations de la population non-autochtone de 2006, d'ici 2026.

Frenette (2011, a) s’est aussi intéressé à la scolarisation des Autochtones. Plus précisément, il a voulu identifier les raisons potentielles de la différence dans les bénéfices de l'éducation entre les Autochtones et les Non-autochtones. En d’autres termes, il a tenté de savoir si les Autochtones récoltent moins de bénéfices sur le marché du travail d’une scolarité supplémentaire par rapport aux Non-autochtones et ce, à partir du Recensement de la population de 2006. Ses résultats suggèrent que les bénéfices sur le marché du travail de

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l’éducation ne sont pas un facteur derrière le niveau plus bas des rendements de l’éducation pour les Autochtones. Ainsi, une scolarisation supplémentaire est généralement associée à une plus grande baisse dans la probabilité d’être sur le chômage pour les Autochtones, comparativement aux Non-autochtones et les bénéfices, en termes relatif et absolu de cette année supplémentaire, sont également plus grands, tant pour les Autochtones urbains que sur réserves. Parmi les bacheliers travaillant à temps plein, les deux groupes ont le même salaire, mais les Autochtones ont un taux de chômage plus grand à disciplines égales. De plus, les deux groupes n’étudient généralement pas dans les mêmes domaines puisque les Autochtones sont plus portés à choisir des sphères comme l’éducation, les arts ou les sciences sociales, alors que les Non-autochtones se dirigent davantage vers le génie, les mathématiques ou l’informatique. Cependant, il faut mentionner que les Autochtones sur et hors-réserve ont été combinés ensemble.

Frenette (2011, b), dans la deuxième phase de sa recherche, a aussi tenté d’identifier si l’écart dans la scolarisation entre la jeunesse autochtone et non-autochtone demeure après avoir pris en considération les différences dans les caractéristiques académiques et socioculturelles observables. Tout comme nous, il a aussi utilisé la décomposition Oaxaca-Blinder. Il a également déterminé dans quelle mesure les caractéristiques observables sont corrélées avec les résultats académiques. Il conclut que la clé pour comprendre l’écart dans la scolarisation entre les deux groupes se trouve dans les facteurs académiques, spécialement dans la performance scolaire et non dans les revenus parentaux ou les incitatifs économiques, contredisant donc Richards et Vining (2004). 90% de l’écart dans la présence dans les universités parmi les diplômés du secondaire provient des différences dans les caractéristiques académiques (45%) et socio-économiques (45%). Comme il le mentionne, ses résultats vont dans le même sens que plusieurs travaux ayant tous utilisées, à différents niveaux, la décomposition Oaxaca-Blinder pour étudier l'écart salarial entre Autochtone et Non-autochtone, dont quelques-uns sont présentés ci-dessous.

En utilisant les Recensements de 1986 et 1991, De Silva (1999) vérifie et tente de compléter les résultats de George & Kuhn (1994), qui est considéré comme l'une des recherches les plus méticuleuses dans la comparaison salariale entre les Autochtones et les Non-autochtones. Ce dernier rapporte une différence salariale brute de 11% en faveur des Non-autochtones. En comparaison, il trouve que celle entre les hommes et les femmes est de 35%. De plus, il estime que les femmes autochtones sont moins désavantagées (7%) que peuvent l'être les hommes (12%) vis-à-vis leur contrepartie non-autochtone. Finalement, allant dans le même éventail que Frenette (2011, b), la différence dans la dotation des caractéristiques observables compte pour en moyenne 50% de la différence dans les revenus bruts, et ce, pour les deux sexes. Pour ce qui est de De Silva (1999), la différence dans la dotation se chiffre à 65%, laissant donc peu de place pour une discrimination potentielle. Dans cette dernière statistique, l'âge et l'éducation sont les composantes les plus importantes. De plus, en mettant au même niveau l'éducation entre les deux groupes, cela a pour

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15 conséquences de faire diminuer de 13% la différence dans le revenu brut pour les hommes, et 17% pour les femmes. Par contre, dans ces deux études, les auteurs ont utilisé les données du Recensement. Comme nous allons le mentionner ultérieurement, il n'y a pas de distinction entre les Autochtones vivant sur et hors réserve dans les données du Recensement, ce qui rend donc impossible de réellement quantifier la différence par rapport à ceux vivant en ville. De plus, les Autochtones de l'étude sont des individus ayant au moins une origine autochtone déclarée, rendant aussi difficile de parler de discrimination autochtone pure. Walters et al, (2004) affirment que lorsque le niveau de scolarité et les caractéristiques socio-économiques sont prises en compte, les gradués autochtones, après le secondaire, gagnent plus que ceux Non-autochtones, et ce, malgré qu'ils ont une perspective d’emploi moins bonne.

Même si l'écart dans le revenu et dans les caractéristiques sociaux-économiques perdure, il y a tout de même eu un rétrécissement de quelques écarts entre 1981 et 2001. On note une amélioration considérable dans le niveau de scolarité des Indiens inscrits hors/dans réserve pour les deux sexes, ainsi qu'une plus grande augmentation de l'espérance de vie (7,2 ans) comparativement aux autres canadiens (3,1 ans). Il est néanmoins difficile de trouver des évidences d'une amélioration dans le revenu durant cette période. Les hommes autochtones vivant hors réserve ont, en moyenne, un revenu plus élevé que ceux vivant dans les réserves, et ce, même si leur revenu a très peu changé au courant de cette période. Pour ce qui est des femmes autochtones, celles vivant hors réserve ont eu une plus grande augmentation dans leur revenu comparativement aux hommes (Cooke et al, 2013).

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Chapitre 3

Méthodologie

Dans ce chapitre, nous présentons le modèle économétrique que nous utilisons pour estimer l’effet d'être un Autochtone dans une grande ville canadienne. En utilisant la méthode d'appariement, nous pouvons quantifier jusqu'à quel point les Autochtones sont désavantagés dans leur revenu, par rapport à leurs homologues Non-autochtones, si la seule différence entre ces deux groupes est l'ethnicité. Par contre, comme cette méthode n'aborde pas directement la corrélation entre les caractéristiques observables et le revenu, il nous est impossible d'estimer les différents rendements de ces caractéristiques qui peuvent expliquer une partie de l'écart entre les deux groupes. Les différentes versions de la décomposition Oaxaca-Blinder permettent d'estimer dans quelles mesures cette différence dans le revenu provient d'une discrimination envers les autochtones, et quelles sont les contributions des caractéristiques observables à cette discrimination. Inspiré fortement d'Imbens et Wooldridge, (2007) pour la méthode d'appariement et de Sinning et al, (2008) , Jann, (2008) et Fortin et al., (2011) pour les décompositions Oaxaca-Blinder, le présent chapitre établit en profondeur ces différentes méthodes qui peuvent s'apparenter aux méthodes utilisées pour évaluer les effets de traitements qui, dans notre cas, est l'effet d'être un Autochtone. De cette manière, le "traitement" que nous exécutons est de permuter un individu d'origine autochtone (A) avec un d'origine non-autochtone (NA). Il est à noter qu'aux fins de simplification, la méthodologie est présentée en terme d'Autochtones, représentant le groupe ayant le moins de revenus, et en terme de Non-autochtones qui eux, représentent le groupe en a le plus. Pour les autres groupes étudiés dans ce mémoire, les comparaisons ont été établies en identifiant le groupe ayant le plus de revenus et celui qui en a le moins.

L'effet de traitement moyen au sein de la population (PATE) et dans celui de l'échantillon (SATE) peuvent s'écrire comme étant la différence entre l'espérance du revenu des Autochtones (YA) et celui des Non-Autochtones (YNA) :

PATE,SATE = E[YA] - E[YNA] (3.1)

Dans plusieurs cas, l'effet de traitement sur les traités (SATT) qui est, dans notre cas, l'effet d'être un Autochtone pour les Autochtones (DA = 1), est souvent plus important que l'effet sur l'échantillon total (lmbens, 2004) et (Heckman, Ichimura et Todd, 1998) :

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18

SATT= E[YA|DA = 1] - E[YNA|DA = 1] (3.2)

3.1 Méthodes d'appariement du plus proche voisin

Cette méthode de jumelage impute le revenu potentiel manquant de chaque individu. Pour y arriver, nous utilisons une moyenne du revenu des individus similaires, provenant du groupe ethnique opposé avec qui il est jumelé. Les similarités entre les individus sont basées sur la corrélation entre différentes caractéristiques observables, dont la plus utilisée est la distance Mahalanobis :

dM(x , z) = (x - z)' ( ∑ )(-1X x - z)

qui est une mesure d'opposition entre deux vecteurs aléatoires (x et z ) de la même distribution avec la matrice de covariance des caractéristiques observables . L'effet de traitement moyen de notre échantillon (SATE) est calculé en prenant la moyenne, pour tous les individus, de la différence entre le revenu observé (Yi) et celui qui leur est imputé. Après avoir établi la métrique utilisée, le chercheur n’a besoin que de se préoccuper du nombre de jumelages formé à partir de la proximité des différentes distances Mahalanobis entre les deux groupes étudiés.

Utiliser qu’une seule paire mène à l’inférence la plus crédible, et ce, avec le moins de biais, mais en sacrifiant un peu de précision. C'est donc pourquoi nous utiliserons qu'un seul jumelage. Généralement, le revenu imputé de chaque individu (𝑌̂i) est estimé selon :

𝑌̂i(0) = { Y1i si DA = 0, M∑j ∈ τM(i)Yj si DA = 1,

𝑌̂i(1)= { Y1i si DA = 1, M∑j ∈ τM(i)Yj si DA = 0,

(3.3) où τM(i) = {φ1(i), ..., φM(i)} est l'ensemble d'indices du jumelage M de l'individu i comprenant φ1(i) qui est son couplage le plus proche. C'est donc dire que si cet individu est un Autochtone (DA = 1), alors son revenu estimé, 𝑌̂i(1), est égal à son revenu observé, Yi. Il faut donc lui imputer une valeur pour 𝑌̂i(0), puisque manquante. L'imputation est faite à partir de la moyenne des revenus observés des Non-autochtones avec qui l'Autochtone, l'individu i, est jumelé. Si l'individu avait été un Non-autochtone (DA = 0), il aurait suffi de faire l'opération inverse.

Par contre, comme mentionné précédemment, nous utilisons qu'un seul jumelage. Nous pouvons donc reformuler l'équation (3.3) par:

𝑌̂i(0) = { YYi si DA = 0,

j = 𝜑1(𝑖) si DA = 1,

𝑌̂i(1)= { YYi si DA = 1,

(35)

19 où Yj = 𝜑1(𝑖) est le revenu de l'individu j qui est le couplage le plus proche de l'individu i.

Par la suite, nous estimons l'effet de traitement moyen (l'effet d'être un Autochtone), R ̂M, en faisant une moyenne de tous les individus. Cette moyenne est la combinaison des différences entre les soustractions des revenus observés et ceux imputés, pour les Autochtones, avec celles des Non-autochtones qui sont les soustractions entre les revenus imputés et observés (Imbens & Wooldridge, 2007) :

𝑌̂i = N1∑𝑁 [𝑌̂𝑖(1) − 𝑌̂𝑖(0)]

𝑖 =1

(3.4)

Par contre, l'estimateur d'appariement simple est biaisé dans des échantillons finis lorsque le jumelage n'est pas exact. Abadie et Imbens(2002) montrent que, avec k variables indépendantes continues, l'estimateur va avoir un terme correspondant aux écarts de jumelage, se référant à la différence des variables indépendantes pour les unités jumelées et leurs jumelages. Nous avons donc aussi utilisé une approche qui tente d'éliminer une partie de ce de biais demeurant après le jumelage, nommée SATTB. Cette dernière méthode ajoute à l'équation 3.3 une différence entre la fonction de régression du revenu sur les caractéristiques observables des individus traités (qui ont été permutés avec l'autre origine ethnique), 𝜇̂𝑔(𝑋𝑖), avec celle des individus non traités (qui n'ont pas été permutés avec l'autre origine ethnique), 𝜇̂𝑔(𝑋𝑗(𝑖)), et ce, pour chacun des deux groupes ethniques, g, tel que définit par l'équation suivante :

𝑌̃(0) = { YYi si DA = 0,

j = 𝜑1(𝑖)+ [ 𝜇̂𝐴(𝑋𝑖) - 𝜇̂𝐴(𝑋𝑗(𝑖))] si DA = 1,

𝑌̃(1) = { YYi si DA = 1,

j = 𝜑1(𝑖)+ [ 𝜇̂𝑁𝐴(𝑋𝑖) - 𝜇̂𝑁𝐴(𝑋𝑗(𝑖))] 𝑓si DA = 0,

3.2 Méthodes de décomposition

3.2.1

Décomposition Oaxaca-Blinder double

Les méthodes de décomposition résultent des premiers articles scientifiques d'Oaxaca (1973) et Blinder (1973) qui portaient, à la base, sur le domaine de l'économie du travail. En plus d'être la pionnière de la méthode de décompositions, la décomposition Oaxaca-Blinder est aujourd'hui l'une des plus utilisée par les économistes appliqués.

Cette méthode est souvent utilisée pour étudier l'effet de faire partie d'un certain groupe (sexe, ethnie, etc..) sur le marché du travail, en décomposant la différence moyenne dans les salaires. Dans notre cas, les

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salaires seront remplacés par le log du revenu et sera décomposé par des modèles de régressions linéaires hypothético-déductifs (relatif à ce qui aurait pu se produire si l'individu i faisait partie de l'autre groupe). La première hypothèse standard utilisée dans ce type de décomposition est que Y , le vecteur de résultats des différences du revenu (Ygi), est linéairement dépendant de X , le vecteur des caractéristiques observables indépendantes (Xik). Ensuite, la deuxième hypothèse est que ε, le vecteur des erreurs (εgi), doit être indépendant du vecteur des caractéristiques observables. Ces hypothèses peuvent être énoncées par : Ygi= β0g + ∑K Xikβgk + εgi , g = NA

k=1 ,A (3.5)

où: E(εgi| Xi ) = 0 et X = (𝑋𝑖 = [𝑋𝑖1, . . . , 𝑋𝑖𝐾

]

)

.

Un individu d'origine non-autochtone (NA) ou autochtone (A) possède un revenu selon, respectivement, une composante expliquée mNA ou mA,. À leur tour, ces deux composantes sont fonctions de leurs caractéristiques observables (X) et inobservables () respectives :

YNAi = mNA(Xi , i ) et YAi = mA (Xi , i ) (3.6) où: i possède une distribution conditionnelle F|X étant donné X. Par la suite, à partir du revenu de chacun

des individus et en faisant des moyennes pour chacun des groupes, nous devons estimer l'écart de revenu moyen total entre les Non-autochtones (NA) et les Autochtones (A), qui peut être défini comme:

R ̂ =𝑌̅𝑁𝐴− 𝑌̅𝐴

(3.7)

Au niveau de la population, en prenant les espérances conditionnelles fixées à X, l'écart de revenu moyen total peut être écrit comme étant :

R = E[𝑌𝐴|𝐷𝐴= 1] − E[𝑌𝐴|𝐷𝐴 = 0]

= E[E(YA|X ,DA = 1)|DA = 1] − E[E(YNA|X, DA = 0)|DA = 0]

= (E[X |DA = 1]βA + E[εA|DA = 1]) − (E[X |DA = 0 ]βNA + E[εNA|DA = 0 ]).

où: E[εNA|DA = 0] = E[εA|DA = 1 ] = 0. En additionnant et soustrayant le revenu moyen hypothético-déductif que les Autochtones auraient eu en ayant la partie inexpliquée des Non-autochtones, E[𝑿|𝐷𝐴= 1 ]𝛽𝑁𝐴, l'expression précédant devient :

(37)

21 que nous pouvons simplifier par :

R = 𝑅⏟𝑆 𝐼𝑛𝑒𝑥𝑝𝑙𝑖𝑞𝑢é𝑒

+ 𝑅⏟𝑋 𝐸𝑥𝑝𝑙𝑖𝑞𝑢é𝑒

(3.8)

Dans le cadre de ce mémoire, nous estimons donc l'équation (3.8) qui divise l'écart du revenu moyen entre les Non-autochtones et les Autochtones par une partie qui est "expliquée" par les différences dans des caractéristiques observables, 𝑅 ̂𝑋, par exemple l'éducation, et par une partie résiduelle qui ne peut provenir de ces différences dans les déterminants du revenu. Cette partie "inexpliquée", 𝑅 ̂𝑆, capte donc la différence dans les rendements marginaux des caractéristiques observables, mais est aussi souvent utilisée comme une mesure de la discrimination. L'équation estimée est alors :

𝑅̂ = (𝛽̂0A -𝛽̂0NA) + ∑K 𝑋̅Ak (𝛽̂Ak - 𝛽̂NAk) k=1 ⏟ R ̂S (Inexpliquée) + ∑K (𝑋̅Ak- 𝑋̅NAk)𝛽̂NAk k=1 ⏟ R ̂X (Expliquée) (3.9)

où : 𝛽̂0g est l'intercepte estimé et 𝛽̂gk(k = 1,...,K) sont les coefficients estimés de la pente des modèles de régression pour les groupes g = NA, A.

Par contre, les scénarios hypothético-déductifs simples présentés précédemment pourraient ne pas être toujours appropriés pour répondre à notre question de recherche, étant donné les différentes réalités des groupes étudiés. Par exemple, la partie inexpliquée des Non-autochtones risque de ne pas représenter adéquatement le scénario hypothético-déductif du revenu estimé des Autochtones dans un monde sans discrimination. La prochaine section introduit le modèle de décomposition Oaxaca-Blinder double alternative qui tente de résoudre ce problème.

3.2.2

Décomposition Oaxaca-Blinder double alternative

Neumark (1988) & Oaxaca et Ransom (1994) ont élaboré une version plus générale de la décomposition Oaxaca-Blinder, se traduisant par :

𝑅 ̂ = (𝑋̅𝐴 − 𝑋̅𝑁𝐴)𝛽̂∗ 𝑅 ̂X + [𝑋̅𝐴 (𝛽̂𝐴 − 𝛽̂∗) + 𝑋̅ 𝑁𝐴(𝛽̂∗ − 𝛽̂𝑁𝐴) ⏟ 𝑅 ̂S ] (3.10) où: 𝛽∗ = Ωβ

NA + ( I − Ω)βA. Cette dernière composante est une moyenne pondérée des vecteurs de

coefficients de βNA et βA, permettant de refléter une pondération correspondante aux poids de chacun des groupes étudiés. En d'autres termes, cette moyenne est un vecteur de coefficients non discriminatoire. Pour

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22

ce qui est de Ω, elle est une matrice pondérée égalant I, la matrice identité, si 𝛽∗ = βNA et égalant 0, si 𝛽 =

βA.

Pour estimer le vecteur des coefficients non discriminatoire, 𝛽∗, et lui donner une représentation juste de chacun des groupes dans l'échantillon, Reimers (1983) propose d’utiliser la moyenne des coefficients des deux groupes :

β̂∗= 0.5𝛽̂

𝑁𝐴+ 0.5𝛽̂∗𝐴

Alternativement, Cotton (1988) suggère, quant à lui, de pondérer les coefficients par l'importance des groupes (𝑁𝐴 et 𝐴) :

𝛽̂∗= 𝑁𝐴

𝑁𝐴 + 𝐴𝛽̂∗𝑁𝐴 +

𝐴

𝑁𝐴 + 𝐴𝛽̂∗𝐴

Pour chacune des pondérations, il est également possible de séparer la partie inexpliquée en deux parties. La première (𝑅𝑆𝑁𝐴) est une composante captant l'avantage dans le rendement marginal sur les caractéristiques observables de faire partie du groupe ayant le plus haut revenu, alors que la deuxième (𝑅𝑆𝐴) est une composante captant le désavantage de faire partie du groupe ayant le plus faible revenu. Tant pour l'avantage que pour le désavantage, ces statistiques sont estimées par rapport aux différents groupes pondérés, et ce, de la manière suivante : 𝑅𝑆 = E(𝑋⏟ 𝑁𝐴)′𝜹𝑵𝑨 𝑅𝑆𝑁𝐴 − E(𝑋⏟ 𝐴)′𝜹𝑨 𝑅𝑆𝐴

(3.11)

où : 𝛽𝑁𝐴 = 𝛽∗ + 𝜹𝑵𝑨 et 𝛽𝐴 = 𝛽∗ + 𝜹𝑨. De plus, les composantes 𝜹𝑵𝑨 et 𝜹𝑨sont les vecteurs du paramètre de discrimination de chacun des groupes.

Alternativement, les parties inexpliquées et expliquées peuvent aussi être décomposées en différentes composantes captant la contribution individuelle des caractéristiques observables sur ces deux parties. La prochaine section fait l'introduction de cette décomposition.

3.2.3

Décomposition Oaxaca-Blinder double détaillée

Dénotées 𝑅 ̂𝑋𝑘 et 𝑅 ̂𝑆𝑘 , ces composantes captent, respectivement, l'importance de chacune des variables exogènes sur la partie expliquée, 𝑅 ̂𝑋, et inexpliquée, R ̂S. Par exemple, nous pourrions vouloir connaître

(39)

23 jusqu'à quel point l’écart dans les caractéristiques est dû à la différence dans le niveau de scolarité, ou bien dans quelles mesures la partie inexpliquée est causée par l'écart sur le rendement de l'éducation.

Formellement, 𝑅 ̂𝑋𝑘 est la portion de 𝑅 ̂𝑋 qui est seulement due aux différences dans la distribution de 𝑋𝑘 entre les deux groupes. Pour ce qui est de 𝑅 ̂𝑆𝑘 , elle est la portion de 𝑅 ̂𝑆 qui est due seulement à la différence dans les paramètres de 𝑚𝑁𝐴 (. , . ) et 𝑚𝐴 (. , . ) qui eux, sont composés de 𝑋𝑘. Similairement, 𝑅 ̂𝑆, la contribution des caractéristiques inobservables à la partie inexpliquée, est la portion de R ̂S qui est due aux différences dans les paramètres de  dans mNA (. , . ) et mA (. , . ) :

R ̂S = (β̂⏟ 0A − β̂0NA) Effet du groupe omis

+ ∑ X̅⏟ Ak (β̂Ak − β̂NAk) Contribution de la kième

caractéristique obs. sur la partie inexpliquée K

k=1 (3.12)

𝑅 ̂𝑋 = ∑ (X̅⏟ Ak− X̅NAk) β̂NAk Contribution de la kième

caractéristique obs. sur la partie expliquée K

k=1 (3.13)

En d'autres termes, chaque élément de la somme de l'équation (3.12) peut être interprété comme la contribution à l'effet total de la partie inexpliquée à la différence sur le rendement de la k ième variable

indépendante entre les deux groupes, et ce, évaluée à la valeur de 𝑋̅𝐴𝑘. Que cette décomposition soit économiquement significative ou pas, dépends du choix du groupe omis. Les caractéristiques inobservables ne font aucune contribution à la partie expliquée en raison de l'hypothèse d'indépendance mentionnée précédemment.

(40)

Figure

Tableau I. 1: Réparation par villes
Tableau I. 2: Statistiques socio-économiques pour les agglomérations urbaines canadiennes     Autochtones  Non-autochtones  2001  2006  2001  2006  % de la population de 15 à 19 ans   &lt;  secondaire     24%  18%  14%  16%  % de la population de 25 à 44 a
Tableau 1. 2: Rappel historique (Suite)
Tableau 4. 1: Âge moyen selon...
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